N° 1201 - Rapport d'information de MM. Christophe Caresche, Michel Herbillon et Didier Quentin déposé par la commission des affaires européennes sur l'approfondissement de l'Union économique et monétaire




N° 1201

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 juin 2013.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)

sur
l’approfondissement de l’Union économique et monétaire

ET PRÉSENTÉ

PAR MM. Christophe CARESCHE, Michel HERBILLON et Didier QUENTIN

Députés

——

La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Danielle AUROI, présidente ; Mmes Annick GIRARDIN, Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Pierre LEQUILLER, vice-présidents ; MM. Christophe CARESCHE, Philip CORDERY, Mme Estelle GRELIER, M. André SCHNEIDER, secrétaires ; MM. Ibrahim ABOUBACAR, Jean-Luc BLEUNVEN, Alain BOCQUET, Emeric BREHIER, Jean-Jacques BRIDEY, Mme Nathalie CHABANNE, M. Jacques CRESTA, Mme Seybah DAGOMA, M. Yves DANIEL, MM. Charles de LA VERPILLIÈRE, Bernard DEFLESSELLES, Mme Sandrine DOUCET, M. William DUMAS, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FROMION, Hervé GAYMARD, Mme Chantal GUITTET, MM. Razzy HAMMADI, Michel HERBILLON, Marc LAFFINEUR, Mme Axelle LEMAIRE, MM. Christophe LÉONARD, Jean LEONETTI, Arnaud LEROY, Michel LIEBGOTT, Mme Audrey LINKENHELD, MM. Lionnel LUCA, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MIGNON, Jacques MYARD, Michel PIRON, Joaquim PUEYO, Didier QUENTIN, Arnaud RICHARD, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Jean-Louis ROUMEGAS, Rudy SALLES, Gilles SAVARY, Mme Paola ZANETTI.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 7

I. L’UNION BANCAIRE DOIT REPOSER SUR DES MÉCANISMES EUROPÉENS DE SURVEILLANCE ET DE RÉSOLUTION EFFICACES, SUR UNE GARANTIE DES DÉPÔTS ROBUSTE ET SUR DE NOUVEAUX INSTRUMENTS DE LUTTE CONTRE LA FRAGMENTATION DES MARCHÉS FINANCIERS 9

A. SUBORDONNÉE À LA CONCLUSION D’UN ACCORD INTERINSTITUTIONNEL ENTRE LE PARLEMENT EUROPÉEN ET LA BANQUE CENTRALE EUROPÉENNE, LA MISE EN PLACE DU MÉCANISME DE SUPERVISION UNIQUE IMPLIQUE UNE « OPÉRATION VÉRITÉ » SUR LA SITUATION DES BANQUES EUROPÉENNES 11

1. Le mécanisme de surveillance unique, premier pilier de l’union bancaire, repose sur la Banque centrale européenne et les autorités de supervision nationales 11

a) Un calendrier qui prend du retard 12

b) Les grandes lignes du mécanisme de surveillance unique 13

(1) Une surveillance différenciée 14

(2) La stricte séparation des fonctions de politique monétaire et de supervision bancaire au sein de la BCE 15

(3) Des pouvoirs de nomination et de contrôle âprement discutés 15

(4) Une cohérence à assurer entre la BCE et le système européen de surveillance financière 17

2. Chantier d’envergure, la mise en place effective du superviseur européen suppose une réorganisation profonde du système de surveillance financière ainsi qu’une « opération vérité » sur la situation des banques 18

a) Doter la BCE des moyens nécessaires à l’exercice de sa nouvelle mission et harmoniser les pratiques de contrôle 19

b) Évaluer la solidité financière des banques européennes 21

3. La recapitalisation directe des banques par le Mécanisme européen de stabilité sera soumise à un strict encadrement 23

B. LE MÉCANISME DE RÉSOLUTION EUROPÉEN, DEUXIÈME PILIER DE L’UNION BANCAIRE, DOIT REPOSER SUR UNE AUTORITÉ ET UN FONDS DE RÉSOLUTION UNIQUES 26

1. L’harmonisation des règles de résolution, première étape avant… 26

a) La convergence des régimes de prévention et de résolution des crises bancaires est une priorité 26

b) La réflexion relative à un cadre de redressement et de résolution pour les institutions non bancaires en est à ses prémisses 33

2. … la mise en place d’un mécanisme de résolution unique 33

a) L’autorité de résolution unique 34

b) Le fonds de résolution unique 36

C. L’ÉTABLISSEMENT D’UN MÉCANISME EUROPÉEN DE PROTECTION DES DÉPOSANTS, TROISIÈME PILIER DE L’UNION BANCAIRE ET GAGE DE LA SOLIDARITÉ EUROPÉENNE, FAIT L’OBJET D’UN REFUS CATÉGORIQUE DE L’ALLEMAGNE 37

D. LA RÉDUCTION DE LA FRAGMENTATION DU SYSTÈME BANCAIRE AU SEIN DE LA ZONE EURO NÉCESSITE LA MISE EN PLACE DE NOUVEAUX OUTILS 38

II. L’UNION ÉCONOMIQUE SUPPOSE UNE VÉRITABLE COORDINATION DES POLITIQUES ÉCONOMIQUES, Y COMPRIS DANS LEUR DIMENSION SOCIALE, ET UNE CONVERGENCE ACCRUE DES SYSTÈMES FISCAUX ET FINANCIERS 39

A. L’APPROPRIATION ET LA MISE EN œUVRE DES RÈGLES DE SUIVI DES POLITIQUES BUDGÉTAIRES PRÉVUES PAR LE PACTE DE STABILITÉ ET DE CROISSANCE ET RENFORCÉES DANS LE CADRE DU SEMESTRE EUROPÉEN, CONSTITUENT UN PRÉALABLE À … 39

1. Le renforcement du suivi des politiques budgétaires voulu depuis 2011 40

a) Le « six-pack » et le TSCG accordent une importance accrue au suivi du solde structurel et prévoient un mécanisme de sanction plus rigoureux 40

b) Le « two-pack » instaure une procédure européenne de suivi des budgets nationaux 42

2. La procédure de suivi des déséquilibres macro-économiques introduite par le « six-pack » 44

3. La coordination mise en place dans le cadre du semestre européen 44

B. … UNE VÉRITABLE COORDINATION DES POLITIQUES ÉCONOMIQUES… 46

1. La coordination préalable des grandes réformes économiques, un objectif dont les contours doivent être précisés 46

2. Les contrats de compétitivité et de croissance, une ambition à définir 48

3. Pour une approche plus ambitieuse et plus globale 49

C. … QUI SUPPOSE ÉGALEMENT D’ACCROÎTRE LES EXIGENCES DE CONVERGENCE EN AMONT DE L’ADHÉSION À LA ZONE EURO 51

III. L’UNION BUDGÉTAIRE NÉCESSITE LA MISE EN PLACE D’UN BUDGET ET D’UNE CAPACITÉ D’ÉMISSION DE DETTE PROPRES À LA ZONE EURO 53

A. LES MÉCANISMES DE SOLIDARITÉ FINANCIÈRE ACTUELS DEMEURENT LIMITÉS 53

1. Le budget de l’Union 53

2. Les interventions de la Banque européenne d’investissement 54

3. Le Mécanisme européen de stabilité 55

B. L’UNION BUDGÉTAIRE DOIT REPOSER SUR UN BUDGET À VOCATION CONTRA-CYCLIQUE DANS UN PREMIER TEMPS ET UNE CAPACITÉ D’ÉMISSION DE DETTE 56

1. Le mécanisme de solidarité associé aux contrats de compétitivité et de croissance, amorce de capacité budgétaire ou simple usine à gaz ? 56

2. Parachever l’Union économique et monétaire suppose de mettre en place un budget propre à la zone euro et une capacité d’émission de dette en commun 58

a) Un budget pour la zone euro 58

b) L’émission de dette en commun 60

IV. L’APPROFONDISSEMENT DE L’UNION ÉCONOMIQUE ET MONÉTAIRE REQUIERT UNE GOUVERNANCE ET UNE LÉGITIMITÉ RENFORCÉES 63

A. LA GOUVERNANCE DE LA ZONE EURO DOIT ÊTRE AMÉLIORÉE 63

1. Une gouvernance affermie… 64

2. …pour donner une nouvelle dimension aux sommets de la zone euro 65

B. LE RENFORCEMENT DE L’UEM DOIT ALLER DE PAIR AVEC L’ANCRAGE DÉMOCRATIQUE DE LA NOUVELLE GOUVERNANCE ÉCONOMIQUE 66

1. Les parlements nationaux 66

2. La conférence interparlementaire prévue par l’article 13 du TSCG 67

TRAVAUX DE LA COMMISSION 73

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE 75

ANNEXES 81

ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LA MISSION D’INFORMATION 83

ANNEXE 2 : GLOSSAIRE 85

ANNEXE 3 : TABLEAU DE BORD UTILISÉ PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE DANS LE CADRE DE LA PROCÉDURE DE DÉSÉQUILIBRES MACROÉCONOMIQUES 87

ANNEXE 4 : LE SEMESTRE EUROPÉEN ET SES PROLONGEMENTS 89

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Alors que le sommet européen des 27 et 28 juin 2013 est l’occasion d’un premier point d’étape du chantier de l’approfondissement de l’Union économique et monétaire (UEM) lancé par le Conseil européen il y a un an en réaction à la crise liée aux dettes souveraines et à la faiblesse du secteur financier, l’ambition affichée en juin 2012 semble se réduire comme peau de chagrin.

Les pistes de réflexion lancées en juin 2012 par le président du Conseil européen en lien étroit avec les présidents de la Commission et de la Banque centrale européennes ainsi que de l’Eurogroupe, puis précisées dans le rapport intitulé « Vers une véritable Union économique et monétaire » en décembre 2012, étaient pourtant ambitieuses.

Il était en effet proposé d’approfondir l’Union économique et monétaire dans quatre domaines – bancaire, économique, budgétaire et politique – et selon trois étapes – 2012-2013, 2013-2014 et au-delà de 2014. L’union bancaire devait reposer in fine sur trois piliers : une supervision bancaire européenne, un dispositif européen de prévention et de résolution des défaillances des établissements de crédit et un système commun de garantie des dépôts. L’union économique prenait la forme d’une coordination accrue des politiques économiques et de la montée en puissance de prises de décision en commun. L’union budgétaire aboutissait à la mise en place d’un budget propre à la zone euro à même de jouer un rôle contra-cyclique, d’une capacité d’émission de dette et d’un Trésor européen. L’ensemble du processus devait s’accompagner de mesures destinées à garantir la légitimité et le contrôle démocratiques.

Dans sa communication du 28 novembre 2012 relative à son « projet détaillé pour une UEM véritable et approfondie », la Commission européenne a prôné une approche dont les objectifs sont identiques à ceux proposés par le président du Conseil européen, avec toutefois, en filigrane, l’affirmation de sa volonté de jouer un rôle accru. Elle a ensuite été amenée, à la demande du Conseil européen des 13 et 14 décembre 2012, à présenter, le 20 mars 2013, deux communications relatives d’une part à la coordination préalable des grandes réformes de politique économique et d’autre part à la création d’un « instrument de convergence et de compétitivité », destiné à inciter les États à mener des réformes pour rapprocher leurs économies et les rendre plus compétitives. Ces communications se présentent avant sous la forme d’une consultation des parties prenantes au débat.

Pour sa part, le Parlement européen a adopté, le 20 novembre 2012, une résolution contenant des recommandations sur le rapport « Vers une véritable Union économique et monétaire », dans laquelle il expose ses préférences pour une UEM davantage intégrée, ce qui implique notamment, selon les députés européens, la mise en place d’un fonds européen d’amortissement permettant un refinancement progressif de la partie des dettes supérieure à 60 % du PIB, une gestion davantage communautaire du Mécanisme européen de stabilité, la prise en compte de critères d’emploi et sociaux dans la surveillance budgétaire et l’élaboration d’un pacte social pour l’Europe. Les députés européens ont ensuite adopté, le 23 mai 2013, une résolution sur les futures propositions législatives relatives à une UEM et, le 12 juin 2013, une résolution sur le renforcement de la démocratie européenne dans la future UEM, dans lesquelles ils se montrent très critiques sur l’état d’avancement du chantier d’approfondissement de l’UEM.

Le Conseil européen des 13 et 14 décembre 2012 a en effet fortement réduit les ambitions affichées. Adoptant une démarche pragmatique, il a érigé l’union bancaire en priorité et privilégié les mesures de court terme en matière d’intégration économique et budgétaire en mettant plus particulièrement l’accent sur l’instrument de convergence et de compétitivité et la mise en œuvre des mesures de renforcement de la surveillance budgétaire et macroéconomique des États membres.

Il a toutefois affirmé la dimension sociale de l’Union économique et monétaire, ce qui est une avancée notable. En effet, alors que cette dimension a jusqu’à présent été pensée comme une politique souveraine et interprétée comme le pendant du marché unique, la concevoir comme le pendant de l’union monétaire constitue un bouleversement, dont il convient de tirer toutes les conséquences. Comme la crise financière a engendré l’union bancaire, la crise sociale que la zone euro traverse doit ainsi favoriser la mise en place d’une nouvelle politique.

Si une nouvelle impulsion a été donnée par le président de la République et la chancelière de la République fédérale d’Allemagne le 30 mai dernier dans leur contribution commune intitulée « La France et l’Allemagne pour renforcer l’Europe de la stabilité et de la croissance », qui vise à mettre l’accent sur la compétitivité tout en élargissant le champ d’action à l’ensemble des facteurs de croissance et en mettant l’accent sur la nouvelle dimension sociale de l’UEM, elle se limite à un horizon de deux ans et reflète le refus de l’Allemagne de toute forme de mutualisation.

Le Conseil européen ne peut plus passer sous silence les propositions de plus long terme. L’heure n’est plus à la réflexion mais à l’action. Il convient en effet de remédier au plus vite aux faiblesses de l’Union économique et monétaire, dont certaines sont originelles, et de redonner confiance aux citoyens européens en fixant un horizon et en apportant un nouvel élan. À cet égard, vos rapporteurs sont convaincus que l’approfondissement de l’UEM constitue un bon angle d’attaque. Aussi, vos rapporteurs appellent à un sursaut, pour que soit définie une nouvelle ambition pour les États partageant la même monnaie.

I. L’UNION BANCAIRE DOIT REPOSER SUR DES MÉCANISMES EUROPÉENS DE SURVEILLANCE ET DE RÉSOLUTION EFFICACES, SUR UNE GARANTIE DES DÉPÔTS ROBUSTE ET SUR DE NOUVEAUX INSTRUMENTS DE LUTTE CONTRE LA FRAGMENTATION DES MARCHÉS FINANCIERS

La crise financière apparue en 2007 a mis en évidence la persistance, au sein de la zone euro, de la fragmentation des marchés financiers, c’est-à-dire de l’existence d’écarts dans les conditions de financement et d’accès au crédit entre les différents États de la zone euro. Elle a aussi révélé le décalage entre, d’une part, un secteur financier dont l’intégration a été accrue par la mise en place de l’Union économique et monétaire et, d’autre part, des dispositifs de surveillance du secteur bancaire et de gestion des crises financières qui ont continué à relever de la responsabilité des autorités nationales. Elle a enfin souligné le lien étroit existant entre les dettes souveraines et les bilans bancaires.

La mise en place de l’union bancaire doit en conséquence favoriser l’intégration des marchés financiers, stabiliser les conditions financières, restaurer l’unicité de l’union monétaire et permettre de rompre le cercle vicieux entre les risques bancaires et souverains.

À cet effet, le président du Conseil européen et la Commission européenne ont suggéré que l’union bancaire repose sur trois piliers2 :

– un mécanisme de surveillance unique, c’est-à-dire un système européen de surveillance financière composé de la Banque centrale européenne et des autorités de supervision des États membres. Les chefs d’État et de gouvernement ont fait de sa mise en place une condition préalable à la possibilité pour le Mécanisme européen de stabilité de recapitaliser directement les banques ;

– un mécanisme unique de prévention et de résolution des défaillances des établissements de crédit ;

– un système de garantie des dépôts unique.

Ce projet d’union bancaire apparaît comme le plus avancé des quatre chantiers du renforcement de l’Union économique et monétaire. Il n’en souffre pas moins de retards qui, s’ils perduraient, pourraient s’avérer préjudiciables pour la stabilité financière et la reprise économique en Europe.

Le chantier le plus abouti dans le secteur financier est celui de l’introduction des normes prudentielles de Bâle III dans le droit de l’Union européenne, dont les textes ont été publiés au Journal Officiel de l’Union européenne le 1er juillet 2013, pour une entrée en vigueur le 1er janvier 20143. Il s’agit d’un complément précieux à la mise en place de l’union bancaire, car les nouvelles règles relatives aux exigences en matière de fonds propres des établissements de crédit devraient contribuer à assurer la stabilité du secteur bancaire.

En ce qui concerne plus particulièrement l’union bancaire, des progrès notables ont été réalisés dans la mise en place d’un mécanisme européen de supervision des banques, la définition des principes qui doivent régir la recapitalisation directe des banques par le Mécanisme européen de stabilité (MES) et, postérieurement à l’examen par la commission des Affaires européennes du présent rapport d’information, l’harmonisation des régimes nationaux de résolution bancaire.

Toutefois, si les grands principes de ces mécanismes ont bien été posés, leur mise en œuvre n’est pas encore effective. En outre, l’achèvement de l’union bancaire suppose la mise en place d’un mécanisme de résolution unique, dont les contours restent à définir, ainsi que d’un système unique de garantie des dépôts, dont le principe semble loin d’être acquis.

Avant de revenir plus en détail sur les piliers de l’union bancaire, il convient de souligner que deux autres chantiers essentiels pour la stabilité des marchés financiers risquent fort de ne pas trouver de concrétisation avant la fin des mandats de la Commission européenne et du Parlement européen.

Il s’agit tout d’abord des suites données au rapport du groupe d’experts de haut niveau sur la réforme structurelle du secteur bancaire de l’Union européenne présidé par M. Erkki Liikanen. Remis le 2 octobre 2012, ce rapport ne pourrait faire l’objet d’une proposition de la Commission européenne qu’au mois d’octobre 2013. Prenant les devants, la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne ont engagé leurs propres réformes4.

Il s’agit ensuite de l’encadrement du système bancaire parallèle – c’est-à-dire des intermédiaires financiers non bancaires qui fournissent des services proches de ceux proposés par les banques (comme les fonds spéculatifs) – au sujet duquel il s’avère désormais peu probable que des textes puissent être examinés avant les échéances européennes de 2014.

Lancé lors du sommet de la zone euro du 29 juin 2012 en réponse à la crise liée aux dettes souveraines et à la faiblesse du secteur financier, le mécanisme de surveillance unique (MSU) a pour objet de garantir une surveillance prudentielle efficace, cohérente et impartiale, de contribuer à rompre le lien entre les États et les banques et de réduire la probabilité de voir se produire des crises bancaires systémiques. C’est une condition essentielle pour restaurer la confiance dans la solidité des banques de la zone euro.

Les chefs d’État et de gouvernement ont fait de sa mise en œuvre la condition préalable à la recapitalisation directe des banques par le Mécanisme européen de stabilité (MES).

La mise en place du mécanisme de surveillance unique repose sur deux propositions de règlements qui ont été présentées par la Commission européenne le 12 septembre 2012. Le premier texte5, pris sur le fondement de l’article 127, paragraphe 6, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE)6, organise le mécanisme de surveillance unique et confère une mission de supervision à la Banque centrale européenne (BCE). Le second7 modifie les règles de vote au sein de l’Autorité bancaire européenne (ABE), afin d’assurer une égalité de traitement entre les États membres qui participent au MSU et ceux qui n’y participent pas.

La proposition de règlement relatif à la BCE, dont l’adoption requiert l’unanimité au Conseil, doit simplement faire l’objet d’une consultation de la part du Parlement européen en vertu de l’article 127 paragraphe 6 du TFUE, tandis que la proposition de règlement relatif à l’ABE doit suivre la procédure législative ordinaire de co-décision. Toutefois, les liens étroits existant entre ces deux textes et les conditions posées par le Royaume-Uni et le Parlement européen ont pour conséquence que le paquet législatif dans son ensemble devra être adopté à l’unanimité au Conseil et suivant la procédure de co-décision.

Alors que les chefs d’État et de gouvernement avaient, lors du Conseil européen du 18 octobre 2012, invité les législateurs européens à poursuivre en priorité les travaux sur ces textes avec, comme objectif, de parvenir à un accord avant le 1er janvier 2013, ces deux propositions législatives ont finalement fait l’objet d’un compromis entre le Conseil et le Parlement européen le 19 mars 2013.

CHRONOLOGIE DES NÉGOCIATIONS RELATIVES AU MÉCANISME DE SUPERVISION UNIQUE

– 12 septembre 2012 : présentation, par la Commission européenne, de deux propositions de règlements, l’une créant le mécanisme de supervision unique, l’autre modifiant les modalités de vote au sein de l’Autorité bancaire européenne ;

– 12 décembre 2012 : accord au sein du Conseil ;

– 19 mars 2013 : conclusion, par la présidence irlandaise, des trilogues ;

– 12 avril 2013 : validation du compromis par le Conseil Ecofin informel, mais validation définitive subordonnée à l’accord du Parlement allemand ;

– 22 mai 2013 : adoption, par le Parlement européen réuni en session plénière, d’amendements et renvoi à la commission compétente avant un vote définitif subordonné à la conclusion entre le Parlement européen et la Banque centrale européenne d’un accord interinstitutionnel relatif aux modalités de leur coopération.

L’adoption définitive de ces textes a toutefois été suspendue, d’une part, à l’accord du Parlement allemand et, d’autre part, à la conclusion, par le Parlement européen et la Banque centrale européenne, d’un accord interinstitutionnel.

S’agissant du Parlement allemand, le Bundestag a donné son accord le 13 juin (seul le parti Die Linke a voté contre) et le Bundesrat le 5 juillet 2013, avec l’adoption d’une « loi sur la proposition d’un règlement du Conseil sur le transfert de compétences spécifiques à la BCE en lien avec la supervision des établissements de crédit » sur le fondement de l’article 23 de la loi fondamentale qui dispose que « la Fédération peut transférer des droits de souveraineté par une loi approuvée par le Bundesrat ».

Ainsi que les députés allemands, M. Axel SCHÄFER, vice-président du groupe parlementaire SPD et M. Manuel SARRAZIN, porte-parole des Verts pour les affaires européennes, l’ont souligné à la mission d’information, le recours à cette procédure dans le cas d’un acte de droit secondaire de l’Union européenne constitue une première. L’objectif est ainsi de parer aux critiques qui pourraient être émises par la Cour constitutionnelle fédérale d’Allemagne en cas de recours. En effet, à la suite de la décision de la Cour du 30 juin 2009 relative au traité de Lisbonne, tout transfert de compétence intervenant dans un domaine de souveraineté (l’utilisation de clauses-passerelles notamment) doit donner lieu à un accord formel du Parlement allemand. Il ne s’agit pas en l’espèce de créer de précédent qui aboutirait à exiger une loi d’approbation pour des actes de droit secondaire de l’Union. Le Bundestag l’a clairement indiqué à l’intention du gouvernement fédéral, des institutions de l’Union et des partenaires européens. Il a en conséquence demandé au gouvernement fédéral de publier une déclaration en ce sens en lien avec l’approbation du règlement créant le mécanisme de surveillance unique.

Pour sa part, le Parlement européen subordonne son approbation définitive à la conclusion avec la Banque centrale européenne d’un accord qui doit préciser ses modalités de contrôle sur l’autorité de supervision unique (cf. infra I.A.1.b.3.). Il se serait toutefois engagé à adopter définitivement le paquet législatif en septembre prochain.

Vos rapporteurs insistent sur la nécessité que le règlement relatif au mécanisme de supervision unique entre en vigueur en septembre 2013 au plus tard. En effet, un report de l’entrée en vigueur du règlement repousserait la date de mise en place effective du MSU, qui est prévue un an après l’entrée en vigueur du règlement, alors que ce dispositif est indispensable pour renforcer la confiance dans la solidité des banques de la zone euro, qui a pâti des défaillances de la surveillance dans le passé, et réduire la fragmentation des marchés. Tout nouveau retard repousserait également la possibilité d’une recapitalisation directe, par le MES, des banques qui se trouveraient en difficulté. Cela enverrait enfin un signal très négatif aux marchés, alors même que les autres piliers de l’union bancaire doivent encore être mis en place.

Le mécanisme de surveillance unique est composé des autorités nationales de supervision et de la BCE, qui est responsable de son bon fonctionnement. Son champ d’application couvre les États membres de la zone euro, mais également les autres États qui le souhaitent, ces derniers devant alors engager une « coopération rapprochée » avec la BCE.

En lien avec les autorités nationales de surveillance, la BCE assurera une surveillance des banques de la zone euro qui sera différenciée.

La BCE exercera directement la supervision des établissements de crédit les plus importants, c’est-à-dire :

– ceux dont les actifs sont supérieurs à 30 milliards d’euros ou représentent un cinquième du PIB de leur pays d’origine (sauf si les actifs sont inférieurs à 5 milliards d’euros) ;

– ceux considérés par les autorités nationales et la BCE comme revêtant une importance significative pour l’économie d’un État ;

– ceux jugés comme revêtant une importance notable par la BCE, sous réserve qu’ils aient établi des filiales bancaires dans plus d’un État membre ou que leurs actifs ou passifs transfrontières représentent une part importante de leurs bilans ;

– ceux bénéficiant d’un programme d’aide européen ;

– en tout état de cause, les trois établissements de crédit les plus importants dans chacun des États membres participants.

130 groupes bancaires, représentant 80 à 85 % du crédit dans la zone euro, devraient ainsi être concernés. En France, il s’agirait des principales institutions bancaires, comme la Société générale, BNP-Paribas et le groupe BPCE. En Allemagne, trois-quarts environ des banques, dont plusieurs caisses d’épargne et banques mutualistes, seraient surveillées par la BCE, compte tenu de la définition assez large retenue en termes de bilans.

La BCE pourra en outre reprendre le contrôle direct des autres banques si cela s’avère nécessaire pour assurer la cohérence de l’application des normes de surveillance.

Pour les autres établissements, dont la supervision reviendra aux autorités nationales, la BCE diffusera des orientations et instructions générales précisant les modalités de mise en œuvre de leurs missions. À cet égard, il convient de souligner l’opposition très forte de l’Allemagne au souhait du Parlement européen que des instructions individuelles puissent également être données par la BCE.

Les autorités nationales de surveillance conserveront leurs compétences pour les missions qui n’ont pas été confiées à la BCE, comme, par exemple, la lutte contre le blanchiment de capitaux, la protection des consommateurs ou encore la surveillance des succursales des banques de pays tiers.

Afin d’assurer une séparation stricte entre les missions de politique monétaire, dont l’objectif est la stabilité des prix, et celles de supervision bancaire, dont le but est d’assurer la sécurité et la solidité des établissements de crédit ainsi que la stabilité du système financier, un comité de surveillance sera chargé de préparer les missions de surveillance de la BCE. Il sera composé d’un président, d’un mandat non renouvelable de 5 ans, d’un vice-président ainsi que de quatre représentants de la BCE et d’un représentant de l’autorité nationale de surveillance de chaque État membre participant. Les nominations devront respecter le principe d’égalité entre les hommes et les femmes et tenir compte de l’expérience et des qualifications.

Le personnel chargé des missions de supervision relèvera en outre d’une structure opérationnelle et d’une hiérarchie distinctes de celles des services chargés de la politique monétaire. La BCE devra enfin faire en sorte que le conseil des gouverneurs distingue parfaitement les missions de politique monétaire et celles de surveillance, ce qui se traduira notamment par la tenue de réunions séparées avec des ordres du jour distincts.

Un comité de médiation sera créé afin de garantir la séparation entre les missions de politique monétaire et les missions de supervision.

Cette stricte séparation des missions a pour objet d’éviter tout conflit d’intérêt et de permettre un exercice efficace du contrôle démocratique sur les missions de supervision de la BCE.

Ce sont les modalités de nomination et de révocation au sein du comité de surveillance et celles de contrôle de la Banque centrale européenne qui ont fait l’objet des négociations les plus âpres de la part du Parlement européen.

Alors que les pouvoirs de ce dernier ont été renforcés, l’approbation définitive des textes instaurant le mécanisme de surveillance unique demeure ainsi suspendue à la conclusion d’un accord interinstitutionnel entre le Parlement européen et la BCE sur la définition précise des modalités de nomination du président et du vice-président du comité de surveillance.

► S’agissant des pouvoirs de nomination, le compromis issu du trilogue prévoit que le président et le vice-président du comité de surveillance de l’autorité de supervision seront nommés par le Conseil Ecofin, sur proposition de la BCE, après approbation du Parlement européen, ce qui revient à conférer à ce dernier un droit de veto.

PROCÉDURE DE NOMINATION DU PRÉSIDENT ET DU VICE-PRÉSIDENT DU COMITÉ DE SURVEILLANCE

Après avoir entendu le comité de surveillance, la BCE soumettra au Parlement européen, pour approbation, une proposition de nomination du président et du vice-président. Une fois cette proposition approuvée, le Conseil adoptera la décision d’exécution pour désigner le président et le vice-président du comité de surveillance. Le Conseil statuera à la majorité qualifiée sans tenir compte du vote des membres du Conseil qui ne représentent pas des États membres participants.

Le président sera choisi, dans le cadre d’une procédure de sélection ouverte, parmi des personnes dont l’autorité et l’expérience professionnelle dans les domaines bancaire et financier sont reconnues et qui ne sont pas membres du conseil des gouverneurs. Le Parlement européen et le Conseil seront dûment informés de la procédure.

Le vice-président sera choisi parmi les membres du directoire de la BCE.

Pour autant, le Parlement européen souhaite davantage affirmer son pouvoir en subordonnant son adoption du paquet législatif à la conclusion d’un accord interinstitutionnel avec la BCE relatif aux modalités de contrôle de cette dernière par le Parlement européen. Sont notamment concernés l’accès aux informations, la coopération dans le cadre des enquêtes et l’information sur la procédure de sélection du président. Alors qu’il a obtenu un droit de veto sur la nomination du président, le Parlement européen souhaiterait en particulier que lui soit soumise une liste de noms en amont, ce qui n’est pas prévu par la proposition de règlement. Une porte de sortie pourrait consister en une consultation informelle des autorités du Parlement européen.

Une procédure symétrique à celle de la nomination a été trouvée pour la révocation du président à l’issue des trilogues. Ainsi, lorsque le président du comité de surveillance ne remplit plus les conditions nécessaires à l’exercice de ses fonctions ou a commis une faute grave, le Conseil peut, sur proposition de la BCE approuvée par le Parlement européen, adopter une décision d’exécution pour démettre le président de ses fonctions. Si le Parlement européen ou le Conseil estime que les conditions de révocation sont remplies, la BCE agit en conséquence.

► S’agissant des pouvoirs d’information et de contrôle, le Parlement européen sera destinataire, comme le Conseil, la Commission européenne et l’Eurogroupe, du rapport de la BCE relatif à l’accomplissement de ses missions de supervision et pourra adresser des questions à la BCE qui sera tenue d’y répondre. Les commissions compétentes en son sein pourront auditionner le président du comité de surveillance. Il est également prévu que, à la demande du Parlement européen, le président du comité de surveillance ait des discussions à huis clos avec le président et les vice-présidents de la commission compétente du Parlement européen.

Les parlements nationaux des États membres participants au MSU seront également destinataires du rapport annuel de la BCE relatif à ses missions de supervision, sur lequel ils pourront présenter leurs observations motivées. Ils pourront auditionner le président ou un membre du conseil de surveillance et présenter à la BCE toute observation ou question relative à l’exécution de ses missions de surveillance. Ces pouvoirs sont plus que justifiés, compte tenu des contrôles aujourd’hui exercés par les parlements nationaux sur les autorités de supervision nationales et des conséquences que les mesures de surveillance peuvent avoir sur les finances publiques, les établissements de crédit, leurs clients et leur personnel ainsi que sur les marchés des États membres participants.

Vos rapporteurs soulignent qu’il faudra veiller à ce que les pouvoirs de contrôle sur pièces et place dont disposent la commission des Finances et les commissions d’enquête de l’Assemblée nationale soient toujours bien assurés vis-à-vis de la Banque centrale européenne lorsqu’elle exercera sa mission de superviseur.

Il convient de veiller à la bonne articulation de la nouvelle mission de la BCE avec celles des autorités du système européen de surveillance financière, au premier chef desquelles l’Autorité bancaire européenne.

LES PRINCIPALES MISSIONS

CONFIÉES À L’AUTORITÉ BANCAIRE EUROPÉENNE DEPUIS SA CRÉATION EN 2010

La mission principale de l’Autorité est de contribuer, par l’adoption de normes techniques contraignantes et d’orientations, à la création d’un recueil réglementaire unique pour le secteur bancaire européen. Il s’agit ainsi d’élaborer à l’intention des établissements financiers de l’Union un corpus de règles prudentielles harmonisées, avec comme objectifs de créer des conditions de concurrence équitables et d’offrir une protection élevée aux déposants, aux investisseurs et aux consommateurs.

Cette autorité indépendante joue ainsi un rôle important dans la promotion de la convergence des pratiques de surveillance.

L’Autorité est également chargée d’évaluer les risques et faiblesses du secteur bancaire européen, notamment à l’aide de rapports d’évaluation des risques et de simulations de crises paneuropéennes.

Parmi les tâches définies dans le mandat de l’ABE figurent aussi les enquêtes sur les cas d’application insuffisante de la législation de l’Union par les autorités nationales, la prise de décision dans les situations d’urgence, ainsi que la médiation en cas de désaccord entre les autorités compétentes dans le cadre de situations transfrontalières.

L’ABE joue enfin le rôle d’organe consultatif indépendant auprès du Parlement européen, du Conseil et de la Commission européenne.

Dans le souci d’éviter tout morcellement du marché intérieur des services financiers à la suite de la création du mécanisme de surveillance unique, la proposition de règlement relative à l’Autorité bancaire européenne confirme l’ABE dans ses missions, en particulier celle d’autorité compétente pour assurer la cohérence et la convergence des pratiques en matière de surveillance dans l’ensemble de l’Union et élaborer un corpus de règles unique (ou « règlement uniforme »).

Le Parlement européen a, pour sa part, affiché sa volonté de voir améliorée la capacité de l’ABE à réaliser des tests de résistance et à obtenir des informations des banques et des autorités nationales de surveillance.

La proposition de règlement relative à l’ABE aménage également les règles de vote au sein de l’ABE, afin de garantir un processus décisionnel équitable au sein du marché unique. Les décisions seront ainsi désormais prises selon une règle de double majorité, celle-ci devant être atteinte parmi les représentants des États membres participant au mécanisme de surveillance unique et parmi les représentants des États membres n’y participant pas, sachant que chaque membre dispose d’une voix. Il s’agissait d’un point dur pour le Royaume-Uni.

La proposition de règlement relatif au MSU prévoit par ailleurs que la BCE coopère étroitement avec l’Autorité bancaire européenne, l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles, le Comité européen du risque systémique et les autres autorités qui font partie du système européen de surveillance financière. En particulier, la BCE doit participer au conseil des autorités de surveillance de l’Autorité bancaire européenne. La BCE doit en outre respecter les normes techniques et le manuel de surveillance européen élaboré par l’ABE et contribuer à l’élaboration par l’ABE des projets de normes techniques de réglementation ou d’exécution.

Vos rapporteurs appellent toutefois à la plus grande vigilance, lors de la mise en œuvre effective du MSU, dans l’articulation des missions de la BCE et de l’ABE. Il convient en effet d’éviter tout chevauchement ou double emploi.

La mise en place du mécanisme de surveillance unique va constituer un chantier d’envergure, avec la définition précise des relations entre la BCE, les superviseurs nationaux et l’Autorité bancaire européenne, une réorganisation importante des mécanismes de contrôle, la constitution d’équipes de surveillance mixtes et de nombreux recrutements.

Mais surtout, avant l’exercice effectif de sa mission de surveillance par la BCE, une évaluation de la qualité des actifs des banques placées dans son champ de supervision et une série de tests de résistance devront être menés, ce qui constituera une « opération vérité » nécessaire mais qui comporte le risque de devoir faire appel aux États pour les banques qui pourraient présenter des problèmes.

La mise en place du mécanisme de supervision unique constitue un chantier ambitieux puisqu’il s’agit, dans un délai d’un an, de créer de toute pièce une institution capable d’exercer la supervision de 130 groupes bancaires environ.

Selon les informations recueillies par la mission d’information, plusieurs centaines de postes devraient ainsi être créés, ce qui est considérable. La BCE devra également se doter d’outils de surveillance. C’est essentiel, ainsi que l’a souligné M. Michel Aglietta à la mission d’information en prenant comme exemple le système américain.

Les missions de surveillance de la BCE seront financées par une redevance annuelle – dite « redevance de surveillance » – perçue sur les établissements de crédit établis dans les États membres participants et sur les succursales sises dans des États membres participants et relevant d’établissements établis dans d’autres État membres. Ses modalités de calcul devraient être définies par la BCE à la suite de consultations publiques. Il sera tenu compte de critères objectifs relatifs à l’importance et au profil de risque des établissements de crédit concernés, notamment leurs actifs pondérés en fonction des risques. En tout état de cause, le produit de la redevance ne pourra excéder les dépenses liées aux missions de surveillance. Dans son rapport annuel relatif à l’accomplissement de ses missions de surveillance, la BCE devra présenter de manière détaillée l’évolution prévisible de la structure et du montant des redevances de surveillance ainsi que le budget consacré aux missions de surveillance, l’ensemble devant en outre être clairement identifié dans le budget de la BCE.

Au-delà de nouveaux moyens dévolus à la Banque centrale européenne pour exercer sa mission, la solidité, la crédibilité et l’efficacité du nouveau mécanisme de surveillance suppose la cohérence et la convergence des méthodes de contrôle ainsi que des politiques de provisionnement et de valorisation des actifs.

Dans cette perspective, des équipes mixtes, associant le superviseur central et les superviseurs nationaux seront constituées, afin de favoriser les échanges d’expérience et de créer une culture de surveillance commune. L’efficacité du mécanisme de surveillance unique repose en effet sur une collaboration étroite entre l’autorité européenne et les autorités nationales de supervision. Lors de son audition à l’Assemblée nationale le 26 juin dernier, le président Mario Draghi s’est voulu rassurant : « les superviseurs nationaux font preuve d’un désir de travailler ensemble qui me réconforte. Au lieu d’être sur la défensive et de tenter de protéger leur savoir-faire et leurs traditions, ils ont la volonté de les partager, ce qui est essentiel au fonctionnement de la nouvelle structure. La supervision n’est pas un gâteau que l’on couperait en tranches, les trois-quarts revenant à Francfort et quelques miettes étant laissées aux superviseurs nationaux : nous travaillerons avec ces derniers pour la simple et bonne raison que ce sont eux qui détiennent le savoir-faire. La BCE accédera à ce savoir-faire à travers eux et avec eux ». Lors de cette même audition, le gouverneur de la Banque de France Christian Noyer a précisé l’organisation à venir :« Nous aurons également une équipe par banque, dont le centre de commandement sera à la BCE et dont les effectifs seront répartis dans les États membres concernés. (…) Nous mènerons des inspections en commun et certaines tâches horizontales seront exercées sous l’autorité de la BCE ».

La BCE donnera également des orientations et des instructions générales (mais pas d’instructions individuelles, l’Allemagne y était fermement opposée) précisant les modalités de la supervision sur la totalité des systèmes bancaires. Cela prendra notamment la forme d’un manuel de contrôle et de supervision, mais également de décisions concrètes. Lors de son audition le 26 juin dernier, Christian Noyer en a donné un exemple précis : « Parmi ses premières mesures, la BCE aura probablement à cœur de donner instruction à tous les superviseurs de laisser circuler la monnaie sans restriction à l’intérieur de la zone euro », ce qui permettra de réduire la fragmentation des marchés.

Les enjeux essentiels sont donc bien ceux du rapprochement des méthodes de surveillance et de l’articulation étroite des rôles entre la Banque centrale européenne et les autorités nationales de surveillance, mais également l’Autorité bancaire européenne, qui est compétente pour assurer la cohérence et la convergence des pratiques en matière de surveillance entre les pays de la zone euro et les autres États membres de l’Union.

Dans cette perspective, la Commission européenne a lancé, le 26 avril 2013, une consultation publique sur le système européen de supervision financière, ouverte jusqu’au vendredi 19 juillet 2013. Ses résultats alimenteront deux rapports sur le fonctionnement du Comité européen du risque systémique et des trois autorités européennes de supervision financière (l’Autorité européenne des marchés financiers, l’Autorité bancaire européenne et l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles) qui devraient être rendus publics d’ici à la fin de l’année.

Il s’agit ainsi d’évaluer la capacité des autorités européennes de supervision financière à mettre en place un corpus de règles uniformes (« single rule book »), à coordonner les actions des superviseurs nationaux en cas d’urgence et à faire émerger une approche européenne en matière de supervision. La Commission européenne veut aussi recueillir les avis des parties prenantes sur les modalités de prise de décision au sein des autorités de supervision, la façon dont le secteur privé est lui-même consulté et les questions budgétaires.

Est également examinée la coopération entre les trois autorités européennes de supervision financière et le Comité européen du risque systémique en matière de détection des risques systémiques, à la lumière de la mise en place progressive du mécanisme unique de supervision bancaire sous l’égide de la BCE.

Sur le fond, vos rapporteurs mettent en garde devant tout risque d’alignement des méthodes de contrôle vers le bas. La manière dont on pense le contrôle d’une banque est en effet essentielle, comme l’avait souligné Mme Isabelle Vaillant, directrice de la régulation à l’Autorité bancaire européenne, à la mission d’information en janvier dernier8. Ainsi, selon que l’on privilégie un contrôle de fond ou de forme, selon que le superviseur s’avère plus ou moins intrusif, les résultats peuvent être très différents. Dès lors, vos rapporteurs insistent sur la nécessité que le contrôle exercé sur les banques relevant du mécanisme de surveillance unique et, de manière plus générale, sur les banques européennes, soit un contrôle de fond.

Outre la création d’une nouvelle institution, la mise en place effective du mécanisme de surveillance unique suppose que soit mené au préalable un examen approfondi de la situation des banques européennes. Il s’agit d’une procédure fondamentale pour assurer l’efficacité et la crédibilité du mécanisme de supervision européen, mais également pour contribuer à restaurer la confiance dans le système bancaire européen.

L’enjeu est de taille puisqu’il s’agit, ainsi que l’a souligné M. Benoît Coeuré, membre du directoire de la BCE, à la mission d’information, de « la dernière chance de faire la vérité sur le système bancaire européen ». Cet examen va prendre deux formes.

Le premier exercice va consister, pour la Banque centrale européenne, à réaliser, au premier trimestre 2014, une revue de la qualité des actifs des banques placées sous sa supervision directe. Seront ensuite concernées les autres banques relevant du mécanisme de surveillance unique. Il s’agit d’un examen essentiel qui a pour objet de déterminer si les banques ont procédé à une évaluation prudente de leurs actifs. Compte tenu de la nature même de l’exercice – moins dépendant des hypothèses posées que dans le cas des tests de résistance –, de la vision transversale que va avoir la BCE et de son indépendance à l’égard des contraintes nationales ainsi que de la nécessité d’asseoir la crédibilité du nouveau mécanisme de surveillance, l’évaluation des bilans des banques va représenter une étape clé. L’examen de la qualité des actifs bancaires va en effet être essentiel pour évaluer la solidité des banques et restaurer la confiance dans le système bancaire.

Viendra ensuite le second exercice, coordonné par l’Autorité bancaire européenne, celui des tests de résistance ou « stress tests », dont la BCE sera partenaire pour les établissements relevant de son champ de compétence. Compte tenu des limites mises en évidence par le précédent exercice – les tests de résistance de juillet 2011 n’avait notamment pas permis de révéler les difficultés des banques espagnoles – une attention particulière devra être apportée à la définition même de ces tests.

Cette opération vérité est absolument nécessaire à la restauration d’une pleine confiance dans le système bancaire et à la reprise de la croissance dans la zone euro, ainsi que le montrent les exemples américain et, a contrario, japonais. En effet, aux États-Unis, il a vite été procédé aux tests de résistance et aux recapitalisations nécessaires, ce qui a contribué à une reprise rapide de l’économie, alors qu’au Japon, où aucune opération vérité n’a été menée et où demeurent des « banques zombies »9, il n’y a pas eu à proprement parler de reprise économique depuis 20 ans. L’évaluation des actifs des banques et les tests de résistance doivent donc éviter à l’Europe de connaître un scénario à la japonaise. Si l’évaluation des bilans bancaires et les tests de résistance sont nécessaires, ils ne sont pas dénués de risques. Ils pourraient en effet mettre en évidence une insuffisance de capitaux dans certaines banques européennes.

Lors de son audition par l’Assemblée nationale le 26 juin 2013, le président de la Banque centrale européenne Mario Draghi s’est voulu rassurant puisqu’il a indiqué, à propos de l’exercice de la revue de la qualité des actifs : « à titre personnel, je pense qu’il ne révélera pas de faille fondamentale, tant les superviseurs de la zone euro – particulièrement en France – ont démontré leur exceptionnelle qualité pendant la crise ».

Pour autant, une telle éventualité ne peut être exclue, alors que le FMI met en garde devant l’insuffisance de capitaux de certaines banques européennes depuis deux ans. Dans son premier rapport consacré à l’évaluation de la stabilité du système financier dans l’Union européenne et publié le 15 mars 2013, le FMI réaffirme ainsi que le « renforcement des bilans bancaires, notamment en réglant la question des actifs dépréciés » doit figurer parmi les chantiers prioritaires de la zone euro, avec la mise en place du mécanisme de supervision unique et l’union bancaire.

Le président de l’Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem a d’ailleurs indiqué, lors de sa conférence de presse sur l’avenir de l’Union économique et monétaire tenue le 7 mai 2013, que les résultats des tests de résistance qui seront effectués sur les banques européennes pourraient s’avérer « inquiétants ».

Dans une telle hypothèse, deux réponses à une insuffisance de fonds propres sont possibles, avec des conséquences différentes selon l’ampleur des besoins : un appel aux marchés financiers d’une part, la mobilisation des États d’autre part, ce qui renvoie à la question de l’intervention du mécanisme européen de stabilité pour la recapitalisation directe des banques.

Alors que certains, comme M. Michel Aglietta, affirment qu’en l’absence de recapitalisation des banques, l’économie européenne ne pourra repartir, il importe de définir au plus tôt les modalités de résolution des défaillances bancaires ainsi que de déterminer à qui, des États dont relèvent les banques en difficulté ou du mécanisme européen de stabilité, en reviendra in fine la charge.

Tandis que l’exemple espagnol mettait en évidence les liens étroits entre les risques bancaires et souverains, les chefs d’État et de Gouvernement ont souligné, lors du sommet de la zone euro du 29 juin 2012, la nécessité de mettre fin au risque de contagion entre crise bancaire et crise des dettes souveraines. À cet effet, il a été décidé de définir les conditions dans lesquelles le Mécanisme européen de stabilité pourrait recapitaliser directement, sans passer par les comptes publics, les banques en difficulté10.

LE MÉCANISME EUROPÉEN DE STABILITÉ

Inauguré officiellement le 8 octobre 2012, après l’entrée en vigueur du traité l’instituant le 27 septembre 2012, le MES est une organisation internationale soumise au droit international public.

Tous les États dont la monnaie est l’euro en sont membres, mais les autres États membres de l’Union peuvent participer, au cas par cas, aux côtés du MES, à une opération d’assistance financière en faveur d’États de la zone euro

Le MES a pour but de mobiliser des ressources financières afin de fournir, sous une stricte conditionnalité, un soutien à ses membres qui connaissent ou risquent de connaître de graves problèmes de financement susceptibles de porter atteinte à la stabilité financière de la zone euro. À cette fin, il est autorisé à lever des fonds en émettant des instruments financiers ou en concluant des accords ou des arrangements financiers avec ses membres, des institutions financières ou d’autres tiers.

Le MES est doté d’un conseil des gouverneurs composé des ministres des finances des États membres, d’un conseil d’administration et d’un directeur général. Les décisions les plus importantes (modification du capital, octroi d’un soutien à la stabilité, appels de fonds, modification de la liste des instruments d’assistance financière) sont prises par le conseil des gouverneurs à l’unanimité des membres participant au vote, les abstentions ne faisant pas obstacle à l’adoption de la décision. En cas d’urgence, les décisions peuvent être prises à la majorité qualifiée de 85 %. Les autres décisions sont prises à la majorité qualifiée de 80 % des voix exprimées ou à la majorité simple.

Le MES repose sur un capital souscrit par les États de la zone euro, qui est fixé à 700 milliards d’euros et se compose de parts libérées et de parts appelables. La valeur initiale des parts libérées s’élève à 80 milliards d’euros. La quote-part de la France s’établit à 20,3859 %. La souscription de la France au capital autorisé s’établit ainsi à 142,7 milliards d’euros, dont 16,3 milliards de parts libérées, qui doivent être versés en cinq tranches de 3,3 milliards (trois tranches l’ont déjà été en octobre 2012 et avril 2013, deux doivent encore l’être, une en octobre 2013 et la dernière en avril 2014).

Compte tenu de l’engagement à débourser du Fonds européen de stabilité financière (FESF, institution temporaire supprimée en juin 2013 et remplacée par le MES) de près de 200 milliards d’euros (au titre des programmes grec, irlandais et portugais), le MES dispose d’une capacité nouvelle de 500 milliards d’euros environ.

À ce jour, seules l’Espagne et Chypre ont bénéficié d’une assistance financière du MES, qui est intervenue sous forme de prêts, à hauteur de 41 milliards d’euros (décaissés en décembre 2012 et février 2013) pour la première (sur une enveloppe maximale de 100 milliards d’euros autorisée par l’Eurogroupe), 3 milliards d’euros (décaissés en mai et juin 2013) pour la seconde (sur une enveloppe maximale de 9 milliards d’euros).

C’est le 20 juin 2013 que l’Eurogroupe est parvenu à un accord sur les grandes lignes du cadre opérationnel de recapitalisation des banques par le MES. Vos rapporteurs s’en félicitent. Toutefois, si les grands principes ont été posés, la finalisation du dispositif demeure encore suspendue à l’accord entre le Conseil et le Parlement européen sur les directives relatives aux systèmes de garantie des dépôts d’une part et au redressement et à la résolution des défaillances bancaires d’autre part, ce qui ne devrait pas intervenir avant la fin de l’année. Il conviendra en outre de procéder, sur le fondement de l’article 19 du traité, à la modification de la liste des instruments d’assistance financière, ce qui requerra l’unanimité. Enfin, la possibilité de recourir à ce nouveau mécanisme est subordonnée à la mise en place effective du MSU.

Outre ces prérequis, de nombreux verrous ont été posés à la possibilité de recapitalisation directe des banques par le MES. Ainsi, le montant maximal mobilisable au titre de la recapitalisation directe des banques s’élèvera à 60 milliards d’euros, ce qui demeure assez limité au regard des 500 milliards de dotation du MES. Le directeur général du fonds, Klaus Regling, a toutefois estimé que cela devrait être « plus que suffisant », ce qui est discutable dans le cas des banques systémiques. Une souplesse est malgré tout prévue puisque le conseil des gouverneurs pourra revoir ce plafond.

De plus, tout État qui sollicitera le MES pour une banque en difficulté devra participer en partie à sa recapitalisation. Si la banque concernée n’atteint pas le ratio de noyau dur des fonds propres de base exigé par Bâle III (« Common Equity Tier 1 ») de 4,5 %, l’État devra la recapitaliser en conséquence, avant toute intervention du MES. Si ce ratio est respecté, l’État devra contribuer à la recapitalisation aux côtés du MES à hauteur de 20 % les deux premières années de la mise en place du mécanisme, 10 % ensuite. Si la contribution au titre du respect du ratio prudentiel s’avère inférieure à la participation à la recapitalisation, l’État membre devra s’enquérir de la différence.

Enfin, une éventuelle application rétroactive du mécanisme sera décidée au cas par cas par le conseil des gouverneurs. Ce dernier point, auquel l’Allemagne était farouchement opposée – M. Michael CLAUß, directeur Europe au ministère des Affaires étrangères allemand que la mission d’information a rencontré à Berlin, a été très clair à ce sujet –, est plus particulièrement susceptible de concerner l’Irlande.

Il en résulte que la probabilité que le Mécanisme européen de stabilité puisse intervenir dans l’année qui vient, en particulier si des besoins de recapitalisation apparaissaient à l’issue de la revue de la qualité des actifs bancaires, est très faible.

Aussi, vos rapporteurs, qui rappellent que l’objectif de ce dispositif est de couper le lien entre les banques et les dettes souveraines, craignent que, compte tenu des conditions de mise en œuvre très strictes ainsi définies, le mécanisme ne puisse être mis en œuvre si des besoins de recapitalisation apparaissaient à l’issue de l’examen des bilans bancaires prévu en 2014 et que la charge en incombe totalement aux États, alors que ces derniers ont entrepris des efforts de redressement de leurs finances publiques.

L’intervention du MES auprès d’une banque lui octroiera un droit de regard, notamment sur la gestion et le versement des bonus au management. Chaque recapitalisation directe se traduira par la création d’une filiale du MES.

Rompre le lien entre risque souverain et risque bancaire suppose de compléter le mécanisme de supervision unique par un mécanisme de résolution unique, c’est-à-dire un dispositif permettant de procéder à la liquidation des banques défaillantes sans entraîner d’instabilité financière. La mise en place de ce mécanisme nécessite au préalable la définition de règles de résolution harmonisées.

À cet égard, il convient de rappeler que le conseil des ministres a adopté, le 19 décembre 2012, le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, qui prévoit notamment la mise en place d’un régime de prévention et de résolution des crises bancaires en France11. Ce projet de loi a fait l’objet d’une deuxième lecture à l’Assemblée nationale le 5 juin 2013 et au Sénat le 26 juin 2013.

Alors que les négociations sur la proposition de directive établissant un cadre pour le redressement et la résolution des défaillances bancaires sont en cours – un accord politique a été trouvé au Conseil le 27 juin 2013 –, la réflexion en est à ses prémisses s’agissant des établissements financiers non bancaires.

À la suite de sa consultation de janvier 2011, la Commission européenne a présenté, le 6 juin 2012, une proposition de directive12 qui a pour objet d’harmoniser les règles nationales en matière de redressement et de résolution des défaillances bancaires, avec comme principes directeurs de préserver la stabilité financière et la confiance dans les banques, d’éviter la contagion des problèmes, de réduire au maximum les pertes pour la société (en particulier pour les contribuables), de protéger les déposants, d’assurer la continuité des services financiers essentiels, de réduire l’aléa moral, et, enfin, de renforcer le marché intérieur des services bancaires tout en maintenant des conditions de concurrence équitables.

Reprenant les recommandations adoptées par le G20 en octobre 2011, cette proposition de directive prévoit que les autorités nationales de résolution disposent de pouvoirs étendus pour éviter les crises bancaires et résoudre de manière ordonnée les défaillances des établissements financiers en cas d’insolvabilité, tout en minimisant l’exposition des contribuables aux pertes. Il s’agit ainsi d’éviter que ne se reproduisent les « sauvetages bancaires » intervenus depuis 2008, pour lesquels les États ont mobilisé au titre des aides d’État et avec l’accord de la Commission européenne, 1 616 milliards d’euros entre 2008 et 2011, soit 12,8 % du PIB, dont 1 085 milliards consacrés aux garanties, 322 milliards aux recapitalisations, 120 milliards aux sauvetages d’actifs dépréciés et 89 milliards aux mesures d’injection de liquidités13.

La proposition de directive dispose ainsi que les banques élaborent des plans de redressement et de résolution, qui décrivent les mesures qu’elles prendront en cas de dégradation de leur situation financière. Les autorités de résolution peuvent en outre revoir la structure des banques si celle-ci est susceptible de gêner la mise en œuvre des pouvoirs de résolution.

Le projet de texte autorise des mesures d’intervention précoce, comme la nomination d’un administrateur provisoire, l’interdiction du paiement de dividendes ou la limitation des activités présentant un risque excessif, dès qu’une banque est susceptible d’avoir des difficultés sérieuses.

Si les étapes précédentes n’ont pas résolu les problèmes, la possibilité d’une prise de contrôle de la banque défaillante par les autorités nationales compétentes est prévue avec, notamment, la mise en œuvre d’instruments nouveaux en matière de résolution comme les transferts d’actifs, les imputations des pertes et les diminutions des passifs par le renflouement interne. L’ensemble de ce processus doit être conduit avant toute mobilisation de deniers publics pour restructurer ou liquider une banque.

Alors que le Conseil européen des 13 et 14 décembre 2012 avait fermement indiqué que la proposition de directive d’harmonisation des règles de résolution ainsi que celle relative à la modernisation du système de garantie des dépôts14 dont la négociation est désormais liée devaient faire l’objet d’un accord au Conseil avant la fin du mois de mars et être adoptées par les co–législateurs avant juin 2013, force est de constater que les discussions au sein du Conseil ont été difficiles, puisqu’un accord politique sur la proposition législative relative à la résolution n’a pu être trouvé que le 27 juin 2013 et que les négociations sur les systèmes de garantie des dépôts, gelées dans l’attente d’un accord sur la résolution, vont seulement pouvoir reprendre.

Les principaux enjeux portent sur le mécanisme de renflouement interne et, de manière plus générale, la hiérarchie d’appel des « contributeurs » – privés et publics – en cas de défaillance bancaire ainsi que sur la constitution des fonds de résolution.

La mise en place d’un mécanisme de renflouement interne (« bail in »), qui prévoit la mise à contribution des actionnaires, sociétaires et créanciers en cas de résolution, constitue le pivot de la proposition de directive. Il s’agit ainsi d’éviter un « bail out », c’est-à-dire un renflouement par la banque centrale ou l’État et de casser, ou tout au moins d’atténuer, l’aléa moral lié à la garantie implicite de l’État. C’est également un moyen d’inciter davantage les créanciers d’une banque à suivre ses activités.

Les propositions de la Commission européenne ont reçu le soutien du groupe d’experts présidé par M. Erkki Liikanen, qui s’est, en particulier, montré favorable à l’affectation d’instruments spécifiques au renflouement interne, estimant que ces dettes devaient être détenues en dehors du système bancaire pour une plus grande efficacité.

La difficile gestion de la crise chypriote – et plus particulièrement les revirements sur la mobilisation des dépôts – a montré combien il était important de définir des règles claires en matière de renflouement des banques.

La définition de ces règles soulève toutefois plusieurs questions, pour la plupart interdépendantes : quelle articulation entre renflouement interne et externe ? quelle hiérarchie entre créanciers privés ? à quel stade doit intervenir la participation des banques via les fonds de résolution ? quelle marge d’appréciation pour les autorités nationales ? quel montant pour les fonds de résolution ? les fonds de résolution doivent-ils être distincts des fonds de garantie des dépôts ? jusqu’où doit aller la mutualisation des fonds de résolution nationaux ? quel niveau minimum de dette susceptible d’être mise à contribution doit être détenu par une banque ?

La première question concerne la nature du « bail in ». S’agissant de la hiérarchie d’appel des contributeurs, la protection des dépôts inférieurs à 100 000 euros (prévue par la proposition de directive du 12 juillet 2010 relative aux systèmes de garantie des dépôts) et la primauté d’appel des actionnaires puis des créanciers juniors ne font pas débat.

En revanche, au sein de la catégorie des créanciers seniors, faut-il accorder le même traitement aux créanciers obligataires et à l’ensemble des personnes, physiques et morales, dont les dépôts sont supérieurs à 100 000 euros ? Selon les intérêts défendus par les États membres, les objectifs sont multiples et, pour certains, contradictoires : prévenir les risques de mouvements de retraits massifs des déposants (ou « bank run ») – en particulier dans le cas des banques qui se caractérisent par une prédominance des dépôts et où, en cas de problème, les déposants seraient rapidement mobilisés –; éviter – comme c’est aujourd’hui le cas à Chypre – que les PME soient très touchées ; ne pas générer de paniques de marché en faisant porter de manière systématique la charge sur les créanciers obligataires et ne pas entraîner d’effets de distorsion en faveur des dépôts par rapport aux obligations émises par les banques qui conduiraient à un renchérissement de leur coût de financement.

Il convient de souligner que, sur cette question, le projet de loi français s’est volontairement placé en retrait. Il vise en effet tout d’abord les actionnaires et les sociétaires, puis les créanciers subordonnés et enfin les créanciers « juniors », mais ignore les créanciers « seniors », au motif que ce point n’a pas encore été tranché au niveau européen et qu’il convient de ne pas introduire de désavantage concurrentiel à ce stade.

Pour sa part, la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen a adopté, le 20 mai 2013 une position commune sur un cadre communautaire pour la résolution des crises bancaires où elle affirme la nécessité de protéger les dépôts inférieurs à 100 000 euros et privilégie la hiérarchie suivante pour le renflouement interne : les actionnaires, les créanciers juniors et seniors non garantis, les dépôts supérieurs à 100 000 euros.

Une deuxième question se pose : faut-il privilégier le principe posé par la Commission européenne selon lequel l’injection d’argent public n’est possible qu’une fois les créanciers privés et les fonds de résolution mobilisés ou faut-il, à l’instar de ce qui s’est produit dans les années 1990 en Suède et plus récemment au Royaume-Uni, laisser aux États la possibilité de nationaliser à tout moment une banque de manière temporaire ? Le risque, mis en évidence par M. Olivier Guersent, chef du cabinet du commissaire européen chargé des services financiers, est de créer deux catégories d’États membres, ceux du Nord et ceux du Sud de l’Europe. Convaincus de bénéficier d’une garantie implicite d’un État aux finances publiques solides, les investisseurs et déposants privilégieraient les banques installées dans les pays du Nord, accroissant ainsi les difficultés de financement dans les pays du Sud.

La troisième question, connexe, est celle de la marge d’appréciation (ou « flexibilité ») laissée aux autorités nationales. De nombreux États, comme la France et la Suède, défendent la possibilité d’inclure (ou non) certains créanciers en fonction des circonstances propres à chaque restructuration. D’autres, comme l’Allemagne, la Finlande et les Pays-Bas, plaident pour des règles aussi harmonisées possibles afin de minimiser les distorsions de concurrence. La Commission et la Banque centrale européennes estiment qu’il ne faut pas multiplier les dérogations et que le pouvoir discrétionnaire de l’autorité de résolution doit être limité. Lors de son audition par l’Assemblée nationale le 26 juin 2013, le président de la Banque centrale européenne a d’ailleurs été très clair : « dans ces cas de « gone concern » [banques en liquidation], cette flexibilité doit être réduite au minimum. Il n’y en a aucune aux États-Unis et l’on n’a recours à l’argent public qu’en cas de risque systémique, lorsque l’on craint que la résolution d’une banque ne produise une réaction en chaîne ».

Le dernier sujet de discussion important est celui relatif aux fonds de résolution qui, alimentés par l’industrie bancaire, ont pour objet de financer les mesures prises dans le cadre d’une procédure de résolution. Faut-il fusionner ces fonds avec les fonds de garantie des dépôts ou, au contraire, garantir leur étanchéité ? Quel montant doit être privilégié ? Quel degré de mutualisation est envisageable pour ces fonds nationaux?

La Commission européenne propose que le financement de la résolution demeure national, avec la possibilité pour les États membres de mettre en place des fonds nationaux de résolution pour financer les restructurations, susceptibles de financer également la garantie des dépôts, atteignant une dotation équivalente à 1 % des dépôts en dix ans. L’ensemble du mécanisme doit toutefois être en mesure de garantir le remboursement des déposants en cas de défaillance. Une interaction entre les fonds nationaux pourrait être envisagée : les fonds nationaux pourraient être appelés mutuellement, par exemple à hauteur de 20 %, si le renflouement interne ne suffisait pas.

Toutefois, le Parlement européen a signalé à plusieurs reprises (notamment dans sa résolution du 7 juillet 2010 contenant des recommandations à la Commission sur la gestion des crises transfrontalières dans le secteur bancaire et dans sa résolution du 16 février 2012 sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux systèmes de garantie des dépôts) sa volonté que soit la garantie l’« étanchéité » des fonds de résolution et de garantie des dépôts.

Dans son projet de loi, la France fait le choix d’un fonds unique pour la garantie des dépôts et la résolution.

Le niveau de financement des fonds de résolution dépend de leur fusion ou non avec les fonds de garantie des dépôts, mais également des modalités de « bail in » retenues et de la flexibilité permise ainsi que du niveau minimum de dette susceptible d’être mise à contribution qui doit être détenu par une banque. Selon les modèles bancaires que les États membres défendent, certains souhaitent limiter l’assiette de la contribution aux dépôts, d’autres l’étendre aux engagements. Dans son projet de loi présenté le 19 décembre 2012, le gouvernement français avançait une cible de 10 milliards d’euros en 2020, soit 1 % des dépôts, pour le fonds de garantie des dépôts et de résolution.

La mutualisation ou non du financement divise également : l’Allemagne et le Royaume-Uni y sont opposés, tandis que la France, l’Italie et l’Espagne y sont favorables. Le Parlement européen s’est aussi exprimé en faveur de la mutualisation du financement au niveau européen.

Au total, vos rapporteurs estiment que la logique européenne veut que les conséquences d’une défaillance d’un établissement de crédit soient tout d’abord prises en charge par le mécanisme de renflouement interne, puis par l’industrie bancaire via des fonds de résolution – les fonds européens pouvant être dans un premier temps mis en réseau et dans un second temps fusionnés – et, en dernier ressort, par le Mécanisme européen de stabilité. Dans l’attente de la mise en place et de la montée en puissance des fonds de résolution (10 ans sont prévus), le MES devra jouer le rôle de mécanisme de soutien public complémentaire via des facilités de prêts aux États membres ou la recapitalisation directe.

Le renflouement interne devrait d’abord être mettre à contribution, au travers d’une dépréciation ou d’une conversion en fonds propres de leurs créances, les actionnaires, puis les créanciers juniors et, enfin, les créanciers seniors. S’agissant de cette dernière catégorie, vos rapporteurs sont d’avis qu’il convient de prévoir la possibilité d’exclure, au cas par cas, les dépôts supérieurs à 100 000 euros des personnes physiques et des petites et moyennes entreprises, sachant que, en tout état de cause, les dépôts inférieurs à 100 000 euros sont protégés par le système de garantie des dépôts. Cette souplesse a pour objet de prévenir les risques de panique bancaire, qui se traduirait par une course vers les guichets.

Vos rapporteurs sont enfin favorables à une fusion des fonds, à même de favoriser les synergies, en particulier en ce qui concerne leur gestion. L’existence d’un cadre de résolution limitant la contagion réduit le nombre de défaillances bancaires et, par voie de conséquence, la probabilité de recourir aux systèmes de garantie des dépôts pour des indemnisations. Il peut en outre être moins coûteux de financer la résolution ordonnée d’une banque que de laisser une banque déposer son bilan et devoir rembourser les déposants. En tout état de cause, il doit être prévu que l’ensemble du mécanisme demeure en mesure de garantir le remboursement des déposants en cas de défaillance.

PRINCIPAUX TERMES DE L’ACCORD INTERVENU AU CONSEIL

LE 27 JUIN 2013 SUR L’HARMONISATION DES RÈGLES DE RÉSOLUTION

I. Mécanisme de renflouement interne

La hiérarchie retenue est la suivante : actionnaires, créanciers juniors, créanciers séniors, puis, parmi les détenteurs de dépôts supérieurs à 100 000 euros : grandes entreprises, puis PME et particuliers. Sont exclus les dépôts inférieurs à 100 000 euros (ce sont les fonds de garantie des dépôts qui interviendront) ainsi que plusieurs catégories de dettes comme les salaires, les obligations garanties ou les instruments interbancaires dont la maturité est inférieure à 7 jours.

Un pouvoir discrétionnaire est accordé aux États membres pour adapter le choix des investisseurs privés mobilisés en fonction des circonstances (en particulier en cas de risque de contagion) et de la nature de la banque. Cette marge d’appréciation ne pourra être mobilisée qu’après que 8 % des instruments éligibles auront fait l’objet d’un renflouement interne. L’autorité nationale de résolution pourra alors faire appel, dans la limite de 5 % du passif total de la banque, au fonds national de résolution, à des ressources fournies ex post par les banques, à une contribution de l’État ou du MES. Notification en sera faite à la Commission européenne. Dans la pratique, ces cas de figure devraient être assez rares et la possibilité de créer une banque de défaisance pourrait constituer un moyen de contournement.

II. Interventions du Mécanisme européen de stabilité

Deux cas de figure sont prévus pour les interventions du MES en cas de restructuration bancaire :

– le MES pourra être mobilisé lorsque les États membres feront jouer leur pouvoir discrétionnaire une fois que 8 % des instruments éligibles auront fait l’objet d’un renflouement supporté par les actionnaires et les créanciers. Il interviendra alors après épuisement du fonds national de résolution. Il s’agira alors d’une recapitalisation « indirecte » : soumis à conditionnalité, le prêt ainsi mobilisé transitera à travers les comptes de l’État d’origine de la banque défaillante ;

– le MES pourra procéder à la recapitalisation directe d’une banque conformément à l’accord conclu au sein de l’Eurogroupe.

III. Fonds nationaux de résolution

Chaque État membre devra créer un fonds national de restructuration, qui sera alimenté ex ante par l’industrie. Ce fonds devra atteindre, d’ici à 10 ans, un montant équivalent à au moins 0,8 % des dépôts couverts de toutes les institutions financières ayant reçu l’agrément dans un État membre. Si le fonds de résolution est fusionné avec le fonds de garantie des dépôts, la dotation de l’ensemble s’établirait à 1,3 %, compte tenu de l’accord obtenu au Conseil en juin 2011 sur la dotation des fonds de garantie des dépôts (0,5 % des dépôts couverts) ;

Un fonds national de restructuration pourra prêter, sur une base volontaire, à son homologue d’un autre pays.

À la suite de la présentation de la proposition de directive relative aux établissements de crédit et entreprises d’investissement, la Commission européenne a lancé, le 8 octobre 2012, une consultation relative à la mise en place d’un cadre de redressement et de résolution pour les institutions financières autres que les banques.

Il s’agit ainsi d’examiner, en cohérence avec les travaux engagés au niveau international, quelles mesures spécifiques pourraient assurer le redressement et la résolution ordonnée de différents types d’institutions non-bancaires, notamment les contreparties centrales, les dépositaires centraux de titres et les assureurs systémiques.

Compte tenu de l’importance de ce système bancaire parallèle (il représenterait 22 000 milliards de dollars d’actifs dans la zone euro et 9 000 milliards de dollars au Royaume-Uni), il s’agit d’un chantier essentiel, qui devrait malheureusement peu avancer avant les élections européennes.

Dans ses conclusions des 13 et 14 décembre 2012, le Conseil européen a donné la feuille de route à suivre pour la mise en place d’un mécanisme de résolution unique, corollaire du mécanisme de surveillance unique.

Après avoir rappelé la nécessité d’aboutir dans les négociations sur les propositions de directives relatives au redressement des banques et à la résolution de leurs défaillances ainsi qu’aux systèmes de garantie des dépôts, il a en effet indiqué que « la Commission présentera, dans le courant de 2013, une proposition relative à un mécanisme de résolution unique pour les États membres participant au MSU, que les co–législateurs examineront en priorité dans l’intention de l’adopter dans le courant du cycle parlementaire en cours. Ce mécanisme de résolution unique devrait permettre de préserver la stabilité financière et d’assurer un cadre effectif pour la résolution des défaillances des établissements financiers, tout en protégeant les contribuables lors de crises bancaires. Il devrait s’appuyer sur les contributions du secteur financier lui-même et comporter des dispositifs de soutien appropriés et effectifs. Ce dispositif de soutien devrait être neutre à moyen terme sur le plan budgétaire, en garantissant que l’aide publique soit compensée par des prélèvements ex post sur le secteur financier ».

Alors que la Commission européenne devait présenter sa proposition législative dans la première quinzaine du mois de juillet, le président de la République et la chancelière de la République fédérale d’Allemagne ont souhaité, dans leur contribution présentée le 30 mai 2013, proposer des lignes directrices pour le mécanisme de résolution unique.

LES LIGNES DIRECTRICES DU MÉCANISME DE RÉSOLUTION UNIQUE

DÉFINIES DANS LA CONTRIBUTION FRANCO-ALLEMANDE

La mise en place du mécanisme de résolution unique devra s’opérer sur la base des traités existants et des principes ci-après définis :

– un conseil de résolution unique associant les autorités de résolution nationales et permettant une prise de décisions rapide, efficace et cohérente au niveau central ;

– le mécanisme de résolution unique devrait s’appuyer sur les contributions du secteur financier lui-même, assurant à terme le préfinancement d’un dispositif de soutien privé approprié et effectif sur la base des dispositifs de soutien privés au niveau national ;

– tandis que les éléments de soutien privés monteront en puissance, le MES devrait jouer un rôle de mécanisme de soutien public complémentaire au moyen de facilités de prêt aux États membres ou d’une recapitalisation directe sur la base des critères opérationnels qui restent à définir ;

– pour l’avenir, la possibilité de rapprocher le mécanisme de résolution unique et le MES pourra être étudiée.

Les principales questions soulevées sont celles relatives à la forme de l’autorité de résolution unique et au financement de la résolution.

La nécessité de rompre le lien entre risque bancaire et risque souverain impose la mise en place rapide d’un organisme de résolution européen. Sur fond de divergences sur la base juridique pertinente, les options avancées vont de la d’un simple réseau d’autorités nationales à une autorité centrale ad hoc.

Alors que l’option de lui confier la mission de résolution a été écartée, la BCE devrait intervenir simplement en tant qu’autorité de supervision, en amont de la procédure, en signalant les banques confrontées à des difficultés financières nécessitant une procédure de résolution.

Parmi les pistes de réflexion relatives à la future autorité de résolution figure celle de faire du Mécanisme européen de stabilité l’autorité de résolution. Si c’est une piste séduisante, elle se heurte, à court terme du moins, au caractère intergouvernemental du MES et aux problématiques d’articulation avec le droit communautaire. Une autre option pourrait consister à mettre en place une autorité européenne ad hoc qui lui serait adossée.

La mise en réseau des autorités nationales est mise en avant par l’Allemagne, qui estime que la constitution d’une autorité centrale nécessite la révision des traités et qu’il convient, par conséquent, de privilégier la mise en place d’un réseau d’autorités nationales de restructuration afin de créer l’union bancaire dans les délais fixés. L’ensemble des interlocuteurs rencontrés par la mission d’information à Berlin, que ce soit au ministère des Finances, au ministère des Affaires étrangères ou à la chancellerie, ont été unanimes : à court terme, la décision de résolution d’une banque ainsi que son financement doivent rester nationaux. M. Steffen Kampeter et M. Franz Neueder ont d’ailleurs précisé à la mission d’information que la contribution franco-allemande du 30 mai 2013 qui mentionne « un conseil de résolution unique associant les autorités de résolution nationales », vise, selon la lecture qu’ils en font, une mise en réseau des autorités nationales, omettant ainsi que cette contribution précise que ce conseil doit permettre « une prise de décisions rapide, efficace et cohérente au niveau central ».

Certains estiment au contraire qu’il est possible de créer une véritable autorité de résolution européenne sans modifier les traités.

Se fondant sur l’article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne15, la Commission européenne propose la mise en place d’un conseil de résolution unique dirigé par un directeur exécutif, lui-même secondé par un directeur exécutif adjoint, et composé d’un représentant de la BCE, d’un représentant de la Commission européenne et d’un représentant de chacune des autorités nationales de résolution. Ce conseil aurait pour fonction de définir la stratégie à adopter pour la résolution d’une banque, en particulier les instruments à mobiliser et le niveau d’intervention du fonds de résolution. Il lui reviendrait également de superviser la mise en œuvre, par les autorités nationales, de la résolution ; si une autorité nationale de résolution ne se conformait pas à ses décisions, il pourrait adresser des ordres exécutoires directement aux banques en difficulté. Toutefois, l’autorité centrale de décision serait la Commission européenne, puisqu’elle déciderait de procéder à la restructuration d’une banque, sur la base des recommandations du conseil de résolution unique ou de sa propre initiative.

Pour justifier son rôle, la Commission européenne s’appuie sur la jurisprudence établie par l’arrêt Meroni16, qui prévoit qu’une autorité qui n’a pas été explicitement chargée d’une compétence ne peut l’exercer. Elle estime que seule une institution de l’Union peut détenir le pouvoir de placer une banque en régime de résolution, car une telle décision suppose un jugement dans l’interprétation du droit européen. Le commissaire chargé du marché intérieur et des services Michel Barnier a fait valoir, lors du collège des commissaires le 5 juin dernier, que « seule la Commission peut jouer ce rôle dans les conditions de rapidité et d’objectivité requises, d’autant qu’elle a acquis au cours de la crise une solide expérience de la restructuration des banques dans le cas du contrôle des aides d’État ». Il a d’ailleurs précisé à cette occasion que le conseil de résolution devrait s’appuyer sur une équipe de l’ordre de 150 personnes et que le financement en serait assuré par des redevances versées par les banques.

La proposition de la Commission européenne soulève de multiples questions de fond et de forme sur lesquelles vos rapporteurs reviendront plus en détail dans un rapport d’information spécifique.

À ce stade, vos rapporteurs estiment qu’il est important de mettre en place un mécanisme fort : il faut éviter d’avoir un réseau dans lequel, finalement, chacun prendrait ses décisions seul. Un simple réseau ne pourrait en effet fonctionner de manière efficace, notamment parce qu’il ne pourrait procéder à des arbitrages en cas de crise transfrontière. Ainsi que l’ont souligné les conseillers du président Herman Van Rompuy MM. Jean-Pierre Vidal et Shahin Vallée devant la mission d’information, combiner une supervision unique avec une résolution décentralisée créerait des difficultés majeures. Il convient en conséquence de mettre en place une autorité centrale, qui puisse intervenir rapidement et rendre des arbitrages. L’objectif est d’éviter les effets externes négatifs qui peuvent résulter de décisions purement nationales ainsi que des situations comme celles de Dexia, où la coopération transfrontière en matière de résolution s’est avérée longue et compliquée. Il importe également que l’autorité de résolution unique soit responsable devant la représentation démocratique. Il faut enfin veiller à la bonne articulation de l’autorité avec les problématiques en matière d’aides d’État.

Le mécanisme de résolution unique doit aussi reposer sur un fonds de résolution unique, alimenté ex ante par les banques, qui doit permettre des économies d’échelle et une mobilisation plus efficace qu’un réseau de fonds nationaux. Des contributions complémentaires doivent par ailleurs pouvoir être perçues ex post, en cas de nécessité.

L’Allemagne est opposée à toute forme de mutualisation à ce stade. M. Michael Clauß, directeur Europe au ministère des Affaires étrangères allemand, a ainsi souligné devant la mission d’information que, dans le futur proche, le financement doit continuer à relever du niveau national.

La Commission européenne est favorable à la mise en place d’un fonds unique de restructuration alimenté par les contributions du secteur bancaire. Il pourrait s’élever, à l’issue de sa montée en puissance étalée sur une période de dix ans, à 1 % des dépôts de toutes les institutions concernées. La contribution dépendrait notamment du niveau de risque pris par le système bancaire national. Le fonds européen pourrait être abondé par les fonds nationaux jusqu’à épuisement.

Vos rapporteurs estiment que la logique de la mise en place d’un mécanisme de résolution unique appelle la création d’un fonds européen de résolution, alimenté ex ante par des prélèvements pondérés en fonction des risques auprès des banques, et appuyé sur une ligne de crédit public du MES qui interviendrait en cas d’insuffisance du fonds puis serait remboursé par des contributions ex post des banques. Ce dispositif serait ainsi neutre d’un point de vue budgétaire. C’est le modèle du système américain FDIC, qui a fait ses preuves.

Alors que le parachèvement de l’union bancaire suppose l’instauration d’une protection unique des déposants via un système européen de garantie des dépôts, force est de constater que ce chantier est le moins abouti.

La proposition de directive du 12 juillet 2010 relative aux systèmes de garantie des dépôts vise en effet simplement une harmonisation des règles, en prévoyant notamment un élargissement du champ de la couverture et un relèvement à 100 000 euros du montant des dépôts garantis.

L’Allemagne, dont les caisses d’épargne et les banques mutualistes ne disposent pas à proprement parler de systèmes de garantie des dépôts mais de mécanismes de sauvetage de leurs membres, refuse tout projet allant plus loin.

La chancelière de la République fédérale d’Allemagne a ainsi rappelé le 24 avril 2013 dans un discours prononcé à Dresde devant les représentants du secteur bancaire allemand que « le gouvernement refuse un dispositif unique de garantie des dépôts, au moins à moyen terme mais (…) soutient vigoureusement l’harmonisation à court terme des systèmes de garantie des dépôts en Europe (…) avec la définition de standards communs ». Le président de la Bundesbank, Jens Weidmann, estime également que « le niveau d’intégration des EM et des systèmes financiers ne permet pas encore la mise en place d’une garantie européenne unique des dépôts : (…) ce qui se trouve dans les bilans bancaires est le résultat de politiques économiques nationales qui, elles-mêmes, ne sont pas actuellement soumises à un contrôle européen ». La position défendue est ainsi que tant que les politiques économiques et budgétaires ne seront pas intégrées, il conviendra de partager les coûts liés aux risques bancaires entre le niveau national et le niveau européen.

De fait, si le Conseil européen a initié les chantiers relatifs aux mécanismes de surveillance et de résolution uniques, il n’a jamais indiqué explicitement qu’il désirait aller plus loin dans la mise en place d’un système de garantie des dépôts unique.

Vos rapporteurs appellent en conséquence à une mobilisation forte des États et de la Commission européenne, pour structurer ce troisième pilier, qui doit parachever parachever l’union bancaire.

La fragmentation des marchés, qui se traduit dans les écarts existant entre les conditions financières et l’accès au crédit dans les pays de la zone euro, s’est réduite depuis l’annonce, par la BCE, de son programme « OMT », qui prévoit la possibilité d’un rachat illimité d’obligations souveraines.

Les coûts de financement ont en effet convergé, particulièrement en ce qui concerne les dépôts – sachant que plus les dépôts divergent selon les pays, plus la fragmentation soulève de difficultés –, si bien que la divergence a presque disparu en matière de financement. Il n’en va pas de même en matière de crédit : les flux de crédits restent faibles en direction des ménages et davantage encore en direction des PME. Ainsi, dans certains pays, comme l’Italie, les PME n’ont plus accès au crédit malgré la politique de taux bas pratiquée par la BCE.

Devant ce constat et la volonté de la Banque européenne d’investissement (BEI) de préserver à tout prix sa notation « AAA » (les interlocuteurs rencontrés par la mission d’information ont été unanimes pour dénoncer sa frilosité), certains États, comme l’Allemagne, engagent des actions de manière isolée. Les Allemands mènent ainsi, par le biais de la banque KfW, une action bilatérale de soutien aux investissements dans les pays en crise comme l’Espagne, et bientôt le Portugal, ainsi que l’a exposé M. Michael Clauß, directeur Europe au ministère des Affaires étrangères allemand. C’est contraire à l’esprit même du projet européen.

Afin de remédier à cette situation, la mise en place de l’union bancaire doit s’accompagner de mécanismes complémentaires destinés à unifier les conditions de financement et d’accès au crédit. À cet effet, un groupe de travail associant la BEI et la Commission européenne a été mis en place, qui étudie notamment la possibilité d’associer des fonds structurels et des prêts de la BEI et d’augmenter l’effet de levier obtenu par une titrisation des crédits aux PME.

Sur ce sujet, essentiel à la relance de la croissance en Europe, vos rapporteurs estiment qu’il convient de privilégier des solutions européennes et de faire montre de réactivité et d’audace.

II. L’UNION ÉCONOMIQUE SUPPOSE UNE VÉRITABLE COORDINATION DES POLITIQUES ÉCONOMIQUES, Y COMPRIS DANS LEUR DIMENSION SOCIALE, ET UNE CONVERGENCE ACCRUE DES SYSTÈMES FISCAUX ET FINANCIERS

La monnaie unique a été créée car elle apparaissait comme le prolongement nécessaire du marché unique. Force est toutefois de constater que les États devant constituer la zone euro ne formaient pas, et ne forment d’ailleurs toujours pas, une zone monétaire optimale telle que définie par Robert Mundell et Marcus Fleming en 196117.

Si le pacte de stabilité et de croissance mis en place en 1997 avait pour objet de pallier ce défaut d’origine18, la manière dont il a été mis en œuvre n’a pas empêché l’apparition de déséquilibres budgétaires dans plusieurs États membres. La crise à laquelle l’Europe doit faire face depuis 2007 montre en outre les limites d’un système où la politique monétaire est centralisée tandis que les autres volets de la politique économique demeurent décentralisés. Elle a ainsi mis en évidence l’absolue nécessité d’une véritable coordination des politiques économiques.

Le pacte de stabilité et de croissance, modifié en 2001 et 2005, a été profondément révisé et complété à la suite de l’entrée en vigueur, le 13 décembre 2011, du paquet législatif dit « six-pack »19, le 1er janvier 2013, du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire et, enfin, le 30 mai 2013, du paquet législatif dit « two-pack »20.

La crise économique et financière et la crise de la dette souveraine ont donc conduit à l’adoption de nouveaux systèmes de surveillance des politiques économiques et budgétaires et d’un nouveau calendrier budgétaire. Un cycle de coordination des politiques économiques, en particulier budgétaires, a ainsi été mis en place au sein de l’Union. Visant à garantir des finances publiques saines, favoriser la croissance économique et prévenir les déséquilibres macroéconomiques excessifs, il se déroule au cours du premier semestre européen, d’où son intitulé de « semestre européen ». Il va trouver, à compter de cet automne, un prolongement au cours du second semestre de l’année, avec la procédure de suivi des budgets nationaux introduite par le « two-pack ».

Tant le volet préventif que le volet correctif du pacte de stabilité et de croissance ont été renforcés en 2011 par le « six-pack », avec comme objectifs de garantir la stabilité économique, rétablir la confiance et prévenir de nouvelles crises dans la zone euro.

Si les plafonds de 3 % du PIB pour le déficit public et de 60 % du PIB pour la dette publique sont confirmés dans le pacte de stabilité et de croissance révisé, et consacrés par le TSCG, une nouvelle approche est privilégiée, allant dans le sens d’une attention accrue portée au solde structurel et à la dette publiques ainsi que d’un meilleur respect des règles posées.

► L’accent est davantage mis sur le redressement des finances publiques apprécié en termes structurels. Les États membres doivent en effet définir leurs objectifs budgétaires à moyen terme et les actualiser au moins tous les trois ans de manière à améliorer leur solde structurel d’au moins 0,5 point de PIB par an. Les États membres très endettés (à plus de 60 % du PIB) doivent fournir un effort plus important.

Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG) stipule par ailleurs qu’à partir de janvier 2014 les déficits structurels seront limités à 0,5 % du PIB (jusqu’à 1 % en cas de circonstances exceptionnelles). Il prévoit aussi le déclenchement de mécanismes de correction automatique en cas de franchissement de la limite de déficit structurel : les États membres seront alors tenus d’indiquer dans leur législation leur stratégie de redressement ainsi que le calendrier associé.

Un nouveau critère, relatif aux dépenses, est en outre défini dans le volet préventif pour évaluer les progrès accomplis dans l’atteinte de l’objectif de moyen terme. Ainsi, la croissance des dépenses publiques ne pourra pas être plus rapide que la croissance potentielle du PIB à moyen terme, à moins d'être compensée par une augmentation équivalente des recettes.

Une meilleure prévention est assurée. Les progrès des États membres pour atteindre leurs objectifs à moyen terme sont évalués chaque année, au mois d’avril, à la suite de la transmission à la Commission européenne de leur programme de stabilité ou de convergence (selon qu’ils font ou non partie de la zone euro). Le Conseil peut inviter l’État membre à modifier son programme.

Un mécanisme d’alerte précoce est par ailleurs prévu. En cas d’« écart important » par rapport aux objectifs de moyen terme, la Commission européenne propose au Conseil d’adresser à l’État membre un avertissement. La situation de l’État membre fait ensuite l’objet d’un suivi tout au long de l’année. En l’absence d’amélioration, la Commission européenne peut proposer au Conseil, s’agissant des seuls États de la zone euro, la constitution d’un dépôt correspondant à 0,2 % du PIB et porteur d’intérêts. Ce dépôt peut être restitué à l’État membre si l’écart constaté est corrigé.

► S’agissant du volet correctif du pacte de stabilité et de croissance, une véritable attention sera désormais accordée au taux d’endettement. Après prise en compte de tous les facteurs pertinents et de la conjoncture, tout État membre dont le taux d’endettement dépassera 60 % du PIB fera l’objet d’une procédure pour déficit excessif (même si son déficit public est inférieur à 3 % du PIB) s’il ne réduit pas d’un vingtième par an, sur une moyenne de trois ans, l’écart entre son taux d’endettement et la valeur de référence de 60 %.

Le système de sanctions sur lequel repose la procédure pour déficit excessif est par ailleurs renforcé. D’une part, les pénalités financières peuvent être décidées plus en amont de la procédure. D’autre part, un nouveau système de vote est mis en place. Le Conseil peut en effet désormais imposer à un État membre de la zone euro qui ne respecte pas ses obligations une sanction financière, sauf si une majorité qualifiée d’États membres s’y oppose. Cette « majorité qualifiée inversée » rend l’application des règles plus stricte et plus automatique et assoit, par conséquent, le caractère dissuasif et crédible du mécanisme de sanction. Le TSCG va plus loin puisqu’il requiert la majorité qualifiée inversée à un stade plus précoce encore de la procédure, par exemple pour décider si un État membre doit être soumis à la procédure de déficit excessif.

L’absence de réduction du déficit public peut entraîner une amende de 0,2 % du PIB. Les pénalités financières peuvent aller jusqu’à 0,5 % du PIB si une fraude est détectée dans les statistiques et les sanctions peuvent aussi inclure une suspension des engagements du Fonds de cohésion. Les vingt-cinq États membres qui ont signé le TSCG peuvent par ailleurs se voir infliger une amende égale à 0,1 % du PIB s’ils n’ont pas correctement intégré le pacte budgétaire dans leur droit.

Centré sur la position budgétaire sous-jacente à moyen terme, le pacte de stabilité et de croissance révisé peut toutefois être appliqué de manière souple en cas de crise. Si la croissance se dégrade de manière imprévue, les États membres dont le déficit public dépasse 3 % du PIB peuvent ainsi bénéficier d’un délai supplémentaire pour le ramener sous le seuil de référence, à condition de mener les efforts structurels nécessaires.

Le renforcement du suivi des politiques économiques et budgétaires voulu par le « six-pack » et le TSCG est poursuivi par le paquet législatif dit « two-pack », qui recouvre deux règlements destinés à affermir, d’une part, le suivi et l’évaluation des projets de budget des États membres de la zone euro ainsi que la correction des déficits excessifs et, d’autre part, la surveillance des États confrontés à des difficultés financières.

Entré en vigueur le 30 mai dernier, ce paquet législatif, et plus particulièrement le règlement relatif au renforcement du suivi des projets de budgets des États membres de la zone euro, va profondément modifier la procédure d’examen des budgets nationaux dès l’automne prochain.

Outre l’exigence faite aux États membres de présenter à l’avance à l’Eurogroupe et à la Commission européenne leurs plans d’émission de dette publique, ce règlement prévoit en effet un suivi des projets de budget nationaux. Pour la première fois, l’échelon européen interviendra au cours du second semestre de l’année, traditionnellement consacré au vote du budget.

Les États membres de la zone euro devront ainsi soumettre à la Commission européenne et à l’Eurogroupe, avant le 15 octobre, leur projet de budget, sur lequel la Commission pourra émettre, avant le 30 novembre, un avis, assorti d’une demande de révision en cas de manquement particulièrement grave aux obligations de politique budgétaire prévues dans le pacte de stabilité. Ce serait notamment le cas si le projet de loi de finances initiale faisait peser un risque sur la stabilité financière de la France, pouvait compromettre le bon fonctionnement de l’Union économique et monétaire ou constituait une violation « importante et manifeste » des recommandations adoptées par le Conseil.

Cet avis ne revêt pas de caractère contraignant aujourd’hui. Mais la Commission européenne suggère, dans sa communication du 28 novembre 2012 dite « blue print », de pouvoir, à moyen terme, exiger une modification des budgets nationaux ou d’y mettre son veto. Vos rapporteurs mettent en garde devant une telle option, qui constituerait une véritable atteinte à la souveraineté des parlements nationaux, et qui ne semble, en outre, pas indispensable à la mise en place d’une union budgétaire.

À la suite de l’entrée en vigueur du two-pack, les recommandations par pays, qui font aujourd’hui l’objet d’un suivi plutôt faible – 15 recommandations sur 130 ont été mises en œuvre en 2012 –, vont en conséquence acquérir une nouvelle portée, puisque c’est notamment au regard de ces recommandations que la Commission européenne examinera les projets de budget nationaux.

Par ailleurs, une surveillance accrue est prévue pour les États faisant l’objet d’une procédure pour déficit excessif. Ils doivent assainir leur budget mais également souscrire à un « programme de partenariat économique » détaillant les réformes structurelles qu’ils entendent appliquer pour améliorer la compétitivité et stimuler la croissance de leur économie. Cette obligation, prévue dans le TSCG, est désormais également inscrite dans le droit de l’Union.

Les États membres confrontés à des difficultés financières ou faisant l’objet d’un programme d’assistance à titre de précaution dans le cadre du mécanisme européen de stabilité seront, pour leur part, placés sous « surveillance renforcée ». Ils seront régulièrement soumis à des missions d’inspection de la Commission européenne et devront fournir des informations supplémentaires sur leur secteur financier.

Les États membres dont les difficultés financières pourraient entraîner des « effets défavorables significatifs » sur le reste de la zone euro peuvent être invités à élaborer des programmes d’ajustement macroéconomique complets. Cette décision est prise par le Conseil statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission européenne. Ces programmes sont subordonnés à des missions d’inspection trimestrielles et au respect de conditions strictes en cas d’aide financière.

Enfin, un État membre fait l’objet d’une surveillance post-programme tant qu’il n’a pas remboursé au moins 75 % de l’assistance financière qu’il a reçue d’un ou plusieurs autres États membres, du MESF, du MES ou du FESF.

Le « six-pack » a instauré un système de suivi des politiques économiques qui constitue le pendant de la surveillance budgétaire organisée par le pacte de stabilité et de croissance.

Il repose sur un mécanisme d’alerte précoce, qui a pour objet d’identifier, sur la base d’un tableau de bord constitué de onze indicateurs macroéconomiques assortis de seuils d’alerte (cf. annexe n° 3), les déséquilibres macroéconomiques au sein de l’Union européenne et de déterminer les États membres dont la situation doit, en conséquence, faire l’objet d’un examen approfondi, puis, en cas de déséquilibres excessifs, de mesures correctives, dans le cadre de la procédure de surveillance des déséquilibres macroéconomiques.

Les États membres ayant fait l’objet d’un bilan approfondi sont invités à en tenir compte dans leur programme national de réforme et dans leur programme de stabilité ou de convergence. Il est tenu compte des résultats de ces bilans lors de l’élaboration, par la Commission européenne, des propositions de recommandations par pays.

Ce volet préventif s’accompagne d’un volet correctif, qui prend la forme d’une procédure pour déséquilibres excessifs. Si la Commission européenne estime qu’il existe des déséquilibres excessifs dans un État membre, elle propose au Conseil de recommander à cet État d’élaborer un plan de mesures correctives. La Commission s’assure tout au long de l’année que l’État membre procède effectivement à la correction des déséquilibres constatés.

Si la Commission juge insatisfaisant le plan d’action corrective d’un État membre de la zone euro, elle propose au Conseil de lui infliger une amende de 0,1 % du PIB par an. Si l’État membre ne prend pas de mesure corrective basée sur le plan, des pénalités financières peuvent aussi être infligées, puis revues à la hausse. Le dépôt de 0,1 % du PIB peut être transformé en amende en cas de manquement répété. Ces sanctions sont considérées comme approuvées à moins qu’une majorité d’États membres ne s’y oppose.

Le cycle de coordination mis en place depuis 2010 dans le cadre du semestre européen, et enrichi par les réformes de 2011 et 2013, débute chaque année en novembre par l’examen annuel de la croissance et se clôt, en juillet, avec l’adoption, par le Conseil, des recommandations par pays (cf. graphique en annexe n° 4).

CALENDRIER DU SEMESTRE EUROPÉEN

– Novembre : la Commission européenne propose, dans son examen annuel de croissance, les priorités économiques générales de l’Union pour l’année suivante. Le rapport sur le mécanisme d’alerte publié en parallèle recense les États membres qui risquent d’enregistrer des déséquilibres et pour lesquels il y a lieu d’effectuer un bilan approfondi de leur économie ;

– Février : le Parlement européen et les formations concernées du Conseil (emploi, économie et finances, compétitivité) débattent de l’examen annuel de la croissance. La Commission européenne publie ses prévisions économiques d’hiver ;

– Mars : le Conseil européen adopte les priorités économiques de l’Union en se fondant sur les propositions formulées par la Commission européenne dans son examen annuel de croissance ;

– Avril : les États membres présentent leurs programmes de stabilité ou de convergence et leurs programmes nationaux de réforme, qui doivent être conformes aux orientations de politique économique arrêtées en mars et à la stratégie Europe 2020. La Commission européenne publie les bilans approfondis et Eurostat procède à la vérification des données budgétaires de l’année précédente ;

– Mai : sur le fondement des priorités définies pour l’Union et de l’examen des programmes de réforme et de stabilité, la Commission européenne présente ses propositions de recommandations par pays. La Commission publie ses prévisions de printemps ;

– Juin : le Conseil européen approuve les recommandations par pays ;

– Juillet : le Conseil adopte les recommandations par pays.

À l’issue de l’élaboration de ses propositions de recommandations par pays21, la Commission européenne présente une communication générale exposant les grandes lignes de son analyse et ses propositions économiques pour l’Union, au cours de laquelle elle développe une forme de comparaison des expériences ou « benchmark ».

Elle présente ainsi, dans sa communication du 29 mai 2013, les mesures prises par les États membres dans plusieurs domaines, comme l’accès au financement des entreprises. Vos rapporteurs estiment qu’il convient de développer cette approche, essentielle pour la coordination des politiques économiques, et l’orienter davantage vers une mise en valeur des meilleures pratiques.

Le semestre européen, qui se déroule au cours des six premiers mois de l’année, va trouver, à partir de cette année, un prolongement au second semestre, avec le suivi, par la Commission européenne, des projets de budgets nationaux, sur le fondement des recommandations par pays notamment.

Si la mise en œuvre intégrale de ces mécanismes devrait permettre de franchir un premier pas vers la coordination des politiques économiques, elle risque toutefois d’être insuffisante. Il convient donc d’aller plus loin.

La crise a montré combien les politiques économiques des États membres représentent une question d’intérêt commun. Pourtant, les propositions de court et moyen termes formulées par le président du Conseil européen et la Commission européenne dans leurs travaux présentés à la fin de l’année 2012 apparaissent inabouties.

Une véritable coordination des politiques économiques doit notamment permettre de réduire les déséquilibres macroéconomiques qui existent entre les États membres, éviter qu’une décision prise par un État membre sans concertation avec ses homologues n’ait des effets négatifs sur les autres, mais également favoriser l’atteinte des objectifs de politique économique de l’Union, y compris leur volet social.

La première étape proposée par le président Herman Van Rompuy et la Commission européenne est la coordination préalable des grandes réformes, qui est prévue par l’article 11 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, qui précise que les parties contractantes veillent à ce que toutes les grandes réformes de politique économique qu’elles envisagent d’entreprendre soient débattues au préalable et, au besoin, coordonnées entre elles.

Il s’agit d’une proposition de bon sens, qui doit permettre d’éviter les comportements de « cavalier seul », mais également d’évaluer les meilleures pratiques et, ainsi, de coordonner de manière plus étroite les politiques économiques. L’analyse comparative, l’apprentissage mutuel et l’échange des bonnes pratiques, sur la base d’exemples individuels ou d’un aperçu horizontal des réformes mises en œuvre, sont en effet essentielles.

Il reste toutefois à déterminer le champ exact et la méthode de mise en œuvre de cette proposition.

Ayant été chargée d’approfondir cette piste de réflexion par le Conseil européen des 13 et 14 décembre 2012, la Commission européenne a suggéré, dans sa communication consultative du 20 mars 2013, une coordination préalable, dans le cadre du semestre européen, des grandes réformes de politiques économiques nationales intervenant dans les champs suivants : la compétitivité, l’emploi, le fonctionnement des marchés de biens et services, les industries de réseau, les systèmes fiscaux, la stabilité financière et la viabilité budgétaire. Dans son scénario, elle rendrait un avis sur les projets transmis par les États membres indiquant notamment « si la réforme proposée peut atteindre l’objectif annoncé et contribuer à améliorer la compétitivité et la capacité d’ajustement de l’État membre concerné ». Accompagné, le cas échéant, de propositions de modifications, son avis serait transmis au Conseil et à l’Eurogroupe. L’ensemble serait inclus dans le « conseil de politique économique adressé à l’État membre dans le contexte du semestre européen ».

Force est de constater, à l’instar du Parlement européen dans sa résolution du 23 mai 2013 sur les futures propositions législatives relatives à une Union économique et monétaire, l’absence de toute dimension sociale dans les champs visés. Le volet social de l’UEM a pourtant été clairement affirmé par le Conseil européen lors du sommet des 13 et 14 décembre 2012. De manière surprenante, il n’est pas non plus fait référence aux objectifs de la stratégie Europe 202022.

Vos rapporteurs estiment qu’il faut avant tout respecter les rôles des parlements nationaux et des partenaires sociaux et garantir les conditions d’une véritable appropriation au niveau national. Il convient également d’avoir pour principe directeur de ne pas rendre trop complexes et rigides les dispositifs européens et de veiller à leur cohérence.

En tout état de cause, pour être justifiée, la coordination devrait porter sur les grandes réformes ayant des effets transfrontaliers importants ou des conséquences sur le fonctionnement de l’Union économique et monétaire. Elle devrait intervenir suffisamment en amont pour avoir un intérêt et, surtout, elle devrait avoir lieu de manière souple. Si le semestre européen constitue un cadre intéressant pour la mise en œuvre de cette coordination, celle-ci doit en effet pouvoir, le cas échéant, intervenir tout au long de l’année. Elle ne doit pas enfin aboutir à un exercice bureaucratique, mais avoir une dimension politique forte.

La seconde piste proposée par le président du Conseil européen et la Commission européenne consiste dans la conclusion d’« arrangements contractuels » entre les États membres et l’échelon européen sur les réformes destinées à promouvoir la compétitivité et la croissance. Obligatoires pour les États membres de la zone euro, facultatifs pour les autres, ils seraient intégrés dans le semestre européen. Élaborés sur la base d’analyses approfondies des principaux freins à la croissance et à l’emploi, ils porteraient sur un programme de réformes pluriannuel, arrêté d’un commun accord avec les institutions de l’Union. Les réformes ainsi menées pourraient bénéficier d’un soutien financier, qui pourrait par ailleurs constituer une première étape vers une capacité budgétaire renforcée (cf. infra III.B.1.).

À la demande du Conseil européen des 13 et 14 décembre 2012, la Commission européenne a présenté, le 20 mars 2013, une communication relative à la création d’un instrument de convergence et de compétitivité, qui soumet aux parties concernées, en particulier le États membres, le Parlement européen et les parlements nationaux, les différentes options possibles.

Un décalage sémantique doit être souligné d’emblée. En effet, là où la Commission européenne parle d’« arrangements/d’accords contractuels au titre de l’instrument de convergence et de compétitivité », le Conseil se réfère à des « contrats de compétitivité et de croissance », introduisant ainsi l’objectif essentiel de la croissance.

La Commission européenne est d’avis que ce dispositif doit s’appuyer sur la procédure de prévention et de correction des déséquilibres macroéconomiques. En conséquence, il serait fait obligation aux États de la zone euro visés par une procédure de déséquilibre excessif de conclure ces accords, tandis que les États dont les déséquilibres font l’objet d’une action préventive le feraient sur une base volontaire. Ces accords contractuels seraient négociés entre chaque État membre et la Commission européenne, discutés au sein de l’Eurogroupe puis conclus avec la Commission. Les États membres s’engageraient ainsi à entreprendre certaines réformes prévues dans les recommandations par pays émises dans le cadre de la procédure relative aux déséquilibres macroéconomiques. Ces réformes bénéficieraient d’un soutien financier destiné à « permettre l’adoption et la mise en œuvre des réformes en temps opportun en supprimant, ou du moins en atténuant, les appréhensions politiques et économiques dissuasives ».

Les premiers éléments de position sur les nombreuses questions soulevées par cette proposition montrent des divergences fortes.

Quels objectifs et quel contenu donner aux contrats ? Faut-il reprendre les recommandations par pays ou avoir une acception beaucoup plus large ? Il existe une divergence de vues entre les tenants d’une approche restrictive des politiques concernées par les contrats qui privilégieraient les réformes structurelles visées dans les recommandations par pays (BCE, Pays-Bas, Royaume-Uni…) et une approche plus large que celle des seules recommandations par pays (France, Espagne, Pologne…). L’inclusion d’objectifs sociaux est notamment prônée par la France, l’Espagne et l’Autriche.

Par ailleurs, convient-il de viser plusieurs réformes ou une seule grande réforme choisie par un État ? M. Amadeu Altafaj Tardio, chef de cabinet adjoint du commissaire chargé des affaires économiques et monétaires et de l’euro, et Mme Outi Slotboom, chef d’unité à la direction générale « affaires économiques et financières » de la Commission européenne, semblaient privilégier la mise en œuvre d’une réforme par État chaque année. L’Allemagne conçoit cet outil comme un moyen de mettre en place les réformes structurelles nécessaires à la compétitivité, ainsi que l’a exposé M. Franz Neueder, adjoint au conseiller Europe de la chancelière, à la mission d’information.

Quelle valeur pour ces contrats ? À ce stade, seule une minorité d’États membres s’est montrée favorable à des contrats de compétitivité et de croissance juridiquement contraignants. L’Allemagne semble concevoir le dispositif comme un moyen de revenir, après le pacte de stabilité et de croissance, le « six-pack », le « two-pack » et le TSCG, sur la question de la surveillance de manière détournée, en agitant alternativement la carotte (à savoir les incitations financières) et le bâton (si le non-respect des engagements pouvait donner lieu à saisine de la Cour de justice).

Quel champ d’application retenir ? La majorité des États semble se retrouver sur le périmètre de la zone euro, avec une possibilité d’option pour les autres États.

Le « mécanisme de solidarité » qui serait associé aux contrats de compétitivité et de croissance ne soulève pas moins de questions. Bien au contraire. Qu’il s’agisse du type d’aides octroyé, du montant du fonds ou de son financement, les interrogations sont nombreuses et les prises de position très divergentes (cf. infra III.B.1.).

Vos rapporteurs jugent qu’il convient en premier lieu de bien s’approprier les mécanismes mis en place, dont la liste est longue, et de veiller à leur cohérence. Ainsi que l’a souligné M. Serge Guillon, conseiller du Premier ministre pour les affaires européennes, lors de son audition par la commission des Affaires européennes le 3 avril 2013, « plutôt que de multiplier les étages sans jamais remettre en cause le précédent, mieux vaudrait procéder à une évaluation de l’efficacité et de la compréhensibilité de ces dispositifs. Le processus auquel nous sommes arrivés, il faut d’abord l’absorber, le comprendre et l’appliquer avant de le compléter ».

Par ailleurs, force est de constater que ces dispositifs (pacte de stabilité et de croissance, procédure de surveillance et de correction des déséquilibres macroéconomiques, « six-pack », « two-pack », TSCG, semestre européen) ont tous pour objectif de renforcer la surveillance, qu’il s’agisse des politiques budgétaires ou des politiques macroéconomiques. Ils s’ajoutent à d’autres mécanismes, comme celui de la conditionnalité macroéconomique dans le champ de la politique de cohésion, qui poursuivent tous le même objet : accroître la surveillance.

Il est important aujourd’hui d’avoir une approche plus ambitieuse et de mieux tenir compte des politiques sociales et de l’emploi, qui sont des parties intégrantes des politiques économiques. La convergence doit être autant sociale et fiscale que strictement budgétaire ou macroéconomique. Vos rapporteurs estiment ainsi impératif de définir un horizon, qui ne soit pas seulement celui de la surveillance budgétaire et macroéconomique, mais plutôt celui de la coordination entre les pairs, notamment pour permettre un rééquilibrage des balances courantes, et de la promotion du modèle européen.

À cet égard, la contribution franco-allemande, intitulée La France et l’Allemagne ensemble pour renforcer l’Europe de la stabilité et de la croissance et présentée le 30 mai 2013, propose une méthode sage. Elle souligne en effet la nécessité de procéder, dans un premier temps, à une analyse commune des politiques économiques entendues au sens large, c’est-à-dire incluant leur dimension sociale, sur la base d’une série d’indicateurs. La France et l’Allemagne proposent, en conséquence, de conduire, à l’automne, des discussions sur les indicateurs et les domaines d’action à privilégier pour la coordination des politiques économiques. Sont notamment proposés le marché du travail, le chômage et l’inclusion sociale, les politiques de retraite, les marchés de produits, la fiscalité, l’efficacité du secteur public, l’innovation et le système d’éducation, l’enseignement et la formation professionnelle. C’est une première étape.

Il convient de ne pas négliger le risque de déséquilibres sociaux comme on a négligé dans le passé celui de déséquilibres économiques. Aussi, la dimension sociale de l’Union économique et monétaire affirmée lors du Conseil européen de décembre dernier doit-elle trouver une traduction concrète dans l’ensemble des dispositifs existants et au-delà. Elle doit emporter le suivi d’indicateurs dans le cadre du semestre européen, une procédure visant à prévenir et corriger les déséquilibres et un processus de convergence avec la définition de standards minimaux communs reflétant un niveau d’exigence élevé. En conséquence, vos rapporteurs insistent sur la nécessité de compléter la surveillance des déséquilibres macroéconomiques et des déficits publics excessifs par une surveillance des déséquilibres sociaux, sur la base d’indicateurs et de tableaux de bord sociaux.

Si les contrats de compétitivité et de croissance devaient voir le jour – nombreux sont ceux qui les qualifient d’« usine à gaz » et le flou entourant les conclusions des différents Conseils européens témoigne des difficultés à avancer sur ce sujet – vos rapporteurs estiment qu’ils devraient marquer un engagement politique et couvrir un vaste champ, incluant la dimension sociale, mais également la R&D et les investissements. Ils appelleraient un financement à la hauteur des mesures envisagées.

L’affirmation de la dimension sociale de l’Union économique et monétaire suppose également une gouvernance adaptée, avec notamment une évolution de l’Eurogroupe et une association accrue des partenaires sociaux (cf. infra IV.).

Enfin, vos rapporteurs rappellent que, dans une Union économique et monétaire, la convergence des systèmes fiscaux est indispensable, en particulier s’agissant de l’impôt sur les sociétés. Il convient, par conséquent, de relancer l’agenda en matière d’harmonisation fiscale, en commençant par reprendre les travaux sur l’assiette commune pour l’impôt sur les sociétés.

La crise chypriote a montré que la liste des critères de convergence prévus à l’article 140 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et précisés dans le protocole sur les critères de convergence pouvait présenter des lacunes, en particulier en ce qui concerne la stabilité du système financier et la solidité du système bancaire.

Outre la compatibilité de la législation d’un État membre – en particulier les statuts de sa banque centrale – avec les articles 130 et 131 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et avec les statuts du système européen de banques centrales et de la BCE, l’adhésion à la zone euro est en effet subordonnée à l’examen, par la Commission européenne et la BCE, de la réalisation d’« un degré élevé de convergence durable », qui repose sur des critères relatifs à la stabilité des prix, à la soutenabilité de la situation des finances publiques, aux fluctuations du taux de change et au niveau des taux d’intérêt à long terme. Dans leur analyse, la Commission européenne et la BCE doivent également tenir compte des résultats de l’intégration des marchés, de la situation et de l’évolution des balances des paiements courants ainsi que de l’évolution des coûts salariaux unitaires et d’autres indices de prix.

Ainsi, il n’est pas fait mention de la solidité et de la stabilité du système financier des États membres susceptibles d’entrer dans la zone euro, alors que, comme la crise chypriote nous l’a montré, il s’agit de données essentielles à la convergence et au bon fonctionnement de l’Union économique et monétaire.

Les autorités européennes, et plus particulièrement la BCE, y accordent toutefois une importance nouvelle, quoiqu’encore timide, en adoptant une interprétation extensive du « degré élevé de convergence durable » auquel il est fait référence dans le traité.

Dans le cas de la Lettonie, la Banque centrale européenne a ainsi souligné dans son rapport que si cet État membre respectait, dans l’ensemble, les critères de convergence, quelques points faibles devaient être soulignés, en particulier s’agissant du système financier et bancaire. La BCE a notamment indiqué que la soutenabilité à plus long terme de la convergence économique du pays était source de préoccupation. Elle a souligné qu’il importait que la Lettonie dispose d’une panoplie d’outils complète pour faire face aux risques pesant sur la stabilité financière, notamment ceux liés à la dépendance d’une part significative du secteur bancaire vis-à-vis des dépôts des non-résidents comme source de financement. En dépit de ces mises en garde, la Lettonie sera le dix-huitième État membre de la zone euro le 1er janvier prochain.

Par conséquent, vos rapporteurs suggèrent que soient complétés les critères d’adhésion à la zone euro, afin de tenir compte notamment de la solidité du système financier des États souhaitant adopter la monnaie unique.

Ils invitent la Commission européenne et la Banque centrale européenne à veiller scrupuleusement, dans leurs rapports de convergence, à l’examen de la stabilité financière dans ces États, condition essentielle à la « convergence économique durable » requise pour l’adoption de la monnaie unique.

Ils insistent enfin sur la nécessité de prendre en compte les critères relatifs à la solidité financière dans l’examen des déséquilibres macroéconomiques.

III. L’UNION BUDGÉTAIRE NÉCESSITE LA MISE EN PLACE D’UN BUDGET ET D’UNE CAPACITÉ D’ÉMISSION DE DETTE PROPRES À LA ZONE EURO

En matière budgétaire, beaucoup a été fait pour instaurer des règles, mais peu pour créer une véritable union budgétaire reposant sur un budget d’une dimension suffisante – permettant notamment une action contra-cyclique – et une capacité d’emprunt.

Le silence du Conseil européen des 13 et 14 décembre 2012 sur les propositions de moyen terme faites par le président du Conseil européen Herman Van Rompuy dans son rapport de décembre 2012 sur la mise en place d’une capacité budgétaire envoie, à cet égard, un mauvais signal.

Parmi les principaux mécanismes de solidarité actuels, seul le Mécanisme européen de stabilité concerne spécifiquement la zone euro.

Le principal mécanisme de solidarité concerne non pas la zone euro, mais l’ensemble de l’Union européenne. Il est toutefois très limité, puisque, de l’ordre de 150 milliards d’euros, le budget de l’Union représente 1 % environ du revenu national brut (RNB). À titre de comparaison, dans les États fédéraux, la part du budget central est 10 à 20 fois supérieure.

Le volume du budget de l’Union ne devrait, en outre, pas connaître de progression significative à moyen terme. En effet, le compromis sur le cadre financier pluriannuel pour 2014-2020 auquel ont abouti les chefs d’État et de gouvernement lors du Conseil européen des 7 et 8 février 2013, et dont les montants devraient finalement être approuvés par le Parlement européen, prévoit des plafonds de 960 milliards d’euros en engagements et 908 milliards d’euros en paiements.

Même si le Parlement européen a obtenu, au cours des négociations sur le cadre financier, une clause de révision à mi-parcours et une plus grande flexibilité dans la mobilisation des crédits, le budget de l’Union ne devrait pas atteindre une dimension suffisante pour permettre de lui donner de nouvelles fonctions.

Il s’agit, à 95 %, d’un budget d’investissement, qui organise, de fait, des transferts financiers entre États membres, en particulier par l’intermédiaire des fonds structurels. Toutefois, comme les négociations sur le cadre financier pluriannuel pour 2014-2020 l’ont de nouveau montré, la prédominance des raisonnements en termes de soldes nets et de « juste retour » limitent ces transferts entre États membres.

S’il convient de conférer au budget de l’Union une nouvelle dimension, en le dotant notamment d’un véritable système de ressources propres, il ne peut, en tout état de cause, constituer un instrument pertinent pour la zone euro, qui doit en conséquence se doter d’un budget propre.

Une autre forme de solidarité entre les États de l’Union passe par les interventions de la Banque européenne d’investissement (BEI), qui est la banque de prêts à long terme de l’Union. Elle contribue à la réalisation des objectifs européens en finançant des projets d’investissement qui favorisent l’intégration européenne, la cohésion économique et sociale et le développement d’une économie innovante fondée sur la croissance. Plus de 90 % de son activité concerne l’Europe.

Pour soutenir ces projets, la BEI, qui bénéficie d’une notation « AAA », emprunte d’importants volumes de fonds sur les marchés des capitaux et les prête à des conditions favorables.

À la suite de l’augmentation de capital de 10 milliards d’euros décidée par le Conseil européen des 28 et 29 juin 2012, et validée par le conseil d’administration de la banque le 24 juillet 2012, son assise financière devrait atteindre 243 milliards d’euros. Cette augmentation de capital poursuit un objectif contra-cyclique. Elle a en effet vocation à donner les moyens à la BEI d’augmenter ses volumes d’intervention dans les pays de l’Union européenne tout en préservant ses équilibres financiers et, par suite, la qualité de sa signature sur les marchés des capitaux – le placement sous surveillance négative de plusieurs États membres ayant mécaniquement entraîné le même traitement pour la BEI. Elle a vocation à faire face à la crise par le soutien à la croissance et à atténuer le coût social des mesures de redressement des finances publiques.

Force est de constater que les résultats demeurent encore limités. À cet égard, il convient de souligner que l’ensemble des interlocuteurs rencontrés par la mission d’information ont souligné la frilosité de la Banque européenne d’investissement, qui semble privilégier avant tout sa notation « AAA ». Des mesures devraient être prises afin de rendre son action actuelle envers les PME plus efficace et de lutter contre la fragmentation financière.

Ce sont, en définitive, le Fonds européen de stabilité financière mis en place en 2010 et le Mécanisme européen de stabilité qui l’a récemment remplacé, qui constituent la première forme d’assistance financière commune, propre à la zone euro.

Reposant sur un capital souscrit par les États de la zone euro à hauteur de 700 milliards d’euros et libéré à hauteur de 80 milliards d’euros, le MES a en effet pour objet de mobiliser des ressources financières et de fournir, sous une stricte conditionnalité qui prend notamment la forme d’un programme d’ajustement macroéconomique, un soutien à la stabilité de ses membres qui connaissent ou risquent de connaître de graves problèmes de financement. Il intervient uniquement si cela s’avère indispensable à la préservation de la stabilité financière de la zone euro ou de ses États membres. À cette fin, il est autorisé à lever des fonds en émettant des instruments financiers ou en concluant des accords financiers ou d’autre nature avec ses membres, des institutions financières ou d’autres tiers.

Compte tenu de l’engagement à débourser du Fonds européen de stabilité financière de près de 200 milliards d’euros (au titre des programmes grec – près de 145 milliards d’euros –, irlandais – 18 milliards d’euros – et portugais – 26 milliards d’euros), le MES dispose d’une capacité nouvelle de 500 milliards d’euros environ. Sur cette enveloppe, l’Espagne et Chypre ont bénéficié d’une assistance financière qui est intervenue sous forme de prêts, à hauteur de 41 milliards d’euros pour la première (sur une enveloppe maximale de 100 milliards autorisée par l’Eurogroupe) et 3 milliards d’euros pour la seconde (sur une enveloppe maximale de 9 milliards).

Sa portée devrait en outre se trouver accrue à la suite de l’accord trouvé à l’Eurogroupe sur les grandes principes du mécanisme de recapitalisation directe des banques par le MES (cf. supra I.A.3.).

Le MES représente ainsi la première forme de solidarité entre les États de la zone euro, mais son mode d’intervention, qui repose principalement sur des prêts et des actions de soutien sur les marchés primaire et secondaire, en limite la portée. Il s’agit avant tout d’un cadre de gestion de cadre de gestion de crise, qui ne peut constituer le budget contra-cyclique dont a besoin l’Union économique et monétaire pour bien fonctionner.

La nécessité d’un dispositif de stabilisation a été soulignée tant dans le rapport Delors de 1989 que dans le rapport « One market, one money » de la Commission européenne, qui ont tous deux conduit à la création de la zone euro. Pourtant, aucun mécanisme allant en ce sens n’a été mis en place.

L’ambition en la matière semble toujours devoir demeurer faible, puisque que le Conseil européen des 13 et 14 décembre 2012 s’est contenté de demander à la Commission européenne de creuser la piste de la mise en place d’un soutien financier en appui des contrats de croissance et de compétitivité.

Dans leurs travaux présentés à la fin de l’année 2012, le président du Conseil européen et la Commission européenne suggèrent de mettre en place, en appui des « accords contractuels en faveur de la compétitivité et de la convergence », un mécanisme de solidarité, qui pourrait constituer l’amorce d’une future capacité budgétaire. Le soutien financier ainsi apporté devrait être ciblé, limité dans le temps et temporaire.

Selon la Commission européenne, ce soutien financier doit consister en une allocation globale destinée à appuyer la mise en œuvre de réformes difficiles dont les bénéfices sont avérés pour l’État concerné et la zone euro. Ainsi, la mise en place de réformes visant à renforcer la flexibilité sur le marché du travail pourrait s’accompagner de programmes de formation dont le financement serait en partie pris en charge par le mécanisme de solidarité.

Si elle propose, dans sa communication du 20 mars 2013 relative à la création d’un instrument de convergence et de compétitivité, de limiter dans un premier temps la capacité du mécanisme, la Commission européenne laisse ouverte la question de son mode de financement, évoquant des contributions spécifiques, sur la base d’une clé en fonction du revenu national brut ou de nouvelles ressources propres réservées à cet usage. Elle suggère, en tout état de cause, d’inclure le mécanisme dans le budget de l’Union en tant que recettes affectées externes, ce qui signifie que ces dépenses de soutien ne seraient concernées par les plafonds fixés dans le cadre financier pluriannuel.

S’agissant des modalités d’octroi de ces aides, la Commission européenne propose que le soutien financier soit engagé lors de la conclusion de l’accord et versé périodiquement ou en fonction du calendrier des réformes convenu. Elle insiste sur le fait que l’aide apportée est strictement subordonnée à la mise en place des réformes. Si tel n’est pas le cas, le soutien financier pourrait être retiré.

Dans leur contribution commune en vue du Conseil européen des 27 et 28 juin 2013, la France et l’Allemagne affirment la nécessité « d’élaborer des mécanismes de solidarité dans ce cadre [des contrats de compétitivité et de croissance]. Un nouveau système d’incitations financières limitées et conditionnelles spécifique à la zone euro sera mis en place afin de soutenir conjointement les efforts entrepris par les États membres concluant des arrangements contractuels dans le cadre d’un ensemble global de dispositions comportant des incitations non financières. La création d’un fonds spécifique pour la zone euro sera utile dans ce contexte ». Elles proposent toutefois d’engager à la fin de l’année une discussion approfondie au niveau des chefs d’État et de gouvernement sur la nature et les modalités des arrangements contractuels ainsi que sur les ressources et modalités d’un tel fonds, à la suite du diagnostic commun sur les politiques économiques.

Alors qu’il eût été logique d’aborder ce sujet lors du Conseil européen des 27 et 28 juin 2013, le couple franco-allemand préfère renvoyer les discussions à la fois de l’année, preuve de la sensibilité de ce sujet et des difficultés rencontrées dans les négociations. Ce « mécanisme de solidarité » soulève en effet de nombreuses questions.

La première d’entre elles concerne le type d’aide ainsi apportée. Plusieurs États membres comme l’Allemagne, le Danemark et la Lituanie sont en faveur d’aides limitées, ciblées et temporaires afin de limiter le risque d’aléa moral.

La deuxième question, liée à la première, est celle du volume du soutien financier. Selon l’ambition du dispositif, en particulier le nombre de réformes envisagées, il sera plus ou moins important. Selon le secrétaire d’État Steffen Kampeter rencontré par la mission d’information à Berlin, les arrangements contractuels, qui devraient permettre de résoudre des « problématiques spécifiques », ne devraient pas nécessiter de volumes financiers importants. La chancelière Angela Merkel a ainsi évoqué une fourchette de 20 à 40 milliards d’euros, confirmant que, dans la conception allemande, le mécanisme de solidarité est limité dans son champ et son montant. « Il ne s’agira pas d’un fonds à caractère contra-cyclique, mais concentré sur le soutien aux réformes », ainsi que l’a exposé très clairement M. Michael Clauß, directeur Europe au ministère des Affaires étrangères allemand, à la mission d’information.

Enfin, la dernière question porte sur le mode de financement de ce nouveau mécanisme. Il devrait intervenir sous les plafonds du cadre financier pluriannuel pour beaucoup de contributeurs nets. D’autres, au contraire, évoquent l’appel à une ressource additionnelle à identifier : une contribution en fonction du revenu national brut ou une ressource propre comme la taxe sur les transactions financières. À cet égard, il convient de souligner que M. Michael Clauß, directeur Europe au ministre des Affaires étrangères, a précisé à la mission d’information qu’il écartait un financement par le budget de l’Union tout comme par la taxe sur les transactions financières, « déjà dépensée trois fois », seule restait par conséquent l’hypothèse d’un accroissement des contributions nationales.

Au sein d’une zone monétaire commune, l’ajustement aux chocs économiques affectant certains pays passe par la mobilité de la main-d’œuvre, la flexibilité des salaires réels et des transferts financiers entre un budget central et les pays concernés. Aussi, compte tenu du caractère limité de la mobilité géographique des travailleurs et de l’existence de rigidités structurelles pouvant retarder l’ajustement des prix et la réaffectation des ressources au sein de la zone euro, apparaît-il nécessaire de mettre en place un budget centralisé à même de mener une action conjoncturelle. Cela semble d’autant plus utile qu’il est établi que, dans les économies intégrées, l’action contre un choc régional asymétrique est plus efficace quand elle intervient au niveau agrégé plutôt qu’au niveau régional23.

C’est le sens des propositions formulées par le président du Conseil européen en décembre dernier, qui suggère la création, à moyen terme, d’une capacité budgétaire limitée destinée à améliorer l’absorption des chocs économiques asymétriques grâce à un système d’assurance au niveau central. Il précise que l’objectif n’est pas d’organiser des transferts unidirectionnels et permanents entre pays, ni de réduire les inégalités en matière de revenus. Chaque État membre de la zone euro pourrait ainsi tour à tour être bénéficiaire net et contributeur net du mécanisme. La mise en place de ce fonds ne devrait en outre pas accroître les dépenses ou les niveaux d’imposition au sein de la zone euro. Il conviendrait par ailleurs d’intégrer dans la fonction d’absorption des chocs les mécanismes appropriés pour limiter le risque d’aléa moral et stimuler les réformes structurelles. La capacité budgétaire pourrait enfin être adossée à une capacité d’emprunt, se voir appliquée une règle d’or qui viserait l’équilibre budgétaire et s’accompagner de la création d’un Trésor européen.

Vos rapporteurs sont favorables à la création d’un budget propre à la zone euro, qui assurerait l’exercice, tout au long des cycles économiques, d’une solidarité budgétaire. Il s’agirait ainsi de renforcer la résilience de la zone euro dans son ensemble et de réduire les coûts financiers et les coûts de production résultant des ajustements macroéconomiques. Contribuant à prévenir les crises, ce serait un complément utile au mécanisme de gestion de crise qu’est le Mécanisme européen de stabilité. Il devrait s’accompagner d’une convergence économique accrue, fondée sur des politiques structurelles conçues pour améliorer la capacité d’ajustement des économiques nationales et éviter le risque d’aléa moral inhérent à tout système d’assurance.

S’agissant du volume de ce fonds, M. Serge Guillon, conseiller du Premier ministre pour les affaires européennes, a indiqué, lors de son audition par la commission des Affaires européennes le 3 avril 2013, que « les dernières études réalisées montrent qu’un budget de la zone euro devrait représenter aux alentours de 2,5 % du PIB pour être utilisé comme instrument de politique économique ».

Plusieurs pistes sont envisageables pour le fonds d’ajustement conjoncturel. Les versements et contributions à ce budget pourraient dépendre de l’évolution d’indicateurs de l’activité économique, comme, par exemple, les différences constatées entre l’écart de production d’un État membre et l’écart agrégé de la zone euro, ainsi que le proposent MM. Henrik Enderlein, Lucas Guttenberg et Jann Spiess24.

Une autre piste consisterait à mettre en place un fonds affecté à une finalité précise, avec des effets contra-cycliques. Ce pourrait, par exemple, être le cas d’un fonds d’assurance chômage. Un tel système existe aux États-Unis où un fonds fédéral rembourse 50 % des allocations de chômage excédant la durée standard à concurrence d’un maximum donné, sous réserve que le chômage ait atteint un certain niveau et continue d’augmenter. Cette capacité budgétaire complèterait alors, voire remplacerait partiellement, les régimes nationaux d’assurance chômage. Cela supposerait toutefois un rapprochement de ces régimes au sein de la zone euro.

La question des ressources de ce fonds est également posée. Elles pourraient prendre la forme de contributions nationales ou de ressources propres. S’il s’agissait d’un fonds d’assurance chômage, il pourrait être abondé par une partie des cotisations sociales ou bien une partie des recettes de l’impôt sur les sociétés.

Fondé sur des règles explicites qui devraient être légitimées par les parlements nationaux, le système devrait revêtir un caractère automatique prononcé.

Aller jusqu’au bout du projet de l’UEM implique de constituer une capacité budgétaire propre à la zone euro, distincte du budget de l’Union européenne, mais également d’envisager une capacité d’émission de dette en commun, éventuellement adossée au budget.

Des jalons ont déjà été posés. L’annonce faite en août 2012 par la Banque centrale européenne de son intention d’effectuer des opérations monétaires sur titres (OMT) sur le marché secondaire des dettes souveraines en cas de nécessité constitue à cet égard un progrès considérable, qui a d’ailleurs permis de mettre fin aux attaques dont était victime la zone euro.

Il convient toutefois d’aller plus loin, afin de mener une stratégie de réduction de la dette à l’échelle de la zone euro, réduire la dépendance des États à l’égard des marchés financiers, atténuer la fragmentation financière et faciliter les investissements porteurs de croissance. Les différents schémas possibles méritent tous d’être creusés.

La première piste consiste en un fonds européen d’amortissement de la dette. Cette option avait été présentée initialement par le conseil allemand des experts économiques, dans son rapport annuel de décembre 2011, comme un instrument de gestion immédiate de la crise. Contrairement aux euro-obligations ou « eurobonds », ce fonds n’entraînerait qu’une mutualisation temporaire et limitée de la dette.

PROPOSITIONS DU CONSEIL ALLEMAND DES EXPERTS ÉCONOMIQUES POUR LA MISE EN PLACE D’UN FONDS EUROPÉEN D’AMORTISSEMENT DE LA DETTE

Les États de la zone euro transféreraient les montants de dette supérieure à 60 % du PIB vers un Fonds européen d’amortissement et s’engageraient à s’en acquitter au bout de 25 ans.

Les États s’engageraient à transférer une quantité de dette qui ne pourrait pas être augmentée par la suite. Fort de la garantie des pays, le FEA émettrait ses propres obligations pour refinancer la dette des États arrivant à maturité pendant la période de transfert estimée entre trois et cinq ans. Ensuite, les États devraient se refinancer sur les marchés.

Le Conseil estime que le fonds, d’une taille maximum de 2.300 milliards d’euros, pourrait émettre à un rendement situé entre 2,5 et 3 % à dix ans.

Afin de limiter l’aléa moral et de garantir la stabilité de la structure ainsi que le remboursement des paiements, le fond d’amortissement serait assorti d’un dispositif de contrôle et de stabilisation reposant sur :

– une stricte conditionnalité, similaire aux règles prévues dans les programmes du Fonds européen de stabilité financière et du mécanisme européen de stabilité ;

– des astreintes immédiates en cas de non-respect des règles ;

– un contrôle strict par une institution comme la Cour de justice de l’Union européenne ;

– l’arrêt immédiat de tout transfert de dette vers le fonds au cours de la phase de déploiement en cas de non-respect des règles ;

– un nantissement des réserves internationales des États membres en garantie de leurs dettes et/ou une affectation de taxes pour couvrir le service de la dette, afin de limiter le risque lié à la dette.

Un tel cadre permettrait d’abaisser les coûts globaux de financement des États surendettés et d’encourager les investissements porteurs de croissance.

Bien que le ministre des Finances allemand Wolfgang Schäuble affirme qu’une révision des traités est nécessaire, le contraire pourrait être avancé, compte tenu du caractère circonscrit dans le temps et en volume du dispositif.

Une deuxième piste de réflexion réside dans l’émission en commun de dette à court terme (un ou deux ans maximum) ou « eurobills ». Ces « bons du Trésor » européens constitueraient un instrument puissant pour lutter contre la fragmentation financière actuelle, rétablir la bonne transmission de la politique monétaire et renforcer la stabilité financière. Ils pourraient progressivement remplacer les créances à court terme existantes sans augmenter le montant global des dettes à court terme nationales de la zone euro. Ils représenteraient un complément possible au fonds d’amortissement.

Ces deux pistes de réflexion correspondent avant tout à des mesures dont la mise en œuvre pourrait être envisageable à court terme. Des options plus ambitieuses consisteraient en l’émission commune partielle ou intégrale de titres de créance nationaux. L’ultime étape serait celle d’une émission commune de titres de créances européens en lien avec un budget de la zone euro.

Vos rapporteurs estiment nécessaire que la possibilité et les modalités de mise en œuvre de l’ensemble de ces options soient approfondies. La résolution sur la faisabilité de l’introduction d’obligations de stabilité adoptée par le Parlement européen le 16 janvier 2013 va d’ailleurs en ce sens.

Vos rapporteurs attendent en particulier avec intérêt la présentation, prévue en mars 2014, du rapport du groupe d’experts de haut niveau chargé d’étudier la faisabilité d’une mutualisation partielle de la dette dans le cadre d’un fonds européen d’amortissement de la dette et de l’émission de titres à court terme. Le Parlement européen avait d’ailleurs fait de la mise sur pied de ce groupe d’experts la condition de son accord sur le « two-pack ».

IV. L’APPROFONDISSEMENT DE L’UNION ÉCONOMIQUE ET MONÉTAIRE REQUIERT UNE GOUVERNANCE ET UNE LÉGITIMITÉ RENFORCÉES

Une Union économique et monétaire affermie suppose l’amélioration de sa gouvernance ainsi que la garantie du respect des principes de légitimité et de responsabilité démocratiques.

À cet égard, tant le rapport du président du Conseil européen que celui de la Commission européenne apparaissent en retrait. Herman Van Rompuy se contente en effet de poser quelques principes et de renvoyer au Parlement européen et aux parlements nationaux. Si la Commission européenne suggère, à moyen terme, de renforcer le débat parlementaire dans le cadre du semestre européen et de créer une commission consacrée aux questions liées à l’euro au sein du Parlement européen, elle aborde surtout le sujet sous un mode interrogatif.

Vos rapporteurs estiment que le renforcement, nécessaire, de l’Union économique et monétaire constitue un angle d’approfondissement de l’Europe pertinent. La crise chypriote a montré les limites du mode de gouvernance actuel de la zone euro et les transferts de souveraineté entraînés par l’approfondissement de l’UEM plaident pour que soient assurés les principes de légitimité et de responsabilité démocratiques. Une évolution rapide est nécessaire.

Les échéances européennes de 2014 – élection du Parlement européen et renouvellement des mandats des présidents des institutions européennes – sont une opportunité à saisir pour renforcer la gouvernance de la zone euro ainsi que son corollaire en matière de légitimité démocratique.

La valse-hésitation lors de la crise chypriote a montré qu’il existait un problème de gouvernance propre à la zone euro.

Vos rapporteurs estiment qu’une réorganisation des sommets de la zone euro, reposant sur la désignation d’un président distinct de celui du Conseil européen, une fréquence accrue ainsi que des réunions de préparation assurées par d’autres ministres que ceux en charge de l’économie et des finances, mais également un renforcement de l’Eurogroupe doivent conduire à mener une action plus efficace et à structurer de manière différente l’ensemble du travail européen.

Les errements de l’Eurogroupe lors de la crise chypriote appellent à une présidence forte et à plein temps de l’Eurogroupe. Si le principe en a été suggéré par le président de la République et la chancelière de la République fédérale d’Allemagne dans leur contribution du 30 mai 2013, plusieurs propositions sont sur la table.

Certains suggèrent que cette fonction revienne au président du Conseil européen. C’est d’ailleurs Herman Van Rompuy qui a finalement joué un rôle décisif dans l’accord trouvé sur le programme d’assistance financière à Chypre. Les partisans de cette solution avancent que cela permettrait d’éviter la création d’un nouveau poste. Cela ne contribuerait toutefois pas à la visibilité de l’Eurogroupe.

D’autres, mettant en avant la recherche de synergies, plaident, comme le ministre de l’Économie et des finances français, pour la création d’un « ministre des Finances de la zone euro », qui présiderait l’Eurogroupe et serait également le commissaire européen chargé des affaires monétaires et économiques et de l’euro. Toutefois, plusieurs interlocuteurs de la mission d’information, dont M. Jean Pisani-Ferry, les conseillers du président du Conseil européen et le directeur Europe du ministère des Affaires étrangères allemand, soulève un problème de conflit d’intérêts puisque le « commissaire-président » pourrait être amené à être juge et partie.

Vos rapporteurs jugent qu’il convient avant tout de déterminer qui doit présider les sommets de la zone euro, le choix du président de l’Eurogroupe en découlerait ensuite naturellement.

Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire prévoit, en son article 12, que « le président du sommet de la zone euro est désigné à la majorité simple par les chefs d’État et de gouvernement des parties contractantes dont la monnaie est l’euro lors de l’élection du président du Conseil européen et pour un mandat de durée identique », mais il ne précise pas s’il s’agit de la même personne. Le règlement des sommets de la zone euro adopté le 14 mars 2013 ne tranche pas plus la question.

Si, actuellement, c’est Herman Van Rompuy qui préside les sommets de la zone euro, vos rapporteurs estiment que le président du sommet de la zone euro et celui du Conseil européen doivent être distincts. Il s’agit ainsi d’accroître la visibilité de la zone euro. Pour une meilleure cohérence, il pourrait être envisagé que le président des sommets de la zone euro soit également celui de l’Eurogroupe.

L’amélioration de la gouvernance de la zone euro suppose également que les moyens, notamment humains, sur lesquels s’appuie aujourd’hui l’Eurogroupe soient renforcés.

Alors que le président de l’Eurogroupe ne peut aujourd’hui s’appuyer que sur des moyens humains réduits – issus du secrétariat du Comité économique et financier, du secrétariat général du Conseil et de la direction générale chargée des affaires économiques et financières à la Commission européenne –, vos rapporteurs jugent indispensable la constitution d’une équipe permanente et solide auprès du président de l’Eurogroupe. L’ensemble des interlocuteurs de la mission ont également insisté sur la nécessaire professionnalisation de la prise de décision au sein de l’Eurogroupe.

Enfin, l’affirmation de la zone euro passe par une fréquence accrue des sommets de la zone euro.

Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire a institutionnalisé les sommets de la zone euro en précisant, à son article 12, que « les sommets de la zone euro sont organisés lorsque cela est nécessaire et au moins deux fois par an ».

Vos rapporteurs estiment toutefois que, pour accroître l’efficacité de la gouvernance de la zone euro, il convient d’organiser des sommets plus régulièrement. Ils suggèrent à cet effet que leur fréquence devienne bimestrielle. La multiplication de ces réunions devrait inciter les chefs d’État et de gouvernement à approfondir les problématiques liées à l’euro et à les envisager de manière plus large.

Ainsi que l’a souligné M. Serge Guillon, conseiller du Premier ministre chargé des affaires européennes, devant la mission d’information, le règlement des sommets de la zone euro adopté le 14 mars 2013 permet que la préparation des sommets de la zone euro revienne à d’autres ministres que ceux chargés des finances et de l’économie.

Vos rapporteurs insistent pour que cette possibilité soit pleinement mise en œuvre, pour que les chefs d’État et de gouvernement puissent, lors des sommets de la zone euro, adopter une acception large des sujets et faire avancer les travaux sur l’ensemble des dimensions des questions propres à la zone euro.

Il s’agirait ainsi notamment d’affirmer la dimension sociale de l’Union économique et monétaire, qui a été reconnue par le Conseil européen les 13 et 14 décembre derniers. Un « Eurogroupe social » pourrait ainsi se réunir au niveau des ministres chargés des affaires sociales afin de préparer les décisions des chefs d’État et de gouvernement de la zone euro.

Mais, le champ est plus large. Ainsi que l’ont souligné le président de la République et la chancelière de la République fédérale d’Allemagne dans leur contribution commune du 30 mai 2013, la possibilité, pour le sommet de la zone euro, de mandater d’autres ministres de la zone euro, pourrait concerner les ministres chargées de l’emploi et des affaires sociales, mais également ceux de la recherche ou de l’industrie.

Pour être accepté, l’approfondissement de l’Union économique et monétaire doit garantir la légitimité et l’appropriation des décisions ainsi que le contrôle démocratique.

Les partenaires sociaux, tant au niveau national qu’européen, devraient ainsi se voir confier un rôle accru, en particulier à la suite de l’affirmation de la dimension sociale de l’Union économique et monétaire. À l’échelon européen, cela pourrait consister notamment en un meilleur usage du Sommet social tripartite et en un dialogue plus régulier avec les partenaires sociaux, dont M. Patrick Itschert, secrétaire général adjoint de la Confédération européenne des syndicats, a souligné l’importance à la mission d’information.

L’approfondissement de l’UEM doit être mis en œuvre tout en garantissant la nature démocratique des décisions ainsi que le contrôle des actions menées. La légitimité démocratique doit être à la mesure de la souveraineté transférée. Les rôles du Parlement européen et des parlements nationaux sont appelés, en conséquence, à évoluer.

Les propositions concrètes de la Commission européenne concernent avant tout le court terme.

Elle suggère tout d’abord de renforcer l’association du Parlement européen et des parlements nationaux au processus du semestre européen.

S’agissant du Parlement européen, elle propose que celui-ci organise un débat avant la définition, par le Conseil européen, des grandes orientations de politique économique, et un débat avant l’adoption, par le Conseil des recommandations par pays. Dans la pratique, le premier débat existe déjà. Le Parlement européen s’est en effet prononcé sur les propositions de la Commission européenne dans ses résolutions du 7 février 2013 sur le semestre européen pour la coordination des politiques économiques, l’une portant plus particulièrement sur l’examen annuel de la croissance 2013, l’autre sur l’emploi et les aspects sociaux.

La Commission européenne propose ensuite que certains de ses membres assistent aux débats des parlements nationaux relatifs aux recommandations adressées par l’Union à chaque État membre.

Dans cet esprit, l’Assemblée nationale souhaite pleinement s’impliquer. Ainsi, alors que les programmes de stabilité et de réforme font l’objet d’un débat chaque année, l’Assemblée nationale a procédé le 18 juin 2013, pour la première fois depuis la mise en place des recommandations par pays, à l’audition du commissaire chargé des affaires économiques et monétaires et de l’euro avant l’adoption, par le Conseil, des recommandations relatives à la France.

Par ailleurs, anticipant la procédure de suivi du budget national mis en place par le « two-pack », l’Assemblée nationale a organisé, le 15 octobre 2012, un débat sur la prise en compte des orientations budgétaires européennes par le projet de loi de finances pour 2013, auquel a participé Mme Viviane Reding, vice-présidente de la Commission européenne.

Alors que cette première expérience sera confirmée à l’automne, vos rapporteurs appellent l’attention de la Commission européenne sur le fait que, pour assurer la bonne information de l’Assemblée nationale en temps utile, elle devra donner son avis avant le début de l’examen du projet de loi de finances par la commission des Finances, soit avant le deuxième mardi d’octobre.

Par ailleurs, vos rapporteurs insistent sur l’importance que doit revêtir la garantie des pouvoirs des parlements nationaux lors des transferts de souveraineté. Ainsi, le transfert du pouvoir de surveillance des établissements de crédit les plus importants à la Banque centrale européenne dans le cadre du mécanisme de surveillance unique doit s’accompagner de la garantie, pour notre Parlement, de ne pas voir réduits ses pouvoirs d’enquête et de contrôle.

Vos rapporteurs estiment que l’ensemble des évolutions liées à l’approfondissement de l’Union économique et monétaire doit s’accompagner d’un renforcement de la légitimité démocratique.

La conférence interparlementaire prévue par l’article 13 du TSCG et dont l’existence a été actée par la Conférence des présidents des parlements de l’Union les 21 et 23 avril 2013, constitue, à cet égard, l’enceinte pertinente pour examiner l’ensemble des questions posées par la zone euro.

LA CONFÉRENCE INTERPARLEMENTAIRE PRÉVUE PAR

L’ARTICLE 13 DU TSCG

L’article 13 du TSCG prévoit que « le Parlement européen et les parlements nationaux (…) définissent ensemble l’organisation et la promotion d’une conférence réunissant les représentants des commissions concernées du Parlement européen et les représentants des commissions concernées des parlements nationaux afin de débattre des politiques budgétaires et d’autres questions régies par le présent traité ». Cette conférence, dont le principe a été introduit à l’initiative de notre Assemblée dans le TSCG, a fait l’objet de l’accord unanime des quarante chambres des parlements nationaux et du Parlement européen.

Le mandat de cette Conférence est large. L’objectif est qu’elle puisse se saisir, progressivement, de toutes les questions liées à l’édification d’un gouvernement économique commun, allant des débats sur les grands équilibres budgétaires et économiques au contrôle des instruments de solidarité et, à terme, des avancées en matière d’harmonisation fiscale et sociale.

À ce stade, deux sessions sont programmées chaque année en coordination avec les étapes du semestre européen. La première a lieu au premier semestre au Parlement européen, la seconde se tient, à l’automne, dans le pays qui assure la présidence du Conseil. Il est possible d’organiser d’autres réunions.

La réunion constitutive aura lieu à Vilnius, en Lituanie, les 16 et 18 octobre prochains.

Chaque Parlement est libre de fixer la composition et la taille de sa délégation, la participation de représentants des commissions des Finances étant plus particulièrement souhaitée. La Conférence des présidents des parlements de l’Union a en outre suggéré de s’inspirer du format retenu pour la Conférence sur la politique étrangère, de sécurité et de défense commune, soit 16 représentants du Parlement européen et 6 membres par délégation des Parlements nationaux.

Vos rapporteurs soulignent la nécessité de constituer au sein de cette Conférence une commission spéciale, composée de représentants des parlements des États membres de la zone euro et du Parlement européen, chargée d’examiner les questions relatives à la gouvernance de la zone euro et à la mise en œuvre des instruments européens de stabilité financière.

La création de cette commission, qui a été expressément demandée par l’Assemblée nationale, dans sa résolution européenne du 27 novembre 2012 sur l’ancrage démocratique du gouvernement économique européen, n’a été ni confirmée, ni infirmée, par la Conférence des présidents des parlements de l’Union.

Cette question renvoie notamment à la problématique de la constitution d’une commission spécifique à la zone euro au sein du Parlement européen, qui soulève de nombreux débats, en particulier quant à sa composition.

Il reviendra aux représentants de l’Assemblée nationale de porter cette idée lors de la réunion constitutive de la Conférence du 16 au 18 octobre prochain.

Vos rapporteurs souhaitent par ailleurs que la commission propre à la zone euro de la Conférence puisse auditionner le président des sommets de la zone euro et le président de l’Eurogroupe.

ADDENDUM

Postérieurement à la réunion de la commission des Affaires européennes, le Conseil européen des 27 et 28 juin 2013 a convenu au sujet de l’approfondissement de l’Union économique et monétaire que :

« Depuis la présentation, en décembre dernier, du rapport intitulé « Vers une véritable Union économique et monétaire », les travaux ont progressé sur les quatre éléments essentiels visant à renforcer l’architecture de l’UEM. De nouvelles mesures concrètes destinées à renforcer la gouvernance économique devront aller de pair avec des mesures supplémentaires destinées à renforcer la légitimité démocratique et l’obligation de rendre des comptes au niveau auquel les décisions sont prises et mises en œuvre. Ce processus s’appuiera sur le cadre institutionnel de l’UE, dans le plein respect de l’intégrité du marché unique, tout en assurant l’égalité de traitement entre les États membres de l’UE, notamment par un juste équilibre entre pays d’origine et pays d’accueil, et sera ouvert et transparent à l’égard des États membres qui n’ont pas adopté la monnaie unique.

À court terme, la priorité absolue est d’achever l’union bancaire, conformément aux conclusions du Conseil européen de décembre 2012 et de mars 2013, ce qui est essentiel pour assurer la stabilité financière, réduire la fragmentation financière et rétablir des conditions normales d’octroi de crédits à l’économie. Le Conseil européen a rappelé qu’il est impératif de briser le cercle vicieux qui existe entre les banques et les États et il a mis l’accent sur les points suivants :

a) les nouvelles règles relatives aux exigences de fonds propres pour les banques (CRR/CRD) et le nouveau mécanisme de surveillance unique (MSU) joueront un rôle fondamental pour assurer la stabilité du secteur bancaire ;

b) au cours de la phase de transition vers le MSU, il sera procédé à une évaluation des bilans, qui comprend un examen de la qualité des actifs suivi d’un test de résistance. Dans ce contexte, les États membres participant au MSU prendront toutes les dispositions utiles, y compris la mise en place de dispositifs nationaux de soutien, avant l’achèvement de cet exercice ;

c) l’Eurogroupe s’est mis d'accord sur les principales caractéristiques du cadre opérationnel pour la recapitalisation directe des banques par le Mécanisme européen de stabilité (MES). Il convient de poursuivre les travaux afin que, une fois mis en place un mécanisme de surveillance unique effectif, le Mécanisme européen de stabilité ait, à la suite d’une décision ordinaire, la possibilité de recapitaliser directement les banques;

d) le Conseil européen a salué l’accord intervenu au sein du Conseil sur le projet de directive établissant un cadre pour le redressement et la résolution des défaillances des banques et invité le Conseil et le Parlement à engager des négociations en vue de l’adoption de la directive avant la fin de l’année. Il a également exprimé le souhait que la proposition relative aux systèmes de garantie des dépôts soit adoptée avant la fin de l’année ;

e) afin de produire pleinement ses effets, le MSU doit, pour les banques relevant de sa compétence, s’appuyer sur un mécanisme de résolution unique (MRU). Le Conseil européen attend avec intérêt la proposition de la Commission établissant un mécanisme de résolution unique, l’objectif étant qu’un accord intervienne au sein du Conseil avant la fin de l’année, de manière à ce que la proposition puisse être adoptée avant la fin de la législature actuelle. La Commission compte adopter, à l’été 2013, des règles révisées en matière d'aides d’État en faveur du secteur financier afin de garantir l’égalité de traitement dans les décisions de résolution faisant intervenir un soutien des pouvoirs publics.

Les travaux doivent se poursuivre sur tous les éléments d’une UEM renforcée car ceux-ci sont étroitement liés :

a) il est nécessaire de mettre en place un cadre plus efficace de coordination des politiques économiques, conformément à l’article 11 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance et au principe de subsidiarité. Dans le prolongement de sa communication du 20 mars, la Commission compte présenter, à l’automne, une proposition relative à la coordination préalable des grandes réformes de politique économique ;

b) s’il existe des convergences sur les principes fondamentaux qui sous-tendent les concepts de contrats arrêtés d’un commun accord et de mécanismes de solidarité associés, les travaux en la matière devront néanmoins se poursuivre dans les prochains mois, compte tenu notamment de la communication sur la coordination préalable des politiques économiques, que la Commission doit présenter prochainement ;

c) il convient de renforcer la dimension sociale de l’UEM. Dans un premier temps, il importe d’assurer un meilleur suivi et de mieux tenir compte de la situation qui existe au sein de l’UEM, tant dans le domaine social que sur le marché de l’emploi, notamment par le recours à des indicateurs appropriés en matière sociale et d’emploi dans le cadre du Semestre européen. Il est également important d’assurer une meilleure coordination des politiques sociales et de l’emploi, tout en respectant pleinement les compétences nationales. Les partenaires sociaux et le dialogue social, y compris au niveau national, ont également un rôle essentiel à jouer. La Commission présentera sous peu une communication sur la dimension sociale de l’UEM.

À l’issue de consultations approfondies avec les États membres, le Conseil européen reviendra sur toutes ces questions. En octobre 2013, il se penchera en particulier sur les indicateurs et les domaines d’action à prendre en considération dans le cadre d’un renforcement de la coordination des politiques économiques ainsi que sur la dimension sociale de l’UEM.

Ces discussions se poursuivront en décembre 2013, l’objectif étant de prendre des décisions sur ces questions, notamment sur les principales caractéristiques des arrangements contractuels et des mécanismes de solidarité associés. Les mesures qui viendraient à être prises seraient facultatives pour les pays qui ne participent pas à la zone euro et pleinement compatibles avec le marché unique à tous les égards.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 25 juin 2013, sous la présidence de Madame Danielle Auroi, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé des rapporteurs a été suivi d’un débat.

« M. William Dumas. J’ai une précision à demander : vous avez évoqué deux chiffres concernant les actifs dégradés : 1000 milliards et 600 milliards. Quel est le bon chiffre ?

M. Christophe Caresche, co-rapporteur. Les deux chiffres sont bons ; le chiffre de 600 milliards concerne l’Allemagne.

M. William Dumas. Je comprends mieux pourquoi Angela Merkel veut qu’on se préoccupe des caisses d’épargne…

La Présidente Danielle Auroi. Je vous suggère, étant donné que le texte va être examiné en commission des finances, de l’affiner un petit peu avant ce passage. Par ailleurs, j’ai trois propositions de modifications à vous soumettre. La première, la plus importante à mes yeux, concerne le point 10 de la proposition de résolution. Il me semble important que celui-ci soit complété pour prendre en compte la question de la fiscalité écologique. Je vous propose donc de le compléter ainsi : « et la mise en place d’une fiscalité écologique ».

Par ailleurs, concernant le point 1, après « union bancaire complète », il me semble que nous devrions ajouter « et harmonisée ».

M. Christophe Caresche, co-rapporteur. La question est plutôt celle d’une union bancaire intégrée.

La Présidente Danielle Auroi. C’est bien l’idée ; précisons donc que l’Union bancaire doit être intégrée.

M. Christophe Caresche, co-rapporteur. Pour revenir sur la question de la fiscalité écologique, on peut considérer qu’elle est insuffisante, mais a-t-on vraiment intérêt à l’harmoniser ? Il ne faudrait pas que ça empêche certains pays d’aller plus avant.

La Présidente Danielle Auroi. Certes, mais c’est important d’évoquer cette question. Peut-être souhaitez-vous l’évoquer ailleurs ?

M. Michel Herbillon, co-rappporteur. On pourrait insérer à l’article 11 les mots suivants : « et une réflexion commune relative à la fiscalité écologique ».

La Présidente Danielle Auroi. Cela correspond à ma préoccupation. »

La Commission a donc approuvé la proposition de résolution dont le texte figure ci-après et sous réserve des observations qui y sont formulées, elle a également approuvé :

– la proposition de directive du 12 juillet 2010 relative aux systèmes de garantie des dépôts (COM (2010) 368),

– la proposition de directive du 6 juin 2012 établissant un cadre pour le redressement et la résolution des défaillances d’établissements de crédit et d’entreprises d’investissement (COM (2012) 280),

– la proposition de règlement du 12 septembre 2012 confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques de contrôle prudentiel des établissements de crédit (COM (2012) 511),

– la proposition de règlement du 12 septembre 2012 modifiant le fonctionnement de l’Autorité bancaire européenne (COM (2012) 512).

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu le traité sur l’Union européenne,

Vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu le protocole sur le rôle des parlements nationaux dans l’Union européenne,

Vu le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire,

Vu le règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques, modifié par le règlement (CE) n° 1056/2005 du Conseil du 27 juin 2005 et par le règlement (UE) n° 1175/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011,

Vu le règlement (UE) n° 1176/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 sur la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques,

Vu le règlement (UE) n° 473/2013 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013 établissant des dispositions communes pour le suivi et l’évaluation des projets de plans budgétaires et pour la correction des déficits excessifs dans les États membres de la zone euro,

Vu la proposition de directive du 12 juillet 2010 relative aux systèmes de garantie des dépôts (COM (2010) 368),

Vu la proposition de directive du 6 juin 2012 établissant un cadre pour le redressement et la résolution des défaillances d’établissements de crédit et d’entreprises d’investissement (COM (2012) 280),

Vu la proposition de règlement du 12 septembre 2012 confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques de contrôle prudentiel des établissements de crédit (COM (2012) 511),

Vu la proposition de règlement du 12 septembre 2012 modifiant le fonctionnement de l’Autorité bancaire européenne (COM (2012) 512),

Vu les règles relatives à l’organisation des travaux des sommets de la zone euro définies par le Conseil de l’Union le 14 mars 2013,

Vu les conclusions du Conseil européen des 13 et 14 décembre 2013,

Vu le rapport du 5 décembre 2012 intitulé « Vers une véritable Union économique et monétaire » présenté par le président du Conseil européen Herman Van Rompuy en collaboration avec le président de la Commission européenne José-Manuel Barroso, le président de l’Eurogroupe Jean-Claude Juncker et le président de la Banque centrale européenne Mario Draghi,

Vu la communication de la Commission européenne du 28 novembre 2011 présentant un projet détaillé pour une Union économique et monétaire véritable et approfondie (COM (2012) 777),

Vu la communication de la Commission européenne du 20 mars 2013 au Parlement européen et au Conseil relative à la création d’un instrument de convergence et de compétitivité de la zone euro (COM (2013) 165),

Vu la communication de la Commission européenne du 20 mars 2013 au Parlement européen et au Conseil relative à la coordination préalable des projets de grandes réformes des politiques économiques (COM (2013) 166),

Vu l’accord conclu le 20 juin 2013 au sein de l’Eurogroupe sur les grandes lignes du cadre opérationnel pour la recapitalisation directe des banques,

Vu la contribution franco-allemande pour renforcer l’Europe de la stabilité et de la croissance présentée par le président de la République et la chancelière de la République fédérale d’Allemagne le 30 mai 2013,

1. Invite le Conseil européen à être plus ambitieux dans les projets d’approfondissement de l’Union économique et monétaire, avec comme perspectives de moyen terme une union bancaire complète et intégrée, une réelle coordination des politiques économiques, y compris dans leur dimension sociale, la mise en place d’une capacité budgétaire jouant un rôle contra-cyclique, la possibilité d’émettre de la dette en commun et la création d’un Trésor européen ;

I. L’union bancaire

2. Appelle à une mise en œuvre rapide et efficace du mécanisme de surveillance unique ; insiste sur la nécessité de conduire au préalable une revue détaillée de la qualité des actifs et des tests de résistance rigoureux des banques et de procéder aux recapitalisations qui pourraient, le cas échéant, s’avérer nécessaires ; souhaite que le mécanisme de supervision unique s’accompagne d’une harmonisation des règles de surveillance par le haut, privilégiant un contrôle de fond à un simple contrôle de forme, au sein de la zone euro et de l’Union européenne ; demande que les pouvoirs des parlements nationaux en matière d’enquête et de contrôle soient assurés vis-à-vis de la Banque centrale européenne quand elle exerce sa mission de superviseur ;

3. Prend acte de l’accord trouvé au sein de l’Eurogroupe sur les grands principes qui doivent présider à la recapitalisation directe des banques par le mécanisme européen de stabilité ; rappelle que l’objectif de ce dispositif est de couper le lien entre les dettes souveraines et les dettes bancaires ; craint que, compte tenu des conditions très strictes qui ont été définies par l’Eurogroupe, le mécanisme ne puisse être mis en œuvre si des besoins de recapitalisation apparaissaient à l’issue de l’examen des bilans bancaires prévu en 2014 et que la charge incombe totalement aux États, alors qu’ils ont entrepris des efforts de redressement de leurs finances publiques ;

4. Estime qu’en cas de restructuration d’une banque défaillante doivent d’abord être mis à contribution, au travers d’une dépréciation ou d’une conversion en fonds propres de leurs créances, les actionnaires, puis les créanciers juniors, puis les créanciers seniors ; défend la possibilité d’exclure, au cas par cas, les dépôts supérieurs à 100 000 euros des personnes physiques et des petites et moyennes entreprises et souligne que, en tout état de cause, les dépôts inférieurs à 100 000 euros sont protégés par le système de garantie des dépôts ; est d’avis que si le renflouement interne ainsi proposé ne suffit pas, le fonds de résolution doit être mobilisé avant l’intervention, en dernier ressort, du mécanisme européen de stabilité ;

5. Appelle à l’adoption, avant la fin de l’actuelle législature du Parlement européen, d’un mécanisme de résolution unique, corollaire du mécanisme de surveillance unique, reposant, d’une part, sur une autorité de résolution unique associant les autorités de résolution des États membres et, d’autre part, sur un fonds de résolution européen alimenté par les contributions du secteur financier ; souhaite que soit développée la réflexion sur un rapprochement avec le mécanisme européen de stabilité ; soutient la mise en place, à terme, d’un système européen de garantie des dépôts ;

II. L’intégration économique et budgétaire

6. Appuie la méthode proposée par la contribution franco-allemande pour la coordination des politiques économiques, qui vise à procéder, dans un premier temps, à un diagnostic partagé des politiques économiques des États membres de la zone euro, y compris dans leur dimension sociale, et à définir une série d’indicateurs ainsi que d’objectifs pour l’élaboration d’une politique économique au niveau de la zone euro ;

7. Demande que la définition du dispositif de coordination préalable des grandes réformes de politique économique respecte les rôles des parlements nationaux et des partenaires sociaux et veille à assurer les conditions d’appropriation des réformes au niveau national ; estime que cette coordination doit porter sur les grandes réformes ayant des effets transfrontaliers importants ou des conséquences sur le fonctionnement de l’Union économique et monétaire ; souligne la nécessité d’un dispositif simple, souple et cohérent avec l’ensemble des mécanismes du semestre européen ;

8. Appelle à une coordination plus approfondie des politiques sociales et de l’emploi ; insiste sur la nécessité de compléter la surveillance des déséquilibres macroéconomiques et des déficits publics excessifs par une surveillance des déséquilibres sociaux, sur la base d’indicateurs et de tableaux de bord sociaux ;

9. Est d’avis que les contrats de compétitivité et de croissance doivent marquer un engagement politique et couvrir un vaste champ, incluant notamment la recherche et le développement, les investissements et la dimension sociale au sens large ; juge que le mécanisme de solidarité associé à ces contrats doit être doté d’un financement suffisant ;

10. Rappelle que l’approfondissement de l’Union économique et monétaire suppose une convergence fiscale accrue, en particulier s’agissant de l’impôt sur les sociétés, et une réflexion commune relative à la fiscalité écologique ;

11. Suggère de compléter les critères d’adhésion à la zone euro, afin de tenir compte notamment de la solidité du système financier des États souhaitant adopter l’euro ; invite la Commission européenne et la Banque centrale européenne à veiller, dans leurs rapports de convergence, à l’examen de la stabilité financière dans ces États, condition de la convergence économique durable requise pour l’adoption de la monnaie unique ;

12. Juge nécessaire de nommer un président des sommets européens de la zone euro distinct du président du Conseil européen, afin de donner une visibilité plus forte à la zone euro ; estime que ces sommets doivent se réunir au moins six fois par an ; souhaite que la possibilité ouverte par le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire de permettre au sommet de la zone euro de mandater des ministres autres que ceux en charge des finances soit rapidement mise en œuvre ; souligne la nécessité de doter l’Eurogroupe de moyens humains renforcés ;

III. La légitimité démocratique

13. Demande à la Commission européenne qu’elle présente, avant le deuxième mardi d’octobre, son avis sur le projet de loi de finances initiale, prévu dans le règlement (UE) n° 473/2013 précité, afin d’assurer, en temps utile, la bonne information de l’Assemblée nationale ;

14. Estime que l’ensemble des évolutions liées à l’approfondissement de l’Union économique et monétaire doit s’accompagner d’un renforcement de la légitimité démocratique ; juge que la conférence interparlementaire prévue par l’article 13 du traité précité constitue l’enceinte la plus pertinente ; rappelle sa demande que soit constituée au sein de cette conférence une commission spéciale composée de représentants des parlements des États membres de la zone euro et du Parlement européen et chargée d’examiner les questions relatives à la gouvernance de la zone euro et à la mise en
œuvre des instruments européens de stabilité financière ; souhaite que cette commission puisse auditionner le président des sommets de la zone euro et le président de l’Eurogroupe.

ANNEXES

ANNEXE 1 :
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LA MISSION D’INFORMATION

I. À Paris :

– M. Michel AGLIETTA, professeur de sciences économiques et conseiller scientifique au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII) ;

– M. Benoît COEURÉ, membre du directoire de la Banque centrale européenne ;

– M. Serge GUILLON, conseiller du Premier ministre pour les affaires européennes et secrétaire général des affaires européennes ;

– M. Jean PISANI-FERRY, commissaire général à la stratégie et à la prospective ;

II.  À Bruxelles :

– M. Amadeu ALTAFAJ TARDIO, chef de cabinet adjoint de M. Olli REHN, vice-président de la Commission européenne et commissaire chargé des affaires économiques et monétaires et de l’euro, et Mme Outi SLOTBOOM, chef de l’unité « coordination politique et planification stratégique » de la direction générale « affaires économiques et financières » de la Commission européenne ;

– M. Saïd EL KHADRAOUI, membre de la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen ;

– M. Philippe ÉTIENNE, Représentant permanent de la France auprès de l’Union européenne ;

– M. Olivier GUERSENT, chef du cabinet de M. Michel BARNIER, commissaire européen chargé du marché intérieur et des services ;

– M. Patrick ITSCHERT, secrétaire général adjoint de la Confédération européenne des syndicats ;

– M. Jean-Pierre VIDAL et M. Shahin VALLÉE, membres du cabinet de M. Herman VAN ROMPUY, président du Conseil européen ;

III. À Berlin :

– M. Michael CLAUß, directeur Europe au ministère fédéral des Affaires étrangères ;

– Mme Isabelle HOFFMANN, représentante de la fondation Bertelsmann, Mme Cvetelina TODOROVA, représentante de la fondation Konrad-Adenauer, M. Ernst HILLEBRAND, représentant de la fondation Friedrich-Ebert et M. Kai-Olaf LANG, représentant de la fondation SWP ;

– M. Steffen KAMPETER, secrétaire d’État parlementaire au ministère fédéral des Finances ;

– M. Franz NEUEDER, adjoint du conseiller Europe de Mme Angela MERKEL, chancelière de la République fédérale d’Allemagne ;

– M. Axel SCHÄFER, vice-président du groupe parlementaire SPD et M. Manuel SARRAZIN, porte-parole des Verts pour les affaires européennes, au Bundestag.

ANNEXE 2 : GLOSSAIRE

– établissement ou banque-relais : entité juridique entièrement détenue par une ou plusieurs autorités publiques (y compris, le cas échéant, l’autorité de résolution) et créée dans le but de recevoir tout ou partie de l’actif, des droits ou des engagements d’un établissement faisant l’objet d’une procédure de résolution, afin d’exercer tout ou partie de ses activités et services.

– fragmentation du système bancaire : caractérise l’existence d’écarts dans les conditions de financement et d’accès au crédit au sein d’une même zone.

– plan préventif de résolution : « testament » établi par une banque pour organiser et faciliter l’intervention de l’autorité de résolution en cas de risque de défaut.

– renflouement interne : mécanisme qui vise à déprécier les créances détenues sur les banques ou d’en convertir une partie en titres de participation.

– résolution d’un établissement de crédit : restructuration d’un établissement de crédit dans le but d’assurer la continuité de ses fonctions essentielles, de préserver la stabilité financière et de rétablir la viabilité de tout ou partie de cet établissement. Parmi les mesures de résolution peuvent figurer : la cession de tout ou partie des activités de l’établissement, la mise en place d’une banque-relais, la séparation des actifs et la conversion des créances.

– risque systémique : risque qui peut mettre en danger la survie du système financier.

– système bancaire parallèle : recouvre les intermédiaires financiers non bancaires qui fournissent des services proches de ceux proposés par les banques, comme les fonds spéculatifs ou « hedge funds ».

ANNEXE 3 : TABLEAU DE BORD UTILISÉ PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE DANS LE CADRE DE LA PROCÉDURE DE DÉSÉQUILIBRES MACROÉCONOMIQUES

Indicateurs

Seuils

Balance courante
en % du PIB, moyenne mobile sur 3 ans

+ 6 %/– 4 %

Position extérieure nette
en % du PIB

– 35 %

Taux de change effectif réel
taux de croissance sur 3 ans

+/– 5 % pour les pays de la zone euro

+/– 11 % pour les pays hors zone euro

Parts de marché à l’exportation
en valeur, taux de croissance sur 5 ans

– 6 %

Coût unitaire nominal du travail
croissance sur 3 ans

9 % pour les pays de la zone euro

12 % pour les pays hors zone euro

Prix de l’immobilier
taux de croissance annuel

6 %

Flux de crédit au secteur privé
en % du PIB

15 %

Dette privée
en % du PIB

160 %

Dette publique
en % du PIB

60 %

Taux de chômage
moyenne mobile sur 3 ans

10 %

Passif total du secteur financier
croissance annuelle

16,5 %

Source : Commission européenne.

ANNEXE 4 : LE SEMESTRE EUROPÉEN ET SES PROLONGEMENTS

Source : Conseil de l’Union.

1 () La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.

2  Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil du 12 septembre 2012 intitulée Feuille de route pour une union bancaire (COM(2012) 510) ; communication de la Commission européenne du 28 novembre 2012 intitulée Projet détaillé pour une Union économique et monétaire véritable et approfondie. Lancer un débat européen (COM(2012) 777) et rapport du président du Conseil européen présenté le 5 décembre 2012 et intitulé Vers une véritable Union économique et monétaire.

3  Règlement (UE) n° 575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement et modifiant le règlement (UE) n° 648/2012 et la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE.

4  Cf. rapport d’information n° 670 déposé par la commission des Affaires européennes portant observations sur le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires et présenté par MM. Christophe Caresche et Didier Quentin, intitulé La réforme bancaire dans le contexte européen, Assemblée nationale, XIVe législature, 5 février 2013.

5  Proposition de règlement du Conseil confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de contrôle prudentiel des établissements de crédit présentée par la Commission européenne le 12 septembre 2012 (COM(2012) 511).

6  L’article 127 du TFUE stipule en son paragraphe 6 que « le Conseil, statuant par voie de règlements conformément à une procédure législative spéciale, à l’unanimité et après consultation du Parlement européen et de la Banque centrale européenne, peut confier à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de contrôle prudentiel des établissements de crédit et autres établissements financiers, à l’exception des entreprises d’assurances ».

7  Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) n° 1093/2010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité bancaire européenne) en ce qui concerne son interaction avec le règlement (UE) n° …/… du Conseil confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de contrôle prudentiel des établissements de crédit présentée par la Commission européenne le 12 septembre 2012 (COM(2012) 512).

8  Cf. rapport d’information n° 670 déposé par la commission des Affaires européennes portant observations sur le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires et présenté par MM. Christophe Caresche et Didier Quentin, intitulé La réforme bancaire dans le contexte européen, Assemblée nationale, XIVe législature, 5 février 2013.

9  Ce terme désigne les banques devenues incapables de jouer leur rôle de financement dans l’économie compte tenu de leur insuffisance de liquidités et de valeurs d’actifs fortement diminuées.

10  L’assistance financière accordée par le MES à l’Espagne entre décembre 2013 et février 2013, d’un montant de 41,33 milliards d’euros, dont 39 milliards pour la recapitalisation de huit banques et 2,3 milliards pour la capitalisation de la structure de défaisance qui accueillera les actifs immobiliers des banques recapitalisées, va ainsi augmenter la dette espagnole de 3,8 points de PIB.

11 Cf. sur ce sujet le rapport d’information n° 670 déposé par la commission des Affaires européennes portant observations sur le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires et présenté par MM. Christophe Caresche et Didier Quentin, intitulé La réforme bancaire dans le contexte européen, Assemblée nationale, XIVe législature, 5 février 2013.

12  Proposition de directive du 6 juin 2012 du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre pour le redressement et la résolution des défaillances d’établissements de crédit et d’entreprises d’investissement et modifiant les directives 77/91/CEE et 82/891/CE du Conseil ainsi que les directives 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE et 2011/35/UE et le règlement (UE) n° 1093/2010 du Parlement européen et du Conseil.

13  Données issues du rapport de la Commission européenne sur les aides d’État accordées par les États membres de l’UE présenté le 21 décembre 2012 (COM(2012) 778).

14  Proposition de directive du 12 juillet 2010 du Parlement européen et du Conseil relative aux systèmes de garantie des dépôts. Révisant la directive 94/19/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 1994 relative aux systèmes de garantie des dépôts, elle prévoit notamment de renforcer la protection des déposants (élargissement du champ de couverture et hausse du plancher de garantie des dépôts à 100 000 euros), de raccourcir les délais de remboursement à sept jours, d’améliorer l’information des titulaires de comptes et d’assurer la solidité du financement des systèmes de garantie des dépôts. Les discussions achoppent notamment sur le niveau de financement des fonds de garantie des dépôts.

15  L’article 114 du TFUE stipule que « le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire et après consultation du Comité économique et social, arrêtent les mesures relatives au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui ont pour objet l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur ».

16  Arrêt Meroni/Haute Autorité du 13 juin 1958 (aff. 9/56 et 10/56, Rec. 1958 p. 11).

17  Une zone monétaire optimale est ainsi définie comme un ensemble de régions affectées principalement par des chocs économiques symétriques et entre lesquelles il existe des modes d’ajustement automatique face aux chocs asymétriques fondés sur la mobilité du travail, la flexibilité des salaires réels et des transferts financiers entre budget fédéral et régions concernées.

18  Le pacte de stabilité et de croissance visait notamment un solde budgétaire nul, de façon à disposer de marge de manœuvre au niveau de chacun des États membres en cas de conjoncture défavorable ou de choc asymétrique. Il s’agissait également d’éviter une trop forte dispersion des politiques budgétaires face à une politique monétaire unique ainsi que les comportements de « passagers clandestins » où un État pratiquerait une politique budgétaire expansive, en en faisant peser les conséquences négatives sur ses partenaires. L’objectif était enfin d’assurer la solvabilité des États membres de façon à éviter, entre autres, les pressions en faveur d’un sauvetage par les autorités monétaires.

19  Le « six-pack » désigne les règlements n° 1173/2011 à 1177/2011 du 16 novembre 2011 et la directive n° 2011/85/UE du 16 novembre 2011. Ce paquet législatif révise le pacte de stabilité et de croissance et l’enrichit d’un mécanisme de surveillance des déséquilibres macro-économiques.

20  Le « two-pack » recouvre le règlement n° 473/2013 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013 établissant des dispositions communes pour le suivi et l’évaluation des projets de plans budgétaires et pour la correction des déficits excessifs dans les États membres de la zone euro et le règlement n° 472/2013 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013 relatif au renforcement de la surveillance économique et budgétaire des États membres de la zone euro connaissant ou risquant de connaître de sérieuses difficultés du point de vue de leur stabilité financière. Il renforce les mécanismes du pacte de stabilité et de croissance et étend le dispositif de suivi budgétaire aux budgets nationaux.

21  Les documents présentés le 29 mai 2013 par la Commission européenne ont ainsi pris la forme d’une communication qui reprend les principales conclusions des analyses par pays effectuées par la Commission européenne et explique comment, sur cette base, elle propose de stimuler la croissance et la création d’emplois dans l’Union européenne ; 24 recommandations (un pour l’ensemble de la zone euro et un pour chaque État membre – à l’exception de la Grèce, de l’Irlande, du Portugal et de Chypre) qui contiennent des orientations de politique budgétaire, économique et sociale propres à chaque pays ; les analyses détaillées qui sous-tendent les recommandations, présentées dans 29 documents de travail des services de la Commission (un document pour la zone euro, un pour chaque État membre de l’Union et un pour la Croatie).

22  Cinq objectifs sont fixés dans la stratégie Europe 2020 : atteindre un taux d’emploi supérieur à 75 % ; consacrer 3 % du produit intérieur brut à la recherche et au développement ; confirmer les objectifs en matière de lutte contre le changement climatique (dits « 20-20-20 » ) ; réduire le taux de pauvreté de 25 % ; améliorer les niveaux d’éducation en réduisant le taux d’abandon scolaire à 10 % et en portant à 40 % la proportion des personnes de 30 à 34 ans ayant obtenu un diplôme de l’enseignement supérieur ou atteint un niveau d’études équivalent.

23  T. Bayoumi et P.R. Masson, 1998, « Liability-Creating Versus Non-Liability- Creating Fiscal Stabilization Policies : Ricardian Equivalence, Fiscal Stabilization and EMU », The Economic Journal, vol.108.

24  « Un fonds assurantiel d’ajustement cyclique pour la zone euro », Policy paper, Notre Europe-Institut Jacques Delors, Henrik Enderlein, Lucas Guttenberg et Jann Spiess, 23 janvier 2013.