N° 670 - Rapport d'information de MM. Christophe Caresche et Didier Quentin déposé par la commission des affaires européennes portant observations sur le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires




No 670

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 février 2013.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)

portant observations

sur le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires

ET PRÉSENTÉ

PAR MM. Christophe CARESCHE et Didier QUENTIN ,

Députés

——

La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Danielle AUROI, présidente ; Mmes Annick GIRARDIN, Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Pierre LEQUILLER, vice-présidents ; MM. Christophe CARESCHE, Philip CORDERY, Mme Estelle GRELIER, M. André SCHNEIDER, secrétaires ; MM. Ibrahim ABOUBACAR, Jean-Luc BLEUNVEN, Alain BOCQUET, Emeric BREHIER, Jean-Jacques BRIDEY, Mme Nathalie CHABANNE, M. Jacques CRESTA, Mme Seybah DAGOMA, M. Yves Daniel, MM. Charles de LA VERPILLIÈRE, Bernard DEFLESSELLES, Mme Sandrine DOUCET, M. William DUMAS, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FROMION, Hervé GAYMARD, Mme Chantal GUITTET, MM. Razzy HAMMADI, Michel HERBILLON, Marc LAFFINEUR, Mme Axelle LEMAIRE, MM. Christophe LÉONARD, Jean LEONETTI, Arnaud LEROY, Michel LIEBGOTT, Mme Audrey LINKENHELD, MM. Lionnel LUCA, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MIGNON, Jacques MYARD, Michel PIRON, Joaquim PUEYO, Didier QUENTIN, Arnaud RICHARD, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Jean-Louis ROUMEGAS, Rudy SALLES, Gilles SAVARY, Mme Paola ZANETTI.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

I. LE PRINCIPE D’UNE SÉPARATION AU SEIN DES ACTIVITÉS BANCAIRES EST UNANIMEMENT PARTAGÉ, MAIS SES MODALITÉS DE MISE EN œUVRE DIVERGENT SELON LES MODÈLES BANCAIRES 7

A. LES RÉFORMES MENÉES À L’ÉTRANGER PRÉSENTENT CHACUNE DES SPÉCIFICITÉS FORTES 7

1. La réforme américaine : interdire aux établissements de dépôt les activités de négociation pour compte propre 8

2. La réforme britannique : cantonner les activités de banque de détail 11

3. La réflexion engagée au niveau européen : cantonner les activités les plus risquées en veillant à tenir compte à la fois des spécificités du modèle européen et de la diversité des secteurs bancaires nationaux 15

4. La proposition allemande, à la croisée des chemins du rapport Liikanen et du projet français 18

B. LA PROPOSITION FRANÇAISE : CANTONNER LES ACTIVITÉS DONT L’UTILITÉ POUR L’ÉCONOMIE N’EST PAS AVÉRÉE TOUT EN PRÉSERVANT LE MODÈLE DE LA BANQUE UNIVERSELLE 19

1. La filialisation des activités de marché exercées par les banques pour leur propre compte et dont l’utilité pour l’économie n’est pas avérée 20

2. Une indépendance entre maison mère et filiale garantie à double titre 26

3. Le renforcement de la surveillance des activités et des pouvoirs confiés au superviseur 27

II. LA MISE EN PLACE D’UN RÉGIME DE PRÉVENTION ET DE RÉSOLUTION DES DÉFAILLANCES BANCAIRES EST INDISPENSABLE 29

A. PLUSIEURS PAYS ONT DÉJÀ ADOPTÉ DES DISPOSITIFS DE RÉSOLUTION 30

1. Les États-Unis 30

2. Le Royaume-Uni 30

3. L’Allemagne 32

B. LES NÉGOCIATIONS AU NIVEAU EUROPÉEN SONT TOUJOURS EN COURS 35

1. La proposition de directive établissant un cadre pour le redressement et la résolution des défaillances bancaires 35

2. Les réflexions sur la mise en place d’un cadre de redressement et de résolution pour les institutions non bancaires 38

C. SI LE PROJET FRANÇAIS RESPECTE LES GRANDES LIGNES DE LA PROPOSITION DE DIRECTIVE RELATIVE À LA RÉSOLUTION, IL S’EN DISTINGUE SUR CERTAINS ASPECTS 38

1. Le projet de loi français s’inscrit dans la logique de la proposition de directive relative à la résolution… 39

a) L’Autorité de contrôle prudentiel, nouvelle autorité de résolution 39

b) Des mesures de prévention des défaillances bancaires importantes 39

c) Une large palette d’instruments de résolution 40

2. … mais semble s’en écarter ponctuellement 41

a) Le déclenchement de la procédure de résolution 41

b) Les règles de renflouement interne 42

c) Les garanties accordées aux personnes concernées par la résolution 43

d) Le financement des mesures de résolution 44

(1) Un fonds unique pour la garantie des dépôts et la résolution 44

(2) Un volume et des modalités de financement à préciser 46

III. CES RÉFORMES DOIVENT S’ACCOMPAGNER D’AVANCÉES SUBSTANTIELLES EN MATIÈRE DE SUPERVISION, DE MISE EN œUVRE DES NOUVELLES EXIGENCES PRUDENTIELLES ET DE RESPONSABILISATION DES DIRIGEANTS 49

A. CONCRÉTISER RAPIDEMENT LE MÉCANISME DE SURVEILLANCE UNIQUE 49

B. METTRE EN œUVRE DE MANIÈRE COORDONNÉE LES NOUVELLES RÈGLES PRUDENTIELLES 52

C. RESPONSABILISER LES DIRIGEANTS ET PRENEURS DE RISQUE AU SEIN DES ÉTABLISSEMENTS DE CRÉDIT 55

1. Un premier levier : la rémunération 56

2. Un second levier : la responsabilité pénale 58

TRAVAUX DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPEENNES 61

ANNEXES 69

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Au-delà du cas emblématique des États-Unis, où la faillite de Lehman Brothers a été le point de départ de la crise financière, il apparaît que, depuis 2008, chaque pays européen a dû faire face aux difficultés rencontrées par au moins un de ses établissements bancaires.

Il en va notamment ainsi du Royaume-Uni, où la défaillance de Northern Rock a entraîné une ruée des déposants aux guichets à l’automne 2007, mais où la Royal Bank of Scotland et Barclays ont également été touchées, de l’Allemagne, où l’État a dû renflouer la Deutsche Bank et la Commerzbank et où la situation des Landesbank s’est révélée préoccupante, de l’Espagne, avec le sauvetage de Bankia et des caisses d’épargne, de l’Italie, où la Banca Monte dei Paschi di Siena fait l’objet d’un renflouement par la banque centrale d’Italie, de l’Irlande, qui a dû mettre en place un plan de sauvetage de son système, mais aussi de la France et de la Belgique, avec la défaillance de Dexia et, dans le cas français, les difficultés rencontrées par Natixis et aujourd’hui par le Crédit immobilier de France.

Force est de constater la variété des établissements touchés. Grande ou petite, spécialisée ou universelle, d’investissement ou de dépôt, aucun modèle de banque n’a été épargné. Ces défaillances présentent toutefois plusieurs points communs : une régulation prudentielle insuffisante, un défaut manifeste de supervision, l’existence d’un risque systémique et la prédominance d’un aléa moral favorisé par la garantie implicite de l’État qui a conduit le système financier à une prise de risque excessive et, in fine, à la mobilisation de concours publics.

Face à cette diversité de situations, les traitements, le plus fréquemment mis en place dans l’urgence, ont consisté d’une part en des solutions privées, avec le cas échéant l’appui des autorités publiques, et d’autre part en des interventions étatiques sous forme de garanties publiques et de nationalisations partielles ou totales. C’est ainsi le plus souvent sur le contribuable que le coût du traitement des défaillances bancaires a pesé. Selon la Commission européenne, 4 500 milliards d’euros d’aides publiques auraient été mobilisés entre 2008 et 2011 au bénéfice des établissements financiers.

Les faiblesses de la régulation bancaire et financière ainsi mises au jour ont conduit à une prise de conscience au niveau international – en particulier dans le cadre du G20 –, au rang européen où la Commission européenne a multiplié les initiatives (retracées en annexe 3 du rapport) et où le Conseil européen a donné une nouvelle impulsion avec la décision prise en juin 2012 de mettre en place l’union bancaire –, mais aussi à l’échelon national, avec en particulier les réflexions menées aux États-Unis, au Royaume-Uni, mais également en Allemagne et en France, sur la nécessité de revoir en profondeur le système actuel.

Cinq axes complémentaires sont privilégiés : le renforcement des exigences prudentielles, l’amélioration des mécanismes de supervision et de contrôle interne, l’évolution de la gouvernance et de la responsabilité des dirigeants et des preneurs de risques, la mise en place de dispositifs de prévention et de résolution des défaillances et, enfin, l’évolution de la structure même des banques.

Le projet de loi français de séparation et de régulation des activités bancaires, sur lequel la commission des Affaires européennes formule ici ses observations en application de l’article 151-1-1 du règlement de l’Assemblée nationale, se concentre plus particulièrement sur les deux derniers axes mentionnés. Il propose en effet de filialiser les activités spéculatives exercées par les banques pour leur compte propre et d’instaurer un régime de prévention et de résolution des crises bancaires.

Le projet de loi s’inscrit ainsi dans un calendrier parallèle à celui de l’Union européenne, qui n’a pas encore formulé de proposition sur la séparation des activités bancaires et négocie de manière soutenue les modalités de l’harmonisation des régimes de prévention et de résolution des défaillances bancaires. La quasi-simultanéité de sa présentation avec celle du projet de loi allemand sur le cloisonnement des activités bancaires (intervenue le 6 février dernier) témoigne de la volonté commune des deux pays, réaffirmée dans la déclaration de Berlin à l’occasion du cinquantième anniversaire du traité de l’Élysée, de jouer un rôle moteur en Europe.

Afin d’assurer l’efficacité de ces réformes essentielles, des avancées substantielles doivent également être réalisées au niveau européen dans la mise en place d’un mécanisme de supervision unique efficace, la mise en œuvre des nouvelles règles prudentielles de Bâle III et une responsabilisation accrue des dirigeants des établissements de crédit.

I. LE PRINCIPE D’UNE SÉPARATION AU SEIN DES ACTIVITÉS BANCAIRES EST UNANIMEMENT PARTAGÉ, MAIS SES MODALITÉS DE MISE EN œUVRE DIVERGENT SELON LES MODÈLES BANCAIRES

L’objectif de la réforme structurelle des banques doit être d’assurer une sécurité supplémentaire à la société sans nuire au financement et au fonctionnement de l’économie. Il s’agit de garantir une meilleure résistance des banques en cas de crise financière et une facilitation des plans de résolution et de redressement grâce au cantonnement du risque, et, ainsi, de limiter le recours à la garantie implicite de l’État et l’aléa moral qui en découle.

La poursuite de cet objectif soulève deux questions essentielles :

– quels critères retenir pour opérer le distinguo entre les activités ?

– quelles modalités de mise en œuvre privilégier ?

Il apparaît qu’il existe autant de schémas possibles que de modèle de système bancaire. Tous affirment poursuivre un objectif d’intérêt général, mais chacun présente des spécificités qui ont le plus souvent pour objet de défendre au mieux le secteur bancaire national.

Le concepteur de la réforme menée au Royaume-Uni, John Vickers2, que la mission d’information a rencontré à Oxford, considère ainsi Erkki Liikanen, l’initiateur de la réflexion en Europe, comme son frère, et Paul Volcker, l’instigateur de le restructuration conduite aux États-Unis, comme leur grand-oncle lointain.

Le projet de réforme français s’inscrit directement dans cette dynastie, en proposant une synthèse des réflexions menées mais en y apportant quelques nuances. Le projet allemand apparaît comme un cousin très proche.

L’objectif commun des pistes de réforme du secteur bancaire présentées jusqu’à présent est de protéger les déposants et de limiter les appels aux contribuables en cas de défaillance bancaire, mais également de défendre et promouvoir leur propre modèle bancaire. Aussi, les modalités retenues diffèrent grandement.

Tandis que Paul Volcker prône d’interdire aux établissements de dépôt l’exercice des activités de négociation pour compte propre, la commission présidée par John Vickers défend un cloisonnement strict de la banque de détail et le groupe d’experts européens coordonné par le gouverneur de la Banque de Finlande Erkki Liikanen suggère de filialiser les activités de spéculation. Si le projet allemand s’inscrit dans cette dernière lignée, la solution française apparaît comme une synthèse intelligente de l’ensemble de ces réflexions.

Les États-Unis présentent une double particularité.

Alors qu’une séparation des activités des banques avait été mise en place en 1933, avec le Glass-Steagall Act, afin de répondre à la crise de 1929, celle-ci a été supprimée en 1999. Toutefois, certaines dispositions demeurent en vigueur (cf. infra).

Il existe par ailleurs comme une « culture » de la faillite des banques, liée à la structure même du secteur bancaire américain, en ce sens que, chaque année, plusieurs petites banques disparaissent sans que cela n’entraîne de dysfonctionnement de l’économie.

C’est Paul Volcker, ancien directeur de la Réserve fédérale américaine, qui est à l’origine de la réforme menée aux États-Unis à la suite de la crise financière déclenchée en 2007. Partant du constat que le Glass-Steagall Act avait perdu de son efficacité à cause d’une complaisance croissante des autorités et de la multiplication des innovations financières permettant de contourner la loi, il suggère une réforme dont les principes reposent sur l’interdiction faite aux banques de dépôts d’exercer des activités de négociation pour compte propre et d’entretenir des liens financiers via le sponsoring ou l’investissement avec des hedge funds et des fonds de private equity.

Cette « règle de Volcker » a été adoptée par le Dodd Frank Act du 21 juillet 2010, qui introduit une nouvelle section (no 13) dans le Bank Holding Company Act (BHC) de 1956.

Un délai de cent quatre-vingts jours a été prévu entre la promulgation du texte et l’entrée en vigueur des mesures. S’agissant des investissements interdits, les entités concernées disposent d’un délai de deux ans à compter de la date de prise d’effet du texte pour se conformer à la réglementation, délai pouvant être prolongé d’une année supplémentaire sur décision de l’agence bancaire fédérale compétente.

LES GRANDES LIGNES DE LA RÉFORME MENÉE AUX ÉTATS-UNIS

(règle de Volcker mise en œuvre par le Dodd Frank Act de juillet 2010)

1- Interdire la négociation pour compte propre aux banques de dépôt

► Sont concernés les établissements de dépôt qui bénéficient de la garantie publique et les entreprises contrôlant de tels établissements ou considérées comme des holdings bancaires.

► De multiples aménagements et exceptions sont prévus :

ces activités peuvent être exercées sous réserve d’une autorisation légale distincte. Elles sont alors soumises aux restrictions émises par l’agence fédérale bancaire ;

• la définition retenue pour les activités de négociation pour compte propre recouvre l’achat, la vente ou toute autre acquisition ou détention d’actions, obligations, options, matières premières, dérivés ou autres instruments financiers pour le compte de l’entreprise elle-même. En sont donc exclues les activités de tenue de marché ou toute autre activité destinée à faciliter la relation avec le client, ce qui inclut les activités de couverture des opérations précédemment citées ;

ne sont pas visées par l’interdiction :

les activités de négociation sur les obligations émises par les États-Unis, toute agence affiliée, le Government National Mortgage Association (Fannie Mae), le Federal Home Loan Mortgage Corporation (Freddie Mac), tout État et toute collectivité du territoire ;

dès lors qu’elles sont exercées en dehors des États-Unis et sous réserve qu’elles ne soient pas contrôlées par une compagnie organisée aux États-Unis, les activités suivantes :

– les participations ou activités réalisées par une entreprise de droit étranger, lorsque l’essentiel de l’activité est réalisé à l’étranger ;

– les participations ou activités réalisées par une entreprise n’ayant qu’une activité accessoire aux États-Unis.

2– Interdire aux banques de dépôts le sponsoring et l’investissement dans les hedge funds et les fonds de private equity

► Sont concernés les établissements de dépôt qui bénéficient de la garantie publique et les entreprises contrôlant de tels établissements ou considérées comme des holdings bancaires.

► Les aménagements et exceptions sont les suivantes :

les transactions avec les hedge funds et les fonds de private equity sont autorisées, à condition d’être réalisées aux conditions du marché, dans les cas suivants :

* transaction couverte ;

* vente de titres ou autres actifs ;

* fourniture de service en vertu d’un contrat ;

* opération dans laquelle la filiale intervient en tant qu’agent ou broker et est rémunérée par la société mère ;

* transaction avec un tiers à laquelle participe une filiale ou dans laquelle elle a un intérêt financier.

ne sont pas concernés par l’interdiction les investissements dans les petites entreprises d’investissement ou destinés principalement à promouvoir l’intérêt général, sous réserve d’une autorisation légale distincte et du respect des conditions fixées par l’agence fédérale bancaire.

3- Fixer des exigences spécifiques pour certaines sociétés financières non bancaires

► L’autorité compétente peut adopter des règles imposant des exigences additionnelles de capital ainsi que des limitations supplémentaires aux sociétés financières non bancaires sous sa supervision si ces dernières sont engagées dans des activités de négociation pour compte propre ou investissent dans des hedge funds ou dans des fonds de private equity.

► Ne sont pas concernées par cette interdiction les activités de négociation sur les obligations émises par les États-Unis ou toute agence affiliée.

4– Limiter la concentration du secteur bancaire

► Il est interdit à une société financière de fusionner, se consolider ou acquérir la totalité ou la quasi-totalité d’une autre société financière, si le total consolidé du passif de la société absorbante représente plus de 10 % du total consolidé du passif de toutes les sociétés financières à la fin de l’année civile précédente.

► Cette disposition ne s’applique pas si :

* l’une des banques est en défaut ou en danger de défaut de paiement ;

* l’opération est assimilable à une mesure d’assistance destinée à prévenir le défaut d’une banque ;

* l’opération n’aboutirait qu’à une faible augmentation du passif de la société absorbante.

Si les règles proposées apparaissent à première vue très strictes, elles bénéficient en réalité de multiples aménagements et exceptions. Il semble en outre que leur mise en œuvre s’avère particulièrement complexe.

L’entrée en vigueur de la loi, initialement prévue le 21 juillet 2012, a ainsi dû être repoussée. Si les trois agences américaines chargées de réglementer les banques sont au dernier stade de la mise en œuvre de la règle de Volcker, les débats demeurent vifs, en particulier s’agissant des exemptions.

La mise en œuvre se heurte également à la difficulté de faire la part entre le trading spéculatif pour compte propre, qui est interdit, et les activités de couverture qui permettent aux banques de se protéger des risques de marché et qui sont autorisées. Témoignant de ces difficultés, une salle des marchés fictive destinée à permettre la qualification des opérations, en particulier celles de tenue de marché, aurait d’ailleurs été mise en place, ainsi que l’a rapporté M. Olivier Guersent, chef de cabinet du commissaire européen Michel Barnier, à la mission d’information.

La règle de Volcker n’est donc pas encore mise en œuvre aux États-Unis. Néanmoins, pour son concepteur, le principe d’une exclusion complète des activités de trading pour compte propre demeure le mieux à même de protéger les déposants.

Paul Volcker porte d’ailleurs un jugement réservé sur les propositions de réforme britannique et d’Europe continentale. Il a ainsi indiqué, lors de son audition par la Commission on Banking Standards britannique le 17 octobre 2012, qu’il doutait que le cantonnement soit une mesure suffisante pour protéger les contribuables en cas de nouvelle crise financière. Selon lui, conserver au sein d’un même groupe des entités indépendantes laisse ouverte la possibilité de transferts entre elles, à travers des innovations financières. Paul Volcker a toutefois laissé entendre que les recommandations des commissions Vickers et Liikanen n’étaient pas dénuées d’intérêt, surtout en ce qu’elles participaient d’une volonté partagée des régulateurs nationaux de solidifier le système financier.

Face à l’ampleur de la crise bancaire au Royaume-Uni, qui a conduit à la quasi-nationalisation de la moitié de ce secteur, le gouvernement a mandaté en juin 2010 la commission indépendante sur les banques (« Independant Commission on Banking », ICB)3, présidée par Sir John Vickers4, afin de formuler des propositions sur la structure du secteur bancaire et sur le degré de concurrence sur le marché britannique.

Cette commission, communément appelée « commission Vickers », a remis son rapport final le 12 septembre 2011, après avoir présenté un rapport intérimaire en avril. L’objectif de ses propositions est d’améliorer durablement la stabilité du système bancaire et d’éviter que les fonds publics ne soient à nouveau engagés pour sauver des établissements financiers. Les deux principales recommandations sont :

– une séparation structurelle entre banques de détail et banques d’investissement et de marché (« ring-fencing »),

– un renforcement des niveaux de fonds propres requis pour les banques cantonnées et systémiques allant au-delà des exigences de Bâle III.

Ainsi qu’il l’a indiqué à la mission d’information, Sir John Vickers a privilégié la mise en place d’un cadre structuré au Royaume-Uni plutôt que l’approche prônée par Paul Volcker, qui avait pourtant la préférence des banquiers britanniques. Il estime que la règle de Volcker n’est pas transposable au Royaume-Uni, compte tenu d’une réglementation bancaire différente. En effet, alors que le Glass-Steagall Act a été abrogé aux Etats-Unis, demeurent en vigueur des réglementations spécifiques restrictives propres aux banques de détail qui protègent ces activités, ce qui n’est pas le cas au Royaume-Uni.

PROPOSITIONS DE LA COMMISSION INDÉPENDANTE SUR LES BANQUES PRÉSIDÉE PAR SIR JOHN VICKERS

(septembre 2011)

1– Instaurer une séparation structurelle entre banque de détail et banque d’investissement et de marché, en cantonnant les activités de la banque de détail

► Les filiales du périmètre protégé ont vocation à exercer les métiers traditionnels de la banque de détail, selon la typologie suivante :

activités obligatoires : collecte de dépôts, découverts et crédits pour les particuliers et les entreprises de l’Espace économique européen (EEE) dont le chiffre d’affaires est inférieur à 25 millions de livres et/ou qui emploient de moins de 250 salariés ;

activités autorisées : activités financières nécessaires aux activités obligatoires (comme la couverture du risque de taux) ; collecte de dépôts, crédits, services de paiement destinés aux clients de l’EEE dans la mesure où cela n’augmente pas le besoin en capital lié au risque de marché ;

activités interdites : tous les services financiers qui rendent plus coûteux un sauvetage, parce qu’ils augmentent l’exposition au risque de marché, impliquent une prise de risque avec des banques non cantonnées, s’apparentent à de la spéculation ou s’adressent à des clients hors de l’EEE.

Pour les activités situées dans la « zone grise », c’est aux banques qu’il revient de tracer la frontière entre ce qui doit être cantonné ou pas.

► L’indépendance des filiales doit être garantie à double titre :

juridiquement : la banque cantonnée doit considérer les autres entités du groupe comme des tiers, elle doit posséder un conseil d’administration indépendant et ne peut pas détenir de banque non cantonnée en direct ;

financièrement et fonctionnellement : la banque cantonnée doit fonctionner indépendamment du reste du groupe et ses relations avec les autres entités du groupe doivent reposer sur des transactions commerciales aux prix du marché. Sont prévus un plafonnement du financement de cette entité par le groupe et une clause d’interdiction de garanties illimitées intra-groupe.

2– Renforcer les exigences prudentielles relatives aux banques cantonnées et systémiques

► Des exigences de capital accrues pour les établissements cantonnés et systémiques :

un coussin additionnel de 0 à 3 % qui s’ajoute, sous certaines conditions, aux 2,5 % de coussin de conservation5 et au coussin contra-cyclique6 ; le ratio des fonds propres les plus purs exigés (« Core Tier 1 ») défini par Bâle III se situerait donc entre 7 % et 10 % ;

un coussin d’absorption des pertes, qui représente entre 10,5 % et 17 % des actifs pondérés en fonction des risques selon les caractéristiques de la banque ;

un « coussin de résolution » pouvant aller jusqu’à 3 % des actifs pondérés en fonction des risques pour les banques de très grande taille.

► Des limites à l’effet de levier : les banques cantonnées seront soumises à un ratio de levier pouvant aller jusqu’à 4,06 % contre 3 % dans Bâle III.

S’agissant de l’organisation du cantonnement, Sir John Vickers a précisé à la mission d’information qu’il avait, dans un premier temps, retenu deux schémas possibles : la détention directe par la banque d’investissement d’une banque cantonnée d’une part, l’existence d’une banque cantonnée et d’une banque d’investissement toutes deux détenues par une holding d’autre part. Il privilégie désormais la seconde solution, mieux à même de limiter les effets de contagion.

Il apparaît par ailleurs très clairement que si les règles applicables aux activités de dépôts sont renforcées, aucune contrainte supplémentaire par rapport aux règles de Bâle III n’est prévue pour les banques d’investissement.

Le graphique suivant retrace ainsi les exigences en capital applicables aux banques universelles et celles proposées par la commission présidée par John Vickers pour les banques de détail cantonnées et pour les banques d’investissement.

EXIGENCES EN CAPITAL SUPPLÉMENTAIRES PAR RAPPORT À BÂLE III

Source : Ambassade de France à Londres.

Le coût estimé de ces mesures pour l’industrie bancaire est compris entre 3,5 et 8 milliards de livres sterling.

Compte tenu de l’ampleur du traumatisme vécu en 2008 et 2009 au Royaume-Uni, le gouvernement britannique s’est dit prêt, dès décembre 2011, à suivre l’esprit des recommandations du rapport Vickers. À l’issue d’une consultation, le gouvernement a ainsi présenté un white paper en juin 2012 puis une première version du projet de loi sur la réforme bancaire le 12 octobre 2012, qui s’attachait principalement à instaurer le cantonnement des activités des banques de détail et se situait en-deçà des propositions de la commission Vickers relatives à la fixation d’un seuil minimum pour le ratio de levier, à la définition des activités interdites et aux entités concernées (au regard, en particulier, des activités à l’étranger).

La Commission on Banking Standards, commission parlementaire présidée par Andrew Tyrie mise en place après le scandale du Libor7, a vivement réagi à cette première version du projet de loi dans ses conclusions présentées le 21 décembre 2012.

Si la commission soutient le principe du cantonnement, elle estime en effet qu’il ne constitue pas un garde-fou suffisant et propose de le renforcer en « électrifiant » la clôture, c’est-à-dire en donnant le pouvoir au régulateur de séparer les groupes bancaires qui ne respectent pas l’esprit de la réforme. La commission recommande par ailleurs de plafonner la part des produits dérivés commercialisés par la banque cantonnée. Elle critique enfin le renvoi trop fréquent au règlement pour la mise en œuvre de la réforme.

C’est donc à l’issue d’un processus de consultation et d’échanges particulièrement riche que le chancelier de l’Échiquier George Osborne a présenté la version définitive du projet de loi sur la réforme bancaire le 4 février 2012. Il retient notamment le principe de l’« électrification » souhaité par la commission présidée par Andrew Tyrie en conférant le pouvoir au régulateur d’opérer une « séparation totale », mais apparaît en recul par rapport à John Vickers sur les exigences en matière de ratio de levier où il propose d’en rester aux règles fixées par Bâle III.

Il a par ailleurs confirmé, ainsi que l’avait indiqué à la mission d’information M. Charles Roxburgh, directeur général des services financiers au Trésor, que ce premier projet de loi, qui pose les bases de la réforme, devrait être voté d’ici à la fin de l’année 2013, l’ensemble de la réglementation devant être adoptée d’ici à 2015, pour une entrée en vigueur des réformes au plus tard en 2019.

Le projet de réforme ne menace ainsi pas l’attractivité de la place financière de Londres, puisque les banques d’investissement internationales ne sont pas concernées et que des aménagements pourront être mis en place pour ne pas imposer des exigences en capital accrues aux filiales étrangères de groupes britanniques, comme HSBC. Cette priorité avait d’ailleurs été annoncée très clairement par George Osborne lors de son audition par la commission présidée par Andrew Tyrie le 21 novembre 2012. Il avait en effet insisté auprès des parlementaires sur le fait que la réforme ne devait pas être trop radicale, tout en assurant une forte imperméabilité entre les entités. Son objectif est d’éviter que les grands établissements bancaires ne fuient Londres et que le Royaume-Uni demeure le siège des grandes banques les plus compétitives, l’industrie financière restant l’un des fers de lance du pays.

La portée de cette réforme risque ainsi d’être limitée. Au-delà du fait que sa mise en œuvre interviendra au mieux en 2019, son champ risque d’être restreint : RBS a déjà procédé à la séparation, HSBC ne sera pas concernée et Barclays se déporte aux États-Unis. En outre, vos Rapporteurs partagent tout à fait la conviction exprimée par Mme Isabelle Vaillant, directrice de la régulation à l’Autorité bancaire européenne : la défaillance d’une banque d’investissement conduira malgré tout à une intervention de l’État, compte tenu de l’onde de choc systémique ainsi provoquée. Ceci plaide en faveur de la mise en place de mécanismes et de plan de résolution solides, seuls à mêmes de prévenir efficacement une crise (cfinfra).

Alors qu’elle semblait relever d’une philosophie proche des réflexions continentales et présenter des similarités sur plusieurs points, la réforme britannique est en réalité une réponse britannique à un problème britannique. Son objectif est de protéger les déposants et les contribuables d’une part et d’affermir l’attractivité de la City d’autre part. Elle s’avère finalement poursuivre une finalité étrangère à l’intention exprimée dans la proposition du groupe d’experts présidé par Erkki Liikanen et dans le projet de loi français, où il s’agit certes de réduire au maximum le risque systémique et d’éviter un renflouement par l’État, mais également de limiter la spéculation.

C’est le commissaire chargé du marché intérieur Michel Barnier, et non la Commission européenne, qui a décidé, en novembre 2011 de confier à un groupe d’experts de haut niveau la mission d’examiner l’opportunité « de procéder à des réformes structurelles du secteur bancaire de l’Union et, le cas échéant, de formuler des propositions en ce sens, afin de mettre en place un système bancaire stable et performant ». Ce groupe8 a été constitué en février 2012 avec à sa tête M. Erkki Liikanen, gouverneur de la Banque de Finlande et ancien membre le Commission européenne.

Dans son rapport remis le 2 octobre 2012, il recommande cinq séries de mesures qui ont vocation à compléter les réformes réglementaires déjà adoptées ou proposées par l’Union, le comité de Bâle et les gouvernements nationaux.

Au-delà des propositions relatives aux mécanismes de prévention et de résolution des crises et de celles portant sur les exigences prudentielles et la gouvernance des établissements de crédit, le groupe d’experts de haut niveau sur la réforme structurelle du secteur bancaire de l’Union européenne propose de cantonner les activités jugées les plus risquées.

M. Erkki Liikanen a ainsi résumé sa proposition devant la mission d’information : « John Vickers parque les agneaux tandis que je parque les lions » !

En effet, le groupe d’experts conclut que, malgré les initiatives déjà engagées en matière de résolution, d’exigences prudentielles et de gouvernance, il est nécessaire d’imposer une séparation légale au sein des groupes bancaires, entre certaines activités financières particulièrement risquées d’une part et les activités de banque de dépôt d’autre part. L’objectif est de permettre que les groupes bancaires, et en particulier leurs activités essentielles à la société, soient plus sûrs et moins liés aux activités de négociation, et de limiter l’exposition, implicite ou explicite, du contribuable aux risques encourus par les subdivisions des groupes qui pratiquent des activités de trading.

Les recommandations du groupe en matière de séparation visent, parmi les activités d’investissement, celles qui sont considérées comme les plus risquées et dans le cadre desquelles les positions en risque peuvent évoluer le plus rapidement. Le critère principal retenu par le groupe emmené par Erkki Liikanen est donc celui du risque, le second étant celui de l’utilité à l’économie.

Ainsi que M. Erkki Liikanen l’a exposé à la mission d’information, le groupe d’experts était partagé entre deux options :

– des mesures ayant pour objet d’imposer la constitution, pour les activités de négociation, d’un coussin de fonds propres sans pondération pour risques, et de subordonner une éventuelle séparation des activités à l’évaluation, par l’autorité de surveillance, d’un plan de redressement et de résolution ;

– la séparation obligatoire des activités de négociation pour compte propre et d’autres activités de négociation importantes.

C’est finalement la seconde solution qui l’a emporté. La séparation de ces activités en plusieurs entités juridiques distinctes est en effet apparue aux yeux du groupe comme la réponse la plus directe et la mieux adaptée à la complexité et à l’interdépendance des banques. Elle aura pour conséquence de simplifier et de rendre plus transparente la structure des groupes bancaires; mais également de faciliter la discipline et la surveillance du marché et, in fine, le redressement des banques et la résolution de leurs défaillances.

Elle permettra en particulier :

– de limiter la propension d’un groupe bancaire à utiliser des dépôts garantis pour prendre des risques excessifs ;

– d’empêcher que les fonds de la banque de dépôt ne servent à couvrir les pertes subies au sein de l’entité négociatrice et de limiter ainsi l’engagement du contribuable et du système de garantie des dépôts ;

– d’éviter que la banque de dépôt ne consacre trop de prêts à d’autres activités financières, au détriment des secteurs non financiers de l’économie ;

– de réduire le degré d’interdépendance entre les banques et le système bancaire parallèle, qui a été un facteur de contagion lors de crises bancaires systémiques ;

– de mettre en place pour les groupes bancaires et les banques d’investissement autonomes des conditions de concurrence comparables en ce qui concerne l’exercice d’activités de banque d’investissement ;

– de préserver la capacité des banques à fournir de manière efficiente à leur clientèle une gamme étendue de services financiers.

PRINCIPALES PROPOSITIONS DU GROUPE D’EXPERTS DE HAUT NIVEAU SUR LA RÉFORME STRUCTURELLE DU SECTEUR BANCAIRE DE L’UNION EUROPÉENNE

(octobre 2012)

1– L’obligation de séparer les activités de négociation pour compte propre et les autres activités de négociation importantes

► Les plus grandes banques devraient cantonner leurs activités jugées les plus risquées, parmi lesquelles la tenue de marché :

Sont concernées les banques qui ont une activité de trading significative, c’est-à-dire représentant plus de 15 à 25 % de leur bilan ou plus de 100 milliards d’euros d’actifs, à partir d’un seuil d’exposition fixé par la Commission européenne de telle sorte que l’obligation de séparation s’applique à toutes les banques dont les activités à séparer sont importantes par rapport au total de leur bilan ;

Les activités devant être cantonnées sont les activités de négociation pour compte propre « pur » (c’est-à-dire les opérations d’arbitrage sans lien avec le service aux clients), la tenue de marché, les activités de private equity, les activités de prime brokerage non sécurisées et les prêts à certaines entités (véhicule de conduit) ;

Toutes les autres activités bancaires peuvent être maintenues dans la banque de dépôt, sauf si des plans de sauvetage et de résolution spécifiques le prévoient autrement.

L’entité juridique séparée (« entité négociatrice » dans le rapport Liikanen) peut être une entreprise d’investissement ou une banque. Elle ne peut se financer au moyen de dépôts garantis et ne sera pas autorisée à fournir des services de paiement de détail.

 L’indépendance entre les différentes entités doit être garantie à double titre :

juridiquement : la banque de dépôt et l’entité négociatrice sont séparées juridiquement. Elles pourront opérer au sein d’une structure de holding bancaire ;

fonctionnellement et financièrement : la banque de dépôt devra être suffisamment à l’abri des risques encourus par l’entité négociatrice. Le transfert de risque ou de fonds entre la banque de dépôt et l’entité négociatrice au sein d’un même groupe est réalisé aux conditions du marché et soumis aux restrictions imposées par les règles normales en matière de grands risques applicables aux expositions interbancaires.

2– Les exigences prudentielles s’appliquent de manière distincte aux différentes entités :

► La banque de dépôt et l’entité négociatrice sont soumises, à titre individuel, à l’ensemble des exigences règlementaires applicables aux établissements financiers de l’Union, telles que celles imposées par les directives « CRR » et « CRD IV » ou requises par la surveillance consolidée ;

► La banque de dépôt et l’entité négociatrice ne peuvent verser des dividendes que si elles respectent les exigences minimales de fonds propres et les exigences de constitution d’un coussin de capital.

Le schéma proposé a donc pour objet de remédier aux principales lacunes du secteur bancaire, tout en conservant les avantages essentiels du modèle de banque universelle et en permettant la coexistence de modèles d’entreprise variés (cf. tableau récapitulatif des caractéristiques des principales banques européennes en annexe 4). Si le groupe présidé par Erkki Liikanen fixe un cadre reposant sur de grands principes, plusieurs d’entre eux doivent toutefois encore être approfondis ou précisés et des options doivent être prises sur certains sujets.

Sur cette base, le commissaire européen Michel Barnier, qui a déjà mené une consultation sur ces recommandations, a indiqué à la mission d’information lors de son déplacement à Bruxelles souhaiter présenter une proposition de texte d’ici à l’été.

Le projet de loi relatif au cloisonnement des activités bancaires et à l’assainissement et à la liquidation des établissements de crédit, adopté le 6 février 2012 en conseil des ministres, prévoit trois sortes de mesures :

– une réforme de la structure des banques ;

– un renforcement des mécanismes de prévention et de résolution des défaillances bancaires (cf. infra II) ;

– un durcissement de la responsabilité pénale des dirigeants en charge des risques (cf. infra III).

S’agissant de la réforme de la structure des banques, le projet de loi allemand s’inspire très largement des recommandations du rapport Liikanen et se révèle très proche du projet français.

PRINCIPALES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI SUR LE CLOISONNEMENT DES ACTIVITÉS BANCAIRES

(6 février 2012)

1– Le champ d’application concerne les établissements financiers (établissements de crédit, compagnies financières ou compagnies financières holding mixtes) dont les activités de négociation portant sur des instruments financiers (« activités spéculatives ») représentent plus de 100 milliards d’euros ou plus de 20 % du bilan de l’établissement concerné avec un bilan lui-même supérieur à 90 milliards d’euros depuis plus de trois ans.

2– Les activités les plus risquées doivent être transférées à une filiale distincte (« une société commerciale ») :

► Les activités concernées sont les suivantes :

– activités pour compte propre ;

– transactions à haute fréquence, excepté les activités de tenue de marché ;

– opérations de crédit et de garantie avec des hedge funds ou d’autres entreprises ayant un faible niveau de capitaux propres, ceci afin d’éviter que la banque ne soit exposée en cas de défaillance de l’emprunteur ou du bénéficiaire de la garantie.

► En cas de danger systémique, l’autorité de supervision allemande, la BaFin, pourra interdire à une banque de réaliser des opérations de tenue de marché ainsi que certaines activités avec des instruments financiers dont le risque est comparable aux activités devant être transférées.

3– Les principes d’indépendance et d’information doivent être garantis :

► La société commerciale dans laquelle ces activités auront été transférées devra se refinancer de manière autonome et sans garantie de l’entreprise qui la contrôle.

► Elle ne pourra pas réaliser de services de paiement.

► La filiale et la maison mère seront tenues de s’informer mutuellement, notamment des risques encourus.

Selon le ministre des finances allemand, dix à douze banques seraient concernées.

La perspective de disposer d’une réglementation européenne relative à la structure du secteur bancaire s’inscrit dans le moyen, voire le long terme. La réflexion de la Commission européenne se situe très en amont et, bien que le commissaire européen Michel Barnier annonce une proposition pour l’été prochain, le risque est élevé qu’aucun texte ne puisse être adopté avant 2015, compte tenu des renouvellements du Parlement européen et de la Commission européenne en 2014. L’échéance apparaît d’autant plus incertaine que le Conseil européen des 13 et 14 décembre 2012 a simplement indiqué dans ses conclusions « espére[r] que la Commission donnera rapidement suite aux propositions du groupe d’experts de haut niveau sur la structure du secteur bancaire de l’UE ».

Aussi, compte tenu des enjeux et de la multiplication des initiatives en la matière, il est nécessaire d’agir dès aujourd’hui au niveau national.

Le projet de réforme français apparaît comme la synthèse aboutie des différentes solutions proposées jusqu’à présent. Il retient en effet le concept économique d’« opération pour compte propre » de Paul Volcker, le mécanisme du cantonnement établi par John Vickers, le principe de l’inclusion des activités les plus risquées prôné par Erkki Liikanen. Toutefois, il s’en démarque sur plusieurs points, en particulier sur la primauté accordée à l’utilité économique comme critère de distinction par rapport au risque et sur le sort réservé à la tenue de marché.

Il prévoit ainsi la filialisation des activités de spéculation sur compte propre tout en permettant l’exercice de certaines activités nécessaires au financement de l’économie, comme la couverture des risques, la gestion de trésorerie ou encore la gestion des activités clients.

L’équilibre atteint par la proposition française répond à l’objectif qui doit être poursuivi, celui de fournir une sécurité supplémentaire à la société sans nuire au financement et au fonctionnement de l’économie, tout en tenant compte des spécificités du secteur bancaire français marqué par la prédominance du modèle de la banque universelle.

● Le projet de réforme français propose d’obliger les établissements de crédit et les groupes financiers comportant un établissement de crédit, dont les activités de marché sont significatives9, à cantonner, dans une filiale, les activités de marché dépourvues de lien avec le service rendu aux clients.

Seraient ainsi concernées :

– les activités de négociation portant sur des instruments financiers faisant intervenir leur compte propre, à l’exception des activités relatives à la fourniture de services d’investissement à la clientèle, à la compensation d’instruments financiers, à la couverture des risques de l’établissement de crédit ou du groupe, à la tenue de marché, à la gestion saine et prudente de la trésorerie du groupe, aux opérations financières entre les établissements de crédit, compagnies financières et compagnies financières holding mixtes d’une part et leurs filiales appartenant à un même groupe d’autre part ;

– les opérations conclues par un établissement de crédit pour son compte propre avec des organismes de placement collectif à effet de levier (comme les fonds spéculatifs) ou d’autres véhicules d’investissement similaires lorsque l’établissement de crédit n’est pas garanti par une sûreté. Il est ainsi interdit à un groupe de détenir des parts d’un fonds alternatif de type hedge fund. Il s’agit aussi d’éviter qu’un groupe transfère ses activités spéculatives dans un fonds dont il détiendrait l’intégralité des parts ou qu’il financerait intégralement sans sûreté, ce qui aboutirait en pratique à exposer ce groupe de la même manière que si ces activités étaient conservées en son sein.

Si ce schéma de cantonnement s’inscrit dans la droite ligne des propositions du groupe d’experts présidé par M. Erkki Liikanen, il convient de noter que la frontière entre les activités filialisées ou non diffère légèrement. En particulier, alors que les activités de tenue de marché (ou « market making »)10 sont cantonnées dans le schéma du groupe d’experts, il est ici proposé de ne pas les inclure dans la filiale.

L’ACTIVITÉ DE TENUE DE MARCHÉ

Elle consiste en l’intervention d’un opérateur ou d’un établissement (le teneur de marché ou « market maker ») sur les marchés financiers pour son propre compte de manière continue en indiquant en permanence les prix d’achat et de vente qu’il propose pour des quantités données, contribuant ainsi à la liquidité du marché.

Elle correspond donc à la présence permanente d’un intervenant sur le marché qui apporte de la liquidité à ce marché.

C’est une activité essentielle au financement de l’économie dans la mesure où les investisseurs n’acceptent de se porter contrepartie sur le marché primaire (par exemple dans le cadre d’une opération de placement de titres) que s’ils ont une garantie suffisante sur la liquidité secondaire des titres.

La question a d’ailleurs profondément divisé le groupe d’experts de haut niveau sur la réforme structurelle du secteur bancaire de l’Union européenne qui, privilégiant finalement le principe de précaution et l’objectif de limitation de la taille des établissements, a choisi de cantonner cette activité. Cette position correspondrait d’ailleurs au point de vue actuellement majoritaire en Europe, selon Mme Isabelle Vaillant, directrice de la régulation à l’Autorité bancaire européenne.

Toutefois, compte tenu des caractéristiques du marché financier français, en particulier son manque de profondeur et la faiblesse du ratio dépôts/crédits11, mais aussi des évolutions induites par la mise en œuvre des règles de Bâle III, il n’apparaît pas justifié de suivre la proposition du groupe d’experts dans le cas français. En effet, avec les nouveaux ratios de Bâle en matière de solvabilité et de liquidité et dans le contexte d’évolution générale du financement de l’économie de la bancarisation vers la titrisation selon modèle anglo-saxon, les établissements de crédit vont avoir tendance à inciter les grandes, mais vraisemblablement aussi les moyennes entreprises, à rechercher sur le marché une part croissante des financements à long terme dont elles ont besoin. Comme l’a souligné M. Louis Gallois, ancien membre du groupe présidé par Erkki Liikanen, à la mission d’information, il est indispensable que les banques puissent accompagner ces entreprises sur les marchés et, par conséquent, développer leur activité de tenue de marché.

Le problème se pose également pour la dette souveraine. Ainsi que le gouverneur de la Banque de France Christian Noyer l’a mis en évidence devant la mission d’information, les banques jouent un rôle important dans la tenue du marché de la dette. Cantonner cette activité reviendrait à « livrer l’État français (…) pieds et poings liés aux quatre grandes maisons de Wall Street ».

Alors que la Banque centrale européenne a demandé, dans son avis rendu le 24 janvier dernier sur le rapport du groupe d’experts présidé par Erkki Liikanen, que la réflexion soit approfondie sur la tenue de marché, vos Rapporteurs demeurent réservés sur la possibilité d’opérer une distinction nette entre opération utile ou non en matière de tenue de marché.

À cet égard, force est de constater que l’ensemble des interlocuteurs rencontrés par la mission d’information ont souligné combien il pouvait s’avérer difficile de distinguer, pour une opération de tenue de marché, l’aspect « utile » d’intermédiaire de marché de l’aspect « spéculatif ». C’est d’ailleurs vrai pour toute une série d’activités qui constituent une sorte de « zone grise ». Mme Isabelle Vaillant a ainsi mis en évidence la difficulté à déterminer l’intention d’un acte sur les marchés financiers. Seul le trader la connaît et dès l’instant où la transaction est réalisée, cette intention est perdue. Les difficultés de mise en œuvre de la règle de Volcker en témoignent également (cf. supra).

Au total, si l’on se réfère aux estimations fournies par les banquiers et en particulier aux réponses de M. Frédéric Oudéa, président-directeur général de la Société générale, lors de son audition par la commission des finances de l’Assemblée nationale le 31 janvier 2013, la part des activités ainsi cantonnées se situerait aujourd’hui dans une fourchette comprise entre 3,5 et 5 % des activités de marché des banques. Avant la crise de 2008, cette part se serait élevée à 15 à 20 %. Les banques ont en effet, par choix stratégique mais également par contrainte (liée à l’augmentation des exigences en matière de fonds propres entrée en vigueur le 1er janvier 2013), réduit leurs opérations les plus risquées.

Si les banques ont déjà abandonné une bonne part de ces activités dont l’utilité pour l’économie n’est pas avérée, le dispositif mis en place présente un double intérêt : il va jouer un rôle de frein et de garde-fou essentiel et probablement contribuer à amenuiser encore la part de ces activités compte tenu des exigences en termes de fonds propres que la filiale sera contrainte de respecter (cfinfra).

● Le projet de loi français prévoit par ailleurs d’interdire aux filiales de réaliser :

– des opérations de négoce à haute fréquence (high frequency trading – HFT) dont la vitesse est inférieure à 0,5 seconde et qui connaissent un taux d’annulation supérieur à 80 % ;

– des opérations sur instruments financiers lorsqu’elles concernent des matières premières agricoles.

En revanche, ces opérations pourront être exercées par la maison mère dès lors qu’elle rend un service à son client.

L’option retenue constitue une solution de moyen terme. L’interdiction pure et simple du négoce à haute fréquence, comme le préconise M. Louis Gallois, qui juge la pratique « très choquante », ne peut en effet intervenir que dans un cadre international.

● Ainsi que l’a souligné John Vickers à la mission d’information, le schéma français, comme ceux proposés par Erkki Liikanen et lui-même, présente l’avantage de réduire certains canaux de contagion entre le système bancaire traditionnel et le système bancaire parallèle ou shadow banking system. C’est une étape importante quand on pense à la quasi-faillite en 1998 du fonds spéculatif LTCM (Long Term Capital Management) qui avait montré combien certaines banques étaient exposées.

Toutefois, il serait paradoxal et finalement un peu vain, de disposer d’un système bancaire classique très encadré, tout particulièrement en France, alors que le système bancaire parallèle ne ferait l’objet d’aucune réglementation, ainsi l’a souligné M. Emmanuel Macron, secrétaire général adjoint de la présidence de la République, à la mission d’information.

Au-delà de la difficulté à tracer la frontière entre les activités utiles ou non à l’économie, le principe du cantonnement soulève en effet deux questions intrinsèquement liées : celle du risque de déport des activités les plus « dangereuses » vers les acteurs les moins régulés de la sphère financière et celle de la nécessité d’assurer un même niveau de concurrence entre les différents acteurs du marché. La réponse réside dans l’adoption rapide d’une réglementation relative au système bancaire parallèle.

L’expression de shadow banking désigne des intermédiaires financiers non bancaires qui fournissent des services proches de ceux offerts par les banques commerciales. On y retrouve notamment des fonds monétaires, des produits structurés, des fonds spéculatifs ou hedge funds.

LE SYSTÈME BANCAIRE PARALLÈLE OU SHADOW BANKING SYSTEM

– Le Conseil de stabilité financière définit le système bancaire parallèle comme le système d’intermédiation de crédit auquel concourent des entités et activités qui ne font pas partie du système bancaire traditionnel. Peuvent être considérées comme des entités et des activités bancaires parallèles :

• les fonds monétaires (MMF, Money Market Funds) et autres types de fonds ou produits d’investissement qui présentent des caractéristiques de dépôt ;

• les fonds d’investissement qui procurent des crédits ou utilisent les mécanismes de levier, y compris les ETF (Exchange Traded Funds) et les hedge funds ;

• les sociétés de financement et entités spécialisées dans les titres qui fournissent des crédits ou des garanties de crédit, ou réalisent des opérations de transformation de liquidité ou d’échéance, sans être réglementées comme les banques ;

• les entreprises d’assurance et de réassurance qui émettent ou garantissent des produits de crédit ;

• la titrisation, les prêts de titres et les accords de pension livrée.

– Le système bancaire parallèle assure un quart de l’intermédiation financière et les actifs transitant par lui représentent la moitié des actifs passant par le système bancaire traditionnel.

– Il connaît une croissance quasi-continue depuis 2002, où il représentait 26 000 milliards de dollars d’actifs, pour concerner 67 000 milliards de dollars d’actifs en 2011.

– Les États-Unis sont le pays doté du plus gros système bancaire parallèle (23 000 milliards de dollars), devant la zone euro (22 000 milliards) et le Royaume-Uni (9 000 milliards). Le développement du shadow banking est cependant actuellement beaucoup plus rapide en Europe qu’aux États-Unis.

Dans son rapport rendu public le 19 novembre 2012, le Conseil de stabilité financière a souligné que le système bancaire parallèle risquait de se développer davantage encore en réaction aux règles de Bâle III.

Or, cinq ans après la crise des subprimes, les activités des institutions financières non bancaires demeurent mal voire pas régulées. Cette situation est d’autant plus inquiétante que, si les canaux de financement non bancaires peuvent présenter certains avantages, ils peuvent aussi devenir source de risque systémique, en particulier lorsqu’ils assument des fonctions traditionnellement réservées aux banques (comme la transformation ou l’effet de levier) ou lorsque les interconnexions avec le système bancaire sont fortes.

Il ne s’agit pas d’interdire l’ensemble de ces activités, dont certaines sont utiles à l’économie. Ainsi, les fonds spéculatifs assurent une partie de la liquidité du marché. Ils jouent un rôle d’ajustement et de soudure sur les marchés financiers. Si on les supprimait, les banques auraient plus de mal à se couvrir, comme l’a souligné M. Christian Noyer qui en appelle à une réglementation au niveau européen et mondial. M. Louis Gallois a parfaitement qualifié le dilemme auquel nous sommes confrontés : « Les hedge funds, c’est de la perversité financière qui a été érigée en moyen d’ajustement du marché. Je le regrette. Si on les supprime, il faut mettre autre chose en place ».

Le système bancaire parallèle doit donc être soumis à une surveillance et à une régulation appropriées pour faire face aux risques financiers qui émergent en dehors du système bancaire classique et assurer des conditions de concurrence loyale.

En réponse aux invitations formulées par le G20, le Conseil de stabilité financière devrait ainsi présenter en septembre 2013 des recommandations sur la surveillance et la réglementation de ces entités et de ces activités. Il a déjà présenté quelques orientations dans son rapport du 19 novembre 2012.

PRINCIPALES ORIENTATIONS PRÉSENTÉES DANS LE RAPPORT

DU CONSEIL DE STABILITÉ FINANCIÈRE DU 19 NOVEMBRE 2012

– Les régulateurs doivent s’assurer que le shadow banking est soumis à une surveillance et une régulation appropriées pour faire face aux risques financiers qui émergent en dehors du système bancaire classique sans toutefois inhiber les modèles durables de financement non bancaire qui ne posent pas de tels risques ;

– L’approche des autorités doit être ciblée. Afin de se concentrer « sur les activités qui sont importantes pour le système », le Conseil recommande de partir des entités « qui ont été une source de problèmes lors de la crise », sans toutefois les citer ;

– Il convient de renforcer la surveillance du secteur pour pouvoir identifier rapidement, à l’avenir, si une activité en croissance pose des risques.

Si les États-Unis et le Royaume-Uni font preuve d’une certaine réticence, la Commission européenne a engagé une réflexion en lien avec le Conseil de stabilité financière, les organes de normalisation et les autorités de surveillance et de réglementation de l’Union concernées. Elle a engagé une grande consultation qui a débouché sur un livre vert sur le système bancaire parallèle présenté le 19 mars 2012. Le commissaire européen Michel Barnier privilégie une approche qui permette de surveiller de manière exhaustive le système bancaire parallèle dans un cadre réglementaire approprié. Ces travaux devraient déboucher sur une proposition de texte avant la fin de l’année 2013 si l’on en croit l’engagement pris par Michel Barnier devant la mission d’information.

Vos Rapporteurs appellent à la concrétisation rapide des travaux en cours aux niveaux international et européen pour réguler ce système, maîtriser les risques et éviter une concurrence déloyale au secteur régulé.

Afin de garantir l’indépendance de la filiale à l’égard de la maison mère et de préserver les dépôts des clients d’une mobilisation au titre du financement d’activités spéculatives, deux types de mesures sont prévus. Elles s’inscrivent pleinement dans la logique des recommandations du groupe d’experts européens.

Au-delà de la séparation juridique, une séparation financière est tout d’abord exigée.

Les expositions du groupe bancaire sur sa filiale, quelle que soit leur nature, devront être déduites de ses fonds propres. La filiale devra être traitée comme une entité extérieure et la règle des grands risques, selon laquelle un établissement ne peut exposer plus de 10 % de ses fonds propres vis-à-vis d’un bénéficiaire, trouvera à s’appliquer.

La banque ne pourra faire bénéficier sa filiale ni de sa garantie, ni de son financement intragroupe.

Si la filiale fait défaut, ses capitaux propres seront réduits à zéro. L’objectif est ainsi d’assurer que les dépôts des clients ne pourront pas être utilisés pour financer des activités spéculatives.

Ensuite, la filiale sera soumise, à titre individuel, aux exigences prudentielles des banques. Elle devra donc respecter les règles en matière de solvabilité et de liquidité propres aux établissements de crédit de manière indépendante.

Ainsi, la filiale, qui sera traitée comme une entité extérieure, devra être capitalisée et financée de manière autonome.

Le schéma français apparaît donc adapté en ce qu’il adopte une approche structurelle reposant sur séparation juridique mais aussi financière. Toutefois, il ne prévoit pas de mesure particulière quant à la gouvernance de la maison mère et de la filiale, contrairement à la proposition de John Vickers qui prône l’indépendance des conseils d’administration, ni en matière d’échange d’information sur les risques encourus, contrairement au projet allemand.

En complément du cantonnement des activités les plus risquées dans une filiale dont l’indépendance est garantie, il est prévu de renforcer la surveillance des activités de marché des banques et de donner au régulateur, à qui sera confié le soin de déterminer précisément l’affectation de telle ou telle opération, des pouvoirs étendus afin de faire respecter les nouvelles règles.

Tout d’abord, les établissements de crédit devront affermir leur contrôle interne, afin de garantir la bonne application des principes fixés par la loi, en particulier le strict respect des règles de séparation. Les procédures mises en place devront être approuvées par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), à qui les établissements devront soumettre une cartographie des desks et une description de leurs mandats. Ceux-ci devront notamment préciser la nature des activités menées par les traders et définir des limites pour les risques qu’ils seront autorisés à prendre.

Si l’organisation et le fonctionnement des nouvelles entités ou les systèmes de contrôle interne mis en place ne sont pas jugés satisfaisants par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, cette dernière pourra refuser l’agrément à la filiale. Elle disposera en outre de l’ensemble de ses pouvoirs de police pour faire respecter les nouvelles dispositions de la loi.

L’ACPR pourra par ailleurs interdire à un établissement des activités présentant des risques excessifs pour lui-même mais aussi pour le système bancaire et financier dans son ensemble. L’autorité aura ainsi la faculté d’interdire aux banques d’investir dans un produit ou de le commercialiser, même en l’absence de risque avéré pour leur propre solvabilité.

Enfin, l’ACPR, à qui devront être présentés, par les établissements de crédit, des plans préventifs de rétablissement de leur activité en cas de crise, pourra, si le plan fait apparaître des obstacles à une bonne résolution, obliger la banque à prendre des mesures pour y remédier, notamment faire évoluer sa structure via une filialisation ou le cantonnement de certaines activités. Cette disposition s’inscrit parfaitement dans la logique des propositions du groupe d’experts présidé par Erkki Liikanen.

Le renforcement des pouvoirs de l’autorité de supervision nationale est essentiel. La séparation des activités ne doit en effet pas conduire à se dispenser d’un contrôle rigoureux. Ce serait une erreur fondamentale.

La plupart des défaillances qui se sont produites depuis 2008 ont mis à jour un défaut de supervision. L’exemple britannique, qui conduit aujourd’hui à une refonte totale du dispositif de supervision, témoigne en particulier de l’impérieuse nécessité de disposer d’un superviseur fort.

À cet égard, il convient de souligner que la manière dont est conçu le contrôle d’une banque donne des résultats très différents. Il est nécessaire que, dans le cadre européen, une harmonisation plus poussée des méthodes de contrôle soit mise en œuvre, sur le modèle d’un contrôle de fond (nécessairement plus approfondi et plus intrusif) comme cela est réalisé en France, plutôt que sur celui d’un contrôle de forme, comme c’est pratiqué au Royaume-Uni.

Cela doit s’accompagner d’un contrôle approfondi des comptes des établissements de crédit, plusieurs affaires ayant révélé des manipulations importantes, en particulier au Royaume-Uni.

II. LA MISE EN PLACE D’UN RÉGIME DE PRÉVENTION ET DE RÉSOLUTION DES DÉFAILLANCES BANCAIRES EST INDISPENSABLE

Si la mise en place d’un régime de résolution constitue, selon les termes employés par M. Nicolas Véron, économiste et membre de l’Institut Bruegel, « une révolution » pour la France, celle-ci s’inscrit dans un processus bien engagé au niveau international.

En effet, c’est en octobre 2011 que les États membres du G20 ont adopté des recommandations, élaborées par le Conseil de stabilité financière, qui définissent des outils de prévention et de gestion des crises bancaires (« Key Attributes of Effective Resolution Regimes for Financial Institutions »). Ces préconisations comprennent un volet préventif reposant sur la mise en place de plans de redressement et de résolution bancaires, et un volet décrivant les pouvoirs qui doivent être confiés à l’autorité en charge de la résolution. Ceux-ci doivent notamment inclure la possibilité de procéder au transfert de certaines unités, à la création d’un établissement-relais, d’une structure de défaisance et d’instruments de renflouement interne. Ces recommandations doivent être mises en œuvre d’ici à la fin de l’année 2013.

Si plusieurs États ont déjà adopté des mesures allant en ce sens, les discussions au niveau européen demeurent en cours, avec une échéance fixée au mois de juin 2013 pour une harmonisation des régimes de redressement et de résolution des défaillances bancaires et une échéance plus lointaine pour la mise en place d’un mécanisme unique de résolution, corollaire du mécanisme unique de surveillance.

Force est de constater que le calendrier d’adoption du projet de loi français ne coïncide pas avec celui de la proposition de directive relative au cadre de prévention et de gestion des crises bancaires.

Toutefois, la faiblesse du dispositif français actuel (cf. infra) et la nécessité, mise en évidence par le gouverneur de la Banque de France, d’agir au plus vite dans ce domaine, plaident pour la mise en place d’un régime de résolution, quitte à devoir adapter, le cas échéant, la législation française une fois le texte européen adopté.

L’initiative prise par l’Autorité bancaire européenne le 23 janvier dernier confirme la nécessité de combler le vide juridique actuel. En effet, dans l’attente d’un accord sur la proposition de directive résolution, l’Autorité a demandé à 39 banques européennes d’importance systémique de soumettre, d’ici à la fin de l’année 2013, des plans de restructuration à leurs superviseurs nationaux sur la base des normes internationales agréées par le Conseil de stabilité financière. Les superviseurs nationaux ont deux mois pour indiquer s’ils ont l’intention d’appliquer ces recommandations.

Aux États-Unis, la Dodd Frank Wall Street Reform and le Consumer Protection Act obligent les sociétés de portefeuilles bancaires dont le total du bilan consolidé est supérieur à 50 milliards de dollars et les sociétés financières non bancaires désignées par le Conseil de surveillance de la stabilité financière à soumettre un plan de résolution à la Réserve fédérale et à la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC).

Chaque plan, communément dénommé « testament », doit décrire la stratégie de l’entreprise en vue d’une résolution rapide.

À la suite de la crise de la banque Northern Rock qui a marqué les esprits avec la ruée des déposants qu’elle a déclenché à l’automne 2007 et s’est conclue par sa nationalisation en 2008, le Royaume-Uni a, pour sa part, mis en place un régime de traitement des défaillances bancaires qui a été consacré par la loi bancaire de février 2009.

PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DU RÉGIME DE RÉSOLUTION BANCAIRE BRITANNIQUE (« special resolution regime »)

– Champ : les établissements agréés par le superviseur anglais pour recevoir les dépôts ; il peut être étendu aux sociétés de crédit mutuel et aux sociétés de crédit immobilier.

– Mesures d’intervention :

* le transfert de tout ou partie de l’établissement bancaire au secteur privé, qui peut intervenir sans accord préalable des actionnaires et sans décision de justice, ou à un gestionnaire de transition détenu par la banque d’Angleterre, dans le but de faciliter sa vente au secteur privé ;

* la nationalisation temporaire, sous la responsabilité du Treasury. Il s’agit d’une mesure qui intervient en dernier recours, en cas de grave menace pour la stabilité financière, ou d’octroi, par le gouvernement, à la banque défaillante, d’une assistance financière significative ;

Le transfert peut être seulement partiel. Il s’agit d’un mécanisme de mise sous administration, qui concerne uniquement la partie résiduelle de la banque défaillante non vendue à un tiers ou non transférée à un gestionnaire de transition et qui est insolvable. L’administrateur est nommé par le tribunal.

* des mesures de liquidation destinées à régler une situation d’insolvabilité, sur décision d’un tribunal ;

* la mise en œuvre d’un régime d’administration bancaire dans lequel une personne spécifiquement désignée administre la partie de la banque initiale non transférée et s’assure que l’acheteur de la partie transférée reçoit de la partie non transférée les moyens nécessaires pour opérer.

– Modalités de mise en œuvre :

* Les deux conditions cumulatives nécessaires au déclenchement de la procédure sont les suivantes : une banque ne respecte pas ou est sur le point de ne pas respecter ses ratios prudentiels et des mesures prises au niveau de la banque ne pourraient lui permettre d’y remédier. Le superviseur est chargé d’apprécier ces conditions indépendamment d’éventuelles aides financières accordées par le Trésor ou la banque centrale.

* Le choix et la mise en œuvre des mesures de résolution relèvent de la banque centrale, hors le cas de la nationalisation temporaire.

* La mise en œuvre de la nationalisation temporaire par le Trésor suppose que les deux conditions nécessaires au déclenchement de la procédure de résolution soient remplies et qu’il existe un risque sérieux pour la stabilité du système financier du Royaume-Uni.

M. Charles Roxburgh, directeur général des services financiers au Trésor, a indiqué à la mission d’information attendre l’adoption de la proposition de directive du 6 juin 2012 établissant un cadre pour le redressement et la résolution des défaillances d’établissements de crédit et d’entreprises d’investissement pour aller plus loin.

En Allemagne, la loi sur la restructuration et la liquidation ordonnée d’établissements bancaires et sur la mise en place d’un fonds de restructuration d’établissements de crédit, appelée « loi de restructuration bancaire », est entrée en vigueur le 1er janvier 2011.

Elle prévoit la création d’un fonds de restructuration alimenté par des prélèvements auxquels toutes les banques sont soumises.

La loi de restructuration bancaire fixe également le cadre de la résolution. Si les difficultés sont surmontables, une procédure d’assainissement est mise en place par un conseiller pour l’assainissement. En revanche, lorsque la faillite est inévitable, une procédure de réorganisation est mise en œuvre.

Le superviseur bancaire peut alors mandater un fondé de pouvoir exceptionnel. Il peut être porté atteinte aux droits des créanciers et des actionnaires, avec, cependant, l’accord préalable des différents comités de créanciers et actionnaires. Le pouvoir de blocage des organes de l’établissement est réduit compte tenu de règles de majorité assouplies et de l’appréciation du caractère « adapté, nécessaire et raisonnable » des mesures au regard du risque systémique encouru. Le plan de réorganisation peut prévoir d’offrir aux créanciers des actions en échange de leurs créances sans nécessiter l’accord des actionnaires, mais en prévoyant une indemnisation de ceux-ci.

Le texte allemand inclut également la possibilité de démanteler un établissement systémique, avec vente à un acquéreur privé, ou transfert à une banque de portage publique si aucun acquéreur privé ne peut être trouvé.

PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DU RÉGIME DE RÉSOLUTION BANCAIRE ALLEMAND (« loi sur la restructuration bancaire de 2010 »)

– Procédure de réorganisation : le plan de réorganisation peut porter atteinte aux droits des créanciers et des actionnaires. Ainsi, il peut transformer les droits des créanciers en parts de l’établissement bancaire et prévoir une réduction ou une augmentation du capital. L’établissement doit alors prévoir une indemnisation adaptée de l’actionnaire.

– Atteintes aux droits des créanciers :

* Le plan de réorganisation doit notamment préciser quelle quote-part est retirée des créances, pendant quelle durée elles sont différées et de quelle manière elles sont garanties ;

* Une atteinte à une créance, pour laquelle est prévu pour le créancier un droit à indemnisation contre un mécanisme de couverture, est exclue. Ceci vaut aussi pour les créances qui sont couvertes par une garantie facultative des dépôts.

– Règles de vote :

*des créanciers : chaque groupe de créanciers disposant d’un droit de vote vote séparément le plan de réorganisation. Il faut que, au sein de chaque groupe de créanciers, la majorité des créanciers vote pour le plan de réorganisation et que la somme des créances des créanciers acceptant le plan représente plus de la moitié de la somme des créances des créanciers votant. Si la majorité nécessaire dans un groupe de créanciers n’est pas atteinte, leur accord sera considéré comme acquis si ces créanciers ne se trouvent pas dans une situation plus défavorable à la suite de l’introduction du plan de réorganisation que si ce dernier n’avait pas été pas mis en place, s’ils perçoivent une participation raisonnablepar rapport à la valeur économique que recevront toutes les personnes concernées sur la base du plan de réorganisation et si la majorité des groupes votant a voté pour le plan de réorganisation avec la majorité exigée ;

des actionnaires : ils se prononcent sur le plan de réorganisation lors d’une assemblée générale. La mise en place du plan requiert la majorité des voix exprimées. Si le droit préférentiel est exclu en partie ou totalement du fait de la hausse du capital propre ou si le capital propre est réduit, une majorité des 2/3 des voix exprimées ou une majorité des voix exprimées représentant au moins 2/3 du capital propre est nécessaire. Une majorité simple suffit si elle représente la moitié du capital propre ;

pour que le plan de réorganisation soit accepté, le vote de tous les groupes est nécessaire. Si les actionnaires ne donnent pas leur accord, le plan de restructuration sera considéré comme acquis si la majorité des groupes votant le plan de réorganisation a voté en faveur du plan avec la majorité nécessaire pour chacun d’entre eux, si les mesures prévues dans le plan de réorganisation conduisent à empêcher de graves effets négatifs pour d’autres établissements bancaires ainsi qu’une instabilité du système financier, et si les mesures sont adaptées, nécessaires et raisonnables. Si les actionnaires ont proposé une solution alternative, il doit en être tenu compte.

Le projet de loi relatif au cloisonnement des activités bancaires et à l’assainissement et à la liquidation des établissements de crédit adopté en conseil des ministres le 6 février 2012 complète la loi de restructuration bancaire en obligeant les établissements de crédit jugés systémiques par l’autorité de supervision allemande à élaborer des plans préventifs de rétablissement et de résolution et ouvrant la possibilité à l’autorité de supervision d’établir des plans de résolution.

S’inscrivant dans la droite ligne des grands principes prévus dans la proposition de directive du 6 juin 2012 relative au redressement et à la résolution des défaillances bancaires, il détaille précisément le contenu des plans et leurs modalités de mise en œuvre. Il renforce également les pouvoirs de l’autorité de supervision allemande, la BaFin.

Le plan préventif de rétablissement doit ainsi décrire l’ensemble des options possibles en cas de difficultés très importantes, afin de stabiliser et améliorer la situation de l’établissement de crédit et d’assurer sa capacité de survie sans avoir recours à un renflouement externe. Si l’établissement ne réussit pas à surmonter la crise par ses propres moyens, les instruments de résolution établis par l’autorité de supervision, devront être utilisés.

Le plan préventif doit en particulier respecter le principe de proportionnalité, ce qui signifie que les mesures préconisées devront être proportionnelles aux risques systémiques que présente l’établissement. Il doit notamment comprendre les mentions suivantes :

– les informations indispensables pour conduire une résolution, notamment la structure des établissements ;

– les créances et dettes internes à l’établissement ou au groupe (y compris les dérivés) ainsi que les garanties internes, les sources de financement et les flux internes de liquidité et de capitaux ;

– la description des liens organisationnels et opérationnels au sein de l’établissement ;

– la description des liens externes, afin de mieux apprécier les risques systémiques ;

– les actions possibles en cas de difficultés – les conséquences sur le personnel doivent en particulier être précisées – et les moyens de les surmonter.

Le plan de redressement, qui doit être actualisé au moins une fois par an, est adressé à la BaFin et à la Bundesbank.

Pour sa part, le plan de résolution doit respecter les principes suivants :

– un soutien public doit être évité et le recours au fonds de résolution devra être efficace et modéré ;

– les pertes doivent d’abord être assumées par les actionnaires ;

– chaque dirigeant doit être écarté de la direction, sauf s’il est étranger à la situation de l’établissement.

Le plan de résolution doit en coutre comporter :

– une analyse stratégique décrivant la structure de l’organisation et des actionnaires, les activités de chaque entité, les données relatives aux principaux partenaires commerciaux et l’analyse des effets possibles de leur défaillance, les principaux contrats avec les tiers ;

– une estimation des secteurs d’activité qui pourraient être séparés ;

– une description précise des engagements et participations qui pourraient présenter un danger ;

– une présentation des options pour conserver un accès aux marchés financiers.

Enfin, la BaFin voit son organisation modifiée et ses pouvoirs renforcés. La planification des mesures préventives de résolution et la gestion d’une résolution reviennent en effet à une entité spécifiquement dédiée à cette activité au sein du superviseur allemand. Ses compétences sont renforcées, afin de lui permettre d’intervenir en exigeant l’application des mesures figurant dans le plan préventif de rétablissement, dans le cas où l’établissement ne respecterait pas les exigences prudentielles de solvabilité ou de liquidité. La BaFin peut rédiger des circulaires à destination des établissements systémiques, sur le modèle des circulaires relatives aux exigences minimales pour la gestion du risque.

Si le plan préventif n’est pas suffisant, l’établissement dispose de trois mois pour le compléter. S’il refuse, la BaFin peut exiger qu’il réduise son profil de risques, prenne des mesures de recapitalisation, corrige sa stratégie de refinancement ou encore modifie sa structure de gouvernance.

Avant la rédaction du plan de résolution, la BaFin doit évaluer la capacité de l’établissement à appliquer les mesures de résolution. Si elle constate des obstacles susceptibles de faire échec à la mise en œuvre d’une résolution, elle peut demander à l’établissement de lui proposer des mesures, notamment sur son activité ou sa structure juridique.

La BaFin peut enfin exiger des établissements toute information nécessaire à la rédaction du plan de résolution, ainsi que des analyses et expertises. Le plan de résolution est un document non public.

Alors que la proposition de directive établissant un cadre pour le redressement et la résolution des défaillances bancaires fait l’objet de discussions soutenues dans l’objectif d’une adoption avant juin 2013, conformément à l’échéance fixée par le Conseil européen en décembre dernier, la réflexion en est à ses prémices s’agissant de la mise en place d’un cadre pour le redressement et la résolution des défaillances des établissements financiers non bancaires.

À la suite d’une consultation lancée en janvier 2011, la Commission européenne a présenté, le 6 juin 2012, une proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre pour le redressement et la résolution des défaillances d’établissements de crédit et d’entreprises d’investissement et modifiant les directives 77/91/CEE et 82/891/CE du Conseil ainsi que les directives 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE et 2011/35/UE et le règlement (UE) no 1093/2010 du Parlement européen et du Conseil.

Cette proposition de directive a pour objectifs de préserver la stabilité financière et la confiance dans les banques, assurer la continuité des services financiers essentiels, éviter la contagion des problèmes, réduire au maximum les pertes pour la société (en particulier pour les contribuables), protéger les déposants et réduire l’aléa moral, renforcer le marché intérieur des services bancaires tout en maintenant des conditions de concurrence équitables.

Il s’agit avant tout d’une directive d’harmonisation, susceptible d’être complétée à plus ou moins long terme par un texte instaurant un mécanisme unique de résolution.

Reprenant les recommandations adoptées par le G20 en octobre 2011, la proposition de directive du 6 juin 2012 tend à doter les autorités compétentes de pouvoirs étendus pour prévenir, intervenir à un stade précoce et résoudre les défaillances, selon un processus progressif :

– élaboration à titre préventif de plans de redressement et de plans de résolution par les banques décrivant les mesures qu’elles prendront en cas de dégradation de leur situation financière, et possibilité de prendre des mesures relatives à l’activité ou à la structure des banques si celles-ci sont de nature à rendre difficile la mise en œuvre des pouvoirs de résolution ;

– mesures d’intervention précoce dès qu’une banque est susceptible d’avoir des difficultés sérieuses, comme la nomination d’un administrateur provisoire, l’interdiction du paiement de dividendes, la limitation des activités présentant un risque excessif ;

– en cas d’échec lors des étapes précédentes, prise de contrôle de la banque défaillante par les autorités nationales compétentes avec, notamment, la mise en œuvre d’instruments nouveaux en matière de résolution comme les transferts d’actifs, les imputations des pertes et diminutions des passifs par le renflouement interne.

L’ensemble de ce processus devra être conduit avant toute mobilisation de deniers publics pour restructurer ou liquider une banque.

Dans ce dispositif, le financement de la résolution demeure national, avec la possibilité pour les États membres de mettre en place des fonds nationaux de résolution pour financer les restructurations, susceptibles de financer également la garantie des dépôts, atteignant une dotation équivalente à 1 % des dépôts en dix ans. Une interaction entre les fonds nationaux pourrait être envisagée. L’ensemble du mécanisme doit être en mesure de garantir le remboursement des déposants en cas de défaillance.

Ainsi, dans la logique européenne telle qu’exposée par M. Olivier Guersent, chef du cabinet de Michel Barnier, les conséquences d’une défaillance d’un établissement de crédit reposeraient tout d’abord sur les actionnaires, puis sur les créanciers juniors, les créanciers seniors, le fonds de résolution – les fonds européens pouvant être dans un premier temps mis en réseau et dans un second temps fusionnés – et, enfin, le mécanisme européen de stabilité. Des réticences auraient déjà été exprimées à ce sujet, notamment de la part l’Allemagne.

Il est par ailleurs prévu de confier des pouvoirs importants à l’Autorité bancaire européenne (ABE), ce qui apparaît parfaitement justifié aux yeux de vos Rapporteurs. Elle doit en effet veiller à une application uniforme, dans l’ensemble des États membres, des dispositions relatives aux plans de redressement et de résolution et aux évaluations intégrales de la résolvabilité. L’ABE doit avoir la responsabilité de définir des normes harmonisées pour évaluer l’impact systémique des plans de redressement et de résolution, les éléments à prendre en considération pour évaluer la résolvabilité d’une banque et les éléments déclencheurs entraînant le rejet d’un plan.

Le groupe d’experts présidé par Erkki Liikanen soutient les propositions de la Commission européenne. Il insiste sur la nécessité pour les banques d’élaborer des plans de redressement et de résolution concrets et réalistes et sur le pouvoir qui doit être confié à l’autorité de résolution d’exiger une séparation des activités plus importante si cela s’avère nécessaire à la résolvabilité de l’établissement. Il se montre également très favorable à l’affectation d’instruments spécifiques au renflouement interne. Ces dettes devraient être détenues en dehors du système bancaire pour une plus grande efficacité.

Le Conseil européen des 13 et 14 décembre 2012 a fermement indiqué que la proposition de directive relative aux mécanismes de résolution ainsi que celle relative à la modernisation du système de garantie des dépôts qui lui est désormais liée doivent faire l’objet d’un accord au Conseil avant la fin du mois de mars 2013 et être adoptée par les co-législateurs avant juin 2013.

Les discussions achoppent sur plusieurs points, en particulier l’articulation des interventions entre pays d’accueil et pays d’origine pour les groupes internationaux, la portée exacte du mécanisme de renflouement interne, la mobilisation ou non du fonds de résolution pour absorber les pertes, l’étendue des pouvoirs confiés à l’Autorité bancaire européenne, et la mutualisation ou non du financement au niveau européen (y compris par la voie de prêts entre fonds de résolution nationaux), à laquelle sont notamment opposés l’Allemagne et le Royaume-Uni, tandis que la France, l’Italie et l’Espagne y sont favorables.

L’objectif d’un accord au Conseil d’ici au mois de mars est toutefois maintenu.

À la suite de l’adoption de cette proposition relative aux établissements de crédit et entreprises d’investissement, la Commission européenne a lancé, le 8 octobre 2012, une consultation relative à la mise en place d’un cadre de redressement et de résolution pour les institutions financières autres que les banques.

Il s’agit ainsi d’examiner, en cohérence avec les travaux engagés au niveau international, quelles mesures spécifiques pourraient assurer le redressement et la résolution ordonnée de différents types d’institutions non-bancaires, notamment les contreparties centrales, les dépositaires centraux de titres et les assureurs systémiques.

Alors que la date limite pour les réponses était fixée au 28 décembre 2012, les premiers résultats de cette consultation ne sont actuellement pas disponibles.

Le régime français actuel en matière de résolution repose sur les principes suivants. L’Autorité de contrôle prudentiel (ACP), qui est l’autorité administrative indépendante chargée de la supervision bancaire, peut enjoindre à un établissement de crédit ou à une entreprise d’investissement de prendre toutes les mesures destinées à restaurer ou renforcer sa situation financière, à améliorer ses méthodes de gestion ou à assurer l’adéquation de son organisation à ses activités ou à ses objectifs de développement. Elle peut également prendre des mesures conservatoires pour préserver la solvabilité ou la liquidité d’une personne soumise à son contrôle ou lorsque les intérêts de la clientèle risquent d’être compromis et désigner un administrateur provisoire. Elle peut enfin demander au fonds de garantie des dépôts d’intervenir de manière préventive pour permettre la disparition ordonnée d’un établissement défaillant.

Ce dispositif apparaît donc très insuffisant au regard des risques mis à jour depuis 2008 ainsi que des recommandations formulées par le G20 et de la proposition de directive du 6 juin 2012 qui a pour objet de les introduire en droit européen.

Aussi est-il impératif d’adopter un régime de prévention et de résolution des défaillances bancaires. Si le projet de réforme français s’inscrit dans les grandes lignes de la proposition de directive résolution, il demeure en retrait sur plusieurs points.

Le champ d’application prévu par le projet de loi français, soit les établissements de crédit, compagnies financières, compagnies financières holding mixtes et entreprises d’investissement, à l’exception des sociétés de gestion de portefeuille, correspond à celui défini par la proposition de directive relative à la résolution.

Le projet français propose par ailleurs de confier à l’Autorité de contrôle prudentiel, qui est aujourd’hui l’autorité de supervision bancaire, les missions nouvelles en matière de prévention et de gestion des crises bancaires. Elle deviendrait ainsi l’autorité française chargée de la résolution bancaire et prend le nom d’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). À cet effet, le projet de loi prévoit la création, en son sein, d’un nouveau collège, chargé de la résolution. C’est conforme à la proposition de directive relative à la résolution, qui impose de confier les compétences en matière de résolution à des autorités administratives publiques, sans d’ailleurs préciser de quelles autorités il doit s’agir.

Conformément à la proposition de directive, le projet de réforme français prévoit un volet préventif important avec l’obligation faite, aux établissements de crédit, d’élaborer des plans de rétablissement, et à l’ACPR, des plans de résolution.

Ainsi, les établissements de crédit et les entreprises d’investissement, à l’exception des sociétés de gestion de portefeuille, qui dépassent un seuil fixé par décret, doivent soumettre, à titre préventif, à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, un plan de rétablissement prévoyant, en cas de détérioration significative de leur situation financière, les différentes modalités possibles de leur rétablissement, en excluant tout appel à un soutien financier de l’État ou du fonds de garantie des dépôts et de résolution. L’ACPR pourra demander des compléments ou modifications si le plan présente des lacunes. En outre, l’ACPR peut exiger de tout établissement, société ou entreprise soumise à son contrôle dont l’activité viendrait à présenter un risque spécifique au regard de la stabilité financière, de lui soumettre un plan préventif de rétablissement.

Il convient de souligner que, contrairement au projet de loi allemand, le texte français reste évasif sur le contenu des plans de rétablissement. Si l’on se fonde sur les exigences posées par l’Autorité bancaire européenne le 23 janvier dernier, ils devraient inclure une information complète sur la structure de l’institution financière et son mode de gouvernance, toutes les options envisagées pour affronter une crise avec, pour chacune de ces options, une évaluation de leurs impacts, ainsi que les mesures envisagées pour une mise à jour des plans.

De tels plans auraient été transmis à la Banque de France en décembre dernier, exposant de manière très concrète comment les banques peuvent se séparer rapidement de certaines de leurs activités sur la base de différents scénarios. Les distinctions peuvent se faire en particulier selon les secteurs et selon les zones géographiques.

Par ailleurs, pour les établissements soumis à l’obligation de transmission d’un plan de rétablissement, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution adopte un plan préventif de résolution prévoyant les modalités d’application possibles des pouvoirs de résolution.

L’ACPR examine s’il existe des obstacles susceptibles de faire échec à la mise en œuvre des pouvoirs de résolution et peut demander à l’établissement de lui proposer des mesures visant à réduire ou à supprimer ces obstacles. Si elle l’estime nécessaire, l’Autorité peut l’enjoindre de prendre des mesures portant notamment sur son activité ou sa structure juridique, y compris par leur modification ou leur réorganisation, par exemple en imposant la filialisation de certaines activités (cf. supra).

Conformément à la proposition de texte européen, le projet de loi français prévoit une large palette d’instruments de résolution qui, pour certains d’entre eux, s’avèrent très forts.

Ainsi, l’Autorité peut :

– exiger la fourniture d’informations utiles à la mise en œuvre de la procédure de résolution ;

– nommer un administrateur provisoire ;

– révoquer tout dirigeant de l’établissement concerné ;

– décider du transfert d’office de tout ou partie d’une ou plusieurs branches d’activité sans aucune formalité ;

– décider du recours à un établissement-relais chargé de recevoir, à titre provisoire, tout ou partie des biens, droits et obligations de l’établissement en cause, en vue d’une cession ;

– solliciter le fonds de garantie des dépôts et de résolution ;

– transférer, avec son accord, au fonds de garantie des dépôts et de résolution ou à un établissement-relais les actions et les parts sociales émises par l’établissement soumis à la procédure de résolution ;

– estimer les dépréciations sur la base d’une valorisation de l’actif et du passif de la personne, sans prendre en compte la mise en œuvre des mesures de résolution, ni l’éventualité d’un soutien public ;

– imposer des mesures de renflouement interne (« bail in »), c’est-à-dire imposer la réduction du capital, l’annulation des titres de capital ou des éléments de passif ou la conversion des éléments de passif afin d’absorber le montant des dépréciations, selon un ordre d’appel sur lequel vos Rapporteur reviendront (cf. infra) ;

– exiger l’émission de nouvelles actions ou parts sociales ou d’autres instruments de fonds propres, y compris des actions de préférence et des instruments convertibles conditionnels ;

– interdire de payer tout ou partie des dettes faisant l’objet d’une mesure de renflouement interne nées avant la date de la décision de l’ACPR ;

– limiter ou interdire temporairement l’exercice de certaines opérations ;

– restreindre ou interdire la distribution d’un dividende aux actionnaires ou d’une rémunération des parts sociales aux sociétaires.

Le projet de loi prévoit que la responsabilité du déclenchement de la procédure de résolution échoit au gouverneur de la Banque de France et au directeur général du Trésor qui, seuls, peuvent saisir le collège de résolution de l’ACPR. Si un soutien financier exceptionnel de l’État est nécessaire, seul le directeur général du Trésor est compétent.

Le collège de résolution doit alors apprécier s’il y a effectivement défaillance et s’il n’existe aucune perspective que cette défaillance puisse être évitée autrement que par la mise en œuvre d’une mesure de résolution ou du programme de rétablissement. Un établissement est considéré comme défaillant s’il se trouve ou s’il est susceptible de se trouver à terme rapproché dans une des situations suivantes :

– il ne respecte plus les exigences de fonds propres qui conditionnent le maintien de l’agrément ;

– il n’est pas en mesure d’assurer ses paiements, immédiatement ou à terme rapproché ;

– il requiert un soutien financier exceptionnel des pouvoirs publics.

Il apparaît ainsi que si le projet de loi français dispose que les mesures de résolution poursuivent un objectif d’intérêt général, il ne fait pas explicitement référence, pour apprécier le déclenchement de la procédure de résolution, au critère de l’intérêt public inscrit dans la proposition de directive.

Celle-ci prévoit en effet que si les pouvoirs publics constatent qu’aucune mesure préventive ou d’intervention précoce ne peut permettre d’éviter la défaillance de la banque et que l’intérêt public le justifie (du fait de la menace qui pèse sur l’accès à des fonctions bancaires critiques, sur la stabilité financière ou sur l’intégrité des finances publiques), les pouvoirs publics doivent prendre le contrôle de l’établissement et arrêter des mesures de résolution.

La mise en place d’un mécanisme de renflouement interne (« bail in »), qui prévoit la mise à contribution des actionnaires, sociétaires et créanciers en cas de résolution, constitue le pivot de la réforme bancaire.

Il s’agit ainsi d’éviter un « bail out », c’est-à-dire un renflouement par la banque centrale ou l’État et de casser, ou tout au moins d’atténuer, l’aléa moral lié à la garantie implicite de l’État. C’est également un moyen d’inciter davantage les créanciers d’une banque à suivre ses activités.

Le groupe d’experts de haut niveau présidé par Erkki Liikanen met d’ailleurs en évidence l’importance de ce mécanisme à même de renforcer la capacité d’absorption des pertes des banques.

Pour autant, ce mécanisme est plus ou moins efficace selon l’ampleur qu’on lui accorde.

À cet égard, le projet français apparaît en retrait. Il vise tout d’abord les actionnaires et les sociétaires, puis les créanciers subordonnés et enfin les créanciers « juniors », mais ignore les créanciers « seniors », au motif que ce point n’a pas encore été tranché au niveau européen et qu’il convient de ne pas introduire de désavantage concurrentiel à ce stade.

Si cette position apparaît prudente, vos Rapporteurs plaident pour une inclusion des créanciers seniors dans le mécanisme de renflouement interne de manière coordonnée aux niveaux national, européen et international.

En effet, la possibilité de faire absorber les pertes par les créanciers constitue le seul moyen d’éviter que celles-ci ne soient in fine supportées par les contribuables. Or, les seules personnes visées à ce stade risquent de s’avérer rapidement insuffisantes en cas de défaillance, même si, selon la Commission européenne, dans le cadre de la troïka, on s’est limité jusqu’à présent aux créanciers juniors.

Ce danger a été confirmé avec force par M. Thierry Philipponnat, secrétaire général de Finance Watch, à la mission d’information.

Le fait que la proposition européenne mais aussi les mécanismes envisagés aux États-Unis et au Royaume-Uni le prévoient constitue toutefois un signe encourageant.

En tout état de cause, il apparaît que, s’agissant des mécanismes de renflouement interne, les contributeurs potentiels doivent en être clairement informés. Or, il ressort de la lecture du projet de loi français que rien n’est expressément prévu en la matière : seul le niveau spécifique de rémunération en rendrait compte.

Vos Rapporteurs sont d’avis que, conformément à ce qui est prévu dans la proposition de directive relative à la résolution, l’obligation pour les autorités de déprécier ou de convertir un instrument soit mentionnée dans les clauses régissant l’instrument ainsi que dans le prospectus et les documents d’offre l’accompagnant.

La fixation des valorisations (c’est-à-dire le prix d’émission des actions nouvelles et autres instruments de fonds propres à émettre, le taux de conversion des dettes convertibles, le prix de cession ou de transfert des actions et autres titres de capital, le prix de cession ou de transfert des actifs) est réalisée par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution sur proposition d’un expert indépendant ou par elle seule en cas d’urgence. Si le texte français prévoit bien que ces valorisations doivent être conduites selon les méthodes objectives couramment pratiquées en matière de cession totale ou partielle d’actifs de sociétés en tenant compte, selon une pondération appropriée à chaque cas, de la valeur boursière des titres, de la valeur des actifs, des bénéfices réalisés, de l’existence des filiales et des perspectives d’activité, il n’est pas précisé qu’elles doivent être justes et réalistes, alors que c’est prévu par la proposition de directive.

En outre, parmi la palette des mesures de résolution offerte par le projet de loi, plusieurs d’entre elles sont très fortes et susceptibles de porter atteinte à des droits et libertés, en particulier au droit de propriété. S’il est indiqué que ces mesures doivent être justifiées par des motifs d’intérêt général, il n’est aucunement précisé qu’elles doivent être proportionnées aux finalités poursuivies. C’est pourtant un principe inscrit dans la proposition de directive relative à la résolution et, surtout, dans l’article 52 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Il est d’ailleurs bien repris dans le projet de loi allemand.

En revanche, c’est conformément à la proposition de directive que le projet français prévoit qu’il revient au collège de résolution de veiller à ce qu’aucun actionnaire, sociétaire ou créancier n’encoure de pertes plus importantes que celles qu’il aurait subies si la personne avait été liquidée selon la procédure de liquidation judiciaire.

La proposition de directive laisse à chaque État membre le choix de mettre en place un fonds de résolution spécifique ou de le fusionner avec le fonds de garantie des dépôts et prévoit un double mécanisme de financement des mesures de résolution qui repose sur des contributions ex ante et ex post.

Le gouvernement français fait le choix d’étendre à la résolution le champ d’intervention de l’actuel fonds de garantie des dépôts créé par la loi du 25 juin 1999 sur l’épargne et la sécurité financière. Celui-ci, conformément aux directives relatives aux systèmes de garantie des dépôts de 1994 et 200912, a pour objet d’indemniser, dans la limite de 100 000 euros, les déposants en cas de défaillance d’un établissement bancaire. Il a également, conformément à la directive relative aux systèmes d’indemnisation des investisseurs13, une mission de « garantie des investisseurs » (ou garantie des titres) au bénéfice des clients des entreprises d’investissement dans la limite de 70 000 euros et de « garantie des cautions » au profit des clients des organismes délivrant des cautions obligatoires.

Jusqu’à présent le fonds est intervenu à deux reprises. Tout d’abord, au titre de la garantie des dépôts dans le cas du Crédit martiniquais qui était défaillant à la fin des années 1990 et pour lequel le montant du sauvetage n’est pas définitivement connu selon le ministère de l’Économie et des finances. Ensuite, dans le cadre de sa mission de garantie des titres en faveur des clients de la succursale italienne de la société « Européenne de Gestion Privée » (EGP), à hauteur de 13 millions d’euros à ce stade.

Le nouveau fonds, désormais dénommé fonds de garantie des dépôts et de résolution, pourrait intervenir, sur décision de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, auprès d’un établissement soumis à une procédure de résolution. En conséquence, le champ d’action du fonds, actuellement limité aux établissements de crédit agréés en France, serait étendu aux compagnies financières, compagnies financières holding mixtes et les entreprises d’investissement, à l’exception des sociétés de gestion de portefeuille.

Aujourd’hui, le fonds de garantie des dépôts a la possibilité d’intervenir, sur proposition de l’Autorité de contrôle prudentiel, à « titre préventif », c’est-à-dire lorsque la situation laisse craindre à terme une indisponibilité des dépôts ou des autres fonds remboursables. Mais il a l’obligation d’intervenir à la demande de l’Autorité de contrôle prudentiel lorsque cette dernière constate qu’un établissement de crédit n’est plus en mesure de restituer les fonds qu’il a reçus du public. Il en irait de même dans le cas de la résolution.

La France fait ainsi le choix d’une étanchéité totale des fonds, ce qui appelle à une certaine vigilance. En effet, si cette orientation ne soulève pas de difficulté particulière à ce stade, elle pourrait in fine se trouver en contradiction avec les options retenues au niveau européen.

L’existence d’un fonds unique est certes aujourd’hui permise par le projet de directive du 6 juin 2012 qui précise que, si les États membres doivent au moins utiliser les systèmes de garantie des dépôts afin de fournir de l’argent garantissant le maintien de l’accès aux dépôts couverts, ils gardent toute latitude quant à la manière de financer la résolution. Ils peuvent ainsi décider de créer des dispositifs de financement distincts des systèmes de garantie des dépôts ou utiliser leurs systèmes de garantie des dépôts.

Pour autant, les discussions en cours au niveau européen pourraient conduire, sous la pression du Parlement européen, à une obligation d’« étanchéification » des fonds. En effet, dans le cadre des négociations sur la proposition de directive relative aux systèmes de garantie des dépôts, ce dernier a fait part, dans sa résolution du 7 juillet 2010 contenant des recommandations à la Commission sur la gestion des crises transfrontalières dans le secteur bancaire et dans sa résolution du 16 février 2012 sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux systèmes de garantie des dépôts, de son souci qu’une partie des fonds des systèmes de garantie des dépôts soit « étanchéifiée ». La protection d’une certaine part, un tiers par exemple, pourrait être envisagée.

À cet égard, M. Olivier Guersent, chef du cabinet du commissaire européen Michel Barnier, a indiqué à la mission d’information lors de son déplacement à Bruxelles que, s’il était justifié de fusionner la gestion des fonds de résolution et de garantie des dépôts, il n’était pas certain qu’il en aille de même pour les enveloppes elles-mêmes. En tout état de cause, il convient de veiller à ce que l’argent ne soit pas utilisé à fonds perdus dans la résolution si celle-ci doit in fine conduire à une faillite et à un remboursement des déposants.

Vos Rapporteurs sont toutefois favorables à une fusion totale des fonds. Il existe en effet des synergies entre les systèmes de garantie des dépôts et la résolution. L’existence d’un cadre de résolution limitant la contagion réduit le nombre de défaillances bancaires et, par voie de conséquence, la probabilité de recourir aux systèmes de garantie des dépôts pour des indemnisations. Il peut être moins coûteux de financer la résolution ordonnée d’une banque que de laisser une banque déposer son bilan et devoir rembourser les déposants.

En tout état de cause, il doit être prévu, conformément à ce qui est envisagé au niveau européen, que l’ensemble du mécanisme demeure en mesure de garantir le remboursement des déposants en cas de défaillance.

À cet égard, il est simplement précisé dans le projet de loi que l’ACPR doit veiller à ce que l’intervention du fonds ne provoque pas de contagion des difficultés de la personne en résolution aux autres adhérents du fonds. Un décret en Conseil d’État doit ainsi fixer les conditions dans lesquelles est déterminé le plafond des contributions qui peuvent être appelées ex post auprès des adhérents du fonds, en tenant compte de leur situation au regard des exigences de fonds propres qui leur sont applicables.

Toutefois, le droit en vigueur n’est pas modifié s’agissant de l’intervention du fonds au titre de sa mission actuelle de protection des dépôts couverts. Dans l’hypothèse où les ressources du fonds se révèleraient insuffisantes, le ministre chargé de l’économie peut donc, par arrêté, lever des contributions ex post, y compris pour reconstituer les ressources du fonds, et ce sans plafond.

Dès lors que le fonds de garantie des dépôts voit son champ d’action étendu, la question de son volume et de ses modalités d’abondement ex ante se pose.

Aujourd’hui, le fonds de garantie des dépôts est alimenté par des ressources spécifiques à chaque mécanisme :

– des certificats d’association nominatifs et non négociables, souscrits par l’établissement au moment de son adhésion (sauf pour la garantie des cautions), éventuellement rémunérés, remboursables lors du retrait d’agrément ;

– des cotisations acquises définitivement, dont l’enveloppe globale annuelle est fixée par arrêté ministériel, la répartition entre les adhérents étant opérée par l’Autorité de contrôle prudentiel en proportion des risques portés par chacun d’eux ;

– des dépôts de garantie versés par les adhérents en substitution des cotisations sous certaines conditions, éventuellement rémunérés sauf survenance d’un sinistre au cours de l’exercice, remboursables au bout de cinq ans sauf transformation partielle ou totale en cotisation.

Les ressources totales du fonds de garantie des dépôts s’établissent ainsi à 2,3 milliards d’euros ; ses ressources annuelles s’étant élevées à 300 millions d’euros en 2012.

L’extension des missions du fonds emporte un besoin de financement supplémentaire. Ainsi, le gouvernement français avance une cible de 10 milliards d’euros en 2020, soit 1 % des dépôts. Pour autant, cette cible, proposée par la Commission européenne dans sa proposition de directive du 6 juin 2012, est âprement discutée, en lien avec la cible d’abondement du système de garantie des dépôts.

Ainsi, le principal point de désaccord entre le Conseil et le Parlement européen, qui bloque les négociations sur la proposition de directive relative aux systèmes de garantie des dépôts, concerne le niveau de financement ex ante des fonds de garantie. Le premier s’est mis d’accord sur un niveau de 0,5 % des dépôts proposés par la Commission, tandis que le second est favorable à un objectif de 1,5 %. Dans le cadre de la négociation sur la directive relative à la résolution, dont la version initiale propose que « les moyens financiers disponibles (…) atteignent au moins 1 % du montant des dépôts de tous les établissements de crédit », les États membres souhaitent que le niveau cible de financement soit identique que les fonds soient distincts ou fusionnés, et s’accordent sur le niveau de 1 %, même si certains, comme la Suède, jugent ce niveau insuffisant, ou, à l’instar de l’Allemagne, réservent encore leurs positions. La France défend un niveau de financement de 1 % des dépôts couverts pour le financement ex ante à la fois de la garantie des dépôts et des mesures de résolution.

La Commission européenne a toutefois précisé que l’introduction de la flexibilité dans l’utilisation des fonds afin de leur permettre d’absorber les pertes avant les créanciers chirographaires (« dette seniore »), pour laquelle plaide la majorité des États, devait conduire à revoir à la hausse ce niveau de financement. Le chef de cabinet du commissaire européen Michel Barnier, Olivier Guersent, a pour sa part affirmé qu’en-dessous de 1,5 % un problème de crédibilité se posait.

En outre, les modalités d’abondement du nouveau fonds doivent être fixées. Il convient en particulier de déterminer quelles seront les règles de contribution des entreprises d’investissement, dont il n’est pas tenu compte dans le dispositif actuel relatif à la garantie des dépôts.

À cet égard, vos Rapporteurs défendent la proposition d’affecter au nouveau fonds de garantie des dépôts et de résolution une partie de la taxe de risque systémique créée par la loi de finances initiale pour 2011. Applicable aux banques supervisées par l’Autorité de contrôle prudentiel et dont les exigences en fonds propres sont supérieures à 500 millions d’euros, elle a ainsi rapporté près de 500 millions d’euros au budget de l’État en 2011. Initialement instaurée à titre exceptionnel, elle a été pérennisée et représente, depuis le 1er janvier 2013, 0,5 % du montant des exigences minimales en fonds propres.

L’objet même de cette taxe justifie son affectation au nouveau fonds. En effet, plus l’État reçoit au titre de cette taxe, plus il s’inscrit dans une logique redevable et apparaît comme devant intervenir en dernier recours en cas de défaillance bancaire, ce qui est contraire à la logique même des dispositifs de résolution mis en place est d’éviter que les États n’aient à financer les mesures de résolution et de casser l’aléa moral lié à la garantie implicite de l’État.

III. CES RÉFORMES DOIVENT S’ACCOMPAGNER D’AVANCÉES SUBSTANTIELLES EN MATIÈRE DE SUPERVISION, DE MISE EN œUVRE DES NOUVELLES EXIGENCES PRUDENTIELLES ET DE RESPONSABILISATION DES DIRIGEANTS

Pour voir leur efficacité garantie, les réformes engagées en matière de séparation des activités bancaires et de mise en place de régimes de prévention et de résolution des défaillances bancaires doivent s’accompagner de l’adoption définitive du mécanisme de supervision européen, de la mise en œuvre des nouvelles règles prudentielles définies par le Comité de Bâle ainsi que de la mise en place de mesures destinées à davantage responsabiliser les dirigeants et preneurs de risques au sein des établissements de crédit.

Les défaillances bancaires qui se sont succédé depuis 2008 ont toutes mis à jour des défauts en matière de supervision. Il apparaît d’autant plus nécessaire d’y remédier qu’en l’absence de supervision forte, les autres dispositifs mis en place en matière d’exigences prudentielles ou de séparation des activités risquent de voir leur impact limité, comme l’a souligné M. Louis Gallois lors de son audition.

Le mécanisme unique de supervision décidé par le Conseil européen des 28 et 29 juin 2012, qui est le premier pilier de l’union bancaire, elle-même première composante du renforcement de l’Union économique et monétaire, doit répondre à l’exigence d’une supervision efficace. À cet égard, il convient de souligner tout l’’intérêt d’une supervision européenne, qui présente notamment l’avantage d’assurer une plus grande neutralité vis-à-vis des banques.

À la suite du Conseil européen des 28 et 29 juin 2012, la Commission européenne a présenté, le 12 septembre dernier, une proposition législative tendant à mettre en place un mécanisme de surveillance unique (MSU), sous la « responsabilité ultime » de la Banque centrale européenne (BCE). Cette proposition législative, présentée comme le premier pas vers une union bancaire intégrée, et qui doit être complétée par le mécanisme de garantie des dépôts et le mécanisme de résolution unique, se compose de deux propositions de règlements. Le premier confère une mission de surveillance à la BCE, tandis que le second modifie le règlement en vigueur instituant une Autorité bancaire européenne.

Sur la base de la proposition de la Commission, le Conseil est parvenu à fixer à l’unanimité, le 13 décembre 2012, les grandes lignes du nouveau mécanisme de surveillance unique (MSU) des établissements de crédit, sur le fondement desquelles les négociations avec le Parlement européen ont commencé le 18 décembre 2012.

Il est ainsi proposé que la Banque centrale européenne supervise l’ensemble des banques de la zone euro, en lien étroit avec les autorités nationales de contrôle. Il lui reviendrait notamment d’agréer les établissements de crédit, de faire respecter les exigences en matière de fonds propres, d’endettement et de liquidité des banques, d’organiser les stress tests évaluant la capacité de résistance des banques et de surveiller les conglomérats financiers. Elle pourrait infliger des sanctions financières (allant jusqu’à 10 % de leurs chiffres d’affaires) aux banques en cas de non-respect de leurs obligations. À l’issue d’un processus progressif, l’ensemble des banques de la zone euro serait placé sous surveillance européenne.

La BCE serait donc responsable du fonctionnement général effectif du mécanisme de surveillance unique. En coopération avec les autorités nationales de surveillance, elle exercerait une surveillance directe des banques de la zone euro, qui serait toutefois différenciée.

Les banques qui feraient ainsi l’objet d’une supervision directe de la BCE seraient celles dont les actifs sont supérieurs à 30 milliards d’euros ou représentent un cinquième du PIB de leur pays d’origine et celles bénéficiant d’un programme d’aide européen. En tout état de cause, les trois premiers établissements de chaque pays devraient être visés. Au total, ce sont 150 à 200 banques qui seraient visées, dont la plupart des banques françaises. À l’instar de la Commission européenne, la France défendait un champ d’action vaste, englobant les petits établissements, ceux-ci pouvant être à l’origine de crise bancaire, comme cela a été le cas en Espagne.

Les États membres hors zone euro pourraient participer au mécanisme en concluant des accords en vue d’une coopération étroite. Les 27 États membres pourraient ainsi prendre part à l’union bancaire et siéger dans les instances de supervision de la BCE. À ce stade, le Royaume-Uni, la Suède et la République tchèque ont indiqué qu’ils ne placeraient pas leurs banques sous supervision.

Par ailleurs, afin d’éviter tout conflit d’intérêts entre les objectifs de la politique monétaire et ceux de la surveillance prudentielle, les missions de politique monétaire de la BCE seraient strictement séparées de ses missions de surveillance. Ainsi, la BCE serait dotée d’un comité de surveillance chargé de préparer ses missions de surveillance et au sein duquel les pays n’appartenant pas à la zone euro qui participent au MSU disposeraient de droits de vote pleins et égaux. Les décisions du comité seraient considérées comme adoptées à moins que le conseil des gouverneurs de la BCE ne les rejette.

La BCE commencerait à exercer ses missions de surveillance le 1er mars 2014 ou 12 mois après l’entrée en vigueur de la législation, la date la plus tardive étant retenue.

Alors que la recapitalisation directe des banques par le nouveau mécanisme européen de stabilité (MES), dont la première réunion a eu lieu le 8 octobre 2012, est subordonnée à la mise en place du mécanisme européen de surveillance unique, le Conseil européen a précisé, le 14 décembre 2012, qu’un « cadre opérationnel, y compris pour ce qui est des actifs historiques, devrait être approuvé dès que possible dans le courant du premier semestre de 2013 afin que, lorsqu’un mécanisme de surveillance unique effectif aura été établi, le MES ait, à la suite d’une décision ordinaire, la possibilité de recapitaliser directement les banques ». L’enjeu est de taille : il s’agit de briser le cercle vicieux entre dette bancaire et dette publique. Toutefois, des réticences apparaissent à nouveau sur les modalités de fonctionnement de ce mécanisme. Certains États souhaitent en effet que le MES ne puisse être mobilisé que si l’État concerné est déjà intervenu et ne le peut plus pour des raisons budgétaires, ce qui constituerait un signal pour le moins négatif.

La mise en place du mécanisme de surveillance unique doit par ailleurs s’accompagner d’une modification des modalités de vote au sein de l’Autorité bancaire européenne, afin de garantir une bonne articulation des institutions. Les modalités de vote en son sein seraient modifiées, de telle sorte que les décisions adoptées reflètent de manière « équilibrée » les positions des États participant au MSU et ceux n’y participant pas.

Alors que l’objectif très ambitieux d’un accord sur ces textes avait été fixé pour la fin de l’année 2012, les négociations avec le Parlement européen achoppent aujourd’hui sur deux points principalement : l’obligation, pour la Banque centrale européenne, de rendre compte au Parlement européen de son activité de supervision et la politique de nomination.

Rappelons que la mise en place du mécanisme européen de surveillance, complété par les textes relatifs à l’harmonisation des systèmes de garantie des dépôts (il en existe 44 au sein des 27 États membres selon M. Robert Priester, directeur général adjoint de la Fédération bancaire européenne) et à l’harmonisation des régimes de prévention et de résolution des crises bancaires, constitue la première étape de l’union bancaire. La seconde étape est celle de la mise en place d’un mécanisme unique de résolution, avec une autorité de résolution européenne.

Vos Rapporteurs insistent sur la nécessité de conclure rapidement sur ce projet de mécanisme européen de surveillance où la détermination des autorités européennes a contribué à apaiser les marchés financiers.

Si tout un ensemble de leviers doit être mobilisé pour éviter de nouvelles crises bancaires et cantonner au maximum les conséquences de la défaillance d’un établissement de crédit, la réponse principale à la crise réside dans l’application des règles de Bâle III, ainsi que l’a souligné le Gouverneur de la Banque de France à la mission d’information.

Les règles de Bâle III visent en effet à tirer les leçons de la crise. Afin de renforcer la résilience du secteur financier et bancaire, quatre axes sont privilégiés : les fonds propres, la liquidité, l’effet de levier et le recours aux contreparties.

LES RÈGLES DE BÂLE III

► Le renforcement qualitatif et quantitatif des exigences en matière de fonds propres. Ainsi le ratio de fonds propres (exprimé en pourcentage des actifs pondérés en fonction des risques), qui demeure fixé à 8 %, voit sa composition changer puisque le noyau dur de la qualité la plus haute doit représenter 4,5 % des actifs pondérés en fonction des risques au lieu de 2,5 % dans Bâle II. Les critères de définition de chaque composante sont en outre renforcés.

Bâle III crée également deux « coussins » ou « réserves de sécurité » de capital :

– le coussin de conservation qui, fixé à 2,5 %, a pour objectif de prévenir toute situation dans laquelle l’argent des contribuables serait mis à contribution ;

– le coussin contra-cyclique qui a vocation à stabiliser la fourniture de crédits à l’économie. Il doit être alimenté et conservé pendant les périodes de croissance excessive du crédit et supprimé en cas de contraction du crédit. Il s’agit ainsi d’éviter que le crédit ne devienne trop bon marché au risque de former une bulle en période faste et de pouvoir mobiliser ce « coussin » lorsque la conjoncture se retourne, pour éviter que le crédit ne devienne trop cher. Il représente entre 0 et 2,5 % des actifs pondérés en fonction des risques.

► Des exigences nouvelles en matière de liquidité, un des problèmes majeurs pendant la crise ayant été le manque d’actifs liquides. Il est ainsi prévu de créer, à l’issue d’une période d’expérimentation, deux ratios de liquidité : un à court terme (1 mois), le Liquidity Coverage Ratio (LCR) et à un moyen terme (1 an), le Net Stable Funding Ratio (NSFR).

Le LCR, qui est destiné à mesurer la capacité de résistance des banques à un choc de liquidité majeur, se calcule de la manière suivante : total des actifs fortement liquides disponibles au bilan/sorties nettes de cash sur trente jours.

Début janvier 2013, le Comité de Bâle a assoupli la définition de ce ratio, afin de ne pas encourir le risque de paralyser l’économie. Alors que les actifs requis initialement comprenaient essentiellement des liquidités ou des emprunts d’État, ils pourront désormais inclure des obligations d’entreprises notées A+ à BBB-, certaines actions ainsi que des emprunts hypothécaires résidentiels titrisés bénéficiant d’une note AA ou supérieure. Cependant, une décote sera appliquée à ces actifs moins liquides. Une limite de 15 %, après décote, leur sera imposée dans le décompte des actifs liquides de haute qualité.

Le Comité de Bâle a également revu le calendrier de mise en œuvre de ce ratio. Si sa date d’entrée en vigueur est maintenue au 1er janvier 2015, à cette date les banques ne devront réunir que 60 % des montants initialement requis. Le matelas de liquidités sera augmenté à hauteur de 10 % par an pour atteindre 100 % à l’horizon 2019.

Le NSFR, qui vise à encadrer la « transformation » exercée par les établissements de crédit, est le rapport entre le montant de refinancement stable disponible dans une banque au montant requis par le régulateur. Il devra être supérieur à 100 %.

► Une protection contre l’excès d’effet de levier14, une des caractéristiques essentielles de la crise ayant été l’accumulation dans le système bancaire d’un effet de levier excessif au bilan et au hors-bilan. La publication d’un ratio de levier constituera donc un outil supplémentaire de contrôle.

► L’obligation généralisée de la contrepartie pour les transactions sur dérivés. Les banques doivent détenir des fonds supplémentaires contre le risque de détérioration de la qualité de crédit de leurs contreparties. Ces nouvelles exigences sont particulièrement contraignantes pour les banques qui feront le choix de ne pas avoir recours, pour mener leurs transactions sur produits dérivés, aux « contreparties centrales ».

Les accords de Bâle III devraient être transposés en droit européen par un projet de règlement et un projet de directive dits « CRR » et « CRD IV » (Capital Requirements Regulation et Capital Requirements Directive IV), ou encore « paquet CRD IV », présentés le 20 juillet 2011.

La proposition de règlement relatif aux exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement prévoit d’accroître le montant et la qualité des fonds propres que doivent détenir les banques, d’instaurer un ratio de couverture des besoins de liquidité (dont la composition sera déterminée en 2015, après une période d’observation) pour renforcer la capacité de résistance à court terme des établissements financiers, de mettre en place un ratio d’effet de levier (qui pourrait devenir contraignant au 1er janvier 2018) afin d’éviter le développement excessif de l’effet de levier dans les bilans de ces établissements et, enfin, d’encourager les banques à faire effectuer la compensation des opérations de gré à gré par une contrepartie centrale. Ces mesures seront introduites progressivement, conformément au calendrier qui a été défini par le Comité de Bâle.

La proposition de directive concernant l’accès à l’activité d’établissement de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement a pour objectif de renforcer la gouvernance d’entreprise dans les établissements de crédit ; mettre en place des sanctions harmonisées et efficaces ; instaurer un « coussin de conservation des fonds propres » identique pour toutes les banques de l’Union, destiné à être sollicité en cas de crise bancaire, et un « coussin de fonds propres contra-cyclique » à fixer au niveau national ; mettre en place des programmes de contrôle prudentiel plus solides et interdire aux banques le recours exclusif ou automatique aux notations de crédit externes.

Un cadre prudentiel « d’harmonisation maximale » est par ailleurs prévu, dans lequel la possibilité pour les régulateurs et superviseurs nationaux de définir un cadre plus contraignant est limitée.

La mise en œuvre des règles de Bâle III doit être coordonnée au niveau international, afin de ne pas créer de distorsion de concurrence.

Aux États-Unis, l’annonce d’un report de l’échéance a été faite à la fin de l’année 2012, en dépit d’un engagement ferme du Président Barack Obama. Toutefois, selon Nicolas Véron, économiste et membre de l’Institut Bruegel, les États-Unis adopteront vraisemblablement un texte très proche des règles de Bâle III avant la fin de l’année 2013.

Au niveau européen, les échéances relatives au paquet « CRD IV » ne cessent d’être repoussées. Alors que la directive devait être appliquée à compter du 1er janvier 2013, elle ne pourrait l’être, au mieux, que le 1er janvier 2014. Depuis l’approche générale agréée au Conseil Ecofin du 15 mai 2012 et le vote en commission des affaires économiques au Parlement européen le 14 mai 2012, les trilogues se succèdent sans parvenir à un accord. Les principaux points d’achoppement concernent la question des rémunérations, les modalités d’adoption des ratios de levier et de liquidité (le Parlement européen prône l’acte délégué plutôt que le processus de codécision), les limites de l’harmonisation maximale et les pouvoirs de l’Autorité bancaire européenne, la surveillance macro-prudentielle.

Au Conseil européen des 13 et 14 décembre 2012, les chefs d’État ont rappelé « l’importance que revêtent les nouvelles règles relatives aux exigences en matière de fonds propres pour les banques, qui constituent une priorité absolue en vue de l’élaboration d’un corpus règlementaire unique, et demand[é] à toutes les parties de s’employer à dégager un accord sur ces règles afin qu’elles soient adoptées rapidement ». C’est l’une des priorités de la présidence irlandaise.

Vos Rapporteurs insistent sur la nécessité d’une adoption rapide des normes de Bâle III aux États-Unis et en Europe.

C’est en premier lieu au conseil d’administration et à la direction d’une banque qu’il revient de contrôler le niveau de risque auquel la banque s’expose. La crise financière a cependant révélé les difficultés auxquelles sont confrontés la gouvernance et les mécanismes de contrôle, difficultés accrues par le glissement des activités bancaires vers davantage de négociation et d’activités de marché. Les banques sont en effet devenues plus complexes, moins transparentes et, par conséquent, plus difficiles à gérer.

Il apparaît donc nécessaire d’affermir la gouvernance et le contrôle des banques, ce qui suppose notamment de renforcer les organes d’administration et de direction, de promouvoir la fonction de gestion des risques au sein de la banque, de faciliter la surveillance du marché et de renforcer le contrôle de l’application des règles par les autorités compétentes.

À cet égard, les dispositions figurant dans la proposition de directive CRD IV, qui visent à renforcer l’efficacité de la surveillance des risques par les conseils d’administration, améliorer la fonction interne de gestion des risques et assurer une surveillance efficace de la gouvernance des risques par les autorités compétentes, doivent être saluées. Le régime de surveillance devrait ainsi être accru, avec l’exigence faite à chaque établissement d’élaborer un programme annuel de contrôle prudentiel sur la base d’une évaluation du risque. Sont également prévus une utilisation plus large et plus systématique des contrôles sur place, des normes plus solides et des évaluations prudentielles plus approfondies et plus prospectives, ainsi que le renforcement des pouvoirs de sanction des autorités de contrôle en cas de non-respect des exigences. Vos Rapporteurs rappellent la nécessité de l’adoption rapide de cette proposition de directive.

Au-delà, les conséquences d’une défaillance bancaire ou des errements d’un trader peuvent être d’une telle ampleur qu’elles appellent une responsabilisation accrue des dirigeants et preneurs de risques au sein des établissements de crédit. Deux pistes doivent être approfondies : celle de la rémunération et celle de la responsabilité pénale.

La règlementation bancaire en matière de rémunération a été considérablement renforcée, avec l’adoption des principes et standards du Conseil de stabilité financière en 2009, puis leur inscription dans la directive CRD III. Elle est inscrite en France dans le règlement no 97-02 du 21 février 1997 relatif au contrôle interne des établissements de crédit et des entreprises d’investissement dont la portée a été nettement renforcée en 2010. Cette règlementation concerne à la fois les dirigeants et les personnels dits « preneurs de risques ».

PRINCIPALES DISPOSITIONS RELATIVES À LA PRISE EN COMPTE DES RISQUES DANS LA POLITIQUE DE RÉMUNÉRATION

(règlement modifié du 21 février 1997 relatif au contrôle interne des établissements de crédit et des entreprises d’investissement)

► Les entreprises veillent à ce que le montant total des rémunérations n’entrave pas leur capacité à renforcer leurs fonds propres ; à cette fin, elles définissent un rapport approprié entre les composantes fixe et variable de la rémunération totale ;

► Les entreprises appliquent des politiques de rémunération qui visent à prévenir les risques et les conflits d’intérêts ;

► La rémunération des personnels de la filière « risques » est fixée indépendamment de celle des métiers dont ils valident ou vérifient les opérations, et à un niveau suffisant pour disposer de personnels qualifiés et expérimentés ; elle tient compte de la réalisation des objectifs associés à la fonction. La rémunération des responsables est directement examinée par le comité de rémunération ou par l’organe délibérant ;

► Le montant consacré à la rémunération variable et sa répartition au sein de l’entreprise doivent être déterminés en tenant compte de l’ensemble des risques, y compris du risque de liquidité inhérent aux activités concernées, ainsi que du capital nécessaire eu égard aux risques encourus. Les entreprises doivent être en mesure de réduire significativement le montant des rémunérations variables attribuées au titre de l’exercice ou des exercices où des pertes sont constatées ;

► Les entreprises veillent, concernant les catégories de personnel incluant les preneurs de risques, les personnes exerçant une fonction de contrôle ainsi que tout salarié qui, au vu de ses revenus globaux, se trouve dans la même tranche de rémunération, dont les activités professionnelles ont une incidence significative sur le profil de risque de l’entreprise assujettie, ainsi que pour les personnels des filiales non assujetties au sein d’un groupe surveillé sur base consolidée, dont les activités ont une incidence significative sur le profil du risque du groupe :

– à ce qu’une part significative de la rémunération soit variable et versée sur la base de critères et indicateurs permettant de mesurer les performances individuelles ou collectives ainsi que celle de l’entreprise ;

– à ne pas verser de rémunération variable garantie, sauf éventuellement dans le contexte d’une embauche, et pour une durée qui ne peut excéder un an ;

– à ce qu’une fraction importante, ne pouvant être inférieure à 40 % et atteignant au minimum 60 % pour les rémunérations variables les plus élevées, de ces rémunérations variables soit versée sous condition de résultat et différée sur une durée minimale de trois ans, avec un rythme de versement qui ne doit pas être plus rapide qu’un pro rata temporis. La durée du différé tient compte du cycle économique, de la nature des activités, des risques associés à celles-ci et des activités des salariés en question ;

– à ce qu’une part importante, ne pouvant être inférieure à 50 % de la rémunération variable prenne la forme d'actions, d’instruments adossés à des actions, d’instruments indexés de manière à favoriser l’alignement sur la création de valeur à long terme, ou, pour les sociétés non cotées, d’autres instruments équivalents. Elles veillent à ce que l’attribution des actions ou des instruments adossés à des actions soit subordonnée à une durée de détention minimale. Cette règle s’applique à la rémunération variable pour sa composante différée et non différée ;

– à ce que, en cas de pertes, la part de la rémunération différée susceptible d’être versée aux salariés concernés sous condition des résultats de l’exercice où les pertes sont constatées soit substantiellement réduite ou ne soit pas versée ;

► Les entreprises interdisent à leurs salariés de recourir à des stratégies individuelles de couverture ou d’assurance en matière de rémunération ou de responsabilité qui limiteraient la portée des dispositions d’alignement sur les risques contenues dans leurs dispositifs de rémunération.

Il convient toutefois d’aller plus loin de manière coordonnée au niveau européen et international. Deux pistes de réflexion, lancées par le groupe d’experts de haut niveau présidé par Erkki Liikanen, méritent ainsi d’être approfondies.

La première propose de limiter à 50 % le rapport entre la rémunération variable et la rémunération fixe. L’introduction d’un plafond pour la part variable exprimé en pourcentage de la part fixe a également été suggérée par le Parlement européen dans le cadre des débats sur la proposition de directive CRD IV. Si une telle mesure ne peut s’envisager dans un cadre purement national, elle doit être sérieusement étudiée dans le cadre européen.

La seconde, qui s’inspire de l’exigence formulée dans la directive CRD III selon laquelle la rémunération variable doit être composée à hauteur de 50 % d’actions ou d’autres instruments de la banque et soumise à une politique de rétention appropriée, consisterait à exiger qu’une partie de la rémunération variable soit composée d’obligations admissibles aux fins d’un renflouement interne.

En droit français, la défaillance d’une entreprise en général et d’une banque en particulier ne constitue pas en soi une infraction pénale susceptible d’être sanctionnée par les tribunaux correctionnels.

Toutefois, une défaillance permet souvent de constater l’existence d’infractions pénales qui ont pu entraîner ou accompagner cette dernière, en particulier :

– la banqueroute, qui vise les personnes qui, en cas d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, ont soit fait des achats en vue d’une revente au-dessous du cours, soit employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds dans l’intention d’éviter ou de retarder l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ; ont détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif du débiteur ; ont frauduleusement augmenté le passif du débiteur ; ont tenu une comptabilité fictive ou fait disparaître des documents comptables de l’entreprise ou de la personne morale ou s’être abstenu de tenir toute comptabilité pourtant obligatoire ; ont tenu une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions légales. La banqueroute est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende ;

– l’abus de biens sociaux où les biens ou le crédit de la société ont été utilisés par un dirigeant à des fins personnelles et contraires à l’intérêt de la société et la présentation de bilan inexact, tous deux punis de 5 ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende ;

– la diffusion de fausses informations, qui ne concerne que les sociétés cotées et est punie de 2 ans d’emprisonnement de 1,5 million d’euros d’amende.

Les dirigeants peuvent également, en l’absence d’infractions pénales constituées, être sanctionnés par le tribunal de commerce dans le cadre :

– d’action en comblement de passif. Lorsqu’une faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actifs peut être mise à la charge d’un dirigeant, celui-ci peut être condamné à combler tout ou partie de cette insuffisance d’actifs ;

– de faillite personnelle et d’interdiction de gérer, qui vise les dirigeants ayant poursuivi abusivement une exploitation déficitaire, détourné de l’actif ou frauduleusement augmenté le passif.

Compte tenu de l’ampleur des conséquences que peut avoir une défaillance bancaire sur l’économie, il serait justifié d’aller plus loin. Deux options, éventuellement cumulatives, pourraient être envisagées.

La première reviendrait à aggraver les peines encourues dans le cas particulier des établissements de crédit.

La seconde consisterait à créer des délits spécifiques, comme celui de la mise en danger d’une entreprise du secteur financier, sur le modèle de l’Allemagne.

En effet, le volet du projet de loi allemand relatif aux peines encourues par les dirigeants en charge des risques de banques et d’assurances poursuit un rôle à la fois préventif (prévention d’une mauvaise gestion du risque) et répressif, avec l’instauration d’une responsabilité individuelle dans le cas d’une instabilité des marchés financiers provoquée par les difficultés de l’entreprise.

Le projet de loi définit les obligations du dirigeant en charge des risques. Ce dernier devra obligatoirement utiliser certains instruments de planification, de mise en œuvre, d’évaluation et d’ajustement pour assurer une bonne gestion des risques.

Le projet de loi introduit également des sanctions pénales auxquelles s’expose un dirigeant en charge des risques qui, en enfreignant ces obligations de sécurité par négligence ou intentionnellement, a conduit un institut ou une entreprise à la crise. La mise en danger d’une entreprise du secteur financier entraînerait une peine d’emprisonnement de cinq ans ou une amende d’un montant maximum de 10,8 millions d’euros.

TRAVAUX DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPEENNES

La Commission s’est réunie le 5 février 2013, sous la présidence de Madame Danielle Auroi, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé des rapporteurs a été suivi d’un débat.

« M. Michel Piron. Concernant la question des fonds propres, j’aimerais savoir de quel ratio de solvabilité et de liquidité on parle, et connaître la position des différents pays sur cette question, qui semblent éloignées, pour ne pas dire opposées. Je rappelle que dans le cadre des accords de Bâle III on envisageait le doublement des fonds propres des banques, mais quid de la restriction des capacités à prêter ? Par ailleurs, je m’interroge sur la question de la taille des banques, qui sont des établissements d’une telle dimension qu’on peut se poser la question de la capacité même à les gouverner. Quand on parle de régulation, est-il possible de réguler ce qu’on connaît mal et à qui ces types de régulation vont-ils s’imposer ? L’Allemagne s’est opposée à l’entrée des Caisses d’épargne dans la régulation, alors qu’elles drainent près de la moitié du secteur bancaire allemand. Too big to fail ? Ce n’est pas sûr. On doit se poser la question des limites de la gouvernance du fait de la taille des établissements. Quant à la Grande-Bretagne, notons que l’apparence de vertu de la proposition à horizon 2019 n’engage pas trop et laisse encore quelques années pour pêcher.

La position du gouvernement français m’étonne aussi. Très franchement, le fait de prendre pour partie les devants est-il tenable, et jusqu’où, par rapport à une définition européenne qui n’est toujours pas actée ?

Mme Axelle Lemaire. Christophe Caresche a bien explicité l’idée sous-jacente qui gouverne le système actuel, selon lequel, de toute façon l’État et le contribuable pourront intervenir in fine. La grande nouveauté de ce texte est d’inscrire noir sur blanc que seront appelés en cas de faillite d’abord les actionnaires, ensuite les fonds de garanties, et, seulement en dernier recours, les fonds publics. Il convient en outre d’insister sur l’aspect préventif des fonds de résolution. Il s’agit-là d’une grande nouveauté, puisqu’on oblige les établissements de crédits à se placer dans une perspective prospective et à négocier avec le régulateur, sur ce qui serait le cas échéant cédé ou gardé, etc. Il y a là responsabilisation en amont, et aussi au niveau macroéconomique, avec la création du CSF, qui aura des pouvoirs très importants, comme celui de demander l’augmentation du ratio de fonds propres, ou la modification de la politique de crédit. Si l’Irlande ou l’Espagne avaient eu un mécanisme comparable, les risques liés à la bulle immobilière auraient été détectés. Concernant le calendrier, il n’est pas souhaitable d’attendre une initiative européenne, qui serait par trop lointaine, et c’est peut être une bonne chose que la France soit précurseur, afin de peser avec nos amis Allemands et Britanniques. Concernant le point 6 des résolutions, on parle du « bail in » ; il aurait été intéressant d’ajouter une phrase qui concerne toutes les mesures de résolution, ce qui reviendrait à appliquer tant la directive qu’un principe général du droit. Concernant le point 11, je note que souvent les excès ne proviennent pas toujours des dirigeants, qui ne sont pas forcément au courant de tout ce qui se passe sur les desks, mais parfois de cadres bancaires, pas forcément expérimentés, qui prennent des décisions qui ont impact financier immense, sans avoir une vue globale de l’activité et de la situation financière de la banque.

M. Jerôme Lambert. Ces traders gagnent d’ailleurs parfois plus que beaucoup de dirigeants. Par ailleurs, à la lecture des conclusions, je souscris tout à fait à la volonté du Gouvernement de mettre en œuvre cette réforme bancaire, mais on n’est pas au bout de nos peines. La liste des recommandations des conclusions est longue ; il faut en effet appuyer ces évolutions mais ne nous berçons pas d’illusions. Les difficultés seront réelles. Il faut mener ce combat de manière déterminée, au-delà de la France.

M. Christophe Caresche, co-rapporteur. Concernant Bâle III, les choses sont maintenant bien calées. Le commissaire européen a demandé de revoir la base de calcul des ratios de liquidités, lequel devrait être inclus dans la directive CRD 4 qui devrait être votée avant la fin de l’année. Je me permets de souligner que la France est exemplaire en la matière, puisque nos banques appliquent des ratios supérieurs et ont augmenté leurs fonds propres. Ce n’est pas le cas aux États-Unis, où les promesses en ce sens d’Obama n’ont pas été tenues. Concernant la taille des banques, le rapport Liikanen a bien montré que la taille des banques n’est pas un critère absolu de risque ou de non risque. Il y a des grosses banques, notamment françaises, qui ont limité les risques contrairement à d’autres plus petites. La différence vient plutôt dans la nature des activités et du risque : les banques françaises ne titrisent pas et le risque se voit dans leurs bilans. Cette question est plus compliquée que celle de la seule taille des banques. C’est d’ailleurs un des sujets venus sur la question des supervisions. L’Allemagne ne voulait pas qu’on s’occupe des banques importantes mais l’Allemagne n’a pas eu totalement gain de cause et le superviseur pourra exercer un monitoring sur toutes les banques. La France n’a pas de régime de résolution : c’est un vrai problème. L’Allemagne en a un et ne veut pas le mutualiser. Le choix de la France est donc de faire un mécanisme de résolution qui sera un élément de crédibilité et permettra de faire avancer les choses au niveau européen. Il faut voir ce qui est derrière nous mais aussi ce qui est devant nous : l’Europe sera-t-elle capable de faire ce qu’elle a décidé, alors que l’Allemagne ne voulait pas de l’accord de juin, promus par la Commission européenne ? C’est pourquoi nous devons exercer de notre côté une pression, pour reprendre la discussion avec l’Allemagne et aboutir ; à défaut de quoi, l’euro va encore être chahuté sur les marchés.

M. Didier Quentin, co-rapporteur. Il serait intéressant d’inviter M. Barnier devant notre commission pour nous parler de ce sujet, ainsi que M. Liikanen.

La Présidente Danielle Auroi. Oui, c’est une très bonne idée.

M. Gilles Savary. Ce fonds de résolution me fait penser au FIPOL, mis en place pour lutter contre les marées noires. C’est une taxe qui se donne bonne conscience, mas celui qui crée le problème ou le déséquilibre est assuré par un fonds financé par tous les autres sans que sa responsabilité ne soit inquiétée. Ce type de fonds est sans doute un progrès mais exonère les fauteurs de leurs responsabilités.

M. Christophe Caresche, co-rapporteur. C’est un peu différent, car ce fonds est une contribution des banques. Par ailleurs, il sera activé par l’autorité de résolution après que tout ce qu’on a pu faire dans le cadre de la banque soit fait. C’est préventif : il s’agit de garantir le système.

La Présidente Danielle Auroi. Je propose que nous adoptions les résolutions modifiées suite aux remarques de Mme Axelle Lemaire. »

La Commission a ensuite adopté les conclusions dont le texte figure ci-après.

Sous réserve des observations ainsi formulées, la Commission a approuvé la proposition de directive du 12 juillet 2010 relative aux systèmes d’indemnisation des investisseurs (COM (2010) 371) et la proposition de directive du 6 juin 2012 établissant un cadre pour le redressement et la résolution des défaillances d’établissements de crédit et d’entreprises d’investissement (COM (2012) 280).

CONCLUSIONS ADOPTEES PAR LA COMMISSION

La Commission,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu le traité sur l’Union européenne,

Vu la proposition de directive du 12 juillet 2010 relative aux systèmes de garantie des dépôts (COM (2010) 368 final),

Vu la proposition de directive du 12 juillet 2010 relative aux systèmes d’indemnisation des investisseurs (COM (2010) 371),

Vu la proposition de directive du 6 juin 2012 établissant un cadre pour le redressement et la résolution des défaillances d’établissements de crédit et d’entreprises d’investissement (COM (2012) 280),

Vu la proposition de règlement du 20 juillet 2011 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement (COM (2011) 452),

Vu la proposition de directive du 20 juillet 2011 concernant l’accès à l’activité d’établissement de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement (COM (2011) 453),

Vu la proposition de règlement du 12 septembre 2012 confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques de contrôle prudentiel des établissements de crédit (COM (2012) 511),

Vu la proposition de règlement du 12 septembre 2012 modifiant le fonctionnement de l’Autorité bancaire européenne (COM (2012) 512),

Vu le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires,

Vu l’article 151-1-1 du règlement de l’Assemblée nationale,

Considérant que les projets de réformes destinées à mieux réguler le secteur bancaire doivent poursuivre un double objectif qui consiste à assurer la sécurité nécessaire à l’économie tout en veillant à en garantir un financement efficace,

Considérant que les réformes dans le domaine bancaire doivent être avant tout abordées sous un angle européen et mondial,

Considérant que le secteur bancaire européen se caractérise par la diversité des modèles économiques opérant sous différents régimes juridiques et que le secteur européen des entreprises est principalement financé au moyen de prêts bancaires,

1. Prend acte du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires présenté par le gouvernement français et en soutient résolument les objectifs ;

2. Rappelle l’impérieuse nécessité d’une articulation cohérente entre les calendriers d’examen des projets de loi nationaux et ceux des textes européens ; en l’espèce, certaines dispositions du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires relatives à la mise en place d’un régime de résolution, comme les règles de renflouement interne, seraient susceptibles de devoir être modifiées prochainement compte tenu du calendrier d’adoption de la proposition de directive fixé par le Conseil européen ;

3. Soutient le modèle de cantonnement au sein d’une filiale des activités qui ne sont pas utiles au financement de l’économie ;

4. Appelle à l’élaboration d’une réglementation relative aux hedge funds au niveau international et demande que la Commission européenne présente au plus vite, et au plus tard en juin 2013, une proposition de réglementation relative au secteur bancaire parallèle (« shadow banking ») afin de réguler ce secteur et d’éviter que les risques systémiques ne se déplacent vers ce secteur au fur et à mesure de la mise en œuvre de règles plus contraignantes dans le secteur bancaire et financier traditionnel ;

5. Se félicite de la mise en place d’un régime de résolution des crises bancaires en France mais constate que son calendrier d’adoption ne coïncide pas avec celui de la proposition de directive relative au cadre de prévention et de gestion des crises bancaires ;

6. Estime qu’il est indispensable d’assurer, conformément aux principes posés au niveau européen, une information claire des personnes susceptibles de participer au renflouement interne d’un établissement de crédit défaillant ;

7. Suggère d’affecter une partie de la taxe de risque systémique au Fonds de garantie des dépôts et de résolution ;

8. Demande que la Commission européenne présente avant juin 2013 une proposition relative à la mise en place d’un mécanisme unique de résolution pour les États membres participant au mécanisme unique de surveillance, en vue d’une adoption avant le renouvellement du Parlement européen ;

9. Appuie la mise en place d’un mécanisme de surveillance unique et souligne la nécessité d’une harmonisation des méthodes de supervision entre les pays européens, privilégiant le contrôle du fonds au contrôle de la forme ;

10. Souligne l’impérieuse nécessité d’une application rapide et coordonnée de « Bâle III » par tous les États concernés, afin de ne pas créer de distorsion de concurrence, et rappelle à cet égard qu’il convient de renforcer la coopération transatlantique en matière de réglementation financière ;

11. Estime qu’il est indispensable de responsabiliser les dirigeants d’établissement de crédit en affermissant leur responsabilité pénale et en encadrant davantage les modalités de leurs rémunérations et demande au gouvernement français et à la Commission européenne d’approfondir les propositions visant, d’une part à ce que la part variable de la rémunération des dirigeants des banques puisse être composée d’obligations admissibles aux fins de renflouement interne et, d’autre part à limiter à 50 % le rapport entre part variable et part fixe ; souhaite que cette approche soit étendue aux autres rémunérations les plus élevées.

ANNEXES

Annexe 1 : Liste des personnes entendues par les rapporteurs

Vos Rapporteurs remercient tout particulièrement leurs interlocuteurs pour la qualité des échanges menés ainsi que le service économique de l’Ambassade de France au Royaume-Uni pour sa très grande efficacité.

I. À Paris :

– M. Emmanuel Macron, secrétaire général adjoint de la présidence de la République ;

– M. Louis Gallois, commissaire général à l’investissement et membre du groupe d’experts de haut niveau sur la réforme structurelle du secteur bancaire ;

– M. Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France ;

– Mme Muriel Lacoue-Labarthe, conseillère chargée des affaires européennes et M. Alexis Zajdenweber, conseiller chargé du secteur financier au cabinet du ministre de l’Economie et des finances ;

– M. Nicolas Véron, économiste et membre de l’Institut Bruegel ;

– M. Séverin Cabannes, directeur général délégué et M. Gilles Briatta, secrétaire général adjoint de la Société générale ;

II. À Francfort :

– M. Erkki Liikanen, gouverneur de la Banque de Finlande ;

–M. Panagiotis Strouzas, head of division – financial services policy, M. Jean-Christophe Cabotte, principal legal counsel – legal services, Mme Pascale Duparc-Portier, senior lawyer linguist – legal services, Mme Olya Ranguelova, financial stability expert – financial services policy et Mme Marion Salines, economist – EU institutions and fora division, à la Banque centrale européenne ;

III. À Londres et Oxford :

– Sir John Vickers, économiste et président de l’Independent Commission on Banking ;

– M. Charles Roxburgh, directeur général des services financiers au Trésor ;

– Mme Isabelle Vaillant, directrice de la régulation et M. Philippe Allard, expert, à l’Autorité bancaire européenne ;

IV. À Bruxelles :

– M. Olivier Guersent, chef du cabinet et M. Bertrand Dumont, conseiller au cabinet du commissaire européen chargé du marché intérieur et des services ;

– M. Benoît de La Chapelle Bizot, ministre conseiller pour les affaires financières et monétaires à la Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne ;

– M. Demosthenes Ioannou, représentant de la Banque centrale européenne auprès de l’Union européenne ;

– M. Robert Priester, directeur général adjoint de la Fédération bancaire européenne ;

– M. Thierry Philipponnat, secrétaire général de Finance Watch.

Annexe 2 : Déclaration de Berlin à l'occasion du cinquantième anniversaire du traité de l’Elysée

1. Le 22 janvier 1963, le général de Gaulle et le chancelier Adenauer signaient un traité entré dans l'histoire sous le nom de Traité de l'Élysée, consacrant l'engagement irrévocable de la France et de l'Allemagne pour la paix, l'amitié de leurs peuples et l'Europe. C'est avec une grande fierté que nous célébrons aujourd'hui le cinquantième anniversaire de ce texte audacieux.

Les deux conflits mondiaux dévastateurs ont montré l'horreur de la guerre et les souffrances incommensurables infligées par la barbarie. Le souvenir de ces affrontements constitue le socle de notre réconciliation.

Le Traité de l'Élysée a marqué un nouveau départ dans notre relation. Il est plus que jamais indispensable.

Dans le discours qu'il a prononcé lors de la remise du prix Nobel de la paix à l'Union européenne, le 10 décembre 2012, Thorbjørn Jagland, le président du comité Nobel, a qualifié la réconciliation entre l'Allemagne et la France «d'exemple vraisemblablement le plus spectaculaire de l'histoire montrant comment un continent de guerre et de conflits peut se transformer si rapidement en un continent de paix et de coopération». La relation entre nos deux pays constitue le cœur de l'Europe et nous confère une responsabilité exceptionnelle.

2. La jeunesse représente l'avenir de l'amitié franco-allemande. Elle forme la priorité de nos relations. Depuis 1963, plus de huit millions de jeunes ont participé aux programmes d'échanges de l'Office franco-allemand pour la Jeunesse. Nous avons décidé de renforcer notre soutien à l'action de l'OFAJ en lui accordant des moyens à la hauteur de notre ambition. Notre jeunesse doit pouvoir avoir la chance de réaliser ses projets et d'y consacrer son énergie et le désir d'épanouissement qui l'anime. À cette fin, nous déploierons tous les efforts nécessaires pour qu'elle ait accès à la meilleure éducation, à des emplois et qu'elle puisse bénéficier de l'ensemble des possibilités offertes dans nos deux pays et en Europe. Nous avons décidé de mettre en place des mesures concrètes pour développer la formation et les compétences professionnelles des jeunes y compris par des filières bilingues.

3. Une communauté de destins et une véritable citoyenneté européenne ne peuvent se développer sans un espace commun de l'éducation, du savoir et de la culture. Dans cette perspective, la France et l'Allemagne développeront des coopérations concrètes qui auront vocation à inspirer des initiatives européennes. Dans le domaine culturel, elles promouvront des partenariats dans tous les domaines et l'approfondissement d'un système économique et fiscal européen protégeant le droit d'auteur, y compris dans le domaine numérique. Fortes de la promesse suscitée par le rapprochement de leurs sociétés civiles, elles s'engagent à favoriser une conscience citoyenne européenne, respectueuse des spécificités de chacun, à travers la promotion de l'enseignement de l'histoire de l'Europe, de l'apprentissage de la langue des autres États membres, de la préservation et la mise en valeur du patrimoine européen.

4. Sous l'impulsion conjointe de la France et de l'Allemagne, l'Union européenne a porté un projet fort pour la démocratie, les libertés, le progrès économique et social des peuples européens, tenant compte du principe du développement durable et de l'achèvement du marché intérieur et du renforcement de la cohésion et de la protection de l'environnement.

Nous, Allemands et Français, au même titre que tous les Européens, pouvons être fiers de ce que nous avons accompli. Notre modèle européen, conciliant d'une manière unique la réussite économique et la solidarité sociale, conserve toute sa force. Néanmoins, nous ne pourrons jouer ce rôle d'exemple à l'avenir que si nous partageons la volonté de renouveler continuellement notre modèle européen en maintenant ses fondements.

La coopération entre nos deux pays, à l'origine même de la construction européenne, traduit l'importance du rôle moteur du couple franco-allemand. Alors que l'Europe fait face à une crise qui frappe durement les Européens, nous sommes déterminés à développer encore la coopération franco-allemande et à la mettre au service de l'approfondissement de l'Union économique et monétaire afin que l'Europe surmonte les difficultés et nous permette de sortir de la crise plus forts.

5. La compétitivité de nos économies est l'une des clés de notre prospérité et de la préservation de notre modèle économique et social. Elle constituera un thème important de notre coopération. Nous intensifierons nos échanges avec les partenaires sociaux, afin de prendre des initiatives communes pour renforcer la compétitivité de nos économies tout en assurant un haut niveau de protection sociale. À cette fin, nous invitons les représentants des employeurs, les syndicats et les représentants des salariés à créer un groupe de travail consultatif franco-allemand qui proposera des initiatives conjointes.

6. Ensemble, la France et l'Allemagne ont porté et défendu la monnaie unique. Elles s'accordent sur l'importance décisive de la stabilité et de la croissance au sein de l'Union économique et monétaire pour l'avenir de nos deux pays et de l'Union européenne. C'est une condition indispensable pour que notre modèle économique et social européen puisse s'affirmer dans le monde. La France et l'Allemagne sont conscientes de leur responsabilité particulière à cet égard.

Elles prendront des initiatives ambitieuses pour définir les étapes de cet approfondissement et établir les politiques, les instruments et le cadre institutionnel démocratique nécessaire à sa réalisation. La France et l'Allemagne présenteront une contribution commune en mai prochain visant à contribuer aux travaux engagés dans la perspective du Conseil européen de juin.

7. Au-delà, elle porteront également de nouvelles ambitions pour les politiques européennes, notamment dans le domaine de la recherche et de l'innovation, de l'énergie, des transports, de la politique industrielle, de l'économie numérique, de l'espace de liberté, de sécurité et de justice, y compris par l'instauration d'un parquet européen, de la défense.

8. Nos sociétés sont caractérisées par de profonds changements démographiques. Elles doivent s'adapter pour relever ce défi. La solidarité entre les générations, la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale et l'intégration de tous dans nos sociétés revêtent dans ce contexte une importance décisive. Aussi ces enjeux constituent-ils un axe prioritaire de la coopération franco-allemande.

9. Nous sommes déterminés à réussir la transition énergétique et écologique dans nos deux pays et à travailler ensemble au déploiement des énergies renouvelables, au renforcement de l'efficacité énergétique, au développement des nouvelles technologies, à la mise en place de nouveaux modes de financement des investissements et à l'approfondissement du marché intérieur de l'énergie. Nous devons avancer résolument vers une véritable politique européenne de l'énergie. C'est ainsi que nous tiendrons notre rang dans la compétition mondiale et que nous contribuerons à la lutte contre le réchauffement climatique.

10. La France et l'Allemagne poursuivront leur concertation étroite sur toutes les questions importantes de politique étrangère. Elles entendent renforcer le rôle, les objectifs et la voix de l'Europe dans le monde pour promouvoir la paix et la sécurité, faire progresser les droits de l'Homme, soutenir le développement, lutter contre la pauvreté, protéger l'environnement, réguler les échanges internationaux. Le développement d'une politique extérieure et de sécurité commune renforcée, y compris à travers une politique de sécurité et de défense commune, devra répondre à ces objectifs. La France et l'Allemagne contribueront à l'émergence d'une véritable culture de sécurité et défense commune en Europe grâce au développement des échanges entre jeunes officiers et à l'établissement d'une analyse stratégique convergente. Elles développeront des options d'actions conjointes et les moyens et capacités nécessaires au travers de l'harmonisation des besoins militaires. Dans ce contexte, elles souhaitent renforcer l'industrie de défense européenne.

11. En cette année de souvenir autant que d'engagement pour l'avenir, la France et l'Allemagne sont conscientes de l'importance de leur relation dans la définition et la mise en œuvre des orientations qui dessineront l'Europe de demain. Le Traité de l'Élysée est une source d'inspiration pour notre action.

La coopération de la France et de l'Allemagne doit engager également les Parlements, qui ont décidé aujourd'hui même d'une nouvelle étape de leur travail commun. Les initiatives d'échange issues de la société civile doivent aussi se poursuivre afin de prolonger le rapprochement engagé par les générations précédentes.

Nos deux pays s'engagent à honorer le Traité de l'Élysée en oeuvrant, dans un rapprochement toujours plus étroit entre leurs autorités et entre leurs citoyens, à la construction d'une Union qui préserve notre idéal européen de société dans l'intérêt de tous les citoyens de l'Union européenne.


Annexe 3 : textes présentés par la commission européenne en matière bancaire et financière

annexe 4 : caractéristiques des principales banques européennes (2011) 

Banque

Pays

Montant total des actifs
(en millions d’euros)

Total des actifs/
PNB national (en %)

Total des actifs/
PNB européen

(en %)

Nombre de salariés

Nombre de succursales en Europe

Progression des actifs entre 2007 et 2011

Deutsche Bank

DE

2 164 103

84,8

17,4

100 996

2 735

12,4

HSBC

UK

1 967 796

119,8

15,8

288 316

1 984

22,2

BNP Parisbas

FR

1 965 283

99,8

15,8

198 423

6 816

16,0

Crédit Agricole

FR

1 879 536

95,4

15,1

162 090

9 924

22,0

Barclays

UK

1 871 469

113,9

15,0

141 100

2 602

12,0

RBS

UK

1 803 649

109,8

14,5

146 800

2 477

-28,0

Santander

ES

1 251 525

118,2

10,1

193 349

7 467

37,1

Société Générale

FR

1 181 372

60,0

9,5

159 616

6 456

10,2

Lloyds Banking Group

UK

1 161 698

70,7

9,3

98 538

2 956

141,5

Groupe BPCE

FR

1 138 395

57,8

9,1

117 000

8 388

-

ING

NL

961 165

161,5

7,7

71 175

1 938

3,3

Unicredit

IT

926 769

59,4

7,4

160 360

8 068

-9,3

Rabobank Group

NL

731 665

122,9

5,9

59 670

906

28,3

Nordea

SE

716 204

197,4

5,8

33 068

1 097

84,1

Commerzbank

DE

661 763

25,9

5,3

58 160

1 598

7,3

Intesa

IT

639 221

41,0

5,1

100 118

6 603

11,6

BBVA

ES

597 688

56,5

4,8

110 645

2 965

19,1

Standard Chartered

UK

461 284

28,1

3,7

86 865

3

104,5

Danske Bank

DK

460 832

193,7

3,7

21 320

620

2,6

DZ Bank AG

DE

405 926

15,9

3,3

25 491

25

-5,9

Landesbank Baden-W.

DE

373 059

14,6

3,0

12 231

217

-15,9

KBC

BE

285 382

80,5

2,3

47 530

2 058

-19,7

Handelsbanken

SE

275 514

75,9

2,2

11 184

747

40,0

SEB

SE

265 219

73,1

2,1

17 571

362

6,9

Banca Monte di P.S.

IT

240 702

15,4

1,9

31 170

2 965

48,5

Erste Bank

AT

210 006

71,2

1,7

50 452

2 150

4,7

Swedbank

SE

208 464

57,4

1,7

16 287

554

22,5

RZB AG

AT

150 087

50,9

1,2

60 599

2 977

9,2

UBI

IT

129 804

8,3

1,0

19 407

1 919

6,8

Source : rapport Liikanen.

1 () La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.

2 Ancien économiste en chef de la Banque d’Angleterre et ancien président de l’autorité en charge de la concurrence.

3 Outre son président, la commission était composée de quatre membres : Martin Taylor, président de Syngenta AG et conseiller international de Goldman Sachs, Clare Spottiswoode, présidente de la branche Europe de Energy Solutions, Martin Wolf, éditorialiste au Financial Times et Bill Winters, ancien co-responsable monde de la banque d’affaires de JP Morgan.

4 Ancien économiste en chef de la Banque d’Angleterre et ancien président de l’Autorité en charge de la concurrence.

5 Le coussin de conservation, voulu par Bâle III, a pour objectif de prévenir toute situation qui pourrait conduire à mettre les contribuables à contribution pour résoudre une crise bancaire. Il doit représenter 2,5 % des actifs pondérés en fonction des risques. Il est obligatoire pour toute les banques.

6 Le coussin contra-cyclique, instauré par Bâle III, a vocation à stabiliser la fourniture de crédits à l’économie. Il doit ainsi être alimenté et conservé pendant les périodes de croissance excessive du crédit et supprimé en cas de contraction du crédit. Il s’agit ainsi d’éviter que le crédit ne devienne trop bon marché au risque de former une bulle en période faste et de pouvoir mobiliser ce « coussin » lorsque la conjoncture se retourne, pour éviter que le crédit ne devienne trop cher. Il représente entre 0 et 2,5 % des actifs pondérés en fonction des risques.

7 Elle a pour mission d’examiner le projet de loi de réforme bancaire ainsi que les questions relatives aux normes professionnelles, à la culture du secteur bancaire au Royaume-Uni, à la gouvernance, à la transparence des entreprises et aux conflits d’intérêts.

8 Le groupe d’experts de haut niveau était composé de Hugo Bânziger, José Manuel Campa, Louis Gallois, Monique Goyens, Jan Pieter Krahnen, Marco Mazzucchelli, Carol Sergeant, Zdenek Tuma, Jan Vanhevel et Herman Wijffels.

9 Les seuils seront fixés par le gouvernement sur la base de l’importance relative des activités de marché et, le cas échéant, des activités devant être exercées dans les filiales, dans l’ensemble des activités de l’établissement de crédit. Leur objectif est d’éviter d’imposer une filialisation à un établissement dont l’activité de marché serait très faible ou pour laquelle les risques cantonnés dans la filiale ne justifieraient pas de la constituer. C’est dans la logique même des recommandations du groupe présidé par Erkki Liikanen.

10 La définition de la tenue de marché proposée dans le projet de loi reprend celle inscrite dans le règlement (UE) no 236/2012 du Parlement européen et du 14 mars 2012 sur la vente à découvert et certains aspects des contrats d’échange sur risque de crédit. Elle la ainsi caractérise comme « l’activité d’un établissement qui, en tant qu’intermédiaire, se porte partie à des opérations sur des instruments financiers :

– soit consistant en la communication simultanée de prix d’achat et de vente fermes et concurrentiels pour des volumes de taille comparable, avec pour résultat d’apporter de la liquidité aux marchés sur une base régulière et continue ;

– soit nécessaires, dans le cadre de son activité habituelle, à l’exécution des ordres d’achat ou de vente de clients ou en réponse à des demandes d’achat ou de vente de leur part ».

11 La position atypique de la France, caractérisée par un ratio dépôts/crédits très faible, résulte de l’important volume des flux drainés par les fonds gérés, comme les SICAV et les SICAV monétaires et, plus encore, par l’épargne réglementée et l’assurance-vie.

12 Directive 2009/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2009 modifiant la directive 94/19/CE relative aux systèmes de garantie des dépôts en ce qui concerne le niveau de garantie et le délai de remboursement.

13 Directive 97/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 3 mars 1997 relative aux systèmes d’indemnisation des investisseurs.

14 L’effet de levier est le mécanisme qui permet à un opérateur de dégager des rentabilités élevées à partir d’un capital de départ limité, en mobilisant des sommes empruntées.