N° 1117 - Rapport d'information de Mme Annick Girardin déposé par la commission des affaires européennes sur le marché européen d'échange de quotas de CO2 dans le secteur de l'aviation




No 1117

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 juin 2013.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)

sur
l’application à l’aviation civile du système communautaire d’échange d’émission (SCEQE),

ET PRÉSENTÉ

PAR Mme Annick GIRARDIN,

Députée

——

La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Danielle AUROI, présidente ; Mmes Annick GIRARDIN, Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Pierre LEQUILLER, vice-présidents ; MM. Christophe CARESCHE, Philip CORDERY, Mme Estelle GRELIER, M. André SCHNEIDER, secrétaires ; MM. Ibrahim ABOUBACAR, Jean-Luc BLEUNVEN, Alain BOCQUET, Emeric BREHIER, Jean-Jacques BRIDEY, Mme Nathalie CHABANNE, M. Jacques CRESTA, Mme Seybah DAGOMA, M. Yves DANIEL, MM. Charles de LA VERPILLIÈRE, Bernard DEFLESSELLES, Mme Sandrine DOUCET, M. William DUMAS, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FROMION, Hervé GAYMARD, Mme Chantal GUITTET, MM. Razzy HAMMADI, Michel HERBILLON, Marc LAFFINEUR, Mme Axelle LEMAIRE, MM. Christophe LÉONARD, Jean LEONETTI, Arnaud LEROY, Michel LIEBGOTT, Mme Audrey LINKENHELD, MM. Lionnel LUCA, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MIGNON, Jacques MYARD, Michel PIRON, Joaquim PUEYO, Didier QUENTIN, Arnaud RICHARD, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Jean-Louis ROUMEGAS, Rudy SALLES, Gilles SAVARY, Mme Paola ZANETTI.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

I. L’EXTENSION DES « QUOTAS CARBONE » À L’AVIATION CIVILE 9

A. LA RÉGLEMENTATION 13

B. LA POSITION DES COMPAGNIES AÉRIENNES 15

II. UNE CRISE DIPLOMATIQUE 19

A. UNE CONTESTATION INTERNATIONALE VIRULENTE 19

B. UNE CONTESTATION JUDICIAIRE QUI A ÉCHOUÉ DEVANT LES JURIDICTIONS EUROPÉENNES 22

III. L’UNION EUROPÉENNE A ÉTÉ CONTRAINTE À SUSPENDRE SA RÉGLEMENTATION 26

IV. UNE DÉMARCHE APPROPRIÉE AUX OBJECTIFS POURSUIVIS ? 27

CONCLUSION 29

TRAVAUX DE LA COMMISSION 31

ANNEXES 33

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Depuis le 1er janvier 2012, toutes les compagnies aériennes qui atterrissent ou décollent depuis l’Union européenne, pour des vols intra ou extracommunautaires, auraient dû acheter des quotas d’émission de CO2 pour compenser leurs émissions, sous peine de devoir acquitter une sanction de 100 euros par tonne de CO2 émise, en dépassement des quotas alloués.

La mise en œuvre de cette législation, adoptée en 2008, a été à l’origine d’une crise diplomatique majeure avec des pays tels que les États-Unis, l’Inde, la Chine, la Russie ou le Brésil, qui ont pris des mesures de rétorsions contre des compagnies aériennes communautaires (par exemple en limitant le survol de certaines zones), voir ont interdit par la loi à leurs compagnies de respecter la législation européenne (États-Unis).

Cette situation inédite, génératrice de très grandes tensions, a conduit l’Union européenne à suspendre une législation dont l’application à l’aviation civile apparaît à votre Rapporteur à la fois inopportune et inefficace – pour atteindre un objectif que nul ne conteste, lutter contre le réchauffement climatique – car, dans le domaine des vols intercontinentaux, il n’existe pas d’alternative à l’avion qui pourrait être encouragée par le système ETS.

Il est incontestable que l’extension à l’aviation civile du système communautaire d’échanges d’émission (ETS) s’avère particulièrement problématique pour des raisons juridiques de principe (l’application à des pays tiers d’une législation communautaire) mais également de cohérence avec la Convention de Chicago de 19442 qui a fondé l’OACI (Organisation de l’aviation civile internationale).

Il convient également de relever que si le système des « quotas carbone » est issu du protocole de Kyoto, celui-ci prévoyait expressément l’exclusion des transports internationaux du système mis en place. Les émissions de gaz à effet de serre devaient être limitées en passant par les organisations internationales compétentes, Organisation maritime internationale (OMI) et OACI.

L’article 2, paragraphe 2, du protocole de Kyoto dispose en effet que: « les Parties visées à l’annexe I cherchent à limiter ou réduire les émissions de gaz à effet de serre non réglementées par le protocole de Montréal provenant des combustibles de soute utilisés dans les transports aériens et maritimes, en passant par l’intermédiaire de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) et de l’Organisation maritime internationale, respectivement. »

Il est donc difficile pour l’Union européenne de s’abriter derrière le protocole de Kyoto pour essayer de justifier la mise en place unilatérale d’un système visant à limiter les émissions de CO2, s’affranchissant des cadres de l’OACI et de l’OMI (organisation maritime internationale).

Pour éteindre l’incendie diplomatique ainsi allumé l’Union européenne a suspendu pour un an, à compter du 30 avril 2013, l’application à l’aviation civile du système des quotas carbone, mais uniquement pour les vols internationaux.

Il convient également de relever deux points :

– Cette suspension est liée à l’aboutissement des travaux en cours, sur la limitation des émissions de CO2, prévus pour l’Assemblée générale de l’OACI de septembre 2013.

– L’effondrement du prix de la tonne de carbone rend ce problème moins aigu, la facture pour les compagnies aériennes ayant été divisée par un facteur 10 par rapport aux prévisions initiales.

Les tableaux qui suivent permettent également de situer précisément l’ampleur du problème ; si les émissions de gaz à effet de serre de l’aviation sont en forte croissance, le problème garde une ampleur tout à fait limitée, mais dans le domaine de la protection environnementale rien ne doit être négligé.

En toutes hypothèses il n’existe de solutions à nos yeux que dans le cadre d’un accord international négocié au sein de l’OACI, l’Union européenne ne pouvant pas agir seule dans ce dossier.


 

Le développement du trafic aérien s’est accompagné d’une amélioration continue de l’efficacité énergétique : ainsi depuis 1990, les émissions de CO2 par passager/fret-kilomètre-transportés ont diminué de 32 %.

Evolution des émissions (transport aérien français) par passager aérien transporté
entre 1990 et 2009 

 

Émissions de CO2 par passager

Transport aérien intérieur

- 29 %

Transport aérien international

- 34 %

Total aérien

- 32 %

Source : CITEPA, DGAC.

I. L’EXTENSION DES « QUOTAS CARBONE » À L’AVIATION CIVILE

Le système communautaire d’échange de quotas d’émission (SCEQE) (en anglais « Emission Trading Scheme », ou encore « European Union Emission Trading Scheme » - EU ETS) est un mécanisme de droits d'émissions (de CO2) mis en œuvre au sein de l’Union européenne dans le cadre de la mise en œuvre par l'Union européenne du protocole de Kyoto. En application du principe « pollueur-payeur », il vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre en imposant aux principaux émetteurs, en particulier les industries, de réduire leurs émissions.

Il met en place une limitation des gaz pouvant être émis et un marché du carbone, permettant à chaque entreprise d’acheter ou de vendre son « droit à polluer ». Les entreprises qui font des efforts sont ainsi récompensées, mais celles qui ont dépassé leurs plafonds d’émissions doivent acheter des quotas d’émissions auprès d’entreprises environnementalement plus vertueuses et sont ainsi pénalisées.

Les négociations internationales en matière de changement climatique constituent la toile de fond des décisions prises dans ce domaine pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Elles ont fait l’objet de plusieurs rapports de Bernard Deflesselles et Jérôme Lambert, rapporteurs au nom de notre commission(3).

Les bases du système communautaire d'échange de quotas d'émission (SCEQE) ont été établies par la directive 2003/87/CE du 13 octobre 2003.

Le transport aérien international contribue au phénomène de réchauffement climatique en produisant divers types d'émissions polluantes, dioxydes de carbone, traînées de condensation, oxydes de nitrogène qui contribuent à l’effet de serre de deux manières :

→ La modification de la quantité des gaz à effet de serre dans l'atmosphère, de manière directe (CO2) ou indirecte (oxydes d'azote)

Le CO2 est un des principaux produits de la combustion du kérosène. Sa production est reliée à la masse de carburant par un ratio constant : une tonne de kérosène produit 3,15 tonnes de CO2

Les oxydes d'azote (NOx) ne sont pas des gaz à effet de serre, mais ils interviennent de manière indirecte sur le changement climatique. Ils sont responsables de la création d'ozone et de la destruction du méthane, tous deux des gaz à effet de serre.

L'état des connaissances scientifiques ne permet pas d'évaluer l'impact des NOx de manière satisfaisante. Le GIEC s'accorde cependant pour dire qu'il constitue un facteur de léger réchauffement.

→ La formation de traînées de condensation

Associées aux émissions de vapeur d'eau, les émissions d'oxydes de soufre et de particules entraînent la formation de traînées de condensation. Celles-ci couvrent environ 0,1 % de la surface de la Terre, avec des variations importantes dues à la localisation des flux de trafic. Similaires à de fins nuages d'altitude, elles réchauffent l'atmosphère par leurs propriétés optiques.

Lorsque les traînées de condensation deviennent persistantes, elles se transforment en cirrus, des nuages d'altitude qui recouvrent de manière naturelle environ 30 % de la surface de la Terre. Les cirrus produits par les traînées de condensation recouvriraient entre 0 % et 0,2 % de la surface du globe. Les mécanismes associés à leur formation dans l'atmosphère sont très mal connus, et nécessitent des recherches approfondies.

Pour décrire l'effet radiatif global du transport aérien, le GIEC utilise un coefficient multiplicateur qui s'applique à l'effet des émissions cumulées de CO2 depuis l'origine de l'aviation. Pour l'aviation, il est estimé à 2,7 en 1992, une valeur supérieure à celle de l'ensemble de l'activité humaine (1,5). Des études plus récentes estiment ce coefficient à 1,9 en 2000.

Toutefois, ce coefficient doit être utilisé avec précaution. Tout comme le forçage radiatif, il mesure les effets des émissions passées de l'aviation et varie dans le temps. Il ne peut donc être utilisé pour estimer l'impact futur des émissions hors CO2 de l'aviation.

La notion de PRG (Potentiel de Réchauffement Global), utilisée pour comparer les gaz du protocole de Kyoto, ne peut, selon le GIEC, être appliquée telle quelle pour l'aviation. En effet, l'impact des traînées de condensation et des NOx est variable selon les conditions, notamment météorologiques, de leur émission.

Malgré les progrès technologiques de l'industrie aéronautique, les réductions d'émission de gaz à effet de serre n'ont pas été suffisantes pour compenser la rapide croissance du trafic aérien mondial (50% au cours de la dernière décennie).

Depuis 1990, les émissions de CO2 issues du secteur aérien - et directement liées à la consommation de carburant - ont augmenté de 87 % et comptent pour environ 3,5 % de l'impact total des « activités humaines » sur le phénomène de changement climatique. Le Panel intergouvernemental sur les changements climatiques estime que ce chiffre devrait atteindre 5 % à l'horizon 2050.

Au niveau européen le débat sur la réduction des émissions liées au transport aérien a été difficile. Plusieurs options politiques, telles que des taxes sur l'aviation (taxe sur le kérosène), ont été envisagées pour réduire les émissions produites par le transport aérien mais celles-ci auraient nécessité une décision unanime du Conseil des ministres et ont rencontré de vives résistances de la part de l'industrie aérienne.

La Commission a conclu, dans sa communication de septembre 2005, qu'inclure le secteur de l'aviation dans le système européen d'échange de quotas d'émissions serait le moyen le plus efficace de réduire l'impact du secteur sur le réchauffement climatique.




A. La réglementation

La directive 2008/101/CE, adoptée en 2008 avec le soutien unanime des 27 États membres traduit également un fort engagement du Parlement européen à intégrer le secteur de l’aviation dans le système communautaire d’échange de quotas d’émissions (ETS) à compter du 1er janvier 2012, pour tous les vols internationaux au départ et à l’arrivée de l’Union.

À compter de cette date, les émissions de ces vols auraient dû être compensées intégralement par une restitution de quotas équivalents aux émissions produites. Chaque exploitant devrait avoir droit à une part de quotas gratuits distribuée fin février 2012 et proportionnelle à son activité. Au-delà, un exploitant aérien aurait dû acheter des quotas à d’autres exploitants aériens, aux exploitants d’installations fixes soumises à l’ETS, aux États membres ou encore sur le marché. Pour l’année 2012, les émissions devraient être déclarées début 2013 et les quotas auraient dû être restitués avant la fin avril 2013.

Le SCEQE s’applique aux émissions de CO2 de l’aviation civile en application de la directive 2008/101/CE du 19 novembre 2008. La proposition initiale de la Commission consistait à couvrir les vols intra-européens dans un premier temps, puis d’étendre l’ETS aux vols internationaux dans un second temps.

Sous la pression du Parlement Européen la directive a été adoptée pour l’ensemble des vols -de et vers l’Europe- en une seule phase à compter du 1er janvier 2012. Il était ainsi prévu que les compagnies aériennes, quelles que soient leur nationalité, devront obtenir des quotas pour couvrir les émissions produites par leurs avions desservant des aéroports européens. Les quotas seront alloués ainsi :

– pour l'année 2012, à hauteur de 97 % des émissions historiques du secteur de l’aviation ;

– pour l'année 2013, à hauteur de 95 %.

Ainsi, depuis le 1er janvier 2012, toutes les compagnies aériennes qui atterrissent ou décollent dans ou de l’Union auraient dû acheter des quotas d’émission de CO2 pour compenser leurs émissions, sous peine d’une sanction de 100 euros par tonne de CO2 émise en dépassement des quotas alloués, en application de la directive 2008/101CE. En cas d’infraction persistante, la Commission européenne peut en dernier ressort interdire de vol certaines compagnies au départ et à la sortie de l’Union européenne.

Sur le plan économique, cette décision correspond à un processus d’internalisation des externalités environnementales liées au transport aérien, c’est-à-dire à l’intégration dans le coût du transport des effets indirects liés aux nuisances environnementales provoquées par l’émission de dioxyde de carbone par les avions.

Préservant la liberté d'action des acteurs économiques, le régime mis en place par l'Union européenne ne devrait pas créer de distorsion de concurrence entre les compagnies aériennes concernées. Par ailleurs, 98 États n'ont aucun transporteur aérien commercial couvert par l'ETS aviation (75 États sans exploitant assurant des vols à destination de l'UE et 23 États dont les exploitants sont exemptés par les dispositions de la directive). En outre, l’article 25 bis de la directive 2008/101/CE permet de tenir compte de mesures de lutte contre le changement climatique prises par les pays tiers et peut prévoir éventuellement une exemption des vols en provenance de ces pays.

Il est prévu que la totalité du produit de la vente aux enchères des quotas sera affectée par les États membres à la lutte contre le changement climatique. D'après les calculs de la Commission, l'impact sur le prix devrait être compris entre 2 et 12 € pour un vol long-courrier et être assumé in fine par les passagers, les exploitants pouvant répercuter le surcoût lié aux enchères et ainsi assurer la neutralité du dispositif dans leur bilan.

Les compagnies aériennes ont une position simple. Elles souhaitent éviter les distorsions de concurrence internationale et estiment que la mise en place d’une telle politique doit être mondiale.

Il est évident qu’elles ne sont pas très enthousiastes à l’idée de devoir acquitter des charges supplémentaires, mais elles s’y sont résignées. Elles soutiennent aujourd’hui le principe de l’intégration du transport aérien dans le système européen d’échange de permis d’émissions. Mais elles veulent que cette intégration s’effectue de façon progressive, dans le cadre d’un système mondial placé sous l’égide de l’OACI.

En octobre 2010, l’assemblée de l’Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) a adopté la résolution A37-19, qui reconnaît implicitement la validité de systèmes régionaux d’échanges de quotas, sous réserve de « négociations constructives » avec les pays tiers concernés et de l’exonération possible des exploitants des pays représentant moins d’un pour cent des émissions mondiales du secteur (dite « règle de minimas »). Les États ont été invités à fournir à l’OACI d’ici juin 2012, des «plans d’action» en vue de réduire l’impact de l’aviation sur le climat.

L’ensemble de l’industrie s’est exprimé en faveur d’un mécanisme sectoriel global, qui réconcilie les objectifs de maîtrise des émissions de l’aviation, les principes fondamentaux de non-discrimination de la Convention de Chicago et de différentiation de la responsabilité des États du protocole de Kyoto. Cela a été fait au sein des associations professionnelles telles que l’AEA ou IATA, dont les travaux ont été soumis à l’OACI. Cette position est décrite dans un communiqué de l’association internationale des transporteurs aériens du 11 juin 2012 (intégré ci-dessous).

Il convient néanmoins de noter que la conversion des transporteurs aériens n’a pas été immédiate et a été précédé d’une forte opposition. Lorsque la Commission européenne a présenté son projet de réduction des émissions de CO2, avec le système d’échange de quotas, l’IATA a immédiatement manifesté son opposition Dans un communiqué publié quelques heures après la décision européenne, l’association « exhorte[nt] l’Union Européenne à abandonner son projet erroné d’inclure l’aviation dans l’ETS à partir de 2012 ».

L’IATA reprochait au projet une approche « unilatérale et régionale » à laquelle devrait se substituer, selon elle, une dimension globale sous l’égide de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI). L’IATA ajoutait que la mise en place du système ETS fausserait les lois du marché et exposerait les voyageurs à de nouvelles taxes inégales, sans pour autant garantir une véritable efficacité pour l’environnement. A l’inverse, l’association préconisait donc une plus grande implication des gouvernements, notamment pour financer infrastructures, technologies et autres alternatives – en particulier les bio-carburants – susceptibles de lutter efficacement contre les émissions de CO2.

II. UNE CRISE DIPLOMATIQUE

La difficulté majeure générée par cette législation est lié au fait qu’elle a été mise en place par l’Union européenne de manière isolée, sans concertation avec nos partenaires, suscitant ainsi beaucoup d’incompréhension, en particulier des États-Unis, où la Chambre des représentants a adopté le 24 octobre 2011 un projet de loi interdisant aux compagnies aériennes américaines de participer au SCEQE.

Le débat a été relancé dans la perspective de la mise en œuvre, à compter d’avril 2013 des sanctions prévues en cas de non-respect de la législation climatique européenne.

Depuis l’origine les États non européens n’ont cessé de contester l’approche unilatérale de l’Union européenne.

Une déclaration a été signée par 26 pays réunis début octobre 2011 à New Delhi par laquelle ils expriment leur opposition à l’ETS européen.

Au sein de l’Union, l’Allemagne, l’Espagne, la France et le Royaume Uni, ont souhaité que l’application de la législation soit différée, le temps que soit trouvé un accord sur la réduction des émissions du transport aérien au cours de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) qui se tient à Montréal au début du mois de septembre 2012. Ces réticences ont été communiquées par un appel en date du 11 septembre 2011 à l’ouverture du salon aéronautique ILA à Berlin.

Cette déclaration a ensuite été adoptée par le conseil de l’OACI en novembre 2011. De nombreux États envisagent aussi de recourir à de l’article 84 de la convention de Chicago, concernant le règlement des différends.

La Chine et l’Inde ont interdit à leurs compagnies ressortissantes de se conformer à la directive européenne (février et mars 2012). Le Président Obama a signé le 27 novembre une loi permettant au Secrétaire aux transports de protéger les compagnies américaines de l’application de l’EU-ETS.

Aussi des négociations se sont-elles engagées dans le cadre de l’OACI pour trouver une solution, avec la difficulté tenant au fait que l’Union européenne ne soit pas membre de l’OACI (elle est représentée au sein du groupe de travail par la Belgique.

Votre rapporteure a rencontré à Montréal l’ambassadeur américain auprès de l’OACI, Duane E. Woerth, qui a relayé une attitude assez positive de son gouvernement. L’administration Obama a évolué, après une période d’inertie liée aux élections et elle s’emploie aujourd’hui à œuvrer activement à la recherche d’une solution dans le cadre de l’OACI.

Il apparaît clairement que l’Union européenne a commis une faute stratégique en ne dialoguant pas avec les États-Unis préalablement à la mise en œuvre du système ETS car il devenait quasiment impossible d’obtenir un accord international sans l’appui des États-Unis.

Il faut reconnaître que l’intervention de la législation européenne a permis d’accélérer les travaux de l’OACI, au prix d’un camouflet pour la Commission européenne, qui, malgré les déclarations de la commissaire européenne en charge du climat, a dû abandonner l’application au trafic international de la législation dont elle s’était dotée.

Le conflit autour de l’ETS européen a « boosté » l’OACI qui a annoncé en début d'année l’accélération des travaux pour un accord mondial sur les émissions de gaz à effet de serre. Lors de la dernière réunion du Conseil de l’OACI le 9 novembre 2012, il a été convenu d’avancer rapidement sur la question des émissions de gaz à effet de serre, notamment grâce à la création d’un groupe de haut niveau qui aura pour mission de fournir des orientations claires sur la mise en place d’un mécanisme de marché international pour réduire les émissions du secteur aérien et sur la définition d’un cadre commun pour les mécanismes de marché au niveau régional (type ETS aviation) ou national. Le groupe devra préparer une proposition de résolution pour la 38e assemblée de l'OACI de septembre 2013.

Aussi, les États tiers opposés à la mise en œuvre de la directive (États-Unis, Russie, Inde, Chine notamment) ont-ils demandé à l’Union européenne de montrer des signes d’ouverture pour favoriser les avancées dans l’enceinte de l’OACI sur la mise en place d’un mécanisme de marché ayant pour objectif de réguler les émissions du secteur de l’aviation au niveau mondial.

Il convient également de relever la déclaration des compagnies aériennes membres de l’IATA (Association internationale du transport aérien) réunies au Cap (Afrique du Sud) le 3 juin dernier à l’occasion de leur assemblée générale annuelle, qui va dans le bon sens. Elles considèrent qu’un seul régime de compensation carbone obligatoire serait l’option la plus simple et la plus efficace pour gérer au niveau international le problème des émissions de gaz à effet de serre du secteur aérien.

A travers la résolution définissant une « Stratégie pour la mise en œuvre de l’Aviation croissance neutre en carbone (CNG2020) » les compagnies plaident pour la conclusion d’un accord international sur la réduction des émissions du secteur aérien.

Ce pas en avant du secteur aérien a été salué par les commissaires européens Connie Hedegaard (climat) et Siim Kallas (transport) qui l’interprètent comme un « message très fort » au terme duquel les compagnies aériennes semblent prêtes à soutenir un instrument mondial pour la maîtrise des émissions.

Le secteur aérien a besoin, d’urgence, un accord international sur cette question afin d’éviter la multiplication d’initiatives unilatérales régionales ou nationales, souligne l’IATA qui énonce une série de principes sur lesquels le futur régime (« Stratégie CNG2020 ») devrait être basé :

– la mise en place de références individuelles par transporteur, calculées sur base de la moyenne des émissions totales annuelles sur la période 2018-2020 ;

– la mise en place d’un dispositif visant à reconnaître les efforts consentis par ceux qui ont accepté de bouger le plus tôt selon un étalonnage des performances de 2005 à 2020, des mesures spécifiques pour les nouveaux entrants sur le marché ;

– un équilibre équitable pour déterminer les responsabilités individuelles compte tenu des émissions réelles de chacun et d’un élément de croissance « post 2020 » ;

– un mécanisme de déclaration et de vérification des émissions de carbone selon une norme mondiale à développer par l’OACI ;

– la création d’un cycle d’évaluation périodique de la performance CNG2020.

quelques exemples d’émission de CO2 par passager

Trajet

Nombre de kilomètres

Équivalent CO2
(en kg)

Équivalent en kérosène (en litres)

Paris-Los Angeles (vol aller-retour)

18 190

520

604

Paris-Venise (vol aller-retour)

1 670

204

82

Strasbourg-Clermont-Ferrand (vol simple)

455

142

56

Lille-Toulouse (vol aller retour)

1 566

354

140

Paris-Saint-Denis de la Réunion (vol aller-retour)

9 363

669

265

Source : DGAC.

Pour un trajet Paris-Nice la quantité de CO2 émise diffère selon le mode transport.

En avion : 1 h 20 = 81 kg de CO2 par passager, en voiture : 9 h 30 = 149 kg de CO2 par passager et en TVG : 6 h 10 = 0 kg de CO2.

La contestation a d’abord été judiciaire et soulevait un problème juridique complexe aujourd’hui tranché. En effet, la Cour de justice de l'Union européenne a été saisie d'une contestation de la conformité par rapport au droit international de l'application du SCEQE aux compagnies aériennes de pays tiers.

L’Union européenne n’appartient pas à certaines organisations internationales spécialisées de l’ONU (OMI, OACI). En cas de divergences entre les règles onusiennes et il peut y avoir des difficultés de détermination du droit applicable car il n’existe pas de hiérarchie des applicables à ce domaine.

Plusieurs compagnies et associations de compagnies aériennes américaines et canadiennes ayant contesté la conformité par rapport au droit international de l’application du SCEQE aux compagnies aériennes de pays tiers, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a ainsi dû se prononcer sur la conformité de la directive à la Convention de Chicago du 7 septembre 1944, relative à l’aviation civile internationale, et à la position fondamentale de l’Organisation internationale de l’aviation civile sur les rejets polluants.

La Cour a conclu à l’absence de violation du droit international coutumier : ni le principe de territorialité, ni celui de souveraineté des États tiers ne sont méconnus pas la directive, dès lors que le système ETS n’est applicable que lorsque les aéronefs sont présents physiquement sur le territoire de l’Union et ainsi soumis à la pleine juridiction de l’Union.

Concernant le respect de la convention de Chicago de 1947 sur le transport aérien, qui exempte le kérosène utilisé par l’aviation de taxes, la Cour estime que celui-ci a été respecté car « il n’existe pas (…) de lien direct et indissociable entre la quantité de carburant détenue ou consommée par un avion et la charge pécuniaire incombant à l’exploitant d’un tel avion dans le cadre du fonctionnement du système d’échange de quotas ».

Arrêt du 21 12 2011 de la Cour de justice de l’Union européenne (extraits)

(…)

Il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il ressort de l’article 3, paragraphe 5, TUE, l’Union contribue au strict respect et au développement du droit international. Par conséquent, lorsqu’elle adopte un acte, elle est tenue de respecter le droit international dans son ensemble, y compris le droit international coutumier qui lie les institutions de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 24 novembre 1992, Poulsen et Diva Navigation, C-286/90, Rec. p. I-6019, points 9 et 10, ainsi que du 16 juin 1998, Racke, C-162/96, Rec. p. I-3655, points 45 et 46).

Il convient de rappeler d’emblée que, selon une jurisprudence constante, les juridictions nationales n’ont pas le pouvoir de déclarer invalides les actes des institutions de l’Union. En effet, les compétences reconnues à la Cour par l’article 267 TFUE ont essentiellement pour objet d’assurer une application uniforme du droit de l’Union par les juridictions nationales. Cette exigence d’uniformité est particulièrement impérieuse lorsque la validité d’un acte du droit de l’Union est en cause. Des divergences entre les juridictions des États membres quant à la validité des actes du droit de l’Union seraient susceptibles de compromettre l’unité même de l’ordre juridique de cette dernière et de porter atteinte à l’exigence fondamentale de la sécurité juridique (arrêt du 10 janvier 2006, IATA et ELFAA, C-344/04, Rec. p. I-403, point 27 et jurisprudence citée).

La Cour est donc seule compétente pour constater l’invalidité d’un acte de l’Union, tel que la directive 2008/101 (voir arrêts du 22 octobre 1987, Foto-Frost, 314/85, Rec. p. 4199, point 17 ; du 21 février 1991, Zuckerfabrik Süderdithmarschen et Zuckerfabrik Soest, C-143/88 et C-92/89, Rec. p. I-415, point 17 ; du 21 mars 2000, Greenpeace France e.a., C-6/99, Rec. p. I-1651, point 54 ; IATA et ELFAA, précité, point 27, ainsi que du 22 juin 2010, Melki et Abdeli, C-188/10 et C-189/10, Rec. p. I-5667, point 54).

Il convient également de rappeler que, en vertu de l’article 216, paragraphe 2, TFUE, lorsque des accords internationaux sont conclus par l’Union, les institutions de l’Union sont liées par de tels accords et, par conséquent, ceux-ci priment les actes de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 10 septembre 1996, Commission/Allemagne, C-61/94, Rec. p. I-3989, point 52 ; du 12 janvier 2006, Algemene Scheeps Agentuur Dordrecht, C-311/04, Rec. p. I-609, point 25 ; du 3 juin 2008, Intertanko e.a., C-308/06, Rec. p. I-4057, point 42, ainsi que du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C-402/05 P et C-415/05 P, Rec. p. I-6351, point 307).

Il s’ensuit que la validité d’un acte de l’Union peut être affectée par l’incompatibilité de cet acte avec de telles règles du droit international. Lorsque cette invalidité est invoquée devant une juridiction nationale, la Cour vérifie, ainsi que le lui demande la juridiction de renvoi par sa première question, si certaines conditions sont remplies dans le cadre de l’affaire dont elle est saisie afin de déterminer si, en application de l’article 267 TFUE, la validité de l’acte du droit de l’Union concerné au regard des règles du droit international invoquées peut être appréciée (voir, en ce sens, arrêt Intertanko e.a., précité, point 43).

(…)

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit :

1°) Parmi les principes et les dispositions du droit international mentionnés par la juridiction de renvoi, seuls peuvent être invoqués, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal et aux fins de l’appréciation de la validité de la directive 2008/101/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 novembre 2008, modifiant la directive 2003/87/CE afin d’intégrer les activités aériennes dans le système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre :

– d’une part, dans les limites d’un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation imputable à l’Union quant à sa compétence, au regard de ces principes, pour adopter cette directive :

• le principe selon lequel chaque État dispose d’une souveraineté complète et exclusive sur son propre espace aérien ;

• le principe selon lequel aucun État ne peut légitimement prétendre soumettre une partie quelconque de la haute mer à sa souveraineté,

• et le principe qui garantit la liberté de survol de la haute mer ;

– d’autre part :

• les articles 7 et 11, paragraphes 1 et 2, sous c), de l’accord de transport aérien conclu les 25 et 30 avril 2007 entre les États-Unis d’Amérique, d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part, tel que modifié par le protocole,

• ainsi que l’article 15, paragraphe 3, dudit accord, lu en combinaison avec les articles 2 et 3, paragraphe 4, de celui-ci.

2°) L’examen de la directive 2008/101 n’a pas révélé d’éléments de nature à affecter sa validité.

III. L’UNION EUROPÉENNE A ÉTÉ CONTRAINTE À SUSPENDRE SA RÉGLEMENTATION

À l’issue du Conseil de l’OACI et de la création du groupe de haut niveau, la Commission européenne a annoncé, le 12 novembre 2012, la suspension de l’application de son système de permis d’émission de CO2 pour les vols intercontinentaux jusqu’à la prochaine Assemblée de l’OACI prévue à l’automne 2013. La directive continuera néanmoins à s'appliquer à tous les vols intérieurs et entre les 30 pays européens appliquant le SCEQE.

Il ne s’agit que d’un report d’un an des obligations concernant les vols de/vers les pays non-européens (déclarations et restitution des permis d’émission). En cas d’échec des négociations qui sont engagées à l’OACI afin d’établir un régime mondial pour réguler les émissions de CO2 de l’aviation internationale, la directive EU-ETS s’appliquera comme prévu pour tous les vols à partir de l’année 2014.

La modification législative adoptée, consiste à déroger temporairement à l’article 16 traitant des sanctions. Les États membres n’engageraient alors pas d’action contre les opérateurs ne respectant pas leurs obligations concernant les vols de/vers les pays non-européens pour l’année 2013.

Cette décision était indispensable pour éviter un affrontement avec les pays non-européens et pour faciliter les travaux engagés dans le cadre de l’OACI.

Mais cette situation entretient de nombreuses incertitudes. Elle risque de conduire à des distorsions de concurrence entre compagnies européennes et non-européennes.

Il est d’ailleurs symptomatique que des compagnies internationales refusent de se plier aux règles européennes pour leurs vols à l’intérieur de l’Union européenne. C’est ainsi que dix compagnies chinoises et indiennes qui refusent de s’acquitter des sommes dues au titre des dépassements de quotas sont menacées d’amendes par la Commission européenne.

IV. UNE DÉMARCHE APPROPRIÉE AUX OBJECTIFS POURSUIVIS ?

La contribution de l’aviation aux émissions de CO2 est actuellement de moins de 3 %, mais elle progresse en raison de la croissance du transport aérien.

L’aviation ne disposera pas d’alternatives aux hydrocarbures liquides avant plusieurs décennies. En matière aéronautique, les sources d’énergies de forte densité (forte puissance, faible masse du système propulsif et du carburant) sont à privilégier pour garantir la plus grande efficacité énergétique. Les alternatives aux hydrocarbures envisagées dans les transports terrestres, comme les batteries ou la pile à combustible, présentent toutes des densités très inférieures.

Dans l’état actuel des technologies, leur application au transport aérien se ferait au détriment de l’efficacité énergétique : il n’est donc pas envisagé d’alternative aux hydrocarbures avant 2050.

Néanmoins il existe des pistes intéressantes d’amélioration des carburants aéronautiques. Le remplacement progressif des carburants fossiles par des carburants renouvelables et durables, à faible empreinte carbone, est donc une priorité pour l’aviation.

Les acteurs du transport aérien poursuivent un effort de réduction de leurs émissions sans équivalent dans les autres secteurs puisqu’il s’agit aujourd’hui :

– d’améliorer l’efficacité énergétique de 1,5 % par an d’ici 2020 ;

– de stabiliser et d’atteindre une croissance neutre en émissions de CO2 à partir de 2020 ;

– de réduire de 50 % ses émissions de CO2 d’ici 2050 par rapport à 2005.

Pour atteindre ces objectifs extrêmement ambitieux, la priorité stratégique, est placée sur la réduction de la consommation grâce aux progrès technologiques et à l’amélioration des procédures opérationnelles. Les biocarburants aéronautiques sont un levier complémentaire indispensable.

La Commission européenne a défini une feuille de route ayant pour objectif la production de 2 millions de tonnes de biocarburant aéronautique à l’horizon 2020. Cela représenterait 3 % à 4 % de la consommation européenne de carburant aéronautique. Transposé à la France, cet objectif reviendrait à produire environ 200 000 tonnes de biocarburant aéronautique soit moins de 10 % de la production de biocarburants destinés aux transports terrestres.

L’émergence d’une filière française sur les biocarburants doit être une priorité- elle est aussi une chance pour la France qui bénéficie d’une recherche performante dans ce secteur.

Dans ce contexte, le développement d’une filière industrielle nationale de production de biocarburants durables pour l’aviation apparaît comme stratégique ; elle est également cohérente. A l’heure où les initiatives se multiplient en Europe et dans le monde (États-Unis et Brésil notamment), la France, disposant à la fois de ressources agricoles, maritimes et sylvestres considérables et d’acteurs de premier plan du secteur de l’énergie, a toute capacité pour proposer des biocarburants aéronautiques issus de ses propres ressources, dans des quantités compatibles d’une déclinaison nationale des objectifs européens. Le déploiement d’une telle filière constituera pour les territoires une opportunité de valoriser les ressources renouvelables et les savoir-faire.

Les besoins du transport aérien constituent donc une véritable opportunité pour la création d’une filière complète de production de biocarburants aéronautiques en France.

Cette politique est également cohérente avec l’initiative « Biofuel Flight Path » de l’Union européenne qui vise à la production de 2 millions de tonnes de bio-kérosène en Europe d’ici 2020.

CONCLUSION

Nous n’avons que trois voies possibles pour réduire les émissions de CO2 de l’aviation.

1. La limitation du transport aérien : en encourageant le développement des compagnies low cost l’Union européenne ne va pas dans cette voie, et tarde à instruire les plaintes pour concurrence déloyale de certaines compagnies irlandaises, notamment.

2. Le renouvellement plus rapide d’avions, moins consommateurs en carburant et moins bruyant. Il constitue la meilleure voie mais il implique que les compagnies aériennes retrouvent une santé financière compromise par la politique évoquée au point précédent.

3. Encourager l’utilisation de combustibles moins polluants, les États-Unis se sont engagés dans cette voie qui est sans doute la plus rapide à mettre en œuvre.

Il est donc important que les travaux engagés par l’OACI permettent de dégager les voies de l’avenir.

L’action de l’Union européenne aura comporté au moins un point positif en hâtant le mouvement vers une réduction des émissions de CO2 de l’aviation.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 5 juin 2013, sous la présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé du rapporteur a été suivi d’un débat.

M. Jean-Louis Roumegas. Je ne ferai pas d’objection au contenu du rapport mais je soulignerai qu’il faut replacer ce système des quotas de l’aviation civile dans le cadre global du marché des quotas carbone qui est en panne, comme l’a dit notre rapporteure. C’est bien là qu’est le problème. Il faut revoir les allocations de quotas à la baisse sinon cela ne fonctionne plus. Qui plus est, cette situation est aggravée par la récession économique.

Pour ce qui est des solutions appliquées à l’aviation civile, qui font beaucoup de bruit aujourd’hui : sur le principe, il nous faut soutenir l’extension aux vols extracommunautaires, tout en relevant leur importance minime, mais il nous faut insister sur le maintien du dispositif pour le marché intérieur. La seule réelle alternative à l’avion au sein de l’Europe est le développement des lignes à grande vitesse, ce qui n’est pas toujours perçu comme tel et il existe un manque de cohérence au niveau des aéroports.

Je rejoins également l’idée qu’il faut combattre la concurrence déloyale des compagnies low cost qui rackettent littéralement les collectivités locales, par exemple à Marseille, victime du comportement de Ryanair.

Mme Annick Girardin, rapporteure. Air France a vu diviser par plus de dix la facture de cette taxe, nous ne sommes plus du tout sur les mêmes chiffres et cela change tout.

M. Jérôme Lambert. Je rejoins Jean-Louis Roumegas pour témoigner des pratiques inacceptables des compagnies low cost. L’aéroport d’Angoulême y a beaucoup perdu. Cela dit, ce rapport vient à point et est important car des décisions de l’OACI doivent intervenir. Vous avez également eu la gentillesse de rappeler le travail que nous menons avec Bernard Deflesselles sur les négociations internationales en matière de changement climatique. Dans ce cadre nous avions rencontré le Secrétaire général de l'O’CI. Cette rencontre a été fructueuse mais j’avais trouvé frustrant que nous ne puissions pas traiter de cet aspect des choses. Aussi, j’accueille très favorablement l’initiative de notre commission.

L’initiative européenne toute justifiée, qu’elle soit est apparue quelque peu marginale en s’affranchissant des procédures de l’OACI. Certains États pourraient parvenir à un accord. L’initiative européenne a permis de hâter les choses.

La Présidente Danielle Auroi. J’ajouterai un commentaire. Hier matin, nous avons reçu Mme Connie Hedegaard, commissaire européen en charge de l’action pour le climat, qui nous a donné deux informations importantes : la première que l’Union européenne était en train de geler cette action mais que des États qui nous reprochent cette politique en externe la mettent en place à l’intérieur, y compris la Chine.

Je propose, dans le commentaire, d’indiquer le bilan carbone par passager, car il fait apparaître l’avion comme le moyen de transport le plus polluant. La part réduite de l’aviation dans le total s’explique par la faible nombre d’aéronefs comparés aux automobiles. En point 4 nous pourrions demander à l’Union européenne de travailler sur l’intérieur. Je suis par ailleurs d’accord pour dire que la partie internationale doit être travaillée au niveau international. La France pourrait travailler en particulier à la disparition de la niche kérosène en Europe car les transports aériens ne sont pas plus taxés que les autres. S’agissant des low cost je rejoins totalement les positions exprimées.

Mme Annick Girardin, rapporteure. Sur l’intérieur la taxe existe. Le problème vient de l’effondrement des quotas.

Pour revenir à la Chine, il est paradoxal de constater que l’Union européenne a aidé financièrement la Chine à mettre en place ses quotas en interne, alors que ce pays menace de prendre des mesures de rétorsion contre nous.

Je suis d’accord sur l’idée qu’il faut trouver une juste mesure pour les vols intérieurs.

Il faudra regarder en septembre ce que fait l’OACI et que l’Union européenne prenne les devants pour éviter de manger son chapeau.

ANNEXES

1 () La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.

2 Signée le 7 décembre 1944, elle est entrée en vigueur le 4 avril 1947.

3 () Rapport no 423 du 20 novembre 2012, sur les « Négociations internationales relatives au changement climatique. »