N° 927 - Rapport d'information de MM. Philip Cordery et Michel Piron déposé par la commission des affaires européennes sur la proposition de directive relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles




No 927

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 avril 2013.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)

sur
la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles,

ET PRÉSENTÉ

PAR MM. Philip Cordery et Michel Piron,

Députés

——

La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Danielle AUROI, présidente ; Mmes Annick GIRARDIN, Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Pierre LEQUILLER, vice-présidents ; MM. Christophe CARESCHE, Philip CORDERY, Mme Estelle GRELIER, M. André SCHNEIDER, secrétaires ; MM. Ibrahim ABOUBACAR, Jean-Luc BLEUNVEN, Alain BOCQUET, Emeric BREHIER, Jean-Jacques BRIDEY, Mme Nathalie CHABANNE, M. Jacques CRESTA, Mme Seybah DAGOMA, M. Yves DANIEL, MM. Charles de LA VERPILLIÈRE, Bernard DEFLESSELLES, Mme Sandrine DOUCET, M. William DUMAS, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FROMION, Hervé GAYMARD, Mme Chantal GUITTET, MM. Razzy HAMMADI, Michel HERBILLON, Marc LAFFINEUR, Mme Axelle LEMAIRE, MM. Christophe LÉONARD, Jean LEONETTI, Arnaud LEROY, Michel LIEBGOTT, Mme Audrey LINKENHELD, MM. Lionnel LUCA, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MIGNON, Jacques MYARD, Michel PIRON, Joaquim PUEYO, Didier QUENTIN, Arnaud RICHARD, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Jean-Louis ROUMEGAS, Rudy SALLES, Gilles SAVARY, Mme Paola ZANETTI.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

I. LA LIBRE CIRCULATION DES TRAVAILLEURS, ORGANISÉE PAR LA DIRECTIVE DE 2005, CONCERNE UNE MINORITÉ DE CITOYENS DU FAIT D’UNE MOBILITÉ DES TRAVAILLEURS QUI DEMEURE FAIBLE 7

A. LA DIRECTIVE DE 2005 SUR LA RECONNAISSANCE DES QUALIFICATIONS PROFESSIONNELLES : UN OUTIL POUR FAVORISER LA MOBILITÉ DES TRAVAILLEURS 7

1. La directive de 2005 : une première étape dans la modernisation de la reconnaissance des qualifications professionnelles. 7

a) Des directives sectorielles des années 1970 à l’adoption de la directive de 2005 : le lent mouvement de reconnaissance des qualifications professionnelles 7

b) Harmoniser le dispositif de reconnaissance des qualifications professionnelles pour développer la circulation des travailleurs 9

c) Des modalités de reconnaissance des qualifications professionnelles variables 10

2. Une utilisation des possibilités de mobilité via la reconnaissance des qualifications professionnelles qui reste faible 11

a) La mobilité via la procédure d’établissement demeure faible… 11

b) … tout comme celle liée à la mobilité temporaire 12

II. LA PROPOSITION DE RÉVISION DE LA DIRECTIVE DE 2005 : MALGRÉ DES AVANCÉES CERTAINES QUI FONT CONSENSUS, DE NOMBREUX POINTS DEMEURENT ENCORE EN NÉGOCIATION. 13

A. L’OBJECTIF DE LA DIRECTIVE : MODERNISER LE CADRE RÉGLEMENTAIRE POUR FAVORISER LA MOBILITÉ DES TRAVAILLEURS 13

1. Les objectifs de la proposition de la Commission européenne 13

2. Les quatre types d’évolution proposés 14

a) Améliorer l’efficacité du système 14

b) Renforcer les exigences de qualification 15

(1) La mise en place de cadres de formation communs et d’épreuves communes de formation 15

(2) Pour les professions réglementées, l’introduction d’un mécanisme de notification à la Commission et d’un système d’évaluation mutuelle 15

(3) Mettre à jour les exigences minimales applicables à certaines professions 15

c) Étendre le champ de la directive 16

(1) L’introduction du principe d’accès partiel 16

(2) Organiser la reconnaissance de la qualification des notaires 16

(3) Organiser la reconnaissance des stages pour les professionnels partiellement qualifiés 16

d) Renforcer la confiance par l’instauration d’un mécanisme d’alerte 16

B. LES ENJEUX DE LA NÉGOCIATION 17

1. La carte professionnelle européenne 17

2. L’extension du champ de la directive aux stages rémunérés 18

3. L’épineuse question de l’harmonisation des conditions de formation minimales pour les professions sectorielles 19

a) Architectes 19

b) Sages-femmes et infirmiers responsables de soins généraux 20

c) Médecins 26

d) Vétérinaires 26

e) Notaires 26

4. La question de l’accès partiel 28

5. La mise en place de cadres de formation communs et d’épreuves de formation communes 29

6. L’activation d’un mécanisme d’alerte 30

7. L’introduction pour les professions règlementées d’un mécanisme de notification à la Commission et d’un système d’évaluation mutuelle 31

8. La vérification des aptitudes linguistiques 32

CONCLUSION : LA MOBILITÉ, UNE RÉALITE A FACILITER ET A ENCADRER 35

TRAVAUX DE LA COMMISSION 37

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 45

Mesdames, Messieurs,

La construction de l’Union européenne, d’abord constituée en tant que « marché commun », a été fondée sur la lutte contre les entraves à la libre circulation non seulement des marchandises, mais aussi des personnes, dont la libre circulation des travailleurs fait partie.

Différents textes, dont la directive 2005/36/CE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles qui s’adresse aux travailleurs migrants, ont eu pour ambition, appuyés par une importante jurisprudence, de lever les obstacles à la mobilité.

La libre-circulation des travailleurs fait aujourd’hui partie des libertés fondamentales de l’Union européenne; elle est en effet une des quatre composantes du marché intérieur, définie de façon générale par l’article 21 du TFUE comme le droit pour tout citoyen de l’Union « de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par les traités et par les dispositions prises pour leur application ».

Voilà pour le droit. Mais dans les faits, la libre circulation des travailleurs demeure une réalité réservée à une minorité de citoyens, et c’est pourquoi le Parlement et le Conseil cherchent aujourd’hui à améliorer le dispositif de la directive de 2005 sur la reconnaissance des qualifications professionnelles, afin de lever les derniers obstacles à la reconnaissance des diplômes.

La proposition de directive sur les qualifications professionnelles objet du présent rapport constitue en effet l’un des douze leviers de l’acte pour le marché unique et son adoption était initialement prévue pour 2012 ; mais les discussions sur ce texte ont achoppé sur un certain nombre de points et la discussion en a été ralentie.

Les travaux de négociation sur cette directive ont commencé en groupe « établissement et services » au Conseil en janvier 2012. Sous la Présidence danoise, le groupe s’est réuni cinq fois, et les travaux ont porté uniquement sur les dispositions transversales. La Présidence Chypriote a poursuivi les travaux, au cours de cinq groupes également, avec un examen article par article du texte, et a présenté un rapport d’avancement au Conseil compétitivité du 10 décembre 2012 faisant état d’un certain nombre de points qui devaient encore être discutés.

La Présidence irlandaise, qui est extrêmement motivée par ce dossier sur lequel elle espère être en mesure de conclure, a présenté son programme de travail au Coreper du 11 janvier 2013. Elle a prévu onze groupes de travail, dont six ont déjà eu lieu, avec une sollicitation régulière du Coreper afin qu’il oriente les travaux en groupe et qu’il tranche les questions les plus sensibles, comme celle des notaires. D’importantes propositions de compromis ont ainsi émergé au Conseil en début d’année et les États membres, sous l’impulsion de la Présidence, ont fait preuve de souplesse dans de nombreux cas. Le Coreper du 1er mars a donc donné mandat à la Présidence pour engager le trilogue avec le Parlement européen, bien que des divergences persistent entre les États sur certaines questions.

Parallèlement, au Parlement européen, Mme Bernadette Vergnaud, rapporteur pour ce texte, a présenté son projet de rapport en juillet, et un vote en Commission IMCO a eu lieu le 23 janvier 2013. Le rapport final a été déposé le 13 février 2013. Mme Vergnaud a également obtenu un mandat pour aller au trilogue le 21 février 2013.

La Présidence irlandaise a donc envisagé trois discussions en trilogue, la première a eu lieu le 20 mars et a traité des questions horizontales (carte professionnelle européenne, accès partiel, mécanisme d’alerte notamment), les deux autres auront lieu respectivement le 24 avril (discussions sur les dispositions sectorielles et les questions transversales restantes) et le 29 mai (discussions sur les questions plus complexes, telles que les notaires). Un Coreper est également prévu le 19 avril afin de renouveler le mandat de la Présidence pour le 2e trilogue.

La Présidence irlandaise espère ainsi parvenir à un accord d’ici la fin du semestre. Toutefois, au Parlement européen, la date indicative du vote en séance plénière, repoussée plusieurs fois, a été fixée pour l’heure au 9 septembre 2013.

La proposition de révision telle qu’issue des différentes discussions apparaît comme équilibrée et conforme à un objectif que nous ne pouvons que partager : celui de créer de la croissance et des opportunités d’emploi pour tous les citoyens de l’Union, et notamment les jeunes ; mais il conviendra toutefois de rester prudents sur certains points qui demeurent à ce jour encore en négociation.

I. LA LIBRE CIRCULATION DES TRAVAILLEURS, ORGANISÉE PAR LA DIRECTIVE DE 2005, CONCERNE UNE MINORITÉ DE CITOYENS DU FAIT D’UNE MOBILITÉ DES TRAVAILLEURS QUI DEMEURE FAIBLE

Si le droit des citoyens d’exercer des activités économiques dans un autre État membre est un droit fondamental inscrit dans le TFUE, chaque État membre reste libre, dans les limites des règles du marché intérieur, de subordonner juridiquement l’accès d’une profession donnée à la possession d’une qualification professionnelle spécifique qui est, traditionnellement, la qualification professionnelle délivrée sur le territoire national. Ceci constitue donc un obstacle à la libre circulation des professionnels dans l’Union européenne, contre laquelle les institutions européennes ont lutté en mettant en place depuis près de quarante ans une réglementation visant à la reconnaissance des qualifications professionnelles.

Dès les années 1960, les Communautés européennes ont en effet eu la volonté de faciliter la libre circulation des travailleurs et notamment des professionnels. C’est ainsi que des directives dites « de mesures transitoires », établies sur la base des articles 492 et 573 du traité instituant la Communauté économique européenne (Traité CEE), furent adoptées afin de faciliter l’accès à une profession précise en garantissant, sous certaines conditions, la reconnaissance non pas des diplômes, mais de l’expérience acquise dans l’État membre d’origine.

Puis des directives dites « sectorielles », c’est-à-dire limitées à des professions déterminées, furent adoptées, chaque profession4 (hormis la profession d’architecte) faisant l’objet de deux directives : une visant à coordonner et à harmoniser la formation préparant à une profession, et une autre établissant la reconnaissance mutuelle automatique des diplômes.

Ce processus se révéla toutefois assez long, si bien qu’en 1985, soit près de trente ans après l’adoption des traités CEE, seules sept professions avaient bénéficié de directives instituant une harmonisation minimale de leur contenu de formation, et en corollaire, le droit de voir les diplômes reconnus automatiquement dans l’ensemble des États membres. Il apparût ainsi, à la veille de l’adoption de l’Acte unique du 28 février 1986, que cette démarche par profession, verticale, n’était pas assez efficace, et l’idée se fit jour de lui substituer une démarche horizontale, visant non pas à l’harmonisation de l’ensemble des professions réglementées mais à l’organisation de la circulation de l’ensemble des activités professionnelles règlementées n’ayant pas encore fait l’objet d’une harmonisation, sans chercher à éliminer les nombreuses différences de réglementation existant entre les États membres.

Il s’agissait là d’un dispositif de reconnaissance des diplômes ambitieux, puisque permettant de mettre au point des mécanismes de reconnaissance des diplômes de nature à permettre à un professionnel qualifié d’exercer sa profession dans un autre État membre malgré les différences de réglementation entre l’État d’origine et l’État d’accueil, et dans les respect des exigences de qualification requises dans l’État d’accueil. Il reposait sur deux directives : la directive 89/48/CEE du 21 décembre 1988 relative à un système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d’une durée minimale de trois ans, et la directive 92/51/CEE du 18 juin 1992 relative à un deuxième système général de reconnaissance des formations professionnelles, qui complète la directive 89/48/CEE, lesquelles ont été modifiées en 2001.

Organisant la reconnaissance professionnelle des diplômes en l’absence d’harmonisation européenne des formations, ces deux directives ont induit un examen au cas par cas des demandes des professionnels. Elles se sont en cela distinguées des directives sectorielles, aux termes desquelles la reconnaissance des diplômes était automatique, dispositif qui a inspiré la directive 1999/42/CE du 7 juin 1999 instaurant, pour de nombreuses professions de l’industrie, du commerce et de l’artisanat, un accès automatique dès lors qu’une série de conditions relatives à l’expérience professionnelle et à la possession d’un titre de formation étaient réunies.

La directive 2005/36/CE du 7 septembre 2005 a remplacé les quinze directives qui existaient auparavant dans ce domaine tout en en consolidant les principaux acquis et en reprenant l’architecture générale. Notons que le dispositif qu’elle a institué ne vise pas à faire reconnaître une qualification dans le but de poursuivre des études, mais bien à permettre l’exercice d’une profession : l’objectif est économique, et non éducatif. Ainsi, l’économie générale de la directive de 2005 repose-t-elle sur la volonté de favoriser la libre circulation des personnes en prenant la question sous l’angle des métiers ; c’est donc à une même question : « comment développer le marché ? », une réponse différente mais non concurrente de celle de la directive dite « services », qui vise de son côté à permettre la prestation de services.

Ayant pour ambition de garantir les droits des professionnels qualifiés à exercer leur activité professionnelle dans chaque État membre tout en respectant le droit de chaque État, en raison de l’absence d’harmonisation européenne, de déterminer comme il l’entend le niveau de qualification nécessaire à l’exercice d’une profession, le dispositif de la directive de 2005 repose donc sur un équilibre particulièrement subtil.

À quels travailleurs la directive de 2005 s’adresse-t-elle ?

Elle concerne :

– les travailleurs qualifiés pour exercer une profession dans un État membre et qui souhaitent exercer la même profession dans un autre État membre ;

– qui sont ressortissants de trente pays : les vingt-sept États membres de l’Union, ainsi que l’Islande, la Norvège et le Lichtenstein, ou ressortissants des États tiers résidents de longue durée, ou membres de la famille d’un citoyen de l’Union exerçant son droit à la libre-circulation ;

– qui ont obtenu leur qualification professionnelle dans un des trente pays suscités ;

– pour des professions réglementées dans l’État d’accueil, c’est-à-dire les professions dont l’accès ou l’exercice est subordonné, dans l’État membre d’accueil, à la possession de qualifications professionnelles déterminées légalement ou règlementairement.

Il convient de souligner que les professions de docteur, infirmier responsable de soins généraux, sage-femme, pharmacien, vétérinaire et dentiste sont réglementées dans tous les États membres, tandis que les architectes bénéficient de la reconnaissance automatique dans le cadre du régime de l’établissement.

Les règles de reconnaissance établies par la directive dépendent, d’une part, de la durée de l’établissement, et, d’autre part, de la nature des qualifications concernées.

– La prestation de services temporaire.

Les règles de l’établissement temporaire sont les plus souples. Dans la plupart des cas, les personnes ne sont pas soumises à un contrôle de leurs qualifications et peuvent exercer immédiatement leur activité.

Toutefois, si le pays dans lequel elles sont établies ne réglemente pas la profession pour lesquelles elles sont qualifiées, l’État d’accueil peut exiger que la profession ait été exercée pendant deux ans dans l’État d’établissement.

En outre, lorsque la profession comporte un risque pour la santé ou la sécurité publique, l’autorité de l’État d’accueil peut procéder à un contrôle de la qualification. Les médecins, infirmiers responsables de soins généraux, dentistes, vétérinaires, sages-femmes, pharmaciens et architectes bénéficient cependant de la reconnaissance automatique et peuvent exercer leur activité immédiatement.

Dans l’hypothèse d’un contrôle, l’autorité compétente peut décider d’imposer des mesures supplémentaires (test de connaissance ou stage) s’il existe des différences substantielles dans les formations du pays d’établissement et du pays d’accueil et que ces différences sont de nature à nuire à la santé ou à la sécurité des bénéficiaires du service.

– L’établissement.

L’établissement conduit la personne qui souhaite exercer une profession réglementée à être soumise à un contrôle de sa qualification. La demande de reconnaissance s’effectue auprès de l’État d’accueil, qui peut demander la production de certaines pièces, telles qu’un titre de formation ou une attestation de compétence professionnelle.

Pour les professions dites « sectorielles », c’est-à-dire pour lesquelles les exigences minimales de formation ont été harmonisées au niveau communautaire (médecins, infirmiers responsables de soins généraux, dentistes, vétérinaires, sages-femmes, pharmaciens, architectes), la qualification relève en principe du régime de reconnaissance automatique des diplômes (sauf formation acquise avant la date de référence de la directive, qui peuvent alors tomber dans le régime général).

Les professions de l’artisanat, de l’industrie et du commerce peuvent bénéficier de la reconnaissance automatique des qualifications sur la base de l’expérience professionnelle sous certaines conditions.

Pour les professions couvertes par le régime général (c’est-à-dire toutes les autres), l’autorité compétente est en droit de demander la preuve d’un exercice de la profession en question pendant au moins deux ans au cours des dix dernières années (trois ans s’il s’agit d’un exercice dans un État tiers). L’autorité compétente va ensuite vérifier quel est le niveau de qualification (cinq niveaux) ; elle ne peut refuser de reconnaître la qualification dès lors que celle-ci est classée dans le même niveau de qualification requise sur le plan national ou dans le niveau immédiatement inférieur. S’il existe des différences substantielles dans la formation entre les pays d’établissement et d’accueil, l’autorité compétente peut, comme pour la prestation de service temporaire, imposer des mesures supplémentaires, épreuve d’aptitude ou stage d’adaptation d’une durée maximale de trois ans.

Malgré l’adoption de la directive de 2005, censée rendre les procédures plus lisibles et donc renforcer leur attractivité, les professionnels se déplaçant et bénéficiant de la procédure d’établissement ou de la procédure temporaire demeurent peu nombreux.

Sur la période 1997-2011, on compte environ 86 000 demandes pour les professions sectorielles, 19 000 pour la reconnaissance automatique de l’expérience professionnelle des artisans, 129 000 pour le régime général, soit environ 234 000 demandes, ce qui correspond à une moyenne de 15 600 demandes sur chaque exercice.

En 2011, les plus mobiles étaient les enseignants dans l’enseignement secondaire (5877), suivis par les médecins (5606), les infirmiers (4367), les masseurs kinésithérapeutes (982), les aide soignants (704) et les vétérinaires (657). Les moins mobiles étaient les directeurs de musée-conservateurs d’œuvre d’art (4), les enseignants-assistants des universités et des grandes écoles (4), les assistants dentaires (4) ou les psychologues de la santé (4).

La géographie de la mobilité montre que les professionnels migrants ont cette même année majoritairement obtenu leurs qualifications dans cinq pays de l’Union (la France – 8 %, la Grèce – 12 %, l’Allemagne – 11 %, le Royaume-Uni – 7 %, et la Roumanie –10 %). De même, cinq pays se sont révélés les plus attractifs et ont ainsi concentré plus de 70 % des demandes de reconnaissance des qualifications professionnelles ( Royaume-Uni – 24 %, Belgique – 15 %, Chypre – 15 %, Suisse – 11 %, et Suède – 8 %).

Sur l’ensemble des demandes de reconnaissance, seules 6 % ont fait l’objet d’une décision de rejet.

Les chiffres disponibles attestent aussi de la faible utilisation de la procédure de reconnaissance des qualifications aux fins de mobilité temporaire. Sur la période 2007-2001, on enregistre ainsi seulement 3000 déclarations, dont 405 pour la seule année 2011.

Les professionnels venaient à 43 % de la République Tchèque, 11 % de Slovaquie, 5 % d’Allemagne, 4 % de Pologne et 4 % d’Irlande.

Ils étaient 40 % à s’être rendus en Autriche, 14 % en Pologne, 11 % au Royaume-Uni, 10 % au Danemark, et 6 % en France.

Il convient de souligner que, bien évidemment, ces chiffres ne reflètent pas l’ensemble de la mobilité des travailleurs en Europe mais bien la mobilité liée à la reconnaissance des qualifications professionnelles.

II. LA PROPOSITION DE RÉVISION DE LA DIRECTIVE DE 2005 : MALGRÉ DES AVANCÉES CERTAINES QUI FONT CONSENSUS, DE NOMBREUX POINTS DEMEURENT ENCORE EN NÉGOCIATION.

En avril 2011, la mobilité des citoyens a été identifiée comme l’une des douze priorités de l’acte pour le marché unique. Dans la foulée, la Commission européenne a adopté le 19 décembre 2011 la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2005/36/Ce relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles et le règlement concernant la coopération administrative par l’intermédiaire du système d’information du marché intérieur.

L’objectif de cette proposition de directive est de :

– renforcer la mobilité professionnelle et le commerce des services ;

– répondre à la pénurie de main d’œuvre qualifiée dans certains secteurs (santé, éducation, construction, services aux entreprises) ;

– et enfin, offrir plus de possibilités aux demandeurs d’emploi.

Déplorant que la mobilité des professionnels qualifiés demeure faible dans l’Union, la Commission estime toutefois qu’un fort potentiel de mobilité demeure inexploité, et que la reconnaissance des qualifications professionnelles est essentielle pour que les citoyens de l’Union puissent « véritablement jouir des libertés fondamentales du marché intérieur ». Elle précise toutefois que « la mobilité ne doit néanmoins pas se faire aux dépens des consommateurs, et notamment des patient qui attendent des professionnels de santé qu’ils disposent des connaissances linguistiques nécessaires ». Elle juge en outre que « la modernisation de la directive permettrait également de répondre aux besoins des États membres qui sont confrontés à des pénuries croissantes de main d’œuvre qualifiée », estimant que « non seulement les pénuries de main d’œuvre persisteront à l’avenir, mais elles devraient augmenter, en particulier dans le secteur de la santé, dans le secteur de l’éducation et également dans des secteurs de croissance comme ceux de la construction ou des services aux entreprises ».

La proposition initiale de la Commission prévoit quatre types d’évolution.

L’introduction d’une carte professionnelle européenne est une des innovations majeures de la proposition de directive. Il s’agit est en fait un certificat électronique qui a pour objectif de simplifier et d’accélérer les procédures permettant la reconnaissance des qualifications, dans le cadre d’un établissement dans un autre État membre ou de la prestation temporaire.

Outre la dématérialisation des procédures, la principale innovation consiste dans une implication accrue de l’État d’origine :

– dans le cas de la mobilité permanente, la carte professionnelle serait établie par l’État d’origine et validée par l’État d’accueil ;

– dans le cas de la mobilité temporaire, la carte serait créée et validée par l’État d’origine.

Dans ce système, c’est donc l’État d’origine qui est chargé d’instruire la demande de carte professionnelle européenne, et donc de vérifier notamment l’exhaustivité du dossier du professionnel. L’autorité compétente de l’État membre d’origine accuse réception du dossier du demandeur, l’informe de tout document manquant, et crée un dossier contenant tous les documents à l’appui de la demande dans le système d’information du marché intérieur (IMI).5

Cette carte est présentée comme un outil alternatif qui pourra être mis en œuvre pour les professions qui en font la demande et satisfaisant à plusieurs critères, notamment de mobilité, la Commission estimant toutefois que l’intérêt qu’elle présente devrait conduire un grand nombre de professions à l’adopter.

La Commission estime que ce mécanisme devrait contribuer à renforcer les synergies et la confiance entre les autorités compétentes, tout en évitant la duplication des tâches administratives pour les autorités et en faisant bénéficier les professionnels d’une transparence et d’une sécurité accrues.

En outre, afin de garantir un meilleur accès aux informations relatives à la reconnaissance des qualifications professionnelles, la commission propose de confier un rôle d’information aux « guichets uniques » créés dans le cadre de la directive « services ».

Enfin, il est proposé que le principe « qui ne dit mot consent » soit appliqué en la matière, et que soit ainsi instauré le principe de l’accord tacite en cas d’absence de réponse dans les quatre mois à la demande de carte professionnelle européenne.

La notion de « plate-forme commune », qui figurait dans la directive de 2005 sans avoir été mise en œuvre, fait place à la mise en place de cadres de formation communs et d’épreuves communes de formation.

Il s’agit d’introduire une plus grande automaticité dans la reconnaissance des qualifications actuellement couvertes par le système général. En effet, les professions intéressées pourraient bénéficier de la reconnaissance automatique sur la base d’un ensemble commun de connaissances, capacités et compétences ou d’un test commun qui évaluerait l’aptitude des professionnels à exercer une profession. Ces cadres pourront être développés par des organisations professionnelles ou des États membres d’au moins neuf pays, et devront être entérinés par un acte délégué de la Commission. Pour les cadres de formation communs, les États membres pourraient déroger à la mise en œuvre de ces cadres communs, sous réserve d’une décision d’exécution, et excepté les épreuves communes de formation.

Il s’agit de mettre en place un nouveau mécanisme destiné à garantir d’avantage de transparence et à supprimer les « obstacles injustifiés » à la mobilité professionnelle. Les États membres seraient tenus de fournir une liste de leurs professions réglementées et de justifier leur législation relative à ces professions au regard des principes de nécessité (intérêt public), de proportionnalité, et de non-discrimination. Serait introduit en outre un système d’évaluation mutuelle sur le modèle de la directive « services ».

Il s’agit de préciser la durée de formation minimale pour :

– les médecins : réduction de 6 à 5 ans pour le socle de base ;

– infirmiers responsables de soins généraux : relèvement de la formation requise de 10 à 12 ans ;

– sage-femme : relèvement de la formation requise à 12 ans ;

– architectes : proposition de système double avec des études à temps plein de 5 ans ou 4 ans plus deux ans de stage.

Le principe de l’accès partiel, reconnu par la Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt Colegio des ingenieros de Caminos, Canales et Puerto du 19 janvier 2006 est introduit dans la proposition de modification de la directive. Cet accès serait octroyé sous réserve que l’activité professionnelle puisse être objectivement séparée des autres activités de la profession réglementée dans l’État membre d’accueil. Le caractère séparable d’une activité parmi d’autres activités relevant de la profession réglementée serait évalué au regard de la situation autonome de cette activité dans l’État membre d’origine.

Il est toutefois prévu une exception possible à l’introduction de ce principe, pour raisons impérieuses d’intérêt général, notamment dans le cas des professions de santé.

La proposition de directive inclut la profession de notaires dans le champ de l’application de la directive, ce qui est une nouveauté par rapport à la directive de 2005.

La possibilité d’effectuer un stage rémunéré dans un autre État membre serait offerte à la condition que le stage soit exigé en vertu de la législation de l’État membre où le diplôme a été obtenu. Il s’agit de stages post-diplômes et non de stages pendant le cursus de formation.

La proposition de directive introduit un mécanisme d’alerte : pour les professionnels de santé bénéficiant de la reconnaissance automatique, les autorités compétentes des États membres seront tenues d’alerter les autorités compétentes de tous les autres États membres si un professionnel est frappé d’une interdiction, même temporaire, d’exercer par une autorité publique ou un tribunal.

Si certains points de la directive ont pu faire consensus, un certain nombre d’entre eux ont fait l’objet de discussions, et sont encore à ce jour en cours de négociation dans le cadre du trilogue informel entre Commission, Conseil et Parlement, lequel s’est prononcé sur certains points lors de la réunion de la commission IMCO du 23 janvier 2013. Le rapport de Mme Bernadette Vergnaud y a été adopté à une très large majorité (33 voix pour, 4 voix contre, 2 abstentions).

Le principe de cette carte est aujourd’hui accepté alors qu’il ne faisait pas consensus, mais la question des modalités de sa mise en place demeure. L’autorisation tacite prévue par le texte ainsi que la question des délais ont en effet cristallisé les oppositions.

Dès le début des négociations, la France a indiqué être favorable à l’introduction d’une carte professionnelle européenne, mais, tout comme onze autres pays (dont l’Italie, le Royaume-Uni, la Pologne ou encore la Belgique), s’est déclarée contre la reconnaissance tacite promue par la Commission, qui souhaitait inciter les États à se prononcer dans des délais rapides. La rapporteure du texte, Mme Vergnaud, ainsi que la « shadow » rapporteure, Mme Constance Le Grip, étaient par ailleurs elles aussi favorables à ce principe.

Plusieurs avancées ont été obtenues dans le cadre des travaux au Conseil. L’introduction d’une carte devra désormais être préparée par une analyse d’impact. Les rôles des États membres d’accueil et d’origine ont été clarifiés, et l’État membre d’accueil pourra désormais refuser la demande si l’État d’origine ou le professionnel n’ont pas fourni tous les documents demandés, tandis qu’un délai supplémentaire de deux semaines renouvelable une fois pour instruire le dossier a été accordé à l’État d’accueil. La France a ainsi levé sa réserve sur la reconnaissance tacite. L’Allemagne, la Belgique, le Luxembourg, la Suède, la Pologne, la Roumanie, la Slovaquie et la République tchèque ont fait de même. L’Italie, l’Autriche et la Finlande restent encore opposées à la reconnaissance tacite.

Le Parlement européen a très bien accueilli ce nouveau système de carte professionnelle, tout en rappelant son caractère volontaire, et s’est montré très attaché à la reconnaissance tacite ; les délais de traitement, bien qu’allongés par rapport à la proposition de la Commission, demeurent cependant trop courts aux yeux de la France. La France a soutenu un amendement précisant que la reconnaissance tacite ne constitue pas une reconnaissance automatique du droit d’exercer la profession en question et demeurera vigilante sur ce point. Une question importante reste ouverte : celle de la suspension des délais en cas de demande d’information additionnelle.

Dans sa proposition initiale, la Commission souhaitait qu’en vue d’accorder l’accès à une profession réglementée, l’État d’origine doive reconnaitre le stage accompli dans un autre État et certifié par l’autorité compétente de cet État. La jurisprudence de la Cour de justice permet, en effet, de reconnaître les stages rémunérés pour l’accès à une profession réglementée.6

Un certain nombre d’États membres7, dont l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Espagne ou encore l’Autriche, se sont montrés réservés vis-à-vis de cette extension. C’est le cas aussi de la France, qui considère que les stages ne rentrent pas dans le champ de la directive car relevant de la formation. Il semblerait en outre que les craintes face à cette extension soient fortes dans les professions de santé.

La Commission et le Parlement européen y sont de leur côté très attachés. Ils considèrent qu’il s’agit là d’un outil supplémentaire pour permettre la mobilité des jeunes et de lutter contre le chômage qui frappe cette classe d’âge.

Le service juridique du Conseil a communiqué oralement son analyse lors d’un groupe de travail, et précisé que les stages visés par la jurisprudence étaient soit ceux qui étaient rémunérés - car dans ce cas le stagiaire s’inscrit dans une relation de travail - soit ceux qui conditionnent l’accès à une profession réglementée.

Les réserves des États étant nombreuses, la proposition de compromis finalement trouvée au Conseil prévoit que si l’accès à une profession réglementée dans l’État d’origine est subordonné à la réalisation d’un stage professionnel et que ce stage a été effectué dans un autre État membre et/ou dans un pays tiers, l’autorité compétente de l’État d’origine doit le prendre en compte lors de l’examen d’une demande d’autorisation d’exercice de la profession réglementée. Il n’y a donc désormais plus d’obligation pour l’État d’accueil de permettre l’accès aux stages conditionnant l’accès à une profession réglementée, ni pour l’État d’origine de reconnaître les stages effectués dans un autre État, mais seulement une obligation de prise en compte de ces stages par cet État. Ce compromis, soutenu par la Commission, a permis à une majorité d’États membres, jusqu’à présent réticents, de lever leur réserve sur l’inclusion des stages dans le champ de la directive.8

Le Parlement européen, quant à lui, est très attaché à cette question et a approuvé la proposition initiale de la Commission obligeant l’État d’origine de reconnaître les stages effectués dans un autre État, sans retenir le caractère rémunéré. L’amendement adopté permet toutefois de limiter leur durée et précise que cette reconnaissance ne remplace pas un examen qui doit être réussi pour pouvoir accéder à la profession concernée. Le Parlement européen propose également qu’un contrat de stage spécifie au moins les objectifs d’apprentissage et les tâches assignées.

La position du Conseil en vue de l’examen de cette question dans le cadre des trilogues est de considérer les amendements du Parlement européen comme inacceptables. La France a d’ailleurs souligné, lors d’un groupe de travail, que le compromis trouvé au Conseil était le seul qu’elle pouvait accepter.

Les points d’achoppement se concentrent actuellement autour de la question de l’harmonisation des conditions de formation minimales pour les professions sectorielles, du fait de la diversité tant de l’existant que des intérêts en jeu.

Comme cela nous a été indiqué, alors que les pays du Sud font le maximum d’efforts pour essayer d’harmoniser vers le haut, l’Allemagne et les Pays-Bas, au contraire, s’accrochent plus fortement à leurs positions.

La France attache de son côté une importance toute particulière à la mise à jour parallèle et complémentaire des connaissances et compétences dont doivent disposer les infirmiers, les sages-femmes, les vétérinaires, les pharmaciens et les architectes.

La Commission a souhaité actualiser la durée minimale de la formation d’architecte, de quatre ans dans l’actuelle directive, qui ne correspond plus à la réalité. Elle a proposé de porter cette durée à six ans : quatre années d’études et deux années de stage rémunéré ou cinq ans d’études à temps plein et un an de stage9, ce qui constituait une avancée pour la France.

Certains États10, et notamment l’Espagne, qui voit son secteur du bâtiment sinistré, ont souhaité revenir sur cette durée et proposer un système double avec une formation de cinq ans d’études à temps plein sans stage ou quatre ans d’études à temps plein et deux ans de stage, proposition reprise par la Présidence dans le texte du Conseil et soutenue à la fois par la Commission et le Parlement européen qui a adopté des amendements dans ce sens. La France, l’Allemagne, la Roumanie ou encore le Royaume-Uni se sont montrées très réservées, mais la France a finalement fait preuve de souplesse, en contrepartie de l’insertion d’une référence, ajoutée par la Présidence, au développement durable dans la liste des compétences que doit garantir la formation. Cette référence devra être conservée dans le cadre du prochain trilogue du 24 avril qui portera sur les dispositions sectorielles.

Certains États restent toutefois encore réservés : la Belgique, la Pologne, Malte, la Roumanie et la Bulgarie. Le prochain Coreper du 19 avril, qui doit donner mandat à la Présidence pour le deuxième trilogue sur les dispositions sectorielles, devra trancher la question.

Ces deux professions étant très mobiles, les enjeux sont importants pour de nombreux pays de l’Union.

La proposition de directive prévoit que les nouvelles exigences de ces métiers soient prises en considération et que les États membres mettent à niveau le critère d’accès aux formations de ces professions en le faisant passer de dix années d’enseignement scolaire général à douze années. Tel est déjà le cas dans 24 États membres. La profession elle-même, au niveau européen, est favorable à cette évolution, qui consacrerait un enrichissement de ses compétences.

Il s’agit là d’un grand changement pour les pays de l’Est, qui explique que la Pologne et la Roumanie demandent la régularisation de leurs infirmiers déjà formées.

L’Allemagne, de son côté, s’est fortement opposée à ce changement, de crainte de voir se créer des pénuries dans un secteur qui connaît déjà problèmes de recrutement. Une autre raison est sans doute à chercher dans une répartition différente des tâches entre médecins et infirmiers par rapport à ce qui se pratique dans d’autres pays, comme le nôtre, ainsi que des philosophies différentes en matière de reconnaissance académique et professionnelle des métiers.

Un compromis a donc été trouvé pour cette profession avec la mise en place d’une alternative entre une formation d’une durée de douze ans ou une formation d’une durée de dix ans avec un renforcement de la liste des compétences des infirmiers, suivant ainsi les propositions du Parlement européen11.

S’agissant des sages-femmes, une mise à jour de la liste des compétences a été intégrée dans le texte du Conseil. Par ailleurs, ce dernier propose de préciser que les trois années d’études de sage-femme contiennent au moins 4 500 heures de formation théorique et pratique, dont un tiers de formation clinique.

Des divergences sont apparues entre les États membres à la fois sur le seuil du nombre d’heures et sur la proportion de la formation clinique. La France a soutenu le principe du cumul du nombre d’années et du nombre d’heures de formation mais en plaidant pour un seuil de 4 600 heures, dont la moitié de formation clinique.

Concernant le nombre d’heures de formation, Malte et la Roumanie étaient initialement en faveur de 5 000 heures, l’Autriche et la République tchèque en faveur de 4 500, la France, la Belgique et le Luxembourg, soutenus par la Commission, en faveur de 4 600 heures et la Hongrie opposée à toute mention d’un nombre d’heures minimal. Concernant la proportion de la formation clinique, la France, Malte, l’Allemagne et la Commission ont initialement plaidé en faveur d’une augmentation de la proportion de la formation clinique à la moitié de la formation mais l’Autriche, soutenue par la Suède, a fait du maintien à un tiers une ligne rouge, en avançant notamment qu’une augmentation reviendrait à modifier en profondeur le système de formation des sages-femmes.

Le compromis finalement retenu est de fixer le seuil à 4 600 heures, dont un tiers de formation clinique. En revanche, un certain nombre d’États se sont déclarés défavorables sur certains points à l’amendement du Parlement européen visant à mettre à jour la liste des activités exercées par les sages-femmes, telles que la possibilité de prescrire des médicaments ou d’exercer la profession de manière autonome. Les discussions vont donc se poursuivre sur ce point en trilogue avec le Parlement européen.

Il convient également de relever que les activités exercées par les pharmaciens ont été revues, en conformité avec les propositions du Parlement européen. Ce point a encore été discuté dernièrement en groupe au Conseil, notamment sur la prise en compte dans la liste des soins pharmaceutiques et de la dispensation des médicaments. La Présidence fera circuler une proposition.

La mobilité des professionnels en zone frontalière : l’exemple des médecins et des infirmiers à la frontière franco-belge

Notre mission s’est déplacée dans la région de Tourcoing et de Tournai, où elle a pu rencontrer des professionnels du domaine de la santé et de l’architecture, et mesurer combien l’Europe se vit au quotidien en zone frontalière. 

À Mouscron, située du côté belge de la frontière, 20 % des travailleurs sont de nationalité française, et 20 % des habitants sont de nationalité française. Les échanges entre étudiants et travailleurs sont permanents.

Concernant les échanges d’étudiants, les écoles d’infirmière belges et la faculté de médecine accueillent de nombreux étudiants français, ce qui n’est pas sans poser des problèmes d’accès aux étudiants autochtones. En effet, contrairement à de nombreux pays, et notamment la France, qui organisent des examens d’entrée à ces filières, les études supérieures sont ouvertes en Belgique francophone à tous les diplômés de l’enseignement secondaire. La Belgique forme ainsi des étudiants qui retournent travailler dans leur pays d’origine, ce qui constitue un investissement en formation à perte pour le pays, et est facteur de risque de pénurie de main d’œuvre locale. Face à l’afflux d’étudiants français, la Belgique a ainsi mis en place dès 2006 des quotas pour les études de kinésithérapie, de médecine vétérinaire et de logopédie/orthophonie, qui ont été étendus en septembre aux facultés de médecine et de dentisterie. Le choix opératoire de sélection est le tirage au sort, qui concerne les étudiants non-résidents ; en sont exemptés les étudiants de nationalité belge domiciliés sur le territoire belge et les étudiants non belges qui résident depuis plus de trois ans en Belgique.

Concernant les échanges de professionnels, si ceux-ci sont facilités par la directive sur la reconnaissance des qualifications professionnelles, les personnes auditionnées ont toutefois indiqué que les médecins sont beaucoup moins mobiles que les patients, du fait des lourdeurs de la procédure de reconnaissance des diplômes. Par exemple, un médecin français qui voudrait travailler en Belgique devra obtenir une attestation de conformité de son diplôme ; une fois complété son dossier, il devra attendre au moins trois ou quatre mois avant d’obtenir son attestation, puis devra s’inscrire à l’ordre des médecins, et attendre qu’une commission spécialisée dans son secteur se réunisse pour valider sa demande, ce qui peut être relativement long (à titre d’exemple, la commission « oncologie » ne se réunit qu’une fois par an). Un médecin belge qui souhaiterait travailler en France sera confronté aux mêmes lourdeurs administratives, le délai d’inscription à l’Ordre des médecins apparaissant comme l’obstacle principal à la mobilité. De ce fait, certains systèmes de coopération, comme des gardes communes, ne sont pas mis en place et les médecins ne sont pas aussi mobiles qu’ils pourraient l’être. Le projet de carte professionnelle apparaît ainsi comme un réel progrès.

Autre point soulevé : les différences de formation à la profession d’infirmier entre les deux pays, qui peuvent poser des difficultés. Il existe en effet en Belgique deux types de formations, sanctionnés par deux diplômes différents : le brevet d’infirmier hospitalier et le baccalauréat d’infirmier hospitalier. Les études d’infirmier bachelier sont des études supérieures d’une durée de trois ans. Le diplôme d’infirmier bachelier donne accès à la profession d’infirmier de soins généraux dans les États membres de l’Union et notamment en France. Cette formation, à la différence des études françaises d’infirmier (à l’exception du diplôme de puéricultrice) peut donner lieu à une spécialisation en un an immédiatement après l’obtention du baccalauréat ; les domaines de spécialisation sont nombreux et variés : imagerie médicale et radiothérapie, oncologie, pédiatrie, soins intensifs, etc.

À la différence du baccalauréat, les études d’infirmier breveté ne relèvent pas de l’enseignement supérieur mais de l’enseignement secondaire professionnel complémentaire. Elles se déroulent en 3 ans. Seules deux possibilités de spécialisation s’offrent aux étudiants : soins généraux et santé mentale et psychiatrie. Les infirmiers brevetés ayant 5 années d’expérience professionnelle peuvent néanmoins entrer en 2e année de baccalauréat d’infirmer et avoir ainsi accès aux différentes offres de spécialisation. Ce diplôme répond également aux directives européennes et permet à ses détenteurs d’exercer la profession d’infirmier de soins généraux en France, mais la différence avec le baccalauréat se traduit notamment par un accès plus difficile à des postes de responsabilités.

On voit bien à travers cet exemple que même si les diplômes sont reconnus, les différences dans les contenus de formation sont de nature à compliquer l’accueil de professionnels formés dans les pays tiers au pays d’accueil. Entre la France et la Belgique, pourtant très proches géographiquement et culturellement, les tâches qui incombent aux infirmiers ne sont pas de même nature, et ce d’autant plus que vient se greffer aussi la problématique de la répartition de leurs tâches avec celles confiées au personnel aide-soignant.

Les enjeux particuliers de la mobilité des professionnels de santé en France et en Europe.12

La mobilité des professionnels de santé, facilitée notamment, dans le cadre de la libre circulation au sein de l’Union européenne, par la directive sur la reconnaissance des qualifications professionnelles, a un impact sur les systèmes de santé des pays receveurs mais aussi des pays d’origine, tant en termes de régulation que de qualité et d’accès aux soins.

Dans les pays receveurs, la mobilité soulève des interrogations quant à la qualité des soins, que ce soit au regard de la formation des personnels ou de leur maîtrise de la langue du pays d’accueil. Dans les pays d’origine, elle tend à favoriser une migration de personnels qualifiés et ainsi à détériorer l’offre de soins nationale.

Cette mobilité n’est pas pour l’instant en France un phénomène massif. Les professionnels de santé formés en France émigrent peu, et la France accueille encore peu de médecins étrangers : seuls 7,4 % des médecins exerçant actuellement sur notre territoire sont titulaires d’un diplôme obtenu à l’étranger, contre 30 % au Royaume-Uni. La tendance est toutefois à l’augmentation du recours aux professionnels formés à l’étranger, notamment dans les autres pays de l’Union européenne, dans les localités peu attractives ou dans les professions en manque conjoncturel d’effectif. Ainsi, entre 1990 et 2010, le nombre de médecins en provenance de l’Union européenne, qui représentent aujourd’hui 45 % des diplômés à l’étranger, a été multiplié par six quand le nombre de médecins extracommunautaires n’a été multiplié que par 2,5.

Il convient toutefois de faire la part des « faux communautaires », à savoir des étudiants Français partis se former à l’étranger du fait des numerus clausus français et revenus exercer en France via la procédure de reconnaissance des qualifications professionnelles. Ce phénomène, bien que difficilement quantifiable, est loin d’être marginal, non seulement en zone frontalière (entre la France et la Belgique, ou entre l’Allemagne et l’Autriche) mais aussi à destination de pays plus lointains ; les étudiants français partis se former en Belgique ou en Roumanie sont ainsi de plus en plus nombreux. Cette situation pose un problème de fond quant à l’opportunité de maintenir en France un numerus clausus à l’accès de certaines professions médicales, para-médicales ou à la profession de vétérinaire. D’une part, l’arrivée massive d’étudiants en provenance de pays de l’Union européenne déstabilise l’offre de formation du pays d’origine, en captant l’offre au détriment des nationaux (la Belgique a ainsi dû mettre en place une politique de limitation du nombre de places offertes aux étudiants des autres pays de l’Union) tout en instaurant de facto des dépenses de formation réalisées au bénéfice d’autres pays. D’autre part, elle crée une inégalité de fait sinon de droits entre étudiants puisque ceux qui partent à l’étranger contournent ainsi le numerus clausus, inégalité qui revêt en outre un aspect économique, ces filières, souvent très onéreuses (un cursus francophone en Roumanie, pays qui a développé depuis son entrée dans l’Union européenne des cursus spécifiques dédiés aux étrangers, coûtant entre 3 000 et 5 000 euros par an) instaurant une sélection par l’argent.

Enfin, le développement actuel du recrutement via agences spécialisées n’est pas sans poser des difficultés. Ces agences proposent aux institutions de santé des pays en manque de personnel médical, comme le Royaume-Uni, la France, la Belgique ou encore les Pays-Bas, d’agir comme intermédiaire sur le marché européen de santé et de fournir des professionnels « clef en main », infirmiers, ou encore médecins pour les spécialités en pénurie (endocrinologie, gériatrie, oncologie, anesthésie par exemple en France et en Belgique). Il y aurait ainsi actuellement au moins 400 infirmiers roumaines en poste à Bruxelles. Or, non seulement ces services sont très onéreux (autour de 40 000 euros) mais en outre l’investissement pour l’établissement de santé peut se révéler peu rentable si le professionnel quitte son poste après sa période d’engagement, portée en général à un an. En outre, si les compétences théoriques de ces personnels sont le plus souvent équivalentes à celles des professionnels locaux et que tous partagent la même culture médicale, il n’en va pas de même pour les connaissances pratiques liées à l’utilisation des dernières générations de machines, ce qui entraîne des difficultés d’adaptation à l’environnement technologique, le plus souvent couplées à des difficultés de compréhension de l’organisation du système et notamment des niveaux de responsabilité exigés.

Concernant les médecins, autre profession très mobile, la France tout comme l’Italie, la Belgique ou encore les Pays-Bas sont opposés à la réduction de 6 à 5 ans du socle de base de formation, qui est la durée actuellement en cours au Royaume-Uni et en Irlande.

La Commission propose en effet de réduire la durée de la formation médicale de base de 6 à 5 ans, tout en rendant cette durée cumulative avec le nombre de 5 500 heures de formation.

La directive actuelle est ambiguë, puisqu’elle indique la nécessité de 6 années de formation de base ou 5 500 heures de formation. La France était initialement réservée sur cette proposition, qui pourrait accroître les risques de contournement des réglementations des États membres qui prévoient un nombre d’années de formation supérieure à 5 ans. Toutefois, le cumul du nombre d’années et du nombre d’heures de formation a été finalement privilégié par la France, qui a maintenu sa réserve jusqu’à obtenir satisfaction sur les autres professions du secteur de la santé dans le cadre d’un paquet global.

Le Parlement européen a également soutenu la proposition de la Commission ; il souhaite toutefois également insérer une clause de gel empêchant les États de réduire la durée de la formation de base déjà en vigueur, et fixer la durée minimale des formations de spécialistes à 5 ans. Les États membres se sont accordés pour considérer ces derniers amendements comme étant inacceptables.

Le Parlement européen a également modifié, de manière satisfaisante pour la France, la liste des compétences des vétérinaires. La France considère en effet que la révision de la directive doit également permettre la mise à jour de la liste des compétences que doivent garantir les formations pour les vétérinaires celle-ci, n’ayant pas été réactualisée depuis les anciennes directives reprises dans la directive de 2005, paraissant obsolète.

En mai 2001, la CJCE a décidé qu’une condition de nationalité ne peut être imposée aux notaires et estimé, quant à l’application de la directive, qu’il n’était pas exclu qu’il puisse exister une obligation de mise en œuvre de la directive mais que cette obligation n’était pas suffisamment claire au moment de la procédure d’infraction.

Dans sa proposition initiale, la Commission a donc voulu inclure les notaires dans le champ de la directive.

Suite à des négociations assez tendues entre la Commission, le Parlement et les États opposés à cette inclusion (France, Italie, Belgique, Allemagne, Pologne notamment), il a été décidé au Conseil d’exclure explicitement les notaires du champ de la directive et de proposer une clause de rendez-vous dans trois ou quatre ans.

La France a soutenu cette position, eu égard notamment à l’exercice de l’autorité publique par cette profession. L’inclusion des notaires dans le champ de la directive pose en effet de réels problèmes du fait de leurs missions et statuts particuliers dans de nombreux pays13, à l’instar de la France, mais à l’inverse d’autres pays tels que le Royaume-Uni. Les tensions sur le sujet sont aussi l’expression d’un conflit qui oppose les États de tradition « de droit continental », où existe une organisation notariale comparable à l’organisation française, et les États de « common law », où la profession de notaire n’existe pas.

Toutefois, au Parlement européen, alors que la rapporteur française soutenait l’exclusion, le compromis finalement adopté par la Commission IMCO, à la suite d’un revirement de position des notaires allemands et français craignant de ne pas obtenir l’exclusion, prévoit une inclusion strictement limitée à la reconnaissance des qualifications en vue de l’établissement (la libre prestation de service étant exclue), dans le strict respect des procédures nationales de nomination et avec une interdiction de s’établir dans deux États.

Cette question a été écartée des derniers travaux en groupe Etablissement et Services et réservée au Coreper du 1er mars. La Présidence a proposé d’exclure les notaires de la directive avec l’inclusion d’une clause de révision, approche soutenue par la Commission européenne. Lors du Coreper, trois groupes d’États se sont dégagés : une grande partie des États14 se sont montrés favorables à l’approche proposée par la Présidence ; d’autres15, qui prônaient aussi initialement une exclusion des notaires du champ de la directive, ont appelé à un rapprochement avec la proposition du Parlement européen ; enfin, une minorité d’États, dont la France16, demeurent favorables à une exclusion complète sans clause de révision.

L’issue sur cette question est donc encore incertaine actuellement et un éventuel nouveau compromis est à prévoir lors du troisième trilogue où la question des notaires sera abordée.

La France, opposée à l’accès partiel à une profession, a souhaité que celui-ci revête un caractère exceptionnel et puisse être refusé pour toute raison impérieuse d’intérêt général, telle que la santé ou la sécurité publiques. Ces demandes ont été largement entendues par le Conseil.

Les discussions au Conseil ont en effet permis de rapprocher les positions des États membres, qui ont retenu une approche au cas par cas, comme souhaité par la France. L’accès partiel, dérogatoire au principe selon lequel la reconnaissance des qualifications professionnelles par l’État d’accueil permet au bénéficiaire d’accéder dans cet État à la même profession que celle pour laquelle il est qualifié dans son État d’origine et de l’y exercer dans les mêmes conditions que les nationaux, peut être accordé seulement si certaines conditions cumulatives sont remplies. Le professionnel devra notamment être pleinement qualifié dans son État d’origine pour exercer la profession pour laquelle un accès partiel pourrait lui être accordé dans l’État d’accueil, tandis que l’activité en cause devra pouvoir être objectivement séparée d’autres activités relevant de la profession réglementée dans l’État d’accueil.

L’État d’accueil pourra refuser l’octroi de l’accès partiel pour toute raison impérieuse d’intérêt général, telle que définie par la jurisprudence, en particulier s’agissant des professionnels de santé au cas de préoccupations de santé publique. Les professionnels bénéficiant de l’accès partiel devront clairement indiquer le champ de leurs activités professionnelles aux destinataires des services. Enfin, l’accès partiel ne s’appliquera pas aux professionnels bénéficiant d’une reconnaissance automatique sur la base de l’expérience professionnelle (activités artisanales, commerciales et industrielles listées en annexe de la directive) ou sur la base des diplômes (médecin, infirmier, dentiste, pharmacien, sage-femme, vétérinaire, architecte).

La position du Conseil est proche de celle du Parlement européen. Toutefois, lors du premier trilogue, le Parlement a souhaité une réintroduction de l’appréciation du caractère séparable de l’activité au regard de son exercice autonome dans l’État d’origine, comme le prévoit déjà la jurisprudence, alors que la France souhaitait que cette appréciation se fasse au regard de l’État d’accueil. Le Parlement européen souhaite également viser une exclusion des professions concernées par ces régimes de reconnaissance automatique, et non des professionnels, et élargir cette exclusion aux professions bénéficiant d’une reconnaissance automatique sur la base des principes communs de formation. Les discussions sur ce point vont se poursuivre au niveau technique entre les trois institutions.

Les cadres communs de formation (CCF) et les épreuves communes de formation (ECF) permettraient aux professions intéressées de bénéficier de la reconnaissance automatique des titres de formation acquis sur la base d’un ensemble commun de connaissances, capacités et compétences minimales ou d’avoir accès à une activité professionnelle et de l’exercer sur la base de la réussite d’un test standardisé qui évaluerait leur aptitude. Il ne s’agit donc pas d’une harmonisation des formations mais d’une reconnaissance du résultat de la formation.

La France, réservée sur ces nouveaux mécanismes, a souhaité que les États membres puissent y déroger sans que cette possibilité ne soit conditionnée à une décision de la Commission ou à un acte d’exécution. D’autres États, comme l’Allemagne, la Belgique et la Suède, ont également mis en avant le principe de subsidiarité pour avoir la possibilité de ne pas y participer.

Après que la Présidence irlandaise a proposé un compromis prévoyant la possibilité pour les États de se dégager de la participation à ces principes communs de formation par déclaration, le service juridique du Conseil a jugé ces déclarations incompatibles avec le traité, dans la mesure où il n’est possible de déroger aux règles contraignantes du marché intérieur qu’en cas de différences de développement entre États membres. Il a précisé que, pour être conformes au traité, les dérogations accordées de manière permanente devaient être fondées sur des conditions objectives. La Présidence a donc modifié le texte en insérant une possibilité d’exemption à l’introduction des principes communs de formation à la reconnaissance automatique en vertu de ces principes, en fonction de conditions objectives alternatives, ce qui a permis à certains États17 de lever leurs réserves. Toutefois, des interrogations subsistent quant à la procédure.

En outre, le texte du Conseil précise désormais que les cadres communs de formation ne remplacent pas les programmes de formation nationaux, à moins qu’un État en décide autrement en vertu de son droit national. La condition relative à la préparation des cadres communs de formation selon une procédure transparente, incluant les parties prenantes des États membres dans lesquels la profession n’est pas réglementée, a été remplacée par une obligation de la Commission européenne d’examiner, en totale coopération avec les États membres, les suggestions de cadres communs de formation.

Le Parlement européen a proposé un certain nombre de modifications, qui ne sont pas accueillies favorablement par le Conseil, et qui concernent les conditions de mise en place des cadres communs de formation et l’extension des cadres communs de formation aux nouvelles spécialités des professions bénéficiant de la reconnaissance automatique des diplômes. Le Conseil est, en revanche, prêt à discuter des amendements visant notamment à ce que la Commission prenne en considération les suggestions formulées par les associations professionnelles. Très attaché à ces questions, le Parlement européen sollicitera des concessions de la part du Conseil.

La proposition de la Commission prévoit d’instaurer un système d’alerte sur les interdictions d’exercer des professionnels de santé et des vétérinaires18 . Ce nouveau mécanisme destiné à renforcer la sécurité des patients permettrait d’éviter que les professionnels de santé, sous le coup d’une interdiction d’exercer dans leur État d’origine, puissent voir leurs qualifications professionnelles reconnues dans un autre État membre et exercer leur profession. Tous les États y sont favorables. La France a proposé d’étendre les cas d’alerte aux cas de professionnels ayant été convaincus d’usage ou de tentative d’usage de faux lors de la demande de reconnaissance, de manière à éviter qu’un professionnel puisse obtenir une reconnaissance de ses qualifications professionnelles sur la base de faux documents dans un autre État membre, proposition insérée en partie dans le texte du Conseil qui vise les professionnels ayant utilisé des diplômes falsifiés dans le cadre d’une demande de reconnaissance des qualifications.

En outre, alors que, dans sa proposition initiale, la Commission prévoyait également une alerte pour les professions non couvertes par la directive Services sur toute conduite, acte spécifique ou circonstance qui causerait des dommages sérieux à la santé ou à la sécurité des personnes ou à l’environnement dans un autre État membre, cette possibilité a été supprimée du texte du Conseil, certains États craignant la surcharge administrative.

Sont également concernés par ce mécanisme les autres professions exerçant des activités ayant des implications sur la sécurité des patients et qui ne bénéficient pas d’un régime automatique de reconnaissance. En outre, les Pays-Bas et l’Allemagne plaidant pour une extension du mécanisme d’alerte aux professionnels en contact avec des enfants, le Conseil a étendu le mécanisme d’alerte aux professionnels exerçant des activités liées à l’éducation des mineurs, y compris la garde d’enfants et l’éducation de la petite enfance.

Certains États (Danemark, Autriche, Suède, et France), sont plus réservés sur cette dernière extension au regard des difficultés d’application qu’elle peut soulever dans le cas où les professions en question ne seraient pas réglementées. En réponse, la Commission, qui a souligné que le mécanisme d’alerte n’avait pas vocation à remplacer les accords de coopération judiciaire et policière entre États membres, a proposé soit de limiter le mécanisme d’alerte aux États membres dans lesquels la profession était réglementée et où une autorité compétente était capable d’émettre l’information nécessaire, soit que les État membres ne réglementant pas ces professions désignent une autorité chargée de transmettre les informations permettant de déterminer si le professionnel est ou non habilité à exercer (le coordonnateur IMI19 par exemple). Les États réservés ont marqué leur préférence pour la première option, soutenue par la France qui a demandé l’insertion de cette précision dans le texte.

Dans le cadre du premier trilogue, le Parlement européen s’est montré également d’avis que l’extension du mécanisme d’alerte aux activités liées à l’éducation des mineurs et la garde d’enfants dépassaient le champ d’application de la directive. La Présidence a souligné qu’un nouveau libellé du considérant 22 clarifierait que ces dispositions ne seraient pas exclusives des mécanismes de coopération dans le domaine de la justice et des affaires intérieures. Les discussions en trilogue ont également porté sur le délai d’envoi de l’alerte, le Parlement souhaitant le ramener à 48 heures au lieu de trois jours. Il a été convenu que ces questions seraient examinées plus avant au niveau technique. Par ailleurs, le Parlement européen a adopté des amendements sur les délais de rétention des données dans le système IMI aussi longtemps qu’elles sont valides, et de suppression dans un délai de 24 heures après l’adoption de la décision la révoquant, points qui seront rediscutés entre les États membres.

Rappelons qu’il s’agit que les États membres fournissent une liste de leurs professions réglementées et justifient leur législation relative à ces professions au regard des principes de nécessité. La France n’est pas totalement en faveur de cette disposition.

L’accord des États membres sur ces dispositions, souligné par les ministres lors du Conseil Compétitivité du 30 mai 2012, est global. Le sujet, écarté des dernières discussions techniques en groupe de travail, a fait l’objet d’une discussion en Coreper qui a acté le maintien de l’équilibre du texte du Conseil, alors que le Parlement européen, qui soutient fortement cet exercice, propose de réduire le délai de communication de la liste des professions réglementées à un an après l’entrée en vigueur de la directive (au lieu de la fin de la période de transposition de deux ans).

Par ailleurs, lors du Conseil européen de juin 2012, les États membres ont convenu de s’attacher à promouvoir la croissance et la compétitivité notamment en s’attaquant aux déséquilibres profonds et en allant plus loin dans les réformes structurelles afin de libérer le potentiel national de croissance, grâce, entre autres, à la suppression des restrictions injustifiées appliquées aux prestataires de services. Ils ont également convenu que la mobilité de la main d’œuvre au sein de l’UE devrait être facilitée grâce à de nouveaux instruments permettant notamment de réduire le nombre de professions réglementées.

L’article 53 de la directive dans sa rédaction actuelle prévoit que « les bénéficiaires de la reconnaissance des qualifications professionnelles doivent avoir les connaissances nécessaires à l’exercice de la profession dans l’État membre d’accueil ». Les États membres peuvent donc vérifier que les professionnels étrangers ont les connaissances linguistiques nécessaires à l’exercice de leurs activités, mais ils doivent le faire de façon proportionnée, ce qui signifie qu’ils ne peuvent pas les soumettre systématiquement à des tests de langue. Les professionnels doivent pouvoir prouver leurs connaissances linguistiques par d’autres moyens (diplôme acquis dans la langue visée, expérience professionnelle acquise dans le pays, certificat de langue, etc.), ce qui signifie que le niveau de langue requis varie en fonction du type d’activité et du cadre dans lequel elle s’exerce. De plus, le test de langue ne peut avoir lieu qu’une fois la procédure de reconnaissance terminée, et n’est pas un motif suffisant pour refuser de reconnaître les qualifications professionnelles du candidat.

Afin de clarifier l’interprétation de la disposition actuelle et de renforcer ce contrôle pour les professionnels de santé et la sécurité des patients, la Commission proposait initialement de préciser que la vérification des connaissances linguistiques se fasse uniquement après que l’État membre d’accueil a reconnu la qualification. En ce qui concerne les professionnels de la santé, elle précisait aussi que les autorités compétentes pouvaient effectuer un contrôle, si cela était expressément requis par les systèmes nationaux de soins de santé ou, pour les professionnels indépendants non affiliés à un tel système, par les organisations nationales représentatives de patients.

Les discussions au Conseil ont permis de convenir d’un libellé plus souple permettant aux États d’adapter les obligations à leurs particularités, notamment s’agissant des États dans lesquels plusieurs langues administratives ou officielles coexistent.

La France a, en outre, demandé que le contrôle puisse être effectué avant tout contact avec les patients, y compris avant un éventuel stage d’adaptation, cas exceptionnel dans lequel ce contrôle pourrait être effectué avant la reconnaissance des qualifications. La Commission s’est montrée fortement opposée à l’idée que le contrôle des connaissances linguistiques puisse avoir lieu avant la reconnaissance des qualifications, craignant que les exigences linguistiques prennent le pas sur les compétences académiques et professionnelles, d’autres États soulignant également que cela pourrait constituer un frein à la mobilité.

Du fait de son faible écho au Conseil, certains États membres et la Commission elle-même s’y opposant, cette demande a finalement été abandonnée, notamment au regard de la position du Parlement européen. Toutefois, au Conseil, un considérant a souligné l’importance pour les professions ayant des implications en matière de sécurité des patients, qu’un contrôle des connaissances linguistiques puisse être effectué avant que le professionnel n’accède à la profession.

Les discussions entre les trois institutions sur le contrôle des connaissances linguistiques se poursuivront au niveau technique et en trilogue.

CONCLUSION : LA MOBILITÉ, UNE RÉALITE A FACILITER ET A ENCADRER

Notre mission s’est rendue à Tourcoing et Tournai, deux villes voisines de part et d’autre de la frontière franco-belge et a pu constater que la mobilité des professionnels européens est une réalité. À Mouscron, située du côté belge de la frontière, 20 % des travailleurs sont de nationalité française tandis que 20 % des habitants sont Français, et les échanges entre étudiants et travailleurs sont permanents. Dans ces zones frontalières qui sont un laboratoire pour comprendre les difficultés éventuelles de la mobilité des travailleurs en Europe, les populations frontalières vivent l’Europe au quotidien avec ses avantages et ses contraintes

La mobilité doit bien sûr être facilitée, mais elle ne peut se faire à n’importe quel prix et doit respecter la sécurité des clients ou patients, en assurant un niveau de formation minimal et des aptitudes linguistiques - et ceci est particulièrement vrai dans le domaine de la santé.

La mobilité doit en outre être choisie, et ne doit pas résulter d’une contrainte : contrainte économique pour travailleurs de pays de l’Union où la situation économique est plus difficile et qui se retrouvent avec des carrières incomplètes et une portabilité des droits encore mal assurée, ou encore contrainte liée aux numerus clausus dans de nombreux pays pour les professions de santé, amenant au développement de pratiques de contournement, les étudiants partant se former à l’étranger et revenant exercer dans leur pays d’origine, quand ce n’est pas dans des universités étrangères installées dans leur propres pays à des fins commerciales.

Bien qu’il convienne de rester prudents sur certains points qui demeurent à ce jour en négociation, la proposition de révision telle qu’elle résulte des différentes avancées des discussions apparaît comme équilibrée et conforme à un objectif que nous ne pouvons que partager : celui de créer de la croissance et des opportunités d’emploi pour tous les citoyens de l’Union, et notamment les jeunes.

Or, si renforcer les conditions de la mobilité des jeunes, c’est lutter pour leur emploi et ainsi faciliter l’intégration européenne de demain, il ne faut toutefois pas sous-estimer le risque subséquent de concentrations mégapolistiques et de désertification, conjugué à un phénomène dommageable de fuite des cerveaux organisée à l’intérieur de l’Europe, des pays en difficultés (Espagne, Grèce ou Italie) vers les pays attractifs (Allemagne ou Royaume-Uni).

Enfin, s’impose aussi une réflexion sur les contenus des enseignements menant à ces diplômes, dans un contexte européen où coexistent système académique et système de formation en alternance, d’importance variable selon les pays.

L’Europe de la mobilité est une réalité. Il convient de la faciliter mais aussi de mieux l’encadrer.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunion du 12 décembre 2012

La Commission s’est réunie le 12 décembre 2012, sous la présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente, pour examiner une communication d’étape sur l’avancée des travaux de la mission d’information.

L’exposé des rapporteurs a été suivi d’un débat.

M. Jérôme Lambert, Président. Je vous remercie pour cette communication d’étape qui est déjà fort complète.

M. Jacques Myard. Permettez-moi d’être un peu dubitatif sur l’intérêt d’un tel texte, même si on sait bien que certaines professions sont des chasses gardées. Il n’en demeure pas moins, qu’en l’absence de tout texte de reconnaissance des qualifications, nos compatriotes se sont de tout temps expatriés. Réciproquement, la France a accueilli des architectes, des médecins ou des avocats étrangers. Ne va-t-on pas monter une usine à gaz pour accompagner en définitive un mouvement qui se fait naturellement et qui dépend en fait de la qualité de la formation donnée dans certains pays ? Dans la presse du soir, un article montre que les ingénieurs français sont recrutés à prix d’or, sans qu’il soit besoin d’une quelconque directive. Indépendamment de toute querelle liée à la défense d’intérêts particuliers, je m’interroge sur la nécessité de tout harmoniser et tout encadrer alors que les qualifications sont de fait reconnues sur le marché.

M. Philip Cordery, co-rapporteur. Le marché n’est pas un mot tabou à condition qu’il soit régulé.

L’exemple des professions médicales est le plus parlant. Notre intérêt est bien sûr d’assurer la mobilité professionnelle mais surtout de protéger les patients. En Europe, nombre d’étudiants des professions médicales ou paramédicales sont formés en Belgique et reviennent en France afin de s’installer. Il est normal d’exiger un contrôle de cette formation qui, si elle était insuffisante, comporterait un risque pour la santé publique. Il importe donc d’avoir à la fois cette facilitation et cette sécurisation pour les patients ou pour les consommateurs.

M. Michel Piron, co-rapporteur. L’objet de cette directive n’est pas de complexifier mais s’inscrit dans une démarche générale de simplification de la directive de 2005 qui est la synthèse de multiples textes et qui pose des difficultés d’application. Il s’agit donc de simplifier mais non de standardiser des formations dont on sait qu’elles sont très diverses. Il faut admettre que certaines reconnaissances ne vont pas de soi, s’agissant par exemple des professions médicales dont on nous a signalé des insuffisances dans certains pays, ce qui présente des risques de santé publique. Mais je précise encore une fois que cette directive vise plus à simplifier qu’à accentuer les contraintes.

M. Philip Cordery, co-rapporteur. Je constate que Jacques Myard est favorable à plus de liberté de circulation au sein de l’espace européen !

M. Daniel Fasquelle. Je rappelle que la directive de 2005 constitue la synthèse de réglementations antérieures, dont les premières remontent à 1975 en matière de professions médicales, mais aussi de la jurisprudence de la Cour de justice européenne dans la mesure où certains articles du Traité étaient d’applicabilité directe.

Je ne suis pas d’accord avec Jacques Myard quand il conteste l’utilité de cette directive. Nous avons tous en tête des exemples de personnes qui ont été formées à un très haut niveau dans des pays extérieurs à l’Union et qui ne peuvent pas faire reconnaître leurs qualifications. On voit bien là toute la différence avec les ressortissants de l’Union européenne pour lesquels les démarches sont plus faciles.

La directive de 2005 regroupe trois directives générales, une dizaine de textes sectoriels et la jurisprudence, ce qui constitue un ensemble difficile à appréhender ; il est donc nécessaire de la retravailler.

Si je suis globalement d’accord avec cette directive, je voudrais tout de même faire un certain nombre de remarques et souligner certains risques. Le premier est celui de détournement. En effet, certains étudiants français vont se former à l’étranger, pour les professions médicales ou paramédicales, et notamment en Belgique. Aller à l’étranger est une bonne chose mais il ne faudrait pas que cela fasse l’objet d’une stratégie. Ainsi en Roumanie, certains établissements se sont organisés pour accueillir des étudiants français. Cela pose d’ailleurs la question de notre capacité à accueillir nos étudiants. La directive aborde-t-elle cette question ?

D’autres risques de détournement, plus graves, existent comme en matière de transports routiers. Il y a danger, pour la santé ou pour la protection des consommateurs, à permettre la mobilité alors que l’on n’a pas harmonisé les formations et quand en arrière-plan, les règles d’organisation des métiers et d’accès aux professions n’ont pas convergé. Cela peut déstabiliser des professions, comme par exemple celle des transporteurs routiers qui ont perdu beaucoup de parts de marché en France.

Je suis aussi très réservé à l’égard de l’accès partiel aux professions. Cela représente un danger de déstabilisation pour certaines professions réglementées dont les activités s’équilibrent selon leur rentabilité. Le risque est grand de voir certains pans d’activité les plus rentables concurrencés par des professionnels étrangers. Ainsi dans le domaine juridique, de grands cabinets anglo-saxons très bien organisés pourraient se charger des dossiers les plus intéressants financièrement.

S’agissant de la profession des notaires, pour laquelle on a supprimé la condition de nationalité - et sur ce point, il est légitime de s’interroger sur la nécessité de conserver la condition de nationalité prévue par l’article 45 du traité pour d’autres professions - ne pourrait-on pas plaider pour une directive spécifique plutôt que l’application du régime général ? Des régimes spécifiques existent pour les infirmiers, les architectes et les médecins. Pour les avocats, il existe même deux directives, celle de 1977 sur la prestation de service et celle de 1998 sur la liberté d’établissement ; il peut donc y avoir coexistence d’une réglementation générale avec des réglementations spécifiques. Compte tenu des particularités de la profession de notaire, une directive spécifique serait une solution.

M. Michel Piron, co-rapporteur. Nos réserves sont grandes sur la segmentation des métiers et les risques de dérives ; concernant la carte professionnelle, si nous attendons une réponse des États, il ne se passera rien : il faut les mettre au pied du mur, et les obliger à se prononcer sur les dossiers de reconnaissance. Il faut comprendre en outre que notre système diffère de celui d’autres pays, telle l’Allemagne, qui accorde plus de poids à l’expérience professionnelle. Le secteur de la santé fait partie des difficultés principales de la négociation, notamment du fait de la place prépondérante qu’occupent les médecins dans la relation avec les infirmiers en Allemagne. Concernant les notaires, il est évident qu’on est là en présence d’un conflit entre deux traditions juridiques, celle de « common law », où le notaire n’existe pas, et celle de droit dit « continental ». N’oublions pas que se profile aussi, derrière, deux types d’exercice professionnel : celui de l’avocat, qui vit du conflit, et celui du notaire, qui recherche de son côté le consensus.

M. Daniel Fasquelle. La question est d’identifier la bonne démarche pour protéger ces professions. Le fait que la France ait obtenu l’exclusion explicite des notaires de la directive « services » n’a pas empêché la jurisprudence de 2011, qui a fait échec à la condition de nationalité. J’aurais préféré une position plus offensive, mieux à même de défendre nos intérêts, et je me demande si les notaires n’auraient pas mieux fait de négocier dans le cadre de cette directive, plutôt que de prendre le risque de faire l’objet d’une directive sectorielle.

M. Philip Cordery, co-rapporteur. Je ne suis pas sûr qu’il y ait plus de risques à avoir une directive spécifique et je pense qu’il faut rester ferme sur les notaires. S’agissant de la carte professionnelle, elle permettra de mettre une pression sur les États, en particulier dans les zones frontalières. La question des médecins est par ailleurs étroitement liée au numerus clausus français.

M. Jacques Myard. La jurisprudence de 2011 ne me semble pas fondamentale au regard de la nationalité car un notaire allemand installé dans notre pays appliquera le droit français. Je maintiens qu’un bon médecin sera accepté partout, même en l’absence de texte.

Réunion du 16 avril 2013

La Commission s’est réunie le 16 avril 2013, sous la présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé des rapporteurs a été suivi d’un débat.

M. Charles de la Verpillière. Je suis d’accord avec ces conclusions. La libre circulation est un principe fondateur de l’Union européenne. Je pense toutefois que l’on ne souligne pas assez le problème des professions médicales ou paramédicales notamment. Il ne faudrait pas déplacer les pénuries, par exemple en faisant venir des pays de l’Est des professionnels de santé pour soigner les populations vieillissantes de France ou d’Allemagne.

Il faut par ailleurs des standards élevés de formation : ce qui est exprimé à ce sujet me convient. Je pense qu’il faudrait insister davantage sur la vérification de la qualité et de l’effectivité des formations. Il faut avoir la certitude que ceux qui viendront avec une carte professionnelle européenne auront bien suivi le cursus requis.

M. Philip Cordery, co-rapporteur. Pour répondre à votre remarque sur le risque de pénuries, je souligne que nous avons élargi le problème avec le point 9 de nos conclusions, invitant à réfléchir à l’adéquation des numerus clausus aux besoins de la population. S’il y a une mobilité qui peut être choisie, c’est bien mais une réflexion doit être menée en amont pour que le nombre de places réservées à une profession soit en adéquation avec les besoins du pays. Actuellement, des étudiants français partent se former ailleurs et reviennent en France avec le système de reconnaissance des diplômes : mais la France pourrait aussi former davantage de médecins, de sages-femmes, etc… !

Sur la question de la vérification des formations, je précise que, dans le point 3, nous proposons de soutenir la position française demandant la suspension du délai pour la reconnaissance, s’il y a des besoins de vérifications.

M. Michel Piron, co-rapporteur. La mobilité soulève une question plus large. En France, nous avons 7,4 % de médecins provenant de pays tiers contre 30 % au Royaume-Uni. La tendance en France est à l’augmentation, notamment dans les zones rurales. De façon plus large, cette question se pose dans une Europe où les distorsions sont de plus en plus importantes : avec le chômage massif des jeunes notamment, la mobilité est ambivalente … Elle peut conduire à une émigration massive des mieux formés – qui maîtrisent également le mieux les compétences linguistiques – vers des États où l’activité est plus forte. Cette mobilité – qui est un souhait – peut aussi avoir pour conséquence d’appauvrir certains États en ressources humaines… C’est un sujet qui va donc plus loin que la question du numerus clausus.

L’idée d’instituer un cadre commun paraît néanmoins intéressante, même si des différences de traditions existent entre États : à titre d’exemple, l’Allemagne intègre fortement l’alternance dans ses formations, alors qu’en France les parcours sont plus académiques. Il y a aussi des distorsions dans les exigences d’années de formation. Les équivalences ne sont donc pas toujours faciles à établir.

La proposition de conclusions a ensuite été adoptée à l’unanimité.

CONCLUSIONS ADOPTÉES

La Commission des affaires européennes,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, notamment ses articles 46 et 53,

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2005/36/CE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles et le règlement concernant la coopération administrative par l’intermédiaire du système d’information du marché intérieur (COM (2011) 883 final),

1. Considère que la reconnaissance des qualifications professionnelles est un moyen de permettre la mobilité des travailleurs qui doit être encouragée mais qu’elle doit reposer sur la confiance réciproque entre pays d’origine et pays d’accueil ;

2. Approuve ainsi la création d’une carte européenne professionnelle ;

3. Soutient la position française visant à une suspension des délais pour la reconnaissance tacite en cas de demande additionnelle d’information ;

4. Soutient le compromis sur la prise en compte des stages à condition qu’ils soient reconnus par le pays d’origine et qu’ils soient rémunérés ;

5. Considère que l’harmonisation des conditions de formation minimale pour les professions sectorielles doit être soutenue ;

6. Se félicite de la mise à jour des compétences pour les formations d’infirmier de soins généraux et de sage-femme, mais regrette le compromis sur les conditions de leur formation minimale et estime que ces professions, de plus en plus sollicitées dans les établissements hospitaliers, doivent être au contraire valorisées ;

7. Invite par ailleurs le Gouvernement et les institutions européennes à réfléchir à l’articulation des missions de ces professions non seulement avec celles des médecins mais aussi avec la profession d’aide-soignant ;

8. Se félicite du compromis obtenu sur la question de l’harmonisation des conditions de formation minimale pour les médecins, les architectes et les vétérinaires ;

9. Invite le Gouvernement à réfléchir à l’adéquation des numerus clausus dans ces professions aux besoins en professionnels de la population, pour que la mobilité reste un choix et non une contrainte ;

10. Soutient l’exclusion expresse et totale de la profession de notaires du champ de la directive, au regard de l’exercice de l’autorité publique par cette profession en France et dans plusieurs autres pays de l’Union ;

11. Demeure très réservée sur la possibilité d’un accès partiel aux professions, et souhaite que cet accès revête un caractère exceptionnel et puisse être refusé pour toute raison impérieuse d’intérêt général ;

12. Se félicite de l’avancée que constitue la mise en place de cadres de formation communs et d’épreuves de formation communes comme reconnaissance du résultat de la formation dans le respect des programmes de formation nationaux ;

13. Considère essentielle la création d’un mécanisme d’alerte, qui permettra de renforcer la sécurité des patients en évitant que les professionnels de santé interdits d’exercer dans leur État d’origine soient autorisés à exercer dans un autre pays de l’Union ;

14. Soutient la position du Gouvernement, qui souhaite la mise en place d’un contrôle des aptitudes linguistiques pour les professions de santé avant tout contact avec les patients.

ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

À Tourcoing :

- Mme Nathalie Dubar, directrice de l’école Iteho Jeanne d’Arc (infirmiers brevetés)

- Mme Evelyne Carels, directrice département de soins, centre hospitalier de Mouscron

- Mme Chantal Bui-Huu-Tai, directrice IFSI-IFAS

- M. Grégoire Lefebvre, directeur du centre hospitalier de Mouscron

- M. Marcel Bettens, directeur de HELHa, bachelier en soins infirmiers

- Mme Virginie Toulemonde, directeur-adjoint, expert juridique santé, centre hospitalier de Roubaix

- Mme Françoise Rey, directrice des soins, centre hospitalier de Tourcoing

- M. Paul Deceuninck, direction médicale, centre hospitalier de Mouscron

- M. Marc Leclercq, directeur-adjoint DRH, centre hospitalier de Mouscron

- M. Didier Nonque, directeur du centre hospitalier de Tourcoing

À Tournai :

– Pr Jean Stillemans, doyen, et Pr Martin Buysse, vice-doyen en charge du site de Tournai, Faculté d’architecture, d’ingénierie architecturale, d’urbanisme (LOCI), Université catholique de Louvain (UCL)

À Bruxelles :

– Mme Claire Bury, M. Jurgen Tiedje et Mme Emmanuelle du Chalard, respectivement directrice en charge des services, chef de l'unité "libre circulation des professions" et analyste économique, Direction générale "marché intérieur et services", Commission européenne

– M. Erwan de Rancourt, assistant spécial de M. Michel Barnier, Commissaire en charge du marché intérieur et des services

– MM. Adam Tyson et Walter Zampieri, respectivement chef de l'unité 'enseignement supérieur" et chef de l'unité adjoint "coordination politique", Direction générale éducation et culture, Commission européenne

– Mme Bernadette Vergnaud, membre de la Commission marché intérieur et protection des consommateurs, rapporteur sur la directive relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, Parlement européen

– Mme Constance Le Grip, Vice-présidente de la Commission des affaires constitutionnelles, rapporteur fictif sur la directive relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, Parlement européen

– Mme Pervenche Berès, Présidente de la commission emploi et affaires sociales, Parlement européen

À Paris :

– M. Jean Tarrade, président du Conseil supérieur du notariat

– M. Guillaume Lacroix Direction Générale de la Compétitivité, de l'Industrie et des Services (DGCIS), ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie

– Mme Banjac, ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie

– M. Bertrand Jehanno Secrétariat général des affaires européennes (SGAE)

– Mme Claire Bergeot-Nunes (SGAE)

– M. Guy Boudet, chef du bureau, DGOS, ministère de la Santé

– Mme Martine Vassaux, DGOS, ministère de la Santé

– M. Hans Sebastian Perez, chargé de mission DGOS, ministère de la Santé

– M. Ludovic Jariel, magistrat, chef du bureau de la réglementation des professions juridiques et judiciaires, direction des affaires civiles et du Sceau, ministère de la Justice

– Mme Florence Lifchitz, magistrate, chef du bureau de la réglementation, direction des affaires civiles et du Sceau, ministère de la Justice

– M. Didier Borniche, président du Conseil de l’Ordre national des infirmiers (CNOI)

– M. Olivier Drigny, vice-président du CNOI

– Mme Kine Veyer, Conseillère du CNOI

– M. Yann de Kerguenec, directeur juridique du CNOI

1 () La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.

2 Article 49 : Dès l’entrée en vigueur du présent traité, le Conseil arrête, sur proposition de la Commission et après consultation du Comité économique et social, par voie de directives ou de règlements, les mesures nécessaires en vue de réaliser progressivement la libre circulation des travailleurs, telle qu’elle est définie à l’article précédent, notamment : a) en assurant une collaboration étroite entre les administrations nationales du travail ; b) en éliminant, selon un plan progressif, celles des procédures et pratiques administratives, ainsi que les délais d’accès aux emplois disponibles découlant soit de la législation interne, soit d’accords antérieurement conclus entre les États membres, dont le maintien ferait obstacle à la libération des mouvements des travailleurs ; c) en éliminant, selon un plan progressif, tous les délais et autres restrictions, prévus soit par les législations internes, soit par des accords antérieurement conclus entre les États membres, qui imposent aux travailleurs des autres États membres d’autres conditions qu’aux travailleurs nationaux pour le libre choix d’un emploi ; d) en établissant des mécanismes propres à mettre en contact les offres et les demandes d’emploi et à en faciliter l’équilibre dans des conditions qui écartent des risques graves pour le niveau de vie et d’emploi dans les diverses régions et industries.

3 Article 57 : 1. Afin de faciliter l’accès aux activités non salariées et leur exercice, le Conseil, sur proposition de la Commission et après consultation de l’Assemblée, arrête, en statuant à l’unanimité au cours de la première étape et à la majorité qualifiée par la suite, des directives visant à la reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres. 2. Aux mêmes fins, le Conseil, statuant sur proposition de la Commission et après consultation de l’Assemblée, arrête, avant l’expiration de la période de transition, les directives visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres concernant l’accès aux activités non salariées et l’exercice de celles-ci. L’unanimité est nécessaire pour les matières qui, dans un État membre au moins, relèvent de dispositions législatives et pour les mesures qui touchent à la protection de l’épargne, notamment à la distribution du crédit et à la profession bancaire, et aux conditions d’exercice, dans les différents États membres, des professions médicales, paramédicales et pharmaceutiques. Dans les autres cas, le Conseil statue à l’unanimité au cours de la première étape et à la majorité qualifiée par la suite.

3 En ce qui concerne les professions médicales, paramédicales et pharmaceutiques, la libération progressive des restrictions sera subordonnée à la coordination de leurs conditions d’exercice dans les différents États membres.

4  Ce sont les professions de médecin, infirmier en soins généraux, pharmacien, praticien de l’art dentaire, sage-femme, vétérinaire et architecte.

5 Le système d’information sur le marché intérieur (IMI) est un outil électronique conçu pour améliorer la communication et la collaboration entre les administrations des États membres dans le cadre de l’application de la législation relative au marché intérieur. Il vise à lever un certain nombre d’obstacles pratiques, alléger les charges et améliorer l’efficacité de la coopération administrative en Europe.

6 CJCE, arrêt du 13 novembre 2003, Morgenbesser, Aff. C-313/01 et arrêt du 10 décembre 2009, Pesla, Aff. C-345/08.

7 France, Allemagne, Royaume-Uni, Pologne, Autriche, Belgique, Hongrie, Grèce, Slovénie, Espagne, Malte.

8 France, Slovénie, Pologne, Hongrie, Royaume-Uni, Allemagne, Malte, Belgique.

9 Dans la directive actuelle, la formation de 6 ans doit comprendre soit 4 ans d’études à temps plein, soit 6 ans d’études dont 3 à temps plein.

10 Espagne, Finlande, Suède, Danemark, soutenus par la Hongrie.

11 La Pologne souhaite que le régime général des droits acquis soit étendu à l’ensemble des infirmiers polonais ayant obtenu leurs qualifications professionnelles avant son adhésion à l’Union; la Roumanie a également présenté une demande d’extension du régime de droits acquis des infirmiers. La France ne s’y oppose pas.

12 Source : La mobilité internationale des professionnels de santé : quels enjeux pour le système de soins français ? Centre d’analyse stratégique, La note d’analyse, questions sociales, no 308, décembre 2012.

13 L’Allemagne, le Luxembourg, l’Autriche, la Belgique, la Grèce, la Slovénie, la Pologne, la Hongrie, le Portugal, l’Italie, Malte, et la Lettonie étaient également contre cette inclusion.

14 République tchèque, Pologne, Slovaquie, Finlande, Italie, Pays-Bas.

15 Allemagne, Luxembourg, Autriche, Slovénie, Hongrie.

16 Grèce, Lituanie, Belgique ; la Lettonie est ouverte à la discussion sur les amendements du Parlement européen, tandis que l’Autriche et la Hongrie ont précisé que si les notaires devaient être exclus de la directive, elles s’opposeraient à l’inclusion d’une clause de rendez-vous.

17 Royaume-Uni, Pologne, Allemagne, Autriche.

18 Ce point a fait l’objet d’un avis du Contrôleur européen de la protection des données du 8 mars 2012 (2012/C137/01) recommandant de préciser les périodes de conservation des alertes, de limiter leur contenu au minimum nécessaire, de limiter leur envoi aux autorités compétentes, de les mettre à jour, de prévoir une obligation de confidentialité à l’égard des données reçues d’un autre État membre.

19 IMI : système d’information du marché intérieur.