N° 1087 - Rapport d'information de M. Gilles Savary, Mme Chantal Guittet et M. Michel Piron déposé par la commission des affaires européennes sur la proposition de directive relative à l'exécution de la directive sur le détachement des travailleurs




No 1087

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 mai 2013.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)

sur
la proposition de directive relative à l’exécution de la directive sur le détachement des travailleurs,

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Gilles SAVARY, Mme Chantal GUITTET
et M. Michel PIRON,

Députés

——

La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Danielle AUROI, présidente ; Mmes Annick GIRARDIN, Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Pierre LEQUILLER, vice-présidents ; MM. Christophe CARESCHE, Philip CORDERY, Mme Estelle GRELIER, M. André SCHNEIDER, secrétaires ; MM. Ibrahim ABOUBACAR, Jean-Luc BLEUNVEN, Alain BOCQUET, Jean-Jacques BRIDEY, Mme Nathalie CHABANNE, M. Jacques CRESTA, Mme Seybah DAGOMA, M. Yves DANIEL, MM. Charles de LA VERPILLIÈRE, Bernard DEFLESSELLES, Mme Sandrine DOUCET, M. William DUMAS, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FROMION, Hervé GAYMARD, Mme Chantal GUITTET, MM. Razzy HAMMADI, Michel HERBILLON, Marc LAFFINEUR, Mme Axelle LEMAIRE, MM. Christophe LÉONARD, Jean LEONETTI, Arnaud LEROY, Michel LIEBGOTT, Mme Audrey LINKENHELD, MM. Lionnel LUCA, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MIGNON, Jacques MYARD, Michel PIRON, Joaquim PUEYO, Didier QUENTIN, Mme Catherine QUÉRÉ, M. Arnaud RICHARD, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Jean-Louis ROUMEGAS, Rudy SALLES, Gilles SAVARY, Mme Paola ZANETTI.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. UNE LÉGISLATION EUROPÉENNE INSUFFISANTE ET LARGEMENT INEFFICACE, UN ETAT DES LIEUX INQUIETANT 8

A. UNE LÉGISLATION EUROPÉENNE DÉTOURNÉE ET LARGEMENT INEFFICACE 8

1. La directive 96/71/CE : un outil limité et dépassé par la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne 9

a) Un outil de lutte contre le « dumping social » limité… 9

b) … et en partie dépassé par une jurisprudence libérale de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) 11

2. Une législation inadaptée au contexte de crise et contournée 11

a) Une directive inadaptée à la situation économique actuelle 11

b) Une directive qui laisse la porte ouverte aux fraudes 13

B. UN ÉTAT DES LIEUX ALARMANT : LE DÉVELOPPEMENT DU TRAVAIL « LOW COST» MENACE DES PANS ENTIERS DE NOTRE ÉCONOMIE 18

1. Le travailleur « low cost » : nouvelle figure de l’esclave moderne 18

2. Un phénomène alarmant qui menace des pans entiers de notre économie et notre système de protection sociale 19

a) Un phénomène de masse qui échappe en partie aux statistiques… 19

b) … et qui menace nos emplois et notre système de protection sociale 21

II. LA PROPOSITION DE RÉVISION DE DIRECTIVE : UN TEXTE INSUFFISANT ET QUI DIVISE LE CONSEIL EUROPÉEN 22

A. DES AMÉLIORATIONS INSUFFISANTES ET CONTROVERSÉES 22

1. Le choix d’une révision a minima… 22

2. Le projet de directive d’application : un « ravalement de façade » peu convaincant 23

B. … ET QUI NE FAIT À CE JOUR L’OBJET D’AUCUN CONSENSUS. 24

1. Réalité du détachement, liste des mesures de contrôle, responsabilité solidaire du donneur d’ordre : les trois points de blocage dans les négociations 24

a) L’article 3 et la question de l’appréciation de la réalité du détachement 25

b) L’article 9 : liste ouverte ou liste fermée pour les mesures de contrôle ? 25

c) L’article 12 : quelle responsabilité pour le donneur d’ordre ? 26

2. La crainte de l’adoption d’un texte en recul par rapport au droit ex ante 27

III. LA MOBILITÉ DES TRAVAILLEURS : L’EUROPE ÉCONOMIQUE NE DOIT PAS SE FAIRE AU DÉTRIMENT DE L’EUROPE SOCIALE 28

A. LA PROPOSITION DE DIRECTIVE NE RÉPOND PAS PLEINEMENT À LA NÉCESSITÉ DE LUTTER CONTRE LES TRAFICS DE MAIN-D’œUVRE 28

B. METTRE EN PLACE DES OUTILS COMPLÉMENTAIRES INDISPENSABLES POUR LUTTER CONTRE LA FRAUDE AU DÉTACHEMENT ET PRÉSERVER LES EMPLOIS NATIONAUX 29

1. Le renforcement des pouvoirs de contrôle et la création d’une Agence européenne de contrôle du travail mobile en Europe 29

2. La création d’une carte du travailleur européen 30

3. La mise en place d’une liste noire d’entreprises et de prestataires de services indélicats 30

4. Améliorer l’arsenal législatif et de contrôle national 31

5. Etendre la possibilité de recours aux organisations syndicales nationales 32

6. Solliciter auprès de la Commission Européenne un moratoire de toute initiative législative sur le cabotage routier en l’absence d’un renforcement significatif de la législation européenne au regard des insuffisances soulevées dans ce rapport 32

7. Proposer à l'Union européenne, au nom du principe de concurrence libre et non faussé, un salaire minimum de référence afin d'harmoniser socialement les conditions de détachement 33

CONCLUSION 35

TRAVAUX DE LA COMMISSION 39

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE 43

ANNEXES 47

ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 49

ANNEXE 2 : CARTE BTP D’IDENTIFICATION PROFESSIONNELLE 51

ANNEXE 3 : TABLEAUX DE LA DIRECTION GÉNÉRALE DU TRAVAIL 52

ANNEXE 4 : EXEMPLE DE PUBLICITÉ POUR UNE ENTREPRISE POLONAISE 58

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L’emploi des travailleurs étrangers au sein des économies nationales est un phénomène ancien et universel qui a contribué, notamment, de façon décisive au développement de notre pays, au gré de multiples vagues d’immigration de travail. L’échange de main-d’œuvre s’est aussi traduit, à plusieurs reprises dans l’histoire de l’humanité, par des politiques systématiques, qui ont revêtu des modalités indignes, voire criminelles, de travail contraint, de déplacements forcés, et de trafic d’êtres humains. En Europe, c’est pour encadrer de mesures sociales minimales le principe fondateur du Traité de Rome de libre circulation des travailleurs au sein de l’Union européenne, qu’a été promulguée la directive 96/71/CE concernant le détachement des travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services.

La libre circulation des citoyens fait en effet aujourd’hui partie des libertés garanties par l’Union européenne ; elle est une des quatre composantes du marché intérieur, définie de façon générale par l’article 21 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) comme le droit pour tout citoyen de l’Union « de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par les traités et par les dispositions prises pour leur application ». La mobilité des travailleurs au sein de l’Union européenne est en outre garantie par l’article 45 de ce même traité, qui dispose notamment que la libre circulation des travailleurs, assurée à l’intérieur de l’Union, « implique l’abolition de toute discrimination fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l’emploi, la rémunération et les autres conditions de travail ». La liberté de circulation est également garantie comme droit fondamental par l’article 15, paragraphe 2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. En vertu du principe de non-discrimination fondée sur la nationalité, un travailleur migrant doit être traité de la même manière que les travailleurs nationaux dans l’accès à l’emploi, les conditions d’emploi et de travail ainsi que les avantages sociaux et fiscaux. Le droit communautaire ne prévoit pas une harmonisation des législations en matière des droits des travailleurs mobiles mais plus exactement une coordination des régimes juridiques internes, afin de préserver la liberté de circulation des citoyens européens. En conséquence, les droits et obligations sont garantis par le droit communautaire mais sont régis par les législations nationales de l’État d’emploi.

Mais quel droit appliquer au travailleur européen qui n’exerce pas dans son pays d’origine ? Il s’agit-là d’une question d’importance tant sur le plan social que sur le plan économique, à laquelle toute réponse nécessite une définition préalable du travailleur mobile. Le travailleur européen mobile est en effet multiforme et le travailleur détaché, qui concerne la proposition de directive, objet du présent rapport, n’en est qu’une forme particulière ; il ne doit pas être confondu avec, d’une part, le travailleur de l’Union qui s’installe dans un autre État de l’Union pour y occuper un emploi pérenne (travailleur migrant), ni, d’autre part, avec le travailleur frontalier qui réside dans un État et travaille dans un autre État, ni, encore, avec le travailleur pluriactif, qui exerce dans plusieurs États différents, ni, enfin, avec le travailleur en déplacements transfrontaliers.

Selon la Commission européenne, un travailleur est considéré comme détaché s’il travaille dans un État membre de l’Union européenne parce que son employeur l’envoie provisoirement poursuivre ses fonctions dans cet État membre. Par exemple, un prestataire de services peut obtenir un contrat dans un autre pays et décider d’envoyer plusieurs employés pour exécuter ce contrat sur place ; ces employés deviennent alors des travailleurs détachés.

La particularité du statut du travailleur détaché réside dans la continuité de sa relation de travail avec son employeur d’origine. Pour éviter le « dumping social », l’Union européenne a édicté un ensemble de règles obligatoires en ce qui concerne les conditions de travail des travailleurs détachés dans un autre État membre, fondées sur le principe d’application du droit du pays d’accueil. Les conditions d’emploi minimales prévues dans la législation d’un État membre doivent s’appliquer aux travailleurs détachés dans cet État, sauf dispositions du pays d’origine plus favorables pour les salariés.

Mise en œuvre au moment de l’entrée de l’Espagne, du Portugal et de la Grèce dans la Communauté européenne pour répondre aux inquiétudes liées aux différentiels de main-d’œuvre, la directive relative au détachement des travailleurs (directive 96/71/CE) était conçue à l’origine comme protectrice des marchés du travail des pays aux coûts de main-d’œuvre les plus élevés ; mais elle a depuis, notamment du fait de l’absence de dispositif de contrôle réellement efficace, été l’objet d’un « opportunisme social », et est devenue un outil redoutable de concurrence déloyale, notamment dans les secteurs de la construction, du BTP et de l’agro-alimentaire, à l’image de ce qui se pratique aussi dans le secteur du transport, régi quant à lui par d’autres dispositions.

Aujourd’hui, sans remettre en cause le principe de libre circulation des biens et des personnes ni les migrations de travail – qu’elles soient internes à l’Union européenne ou externes – il apparaît clairement que l’intégration de nouveaux États membres en 2004, présentant de très fortes disparités de conditions salariales et de couverture sociale, et surtout le très fort ralentissement économique de la zone euro consécutif à la crise des dettes souveraines en 2010, ont changé la donne, induit des effets pervers de nature économique et sociale et considérablement modifié l’échelle du phénomène que la directive initiale prétendait encadrer. En particulier, on observe des dérives, des changements d’objet et des détournements de la directive, au profit de politiques systématiques et délibérées « d’optimisation sociale » qui ont des conséquences particulièrement préoccupantes.

Faute d’harmonisation sociale intérieure à l’Union européenne, l’utilisation de plus en plus massive de travailleurs « low cost » déstabilise des filières productives entières, soit par concurrence intérieure inégale dans les secteurs domestiques qui emploient des travailleurs détachés à bas coûts, soit par concurrence entre États membres par l’emploi systématique de travailleurs « low cost » en l’absence de salaire minimum dans certains pays. C’est très précisément la raison pour laquelle la Belgique a engagé une procédure en infraction contre l’Allemagne, où les travailleurs étrangers employés systématiquement à des tarifs horaires allant de 3 à 8 euros de l’heure dans le secteur de l’abattage de la viande, mettent en danger cette filière dans les autres États membres.

A cette concurrence par « dumping social » délibéré et désormais organisé, s’ajoute le fait que de telles politiques systématiques d’emploi de travailleurs détachés, le plus souvent de façon parfaitement légale et licite, posent un problème de financement des systèmes de sécurité sociale des États d’accueil, puisque la directive « détachement » valide le fait que le pays d’accueil ne perçoit pas les cotisations afférentes au salaire du travailleur détaché.

Enfin, outre une utilisation de plus en plus systématique de ce type de travailleurs par les entreprises, avec pour effet délétère et coûteux le développement du chômage des salariés nationaux dans certaines branches, une véritable filière de prestations de main-d’œuvre bon marché se développe rapidement en Europe, sur la base de pratiques difficilement contrôlables de placement de main-d’œuvre, dans des conditions d’hébergement et de vie souvent indignes dans les pays d’accueil, et manifestement attentatoires au principe d’égalité de traitement.

Alors que la directive « détachement » de 1996 prétendait encadrer à l’époque un phénomène sain et fructueux, tant pour les économies des pays d’accueil que pour les travailleurs détachés, son évolution en politique sociale systématique et massive de mise en concurrence des normes sociales en Europe et de baisse du coût du travail par alignement sur celui des pays à faible protection sociale, pose aux pays d’accueil et aux travailleurs concernés, du point de vue de leurs droits élémentaires, des problèmes d’une toute autre ampleur.

C’est en principe pour y remédier que la Commission européenne a mis à l’agenda législatif de l’Union une directive d’application de la directive 96/71/CE, à défaut de la nouvelle directive « détachement » annoncée par le président de la Commission européenne, M. José-Manuel Barroso, dans son discours d’investiture devant le Parlement européen le 15 septembre 2009.

Un récent rapport du sénateur Eric Bocquet2 a mis en lumière le développement délétère de l’emploi de salariés « low cost» » par le biais de la fraude au détachement. À l’issue des nombreuses auditions que nous avons menées, nous ne pouvons malheureusement que partager le constat de nos collègues parlementaires; les dispositions sur le détachement des travailleurs, censées être protectrices des marchés du travail des États membres, sont en réalité détournées et utilisées aux fins de « dumping social » (I). La proposition de la Commission européenne, qui demeure très en deçà des besoins réels d’amélioration de la législation face à cette réalité inquiétante, ne fait de toute façon l’objet d’aucun consensus et des doutes demeurent quant à la capacité des institutions européennes à l’adopter dans un futur proche (II). Les inquiétudes sont d’autant plus grandes que, quoi qu’il en soit, ce texte ne répond pas à la réalité du problème actuel, lié à l’inadéquation entre un corpus de normes étoffé visant à favoriser l’Europe des marchés et l’état encore embryonnaire de l’Europe sociale, inadéquation qui devrait justifier au cas par cas que les États membres puissent adopter des mesures conservatoires (III).

I. UNE LÉGISLATION EUROPÉENNE INSUFFISANTE ET LARGEMENT INEFFICACE, UN ETAT DES LIEUX INQUIETANT

A l'issue des auditions auxquelles ils ont procédées, marquées par le souci d’illustrer toute la diversité professionnelle et de recueillir des témoignages de terrain très précis, vos Rapporteurs ont acquis la conviction que la directive « détachement », bien qu’elle constitue un acquis incontestablement utile, n'est plus à la hauteur de la complexité du problème qu'elle était initialement censée encadrer, du fait de la sophistication des pratiques qui se développent, et, surtout, de la très grande difficulté à contrôler efficacement ce phénomène. Vos Rapporteurs estiment ainsi, en conséquence, que la directive d'application objet du présent rapport, ne saurait, à elle seule, y apporter une amélioration décisive.

Il ne s’agit pas d’être contre la libre circulation des travailleurs, mais bien de faire le constat que les conditions actuelles de détournement de la directive sur le détachement des travailleurs introduisent une concurrence déloyale qui déstabilise des pans entiers de notre économie.

Lors de son adoption, la directive 96/71/CE était conçue comme un instrument de réponse au « dumping social ». Il s’agissait de définir le détachement des travailleurs et de l’encadrer. Le détachement des travailleurs est appréhendé comme lié à la prestation de services : le préambule de la directive fait ainsi référence à la « prestation transnationale de services, amenant un nombre croissant d’entreprises à détacher temporairement des employés à l’étranger sur le territoire d’un État membre autre que l’État dans lequel ils sont employés ». Selon ce même préambule, le détachement des travailleurs ne doit pas s’opérer au mépris d’une concurrence loyale et du respect des droits des travailleurs : « la promotion de la prestation de services dans un cadre transnational nécessite une concurrence loyale et des mesures garantissant le respect des droits des travailleurs ». Ainsi, « les lois des États membres doivent être coordonnées afin d’établir un noyau de règles impératives de protection minimale à observer dans le pays d’accueil ».

A cet effet, la directive sur le détachement a établi dans quelle mesure le contrat d’emploi du travailleur d’un prestataire de services se rendant hors de son pays d’origine s’efface au profit des règles concernant le salaire et les conditions du travail du pays d’accueil.

La directive s’applique aux entreprises qui détachent un travailleur à titre temporaire dans un État membre autre que celui dont la loi régit la relation de travail. Elle couvre, pour autant qu’il existe dans les trois cas une relation de travail entre l’entreprise d’envoi et le travailleur pendant la période de détachement, trois types de configuration :

- le détachement dans le cadre d’un contrat conclu entre l’entreprise d’envoi du travailleur et le destinataire de la prestation de services (« contrat ou sous-traitance ») ;

- le détachement sur le territoire d’un autre État membre, dans un établissement ou dans une entreprise appartenant au groupe (« transferts internes ») ;

- la mise à disposition d’un travailleur par une entreprise de travail intérimaire ou une agence de placement, l’entreprise utilisatrice étant établie sur le territoire d’un autre État membre.

Le socle des conditions de travail et d’emploi à respecter, tel que défini à l’article 3, paragraphe 1, de la directive comprend :

- les périodes maximales de travail et les périodes minimales de repos ;

- la durée minimale des congés annuels payés ;

- le taux de salaire minimal, y compris ceux majorés pour les heures supplémentaires (cela ne s’applique pas aux régimes complémentaires de retraite professionnels) ;

- les conditions de mise à disposition des travailleurs, notamment par des sociétés d’intérim ;

- la sécurité, la santé et l’hygiène au travail ;

- les mesures de protection applicables aux conditions de travail et d’emploi des femmes enceintes et des femmes venant d’accoucher, des enfants et des jeunes ;

- l’égalité de traitement entre hommes et femmes ainsi que les autres dispositions en matière de discrimination.

Ces dispositions sont inscrites en droit français à l’article L. 1262-4 du code du travail.

En revanche, la directive n’oblige pas les États membres à fixer des salaires minimaux. Elle dispose en outre que les entreprises d’un État tiers à l’Union européenne ne peuvent bénéficier d’un traitement plus favorable que les entreprises établies dans un État membre et que les dispositions du pays d’accueil ne peuvent empêcher l’application de normes plus favorables en vigueur dans le pays d’origine.

Les États membres peuvent imposer des conditions de travail et d’emploi autres que celles prévues dans le noyau dur afin de garantir l’ordre public. Les normes qui composent le noyau dur dans chaque État membre doivent être de nature législative, réglementaire ou issue de règles conventionnelles d’application générale. Les conventions collectives ou les sentences arbitrales doivent ainsi être respectées par toutes les entreprises appartenant au secteur concerné. Ce noyau dur s’impose également aux entreprises des pays tiers hors Union européenne.

Les travaux liés à la fourniture d’un bien et inférieurs à huit jours sont exclus du champ d’application du noyau dur. Les États membres ont par ailleurs la faculté de dispenser les entreprises étrangères du respect des règles relatives au salaire minimum si la durée du détachement est inférieure à un mois. En outre, si les travaux sont considérés comme de faible ampleur, il est possible pour un État membre de prévoir des dérogations règles relatives au salaire minimum et aux congés annuels.

Adoptée depuis près de deux décennies, la directive 96/71/CE a fait l’objet de nombreux contentieux, qui ont donné lieu à une jurisprudence interprétative d’ampleur et d’inspiration libérale.

Comme l’a noté la Confédération européenne des syndicats (CES)3, la directive sur le détachement des travailleurs a été appréhendée par la CJUE de manière très restrictive, l’interprétant dans le contexte des dispositions des traités sur l’Union européenne sur la libre circulation des services (notamment l’article 56 du TFUE) comme une exception aux obligations générales des traités visant à éliminer les obstacles à la libre circulation. De ce fait, tout ce qui va au-delà de la directive et n’est pas explicitement autorisé par la directive a été interprété par la Cour comme un obstacle au droit de libre circulation du prestataire transnational. Dans les affaires Laval4 et Rüffert, la Cour a interprété la directive de telle manière qu’elle doit à présent être comprise comme une directive maximale en ce qui concerne les questions qui peuvent être réglementées, le degré de protection qui peut être requis, et les méthodes qui peuvent être utilisées pour garantir que les conditions d’emploi doivent être observées de la même manière par toutes les entreprises. Lorsque les États membres veulent appliquer des normes différentes en droit, cela peut être perçu comme une violation de l’article 56 du TFUE.

On peut ainsi légitimement considérer que la Cour a fait prévaloir une approche « marché intérieur » au détriment de l’importance de la dimension collective et d’intérêt public des mesures et instruments de politique sociale, y compris la négociation collective. De ce fait, la Cour a privé la directive des moyens d’atteindre son objectif initial de politique sociale, à savoir la garantie d’une protection des travailleurs et d’un climat de concurrence équitable.

La situation économique actuelle en Europe est caractérisée par la crise. Beaucoup de pays, notamment du sud de l’Europe, sont touchés par un chômage de masse (cf. tableau ci-dessous), et certains secteurs économiques, notamment le bâtiment, y sont sinistrés.

Or, la directive 96/71/CE est inadaptée à ce contexte de crise à l’échelle du continent et de tension sur les marchés du travail, en ce qu’elle met en concurrence les travailleurs des pays d’origine et les travailleurs des pays d’accueil sans organiser les conditions équitables de cette concurrence.

D’une part, la directive favorise le développement d’un « dumping social légal », c’est-à-dire l’exportation dans certains pays de travailleurs rendus compétitifs par un coût du travail plus faible, car le fait que soit prévu le maintien de l’affiliation au système de sécurité sociale du pays d’origine représente un avantage comparatif non négligeable pour les pays où les charges sociales sont les plus faibles.

En outre, l’absence de réel mécanisme de contrôle favorise le développement de faux détachements, c’est-à-dire d’un « dumping social illégal ». La directive n’a en effet abordé la question du contrôle du respect des normes que de manière limitée, alors même que celle-ci est essentielle. Le texte actuellement en vigueur s’est de fait contenté d’un appel à la mise en place d’une coopération administrative entre États membres, via des bureaux de liaison aux fins d’échange des informations sur les détachements susceptibles de poser problème.

Or, de l’avis de tous, ce dispositif de contrôle embryonnaire et peu dissuasif est tout à fait inefficient, ce qui se comprend aisément dans la mesure où, d’une part, il subit la contrainte de la barrière linguistique, et, d’autre part, repose sur la bonne foi et la volonté de coopération des États.

La directive actuelle, en temps de crise et de fortes tensions sur les marchés du travail de tous les États membres, est en effet un outil inadapté car trop facilement contournable alors même que les États membres sont malheureusement dans l’incapacité presque totale de contrôler le respect de la directive et ce pour plusieurs raisons.

Ils sont, d’une part, confrontés à la fugacité de certains détachements, dont le temps, rapide, n’est pas en adéquation avec le temps long des contrôles. D’autre part, la confrontation des systèmes juridiques différents et l’obstacle de la langue rend les contrôles difficiles. Comme l’a exprimé l’une des personnes auditionnées, « ces contrôles sont par nature difficiles : il s’agit d’un droit compliqué, qui fait intervenir des autorités étrangères, sur la base de pièces dont on ne peut attester l’authenticité. Je serais inspecteur du travail, avec une lourde charge de travail, il est clair que ces contrôles chronophages et sans réelle efficacité ne seraient pas pour moi prioritaires ».

Entreprises et salariés peuvent aussi rencontrer des difficultés. Pour les entreprises concernées, les dispositions pertinentes sont parfois compliquées à comprendre et les documents nécessaires difficiles à obtenir, et ce d’autant plus que rien n’atteste de leur authenticité. En outre, les prestataires de service se heurtent aussi à la problématique de la barrière de la langue. De leur côté, les salariés ne sont pas toujours informés de leur droits, par exemple le droit de mettre en jeu la responsabilité solidaire du donneur d’ordre, effective en droit français.

En outre, la directive 96/71/CE n’impose pas aux entreprises d’exercer une activité substantielle au sein du pays d’origine, et ne fixe aucune limite de temps aux situations de détachement.

Ce sont ces trois raisons qui sont essentiellement à l’origine du développement d’une fraude au détachement, avec la multiplication de « faux détachements », fraude qui se développe actuellement massivement et met en péril des pans entiers de notre économie nationale, que ce soit dans le bâtiment, l’agro-alimentaire, mais aussi de plus en plus l’industrie.

Bien évidemment, tous les détachements ne sont pas constitutifs d’une fraude, et loin de vos Rapporteurs l’idée de crier haro sur la mobilité des travailleurs. Nous vivons dans un monde ouvert, dans lequel celle-ci est bien entendu nécessaire ; la France est d’ailleurs fortement utilisatrice de la procédure du détachement de travailleurs, puisque le nombre de salariés français détachés à l’étranger est estimé à environ 300 000 personnes5, pour environ 170 000 déclarations de détachement en 2011. Si ce nombre est en diminution depuis 2007 (- 38 %), la France demeure le troisième pays exportateur de travailleurs détachés, derrière la Pologne et l’Allemagne (respectivement plus de 300 000 et 250 000 en 2011).

Mais l’esprit de la directive a été dévoyé, par des stratégies de contournement et de fraude. En favorisant la prestation de services internationale sans mettre en place une véritable procédure de contrôle, la directive sur le détachement des travailleurs a laissé le champ libre au développement d’une fraude. De plus en plus, des prestataires de services peu scrupuleux offrent à des entreprises nationales parfois non moins peu scrupuleuses, des salariés à « bas coûts », en maquillant les conditions de détachement pour répondre formellement aux conditions d’application de la directive. Le ministère du travail estime ainsi par exemple entre 220 000 et 300 000 le nombre de salariés « low cost » présents sur le territoire français sans avoir fait l’objet d’une déclaration préalable de détachement.6

Par définition difficile à quantifier, la fraude n’en est pas moins réelle, à en croire tant les représentants des secteurs concernés que les membres des administrations publiques.

Selon la Direction générale du travail7, il existe deux types de fraude :

- la fraude simple, qui consiste en un manquement aux principes de la directive, et en particulier au noyau dur : défaut de déclaration de détachement, défaut de certificat d’affiliation au régime de sécurité sociale, non-paiement des salaires et des heures supplémentaires, dépassement de la durée légale du travail ;

- la fraude complexe, qui recoupe tous les montages frauduleux : travail illégal, non-déclaration intentionnelle des accidents de travail, abus de vulnérabilité par des conditions de travail incompatibles avec la dignité humaine, esclavage moderne et trafic d’êtres humains.

Elle est même l’objet d’une publicité massive reçue dans les entreprises des secteurs concernés, bâtiment et travaux publics et agriculture notamment, via fax ou mail.

Comment s’organise la fraude ?

Le plus souvent, une entreprise « coquille vide » (qui n’exerce aucune activité significative dans son pays d’origine), ou « boîte aux lettres » (filiale de simple domiciliation d’une entreprise issue d’un pays où les charges sociales sont élevées) implantée dans un pays où les charges sociales ne sont pas élevées, emploie des travailleurs, qui peuvent venir d’un autre pays, et les détache auprès d’une entreprise dans un troisième pays de l’Union. Cette pratique se développe notamment dans le secteur des transports, où des entreprises installent un siège dans un autre pays de l’Union, où salaires et charges sociales sont moins élevés, pour pouvoir recruter du personnel qui sera détaché en France. On assiste ainsi actuellement à une utilisation massive de conducteurs étrangers à la place de conducteurs français, le tout dans une situation de dérégulation totale, le transport routier étant par nature soumis à des déplacements transfrontaliers multiples et, par ailleurs, régi par des dispositions particulières pour le cabotage.

Vos Rapporteurs suggèrent de poursuivre leur travail sur cette catégorie particulière de travailleurs, tout en soulignant l’existence de nombreuses fraudes dans ce domaine aux obligations de détachement internes par des entreprises de transport disposant de plusieurs établissements en Europe.

Par ailleurs, il apparaît que des activités complexes de « trading » de prestations de services de main-d'œuvre « low cost » se développent sur le modèle de « la fraude à la viande de cheval », faisant intervenir des intermédiaires de pays tiers entre pays d'origine et pays d'accueil de la main-d'œuvre.

Dans le cas d’entreprises « coquilles vides » ou « boîtes aux lettres », il n’y a pas de réalité préexistante du contrat de travail, ce qui constitue une première fraude. En outre, la pratique est courante de l’utilisation de doubles contrats de travail : l’un à usage de l’administration du pays d’accueil, l’autre ayant vraiment force contractuelle entre les parties. Il s’agit de donner une apparence de légalité au contrat de travail, notamment en termes de respect de la législation sur le temps de travail et sur les congés. En réalité, un « forfait » pour la restauration et l’hébergement est souvent retenu du paiement réel du salaire, ce qui le minore d’autant, tandis que le nombre d’heures travaillées est bien supérieur au nombre d’heures annoncées sur le contrat fictif, ce qui explique que ces salariés restent compétitifs même s’ils sont logés par leur employeur.

La multiplication des sous-traitances en cascade a en outre pour objectif d’opacifier la chaîne de responsabilité et de rendre les contrôles encore plus difficiles.

Il existe en outre dans certains pays qui n’ont pas de salaire minimum légal, un phénomène d’utilisation massive de travailleurs venus d’un autre pays et rémunérés à un salaire inférieur que celui versé aux travailleurs nationaux. Le cas des abattoirs allemands est à cet égard emblématique. L’Allemagne est en effet en train de « prendre » tout le marché européen de l’abattage, au détriment des abattoirs belges, danois, hollandais et bretons, en utilisant dans ses abattoirs des travailleurs détachés des ex-pays de l’Est et payés à des coûts bien inférieurs à ceux des autres pays présents sur ce marché.

Le différentiel de concurrence avec l’Allemagne, chiffrée à cinq centimes d’euros du kilo pour la viande de porc – soit cinq fois la marge nette d’une entreprise performante d’abattage et de découpe – pèse en effet lourd dans le contexte de crise actuel. Ces cinq centimes permettent aux Allemands de soutenir leurs éleveurs, de conquérir des marchés, d’investir dans leur industrie et de la renouveler. Ce différentiel s’explique en grande partie par le fait que les entreprises allemandes ont substitué à 80 à 90 % de leurs opérateurs de la main-d’œuvre issue des pays de l’Est intra ou extracommunautaires (Pologne, Roumanie, et Ukraine), dans des formes d’emploi non qualifié et précaire. Ces travailleurs agissent dans le cadre de la chaîne de commandement de l’entreprise allemande mais leur régime social est bien celui du pays d’origine en terme de rémunération et de régime social. Le coût du travail dans les abattoirs allemands qui en résulte est trois fois inférieur au coût français (entre 6 et 7 euros contre 20 ou 21 euros en France). Or, il ne s’agit pas réellement d’une prestation de service, mais bien d’un intérim déguisé. C’est pourquoi le SNIV-SNCP a introduit en janvier 2011 une plainte en manquement d’État auprès de la Commission européenne, tout comme la Belgique vient tout récemment de le faire, en mars 2013.

L’impact des charges sociales sur la compétitivité salariale des travailleurs français

1. Coût salarial unitaire

Selon l’INSEE, le coût salarial unitaire correspond au coût salarial par unité de valeur ajoutée produite. Les coûts salariaux incluent les salaires et traitements bruts versés par l’employeur dont les cotisations sociales augmentées des charges patronales.

En 2012, selon Eurostat, la France détenait un coût salarial de 36,4 euros (record européen derrière la Belgique) contre 8,7 euros et 13,5 euros pour respectivement la Slovaquie et la Slovénie, deux pays de l’Europe de l’Est nouvellement entrés dans l’Union européenne. On note ici un écart important entre les États membres de l’Union européenne. Cette différence salariale s’explique notamment par le poids des charges sociales patronales pour les entreprises françaises. En effet, selon un rapport de KPMG International, la France est la « championne du monde » des prélèvements obligatoires avec un taux qui s’élève à 63 % du revenu dont 41 % sont des cotisations sociales patronales contre 31 % pour la Hongrie, 9,7 % pour la Pologne et 3,3 % pour la Bulgarie8. Ces chiffres révèlent un réel manque à gagner pour la compétitivité salariale des travailleurs français mais également pour la compétitivité des entreprises françaises.

Salaire horaire dans l'industrie y compris charges sociales (en €) 1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Allemagne

26,3

27,6

28,5

29,2

29,8

30,0

30,1

31,3

31,7

32,3

32,9

32,8

34,1

34,9

France

23,9

25,0

26,2

27,2

28,0

29,0

30,0

31,0

32,0

32,9

32,9

34,2

35,5

36,4

Italie

18,1

18,3

18,7

19,4

19,8

20,6

22,2

22,6

23,1

23,6

24,6

25,2

25,8

26,6

Espagne

15,1

15,1

14,2

14,9

15,6

16,3

16,9

17,6

18,2

20,3

21,5

21,7

22,0

22,5

Grèce

10,0

10,4

11,0

11,8

12,7

12,7

12,2

13,1

14,3

15,7

16,3

16,8

15,9

15,1

Portugal

6,7

6,9

7,3

7,7

8,1

8,5

8,8

9,0

9,2

8,5

10,1

10,3

10,2

10,5

Autriche

23,5

23,8

24,7

25,7

26,3

26,8

27,4

27,7

28,3

29,0

30,8

30,3

31,0

32,2

Belgique

27,4

28,4

29,9

31,3

32,9

32,3

33,0

33,9

35,8

36,4

38,3

40,1

41,2

42,5

Luxembourg

22,4

22,6

22,9

23,9

24,7

27,9

28,9

29,8

30,7

28,2

28,2

28,4

29,0

29,5

Chypre

7,6

8,3

8,5

9,0

9,5

10,0

10,7

11,1

11,5

12,2

12,5

12,7

13,0

13,2

Estonie

2,4

2,7

3,0

3,3

3,6

3,9

4,4

5,2

6,3

7,1

7,1

7,3

7,6

7,9

Finlande

21,1

22,0

23,7

25,2

26,3

26,7

28,2

29,0

29,6

30,1

31,8

31,4

32,2

33,7

Irlande

16,1

17,3

19,2

20,2

21,1

22,0

22,8

21,8

24,8

28,0

30,3

29,6

29,2

30,0

Italie

18,1

18,3

18,7

19,4

19,8

20,6

22,2

22,6

23,1

23,6

24,6

25,2

25,8

26,6

Malte

7,1

7,5

7,7

8,1

9,3

9,2

9,6

9,0

9,4

9,2

9,4

Pays-Bas

22,5

23,4

24,6

25,9

27,2

28,1

28,5

28,2

28,5

30,3

30,9

31,5

32,2

-

Slovaquie

2,6

3,1

3,1

3,5

3,9

4,3

4,6

5,1

6,2

7,3

7,9

7,9

8,4

8,7

Slovénie

7,9

8,2

8,7

9,2

9,6

9,5

9,8

10,2

10,7

12,3

12,6

12,9

13,2

13,5

Royaume-Uni

19,8

22,4

23,2

23,5

22,1

22,9

23,9

24,9

25,7

23,4

21,2

22,0

22,1

-

Source : Eurostat.

Coût horaire de la main-d’œuvre dans les 27 pays de l’Union européenne.

Source : Eurostat. Disponible sur http://www.jactiv.ouest-france.fr/actualites/economie/cout-travail-fait-grand-ecart-europe-3771

Sources contenant des données statistiques exploitables :

KPMG’s Individual Income Tax and Social Security Rate Survey 2012: http://fr.scribd.com/doc/111204316/Individual-Income-Tax-Rate-Survey-2012

Taxation trends in the European Union 2013:

http://ec.europa.eu/taxation_customs/resources/documents/taxation/gen_info/economic_analysis/tax_structures/2013/report.pdf

2. Comparatif des taux de chômage européens

En mars 2013, le taux de chômage s’élevait à 10,9 % dans l’Union européenne des 27 et à 12,1 % dans la zone euro. Dans les deux zones, le taux de chômage a augmenté puisqu’il était de 11 % pour la zone euro et de 10,3 % pour l’UE à 27 en mars 2012. Selon Eurostat, 26,521 millions de personnes étaient au chômage dans l’Union européenne en mars 2013, une augmentation de 1,814 million de personnes sur une année. Les taux de chômage les plus faibles ont été enregistrés en Autriche (4,7 %), en Allemagne (5,4 %) ainsi qu’au Luxembourg (5,7 %). A contrario, la Grèce (27,2 %), l’Espagne (26,7 %) et le Portugal (17,5 %) comptabilisaient les taux de chômage les plus élevés de l’UE à 27. Sur un an, le taux de chômage a augmenté dans dix-neuf États membres et a baissé dans huit autres. Parmi les pays qui souffrent d’un taux de chômage en progression, on peut citer la Grèce (de 21,5 % à 27,2 % entre janvier 2012 et janvier 2013), Chypre (de 10,7 % à 14,2 %), l’Espagne (de 24,1 % à 26,7 %) et le Portugal (de 15,1 % à 17,5 %). Une nette amélioration est à noter pour la Lettonie (de 15,6 % à 14,3 %), l’Estonie (de 10,6 % à 9,4 %) et l’Irlande (de 15,0 % à 14,1 %).

Source :

http://epp.eurostat.ec.europa.eu/cache/ITY_PUBLIC/3-30042013-BP/FR/3-30042013-BP-FR.PDF

Le travailleur « low cost » devient ainsi le nouvel esclave moderne. Titulaire d’un contrat de travail qui n’est pas respecté, il travaille plus que ce qu’autorise la législation, peut dormir dans des hangars ou sur des simples paillasses, être nourri de boîtes de conserve pendant des semaines, et ne fait l’objet d’aucun contrôle de la part de la médecine du travail. Interrogés, les services de la Commission européenne ont souligné n’avoir eu aucune plainte de la part de salariés détachés et ont donc considéré qu’il n’y avait pas de problème à cet égard, ce qui a laissé vos Rapporteurs songeurs… L’ensemble des autres interlocuteurs de vos Rapporteurs ont toutefois été unanimes : ces situations sont loin d’être marginales, et sont même en développement, parfois via de véritables réseaux dont on peut se demander s’ils ne sont pas mafieux. A ainsi été cité par exemple le cas d’une entreprise opérant dans le secteur de l’agriculture dans le Gard. Cette entreprise prestataire de services « tient » 90 % du marché des saisonniers, et fournit 2 300 salariés par an, dont 1 500 sont Équatoriens. Domiciliée en Espagne où elle n’a aucune activité réelle (configuration de la « coquille vide »), cette entreprise « importe » des Équatoriens qui viennent travailler en France. Les cotisations sociales sont censées être payées en Espagne, mais il est impossible d’en être sûr. Tout le système repose sur la déclaration préalable au détachement effectuée à l’Inspection du travail, déclaration dont la Mutualité sociale agricole (MSA) n’est pas informée, ce qui explique qu’elle ne puisse opérer à aucun contrôle puisqu’elle ne sait pas que ces personnels sont présents. Les bénéficiaires de la prestation de services de cette entreprise « négrière », qui fait dormir ses salariés dans des hangars ou algeco où sont entassés des lits superposés, sont en principe en droit français tenues comme responsables conjointes et solidaires en cas de manquement aux obligations légales ; mais, en réalité, l’administration n’a aucune réelle capacité à juger de la véracité des documents fournis, et ce d’autant plus que, comme cela a déjà été souligné, le temps du contrôle n’est pas celui, beaucoup plus rapide, de la prestation de services.

Il est bien évident que ces travailleurs, venus le plus souvent des anciens pays de l’Est, même soumis à des conditions de travail dégradées, acceptent cet emploi à défaut d’un emploi dans leur pays d’origine, et aussi parce que le différentiel en termes de pouvoir d’achat est tel que le salaire perçu, même amputé, demeure pour eux très élevé.

Il n’en demeure pas moins que ces conditions de travail indignes, outre qu’elles exercent une concurrence tout à fait déloyale sur notre territoire, sont inacceptables d’un point de vue éthique.

Malgré la difficulté à produire des chiffres fiables tant à l’échelle nationale qu’à l’échelle de l’Union, il apparaît évident que le phénomène de détachement des travailleurs est un phénomène en accroissement.

Comme le souligne la Commission européenne dans son document de présentation de la proposition de directive, « il n’est pas aisé d’analyser le phénomène économique et social que représente le détachement au-delà des observations empiriques en raison du manque de chiffres précis et de la piètre qualité des bases de données ». La Commission européenne estimait toutefois en 2009 qu’environ un million de travailleurs sont détachés chaque année par leur employeur dans un autre État membre. Ce chiffre pourrait être porté à 1,5 million à l’heure actuelle, mais il ne s’agit que d’une estimation. Si le détachement ne concerne qu’une faible proportion de la population active, il représentait toutefois en 2007, à l’échelle de l’Union à 27, 18,5 % de la population active provenant d’un autre État membre. Le détachement constitue donc un phénomène important du point de vue de la mobilité de la main-d’œuvre particulièrement intéressant en période de crise économique. En outre, un nombre important de personnes est concerné dans quelques États membres : Allemagne, France, Luxembourg, Belgique, ou encore Pologne, tandis que le phénomène, qui touche aujourd’hui tous les États membres en tant que pays d’origine ou d’accueil, prend de l’ampleur.

Les pays d’accueil ont aussi intérêt aux détachements, puisqu’ils concernent des secteurs qui ont connu ou connaissent encore des pénuries de main-d’œuvre : bâtiment et construction, agriculture. Lors de nos auditions, il est clairement apparu que si le détachement des travailleurs pouvait être une menace pour notre économie, il était aussi parfois perçu comme une aubaine, en ce qu’il permet de pallier les pénuries chroniques dans certains secteurs ou pour certaines tâches, notamment le ramassage des fruits ou les vendanges.

En ce qui concerne la France, et selon la Direction générale du travail9, le nombre de déclarations de détachement progresse à un rythme soutenu ; 45 000 déclarations de détachement ont été effectuées en 2011, équivalent à 145 000 salariés détachés, soit une croissance de 17 % par rapport à l’exercice précédent. La moitié des déclarations a été effectuée dans dix départements, avec une prépondérance pour les zones frontalières de l’Est et du Nord de la France : Moselle, Bas-Rhin, Alpes-Maritimes, Meurthe-et-Moselle et Nord rassemblent 41 % des déclarations, viennent ensuite le Haut-Rhin, la Haute-Savoie, la Loire-Atlantique, les Yvelines et le Var. Le secteur du bâtiment enregistre à lui seul près de 17 500 déclarations, soit plus du tiers de l’ensemble des déclarations (38 %). En totalisant près de 14 000 déclarations, les entreprises de travail temporaire ont effectué 30 % des déclarations en 2011, faites aux trois-quarts dans les secteurs de la construction et de l’agriculture ; la DGT constate à cet égard que « le développement des missions d’intérim concernant des ressortissants d’Europe centrale, ou parfois d’Amérique latine via l’Espagne par exemple et proposées par des structures installées dans des pays européens, mais dont l’activité prépondérante s’exerce en France, apparaît comme une tendance lourde. » Dans l’Eure, les agents de contrôle signalent le recours de plus en plus fréquent à des sociétés de travail temporaires, domiciliées à la même adresse que des entreprises étrangères du secteur du BTP ou de la maintenance, et proposant à certaines entreprises du département des mises à disposition de salariés à un coût très inférieur. De même, les services de la Vienne constatent une augmentation du recours à des sociétés de travail temporaire étrangères dans le secteur du bâtiment, implantées surtout en Espagne et en Hongrie, avec l’intervention de salariés intérimaires issus des pays de l’Est, détachés via des entreprises établies en Bulgarie ou en Pologne, notamment pour la cueillette des melons.

CONCENTRATION DES DÉCLARATIONS PAR DÉPARTEMENT ET SECTEUR D'ACTIVITÉ EN 2011

 

Agr.

BTP

HCR

Ind.

Spect.

Intra-gpe

ETT

Autre

Premier département

326

2461

102

1471

64

358

6182

212

3 premiers départements

910

5514

234

2524

133

731

8151

528

5 premiers départements

1211

5904

314

3359

159

888

9450

796

Poids

15 %

14 %

18 %

20 %

26 %

26 %

45 %

9 %

43 %

32 %

40 %

34 %

54 %

53 %

60 %

23 %

57 %

34 %

54 %

45 %

65 %

64 %

70 %

35 %

Nom

               

1er département

Finistère

Moselle

Haute Savoie

Moselle

Paris

Moselle

Moselle

Bouches du Rhône

2e département

Indre et Loir

Alpes maritimes

Corse du Sud

Nord

Eure

Hauts de Seine

Meurthe et Moselle

Loire Atlantique

3e département

Loir et Cher

Bas Rhin

Dordogne

Yvelines

Nord

Territoire de Belfort

Bas Rhin

Drôme

4e département

Aisne

Nord

Vendée

Loire Atlantique

Yvelines

Seine Maritime

Haut Rhin

Sarthe

5e département

Drôme

Haut Rhin

Savoie

Ain

Bas Rhin

Rhône

Haute Savoie

Moselle

Source : Analyse des déclarations de détachement des entreprises prestataires de services en France en 2011, Direction générale du travail, septembre 2012

Près d’un quart des salariés détachés est de nationalité française (13 %), mais 19 % des salariés détachés sont Polonais, 11 % sont Portugais, 9 % sont Roumains, 8 % Allemands et 4 % Bulgares. Concernant les pays tiers (8 % de la main-d’œuvre détachée déclarée en France), les salariés détachés proviennent essentiellement d’Ukraine, de Biélorussie et de Russie, mais aussi d’Amérique latine, détachés notamment d’entreprises espagnoles ou portugaises. L’analyse par catégorie socio-professionnelle montre qu’il s’agit peu de cadres et essentiellement d’ouvriers, qui représentent 75 % des salariés détachés en 2011 (contre 2,6 % pour les cadres).

Le phénomène du détachement de travailleurs, qu’il soit constitutif de vrais ou de faux détachements, est un phénomène de masse, contraire aux grands principes de l’Union que sont la non-discrimination et la concurrence libre et non faussée. Ce phénomène menace notre système de protection sociale car non seulement il prive les travailleurs nationaux d’un emploi, mais, en outre, constitue un manque à gagner pour les caisses de sécurité sociale.

En effet, le maintien de l’affiliation au système de sécurité sociale du pays d’origine, conçu à l’origine comme protecteur du salarié (il s’agit de maintenir la continuité de l’acquisition des droits sociaux) entraîne une concurrence déloyale, du fait des écarts entre les coûts salariaux qu’il entraîne. L’exemple récent de l’obtention par une entreprise espagnole, moins-disante d’environ 30 %, du marché du tramway de Toulouse est caractéristique de ce « dumping social légal ».

A l’échelle du Gard, la DIRECCTE10 a fait une étude sur les détachements de main-d’œuvre en 2012 et constaté que les charges non versées pour ce département s’élevaient à 2,7 millions d’euros et la TVA non perçue à 1,5 million d’euros. Ces chiffres laissent songeur quant à l’agrégation de telles sommes au niveau national.

II. LA PROPOSITION DE RÉVISION DE DIRECTIVE : UN TEXTE INSUFFISANT ET QUI DIVISE LE CONSEIL EUROPÉEN

La proposition de directive présentée par la Commission européenne le 21 mars 2012 est en deçà de ce que l’on aurait pu espérer eu égard aux imperfections du texte actuel, et le choix de la Commission d’avoir présenté un projet de directive d’application d’une législation devenue notoirement insuffisante, plutôt qu’une nouvelle directive ou d’une législation plus ambitieuse qui englobe tous les aspects de la mobilité, est regrettable.

M. José Manuel Barroso était en effet convenu devant le Parlement européen le 15 septembre 2009 que l’interprétation et la mise en œuvre de la directive ne répondaient pas aux attentes, et avait envisagé un règlement visant à résoudre les problèmes et à lutter contre le « dumping social » en Europe.

Dans des termes moins précis, une telle hypothèse a été ensuite reprise par le commissaire à l’emploi, aux affaires sociales et à l’inclusion, M. László Andor, au début de 2010, notamment lors de la conférence qui s’est tenue à Oviedo.

Malheureusement, la Commission a finalement fait le choix d’une proposition en retrait. Or, le texte actuel aurait nécessité une refonte plus ambitieuse au regard des développements imprévus du détachement des travailleurs au sein de l’Union au cours de ces dernières années. Les enjeux sont tels qu’on aurait pu souhaiter l’édiction d’un règlement et non d’une simple directive, qui introduit un biais concurrentiel entre les États qui transposent rapidement et ceux qui prennent plus de temps pour la transposition. La directive actuelle est, on l’a vu, un outil insuffisant et bureaucratique qui aurait nécessité un remplacement et non un simple toilettage. En outre, les dispositions qui sont présentées comme phare, comme celles relatives aux bureaux de liaison, apparaissent bureaucratiques et laissent peu d’illusion sur leur efficacité future… De plus, l’état actuel de la négociation, bloquée sur plusieurs articles et notamment les articles 3 (prévention des abus et contournements), 9 (mesures nationales de contrôle) et 12 (sous-traitance et responsabilité solidaire) laisse craindre, si le texte était adopté, qu’il constitue en fait une régression par rapport au droit ex ante.

On peut malgré tout créditer la Commission européenne d’avoir cherché à résoudre les principaux problèmes constatés depuis l’adoption de la directive en 1996. Le projet de directive d’exécution définit ainsi cinq axes de consolidation :

- préciser la notion de détachement afin de prévenir les abus ;

- améliorer l’accès à l’information des salariés et des employeurs ;

- renforcer la coopération administrative et l’assistance mutuelle entre les États membres ;

- améliorer l’exécution des contrats (défense des droits, chaînes de sous-traitance, responsabilité solidaire et sanctions) ;

- et, enfin, mettre en place un instrument commun de reconnaissance mutuelle et d’exécution transfrontalière des amendes et sanctions administratives et faciliter la coopération administrative.

La Commission propose ainsi, dans l’article 3, de préciser les critères à prendre en compte afin de caractériser les situations de détachement et ainsi détecter plus rapidement les fraudes, et prévoit que les autorités de contrôle des États membres relèvent un certain nombre d’éléments en vue d’apprécier si l’entreprise qui détache ses salariés exerce réellement une activité substantielle dans le pays où elle est affiliée.

Les articles 4 et 5 traitent quant à eux respectivement du rôle des bureaux de liaison et des mesures à mettre en œuvre pour améliorer l’accès à l’information sur les conditions de travail et d’emploi, et notamment sur le salaire minimum et la méthode de calcul de la rémunération due.

Les articles 6, 7 et 8 traitent du renforcement de la coopération administrative entre les États membres, et proposent notamment que les États membres soient désormais tenus de répondre dans les deux semaines qui suivent la réception d’une demande d’information d’un de leur partenaire, hors mécanisme d’urgence impliquant une transmission sous vingt-quatre heures pour les situations dites « particulières ».

L’article 9 dresse de manière limitative la liste des mesures nationales de contrôle et exigences administratives que les États membres peuvent imposer aux entreprises étrangères détachant des travailleurs sur leur territoire.

L’article 10 invite les États membres à ce que des mesures de vérification et des mécanismes de contrôle appropriés soient mis en place et des inspections efficaces et adéquates soient effectuées sur leur territoire pour s’assurer du respect des dispositions de la directive.

Les articles 11 à 17, enfin, sont consacrés à l’exécution. La Commission européenne invite ainsi les États membres à se doter de mécanismes de recours permettant au travailleur détaché de porter plainte contre son employeur, lorsqu’il estime avoir subi un préjudice en raison du non-respect des règles applicables, tandis que les salariés lésés doivent pouvoir s’appuyer sur les organisations syndicales pour ester en justice. En outre, l’article 12 institue un mécanisme de responsabilité solidaire du donneur d’ordre, limitée aux droits du travailleur acquis dans le cadre de la relation contractuelle entre le contractant et son sous-traitant dans le seul domaine de la construction.

Les échanges au Conseil et au Parlement ont en effet mis en lumière l’opposition entre deux groupes de pays :

- d’une part, les pays partisans d’une ligne plus protectrice des droits sociaux (France, Belgique, Espagne, Italie, Portugal et, dans une certaine mesure, l’Allemagne) ;

- et, d’autre part, les pays partisans d’une correction a minima du dispositif actuel (Royaume-Uni et nouveaux États membres).

Quant à la Commission européenne, elle poursuit l’objectif de libre circulation des travailleurs, suspectant les États membres de vouloir l’entraver pour protéger leurs travailleurs nationaux et leurs marchés du travail domestiques. Enfin, on peut douter qu’une simple révision de la directive 96/71/CE soit de nature à modifier en profondeur la jurisprudence de la Cour de justice vis-à-vis de la libre prestation de service, particulièrement défavorable à une protection des marchés du travail des pays d’accueil.

Bien que la présidence irlandaise aie à plusieurs reprises fait part de sa volonté d’aboutir sur ce texte, la réalité actuelle des discussions laisse peu d’espoir à ce sujet.

Trois articles sont à ce jour l’objet de discussions très bloquées : l’article 3, et surtout les articles 9 et 12, avec la coexistence sur l’ensemble du texte de deux minorités de blocage, constituées, pour l’une, des pays qui ne veulent pas voter l’article 9, et, pour l’autre, des pays qui ne veulent pas voter l’article 12. De ce fait, il y a peu de chance que le texte soit adopté au Conseil des ministres de l’emploi le 20 juin prochain comme cela a été annoncé.

L’article 3 du projet de directive définit un « faisceau d’indices » pour déterminer la réalité du détachement d’un travailleur, ayant trait tant à l’entreprise qu’à la situation du travailleur.

Il prévoit ainsi que les autorités compétentes prennent en considération un « faisceau d’indices » pour juger de la réalité du détachement, composé notamment du lieu d’implantation du siège de l’entreprise, du lieu de recrutement des travailleurs détachés, du droit applicable aux contrats conclus par l’entreprise avec ses salariés, mais aussi du lieu où l’entreprise exerce son activité commerciale et où elle emploie du personnel administratif.

Concernant le travailleur, l’article 3 prévoit que les autorités puissent examiner tous les éléments de fait qui caractérisent ses tâches et sa situation, et notamment si : les tâches sont accomplies dans un autre État membre pour une durée limitée, le travailleur est détaché dans un État membre autre que celui dans lequel ou depuis lequel il accomplit habituellement son travail, le travailleur détaché reprend son activité dans l’État membre d’origine à la fin de la prestation de service, et si le voyage, la nourriture et l’hébergement sont pris en charge par l’employeur.

Cet article, qui vise à permettre la lutte contre les entreprises « coquilles vides » ou « boîtes aux lettres », ne fait pas l’objet d’un consensus et suscite un certain nombre de réserves de la part de certains États membres, principalement les « nouveaux États membres » et le Royaume-Uni, qui préféreraient une liste fermée. La France n’est quant à elle pas en faveur d’une nouvelle rédaction de cet article, et souhaite maintenir la méthode du « faisceau d’indices ».

A l’inverse de l’article 3 qui repose sur la mise en place d’un « faisceau d’indices », l’article 9 prévoit une liste fermée pour les mesures de contrôles que peut imposer l'État membre d'accueil à une entreprise étrangère détachant des travailleurs sur son territoire, et les limite au nombre de trois :

- l’obligation, pour un prestataire de services établi dans un autre État membre, de procéder à une simple déclaration auprès des autorités nationales compétentes, au plus tard au début de la prestation de services ; cette déclaration ne peut porter que sur l’identité du prestataire de services, la présence d’un ou plusieurs travailleurs détachés clairement identifiables ainsi que l’effectif prévu, la durée prévue et le lieu de leur séjour, ainsi que les services justifiant le détachement ;

- l’obligation, pendant toute la durée du détachement, de conserver ou de fournir le contrat de travail, les fiches de paie, les relevés d'heures, les preuves du paiement des salaires. Ces documents doivent être traduits et conservés sur le lieu de travail ;

- l’obligation de désigner, pour la durée de la prestation de services, une personne référente, pour négocier si nécessaire au nom de l’employeur avec les partenaires sociaux.

Les positions sont très bloquées sur cet article. Un certain nombre d’États sont en faveur d’une liste fermée, censée limiter les contraintes administratives sur les États, mais beaucoup d’autres, à l’instar de la France, mais aussi de l’Allemagne, de la Belgique, ou encore de l’Espagne, s’opposent à ce type de liste. Pour ces États, seule une liste ouverte est garante de l’autonomie des États, de leur pouvoir d’investigation, et de leur capacité à combattre la fraude au détachement.

L’article 12 institue, dans le domaine de la construction, une responsabilité conjointe et solidaire du donneur d’ordre, qui pourra se substituer légalement à son sous-traitant direct et être tenu responsable du non-paiement du salaire minimal, de tout arriéré ou de tout prélèvement indu sur la rémunération du travailleur détaché. Le donneur d’ordre ayant fait preuve de la diligence nécessaire serait toutefois exonéré de toute responsabilité. Si le texte laisse la possibilité aux États membres d’étendre ce dispositif aux autres secteurs, la portée de la directive est limitée pour l’instant au seul secteur de la construction.

Il convient de noter qu’un mécanisme similaire existe déjà en droit français (article D. 8222-5 du code du travail), qui impose au donneur d’ordre, pour être exonéré de sa responsabilité solidaire, de vérifier notamment que le prestataire est à jour de ses cotisations sociales auprès de l’organisme auquel il doit cotiser, ainsi que l’authenticité de l’attestation qui lui est fournie.

Sur cet article encore s’affrontent deux minorités de blocages, l’une pour la suppression de cette disposition ou son maintien en l’état, tandis que l’autre, dont fait partie la France, estime que le dispositif devrait être étendu à l’ensemble des secteurs d’activité et à l’ensemble de la chaîne de sous-traitance.

Il résulte de tout cela de grandes craintes quant à l’avenir de ce texte, qui, de toute façon, s’il était adopté, demeurerait un outil d’efficacité opérationnelle contestable.

Personne ne sait exactement à l’heure actuelle s’il va être adopté, et dans quels termes. Vos Rapporteurs estiment pour leur part qu’il n’est pas envisageable d’adopter l’article 9 en l’état, et que celui-ci doit impérativement ouvrir la possibilité d’une liste ouverte. À défaut, son vote constituerait une régression par rapport à la situation actuelle, et priverait les États disposant de capacités de contrôle étendues de la possibilité de les mettre en œuvre sans s’exposer à un risque de contestation et d’obstruction à leurs investigations, notamment par les administrations des États d’origine des travailleurs détachés et de leurs entreprises de prestation de services de main-d’œuvre.

En ce qui concerne l’article 12 et la responsabilité conjointe et solidaire, vos Rapporteurs estiment que celle-ci doit être élargie à l’ensemble de la chaîne de sous-traitance et à l’ensemble des secteurs, exception faite du secteur agricole, du fait de sa faible capacité administrative à procéder à des vérifications aussi complexes pour des opérations (type « vendanges » ou « ramassage des fruits ») extrêmement ponctuelles et rigides sur le plan temporel.

Enfin, vos Rapporteurs sont circonspects sur l’efficacité des procédures d’information mutuelle entre États membres par des bureaux de liaison, qui reposent sur la seule bonne volonté des États et sur leurs capacités administratives très inégales. Sans contester le bien-fondé de cette disposition, ils considèrent qu’elle ne peut suffire à garantir un échange d’informations fiable dans des délais compatibles avec une lutte efficace contre les défauts de déclaration.

Pour ces raisons, à l’issue des négociations, si le texte de compromis était moins favorable à la lutte contre la fraude au détachement que le droit existant pour l’un de ces trois articles majeurs, vos Rapporteurs estiment que celui-ci ne devrait pas être voté par la France.

III. LA MOBILITÉ DES TRAVAILLEURS : L’EUROPE ÉCONOMIQUE NE DOIT PAS SE FAIRE AU DÉTRIMENT DE L’EUROPE SOCIALE

Qu’elle soit adoptée ou non, la directive d’application de la directive 96/71/CE n’est pas à la mesure des moyens à mettre en œuvre pour faire face aux multiples fraudes et détournements d’usage, licites ou illicites, qui se traduisent par la systématisation de trafics de main-d’œuvre communautaire ou extracommunautaire, mettant en danger le financement des systèmes de sécurité sociale des États, désorganisant des filières économiques entières et dégradant l’image de la construction européenne aux yeux des travailleurs.

En particulier, vos Rapporteurs doutent que deux grandes exigences puissent être remplies par les pouvoirs publics, faute de moyens suffisants :

- l’effectivité du contrôle : du fait de la complexité d’un phénomène aussi protéiforme, mettant en présence des langues, des législations, et des moyens administratifs divers, et, en l’état actuel du texte, qui n’apporte aucune réelle plus-value, vos Rapporteurs doutent que la conformité au droit puisse être efficacement contrôlée, y compris par les États membres les plus anciennement structurés et organisés en matière de contrôle du travail, sauf à recourir à des moyens humains considérables, hors de proportion avec les gains à en attendre et inconcevables dans le contexte budgétaire actuel.

- la fiabilité et la sincérité de la coopération entre les États : les outils présentés par le projet de directive d’application sont trop exclusivement basés sur la coopération administrative entre les États membres, dont on peut douter qu’elle sera toujours sincère, et même de fiabilité équivalente entre des administrations nationales très différentes, voire suffisamment complète et rapide pour être opposée par le pays d’accueil dans des délais efficaces.

En conséquence, vos Rapporteurs considèrent que l’Union européenne doit absolument se doter de dispositions et de moyens d’une toute autre ampleur pour prétendre accéder efficacement à son objectif de lutte contre le phénomène qui motive aujourd’hui une directive d’application.

A défaut, vos Rapporteurs suggèrent que des mesures nationales unilatérales soient prises pour y faire face, avec pour objectif essentiel de mieux appréhender le problème, et de mettre en place des sanctions exemplaires faute de pouvoir envisager des contrôles exhaustifs.

Une telle extrémité ne devrait être envisagée qu’au regard du principe de sauvegarde d’intérêts nationaux essentiels, notamment la sauvegarde de l’emploi dans des filières économiques importantes pour notre pays, mais aussi de standards sociaux nationaux imprescriptibles, et, surtout, du financement de notre système de sécurité sociale, dont la subsidiarité au regard des traités justifie des mesures de protection nationales s’il est mis en danger.

Utilisée de manière détournée, la directive 91/76/CE sur le détachement des travailleurs est devenue un instrument de concurrence libre et faussée, contraire à l’esprit des traités européens qui visent à une concurrence libre et parfaite. Elle est en outre porteuse de déstabilisation pour le financement de nos systèmes sociaux, qui demeurent, rappelons-le, de la compétence nationale.

Ce biais est inacceptable, et c’est pourquoi vos Rapporteurs appellent tant les autorités européennes que les autorités nationales à adopter des mesures spécifiques.

En l’état actuel de notre organisation administrative, les Direccte éprouvent beaucoup de difficultés à exercer leurs prérogatives dans le cas de détachement de travailleurs : les salariés contrôlés ne parlant pas français (et étant repartis à l’étranger le temps de trouver un traducteur), il est difficile de les interroger sur la réalité de leur temps de travail et les conditions d’exercice de leur contrat. Par ailleurs, les inspecteurs soulignent les difficultés qu’ils rencontrent pour obtenir des pièces justificatives qui sont souvent falsifiées (faux contrats de prestation, fausse fiches de paye, faux relevés d’horaires). De fait, la prestation de services est souvent une fourniture de main-d’œuvre déguisée, via des sociétés qui s’immatriculent à l’étranger pour faire venir des salariés, mais les Direccte n’arrivent pas à le prouver. En outre, il n’y a pas actuellement de réseau suffisamment constitué entre États membres pour pouvoir faire face à un vrai contrôle, et même si des inspections du travail existent dans d’autres pays, elles n’y ont pas les mêmes compétences qu’en France.

Le renforcement des corps de contrôle nationaux serait souhaitable mais difficilement envisageable dans le contexte actuel des finances publiques. La question est aussi de savoir, dans un contexte de libre circulation, de quels moyens l’Europe souhaite se doter en termes de contrôle. C’est pourquoi vos Rapporteurs estiment nécessaire la création d’une Agence européenne de contrôle du travail mobile en Europe avec pour missions :

- l’observation du phénomène et des infractions interétatiques ;

- le suivi des législations nationales ;

- la formulation de propositions d’amélioration de la réglementation européenne ;

- l’amélioration du système d’information administratif entre États membres.

La création d’une carte du travailleur européen serait de nature à faciliter le contrôle des détachements. En effet, dans de nombreux cas, du fait de la chaîne de sous-traitance, segmentée, et, dans le secteur du bâtiment, du caractère nomade des chantiers, il est quasiment impossible pour les inspecteurs du travail, on l’a vu, de se procurer à temps les documents nécessaires à leur travail. Une carte du travailleur européen, électronique et sur le modèle de la carte vitale, et s’inspirant de la carte, facultative, qui existe déjà en France dans le bâtiment et qui sert au calcul des congés payés, permettrait une identification rapide de l’entreprise et du travailleur. Celle-ci contiendrait les données actualisées concernant chaque travailleur, permettant d’en faciliter les contrôles tant par les maîtres d’ouvrage en relation avec leur nouvelle responsabilité conjointe et solidaire telle que prévue par la nouvelle directive, que par les corps de contrôle de chaque État.

Il apparaît évident que la fraude au détachement se développe aussi parce que certaines entreprises font en toute connaissance de cause appel à des entreprises indélicates. Toutefois, dans la mesure où aucune publicité n’est faite autour de ces entreprises, vos Rapporteurs appellent les autorités européennes, et à défaut le Gouvernement, à mettre en place un liste noire d’entreprises et de prestataires de services indélicats, sur le modèle des listes noires qui existent dans l’aviation civile.

Il est aujourd’hui admis que la plupart des sanctions prononcées par des États membres à l’égard d’entreprises prestataires de service étrangères ne sont pas appliquées faute de possibilité matérielle de poursuites dans leur État d’origine. Vos Rapporteurs proposent que toute entreprise condamnée à une sanction pour fraude à la législation sur le détachement des travailleurs, ou à tout le moins les entreprises n’ayant pas honoré leurs sanctions, soient inscrites sur une liste noire européenne publique, avec pour effet, au moins temporaire :

- l’interdiction de répondre à des appels d’offres ;

- l’interdiction de sous-traiter pendant une période donnée ;

- l’interdiction de fournir une prestation de services de main-d’œuvre pendant une période donnée.

Au-delà de la transposition d’une éventuelle directive, la France a aussi la capacité de mettre en œuvre des outils spécifiques pour lutter contre le « dumping social ». Notre droit positif contient déjà des dispositions édictées à cet effet, telles que la déclaration préalable à l’embauche des salariés par leurs employeurs et la responsabilité financière des donneurs d’ordre et de maîtres d’ouvrage.

Vos Rapporteurs estiment toutefois nécessaire de compléter ces dispositions.

Une première piste pourrait être de mettre en place un recours contre le donneur d’ordre qui aura bénéficié d’une prestation facturée en-dessous des prix français en toute connaissance de cause. Il s’agit de lutter contre la connivence entre les donneurs d’ordre et les entreprises qui leur fournissent une main-d’œuvre précaire et vulnérable, et ce au détriment du respect de la dignité humaine et de l’équilibre de nos comptes sociaux.

Une seconde piste pourrait être d’obliger le donneur d’ordre à déclarer l’emploi d’une entreprise sous-traitante. Il s’agit de « resserrer les mailles du filet » en instituant une déclaration de sous-traitance non-exclusive de la déclaration faite par l’entreprise qui détache les salariés. En effet, les entreprises ne procèdent pas toujours aux déclarations de détachement, que ce soit par souci de dissimulation ou par méconnaissance de leurs obligations ; cela a été particulièrement relevé dans les secteurs suivants : forêt, BTP, et industrie. On aurait une efficacité plus grande si on exigeait du donneur d’ordre qu’il fasse une déclaration de sous-traitance (facile à contrôler car le donneur d’ordre n’est pas mobile), en plus de la déclaration de détachement faite par l’entreprise qui détache ses salariés.

Enfin, vos Rapporteurs invitent l’administration, dans l’état actuel de ses prérogatives, à une coordination de l’ensemble des corps concernés (inspection du travail, gendarmerie, préfectorale, Urssaf, MSA) pour effectuer des opérations de contrôle « coup de poing » ciblées sur des fraudes organisées et complexes, et appellent à la spécialisation d’inspecteurs du travail spécifiquement sur la question du travail illégal et de la fraude au détachement des travailleurs.

L’article 11 de la proposition de directive prévoit que « les États membres veillent à ce que les syndicats et autres parties tierces, comme les associations, les organisations et toute entité légale ayant (…) un intérêt légitime à voir garanti le respect des dispositions de la (…) directive, puissent, pour le compte d’autrui ou à l’appui du travailleur détaché et avec son approbation, engager une procédure judiciaire ou administrative en vue de l’application de la présente directive ou des obligations qui en découlent ».

Or, du fait de la méconnaissance de leurs droits ainsi que de leur vulnérabilité, il y a peu de chance que les travailleurs détachés qui ne voient pas leurs droits respectés acceptent qu’un syndicat ou une association ou toute autre partie tierce estent en justice pour leur compte. Il serait plus efficace et opportun que ces parties tierces puissent engager une procédure sans l’approbation des travailleurs qui subissent un dommage.

En considération du préjudice subi du point de vue du droit du travail applicable aux travailleurs nationaux ainsi que du financement des régimes sociaux, il serait souhaitable de fonder un intérêt à agir des syndicats dans cette matière.

Dans le domaine du transport, le déplacement international des travailleurs pose un problème spécifique, car de nombreuses entreprises tendent à optimiser socialement leurs coûts par de réels ou de faux établissements dans des pays à coût salarial et charges sociales avantageux. Outre cette recherche « licite » d'avantage compétitif par « dumping social », on observe que certaines entreprises ne procèdent même pas à des détachements formels (détachements internes) de leurs établissements étrangers, afin d'échapper au salaire minimum des pays qui en disposent. Or, dans un contexte marqué par de grosses difficultés à faire face à l’ampleur du phénomène et à le contrôler, en particulier dans ce secteur « ultra mobile », il semble inenvisageable, en l'état des limites constatées de la législation et des possibilités de la contrôler significativement, de libéraliser le cabotage routier, sauf à exposer certains pavillons nationaux a un risque délétère. Ces conditions de concurrence notoirement inégales et les carences éprouvées de la législation actuelle devraient être valablement opposables aux intentions éventuelles de la Commission européenne.

A défaut de pouvoir imposer à un État membre des obligations de politique salariale et sociale, subsidiaire au titre des Traités, il entre dans les missions de la Commission Européenne de garantir des règles de concurrence équitables sur le marché intérieur. À cette fin, il lui appartient donc de veiller à corriger les dérives qui se font jour par une utilisation systématique et délibérée de travailleurs à très bas coût dans certaines filières, notamment dans les pays qui ne disposent pas de salaire minimum. Vos Rapporteurs proposent donc que la Commission européenne introduise la notion de salaire minimum de référence. Ce salaire minimum de référence, professionnel ou interprofessionnel, fixerait un seuil en deçà duquel il ne serait pas autorisé de rémunérer les salariés ; toute entreprise rémunérant ses salariés en-deçà de ce référentiel européen unique s’exposant à poursuites et sanctions judiciaires pour atteinte au principe de concurrence équitable.

CONCLUSION

L’immigration de travail, comme le détachement des travailleurs qui en constitue l’une des modalités, sont des phénomènes universels qui concernent de longue histoire toutes les sociétés libres et contribuent positivement au fonctionnement des sociétés humaines.

Du fait de la disparité des standards sociaux et des législations du travail de ses États membres, l’Union européenne s’est dotée en 1996 d’une directive visant à encadrer juridiquement les conditions de détachement des travailleurs en son sein. Cet outil a constitué un référentiel utile pour les États disposant des moyens et de la volonté de mettre en place un minimum de contrôle des flux de détachement. Ces derniers n’ont pas posé de problèmes insurmontables tant qu’ils s’inscrivaient dans des courants d’échange de main-d’œuvre habituels, liés à l’activité internationale des entreprises, aux échanges transfrontaliers, ou à la compensation des pénuries de main d’œuvre sur des marchés de tension comme, par exemple, le travail agricole saisonnier.

A cet égard, on notera à la lecture du tableau ci-dessous que le détachement concerne tous les États membres de l’Union européenne, et en particulier, que l’économie française l’utilise amplement, la France étant au troisième rang des pays de l’Union détachant des travailleurs.

Détachements de travailleurs français au sein
de l’Union européenne en 2011

Pays de destination

Nombre

Allemagne

21 881

Autriche

1 880

Belgique

35 295

Bulgarie

551

Chypre

137

Danemark

1 367

Espagne

14 936

Estonie

159

Finlande

1 037

Grèce

1 805

Hongrie

1 425

Irlande

1 598

Italie

15 020

Lettonie

120

Lituanie

191

Luxembourg

3 602

Malte

364

Pays-Bas

5 785

Pologne

3 032

Portugal

3 303

République tchèque

1 998

Roumanie

2 156

Royaume-Uni

13 226

Slovaquie

946

Slovénie

433

Suède

2 677

Source : Centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale.

Incontestablement, les élargissement successifs de l’Union depuis les années 2000, mais, surtout, la dépression économique de certains États membres consécutive à la crise des dettes souveraines, en creusant les disparités sociales et économiques au sein de l’Union, ont suscité un mouvement sans précédent de recherche d’emploi à l’étranger, et de concurrence sociale par les coûts de main-d’œuvre, particulièrement déstabilisant au plan économique et social, qui tend à se systématiser dans certains secteurs et se manifeste par l’émergence d’une activité spécifique de négoce de main-d’œuvre « low cost ».

De concert avec la mise en œuvre de la directive « services », des détournements d’esprit et d’objet de la directive « détachement » – quand il ne s’agit pas de fraudes organisées – se sont développées dans le cadre de stratégies systématiques d’« optimisation sociale » visant à obtenir un avantage concurrentiel au sein du marché intérieur européen.

Ce phénomène, nouveau par son caractère systématique, recouvre des montages complexes, licites ou illicites, particulièrement difficiles à identifier et à contrôler, du fait notamment des disparités administratives considérables qui subsistent entre États membres, lesquels ne font pas tous preuve de la même motivation à le combattre.

Facilité par les différences de niveaux de développement et de droits du travail existant entre les États membres ainsi que par leur exposition très différente à la crise et au chômage, ce phénomène introduit dans le marché intérieur une inégalité concurrentielle incompatible avec le principe de concurrence équitable, tout en menaçant le financement des systèmes nationaux de protection sociale, subsidiaire au titre des traités.

L’« optimisation sociale » doit donc être appréhendée comme un dérèglement et une menace inacceptables en regard des principes fondateurs du marché intérieur, ainsi que comme un danger politique délétère pour l’image et la légitimité de la construction européenne aux yeux des travailleurs.

Elle doit donc être combattue comme telle par l’Union européenne en lui opposant des dispositions nouvelles d’une ambition et d’une efficacité appropriées, sans commune mesure avec les modestes propositions de la directive d’application en cours de discussion législative.

C’est pourquoi vos Rapporteurs émettent volontairement des propositions qui en dépassent le cadre et devraient, à défaut, légitimer des dispositions nationales de sauvegarde, au nom du biais concurrentiel et des menaces sur les systèmes sociaux nationaux, que ces stratégies délibérées tendent à introduire durablement au sein du marché intérieur européen.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 28 mai 2013, sous la présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé des Rapporteurs a été suivi d’un débat.

« M. Philippe Armand Martin. Si, sur le fond, chacun peut s’accorder sur la nécessité de protéger les travailleurs détachés, sur la forme, certains paragraphes de la proposition de résolution posent problème.

La création d’une agence européenne est inopportune, au moment où les citoyens européens rejettent la trop grande bureaucratie de l’Union et où le budget européen est en baisse. C’est d’ailleurs la position de principe du Parlement européen que de ne plus créer de nouvelles agences mais d’améliorer les existantes. La carte du travailleur européen n’est pas utile étant donné que la libre circulation est inscrite dans les traités. Sur la liste noire d’entreprises, il faudrait être plus précautionneux. Elle pourrait être à double tranchant, notamment pour les entreprises de travaux public en France qui profitent elles aussi du système. De plus, qui déciderait de mettre telle entreprise sur une liste noire ? Quel recours aurait une entreprise inscrite sur une liste noire de façon abusive ? Il faut effectivement une liste ouverte de mesures de contrôle, mais aussi des éléments factuels qui permettent de définir dans quels cas on est dans une situation de détachement. Il importe de conserver la responsabilité conjointe et solidaire mais pourquoi plaidez-vous pour l’exception du secteur agricole ? La déclaration de sous-traitance est une idée intéressante. Mais si elle n’était pas transmise, que se passerait-il ? Quelles sanctions seraient appliquées ? L’idée selon laquelle les partenaires sociaux pourraient recourir à la justice sans l’accord des salariés signifie-t-elle que le salarié se verrait imposer un recours, même s’il ne le veut pas ? Le paragraphe sur le cabotage routier devrait sans doute faire l’objet d’un autre texte. Enfin, la définition d’un salaire minimum de référence interprofessionnel ou professionnel européen est-elle préférable à la définition d’un taux de salaire ?

M. Arnaud Richard. J’estime que la proposition de résolution va dans le bon sens. Néanmoins je m’interroge sur le fait que certaines dispositions puissent être contraires aux traités, notamment au principe de libre circulation des biens et des personnes. Pourriez-vous nous dire l’état des contentieux en rapport avec ces détournements de directives, s’agissant notamment des secteurs du bâtiment et des transports ? Je demande aux rapporteurs s’ils pensent que la négociation européenne ira dans le sens de leurs propositions, contre ces atteintes à notre modèle social.

La Présidente Danielle Auroi. La traduction de l’expression « optimisation sociale » me semble hasardeuse en anglais et dans d’autres langues. Je préconise de maintenir la seule expression de « dumping social », puisque c’est bien de cela dont il s’agit.

Sur le point no 6 – et pas pour les mêmes raisons que M. Philippe Armand Martin – je suis interrogative sur l’idée d’une carte des travailleurs européens ; elle pourrait constituer une forme de fichage dans l’espace européen, alors que l’intention de départ est bien entendu positive.

Concernant l’article 12, peut-être faudra-t-il faire référence plus explicitement à la responsabilité juridique des donneurs d’ordres, ce qui fait écho à la responsabilité sociale et sociétale des entreprises multinationales sur laquelle je travaille. Il faudrait considérer les sous-traitants et les filiales des entreprises, derrière le moins-disant social. Ainsi, il faudrait sans doute que les donneurs d’ordres sachent qui sont leurs sous-traitants et le précisent. Mis à part ces remarques, j’ai trouvé le rapport excellent.

Mme Chantal Guittet, co-rapporteure. La proposition européenne prévoit une responsabilité conjointe et solidaire du donneur d’ordres, qui pourrait se substituer également à son sous-traitant direct et être tenu responsable du non-paiement du salaire minimal. La proposition européenne le prévoit simplement pour le sous-traitant du premier niveau.

M. Gilles Savary, co-rapporteur. Nous avons proposé d’élargir l’article 12 à tous les secteurs, sauf à l’agriculture. Un agriculteur moyen, saturé de procédures administratives, n’a pas les capacités de faire ces contrôles. Il emploie beaucoup de main-d’œuvre, parfois cent personnes en trois jours. Voilà pourquoi il est nécessaire d’épargner l’agriculture. Ce dont les agriculteurs ne sont pas exemptés, c’est de signaler l’entreprise à laquelle ils font appel pour leur fournir des travailleurs détachés. L’introduction de la double déclaration est nouvelle et dissuasive, alors qu’aujourd’hui il n’y a qu’une seule déclaration, celle du détaché. L’entreprise prestataire de services doit faire une déclaration.

Pour que les sanctions soient effectives, il faut d’abord que l’administration repère l’entreprise - il y aurait 45 000 détachements déclarés et en réalité 300 000 personnes détachées qui travailleraient en France sans avoir fait l’objet d’une déclaration préalable. Si on fait une deuxième déclaration pour l’entreprise qui accueille, l’administration aura les moyens de recouper et les mailles du filet s’en trouvent renforcées. Le fait de vérifier des affiliations sociales va plutôt dans le sens de la protection des travailleurs. Ce serait l’esprit d’une carte des travailleurs, qui nous a été suggérée par le BTP français, qui possède une caisse des congés payés : tous les travailleurs inscrits à la caisse nationale des congés payés du bâtiment et des travaux publics sont identifiés et ont avec eux une carte qui décompte leurs droits de congés payés, de chantier en chantier. Ce système efficace pourrait assurer la couverture sociale des travailleurs européens. Pour ce qui est des listes noires d’entreprises, les fraudeurs ne doivent pas être épargnés. Nous l’avons fait dans le domaine de l’aviation avec la liste noire des compagnies aériennes. Cette liste devrait être gérée par une agence européenne de contrôle du travail mobile en Europe, dans la mesure où cela relève de la subsidiarité européenne. Certaines réflexions à Bruxelles portent d’ailleurs sur la mise en place d’une inspection du travail européenne, mais nous n’allons pas jusque là. L’agence proposée devrait être légère, certes, mais elle devrait tout de même exister pour faciliter les contacts inter-administratifs entre États.

Mme Chantal Guittet, co-rapporteure. Il existe dans chaque pays des bureaux de liaison pour permettre cet échange ; si cette coordination fonctionnait mieux, l’agence pourrait se contenter d’être un pôle d’agents spécialisés. Tous les professionnels auditionnés ont souligné la difficulté actuelle d’obtenir des informations sur les entreprises prestataires.

M. Gilles Savary, co-rapporteur. Concernant la possibilité pour les partenaires sociaux d’ester en justice, les syndicats pourraient faire valoir que la convention collective est bafouée par l’emploi de travailleurs payés à un salaire 80 % inférieur. Ils feraient donc un recours pour que l’entreprise ou l’administration soit sanctionnée. Il y a d’ailleurs tout un contentieux en Suède sur ce sujet.

Mme Chantal Guittet, co-rapporteure. Il y a également la solution de l’abus de vulnérabilité pour les travailleurs détachés.

M. Gilles Savary, co-rapporteur. Nous proposons que le cabotage routier soit mis en moratoire tant que l’on n’aura pas remis de l’ordre dans le détachement de travailleurs. Enfin, l’idée de taux de salaire me paraît floue. De quel taux s’agirait-il ? La question est de savoir s’il faut plutôt un salaire minimum de branche – par exemple pour les abattoirs – ou bien un salaire minimum européen de référence, ou encore un salaire de référence national. Voilà pourquoi cette proposition n’est pas à ce stade plus précise.

La Présidente Danielle Auroi. Je propose d’adopter ces propositions innovantes en l’état, de les transmettre à la commission des affaires sociales et de les reprendre, affinées, dans le contexte d’un travail plus vaste, à la rentrée, sur les aspects sociaux de la construction européenne.

La proposition de résolution est adoptée.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu la directive 96/71/CE du 16 décembre 1996 du Parlement européen et du Conseil concernant le détachement des travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services ;

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l’exécution de la directive 96/71/CE concernant le détachement des travailleurs ;

1. Constate que la directive 96/71/CE, conçue à l’origine comme protectrice des marchés du travail nationaux, est devenue un outil d’« optimisation sociale » et de « dumping social » ;

2. Constate que cette directive, imparfaite et lacunaire, est l’objet de nombreuses fraudes qui mettent en péril notre modèle social, nos comptes sociaux, ainsi que le projet européen lui-même, qui en est discrédité ;

3. Se réjouit que l’Union européenne souhaite lutter contre cette fraude protéiforme, mais estime en l’état la directive tout à fait insuffisante pour répondre aux enjeux actuels de la lutte contre la fraude au détachement ainsi que pour répondre aux difficultés liées aux différentiels de coûts du travail entre les différents pays de l’Union ;

4. Juge de ce fait que l’Union européenne doit absolument se doter de dispositions et de moyens d’une toute autre ampleur pour prétendre accéder à son objectif de lutter efficacement contre le phénomène qui motive aujourd’hui une directive d’application ;

5. Appelle ainsi de ses vœux la création d’une Agence européenne de contrôle du travail mobile en Europe avec pour missions l’observation du phénomène et des infractions interétatiques, le suivi des législations nationales, la formulation de propositions d’amélioration de la réglementation européenne et l’amélioration du système d’information administratif entre États membres.

6. Estime indispensable la création d’une carte du travailleur européen, électronique, qui permette de contrôler plus facilement les salariés et les entreprises et responsabilise l’ensemble des acteurs économiques concernés ;

7. Appelle le Gouvernement et les institutions européennes à mettre en place une « liste noire d’entreprises et de prestataires de services indélicats », sur le modèle des listes noires qui existent dans l’aviation civile. Une entreprise qui serait condamnée à une sanction pour fraude au détachement des travailleurs, ou, au moins, qui n’aurait pas honoré ses sanctions, serait inscrite sur une liste noire publique, avec pour effet l’interdiction de répondre à des appels d’offres, l’interdiction de sous-traiter pendant une période donnée, et l’interdiction de fournir une prestation de services de main-d’œuvre pendant une période donnée.

8. Concernant l’article 3 de la proposition de directive d’application, se félicite de la tentative de la Commission européenne d’essayer de qualifier et d’encadrer le détachement des travailleurs ;

9. Se réjouit de la formalisation d’une coopération administrative entre États de l’Union européenne, mais constate que les États, et notamment la France, demeureront dépendants de l’application loyale de cette coopération à venir par d’autres États membres ;

10. Concernant l’article 9, estime indispensable que soit édictée une liste ouverte des mesures de contrôle que peut imposer l'État membre d'accueil à une entreprise étrangère détachant des travailleurs sur son territoire, et invite le Gouvernement à ne pas voter la directive si cette liste devait demeurer fermée à l’issue des négociations au niveau de l’Union ;

11. Concernant l’article 12 de la proposition de directive, considère que la responsabilité conjointe et solidaire doit être étendue à l’ensemble des sous-traitants, et à l’ensemble des secteurs d’activité, exception faite du secteur agricole, du fait de sa faible capacité administrative à procéder à des vérifications aussi complexes pour des opérations limitées dans le temps ;

12. Considère, en outre, que cet article ne peut s’envisager efficacement qu’à la condition que soient mises en place des procédures de coopération entre États membres rapides, sincères, efficaces et de bonne qualité ;

13. Considère que si la rédaction de l’article 12 retenue à l’issue des négociations devait être moins favorable au contrôle du respect des obligations légales par les donneurs d’ordre et les entreprises sous-traitantes que le droit français positif actuel, la France ne devrait pas voter en faveur de la proposition de directive ;

14. Au vu des lacunes de la proposition de directive, estime indispensable que la France modifie sa législation et son organisation administrative pour améliorer l’efficacité de la lutte contre ses fraudes et garantir réellement les droits des salariés détachés ;

15. Appelle ainsi à la mise en place d’un recours contre le donneur d’ordre qui aura bénéficié d’une prestation facturée en-dessous des prix français en toute connaissance de cause, pour lutter contre la connivence entre les donneurs d’ordres et les entreprises qui leur fournissent une main-d’œuvre précaire et vulnérable, et ce au détriment du respect de la dignité humaine et de l’équilibre de nos comptes sociaux ;

16. Propose la création d’une déclaration de sous-traitance, non-exclusive de la déclaration faite par l’entreprise qui détache les salariés, afin d’obliger le donneur d’ordre à déclarer l’emploi d’une entreprise sous-traitante et ainsi « resserrer les mailles du filet » autour d’éventuels fraudeurs ;

17. Invite l’administration à une coordination de l’ensemble des corps concernés (inspection du travail, gendarmerie, préfectorale, Urssaf, MSA) pour effectuer des opérations de contrôle « coup de poing » ciblées sur des fraudes organisées et complexes ;

18. Appelle à cet égard de ses vœux la spécialisation d’inspecteurs du travail spécifiquement sur la question du travail illégal et de la fraude au détachement des travailleurs ;

19. Se félicite de la possibilité offerte aux partenaires sociaux à l’article 11 d’accompagner les travailleurs détachés dans leurs démarches juridiques mais souhaite que ceux-ci puissent ester en justice sans l’accord des salariés ;

20. Souhaite que la Commission européenne mette en place un moratoire de toute initiative législative sur le cabotage routier en l’absence d’un renforcement significatif de la législation européenne au regard des insuffisances soulevées dans ce rapport ;

21. Propose à l’Union européenne, au nom du principe de concurrence libre et non faussée, la définition d’un salaire minimum de référence interprofessionnel ou professionnel, afin d’harmoniser socialement les conditions de détachement.

ANNEXES

ANNEXE 1 :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

– M. Jean-Michel CRANDAL, sous-directeur, direction des services de transport, ministère de l’Écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer

– M. Jean CERUTTI, Président de la commission Sociale (FNTP)

– Mmes Marie EILLER-CHAPEAUX, Service Europe, et Nathalie COUDERETTE, chargée de l’Europe sociale (FNTP)

– M. Didier RIDORET, Président (FFB)

– Mme Pascale DESSEN, chef du service législation du travail (FFB),

– M. Benoît VANSTAVEL, directeur des relations institutionnelles (FFB)

– M. Claude COCHONNEAU, Directeur (FNSEA)

– Mme Natacha MARQUET, chargée de mission – Droit social européen et international (FNSEA)

– M. Jean Paul DENEUVILLE, délégué général (FNTR)

– Mme Florence BERTHELOT, déléguée générale adjointe (FNTR)

– M. Nicolas PAULISSEN, délégué général adjoint (FNTR)

– M. Christophe PERNET, président du Groupement des Employeurs de main d'œuvre viticole de la Champagne délimitée, viticulteur

– M. Christian GOUTORBE, administrateur au Groupement des Employeurs de main d'œuvre viticole de la Champagne délimitée, viticulteur

– Mme Anne COLLOT, responsable du service employeurs (SGV)

– M. Gilles MATHELIE-GUINLET, Secrétaire général (OTRE)

– M. Dominique PROUX (Chargé des relations institutionnelles) – CAPEB

– M. Bruno LEFEBVRE, Secrétaire général adjoint (FO transport)

– M. Pierre HALLIEZ – Les entreprises françaises des viandes

– M. François MOUTOT, directeur général de l’Assemblée permanente des Chambre de métiers et de l’artisanat (APCMA)

- M. Jean-François BOURDAIS, chef du secteur travail-emploi-politique sociale, et Mme Danièle ROZENBLUM, adjointe

- M. François DONNAY, directeur général MSA Languedoc

- M. Jean-Michel LEVIER, directeur-adjoint du travail, et M. José ROBINET, directeur du travail, direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de Champagne-Ardenne (Direccte)

– M. Lionel de TAILLAC, Conseiller chargé de l'inspection du travail, de la santé, de la sécurité et de la qualité de vie au travail au cabinet du ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social

– Mme Bethânia GASCHET, conseillère chargée des Affaires européennes et internationales et des questions juridiques, ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Déplacement à Bruxelles :

le 23 avril 2013

– M. Koos RICHELLE, directeur général en charge de l'emploi, des affaires sociales et de l'inclusion, Commission européenne, et Mmes Muriel GUIN, chef d’unité droit du travail, et Iona GLIGOR assistante du directeur général

– Mme Isabella BILLETA (entretien en vidéo conférence), directrice recherche, unité conditions de travail et relations avec les entreprises - Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail

– Mme Annie GUYADER, conseillère des affaires sociales, chef de service, et M. Michaël MASTIER, conseiller, chargé des relations avec le Parlement européen.

– Mmes Véronica NILSSON et Séverine PICARD, respectivement secrétaire confédérale en charge du dossier détachement et conseillère juridique auprès de la Confédération européenne des syndicats

– Mme Anabela GAGO et M. Raymond MAES, respectivement chef de cabinet et membre du cabinet du Commissaire ANDOR, en charge de l'emploi, des affaires sociales et de l'inclusion, et M. Armindo SILVA, directeur dialogue social, droits sociaux, conditions de travail et adaptation au changement.

Le 14 mai 2013 :

- M. Harald WIEDENHOFER, Secrétaire général de la fédération européenne des syndicats de l'alimentation, de l'agriculture et du tourisme, et M. Werner BUELEN, Secrétaire politique en charge de la construction auprès de la fédération européenne des travailleurs du bâtiment et du bois

– M. Stephen HUGHES, membre de la Commission emploi et affaires sociales du Parlement européen et co-rapporteur sur la proposition de directive

- Mme Pervenche BERÈS, Présidente de la Commission emploi et affaires sociales du Parlement européen

- M. Thomas JANSON, rapporteur de l'avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive

ANNEXE 2 :
CARTE BTP D’IDENTIFICATION PROFESSIONNELLE


ANNEXE 3 :
TABLEAUX DE LA DIRECTION GÉNÉRALE DU TRAVAIL

Source : Analyse des déclarations de détachement des entreprises prestataires de services en France en 2011, Direction Générale du Travail, Septembre 2012

Évolution du nombre de déclarations de prestations de services reçues et de salariés détachés depuis 2011

Analyse des contrôles des entreprises étrangères selon le système interne de l’inspection en 2011

Évolution de la répartition des salariés en fonction des zones d’origine
depuis 2004

Evolution par région du nombre de salariés et de déclarations reçues
depuis 2005

Répartition par nationalité des salariés contrôlés et non déclarés en 2011

Pays d’origine des entreprises prestataires depuis 2004

ANNEXE 4 :
EXEMPLE DE PUBLICITÉ POUR UNE ENTREPRISE POLONAISE

1 () La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.

2 Rapport d’information no 527 fait au nom de la commission des affaires européennes du Sénat sur les normes européennes en matière de détachement des travailleurs, par M. Eric Bocquet, 18 avril 2013.

3 « Révision de la directive sur les travailleurs détachés : huit propositions d’amélioration », rapport final du groupe d’expert de la CES sur le détachement, Confédération européenne des syndicats, mai 2010.

4 CJCE, arrêt Laval c/Byggnads, 18 décembre 2007 et CJCE, arrêt Rüffert, 3 avril 2008.

5 Source : Direction générale du travail.

6 In. Rapport d’information de M. Eric Bocquet, op. cit.

7 In. Rapport d’information de M. Eric Bocquet, op. cit.

8 KPMG’s Individual Income Tax and Social Security Rate Survey 2012. Disponible sur http://fr.scribd.com/doc/111204316/Individual-Income-Tax-Rate-Survey-2012

9 Analyse des déclarations de détachement des entreprises prestataires de services en France en 2011, Direction générale du travail, septembre 2012.

10 Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi