N° 1840 - Rapport d'information de Mme Sandrine Doucet déposé par la commission des affaires européennes sur la démocratisation d'Erasmus : bilan et prospectives




No 

1840

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 4 mars 2014

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

sur la démocratisation d’Erasmus : bilan et prospectives

ET PRÉSENTÉ

PAR Mme Sandrine DOUCET

Députée

——

La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Danielle AUROI, présidente ; Mmes Annick GIRARDIN, Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Pierre LEQUILLER, vice-présidents ; MM. Christophe CARESCHE, Philip CORDERY, Mme Estelle GRELIER, M. André SCHNEIDER, secrétaires ; MM. Ibrahim ABOUBACAR, Jean-Luc BLEUNVEN, Alain BOCQUET, Jean-Jacques BRIDEY, Mmes  Isabelle BRUNEAU, Nathalie CHABANNE, M. Jacques CRESTA, Mme Seybah DAGOMA, MM. Yves DANIEL, Bernard DEFLESSELLES, Mme Sandrine DOUCET, M. William DUMAS, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FROMION, Hervé GAYMARD, Jean-Patrick GILLE, Mme Chantal GUITTET, MM. Razzy HAMMADI, Michel HERBILLON, Laurent KALINOWSKI, Marc LAFFINEUR, Charles de LA VERPILLIÈRE, Mme Axelle LEMAIRE, MM. Christophe LÉONARD, Jean LEONETTI, Arnaud LEROY, Mme Audrey LINKENHELD, MM. Lionnel LUCA, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MIGNON, Jacques MYARD, Michel PIRON, Joaquim PUEYO, Didier QUENTIN, Arnaud RICHARD, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Jean-Louis ROUMEGAS, Rudy SALLES, Gilles SAVARY.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 7

PREMIÈRE PARTIE : ERASMUS HIER ET AUJOURD’HUI : UN SUCCES PLUS REPUBLICAIN QUE DEMOCRATIQUE 9

I. ERASMUS, UN PROGRAMME EMBLÉMATIQUE DE LA MOBILITÉ EUROPEENNE 9

A. ERASMUS : UNE INITIATIVE RÉUSSIE AU SERVICE D’UN LARGE PUBLIC 10

1. Une initiative heureuse 10

a. Naissance et esprit d’un programme 10

b. Les chiffres éloquents de la démocratisation d’Erasmus 10

2. Un dispositif encadré et complexe : des échanges qui mobilisent de multiples partenaires 13

a. Erasmus, programme sectoriel du Programme Éducation et formation tout au long de la vie 13

b. Des outils pour favoriser l’augmentation de la mobilité 14

c. Les acteurs du succès d’Erasmus : les étudiants et les établissements d’enseignement supérieur 16

d. La montée en puissance du rôle des régions 18

B. UNE GARANTIE D’ÉGALITÉ : LE RÔLE DES BOURSES DANS LE FINANCEMENT DES ÉCHANGES ERASMUS : 19

1. Une dotation de l’Union européenne à la disposition des États membres 19

a. Un budget consacré principalement aux bourses 19

b. Le rôle des agences nationales 20

2. Les bourses Erasmus : une aide indispensable à la mobilité, qui reste relativement modeste 22

C. LA CRISE ÉCONOMIQUE, VECTEUR D’UNE DÉMOCRATISATION ACCÉLÉRÉE ? LE RÔLE DES STAGES ET DE L’APPRENTISSAGE 23

1. Le développement des stages Erasmus : un succès spectaculaire 23

a. Les stages Erasmus, un succès en accélération 23

b. Mobilité et employabilité : un vecteur d’insertion professionnelle et d’internationalisation 25

2. La professionnalisation de la mobilité Erasmus : le cas de l’apprentissage 26

a. Le rôle de l’entreprise 26

b. Le cas de la formation professionnelle et de l’apprentissage : modèles et difficultés juridiques 26

II. ERASMUS, UNE DÉMOCRATISATION INACHEVÉE 28

A. LES DÉSÉQUILIBRES MIGRATOIRES DE LA MOBILITÉ ERASMUS EN PARTIE CORRÉLÉS AUX FREINS LINGUISTIQUES 28

1. Problématique de réciprocité des échanges encore en question : les mobilités asymétriques 29

2. Les vraies fausses mobilités 30

3. Les différences d’attractivité mettent en avant le facteur linguistique 31

a. Les limites de la promotion du multilinguisme 31

b. Le cas du Royaume-Uni, une langue hégémonique 32

c. Le cas de l’Espagne 33

d. Les bonnes pratiques en matière d’apprentissage des langues 33

B. LES FREINS ECONOMIQUES A LA MOBILITÉ RESTENT PREDOMINANTS 34

1. L’insuffisance des bourses Erasmus favorise les étudiants soutenus par leurs familles 34

2. Les compléments financiers, une source d’inégalité géographique : les disparités entre collectivités territoriales 36

C. DES FREINS SOCIO-CULTURELS RENFORCÉS PAR LE CONTEXTE CONCURRENTIEL DES ÉTABLISSEMENTS D’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR 37

1. L’appétence pour la mobilité, une donnée socio-culturelle 37

a. Le profil de l’étudiant mobile, et de l’étudiant Erasmus 37

b. Les disparités socio-culturelles et économiques : la reproduction sociale et scolaire 38

2. Les stratégies internationales des établissements d’enseignement supérieur : une logique d’excellence 39

a. Hiérarchies entre filières 39

b. Les stratégies internationales distinctives des établissements d’enseignement supérieur 40

c. Le cas du Royaume-Uni, une logique d’excellence 41

DEUXIÈME PARTIE : ERASMUS DE L’AVENIR : UNE DÉMOCRATISATION SOUS CONDITIONS 45

I. UN NOUVEAU DISPOSITIF « ERASMUS + » AU SERVICE D’UNE DÉMOCRATISATION RENFORCÉE 45

A. ERASMUS + : UN DISPOSITIF RATIONALISÉ AU SERVICE D’UN DOUBLEMENT DE LA MOBILITÉ D’ICI 2020 45

1. Un nom programmatique : Erasmus +, une métonymie réussie 45

2. Un dispositif rationalisé pour une meilleure lisibilité des programmes en faveur de la mobilité 46

B. UNE STRATÉGIE D’ENVERGURE : LA MOBILITÉ AU SERVICE DE L’EMPLOYABILITÉ DES JEUNES 49

1. L’employabilité, le viatique renforcé de la démocratisation d’Erasmus 49

2. Diversification de la mobilité européenne 50

a. De nouveaux publics a priori éloignés de la mobilité 50

b. Reconnaissance de parcours non formels et informels 50

C. ERASMUS + POUR LA FRANCE 51

II. LES CONDITIONS D’UNE DÉMOCRATISATION ACCRUE ET EFFECTIVE D’ERASMUS EN QUESTION 52

A. UN FINANCEMENT ENCORE EN QUESTION : ERASMUS + AURA-T-IL LES MOYENS DE SON AMBITION ? 52

1. L’augmentation du budget 2014-2020, une condition d’efficience des ambitions d’Erasmus + 52

a. L’enveloppe globale d’Erasmus +, revue à la baisse… 52

b. …maintient à la mobilité étudiante sa position dominante 53

2. La crise économique : une ombre sur l’avenir du dispositif ? 53

a. Les précédents fâcheux de 2012 53

b. Le récent exemple de l’Espagne vient confirmer ces doutes. 54

B. UN DISPOSITIF DE GARANTIE DE PRÊT : UNE HYPOTHÈQUE POSSIBLE D’ERASMUS + ? 55

1. Un dispositif de garantie de prêts à destination des étudiants en master 55

2. … qui reste un palliatif insuffisant du point de vue démocratique : le risque d’endettement de publics fragilisés 55

C. RENFORCER L’ATTRACTIVITÉ DU NOUVEAU DISPOSITIF 56

1. Parmi les incitations à la mobilité, l’accent doit être mis sur les personnels administratifs et enseignants 56

2. Renforcer la valorisation de la mobilité auprès des bénéficiaires 57

3. Les conditions financières d’une démocratisation qualitative de la mobilité : la modulation des bourses en fonction de critères socio-économiques 58

TRAVAUX DE LA COMMISSION 61

ANNEXES 63

ANNEXE NO 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE 65

ANNEXE NO 2 : QUELQUES DATES D’ERASMUS 69

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le présent rapport s’appuie en partie sur les éléments d’information de précédents rapports d’étape que votre rapporteure a eu l’opportunité de faire à l’occasion d’une année riche en la matière : le rapport d’information adopté par la Commission des affaires européennes le 5 juin 2013 ainsi que le rapport de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation examiné en commission le 26 juin 2013 et dont la résolution a été considérée comme adoptée par l’Assemblée nationale, aux termes de l’article 151-7 du Règlement.

Toute l’année passée, le programme Erasmus s’est trouvé placé sous les feux de la rampe. Pour mémoire, je rappelle la mobilisation qui a accompagné le 25e anniversaire du programme en 2012 : après le cri d’alarme du député européen Alain Lamassoure sur le bouclage du budget Erasmus, on se souvient du soutien apporté par la lettre ouverte d’une centaine d’intellectuels et d’artistes en novembre 2012 en faveur de ce programme emblématique.

Au fond ces inquiétudes se sont avérées en partie infondées car loin de vouloir écorner un programme inscrit dans le paysage mental des Européens – ce qui est soi déjà remarquable dans une Europe toujours en quête de légitimité – le projet de la Commission européenne, dès novembre 2011, visait à accroître l’ambition des programmes existant en augmentant les crédits, en rationnalisant et en simplifiant le dispositif général et en doublant l’objectif de mobilité d’ici 2020. Pourtant ces mobilisations n’ont pas été vaines car elles ont permis, dans un contexte de restrictions budgétaires généralisées, et fatalement donc de frilosité politique des gouvernements, de maintenir une ambition forte voire accrue en faveur des programmes du type Erasmus sur la mobilité européenne de jeunes et d’étudiants. La pérennité d’Erasmus a été consacrée et étendue.

Ainsi dans le cadre pluriannuel 2014-2020 de son nouvel instrument juridique, Erasmus +, le budget acté sera de 14,7 milliards d’euros pour 2014-2020 dont 63 % seront consacrés à la mobilité des étudiants et des personnels. Bien que ce montant total du budget alloué à « Erasmus + » soit moindre que celui initialement proposé par la Commission européenne – 19,1 milliards pour mémoire-, il reste néanmoins d’autant plus conséquent qu’avec 40 % d’augmentation, il est l’un des deux domaines, avec la recherche et l’innovation, qui a vu une augmentation de ses crédits. Avec un objectif de plus de quatre millions de jeunes et plus de 800 000 personnels enseignants et administratifs devant expérimenter une mobilité à l’étranger, c’est assez dire l’enjeu que représente la mobilité pour l’Europe dans une économie désormais mondialisée, et c’est dire combien les attentes sont fortes dans un contexte de crise économique qui perdure et qui frappe tout particulièrement les jeunes. On lui assigne un rôle clé pour affronter et résoudre la crise.

À l’heure où ce nouvel instrument juridique et financier concernant la mobilité se met en place, il a paru important à votre rapporteure de se pencher sur le bilan d’Erasmus sous l’angle de sa démocratisation. Au-delà en effet de l’éloquence des chiffres qui témoignent de sa montée en puissance, il convient d’établir les critères qualitatifs de ce succès. S’il ressort que le dispositif souscrit à des exigences d’égalité et de transparence, il ne s’en inscrit pas moins dans un dispositif relativement complexe et dans une démarche personnelle freinée par un certain nombre d’obstacles financiers, sociaux et culturels. Avant d’être une donnée personnelle, l’appétence pour la mobilité reste en effet une donnée socio-culturelle d’autant plus problématique d’un point de vue démocratique qu’elle s’inscrit désormais de plus en plus dans une logique de sécurisation des parcours et de distinction universitaire à des fins d’insertion professionnelle et d’employabilité, et ce dans un contexte économique concurrentiel qui affecte l’enseignement supérieur lui-même. À ce titre, si le dispositif Erasmus est conforme aux valeurs républicaines de mérite et d’excellence, il reste à conforter en termes démocratiques d’accessibilité et d’ouverture à des publics plus diversifiés culturellement, plus éloignés de l’idée de mobilité.

Au terme de ce rapport, j’entends rappeler les trois enseignements que j’ai tirés de toutes les auditions auxquelles j’ai procédé : l’effort de démocratisation doit encore être accru tant en quantité qu’en qualité, de telle sorte que l’accès au dispositif Erasmus soit possible quel que soit l’âge et le niveau de diplôme des bénéficiaires ; les structures d’accompagnement à la mobilité au sein des établissements doivent être renforcées, ce qui implique d’inciter les enseignants et les personnels des établissements d’enseignement à expérimenter eux-mêmes la mobilité ; enfin sont nécessaires une augmentation des bourses et une meilleure allocation en fonction de critères socio-économiques pour attirer des publics freinés par des réticences culturelles.

« Si c’était à refaire, je commencerais par la culture… » On connaît cette formule presque éculée, apocryphe qui plus est, de l’un des pères fondateurs de l’Europe, Jean Monnet. Mais comme disent les Italiens, Se non è vero, ben è trovato (1. Elle souligne combien l’éducation et la formation constituent un formidable creuset pour l’union de l’Europe. Votre rapporteure souhaite que ce rapport d’information contribue au succès d’une nouvelle « génération Erasmus ».

PREMIÈRE PARTIE : ERASMUS HIER ET AUJOURD’HUI : UN SUCCES PLUS REPUBLICAIN QUE DEMOCRATIQUE

Si le programme Erasmus mis en place il y a maintenant vingt-cinq ans en 1987 est si emblématique, c’est qu’il n’a cessé de s’ancrer dans le paysage institutionnel, universitaire et mental des Européens au point qu’il n’est pas usurpé de parler d’un véritable succès démocratique non seulement à l’échelle de l’Union européenne mais également auprès de pays européens ou voisins qui s’en inspirent. Les chiffres en volume sont, à ce titre, bien éloquents. Cependant, passée l’image d’Épinal véhiculée par le célèbre film de Cédric Klapish, l’Auberge espagnole, peu mesurent la complexité d’un dispositif dont la principale originalité est qu’il offre à l’échelle d’une Europe élargie une mobilité institutionnalisée.

À la différence en effet des mobilités spontanées qui s’exercent bien souvent sur des cursus entiers à l’étranger, et qui concernent surtout le choix « individuel » d’étudiants de s’inscrire dans un établissement d’enseignement supérieur ne se situant pas dans leur pays d’origine, la mobilité Erasmus qui porte sur des périodes de six mois environ, s’inscrit dans le curriculum du pays d’origine, de telle sorte que l’étudiant obtient, à l’issue de son séjour à l’étranger, le diplôme de son université d’origine et non celui de son université d’accueil. Un tel encadrement a pour effet que, si l’étudiant reste le principal bénéficiaire du programme, il n’en est pas le principal acteur, ce qui explique d’ailleurs, paradoxalement, que le dispositif ne soit pas toujours parfaitement lisible pour lui.

Les avantages d’une mobilité institutionnalisée en termes de démocratisation sont importants. Le rôle des bourses vues comme compensations financières au différentiel de coût d’études pour une mobilité est ainsi pensé comme devant favoriser la mobilité de publics qui financièrement en auraient été empêchés. Pour autant, outre que la compensation financière n’est souvent pas suffisante pour couvrir le coût d’une mobilité à l’étranger, de nombreux obstacles ou freins, à la fois subjectifs et objectifs, expliquent que la démocratisation d’Erasmus ne soit pas complète.

La mobilité d’Erasmus n’absorbe pas la mobilité étudiante européenne totale – par ailleurs difficile à évaluer (2) – parce qu’à côté de la mobilité spontanée, il s’agit d’un dispositif parmi d’autres, non exclusif d’autres mobilités financées différemment.

Erasmus est devenu tellement emblématique de la mobilité estudiantine en Europe qu’on a tendance à ignorer les dispositions exactes que ce programme sous-sectoriel recouvre et l’esprit qui l’a vu naître.

Dans l’axe d’échanges pilotes entre étudiants de 1981 à 1986, le programme Erasmus est le premier programme à l’échelle européenne prévu pour permettre à des étudiants des pays membres de vivre une expérience d’apprentissage enrichissante à l’étranger et plus particulièrement en Europe. Adopté en juin 1987, il permit, dès la première rentrée universitaire de 1987-1988, à 3 244 étudiants issus de onze pays d’y participer.

Comme souvent pour les dispositifs européens, l’acronyme qui donne son nom au programme se place également sous l’égide d’une personnalité incarnant les valeurs de l’Europe. En l’espèce, la figure tutélaire du philosophe et humaniste de la seconde moitié du XVe siècle, Érasme de Rotterdam, sert d’acronyme pour European community Action Scheme for the Mobility of University Students (Programme d’action communautaire en matière de mobilité des étudiants).

À ce titre, son action s’inscrit dans la stratégie de Lisbonne, adoptée en 2000, qui met l'accent sur la croissance et l'emploi et voit dans la connaissance et l'innovation qui en résulte les atouts les plus précieux de l'Union européenne. Elle participe du processus de Bologne et s’inscrit dans le cadre stratégique pour la coopération européenne dans le domaine de l'éducation et de la formation – «   Éducation et formation 2020 » – par lesquels les États membres de l'Union européenne et la Commission européenne ont renforcé leur coopération en 2009.

Peu nombreux, semble-t-il, sont les programmes lancés par l'Union européenne qui ont eu une telle portée à l'échelle européenne. Les chiffres sont ici éloquents, la grande majorité des universités européennes y participe et le chiffre de 3 millions d'étudiants a été atteint vingt-cinq ans après son lancement en 1987 ; de même, depuis 1997, 250 000 professeurs et autres membres du personnel de l'enseignement supérieur y ont participé, chiffre par ailleurs destiné à s’accroître du fait du développement de ce type d'échanges depuis 2007.

Bien que la mobilité des étudiants en Europe, rapportée à la population étudiante européenne, soit de l’ordre d’une infime minorité, elle n’en demeure pas moins très conséquente en volume (3). L’augmentation considérable de son périmètre au fil des années tout en en rendant la comparaison délicate, est à ce titre un bon indice de son dynamisme. En 2011-2012, ce sont trente-trois pays qui participent - aux vingt-sept pays de l’Union européenne et aux trois pays de l’Association européenne de libre-échange (AELE) – l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège - s’ajoutent la Suisse, la Turquie et la Croatie, ce dernier pays désormais membre de l’Union européenne (4). S’ajouteront à l’avenir les derniers candidats à l’entrée dans l’Union européenne, à savoir l’ARYM ou tout dernièrement la Serbie.

Dans la vitalité des échanges Erasmus, l’Espagne et la France jouent un rôle moteur. En valeur absolue, l’Espagne est ainsi le champion de la mobilité Erasmus tant en mobilité entrante (39 545) qu’en mobilité sortante (39 300). Malgré la difficulté de sa langue, le positionnement de l’Allemagne (33 363 mobilités sortantes et 27 872 mobilités entrantes) s’explique notamment par l’idéal de moteur que ce pays joue en Europe dans le contexte de crise économique. Le cas quant à lui bien particulier du Royaume-Uni en excédent d’accueil (18 024 mobilités entrantes contre 9 094 mobilités sortantes) tient à l’attractivité de la langue anglaise.

Le programme Erasmus est particulièrement performant pour les étudiants français, notamment en matière de stages. En valeur absolue, la France est en effet le deuxième pays de départs d’étudiants en mobilité après l’Espagne et le premier pays en mobilité sortante pour la mobilité des stages qui connaît une hausse continue (23 % d’augmentation en 2011-2012 par rapport à l’année précédente). Sur la période académique 2011-2012, la France a financé 33 269 étudiants pour réaliser des mobilités d’études (25 924) ou de stage (7 345). Sur les dernières années (de 2001-2002 à 2010-2011), le nombre de mobilités a progressé de 74,9 % avec une croissance moyenne de 6,5 % par an. Depuis le lancement du programme en 1987, ce sont donc plus de 380 000 étudiants français qui ont effectué une mobilité. Ramenés à la population étudiante française totale, ces chiffres, d’après les données d’Eurostat, donnent un taux de mobilité des étudiants français pour 2010-2011 de 1,41 %, taux supérieur à la moyenne européenne de 0,96 %. Bien que la France n’arrive qu’en 13e position derrière le Luxembourg, le Liechtenstein, l’Espagne, la Lituanie ou la Lettonie, elle devance tous les grands pays de l’Union à l’exception notable de l’Espagne. De même, rapportés à la population de diplômés, le taux de mobilité des étudiants Erasmus est de 4,83 %.

L’impact du programme sur la constitution d’une identité européenne relève de constats empiriques liés au retour d’expérience véhiculée par des étudiants ayant pratiqué la mobilité Erasmus. C’est la raison pour laquelle on parle de « génération Erasmus ». La découverte d’un pays étranger, la confrontation à lui et la rencontre avec d’autres culturellement différents amènent les étudiants par un processus psychosociologique et politique à se construire une identité faite d’appartenances multiples dont l’identité européenne, incarnée, fait partie (5). Encore faut-il peut-être nuancer ce constat optimiste. Une étude anglo-saxonne soulignait que les étudiants britanniques, s’ils se sentaient plus attachés à l’Europe, n’en développaient pas pour autant une identité ni un sentiment de fierté européens (6). Du chemin reste à faire.

 

Études

Stages

Mobilité étudiante totale

Nombre total d’étudiants Erasmus

204 744

48 083

252 827

Montant moyen de la bourse Erasmus (€)

232

357

250

Durée de la mobilité (mois)

6,3

4,3

5,9

Nombre d’étudiants à besoins particuliers

295

41

336

Pays d’envoi (valeur absolue)

Espagne, Allemagne, France, Italie, Pologne

France, Allemagne, Espagne, Royaume-Uni, Pologne

Espagne, Allemagne, France, Italie, Pologne

Pays d’envoi (rapportés à la population étudiante)

Luxembourg, Lichtenstein, Espagne, Lituanie, République tchèque, Portugal

Lettonie, Lichtenstein, Malte, Estonie, Lituanie

Luxembourg, Lichtenstein, Espagne, Lettonie, Lituanie

Pays de destinations (valeur absolue)

Espagne, France, Allemagne, Royaume-Uni

Espagne, Royaume-Uni, Allemagne, France, Italie

Espagne, France, Allemagne, Royaume-Uni, Italie

Niveau d’études

1er degré 70 %

Master 28 %

Doctorat 1 %

Cycle court 1 %

1er degré 57 %

Master 29 %

Doctorat 3 %

Cycle court 11 %

1er degré 68 %

Master 28 %

Doctorat 1 %

Cycle court 3 %

Établissements d’enseignement supérieur (mobilité sortante)

2 283

2 574

3 189

Genre (féminin)

60,6 %

61,1 %

60,7 %

La mobilité Erasmus en chiffre. D’après un tableau du rapport statistique du Programme Erasmus 2011-2012 de la Commission européenne.

Programme autonome en 1987, Erasmus a été intégré comme programme sectoriel à d’autres programmes plus globaux en matière d’éducation ou de formation dès 1995 avec le programme Socrate puis Socrate II. En 2007, il s’est trouvé intégré au programme pour l'Éducation et la Formation tout au long de la vie, et englobe depuis lors des domaines nouveaux tels que les stages en entreprise pour les étudiants, qui procèdent d’un transfert du programme Leonardo da Vinci, ou la formation du personnel universitaire et l'enseignement pour le personnel des entreprises.

Le Programme Éducation et Formation tout au long de la vie.

Les autres programmes sectoriels

Le programme d’action se décline en six sous-programmes, dont quatre programmes sectoriels. Tous visent une acculturation et une ouverture à la diversité des cultures européennes ainsi que l’acquisition des qualifications et compétences nécessaires au développement personnel, à l’activité professionnelle future et à une citoyenneté active des bénéficiaires. Parmi les quatre programmes sectoriels, outre Erasmus, on trouve :

Le programme Comenius concerne l’enseignement préscolaire et scolaire jusqu’à la fin du deuxième cycle de l’enseignement secondaire, ainsi que les établissements et organisations dispensant cet enseignement. Il encourage tout particulièrement l’apprentissage des langues étrangères. Relève également de son action le soutien à des partenariats, tels que les « partenariats scolaires Comenius » d’écoles concernant des projets d’apprentissage communs ou les « partenariats Comenius-REGIO » d’organisations responsables de l’éducation scolaire en vue de stimuler la coopération interrégionale, notamment transfrontalière. Son objectif était d’atteindre une participation d’au moins trois millions d’élèves pendant la durée du programme.

Le programme Leonardo da Vinci concerne l’enseignement et la formation professionnels autres que de niveau supérieur – transféré à Erasmus. Son objectif était d’atteindre un volume de 80 000 mobilités par an, y compris sous la forme de stages dans les entreprises, d’ici la fin du programme.

Le programme Grundtvig concerne toutes les formes d’éducation des adultes. Pour répondre au défi du vieillissement de la population européenne dans le domaine de l’éducation, il cherche à fournir aux adultes des parcours pour améliorer leurs connaissances et compétences. Son objectif était de parvenir à un volume de 7 000 personnes par an.

Le programme transversal recouvre quatre activités clés dans le domaine de l’éducation et de la formation, à savoir la coopération et l’innovation politiques, la promotion de l’apprentissage des langues, le développement de services, de pédagogies et de pratiques innovants fondés sur les TIC, et la diffusion et l’exploitation des résultats d’actions relevant de ce programme ou des programmes antérieurs ainsi que l’échange de bonnes pratiques. À ce titre, l’un de ses objectifs est de permettre aux États ou institutions de disposer de données et statistiques pour évaluer les progrès accomplis et leur permettre l’élaboration de leurs politiques publiques en matière d’éducation et de formation. C’est dans ce cadre que s’inscrivent les réseaux Eurydice, Euroguidance, les centres nationaux d’information sur la reconnaissance académique des diplômes (NARIC), le portail Ploteus ou l’initiative Europass.

Le programme Jean Monnet porte spécifiquement sur les questions d’intégration européenne dans la sphère universitaire. Ses actions couvrent des projets unilatéraux et nationaux comme les chaires, centres d’excellence et modules d’enseignement Jean Monnet ou le soutien aux jeunes chercheurs. Il apporte son soutien aux établissements et associations agissant dans ce domaine de l’intégration européenne et verse des subventions de fonctionnement à des établissements qui poursuivent un but d’intérêt européen comme le Collège d’Europe, l’Institut universitaire européen de Florence, l’Institut européen d’administration publique (EIPA) de Maastricht, l’Académie de droit européen (ERA) de Trèves, l’Agence européenne pour le développement de l’éducation pour les élèves à besoins spécifiques de Middelfart et le Centre international de formation européenne (CIFE) de Nice.

Afin d’encourager la mobilité, un certain nombre d’initiatives ou d’outils ont été mis au point, qui permettent une meilleure appréciation et reconnaissance des qualifications, des expériences et des compétences au sein de l'Union européenne, et partant un meilleur accès aux possibilités de formation ou d'emploi dans les différents pays concernés par cette mobilité. Ces différents outils ou réformes s’adressent tant aux décideurs en matière de politiques publiques qu’aux établissements d’enseignement supérieur et aux individus.

Parmi les réformes importantes en partie suscitées par Erasmus figure la réforme des diplômes de la Déclaration de Bologne du 19 juin 1999. Signée par 29 pays, elle visait à faire converger l’ensemble des systèmes d'enseignement supérieur en Europe vers un système plus transparent basé sur trois cycles : Licence - Master – Doctorat (LMD). Pour autant, l’une des difficultés auxquelles se heurtent les étudiants reste la non reconnaissance des diplômes dispensés par d’autres universités européennes. Il n'existe en effet pas de disposition européenne imposant, dans tous les domaines, la reconnaissance académique des diplômes, les États membres demeurant seuls responsables du contenu et de la structure de leur système éducatif. En dehors de certaines professions règlementées comme les architectes, médecins, dentistes, infirmiers en soins généraux, vétérinaires, pharmaciens, sages-femmes, la reconnaissance des diplômes n’est pas automatique.

Concernant spécifiquement le dispositif Erasmus figure également le système ECTS (European Credits transfer system). Ce système européen de transfert et d'accumulation de crédits mis en place dès 1989 et renforcé en 1999 avec le processus de Bologne a pour objectif de permettre la reconnaissance académique des périodes d'études réalisées à l'étranger, et ainsi de développer qualitativement la mobilité des étudiants en Europe. Le système, centré sur l'étudiant, est basé sur la charge de travail à réaliser par l'étudiant afin d'atteindre les objectifs du programme, en termes de connaissances et de compétences à acquérir. Une année d’études complète à plein temps estimée à 1500 à 1800 heures à partir d’une évaluation de 25 à 30 heures par semaine (« Student Workload ») correspond environ à 60 crédits.

L’enjeu dans le parcours universitaire est la bonne utilisation des crédits, sachant que la mobilité soutenue par des bourses reste limitée.

Le Cadre européen des compétences clés est un outil permettant aux décideurs politiques de l'Union européenne d'identifier les aptitudes fondamentales dont les individus ont besoin pour réussir leur vie dans le monde d'aujourd'hui.

Le Cadre européen de référence pour l’assurance de la qualité dans l’enseignement et la formation professionnels (CERAQ) élabore des références européennes communes en matière de système d'enseignement et de formation professionnels (EFP) afin d’aider les autorités nationales à améliorer leur système d’enseignement.

Le Cadre européen des certifications pour l’éducation et la formation tout au long de la vie (CEC) est un outil de lien et de transposition des différents systèmes nationaux de certification devant permettre aux employeurs et aux personnes de mieux comprendre les qualifications à l’œuvre dans les différents pays de l'Union européenne (7).

Le Système européen de transfert et d’accumulation de crédits (ECTS) est une base commune pour la reconnaissance formelle des périodes d’étude à l’étranger.

Le Système européen de crédit d’apprentissages pour l’enseignement et la formation professionnels (ECVET), conçu sur le principe de l’ECTS, est en cours d’élaboration : c’est un outil qui doit permettre le transfert et la reconnaissance des acquis de formation et d’éducation en Europe, y compris en dehors du système formel de formation.

Le Supplément au diplôme (SD), comme son nom l’indique accompagne un diplôme d’études supérieures en fournissant une description standard de la nature, du niveau, du contexte, du contenu et du statut des études accomplies par son titulaire.

Plus large que le Supplément au diplôme, Europass, depuis 2005, est conçu comme un passeport de qualifications et de compétences destiné à aider les individus à mieux les faire comprendre et reconnaître partout en Europe, afin notamment d’augmenter leurs perspectives d'emploi. En 2012, 15 721 Europass Mobilité ont été délivrés, soit 10,8 % de plus qu’en 2011.

Les centres nationaux d'information sur la reconnaissance des diplômes (NARIC) fournissent des informations et des conseils sur la reconnaissance académique des diplômes et périodes d'étude à l'étranger.

Il existe bien d’autres outils ou réseaux tels que le portail PLOTEUS dont l’objectif est de fournir des informations sur les opportunités d’études et de formation (descriptifs des systèmes nationaux d’éducation, des établissements d’enseignement supérieur, formations, écoles) ou des conseils pour faciliter une installation à l’étranger ; ou le réseau Euroguidance. Enfin certains d’entre eux sont en cours de création, par exemple pour la validation de l’apprentissage en dehors de l’éducation et de la formation formelles.

À côté du cadre géographique formé par les trente-trois États partenaires au dispositif Erasmus, les acteurs du succès sont non seulement les bénéficiaires, les étudiants pour l’essentiel, mais également de nombreux partenaires qui rendent possible et incitative une mobilité dès lors institutionnalisée au nombre desquels, en priorité, les établissements d’enseignement supérieur.

Les bénéficiaires et la cible principale de la mobilité – celle en tout cas à laquelle pense spontanément le citoyen européen à l’évocation du programme Erasmus - restent avant tout les étudiants dès lors qu’ils sont citoyens de l'un des pays éligibles (ou disposant du statut de résident permanent, d'apatride ou de réfugié politique), et qu’ils ont achevé leur première année d'études universitaires. Le programme Erasmus permet chaque année à environ 200 000 étudiants de faire l’expérience de cette mobilité non diplômante. Dans le cadre de leur sélection, ils s’engagent par un contrat pédagogique ou de formation. On notera qu’une seule mobilité d’études Erasmus est possible au cours du parcours universitaire.

L’élargissement des publics est une donnée de la démocratisation d’Erasmus. À ce titre, les étudiants avec un handicap sont également pris en compte. En 2011-2012, ce sont ainsi 336 étudiants « à besoins spécifiques », principalement italiens ou hongrois, qui ont reçu une bourse complémentaire de mobilité. Le taux infime de cette part des étudiants Erasmus – 0,13 % - s’explique selon la Commission européenne par la part non moins faible qu’ils représentent au sein de l’enseignement supérieur en général.

L’image d’Épinal de la mobilité Erasmus est tellement focalisée sur l’étudiant qu’on ignore bien souvent à quel point le dispositif entier repose sur un acteur institutionnel davantage qu’individuel, à savoir les établissements d’enseignement supérieur. Dans l’optique de favoriser la mobilité transnationale des étudiants, le programme Erasmus contribue ainsi également à la réalisation d’un espace européen de l’enseignement supérieur, en finançant la coopération entre établissements d'enseignement supérieur dans toute l'Europe au moyen de programmes intensifs, de réseaux et de projets multilatéraux. C’est d’ailleurs dans ce cadre qu’Erasmus contribue à la modernisation des établissements et des systèmes d'enseignement supérieur en Europe.

Plus de 4 000 établissements d'enseignement supérieur dans 33 pays sont ainsi concernés. La définition en est plus ou moins large selon la politique nationale qui détermine leurs conditions d’éligibilité. La définition peut en être, comme en France, très compréhensive : il s’agit des établissements d'enseignement supérieur délivrant un diplôme national de l'enseignement supérieur, un diplôme d'État ou un titre. Peuvent donc en faire partie non seulement les universités mais également les instituts, les centres de recherche, les établissements relevant des ministères de la culture (les conservatoires de musique par exemple) ou de l’agriculture, etc., qu’ils soient publics ou privés agréés par l'État. Ainsi les lycées dès lors qu’ils concernent l’enseignement supérieur (BTS et licences professionnelles) en font partie.

Un séjour d'études Erasmus n’est donc une expérience personnelle que parce qu’elle s'inscrit d’abord obligatoirement dans le cadre d'échanges entre établissements. Chaque établissement d’enseignement supérieur, université, grande école, lycée avec cursus relevant du supérieur, etc. fait ainsi acte de candidature pour obtenir la charte universitaire Erasmus (CUE). Celle-ci définit les principes fondamentaux et les exigences minimales que l’établissement d’enseignement supérieur doit respecter lorsqu’il met en œuvre ses activités Erasmus. Octroyée par la Commission européenne à la suite d'un appel à propositions, la Charte est une condition préalable essentielle pour que les établissements d'enseignement supérieur puissent organiser des actions de mobilité à l’intention des étudiants ou des enseignants et autres personnels.

Le nombre d’établissement d’enseignement supérieur est un bon indice de la démocratisation du dispositif. Il est ainsi passé de 1 950 établissements actifs (8) en 2004-2005 à 3 329 en 2011-2012. Cependant, la diversité de leur statut juridique ou de leur taille – particulièrement vraie pour la France qui représente en 2011-2012 près de 1 057 établissements dont 758 candidatures contractuelles – explique le caractère hétérogène de la mobilité. Sur les 4 452 établissements titulaires de la charte Erasmus (EUC), 72 % ont participé au programme, voire 75 % si, à la mobilité des étudiants, on intègre la mobilité des personnels enseignant et administratif. L’énorme université de Complutense de Madrid dont votre rapporteure a pu auditionner des enseignants et des membres de l’administration en charge de la stratégie internationale figure parmi les deux universités les plus importantes en nombre d’envoi d’étudiants et de personnels (2065). Inversement 40 % de structures, de taille réduite, n’envoient qu’une dizaine d’étudiants tout au plus en mobilité.

Les enseignants et les personnels administratifs de l'enseignement supérieur sont à la fois de possibles bénéficiaires du programme dans la mesure où ils peuvent, à titre individuel, effectuer une mobilité à des fins d’enseignement, et des acteurs décisifs de l’efficacité du dispositif parce qu’ils assurent au sein de leur université ou, de façon plus spécifique, au sein de la faculté ou du département de l’université l’organisation de la mobilité et la sélection des étudiants candidats à la mobilité Erasmus. Ces enseignants, bénévoles ou volontaires et qui ne ménagent bien souvent pas leur temps ont ainsi un rôle décisif de « coordinateur » ou de « responsable Erasmus ». Ils rendent possible la mobilité sortante de leurs étudiants mais assurent aussi bien souvent un rôle d’accueil pour la mobilité entrante. Certaines universités leur accordent une décharge horaire pour assumer leur rôle de coordinateur.

Les organismes privés et publics qui coopèrent avec les établissements d'enseignement supérieur (centres et organismes de recherche, associations, collectivités locales, entreprises, partenaires sociaux (associations ou syndicats notamment étudiants) jouent également un rôle important dans le montage des projets, leur financement, les modalités pratiques de la mobilité, etc. Parmi elles, les collectivités territoriales deviennent des acteurs de plus en plus importants en ce qu’ils participent au cofinancement de la mobilité en général et de la mobilité Erasmus en particulier.

Enfin, le rôle des familles est décisif non seulement pour la part non négligeable qu’elles assument dans le financement de la mobilité mais également par le poids symbolique et culturel qu’elles attachent à cette mobilité, et qui participe de l’appétence ou non pour la mobilité des étudiants.

Les acteurs et les institutions impliqués dans la mise en œuvre du programme Erasmus ou dans la mobilité en général sont multiples et dessinent un paysage éclaté ou pas toujours bien coordonné. Dans le cadre d’une démocratisation accrue de la mobilité européenne, par Erasmus ou par d’autres programmes incitatifs, la coordination, la mobilisation au service du programme et partant, l’efficacité de ces acteurs et actions ne pourra pas faire l’impasse d’une stratégie globale et concertée.

Le rôle des collectivités territoriales et tout particulièrement des régions dans le financement et la promotion de la mobilité est de plus en plus important. Leur politique s’oriente sur deux types d’actions, au soutien à la mobilité sortante des jeunes et à l’accueil des jeunes étrangers. C’est pour l’essentiel la mobilité sortante qui a fait l’objet des efforts des régions mais elles sont notamment conscientes de l’effet indirect de la mobilité étudiante dans l’attractivité de leur territoire pour les entreprises.

Pour répondre à cet enjeu, les régions interviennent fortement dans le domaine de la mobilité européenne et internationale des jeunes à laquelle elles consacrent un budget conséquent. Les Länder allemands ont été pionniers en la matière. L’Association des Régions française évaluerait la contribution financière des régions à environ 150 millions d’euros pour 150 000 jeunes (9). Ainsi l’Ile-de-France consacre un budget annuel d’environ 22 millions d’euros à la mobilité et permet à environ 21 000 bénéficiaires (lycéens, étudiants, apprentis et demandeurs d’emplois) de faire l’expérience d’une mobilité. Outre leur contribution financière, les régions jouent un rôle d’accompagnement des démarches de mobilité. Ainsi l’Aquitaine qui consacre environ 8 millions d’euros par an à la mobilité toutes catégories confondues a mis en place un guichet unique pour les candidats à la mobilité.

En 2010-2011, les cinq régions françaises (10) les plus actives en valeur absolue dans le programme Erasmus furent l’Ile de France, Rhône Alpes, le Nord-Pas-de-Calais, les Pays de la Loire, et la Bretagne. Toutefois si l’on tient compte de la population étudiante dans les régions pour évaluer leur taux de mobilité, seules les régions Bretagne et Pays de la Loire se maintiennent dans ce classement. De manière générale, on constate de très fortes disparités régionales : rapportés à la population totale d’étudiants, le taux de mobilité de la région Poitou-Charentes s’élevait à 2,77 % d’étudiants mobiles contre 0,26 % pour les collectivités d’Outre-Mer. Les dix régions les plus actives en valeur relative étaient pour la plupart des régions frontalières ou ouvertes sur la mer (Poitou-Charentes, Pays de la Loire, Champagne-Ardenne, Haute-Normandie, Bretagne, Rhône-Alpes, Nord-Pas-de-Calais, Midi-Pyrénées, Lorraine, Aquitaine) sans qu’il soit possible d’en inférer de raison particulière. Si la mobilité paraît plus spontanée pour les collectivités frontalières, la proximité de la mer n’explique rien ; la Corse en est un contre-exemple.

Pour peser davantage dans un dispositif auquel elles contribuent fortement, les régions organisent leur représentation à Bruxelles avec un volet « éducation et formation » ou « mobilité internationale » soit par regroupements de régions et/ou d’autres niveaux de collectivités territoriales, soit par délégation directe comme c’est le cas pour l’Aquitaine. En France, l’Assemblée des régions françaises cherche à ainsi peser dans le dispositif et à développer une politique régionale. Dans le cadre du chantier d’Erasmus pour tous, elle a ainsi constitué un groupe de travail « Éducation et Culture » pour être une force de proposition et d’amendements au projet de la Commission européenne.

Le financement constitue tout naturellement un enjeu central pour la mobilité internationale et notamment l’équité sociale à l’œuvre dans cette mobilité. En cela, le dispositif Erasmus est particulièrement démocratique puisqu’il cherche à compenser le surcoût supposé d’une mobilité à l’étranger pour la famille.

Le succès d’Erasmus est d’autant plus remarquable que les moyens alloués restent sommes toutes relativement modestes. Sur un budget total de 975 milliards d’euros en prix courants pour la période 2007‑2013, le budget de l’Union européenne consacré au programme Éducation et Formation tout au long de la vie était de 7 milliards d’euros, soit 0,71 % du budget total. Dans ce cadre, l’Union européenne a alloué 3,1 milliards d’euros au programme Erasmus. En 2012, le budget du programme était de 480 millions d’euros. Cela représente environ 0,35 % du budget de l’Union européenne. Le sous-programme Erasmus prend donc la part du lion avec un peu plus de 44 % du budget total.

Sur les deux types d’action que finance Erasmus, la coopération entre les établissements d’enseignement supérieur et la mobilité des étudiants et du personnel en Europe, près de 90 % du budget est investi sur la mobilité. Erasmus finance également des projets et des réseaux de coopération (4 % du budget) qui font l’objet d’une gestion centralisée par l’Agence exécutive « Éducation, audiovisuel et culture » (EACEA), sise à Bruxelles.

L’ensemble du budget Erasmus consacré à la mobilité des étudiants et du personnel est attribué aux pays participants sur la base de trois critères. Le premier critère porte sur la population du pays et prend en compte le nombre d’étudiants, de diplômés et d’enseignants dans l’enseignement supérieur (niveau 5‑6 de la Classification internationale type de l’éducation, CITE). Les données en sont fournies par Eurostat. Le second critère apporte un coefficient correcteur au premier en prenant en compte le coût de la vie et la distance entre les capitales des pays partenaires de la mobilité. Enfin, le troisième critère est constitué par l’indicateur des performances passées. Il est calculé sur la base du nombre de membres du personnel et d’étudiants partis par le passé dans un autre pays au titre du programme Erasmus, à partir des dernières données disponibles.

La Commission européenne, aidée de l’Agence exécutive « Éducation, audiovisuel et culture » en charge de certains volets spécifiques du programme, délègue une grande partie de la gestion opérationnelle du programme aux Agences nationales (AN). Créées par les autorités nationales des pays membres, ces agences, la plupart du temps uniques – sauf, à titre d’exemple, en Allemagne ou au Royaume-Uni - assurent la gestion coordonnée des actions dites « décentralisées » du programme au niveau national, à savoir principalement la répartition des fonds européens octroyés pour les bourses Erasmus. Il leur revient de faire connaître le programme, tout en contribuant à la diffusion et à l’exploitation de ses résultats. Leur rôle est particulièrement important pour la publication d’appels à propositions nationaux, l’évaluation et la sélection des demandes de subvention, le règlement ou encore le contrôle des activités subventionnées.

Concrètement, dans chaque pays, l’agence nationale répartit les fonds alloués par la Commission européenne entre les établissements d’enseignement supérieur selon la politique nationale du pays mais dans les limites d’un plafond. L’agence peut ainsi décider de donner des bourses plus élevées à un nombre restreint d’étudiants comme en Bulgarie, à Chypre ou en Turquie, ou des bourses moins élevées à un plus grand nombre d’étudiants, ce qui est le cas, entre autres, en France et en Italie ; toutefois, elle doit toujours respecter le plafond (11)que fixe la Commission européenne pour chaque pays d’accueil. À titre d’exemple, le plafond (hors Erasmus intensif (12)) fixé pour les frais de séjour Erasmus, voyage compris, est de 742 euros pour la France. Il s’élève à 909 euros pour la Norvège, pays où le coût de la vie est important mais descend à 448 euros pour la Bulgarie.

L’agence française unique en charge des fonds européens pour Erasmus, l’agence Europe-Éducation-Formation France (2e2f), verse l’allocation Erasmus en fonction d’un taux unique sur tout le territoire national. Son montant dépend non seulement du budget alloué à la France par la Commission européenne mais également des performances antérieures en termes de nombre de jeunes envoyés antérieurement en mobilité par les établissements. En 2012, l’agence a versé́ 166 euros par mois de mobilité Erasmus pour des séjours d’études et 349 euros par mois de mobilité Erasmus stages.

C’est alors à l’établissement de décider du montant exact de la bourse mensuelle qu’il versera à ses étudiants (et du montant hebdomadaire ou journalier versé aux membres du personnel), dans les limites fixées par l’agence nationale, lesquelles diffèrent selon les pays. Il peut par exemple décider de répartir la somme globale dont il dispose en fonction de critères sociaux ou en tenant compte d’autres compléments financiers octroyés des collectivités territoriales notamment. En France, le montant de la bourse Erasmus est généralement répercuté tel quel par les établissements d’enseignement supérieur selon une optique égalitaire (ou peut-être de simplification administrative). Si, en France, les bourses Erasmus stricto sensu sont versées sur un fondement égalitaire, c’est le statut de l’étudiant, selon qu’il est boursier sur critères sociaux ou qu’il bénéficie d’un financement complémentaire, qui au final manifeste des inégalités.

Dans un souci d’ouverture et d’équité, les agences octroient par ailleurs des bourses complémentaires pour des publics spécifiques tels que les mobilités à besoins particuliers ou les étudiants des régions ultrapériphériques (RUP).

Agence 2e2f en France

L’Agence Europe-Éducation-Formation France (2e2f) est un Groupement d’intérêt public mandaté par la Commission européenne depuis 1995 pour promouvoir et gérer plusieurs programmes et dispositifs communautaires dans les domaines de l’éducation et de la formation, à destination des scolaires (Comenius), des apprentis (Léonardo da Vinci), des étudiants (Erasmus) ou des adultes (Grundtvig).



Sous la triple tutelle des ministères de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et la Recherche, et du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle et du Dialogue social, cette agence nationale unique, domiciliée à Bordeaux, a pour objectif de favoriser une Europe de la connaissance et la mobilité de plus de 70 000 citoyens français en Europe et ailleurs.

Forte de ses 87 agents et ses différents réseaux de coopération et de collaboration, l’Agence assume trois missions : la gestion des fonds européens dévolus à la mobilité, la promotion de ces programmes en France et l’articulation de cette politique européenne avec les politiques publiques nationales.

Les crédits alloués par la Commission européenne, toutes conventions confondues, qui enregistrent une hausse de 114 % depuis 2004, ont cru en 2012 de 13,31 % par rapport à 2011 et se sont élevés à 107,914 millions d’euros. Bien que le programme Erasmus concentre toujours plus de la moitié des crédits d’intervention avec 54,930 millions d’euros, il est en léger recul par rapport à 2011 (51,4 % en 2011). Il en va de même pour les crédits alloués aux programmes Comenius et Grundtvig, respectivement de 14,28 % et de 3,59 % en 2011.

Source : rapport d’activité 2012 de l’Agence 2e2f

Les bourses Erasmus sont destinées à couvrir les frais supplémentaires liés au séjour à l’étranger et aux déplacements des étudiants. Elles permettent d’assurer le surcoût généré par des études à l’étranger par rapport à celui d’étudiants restés sédentaires. Les étudiants Erasmus n’ont pas à acquitter de droits d’inscription dans l’établissement d’accueil à l’étranger.

La bourse mensuelle dépend du pays de destination pour lequel le coût de la vie est plus ou moins important et du type de mobilité demandée selon qu’il s’agit notamment d’une mobilité d’études ou de stage. À titre d’exemple, le montant des bourses octroyées pour les stages, dont la durée est moindre que pour les mobilités d’études, a tendance à être plus élevé (357 euros en moyenne) que celui des bourses d’études à l’étranger (232 euros). Les agences nationales peuvent également augmenter le montant des bourses mensuelles accordées aux étudiants défavorisés. En 2011‑2012, le montant moyen de la bourse mensuelle accordée par l’Union européenne au titre de la mobilité était compris entre 123 euros pour les étudiants espagnols et 614 euros pour les étudiants chypriotes. Tous pays et toutes catégories de bourses confondus, le montant moyen des bourses versées par l’Union européenne s’élevait à 250 €. Pour la France, il était de 191 euros.

La problématique des bourses se trouve cependant obscurcie du fait que le dispositif Erasmus procède d’un cofinancement. À la bourse Erasmus proprement dite, versée par l’Union européenne, peuvent donc s’ajouter des compléments nationaux, régionaux ou locaux, selon la politique ou la pratique du pays. Or ces sources de financement cumulatives sont plus ou moins importantes. En France, par exemple, il est possible de cumuler une bourse Erasmus avec une bourse à la mobilité internationale sur critères sociaux versée par le Ministère de l’Enseignement supérieur qui se monte à 400 euros. Selon sa politique, l’établissement d’enseignement supérieur répercutera simplement les montants dont il dispose par l’agence sur les étudiants, de façon égalitaire, ou bien émettra une péréquation en fonction de critères sociaux. C’est cet empilement possible des bourses et leur peu de coordination entre elles qui peuvent rendre le dispositif de la mobilité assez opaque. La politique de cumul des bourses entre elles reste en effet de l’ordre des choix politiques des différents niveaux concernés.

Par ailleurs, au montant de la bourse Erasmus majoré par les divers compléments régionaux ou nationaux, s’ajoute éventuellement, à la fin de l’année universitaire, un montant qui provient de la redistribution de fonds devenus disponibles en raison soit de la réduction du temps de mobilité, soit de l’annulation de celle-ci. Par définition cependant, il n’est pas possible de tabler sur cette somme.

Participe de la démocratisation d’Erasmus, le développement de stages depuis 2007. Pour autant, la pratique des stages n’est pas nouvelle puisque des programmes comme Leonardo da Vinci les mettent en place depuis longtemps. Plus ciblées et à forte valeur ajoutée, ces mobilités semblent d’autant plus prisées par les étudiants qu’elles s’inscrivent dans une logique de professionnalisation de la mobilité.

Depuis 2007, le programme Erasmus a déjà permis à 200 000 étudiants de partir à l’étranger pour acquérir une expérience professionnelle par le biais d’un stage dans une entreprise ou une autre organisation. En 2010‑2011, un étudiant Erasmus sur six (40 913 sur 231 408) avait choisi cette option, ce qui correspondait déjà à une augmentation de plus de 15 % par rapport à l’année précédente. Les derniers chiffres à disposition de l’année universitaire 2011-2012 confirment cette tendance puisque 48 083 sur 252 827 mobilités Erasmus se sont faites selon cette formule, soit une augmentation de 17,5 %, supérieure à celle de 2010-2011.

Un stage, toutes catégories confondues, peut aller de trois mois à un an. Cependant, pour tenir compte de formations courtes de type Bac + 2, particulièrement pour la France, la durée minimale peut en être de 2 mois. La durée moyenne d’un stage Erasmus a été de 4,3 mois contre 6 mois pour les séjours d’études. Les étudiants ont reçu en moyenne de l’Union européenne une bourse mensuelle de 357 euros. Bien qu’à l’instar des montants de bourses d’études, ce montant subisse une baisse continue d’année en année – il était de 386 euros en moyenne en 2009‑2010 -, il reste en moyenne plus élevé que la moyenne d’une bourse d’études (232 euros). Les disparités entre pays y sont néanmoins fortes puisqu’une bourse de stage va de 220 euros pour les Pays-Bas à 673 euros pour l’Islande. En France, la bourse de stage s’élève à 349 euros  (contre 266 euros pour les séjours d’études). L’octroi de montants plus élevés pour des bourses de stage trouve sa raison d’être dans la nécessité de compenser le caractère moins développé de l’encadrement et de l’accueil mis à disposition des stagiaires en entreprises par rapport à l’accueil organisé des centres universitaires (résidences universitaires, prestations d’accueil des grandes villes etc.)

Le profil des stagiaires reste assez semblable à celui des bourses d’études, féminisé (61 % de femmes) et jeune (moyenne d’âge de 22 ans). Les filières concernées sont avant tout, à l’instar des bourses d’études, les sciences sociales et le commerce (31,9 %) mais les disciplines de l’engineering et de la construction, et les filières médicales, respectivement de 17,1 % et 11 % du total des mobilités de stage, sont plus représentées que pour des bourses d’études (respectivement de 15,1 % et 6 %). Les filières des sciences humaines au contraire trouvent peut-être moins leur raison d’être dans des stages (16,9 %) que dans des mobilités d’études (21,9 %).

La France reste le pays leader de la mobilité de stage. Sa mobilité sortante y est la plus forte avec une augmentation de 23 % en 2011-2012 par rapport à la période précédente. Les pays champions en termes de mobilité sortante sont en valeur absolue la France (7 345), l’Allemagne (5 770), l’Espagne (5 442) et le Royaume-Uni (4 568). Cependant, en valeur relative, rapportée à la population étudiante, ce sont les Pays baltes qui envoient le plus d’étudiants en stage. Bien qu’en recul par rapport à l’année 2010-2011, l’une des destinations les plus appréciées par les stagiaires Erasmus reste le Royaume‑Uni (7 736 étudiants en 2011-2012) qui passe cependant en seconde position après l’Espagne (7 807 étudiants au regard de 6 852 étudiants en 2010-11) et l’Allemagne (6 655 en 2011-2012). De fait, 51 % des stages s’est effectué en anglais.

Dans le cas de la France, 75 % des étudiants qui partent en stage Erasmus sont inscrits dans des universités ou des écoles d’ingénieurs. Plus de 70 % des stages sont réalisés en entreprise (dont 40 % sont des PME et 30 % des grandes entreprises de plus de 500 salariés) ; 11 % seulement font leur stage en laboratoires ou centres de recherche : les étudiants ciblent pour leurs stages les structures vers lesquelles ils pensent se diriger au moment de leur insertion dans la vie professionnelle. Un tiers des stagiaires trouvent leur stage par l’intermédiaire de leur établissement (base de données des structures d’accueil, contact avec les « anciens ») et un autre tiers par relations.

Le succès de la mobilité de stage n’est pas anodin. Il répond très concrètement à une orientation générale des cursus universitaires davantage portés sur l’employabilité future des étudiants. Symptomatique de ce succès lié à la professionnalisation des études et à leur caractère plus pragmatique, l’augmentation de la mobilité du Royaume-Uni qui arrive quatrième en mobilité sortante.

Il est difficile de mesurer les retombées économiques du programme Erasmus. Les études publiées à ce sujet montrent que les étudiants ayant fait ce type de mobilité sont plus mobiles dans leur recherche d’emploi, et accèdent à des postes à dimension plus internationale et en moyenne un peu mieux rémunéré (13). Selon certains chercheurs (14), les études à l’étranger augmenteraient la probabilité de travailler à l’étranger d’environ 15 à 20 points. Les études en France sur la corrélation entre emploi à l’étranger et participation à une expérience à l’étranger comme Erasmus sont quant à elles limitées. Mais c’est peut-être l’une des explications possibles de l’augmentation importante – 60 % - des stages Erasmus réalisés hors de l’obtention d’une bourse Erasmus. Sur les 897 stages hors bourse, la France en a envoyés 303. Les étudiants voient là une opportunité d’emploi.

De ce point de vue, votre rapporteure a rencontré bon nombre d’interlocuteurs pour qui le succès des stages Erasmus était corrélé à la crise économique dont ils apparaissent comme un remède. À ce titre, la position forte de l’Allemagne comme troisième pays de destination malgré l’obstacle de sa langue est symptomatique de l’attractivité de marchés qui résistent à la crise.

La charte Erasmus renforce les relations avec les entreprises. Elle contraint les établissements à mettre en place des alliances socio-professionnelles autour d'un champ thématique avec l'ensemble des interlocuteurs concernés au niveau local et régional avant d'aborder le partenariat international. Les établissements de l'enseignement supérieur ont donc un rôle pivot pour structurer ces alliances qui ont pour objectif de faciliter l'employabilité de leurs étudiants.

En 2011-2012, près de 30 703 entreprises ont été concernées par des stages Erasmus.

Pour encourager les stages à l’étranger, un établissement de l’enseignement supérieur peut créer un consortium, constitué d’établissements du même type et d’autres organisations, telles que des entreprises ou des associations. En 2011‑2012, quelque 93 consortia ont été financés dans 13 pays, qui ont représenté près de 7 348 placements, soit une hausse de plus de 15 % par rapport à 2010-2011. Plus de 14 % des stagiaires Erasmus ont trouvé un stage grâce à eux. C’est l’Espagne qui compte le plus grand nombre de consortia mais c’est l’Allemagne qui a le meilleur taux de placement par consortium, sans doute parce que son système de collaboration avec les entreprises y est déjà très développé. Les universités y trouvent des moyens de lutter en amont contre le taux de chômage des jeunes diplômés.

D’après les études à disposition, si les étudiants se montrent globalement satisfaits de leur expérience de stage, ils mettent l’accent sur la nécessité d’une définition préalable du contenu du stage pour améliorer l’impact de l’expérience. Pour ce faire, une préparation du stage suppose d’améliorer les partenariats entre les établissements et les entreprises d’accueil car il reste, du moins dans un certain nombre de pays, une certaine méconnaissance entre ces deux mondes : les responsables de stages dans les entreprises connaissent ainsi encore mal les cursus proposés – surtout depuis la réforme dite « LMD » – et les matières enseignées ou les niveaux de compétences des jeunes, et ce que, en conséquence, il est possible de leur faire faire pendant le stage. (15)

La pratique de mobilité de stage ne date pas de 2007 mais relève d’une expérience du programme Leonardo da Vinci pour la formation initiale (niveau du lycée). Pour une meilleure lisibilité et un accroissement de cette offre aux étudiants, le choix a été fait de transférer ce type d’action au programme gérant l’enseignement supérieur. Enfin, les stages sont une chance pour favoriser une mobilité à des filières qui en sont culturellement éloignées, les filières « professionnalisantes ». En font partie les filières dites courtes. À ce titre, cependant, les derniers chiffres de 2011-2012 manifestent une tendance à la baisse (11 % pour les filières courtes contre 19,4 % en 2010-2011).

L’apprentissage constituant un modèle performant d’accès à l’emploi, l’Europe cherche à l’encourager à tous les niveaux, y compris dans l’enseignement supérieur, et partant à encourager sa mobilité internationale. Dans un rapport de 2012 (16), l’Union européenne définit l’apprentissage ou les régimes du type apprentissage « comme l’éducation et la formation professionnelle initiale qui correspond à une formation qui combine en alternance le milieu de travail (périodes de stage dans le lieu de travail) et le milieu scolaire (périodes de formation théorique / pratique, suivies dans un centre scolaire ou un centre de formation). Quand celui-ci s’accomplit avec succès il est sanctionné par un diplôme d’éducation et de formation professionnelle initiale reconnu par l’État. » 3,7 millions d’élèves ont suivi des études d’apprentissage au sens strict en 2009, chiffre qui s’élève à 5,7 millions d’étudiants fréquentant d’autres programmes d’apprentissage à dominante scolaire mais assortis de stages en entreprises. Le rapport préconise de favoriser l’internationalisation des EFP (programme d’éducation et de formation professionnelle) qui, à côté des programmes à dominante scolaire, reposent principalement sur l’entreprise.

Les conditions de la mobilité de stage, notamment en France, peuvent se heurter à des considérations juridiques épineuses. Outre que la définition des stages est extrêmement variée selon les pays (17), le contexte scolaire et juridique rend le développement de cette mobilité difficile. Ainsi, en France, la durée de deux mois d’un stage est difficile à concilier avec les habitudes des employeurs qui ne sont pas préparés à se séparer de leurs apprentis. De même, en BTS, les cursus imposent généralement un stage en entreprise de 6 semaines seulement.

Votre rapporteure s’est penchée sur l’expérience de la mobilité chez des publics scolaires par définition marqués par la professionnalisation. Les Centres de Formation des Apprentis (CFA) et les maisons rurales se mobilisent pour développer un accompagnement de la mobilité pour des publics qui n’y sont pas a priori culturellement portés. À ce titre, l’expérience des Compagnons du devoir qui ont, pourrait-on dire, l’ADN de la mobilité dans leur tradition, est très éclairante et doit servir de bonne pratique à imiter.

Selon un sondage Agepa-PME-Ifop de juin 2013, 92 % des dirigeants de PME soutiennent l’initiative d’un Erasmus pour les apprentis. Mais si 45 % estiment que cela pourrait contribuer à renforcer l’apprentissage, seuls 50 % jugent cela « compatible avec les capacités de la plupart des apprentis à travailler dans une entreprise et une langue étrangère », et 46 % seulement estiment que ce système serait « de nature à intéresser leur entreprise ». Pour autant, les plus intéressés sont les PME de moins de 20 salariés (45 %), les secteurs du commerce (35 %) et de la construction (45 %). Le caractère encourageant de ce sondage s’explique cependant par la structure très organisé d’Agepa qui ne doit pas masquer le travail d’information et d’incitation à faire auprès de la plupart des entreprises.

Votre rapporteure plaide donc pour un statut européen de l’apprenti qui valide l’ouverture d’Erasmus à ce nouveau type de public, au même titre qu’il existe un statut européen de l’étudiant. Elle plaide également pour la valorisation auprès des PME de l’apprentissage Erasmus et appuie en ce sens la mise en œuvre du système européen de crédit d’apprentissages pour l’enseignement et la formation professionnels (ECVET) sur le modèle des ECTS universitaires dont la généralisation pour la formation professionnel reste cependant compliquée à mettre en place. Cependant, elle s’interroge également sur la mobilité européenne des cursus en alternance. Pourquoi n’y a-t-il pas de combinaison de la mobilité entre études et stages, et donc une flexibilité du parcours en fonction de la demande ? François Hollande et Angéla Merkel ont ainsi évoqué un « Erasmus de l’alternance » ouvert aux apprentis afin de favoriser un marché européen du travail plus mobile.

Pour autant, un bémol doit cependant être formulé : si depuis la crise économique mondiale depuis 2008, le nombre de demande de formations, de stages professionnalisant s’est considérablement accru, parallèlement et en sens inverse, les offres de stages et de formations de ce type par les entreprises se sont aussi, tout naturellement, montrées moins fournies. Si donc les stages Erasmus apparaissent comme un remède à la crise, ils ne sauraient en être la panacée.

Qui dit professionnalisation dit aussi stratégie de distinction professionnelle dans un univers hautement concurrentiel, et partant est susceptible de pointer des orientations où la question du caractère démocratique du dispositif risque d’être posée.

Les données du succès ne doivent pas masquer que les motivations à la mobilité résultent de facteurs nombreux, complexes et interdépendants qui sont à la fois géographiques, économiques et sociaux mais également psychologiques et culturels. On constate dès lors que la démocratisation en termes de volume masque des disparités fortes en termes de flux de mobilité, et contrevient au principe de réciprocité inhérent à la notion d’échange. Outre une mobilité étudiante de plus en plus diversifiée, les déséquilibres sont ainsi marqués entre territoires, entre niveaux de diplôme ou entre filières de formation, au risque de porter préjudice au principe démocratique même du dispositif.

Il convient d’interroger la croissance quantitative de la mobilité et notamment des destinations des flux. Les niveaux de mobilité et les évolutions varient en effet très fortement d’un pays à l’autre. La taille du pays, le coût de la vie, la distance, le contexte éducatif, la qualité de l’université, la langue du pays hôte, voire le climat sont autant de facteurs qui influencent la mobilité étudiante et participent des grandes disparités en Europe. Or les inégalités d’accès à la mobilité spatiale peuvent participer de la hiérarchisation des sociétés.

Les niveaux de mobilité et les évolutions varient très fortement d’un pays à l’autre. On notera d’abord la forte concentration de la mobilité vers quelques pays. Ainsi, sur la période 2010-2011, les trois principaux pays de destination, l’Espagne, le Royaume-Uni et l’Allemagne, totalisaient 51,3 % du total des mobilités.

Des États tels que l’Espagne, la Finlande, Malte, la Pologne, le Portugal et la Slovaquie semblent plus « attrayants » pour les séjours Erasmus que pour des mobilités de diplômes. Dans d’autres pays en revanche, notamment le Royaume-Uni, la Bulgarie, Chypre et la Roumanie, le programme Erasmus reste, en termes relatifs, marginal dans le flux des étudiants entrant. Globalement la plupart des pays concernés par Erasmus (21 sur les 32 pays européens) sont soit « exportateurs » - les pays de l’Europe de l’Est - soit « importateurs » - principalement les pays de l’Europe de l’Ouest et du Nord. À l’inverse, les pays qualifiés, dits « plus matures », parce que pratiquant une mobilité entrante et sortante équilibrées, sont en nombre plus réduit. On y trouve l’Allemagne et la France, mais aussi la République Tchèque et la Hongrie, en Europe de l’Est. (18)

Par ailleurs, les avantages qu’offre un pays jouent dans son attractivité mais aussi dans le déséquilibre notamment financier des échanges. Ainsi, certains avantages liés au principe de territorialité des prestations – comme le versement de l’APL en France – bénéficient aux étudiants étrangers sans qu’une réciprocité opère pour les étudiants français en mobilité qui dépendent alors de la législation du pays d’accueil.

Pour la France, d’après une étude de Campus France de 2011 (19), à la différence de la mobilité entrante hors Erasmus, cinq fois plus élevée que la mobilité sortante, la mobilité Erasmus qui représente environ un tiers de cette mobilité sortante se traduit par une mobilité équilibrée.

La question de l’équilibre ou du déséquilibre entre mobilité entrante et mobilité sortante renvoie à l’effet à moyen et long terme des politiques de mobilité pratiquées par les États. À la problématique d’une « mobilité des cerveaux » (20) qui serait l’indice d’une adaptabilité au marché économique se trouve donc fréquemment assortie la crainte d’une « fuite des cerveaux » pour les pays qui ont une mobilité déséquilibrée avec un déficit d’entrées. C’est notamment le cas pour la Roumanie et la Bulgarie. En attendant de pouvoir augmenter le niveau global de l’enseignement supérieur pour augmenter leur attractivité, cette crainte expliquerait, d’après certains syndicats, le manque de moyens publics investis dans la mobilité par certains États. De fait, bien qu’il existe un panel important de mesures pour faciliter la mobilité (soutiens financiers par l’entremise des bourses, cours intensifs de langue et notamment d’anglais, campagnes d’information et de sensibilisation, etc.), il semble qu’il n’y ait pas véritablement de politiques ambitieuses de mobilité des étudiants qui soient définies au niveau national (21).

La question renvoie à la problématique plus générale du retour sur investissement consentis par les États ou les régions, voire du retour tout court des étudiants. Il conviendrait pour s’en faire une idée de savoir si les étudiants partis en mobilité et en Erasmus en particulier partent ensuite travailler et vivre dans un pays de l'Union européenne autre que leur pays d'origine. S'agit-il du pays dans lequel ils sont allés lors de leur échange Erasmus ? L’agence 2e2f pour la France ne disposait pas de chiffres précis dans ce domaine mais faisait remarquer à votre rapporteur que certains établissements d’enseignement supérieur conduisent leurs propres études auprès des étudiants via les bureaux de l’insertion professionnelle (BIP).

Le cas des pays frontaliers ou linguistiquement assimilés comme la Belgique ou l’Autriche est un peu particulier mais il paraît relativement marginal. Certains n’hésitent pas à qualifier ce type de mobilité de fausse mobilité (22)car l’effort d’acculturation n’y est pas présent. Ainsi les zones frontalières facilitent la mobilité pour des raisons essentiellement géographiques et les pays linguistiquement assimilés ou proches, comme la Belgique pour la France ou l’Autriche pour l’Allemagne, permettent de lever le frein linguistique à la mobilité. Ces situations génèrent des difficultés pour les pays « importateurs » de mobilité dans la gestion des flux des inscriptions des étudiants limitrophes, en particulier devant l’afflux d’étudiants allemands.

Bien que relativement marginaux, ces facteurs créent des effets d’aubaine et posent le problème du dumping des diplômes notamment en matière médicale et paramédicale (23). En Belgique notamment, à la différence de la France, ce type de disciplines  –la kinésithérapie par exemple – n’est pas entravé par un numerus clausus. La libre circulation des étudiants introduit donc une concurrence à l’égard des nationaux, qui paraît d’autant plus insoutenable aux pays qui en assument le coût que les frais d’inscription y sont, comme aux Pays-Bas, en Norvège ou au Danemark, gratuits ou très faibles, et que la mobilité entrante pèse dès lors sur les nationaux eux-mêmes au travers des impôts. Le système de quotas mis en place pour les universités belges a été annulé par la Cour constitutionnelle belge et la CJUE en raison notamment de l’entrave à la libre circulation des personnes au sein de l’Union européenne (24). Il reste que ce type de mobilité qui résulte d’une communauté linguistique paraît pour certains une instrumentalisation abusive de la mobilité Erasmus.

Le potentiel d’attraction exercé par un pays d’accueil n’est pas le même partout. Au-delà des critères d’affinités culturels, les critères d’excellence et notamment de maîtrise de la langue anglaise font partie des stratégies privilégiées de la mobilité.

Le programme Erasmus s’inscrit dans la stratégie de la Commission européenne visant à promouvoir le multilinguisme (25) dans la société européenne. Le concept du multilinguisme désigne à la fois la capacité d'une personne à utiliser plusieurs langues et la coexistence de plusieurs communautés dans une zone géographique donnée. Il s’agit d’une politique en faveur de la diversité linguistique, qui défend le droit de chaque citoyen de comprendre et d’être compris. L'objectif, à visée démocratique, est donc de renforcer les compétences linguistiques des citoyens de façon à ce qu’ils aient des compétences pratiques dans au moins deux autres langues que leur langue maternelle.

Dans le cadre d’un instrument d’éducation et de formation, cette promotion passe essentiellement par l'apprentissage des langues. Pour favoriser la mobilité dans des pays dont la langue est moins répandue ou moins enseignée, le programme instaure des cours de langue intensifs (CIEL) qui sont financés par l’octroi de bourses de mobilité supplémentaires accordées aux étudiants qui y participent les dispensant par ailleurs d’avoir à payer de droits d'inscription pour les suivre. Ces cours sont notamment organisés dans les pays où ces langues sont utilisées comme langue d'enseignement dans les établissements d'enseignement supérieur. L'anglais, l'allemand, le français et l'espagnol (le castillan) ne sont pas éligibles aux CIEL. Les CIEL ouvrent droit à une période d'une durée de deux à six semaines – avec un minimum de 60 heures de cours, et au moins 15 heures par semaine – de cours.

Si l’enjeu linguistique de la coopération entre européens - nécessité d’une langue de communication et d’une langue de compréhension culturelle – est important, sa mise en œuvre reste plus délicate. Malgré la priorité mise sur l’apprentissage des langues, y compris dans le cadre d’autres programmes que celui d’Erasmus, la maîtrise de la langue reste le principal obstacle du programme EFTLV. La maîtrise de la langue est en effet à la fois un objectif de la mobilité et la condition de possibilité de celle-ci, ce qui suppose un minimum d’aisance que tous les systèmes d’enseignement ne procurent pas. Ainsi, la France souffre-t-elle d’un fort complexe en la matière.

Par ailleurs, résultat de leur autonomie accrue et du contexte de concurrence dans lequel elles s’inscrivent désormais, les exigences des universités se sont accrues en matière de niveau linguistique, tant dans les universités d’accueil que dans les universités qui sélectionnent les étudiants candidats à la mobilité. Dans un souci de partenariat efficace et fiable avec leurs homologues, le niveau requis en langue augmente.

Le Royaume-Uni pourrait à bon droit servir de contre-exemple du succès d’Erasmus dans la mesure où ce champion de la mobilité entrante bénéficie de la très forte attractivité de sa langue universelle et d’un tropisme outre Atlantique qui fait qu’en un sens il n’a pas besoin d’Erasmus.

Alors que la Grande-Bretagne (26)apparaît comme l’une des destinations principales des étudiants étrangers derrière les États-Unis et le premier pays destinataire des étudiants de l’Union européenne, tout particulièrement des jeunes français, les étudiants britanniques sont assez peu mobiles et paraissent peu tournés vers l’Europe, les États-Unis restant leur destination privilégiée (27). En 2011-2012, cette asymétrie entre sorties et entrées (28) s’est traduite par 13 662 mobilités Erasmus, études et stages confondus, contre 25 760 mobilités entrantes.

La Grande-Bretagne constitue une destination de choix pour les jeunes européens en raison de sa langue internationalement reconnue. Intériorisant les critères de qualité de la compétition économique internationale, les étudiants sont de plus en plus nombreux à vouloir se rendre dans des pays anglophones mais le peu de places dont disposent les départements des établissements d’enseignement supérieurs anglais oblige à une sélection plus forte des étudiants qui renforce les modalités de la sélection scolaire.

Le critère de la langue intervient donc pour justifier des stratégies de substitution, qui concerne des pays à forte affinité anglo-saxonne ou qui proposent des cursus de langue anglaise - Irlande, Suède, Finlande, Norvège, Danemark.

Malgré son multilinguisme national, pourrait-on dire, qui voit se côtoyer le castillan, le catalan, le valencien, le basque et le galicien, l’Espagne reste le premier pays de destination de la mobilité Erasmus. Par ailleurs, l’usage facultatif d’une seconde langue vivante en dehors de l’anglais ne permet pas de comprendre la performance espagnole en matière de mobilité sortante.

Au-delà de la langue, la mobilité Erasmus qui concerne généralement un début d’études est portée par l’idéal d’une expérience atypique, d’une parenthèse existentielle. De ce point de vue-là, il n’est pas sûr que le succès du film l’Auberge espagnole ait été sans innocuité : il contribue aussi en effet à véhiculer l’idée chez certains étudiants que l’échange Erasmus relèverait d’une « stratégie de l’évitement ». Le fait que le premier pays de destination des étudiants espagnols soient l’Italie relève de cette stratégie : à défaut d’en parler la langue, ils se tournent vers un pays dont la famille linguistico-culturelle leur paraît proche.

Les bonnes pratiques en matière d’apprentissage des langues se développent en Europe pour lever ce verrou linguistique à la mobilité. Le label européen des langues récompense ainsi les initiatives novatrices en matière d’apprentissage des langues. Il ressort que les bonnes pratiques se trouvent tout particulièrement dans l’effort de professionnalisation de l’apprentissage linguistique. Ainsi, dans le programme Leonardo da Vinci centré sur la formation professionnelle, des expériences d’échanges en matière d’hôtellerie-restauration (GIP-FCIP Basse-Normandie) ont donné lieu à la création d’un site e-cuisine avec apprentissage inductif du vocabulaire de base. L’agence allemande BIBB pour les jeunes désireux d’apprendre un métier ou de travailler à l’étranger offre quant à elle une formation linguistique professionnellement orientée (becult.org). Il en va de même pour une agence slovaque avec le secteur automobile, etc.

Cependant, certains interlocuteurs relativisent la problématique linguistique. Ainsi malgré la priorité accordée par ses universités à la langue catalane sur le castillan, la Catalogne (29) serait l’une des régions les plus attractives, d’étrangers Erasmus en Europe avec une augmentation de 20 % dans les dix dernières années. La France serait ainsi la troisième communauté étudiante au sein de ses universités. L’attractivité d’un pays, d’une région ou d’une université peut contrebalancer les difficultés inhérentes à l’aspect linguistique.

De manière plus générale, le frein linguistique, indéniable pour certains, reste à relativiser au regard des problèmes financiers et des enjeux d’information et de sécurisation des parcours de formation.

Les ressources financières constituent le principal obstacle à la participation à un programme de mobilité. Les données montrent donc que la mobilité dépend beaucoup du milieu socio-économique. L’absence de soutien financier public à la mobilité, ou sa faiblesse, semble donc entraver son développement.

Le financement de la mobilité est l’élément crucial de la mobilité des étudiants. Ce facteur ne varie pas d’un pays à l’autre. 57 % des étudiants n’ayant pas participé au programme Erasmus affirment qu’il est trop onéreux d’envisager des études à l’étranger, et 29 % rejettent ce programme après en avoir examiné les modalités. (30)

La bourse est conçue non comme devant financer les études à l’étranger mais le surcoût supposé que cette mobilité à l’étranger entraîne pour l’étudiant et sa famille. Elle recouvre des aspects logistiques et matériels comme le coût du voyage et du transport ou la caution et le loyer indispensable au logement. Or d’après les étudiants qui partent avec une bourse, celle-ci couvre moins de 60 % de leurs dépenses totales (31). Pour 30 %, elle ne couvre pas le loyer. Le reste des dépenses est le plus souvent couvert grâce à leurs économies personnelles (51 %) et surtout grâce à leurs parents (80 %). Le montant de la bourse détermine le choix de 25 % des étudiants de partir ou non en mobilité.

La mobilité Erasmus n’est donc pas dissociable du soutien familial. Celui-ci assure notamment bien souvent l’avance des fonds (caution, loyer etc.) lorsque la lourdeur des procédures administratives retarde le versement des bourses. On notera qu’en France, l’organisation du versement des fonds limite au maximum ce type d’inconvénients. Les établissements qui présentent leurs demandes de financement à l’agence 2e2f en général au mois de mars pour l’année universitaire suivante et reçoivent une première avance (80% du montant contractuel) réception du contrat signé par le chef d’établissement (en général avant le 31 juillet) sont tenus de verser aux étudiants au moins 80% de la totalité de leur bourse dès le premier versement. Les étudiants qui partent au tout début du mois de septembre n’ont peut-être pas toujours leur bourse au moment du départ en raison de la trêve estivale ; en revanche ceux qui partent un peu plus tard voire au 2ème semestre touchent leur bourse dès le démarrage de leur mobilité.

Si le rôle de la famille dans le complément aux bourses est rendu nécessaire par la modicité des bourses Erasmus surtout lorsqu’elles ne sont assorties d’aucun complément financier national ou local, il en ressort que la diversité des publics s’en trouve compromis, notamment chez des jeunes dont les familles ne disposent pas des ressources nécessaires à assurer cette mobilité. Or les bourses sont généralement versées selon un principe égalitaire, non modulées en fonction du niveau de ressources économiques des familles. En France notamment, on l’a vu, le choix a été fait de verser le même montant standardisé à tous les étudiants Erasmus. Et comme le nombre de demande excède l’offre, le montant moyen des bourses s’en trouve minoré. Ce choix d’égalité se heurte donc à celui de l’équité sans que cette égalité visée soit pour autant lisible pour les intéressés qui, selon le type de mobilité, sa durée, son lieu d’exercice et les compléments nationaux ou régionaux obtenus pourront se voir attribuer au final des aides financières différentes.

On notera que certains dispositifs compensent la modestie des bourses Erasmus par l’adjonction d’autres bourses ou d’autres dispositifs. Ainsi, les étudiants du nord de l’Europe ont-ils traditionnellement un taux de mobilité important car la mobilité y est encouragée par la portabilité des aides (32). C’est le cas des étudiants néerlandais dont la mobilité de crédit est particulièrement encouragée à la fois par la portabilité des aides et un système de prêts, ce qui permet aux Pays-Bas d’atteindre l’objectif des 20 % d’étudiants à avoir expérimenté une mobilité à l’étranger fixé par le processus de Bologne. (33)

Même s’il n’est pas possible de dégager les sources alternatives qui ont permis de financer leur mobilité, le caractère minoritaire des Erasmus hors bourses (34)souligne à quel point le soutien par les bourses Erasmus à la mobilité reste indispensable. En Espagne par exemple, le nombre d’étudiants Erasmus partis sans bourse se montait à 51 étudiants sur un total de 39 455 en 2010-2011. Bien que le pourcentage d’augmentation par rapport à l’année précédente fut de 132 %, le faible taux de départ - 0,13 % - rapporté à la mobilité Erasmus souligne combien les conditions financières demeurent un moteur indispensable de la mobilité espagnole. (35)

Cependant, l’accessibilité financière du dispositif Erasmus n’est pas le seul obstacle financier. Se trouvent engagées également des considérations de coûts-bénéfices. Les étudiants s’engagent dans l’expérience Erasmus lorsqu’ils en escomptent un avantage direct sur le marché du travail (36). Or à mesure que la mobilité étudiante augmente, se pose la question de l’avantage relatif que les étudiants peuvent retirer de cette expérience sur le marché du travail.

À côté de la contribution des familles, la contribution des régions devient extrêmement importante. Cependant, celle-ci n’est ni systématique ni équivalente, ce qui introduit des disparités et des inégalités entre des étudiants d’un même pays d’autant que sans politique nationale définie, chaque établissement d’enseignement supérieur est amené à avoir sa propre politique en matière de critères d’attribution et de montant, et de cumul ou non des bourses. Par ailleurs, c’est bien souvent aux étudiants de faire les démarches pour trouver des aides supplémentaires à la mobilité, ce qui rend l’incitation à la mobilité peu transparente.

Il est très difficile de disposer d’une vision comparative et exhaustive des contributions octroyées par les collectivités territoriales car elles relèvent de logiques et de priorités politiques et géographiques différentes. Le montant des aides dépend en effet de leur nombre et de leurs modalités de calcul, des critères d’attribution choisis, des conditions de cumul ou non, ainsi que des secteurs auxquels elles s’appliquent, une région pouvant choisir de privilégier des compléments financiers en fonction des partenariats, notamment économiques, qu’elle a avec d’autres pays ou d’autres régions. Certaines régions favorisent les stages et d’autres encore ont un système de forfait quel que soit le type de mobilité. L’agence 2e2f estime cependant que, en France, toutes aides confondues, les étudiants bénéficient en moyenne de 330 euros pour les séjours d’études et de 595 euros pour les stages.

Sur le site de l’agence 2e2f, les bénéficiaires peuvent avoir accès aux contributions des régions par le biais d’une carte interactive en ligne mais la comparaison entre les régions reste lacunaire. En Aquitaine par exemple, il existe onze programmes d’accompagnement pour les jeunes dans les compléments aux bourses Erasmus ou d’autres mobilités.

Quoique nécessaire, le cofinancement des régions, à leur libre initiative, crée une inégalité par rapport à celles qui n’en ont pas les moyens. Les régions périphériques ou d’Outre-Mer sont particulièrement disqualifiées par ce type de mobilité étudiante (37). En Espagne, pays décentralisé, la mobilité fait l’objet d’un cofinancement de l’État et des régions. Mais la différence de richesse des régions a pour conséquence une inégalité territoriale dans le montant des bourses.

La problématique des asymétries de mobilités des États se retrouve au niveau des régions. Qu’en est-il de l’investissement indirect d’une telle mobilité financée par les régions ? L’éducation et la formation relevant d’un immatériel qui peut coûter cher, les collectivités territoriales sont portées à privilégier des partenariats qui ont un impact économique pour elles. En l’espèce, le risque est grand de voir les écarts s’accuser, la mobilité entraînant la mobilité, et l’attractivité, l’attractivité. À ce titre, il est important que l’Association des Régions de France soit partie prenante au dispositif Erasmus, et il serait hautement souhaitable qu’une politique régionale de la mobilité soit mise en place.

Votre rapporteure a cependant noté que selon ses interlocuteurs, le frein financier pouvait être présenté tantôt comme l’obstacle décisif - ce qui empêche de procéder à la mobilité – tantôt comme un facteur parmi d’autres, subordonné à l’épreuve de la motivation à la mobilité. De fait, malgré l’existence des bourses, on constate que bien des étudiants s’autocensurent.

Les motivations individuelles des étudiants à faire l’expérience de la mobilité sont très variées. La participation à un programme comme Erasmus n’est pas seulement liée à un profil personnel mais aussi à d’autres facteurs dont le plus important est lié au contexte familial et personnel.

Le profil de l’étudiant mobile et de l’étudiant Erasmus en particulier est féminin, citadin, jeune et issu principalement des universités académiques traditionnelles plutôt que d’établissements d’enseignement supérieurs professionnels.

Sur la période 2010-2011, les étudiants inscrits dans des filières de sciences sociales, commerce et droit étaient les plus nombreux à partir en mobilité dans le cadre du programme Erasmus (46,27 %). Viennent ensuite la filière en ingénierie (18,41 %) et les sciences humaines et arts (17,81 %). Plusieurs éléments peuvent expliquer cette répartition : le poids de ces filières en termes de population étudiante, la compatibilité entre le cursus suivi et l’année de mobilité, le volontarisme des équipes pédagogiques, les prédispositions des étudiants inscrits dans ces filières à partir en mobilité. Au même titre que les filières artistiques longtemps laissées à la traîne du processus de Bologne, les filières du paramédical restent un îlot à conquérir. La démarche de réingénierie de leur formation dans la perspective d’une reconnaissance de leur cursus à un grade universitaire et de leur intégration dans le schéma licence-master-doctorat va dans ce sens.

Les stratégies de mobilité des étudiants sont variables. Elles vont du voyage initiatique du modèle britannique ou nordique à la stratégie pragmatique d’une mobilité conçue dans une optique d’insertion professionnelle et d’employabilité avec l’espoir corollaire d’une mobilité définitive lorsque le pays d’origine - comme l’Italie - n’offre plus ou pas assez de perspectives à se étudiants, en passant par la volonté de se distinguer au sein d’un cursus universitaire. Ces stratégies distinctives qui visent l’entrée dans des filières sélectives jugées les plus susceptibles d’accroître les chances dans un univers hyper concurrentiel s’inscrivent dans la démarche pragmatique qui fait de la mobilité un tremplin d’employabilité.

À cet égard, la mobilité aux fins d’études et celle aux fins de stage n’offrent pas les mêmes perspectives. Au regard de la mobilité en général, la mobilité d’études lorsqu’elle est pratiquée en licence, comme c’est le plus souvent le cas, est moins due à des exigences académiques qu’à un besoin d’éveil intellectuel et culturel. De ce point de vue, on le redit, paradoxalement, le film l’Auberge espagnole en contribuant à la notoriété d’Erasmus l’a aussi desservi en accréditant l’image d’un programme trop festif, au point que certains étudiants sans réel projet y voient une « stratégie d’évitement ».

Bien qu’il y ait davantage de demandes que d’offres à la mobilité, l’appétence pour la mobilité ne va pas de soi. Quelle que soit la motivation, il ressort des études et enquêtes qualitatives qu’elle est souvent induite par une mobilité antérieure. Ainsi les étudiants Erasmus se caractérisent-ils souvent par une « hypermobilité » et leur expérience n’est ni la première ni la dernière. Pour les autres, cette appétence reste l’objet d’un travail d’information et d’incitation.

Il est difficile de trouver des données sur l’origine sociale des étudiants dans la mesure où généralement ces informations ne sont pas demandées systématiquement aux établissements bénéficiaires du programme Erasmus. Dans les différentes enquêtes qualitatives menées, le critère de mesure de l’origine sociale des étudiants est le niveau de diplômes des parents.

L’interprétation avancée par la Commission européenne concernant la faible représentation d’étudiants issus de milieux défavorisés parmi les bénéficiaires du programme Erasmus paraît quelque peu partielle. Il est certain que le dispositif Erasmus n’étant pas ouvert à la première année de licence, la part d’étudiants en échec scolaire à l’issue de celle-ci, plus élevée dans les milieux défavorisés peut l’expliquer. Mais au-delà d’un défaut d’indicateur, le programme reste trop sélectif.

La disparité socio-économique des étudiants français candidats à la mobilité se trouve renforcée par les systèmes scolaires et universitaires, par la césure forte entre formation professionnelle et enseignement universitaire au sens large, voire entre universités – et leur massification – et grandes écoles. Le recrutement qui privilégie le niveau scolaire et l’information culturelle en matière de stratégies de formation laisse une plus grande place à un profil socio-économique et culturel plus favorisé, et partant mieux informé. La reproduction sociale et scolaire se trouve donc confortée par l’élitisme des établissements d’enseignement supérieur.

La mobilité géographique des étudiants, liée à la diversification croissante des parcours étudiants semble concomitante de la sélection sociale accrue des systèmes d’enseignement supérieur. Ainsi malgré sa démocratisation quantitative indéniable, le programme Erasmus reste sélectif. (38)

Ressources personnelles et familiales initiales de l’étudiant et opportunités institutionnelles se joignent pour reproduire les expériences de mobilité internationales les plus rentables. Dans un contexte toujours accentué de globalisation de l’économie et d’internationalisation de l’éducation, les stratégies de mobilité et d’insertion professionnelle se renforcent et donnent lieu à une hiérarchisation des parcours migratoires et professionnels, et corollairement conduisent à une valorisation différenciée des filières, des établissements et des espaces nationaux d’enseignement supérieur à l’échelle internationale. (39)

Ainsi la sélection scolaire reproduit les sélections sociales notamment dans le choix des champs disciplinaires ou des types d’établissements. Malgré une promotion de l’apprentissage aux frontières de la formation et de l’insertion professionnelles, les filières de l’enseignement technique et professionnel dans le cadre de formations courtes ( BTS ) restent globalement moins bien valorisées. Au contraire de l’Allemagne dont le système dual rend les entreprises parties prenantes à la formation des apprentis, les pays du Sud sont par exemple culturellement réticents à l’égard de l’enseignement technique et professionnel. En France, à ce préjugé culturel qui commence à bouger se joint la faiblesse des structures de formation qui caractérisent généralement ces filières professionnelles plus courtes. Ainsi les lycées professionnels ou les CFA n’ont pas toujours les moyens financiers ni administratifs que peuvent avoir les universités pour promouvoir, inciter, préparer et monter les dossiers de candidatures à la mobilité pour leurs étudiants.

Formations courtes (BTS (brevet de technicien supérieur), DUT (diplôme universitaire de technologie), DEUST (diplôme d’étude universitaire scientifique et technique), licence professionnelle) etc.)

Formations longues – LMD – Licence (3 ans = 180 crédits), Master (5 ans = 180 + 120 crédits), Doctorat

En dépit d’un principe de réciprocité des échanges, les relations entre les institutions universitaires se fondent sur ces logiques d’excellence et de concurrence. Au sein des établissements d’enseignement supérieur, et notamment des universités, l’enjeu de la démocratisation de la mobilité étudiante passe par l’établissement d’une stratégie internationale et européenne qui peut prendre trois formes : celle d’un programme d’échange classique entre établissements partenaires, d’un cursus intégré pour lequel le stage à l’étranger est obligatoire, ou d’une formation double, voire multi-diplômante avec double diplôme ou, plus fréquemment, diplôme conjoint. L’enjeu de qualité est alors partagé : un échange de qualité sert en amont de levier de confiance et de pérennité des programmes et des partenariats ultérieurs.

L’importance accordée à la mobilité en général varie selon la politique de l’établissement. Certains établissements inscrivent ainsi l’expérience à l’étranger dans leur cursus obligatoire. Dans l’enseignement supérieur néerlandais (40), très porté, grâce notamment à la portabilité des aides nationales, sur l’internationalisation et la mobilité de crédit, c’est souvent le cas. Ainsi de l’Ecole hôtelière de La Haye ou de l’Université de l’Hospitalité à Den Bosh.

Dans ces stratégies internationales, la structure d’accueil des étudiants étrangers est importante et constitue un atout en termes d’attractivité. Ainsi la qualité du logement grâce à des structures de collaboration avec les Crous pour la France, l’intégration des étrangers, le parrainage et les associations d’étudiants contribuent pleinement à cet aspect pratique de la politique internationale des établissements. Les pôles de recherche et d’enseignement supérieur ( PRES ) permettent aussi aux universités, grandes écoles et organismes de recherche, de mettre en commun leurs différents dispositifs, de mutualiser leurs activités et leurs moyens, notamment d’accueil avant l’arrivée jusqu’au retour des étudiants et des jeunes chercheures, de logement ou d’harmonisation des calendriers académiques. (41)

Du côté de la mobilité sortante, la qualité de la démocratisation de la mobilité passe par la sensibilisation, l’information et l’accompagnement des étudiants. Un chiffre intéressant concerne les étudiants qui émettent le souhait d’effectuer une mobilité. Ces « réserves » de mobilité (42) témoignent du fait que la mobilité n’est pas une évidence pour la majorité des étudiants européens. Pour certains, le levier principal au-delà des considérations financières reste la qualité de l’information. Un des griefs fréquemment rapporté par les témoignages d’étudiants concerne en effet le problème de la bonne ou mauvaise préparation à la mobilité. Tendent à aller dans le sens d’une meilleure lisibilité de l’information l’instauration de guichets uniques qui répondent à tous les questionnements scolaires, culturels, financiers ou logistiques qui participent d’une mobilité réussie. Le rôle des préparations culturelles et linguistiques avant le départ y contribue aussi.

Avec l’autonomie des universités depuis la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités ( LRU ), les universités françaises ont gagné en latitude de pilotage de cette politique d’attractivité. Riche par ses possibilités d’initiatives, elle n’en est pas moins susceptible d’accroître les disparités entre universités dans un contexte fortement concurrentiel où les accords de coopération avec d’autres universités prestigieuses constituent un enjeu crucial. Par ailleurs, selon certains chercheurs (43), elle s’inscrit dans une logique d’ »  affinités sélectives », c’est-à-dire « la probabilité inégale qu’a un étudiant de choisir sa destination en fonction du niveau de prestige institutionnel de son établissement d’origine », ce qui à la fois révèle l’élitisme relatif du dispositif et renforce les déséquilibres migratoires existants entre les pays concernés.

Le cas du Royaume-Uni est à cet égard symptomatique. Le Royaume-Uni en un sens n’a pas besoin d’être « demandeur » en matière de mobilité européenne puisqu’il est d’emblée attractif et a plus intérêt à attirer des étudiants hors Union européenne. La principale caractéristique de l’enseignement supérieur anglais porte en effet sur l’importance de frais de scolarité annuels dont le plafond, réservé aux étudiants britanniques ou européens de premier cycle, ne s’applique ni aux étudiants hors Union européenne ni aux étudiants de deuxième ou troisième cycles (44)..En raison de l’importance des revenus générés par les frais d’inscription pour les établissements d’enseignement supérieur et l’économie britannique, la mobilité de crédit Erasmus est donc moins encouragée que la mobilité de diplôme ( niveau postgraduate de 2ème et 3ème cycles ) surtout d’origine extra-européenne et notamment asiatique ou indienne. Ainsi ce sont les frais d’inscription qui financent la recherche, laquelle, par ricochet, contribue à renforcer le rang de l’université.

Il existe une scission forte entre deux modèles concurrents (45) : le modèle des universités prestigieuses du pool du Russell Group qui représente une vingtaine d’universités à dominante de recherche – l’Université d’Oxford ou de Cambridge, le King’s College London, la School of Economics de Londres, etc. –, et les autres universités (46). L’importance accordée au programme Erasmus s’inscrit dans ce contexte. Ainsi, les universités britanniques les plus prestigieuses ont moins intérêt à promouvoir les accords de double diplôme et préfèrent promouvoir les accords passés avec les grands centres de recherche internationaux et avec les universités de rang mondial, comme les universités américaines. Inversement, ce sont essentiellement les universités hors Russell Group qui offrent cette possibilité dans un souci d’internationalisation et d’attractivité. À titre d’exemple, King’s college a peu de partenariats avec Erasmus sinon des accords anciens avec des universités vénérables du type la Sorbonne ou l’université Humboldt à Berlin. De même, bien que l’université de Cambridge participe avec succès au programme Erasmus depuis sa création grâce à l’intérêt qu’elle accorde historiquement aux langues anciennes et médiévales, et connaisse à ce titre une mobilité inverse de celle du Royaume-Uni en termes de flux, elle ne dépend pas d’Erasmus pour développer sa mobilité internationale.

Le classement des établissements d’enseignement supérieur

Deux palmarès des universités de recherche se font concurrence : le plus connu et influent, créé en 2003, est le Shanghai Jiao Tong University Institute of Higher Education ( SJTUIHE ), et le classement proposé chaque année par le Times Higher depuis 2004. Tous deux reposent, dans une large mesure, sur le nombre de publications et la fréquence des citations totalisées par chaque établissement d’enseignement supérieur dans le domaine des sciences, des sciences sociales et des lettres. Le classement de Shanghai est globalement défavorable aux universités européennes et notamment françaises. L’Europe travaille sur une typologie européenne – le classement U-Multirank des universités européennes -, basée sur une classification multiple, pour accroître la transparence d’un secteur d’enseignement supérieur devenu hétérogène en raison de l’abandon du modèle idéal de l’université de Humboldt ( pour lequel la recherche forme le cœur de l’activité et de l’enseignement universitaires ) au profit d’une plus grande différenciation. L’élargissement de l’accès à l’enseignement supérieur passe par la diversification des établissements et des programmes.

L’Espagne : un champion de la mobilité au talon d’argile

Depuis 1987, 385 000 étudiants espagnols ont participé au programme Erasmus, dont 376 000 pour la mobilité d’études et 18 000 pour les stages. En 2011-2012, ils étaient 39 545 étudiants, ce qui représente une augmentation de 9,3 %, en baisse par rapport à celle de 16,1 %, l’année précédente. Rapporté à la population totale des étudiants de l’enseignement supérieur, le taux de mobilité Erasmus a été de 2,06 % pour 2011-12. Sur les 39 545 étudiants partis en mobilité, 5 442 sont partis dans le cadre de stages, ce qui représente une augmentation de 14,4 %. Cette faiblesse relative des stages s’explique en partie par l’absence de valorisation culturelle de la formation professionnelle dans les pays du Sud.

Le tropisme linguistique ou culturel porte les étudiants prioritairement vers l’Italie (20,94%), puis la France (12%), l’Allemagne (11,66%) et le Royaume-Uni (10,54%). Les communautés autonomes les plus mobiles sont de loin l’Andalousie (21,8 %) et la Communauté de Madrid (19,7%) mais, dans le cadre spécifique de la mobilité de stages, le Pays Basque avec 14,41% d’étudiants est particulièrement actif, les pays de destination dans une perspective d’insertion professionnelle et/ou de maîtrise de la langue témoignent d’une préférence pour le Royaume-Uni et l’Allemagne. La majorité des mobilités des étudiants pour les stages se fait à partir des cycles de formation du degré supérieur (CFGS) (52 %) et s’exerce en petites entreprises (54,5 %), le reste se partageant relativement équitablement entre moyennes (24,1 %) et grandes entreprises (21,4 %).

Le profil type de la mobilité Erasmus correspond à la moyenne européenne, à savoir une étudiante de l’université, âgée de 22 ans environ. La mobilité Erasmus concerne majoritairement l’enseignement supérieur universitaire (91,28%). Et la part représentée par les CFGS reste très faible, avec une surreprésentation du 1er cycle (89,92%) par rapport aux 2ème et 3ème cycles. La mobilité par domaine d’études suit la tendance générale européenne tant pour les études que pour les stages.

Le montant mensuel moyen d’une bourse d’études européenne a été de 111 euros (en baisse de 8 % par rapport à 2010-2011) et de 287 euros pour les bourses de stage. Mais avec le complément du Ministère de l’Éducation, de la Culture et des Sports, leur montant s’est élevé respectivement à 261 euros et 437 euros. De plus, le Ministère accorde une aide additionnelle pour les étudiants Erasmus relevant du cadre de l’Appel Général des Bourses, de 304 euros par mois en 2011/12.

Des rencontres de votre rapporteure avec des acteurs institutionnels et universitaires espagnols, il ressort un certain flottement quant à la politique nationale actuelle de l’Espagne en faveur de la mobilité tant la situation économique y apparaît difficile. Il n’est pas impossible que la réforme en cours de la politique éducative espagnole, visant à recentrer les apprentissages pour lutter contre le décrochage scolaire (de l’ordre de 28 %) issu des périodes fastes de la bulle immobilière, et du chômage des jeunes, l’un des plus élevés d’Europe (taux de chômage général de 27 % en mars 2013 et chômage des jeunes de moins de 25 ans évalué à près de 50 %), ne rende la politique de la mobilité moins prioritaire. La dernière polémique du décret du mois d’octobre durcissant rétrospectivement les conditions d’attribution des bourses Erasmus en est le signe (47).

De manière générale, l’organisation décentralisée de l’Espagne joue un rôle très important dans l’organisation et le financement de la mobilité étudiante. Le financement en est tripartite, européen, national et régional avec des disparités fortes selon la situation financière des régions. Les acteurs et notamment les universités ne cachent pas leurs inquiétudes quant à l’avenir de la mobilité Erasmus dans la mesure où la crise a raison des cofinancements, faisant dépendre la viabilité du dispositif sur la gestion et les fonds propres des universités (Université autonome de Madrid). En dehors du cas des Masters pour lesquels le caractère dissuasif des frais de scolarité – un minimum de 4000 euros - incite les étudiants espagnols à une mobilité (hors Erasmus) à l’étranger, la crise économique pèse globalement sur la mobilité des étudiants.

Outre les facteurs économiques expliquant l’appétence ou non à la mobilité, on trouve le contexte familial et relationnel (48). Mais l’obstacle linguistique est important, ne serait-ce qu’à cause de l’existence du plurilinguisme espagnol. Malgré l’effort d’incitation du ministère de l’Éducation notamment en direction de l’anglais via l’octroi de bourses d’apprentissage, une seconde langue vivante européenne reste optionnelle.

Peut-être pour des raisons de communauté de culture dans le cas des Italiens ou des Français, l’Espagne est le 1er pays de destination d’Europe, et notamment de la France ( 6 828 étudiants sur 30213 ) et le 2nd pays de destination de l’Espagne après l’Italie. Reflet assez bon du dynamisme des relations économiques entre pays européens puisque la France est le 1er partenaire économique de l’Espagne, et le 2nd fournisseur après l’Allemagne.

DEUXIÈME PARTIE : ERASMUS DE L’AVENIR : UNE DÉMOCRATISATION SOUS CONDITIONS

Depuis janvier 2014, le Programme européen Éducation et Formation tout au long de la Vie ( EFTLV ) a été remplacé par le programme Erasmus +. Outre une présentation du dispositif rationalisée à des fins de meilleure lisibilité, le nouvel instrument se caractérise par son nom, métonymie de son programme phare sur la mobilité étudiante, et de trois novations : attribution d’une enveloppe globale, augmentation du budget alloué à l’ensemble et élargissement du financement de la mobilité par l’octroi de prêts. En termes d’objectifs de démocratisation, il vise quantitativement à augmenter le nombre de jeunes qui partent à l’étranger et qualitativement à en diversifier le profil des bénéficiaires.

Aux termes de son adoption par le Parlement européen, le 19 novembre dernier, l’objectif global du nouveau programme Erasmus + est de faire que plus de quatre millions de personnes puissent bénéficier d'une aide pour aller étudier, suivre une formation, travailler ou faire du bénévolat à l'étranger, dont deux millions d'étudiants de l'enseignement supérieur, 650 000 étudiants en formation professionnelle ou en apprentissage et plus de 500 000 jeunes désireux de participer à des échanges ou de faire du bénévolat à l'étranger.

Le projet de règlement relatif à « Erasmus pour tous » a fait l’objet d’un accord à l’initiative de la présidence irlandaise de l’Union européenne, le 26 juin 2013, à l’issue duquel il a été dénommé in fine « Erasmus Plus » ou « Erasmus + ». Le nom du nouvel instrument a fait l’objet de débats dont votre rapporteure s’est fait l’écho (49). Entre la proposition de la Commission européenne d’ »  Erasmus pour tous » et celle du Parlement européen en faveur de « Yes Europe » pour Youth, Education and Sport, portée par la députée européenne, Mme Doris Pack, votre rapporteure avait clairement manifesté sa préférence pour la première dénomination proposant à la Commission des Affaires européennes de soutenir la position française au Conseil, au nom de la défense du multilinguisme et du maintien du label du nom du programme.

La métonymie est une figure de style par laquelle on désigne un objet ou une idée par un autre terme, comme la partie pour le tout ou le tout pour la partie. Il n’est pas anodin de mesurer que le programme Erasmus, autonome à sa création en 1987, puis intégré comme sous-programme aux programmes Socrate I et II puis Éducation et Formation tout au long de la vie, ait réussi à devenir le fer de lance de la mobilité en général au point de désigner désormais l’ensemble du programme consacré à la mobilité en Europe. L’usage de cette métonymie pour désigner le nouvel instrument est donc un gage de visibilité et partant de démocratisation du dispositif dans son ensemble. Il tourne la page d’un « programme éducation et formation tout au long de la vie » ou, pire, de son acronyme EFTLV, à l’usage exclusif des initiés. Un autre choix n’aurait pas manqué de brouiller davantage la référence spontanée des Européens à un succès de l’Union européenne. Votre rapporteure se réjouit donc d’un compromis qui préserve l’essentiel.

Pour autant, au-delà du maintien et d’une promotion d’un label qui a fait ses preuves, un bémol peut être apporté. Si la nouvelle terminologie « plus » a le mérite de souligner que le programme est un enrichissement d’Erasmus, la dénomination « pour tous », supprimée, avait le mérite de mettre l’accent sur l’enjeu de démocratisation inhérent aux ambitions du programme. Désormais, du moins dans sa dénomination, c’est l’excellence qui est valorisée davantage que l’ouverture à tous les publics. On peut le regretter.

Au-delà de sa nouvelle appellation intégratrice, Erasmus + entend rationaliser l’instrument en vigueur jusqu’à présent, et porter remède à une complexité et à un enchevêtrement de programmes ou de dispositifs préjudiciables à sa lisibilité non seulement pour les intéressés mais également pour les porteurs de projets au sein du programme. D’après l’objectif initial de la Commission européenne, il devrait ainsi être plus facile de demander une bourse. Erasmus+ réduirait par ailleurs les chevauchements d’activités et la fragmentation.

Le précédent programme pour l'Éducation et la Formation tout au long de la vie ( EFTLV ) se déclinait en effet en 6 sous-programmes, poursuivait 50 objectifs et plus de 60 actions. Désormais, le nouveau programme Erasmus + regroupe l'ensemble des programmes actuels de l'Union européenne en faveur de l'éducation, de la formation, de la jeunesse et des sports, notamment le programme pour EFTLV (Erasmus, Leonardo da Vinci, Comenius, Grundtvig), le programme « Jeunesse en action » et cinq programmes de coopération internationale comme Erasmus Mundus, Tempus, Alfa, Edulink et le programme de coopération avec les pays industrialisés). Il se décline ainsi en trois piliers - l’éducation et la formation, la jeunesse, et le sport - ainsi qu’en trois actions, dites « actions clé ».

Adaptation d’une présentation PowerPoint de la Commission européenne (« Erasmus for all : investing in Europe’s education, training and youth »)

L’action clé 1 - la mobilité individuelle à des fins d'apprentissage – met l’accent, dans la continuité du programme précédent EFTLV, sur la mobilité à tous les âges de la vie et pour tous les niveaux de formation. Le curseur est explicitement posé sur la mutation que connaît le processus de transition entre études et travail, en prônant des mobilités non seulement d'études mais également professionnelles au sein de l'Europe. Certaines de ces mobilités pourront par ailleurs s'effectuer depuis et vers les pays tiers pour l'enseignement supérieur et le secteur jeunesse.

Les publics concernés restent les mêmes. Ainsi des étudiants pour des périodes d'études ou de stage en entreprise et des jeunes en formation professionnelle pour des stages en entreprise. L’objectif visé est d’atteindre une mobilité à l’étranger pour deux millions d'étudiants, dont 450 000 stagiaires. De même, le rôle des équipes éducatives (scolaire, enseignement supérieur, éducation des adultes) est pris explicitement en compte dans la promotion de la mobilité au moyen de formations, participations à des séminaires, missions d'enseignement, etc. L’objectif en est de 800 000 enseignants et personnels administratifs, tout type d’établissements confondus. Mais le programme valorise également explicitement des expériences informelles.

Fort des expériences dites de « benchmarking » basées sur le partage des bonnes pratiques, le nouvel instrument renforce, au travers de l’action clé 2 - coopération et partenariat pour l'innovation et le partage d'expériences -, les projets de coopération internationale et le partage d'expériences entre institutions à tous les niveaux et tous les secteurs : l'enseignement scolaire, supérieur, la formation professionnelle, l'éducation des adultes et le secteur jeunesse.

Quatre types de partenariats sont ainsi proposés : les partenariats stratégiques répondant aux besoins grandissants d'innovation visent le rapprochement de tous les acteurs impliqués dans un secteur donné : l'éducation, la formation, la jeunesse. Pour un impact plus important, activités de mobilité et actions de coopération peuvent se compléter au sein du projet. Les fonds européens devraient permettre à 125 000 établissements (écoles, établissements d’enseignement supérieur et de formation professionnelle, etc.) d’en établir 25 000. Les alliances de la connaissance sont des partenariats de grande envergure ciblant la modernisation des établissements d'enseignement supérieur. Le rapprochement avec le monde de l'entreprise est explicitement préconisé pour permettre de favoriser l’innovation, la créativité et ainsi adapter les qualifications aux évolutions de l'emploi. De même, les alliances sectorielles doivent permettre la coopération entre les établissements de formation professionnelle et les entreprises pour créer de nouvelles filières, moderniser les pratiques de formation, etc. Il est prévu un objectif de 300 alliances de la connaissance et alliances sectorielles. Enfin, un volet coopération internationale avec les pays tiers comme les pays du voisinage européen, d'Amérique latine, d'Asie et d'Afrique est également renforcé, qui vise la modernisation des établissements d'enseignement supérieur, la réforme des modes de gouvernance, la qualité des enseignements, l’éducation non-formelle, etc. À l’appui de ces différents types de partenariat, les plates-formes informatiques, au nombre desquelles l'initiative e-Twinning pour le jumelage électronique, doivent permettre de renforcer le travail en réseau.

Un troisième volet, l’action clé 3 - soutien à la réforme des politiques -concerne principalement des fonctions de support. La réforme des politiques a pour but de renforcer les outils et instruments déjà mis en place pour faciliter la mobilité en Europe ainsi que la coordination des États membres de l'Union dans les domaines de l'éducation, de la formation et de la jeunesse. Il s’agit notamment d’outils de transparence ou de reconnaissance de diplômes.

Enfin, deux actions spécifiques, l'initiative Jean Monnet qui favorise l'enseignement, la recherche et le débat sur l'histoire, la politique, l'économie et le droit de l'Union européenne, et – nouveauté par rapport au précédent programme qui ne l’intégrait pas - la coopération dans le domaine du sport, complètent ce dispositif. On notera que pour certains commentateurs, l’insertion du mécanisme du sport dans le nouveau dispositif relevait d’une facilité administrative, liée à sa faible ampleur, davantage que d’une raison de fond articulée à l’esprit du nouveau programme. (50)

Le nouveau dispositif n’innove donc pas en termes de périmètre puisque ses contenus ou ses programmes sectoriels sont maintenus. À ce titre, Erasmus comme programme sectoriel a bien été pérennisé. Mais sa nouvelle organisation si elle permet une fusion bénéfique en termes de gestion n’est pas exempte de critiques quant à sa cohérence. Ainsi d’aucuns ont pu regretter que le « paquet » soit trop restrictif en matière d’enseignement supérieur dans la mesure où la recherche universitaire en paraît exclue (51). Ainsi le programme Marie Curie qui concerne la mobilité des chercheurs et ne fait pas partie du programme Erasmus mais d'Horizon 2020 ( programme recherche de l’Union européenne ) incorporera à partir de 2014 la mise en place de doctorats conjoints entre universités européennes, une action auparavant financée dans le cadre d’Erasmus Mundus. Or ce choix de dissocier formation universitaire et recherche n’est pas sans présenter de sérieux défauts. Outre qu’elle se fait au mépris de la structure de diplômes à trois niveaux instaurée par le processus de Bologne (52), elle présente l’inconvénient notable de dissocier au sein des universités des actions qui participent globalement de leur stratégie internationale et de leur attractivité.

Dans le prolongement du programme Éducation et Formation tout au long de la vie, le nouveau programme Erasmus + s’inscrit dans une stratégie d’envergure visant à favoriser une Europe de la Connaissance qui assure aux étudiants européens une employabilité accrue. Ainsi l’objectif du processus de Bologne dès 1999 visait à favoriser la mobilité étudiante des vingt-neuf pays alors concernés afin de favoriser une plus grande mobilité des travailleurs et ainsi une meilleure intégration européenne. Son ambition, chiffrée en 2009 (53) de faire que d’ici 2020, 20 % de l’ensemble des diplômés de l’Espace européen de l’enseignement supérieur ( EEES ) ait effectué une période d’études ou de formation à l’étranger, non encore réalisée, reste encore en vigueur dans le nouvel instrument.

Le crédo désormais bien ancré, qui sert à la fois d’objectif et de levier à la démocratisation d’Erasmus est donc l’idée qu’un degré élevé de flexibilité et de mobilité doit permettre de surmonter les différences structurelles qui rendent l’administration et le fonctionnement du marché européen difficile. Promouvoir la mobilité étudiante, c’est permettre celle du travail. Les attentes en sont donc très fortes : lutter contre le chômage des jeunes en favorisant l’insertion professionnelle des étudiants dans un monde globalisé où l’internationalisation des compétences et des exigences de l’emploi demeurent incontournables.

Dans ce cadre, la mobilité est explicitement conçue comme devant jouer un rôle en matière d’insertion professionnelle. C’est la raison pour laquelle dans le sillage des Erasmus stages, le programme s’ouvre résolument à l’apprentissage pour lutter contre le chômage des jeunes, notamment de filières courtes ou professionnalisantes dont le profil socio-économique et culturel est pourtant peu propice à la mobilité. Ainsi 650 000 apprentis et étudiants de l’enseignement professionnel devraient recevoir une bourse pour étudier, se former et travailler à l’étranger. De la même manière, la participation du secteur privé est prônée pour encourager l’innovation et assurer un apprentissage pratique aux étudiants.

Dans l’axe de la recommandation du Conseil du 20 décembre 2012 relative à la validation de l'apprentissage non formel et informel, l’action 1 d’Erasmus + entend explicitement valoriser les parcours non formels.

On distingue deux types d’apprentissage, non formel et informel. L’apprentissage non formel n’est pas effectué dans le cadre du système formel ( école/formation professionnelle/université ) mais dans celui d'activités programmées (avec des échéances et des objectifs) comprenant une certaine forme de formation, comme par exemple les formations en entreprise, accessibles en ligne ou données à des jeunes ayant quitté prématurément l'école. À l’inverse, l’apprentissage informel désigne un apprentissage qui n’est pas structuré en termes d'objectifs, de temps ou de formation. Il comprend des compétences acquises dans le cadre de la vie personnelle et professionnelle, telles que les compétences de gestion de projet ou les compétences informatiques acquises au travail, les compétences linguistiques et interculturelles acquises durant un séjour à l'étranger ou celles que des activités bénévoles, culturelles ou sportives, d'associations de jeunesse ou d'activités à la maison ont rendu possibles.

À côté des connaissances, compétences et aptitudes d'une personne acquises à l'école, à l'université ou dans d'autres établissements d'enseignement ou de formation, l'accent est donc de plus en plus mis sur la nécessité d’en reconnaître d’autres acquises dans d’autres contextes moins conventionnels ou institutionnels. Cette nouvelle philosophie s’inscrit dans une vision globale de l’individu. De fait, l’obtention d’un emploi ne se fait plus uniquement sur les critères scolaires de diplômes mais de plus en plus sur des compétences acquises dans le cadre d’expériences d'apprentissage non formel. Les étudiants comme les employeurs parlent ainsi de soft skills. Au-delà de la maîtrise de la langue ou du diplôme concerné par la mobilité, c’est donc une certaine aisance et autonomie qui est ainsi valorisée par le programme. On sait par ailleurs que 75 % des jeunes gens ayant participé au Service volontaire européen ( SVE ) ont déclaré avoir de meilleures perspectives de carrière grâce à cette expérience. Le nouveau dispositif prévoit un objectif de plus de 500 000 jeunes en bénévolat à l'étranger.

La stratégie du Gouvernement s’inscrit tout à fait dans cette nouvelle architecture qui ne fait qu’approfondir des dispositifs existants. À l’issue du Conseil des Ministres du 24 juillet 2013, l’objectif de démocratisation de la mobilité est mis en direction tant du volume que de la qualité de la mobilité internationale des jeunes Français. Ainsi l’ouverture de l’expérience à l’international doit-elle profiter également à des « jeunes d’origine diversifiée » comme ceux issus de filières professionnelles, technologiques ou de l’apprentissage, ou ayant reçu une éducation non formelle. Le gouvernement vise une augmentation du nombre de bénéficiaires du Volontariat international en entreprise ( VIE ) de 25 % en l’ouvrant notamment progressivement aux étudiants de licence professionnelle, dès la rentrée 2013. La ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Mme Geneviève Fioraso, soulignait à ce titre la nécessité pour les responsables des BTS, IUT, ou de licences de promouvoir Erasmus auprès de leurs étudiants.

Dans un souci de diversification des publics bénéficiaires de la mobilité, le gouvernement entend répondre à la problématique spécifique des RUP, régions ultrapériphériques, qui cumulent les désavantages de l’éloignement géographique et d’une origine sociale globalement plus défavorisée. Les moyens dédiés à la mobilité des jeunes ultramarins dans les domaines associatif, éducatif, culturel et sportif seront ainsi doublés via le Fonds d’échanges à but éducatif, culturel et sportif ( FEBECS ).

Du point de vue de l’organisation du dispositif et afin de favoriser une meilleure coordination des acteurs de la mobilité, un comité permanent de la mobilité des jeunes sera mis en place qui associera à la fois les principaux opérateurs de la mobilité ( Agence 2e2f, Afpeja, Ofaj, OFQJ, Fonjep, France Volontaires, Ubifrance ), les administrations publiques, les réseaux associatifs et les collectivités territoriales mais aussi les représentants des jeunes. Parallèlement, seront créées des plateformes régionales, soutenues à hauteur de deux millions d’euros sur trois ans par le fonds d’expérimentation pour la jeunesse ( FEJ ).

Afin de garantir cette politique d’augmentation de la mobilité, le Gouvernement entend, dans le cadre de la loi sur l’enseignement supérieur, fixer des objectifs chiffrés en matière de mobilité étudiante dans les contrats signés avec les pôles universitaires. De même, les régions, qui seront bientôt compétentes en matière d’enseignement supérieur, seront incitées à accorder des bourses plus importantes aux Erasmus. Cela devrait constituer un élément important du cadre de l’acte III de la décentralisation.

Par ailleurs, l’effort est porté sur l’apprentissage des langues pour lutter contre le complexe obsidional en la matière et favoriser l’attractivité de la France dans la mobilité étudiante. Ainsi votre rapporteure a-t-elle appuyé la position du Gouvernement d’élargir les dérogations à la loi Toubon en permettant l’introduction d’un certain nombre de cours en langue étrangère au sein des universités, en direction notamment des étudiants des pays émergents freinés par l'obstacle de la langue. Une telle mesure, introduite par l’article 2 de la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, doit contribuer à aider les établissements à développer leur attractivité internationale.

Enfin, la France entend développer un système d’aides directes privilégiées avec une expérimentation marginale du mécanisme de garantie de prêt des masters. Or ce mécanisme de garantie de prêt est l’une des novations du nouveau dispositif Erasmus + sur lequel la France s’est montrée très réticente.

La rationalisation du dispositif Erasmus + répond au souci légitime de démocratiser encore davantage la mobilité européenne et notamment étudiante. Pour autant, avec un budget global européen revu à la baisse et dans un contexte de crise économique qui explique en partie les alarmes concernant le bouclage du budget Erasmus 2011-2012, Erasmus + aura-t-il les moyens de son ambition ? De la même manière, dans un tel contexte économiquement délicat, la novation relative à la garantie de prêts doit faire l’objet d’une surveillance scrupuleuse.

À la différence du précédent programme Éducation et Formation tout au long de la vie où existait un fléchage des politiques sectorielles et de leur financement mais pas d’enveloppe globale, le nouveau programme Erasmus + bénéficie d’une enveloppe globale. Pour autant la fongibilité initialement prévue a été limitée pour éviter le risque d’une utilisation asymétrique de dotations au profit de certains publics et au détriment d’autres.

Le nouveau programme Erasmus +, finalement adopté le 19 novembre 2013 par le Parlement européen, sera doté d'un budget de 14,7 milliards d'euros en prix courants ( compte tenu de l'inflation prévue ) pour la période 2014-2020, soit l'équivalent de 13 milliards d'euros en prix constants de 2011. Cela représente une augmentation de 40 % par rapport aux programmes actuels. Votre rapporteure s’en réjouit d’autant plus que dans un contexte de restrictions budgétaires, le budget consacré à la mobilité reste l’un des deux seuls domaines qui n’a pas été réduit.

Pour autant, dans le cadre de l’établissement définitif du cadre financier pluriannuel ( CFP ) de l’Union pour la période 2014-2020, les ambitions du programme « Erasmus + » et le montant des crédits qui devaient lui être consacrés ont été réduits par rapport à la proposition initiale de la Commission européenne. Ainsi, l’objectif quantitatif, initialement prévu, était de fixer le budget total de l’Union européenne à 1 156 milliards d’euros, en prix courants, et celui du futur programme Erasmus pour tous à 19 milliards d’euros, soit à 1,64 % du budget total. L’augmentation prévue initialement par le projet de la Commission européenne était de 70 % au lieu des 40 % obtenus. La différence n’est pas insignifiante. Certes, votre rapporteure n’ignore pas que la fourchette initiale de la Commission est toujours volontairement haute afin de pouvoir se ménager une marge de négociation qui, à terme, ne dénature pas les ambitions de son projet. Mais, bien que parallèlement l’objectif d’une mobilité de cinq millions de personnes ait lui aussi été revu à la baisse et ait été ramené à quatre millions de bénéficiaires, votre rapporteure s’interroge sur la crédibilité financière du dispositif ainsi conçu.

Pour favoriser une gestion assouplie, le projet de la Commission européenne plaidait pour un budget global et une fongibilité entre les différents sous-programmes. Votre rapporteure partageait les réticences du Parlement européen. Le bénéfice acquis en matière de flexibilité pouvait a contrario se payer de trop d’incertitude et d’instabilité, et l’on pouvait craindre que la fongibilité se fasse au bénéfice des publics les mieux informés, au préjudice par conséquent de l’objectif de diversification du dispositif. En définitive, le choix qui a été fait sanctuarise en partie les moyens de certaines politiques. Un niveau minimum de dépenses a donc été garanti pour chaque secteur de l’éducation, qui maintient au programme Erasmus la part du lion avec 63 % étalés entre 2014 et 2020 dévolus à la mobilité des étudiants et des personnels, 28 % à la coopération et l'innovation, et 4 % au soutien des politiques nationales. Enfin, 5 % seront consacrés à l'administration, au sport, aux agences nationales et au programme Jean-Monnet.

Votre rapporteure tient à rappeler la mobilisation générale de fin 2012, suscitée par les déclarations alarmistes du député européen Alain Lamassoure. Pour mémoire, le déficit du programme fin 2012 se chiffrait à environ 180 millions d’euros. Le budget total de l’Union européenne pour 2012 proposé par la Commission européenne se montait à 132,7 milliards d’euros mais le budget final, approuvé par les États membres et le Parlement européen, s’élevait à 129,1 milliards d’euros, soit un différentiel de 3,6 milliards d’euros, auquel il a fallu ajouter quelque 5 milliards d’euros de factures impayées que le budget 2012 a dû acquitter, transférées du budget 2011, lui aussi sous‑financé. Il s’est avéré que la viabilité financière ne devait pas toucher concrètement les étudiants Erasmus en cours de mobilité, la Commission européenne ayant déjà transféré 70 % des financements du programme Erasmus pour l’année universitaire 2012‑2013 aux agences nationales dans les pays participants. Sur son enveloppe d’attribution l’agence 2e2f en avait pour sa part versé 90 %.

Pour autant, ces problèmes récurrents jettent le trouble quant à la viabilité financière du programme proposé. Derrière des promesses budgétaires, les États membres seront-ils en mesure de répondre à leurs engagements ? La rupture en cours d’année des crédits dévolus à la mobilité, véritable épée de Damoclès, ne peut-elle constituer un frein à la mobilité, en raison d’une stratégie de prudence des étudiants ? Votre rapporteure ne vous cache pas sa préoccupation qu’à terme, eu égard aux ambitions accrues de l’instrument en faveur de la mobilité européenne et aux difficultés économiques confirmées auxquelles se heurtent les pays européens, le cas n’ait à se reproduire à l’avenir, mettant en péril la sécurité du dispositif et, partant, sa crédibilité. Cette crainte est d’autant plus forte que, dans le contexte de la crise économique, la hausse des droits d’inscription universitaires freine la mobilité étudiante en général.

De manière plus générale en effet, c’est la problématique du financement « durable » de l’enseignement supérieur dans un contexte d’augmentation du nombre d’étudiants qui se trouve posée. À l’occasion d’une conférence sur le thème du financement de l’enseignement supérieur, l’Agence Europe (54) s’est penchée sur les disparités fortes du rôle des fonds publics dans le financement de l’enseignement supérieur : 95 % au Danemark et en Finlande contre 25 % au Royaume-Uni.

Votre rapporteure a eu l’occasion de voir ses craintes nourries par la récente polémique survenue en Espagne, une semaine à peine après la mission qu’elle y a effectuée (55). Certes, le financement au niveau européen n’est apparemment pas en cause mais le décret de l’Éducation nationale espagnole, durcissant rétroactivement les conditions d’obtention des bourses Erasmus à des étudiants de l’année universitaire actuelle 2013-2014, souligne à quel point les dispositifs, cofinancés par les États et les régions, sont contraints. La volonté de réduire l’accès aux bourses Erasmus aux seuls boursiers sur critères sociaux de l’année passée est symptomatique des difficultés financières dans lesquelles se débat l’Espagne.

Erasmus profite en majorité aux étudiants de Licence. Les étudiants envisageant d'effectuer un master complet à l'étranger, qui peuvent rarement prétendre à des bourses ou à des prêts nationaux, bénéficieront avec l’instrument Erasmus + d'un nouveau mécanisme de caution de prêts géré par le Fonds européen d'investissement. Cet outil répond à un besoin de financement et à une défaillance du système en matière de mobilité de diplôme. Les bourses nationales sont en effet rarement transférables pour des études à l’étranger et les banques, réticentes à prêter à des étudiants qui partent à l’étranger à cause du risque que constituent ces études, pratiquent des prêts dont le coût est dissuasif.

Dans cette optique, l’introduction d’un Erasmus Master apparaît comme un moyen d’ouvrir à d’autres publics le dispositif de la mobilité. L'Union européenne met en place un instrument de cautionnement des prêts. Elle s’engage à se porter partiellement garante auprès des organismes bancaires - banques ou agences de prêts aux étudiants - qui acceptent de proposer des prêts de 12 000 euros pour un an ou de 18 000 euros pour deux ans à des conditions favorables pour les étudiants. Cette garantie européenne doit avoir un effet de levier et de responsabilisation des banques qui, en cas de défaut, prennent à leur charge une partie du risque.

En juin dernier, la Commission européenne envisageait de favoriser 330 000 de ces prêts, soit 881 millions d’euros avec délivrance décentralisée par l’intermédiaire d’un organisme financier choisi sur appel d’offres. Le nombre envisagé a été abaissé à 200 000 prêts. Ils sont accordés sans caution parentale, à des taux inférieurs au marché et remboursables après le retour au pays et avec un délai de carence de un ou deux ans. Ce n’est cependant pas l’Union européenne qui prêtera directement aux étudiants mais les taux en seront négociés très bas auprès des banques grâce à son instrument de garantie du prêt.

D’après un article du Monde du 21 juin 2013 (56), « les négociations [ concernant le programme Erasmus + ] achopp[ ai ]ent sur un point mineur mais symbolique ». Au regard de l’ampleur et de l’enjeu du dispositif qui faisait l’objet des négociations, un tel jugement pouvait paraître légitime. Mais l’aspect « symbolique » recouvre en fait des réalités non négligeables : un possible endettement d’une population déjà fragilisée par la situation économique.

Le débat sur l’ampleur du fonds de garantie a opposé deux écoles, voire deux philosophies : selon un système à l’américaine, celle de la responsabilisation des étudiants par rapport à de l’argent public, et celle du refus de voir s’endetter des étudiants déjà fortement affectés par la crise économique. La position de la France s’inscrit dans ce refus.

Votre rapporteure a fait état devant vous de ses craintes légitimes d’un risque de substitution des prêts aux bourses. Sous couvert d’améliorer une lacune dans le financement des masters, le désengagement financier à l’égard des bourses pouvait se profiler. Dans le contexte budgétaire contraint des États et de l’Union européenne, la crainte n’est peut-être pas vaine. Par ailleurs, on pouvait imaginer, le principe du prêt une fois acquis, que le montant du fonds de garantie soit prélevé sur des budgets déjà existants, surtout dans une perspective de fongibilité entre les sous-programmes. Le risque d’endettement a été souligné par le ESU (European Students’ Union). Par ailleurs, notamment au Royaume-Uni (57), le système fait craindre un effet dissuasif d’entrée en master, les étudiants de 1er cycle se trouvant déjà fortement endetté pour payer leurs frais d’inscription. Paradoxalement, dans un contexte de crise économique et d’incertitude en matière de chômage des jeunes, le prêt pourrait avoir un effet dissuasif à l’heure où Erasmus apparaît comme un remède anticrise.

Certains pays défendaient l’idée que l’enveloppe prévue pour le mécanisme de garantie soit de 4,6 % du budget global du programme ; la Commission soutenait une position médiane de 3 % à 3,5 % ; la France était favorable à un plafond de 2 %. En définitive, la solution de compromis adoptée porte sur 3,5 %.

La ministre de l’Enseignement supérieur, Mme Geneviève Fioraso, a ainsi souligné qu’il s’agissait d’ »  un palliatif insatisfaisant au plan démocratique » (58). C’est la raison pour laquelle, à condition qu’il s’agisse d’un outil supplémentaire et encadré avec des taux très bas et des garanties - temps modulé pour le remboursement, délai de remboursement pour le temps de latence entre la fin des études et l’obtention d’un emploi -, la France était favorable à une expérimentation du dispositif.

Le développement de la mobilité des enseignants et des personnels administratifs est indispensable si l’on souhaite qu’une induction forte soit opérée. La mobilité des enseignants et des personnels administratifs présente en effet trois avantages : ils constituent des vecteurs d’exemplarité des expériences de mobilité, permettent une meilleure connaissance des universités partenaires pour une information contextualisée et contribuent à approfondir les partenariats. À côté des obstacles linguistiques, logistiques, financiers et de disponibilité, le manque de reconnaissance de la mobilité opérée constitue un frein supplémentaire. Or les décharges horaires des enseignants tuteurs ou coordinateurs ne sont pas systématiques car la charge en temps et en investissement de l’énergie consacrée à la mobilité n’est pas homogène selon la structure de l’établissement dans lequel ils exercent. Par ailleurs, celle-ci dépend de facteurs subjectifs liés au degré d’investissement des enseignants concernés. On sait par exemple que certains n’hésitent pas à prendre sur leur temps libre pour accueillir les étudiants étrangers. Il est donc difficile de prétendre renforcer la mobilité des étudiants sans passer par une meilleure prise en compte de celle de ceux qui les y préparent. Or des enseignants ou des personnels administratifs qui n’ont pas fait eux-mêmes l’expérience de la mobilité ne sont pas vraiment les plus à même de l’infuser dans l’esprit de leurs étudiants.

Pour stimuler le désir de mobilité chez les bénéficiaires, il convient donc en amont de développer une stratégie d’incitation financière à l’égard des organismes et des adultes encadrant la mobilité (59). Mais l’aspect financier n’étant pas l’unique frein, il convient de valoriser en amont l’expérience linguistique en offrant notamment de meilleures préparations linguistiques pour les étudiants défavorisés. De manière générale, les mesures d’accompagnement et de suivi sont des instruments indispensables à la mobilité. Votre rapporteure considère qu’il est nécessaire d’améliorer la gestion du soutien public à la mobilité, notamment en permettant une meilleure articulation des acteurs sur le plan juridique, en favorisant notamment le développement du guichet unique afin que les bénéficiaires de la mobilité aient un accès facilité à l’information qui les concerne.

Votre rapporteure a recueilli au terme de ses différentes missions un certain nombre de propositions des acteurs de terrain pour favoriser l’appétence pour la mobilité. En utilisant des outils déjà en place, il pourrait être souhaitable de valoriser la mobilité en tant que telle, indépendamment de la question de la reconnaissance et de l’équivalence des cursus.

Ainsi, le simple fait de procéder à une mobilité devrait être considéré comme un « plus » reconnu. L’attribution de points par le biais du dispositif CTS a pu être suggérée à votre rapporteure. Cependant, il n’est pas certain que le recours au dispositif CTS soit sans risque. Autant il est possible pour une université par exemple de créditer, en amont, de quelques points CTS des séminaires de préparation linguistique ou culturelle pour motiver ses étudiants à la mobilité, autant réserver une part des crédits CTS dus à un cursus de quelques mois à l’étranger à la mobilité pourrait décrédibiliser le système. Pour mémoire, à titre d’exemple, un cursus de six mois donne 30 CTS correspondant à une liste de cours, pour compenser ceux que l’étudiant n’a pu suivre dans son université d’origine.

De même, bien que relevant d’un effet difficilement quantifiable, l’accueil des étudiants étrangers constitue un facteur indispensable d’attractivité des établissements comme des régions, et devrait être à ce titre également récompensé. Bien souvent, l’accueil est fait par des bénévoles qui prennent sur leur temps libre sans qu’une reconnaissance institutionnelle soit mise en place. Or, de la qualité de l’accueil dépend la portée concrète de l’expérience des bénéficiaires. Cette dernière conditionne la bonne image du pays d’accueil dont ils deviendront peut-être, à leur retour dans leur pays, de futurs « ambassadeurs », susceptibles de garder un lien avec notre pays.

La mobilité Erasmus n’est pas limitée aux Licences mais l’expérience montre que c’est ce public qui part en priorité. Permettre aux étudiants de faire des stages ou des études à l’étranger dans les mois qui suivent l’obtention de leur diplôme paraît à votre rapporteure une solution intéressante : en plus d’ouvrir l’accès du programme à un tout nouveau public - et donc de permettre à celui-ci d’atteindre ses objectifs quantitatifs -, une telle mesure permettrait de remédier à des possibilités de mobilités réduites par le raccourcissement de la durée globale du premier cycle (60).

En fonction de la stratégie d’un parcours, il pourrait également être un gain pour la mobilité de lui faire prendre la forme d’un « compte épargne mobilité », avec un crédit de douze mois de mobilité à utiliser tout au long du parcours universitaire et non pas une fois pour toutes. Cette disposition, plus souple, permettrait à des étudiants de mieux se préparer à la mobilité et serait plus respectueuse de l’individualisation des parcours.

De façon générale, le mot d’ordre devrait être de stimuler le désir de la mobilité pour qu’il ne reste plus l’exception mais devienne la règle. (61)

L’un des secrets de la mobilité instituée d’Erasmus réside dans son financement par des bourses. Cependant, on l’a vu, à côté de l’insuffisance des montants, les freins et l’autocensure fonctionnent à plein. Loin de nous l’idée de prétendre que le dispositif ne servirait qu’aux étudiants de familles aisées. Il est au contraire certain que, dans un contexte de déclassement socio-économique, les familles des classes moyennes, qui investissent fortement dans les études de leurs enfants, y trouvent une aide financière d’autant plus précieuse qu’elles sont généralement au-dessus des seuils permettant l’apport de compléments financiers sur critères socio-économiques.

Pour autant, à côté d’une revalorisation générale des bourses dont les classes moyennes doivent pouvoir profiter et afin d’inciter à la mobilité des publics pour lesquelles les freins économiques se combinent aux freins culturels, les bourses devraient aussi jouer un rôle d’équité. Que ce soit au niveau national ou au niveau des régions, votre rapporteure plaide donc pour qu’elles soient allouées en prenant davantage en considération les critères socio-économiques. Elle ne méconnaît cependant pas le biais inhérent aux seuils qui risque de peser encore davantage sur les familles des classes moyennes. La démocratisation du programme Erasmus dépendra donc aussi de la capacité à mieux articuler les sources de financement entre les différents échelons européen, national et régional afin que des effets de seuil ne désavantagent pas certains étudiants moins bien aidés que d’autres.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 26 février 2014, sous la présidence de M. Jérôme Lambert, Vice-président, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé de la rapporteure a été suivi d’un débat.

M. Philippe Cordery. Ce programme phare montre que l’Union européenne agit, notamment au profit des jeunes en quête de mobilité européenne pour mieux affronter leur entrée sur le marché du travail.

Je tiens à remercier la rapporteure pour sa coopération au rapport d’information relatif à l’emploi des jeunes, dont j’ai la charge, car ces sujets sont en interaction forte. C’est aussi le cas, au demeurant, avec la proposition de loi relative au stage que j’ai déposée.

Toutes les personnalités que j’ai rencontrées dans le cadre de la préparation de mon rapport d’information témoignent de l’importance des périodes d’apprentissage expérimentées à l’étranger et de la pénurie de jeunes compétents en langue. Des secteurs économiques entiers sont contraints d’embaucher des étrangers faute de jeunes Français qualifiés en langues étrangères. La mobilité des apprentis est donc primordiale. Vous avez indiqué que le nouveau programme Erasmus + s’ouvrait à ce nouveau public des apprentis. Comment la France compte-t-elle mobiliser nos jeunes apprentis ? Savez-vous quelle part du budget y sera consacrée ?

Comment les jeunes étrangers qui veulent effectuer un stage post-cursus en France pourront-ils financer leur mobilité, alors que la loi française établit des conventions tripartites entre l’université, l’entreprise et l’étudiant dans le cadre de stage, au sein du cursus universitaire ?

Mme Sandrine Doucet, rapporteure. Vos questions témoignent du caractère multiforme du dossier Erasmus.

L’objectif est d’insérer 650 000 apprentis dans le dispositif Erasmus +. Mes auditions de responsables de CFA, de MFR et de Compagnons du devoir ont en effet clairement montré que la maîtrise linguistique constitue bien le véritable obstacle, surtout en lycée professionnel. Parmi les étudiants préparant un brevet de technicien supérieur ( BTS ), contrairement à ce qu’on pourrait espérer, c’est déjà un problème largement avéré ; il l’est plus encore pour les lycéens suivant la filière professionnelle. Je remarque que 51 % des stages s’effectuent en langue anglaise. Une piste déjà à l’œuvre dans les établissements scolaires, et sur laquelle il faudra réfléchir, consiste à mettre l’accent sur l’acquisition de compétences linguistiques par domaines professionnels. Dans le cadre de la réflexion sur les programmes, il conviendrait d’ailleurs de se pencher sur les exigences en matière de savoirs et de compétences linguistiques à avoir à l’égard des jeunes d’une branche professionnelle ou d’un secteur d’activité donnés.

Les crédits sont établis en pourcentages, avec une part de fongibilité entre les différents secteurs. J’avais déjà souligné, en juin dernier, la nécessité de rester vigilant quant à cette fongibilité, afin d’éviter que des pratiques déjà bien rodées, comme les échanges dans le cadre universitaire, ne se fassent au détriment de l’enseignement professionnel et technologique.

Au même titre qu’un statut de l’apprenti me paraît nécessaire, une définition et un statut harmonisés du stagiaire sont nécessaires, tant les définitions en France et à l’étranger différent. Un stage en France appartient au cursus universitaire et s’inscrit dans une période partagée entre l’école et l’entreprise alors que, dans d’autres pays européens, le stage intervient davantage comme un exercice d’application.

ANNEXES

ANNEXE NO 1 :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE

La rapporteure tient à témoigner sa gratitude envers les personnalités qui ont accepté d’apporter leur témoignage et de partager leur expertise.

BRUXELLES

Parlement européen

Mme Malika BENARAB-ATTOU, Membre de la Commission culture et éducation du Parlement européen (Shadow rapporteur du Programme Erasmus pour tous)

Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne

Mme Laure COUDRET-LAUT, Conseillère en charge de l'éducation, de la culture et de la jeunesse.

Commission européenne

M. Jonathan HILL, Chef-adjoint du cabinet de Mme Androulla Vassiliou, Commissaire européenne en charge de l’éducation, de la culture, du multilinguisme et de la jeunesse

M. Fabrice COMPTOUR, membre du cabinet de Mme Androulla Vassiliou, Commissaire européenne en charge de l’éducation, de la culture, du multilinguisme et de la jeunesse

Direction générale éducation et culture

M. Adam TYSON, Chef de l'unité « Enseignement supérieur, Erasmus »

Mme Vanessa DEBIAIS – SAINTON, Chef du secteur « Erasmus » auprès de l'unité « Enseignement supérieur : Stratégie de Modernisation ; Erasmus »

Mme Marie-Pierre MESPLEDE, Directrice, bureau Aquitaine-Europe

Université libre de Belgique

M. Serge JAUMAIN, Vice-recteur aux Relations internationales de l'ULB

M. Gaël VANDENBROECK, chargé de la gestion de la mobilité Erasmus à l'ULB

Mme Elena TEGOVSKA, Attachée au service international de l'ULB

Ecole de kinésithérapeute

M. Dominique BRAGARD, Chef de département kinésithérapie et coordinateur de l'unité de recherche kinésithérapie, Institut d'enseignement supérieur Parnasse-Deux Alice

BORDEAUX

M. Antoine GODBERT, Directeur de l’Agence 2E2F

M. Eric GALLIBOUR, Chargé de mission Europe International, CEMEA AQUITAINE

M. Laurent ADAM, Directeur CFAI Aquitaine

M. Stéphane TALAVET, Directeur FR MFR Aquitaine-Limousin

Mme Séverine GALLAIS, Coordinatrice régionale sur la Mobilité Européenne à la Fédération régionale des MFR Aquitaine

M. Christian LENTZ : Secrétaire général de l’IT2I

PARIS

Mme Anne BISAGNI, Conseillère diplomatique de Mme Geneviève Fioraso

M. François WEIL, Recteur de l’Académie de Paris, Chancelier des Universités

M. Hubert PATINGRE, Secrétaire général du Conseil national pour la formation professionnelle toute la vie

M. Vincent VERGES, Directeur-adjoint, Unité développement, Direction de l’apprentissage et de l’emploi à la Région Ile-de-France

M. Michel GUISEMBERT, Président des Compagnons du devoir

M. Guillaume SUTEAU, Délégué à l’international et à l’outre-mer des Compagnons du devoir

Mme Fatou ESTEOULE, Responsable du bureau des relations internationales, Université Paris-Diderot

Mme Ladan NIAYESH, chargée des relations internationales, Université Paris-Diderot

M. Frédéric OGEE, Vice-présidente des relations internationales, Université Paris-Diderot

M. Philippe PERCHOC, membre d’un comité à l’origine d’une initiative citoyenne relative à la mobilité, « ICE Fraternité 2020 »

Conférence des Présidents d’Université

M. Jean-Pierre FINANCE, délégué permanent de la CPU et de l’IRD à Bruxelles,

M. Alain ABECASSIS, Délégué général de la CPU

LONDRES

M. Richard COOPER, Professeur de français, Chaire de Langues modernes, Conseil d’Administration, Université d’Oxford

Dr Toby WILKINSON, Chef du Bureau de la Stratégie internationale, Université de Cambridge

Mme Anne-Marie GRAHAM, Chef du programme de la mobilité étudiante sortante, Unité internationale

Mme Lucy SHACKLZTON, Chargé de l’unité internationale Europe and Moyen Orient, Unité internationale

M. Michael WORTON, Vice-Prévôt, UCL

M. Peter J. DELVES, Prévôt pour l’Europe et l’Asie centrale, UCL

Mme Lorraine DARDIS, Chef exécutif, Bureau des Affaires internationales, UCL

M. Andrew PINK, Administrateur, Bureau des Affaires internationales, UCL

Professeur Keith HOGGART, Vice-president, vice-principal International, King’s College London

Dr Sarah WILLIAMSON, Chef des Études à l’Étranger, Chef des programmes d’internat, King’s College London

Mme Anna DEBSKA, Gestionnaire, King’s Worldwide, King’s College

MADRID

M. Jorge SÁINZ GONZÁLEZ, Directeur Général de la Politique Universitaire du Ministère

M. Juan Carlos PARODI ROMÁN, Directeur de l’Unité d’Éducation supérieure au sein de l’OAPEE

Mme María Ángeles CECILIA SACRISTÁN, Chef du Service des Relations Internationales de l’Université Complutense de Madrid

Mme Juana AMOROS, Responsable des Programmes Européens de l’université de Complutense de Madrid

Mme Amaya MENDIKOETXEA PELAYO, Vice-rectrice des Relations internationales de l’Université Autonome de Madrid,

Mme Matilde DELGADO-CHAUTON, Directrice des Relations internationales de l’Université Autonome de Madrid

Mme Sylvia CARRASCO GAUTHIER, Directrice générale de l’association d’amitié hispano-française Dialogo

Mme María José ARIAS FERNÁNDEZ, Chef du Département de l’Orientation professionnelle et des Programmes internationaux du Service de l’Emploi, Red EURES

Mme Carmen GOMEZ GARCIA, Conseiller du Département de l’Orientation professionnelle et des Programmes internationaux du Service de l’Emploi, Red EURES

ANNEXE NO 2 :
QUELQUES DATES D’ERASMUS

1957 - L’article 3 du Traité de Rome fait référence à l’éducation en indiquant que les États membres doivent contribuer à promouvoir une éducation et une formation de qualité.

1976 - Résolution du Conseil des ministres de l’Éducation au sujet d’un programme d’action pour l’éducation.

1980 - Lancement d’Eurydice, le réseau d’informations sur l’éducation en Europe.

1983-84 - Les déclarations de Stuttgart et de Fontainebleau établissent le concept de citoyenneté européenne qui promeut plus de coopération entre les établissements d’enseignement supérieur.

1986 - L’Acte unique européen ( AUE ) réaffirme la nécessité de développer la dimension européenne de l’éducation.

1987 - Lancement d’ERASMUSEuropean Community Action Scheme for the Mobility of University Students ) avec onze pays signataires, dans le cadre du projet qui deviendra Socrates en 1995 ( décision du Conseil européen du 15 juin 1987 (87/327/EEC) ), avec les actions : Comenius ( enseignement primaire et secondaire ), ( enseignement universitaire ), Grundtvig ( formation d’adultes pour l’essentiel ), Lingua ( apprentissage et enseignement des langues de l’Europe ), Minerva ( technologies de l’information et de la communication en éducation ).

1988 Résolution du Conseil invitant les États membres de la Communauté à intégrer la dimension européenne de l’éducation dans les programmes scolaires, les manuels et la formation des professeurs quelles que soient les disciplines concernées. Lancement du système ECTSEuropean credit transfert system ) pour garantir la reconnaissance mutuelle des diplômes en Europe.

1992 Le Traité de Maastricht prévoit une contribution plus étendue de la Communauté européenne dans l’éducation et la formation professionnelle.

1993 Livre vert de la Commission sur la dimension européenne de l’éducation.

1995 Lancement du programme Socrates et de Leonardo da Vinci ( programme d’action communautaire pour la formation professionnelle ).

1996 Financement Erasmus de cours spécialisés dans les langues les moins répandues et les moins enseignées à destination des étudiants partant à l’étranger dans le cadre du programme.

1997 Développement de la mobilité auprès des enseignants à travers les missions d’enseignement. Croissance continue de la mobilité étudiante : 850 000 étudiants partis en mobilité parmi les vingt-quatre pays participants.

1999 - La déclaration de Bologne, signée par 29 ministres de l’Éducation, instaure l’objectif d’établir un espace européen de l’enseignement supérieur d’ici 2010.

2000 – La stratégie de Lisbonne : le Conseil européen de Lisbonne invite les ministres de l’Éducation à se mettre d’accord sur un ensemble d’objectifs concrets futurs pour les systèmes d’éducation et de formation d’ici 2010.

2002 – Le Conseil européen de Barcelone invite les États membres à « promouvoir la dimension européenne dans l’enseignement et son intégration dans les compétences de base des élèves d’ici 2004 » et définit l’objectif de faire du système éducatif et de formation européen une référence de qualité au niveau mondial d’ici 2010. C’est le programme « Éducation et formation 2010 ».

La Commission européenne célèbre le millionième étudiant Erasmus.

2003 - Conseil de Berlin, accord des ministres de l’Éducation de 40 États européens pour accélérer la mise en place d’un espace européen de l’enseignement supérieur, et rendre possible la comparaison entre les différents diplômes nationaux à l’horizon 2005.

2004 - Lancement du programme Erasmus Mundus.

2005 - Sommet de Bergen, déclarations d’intention des États pour améliorer ou promouvoir la qualité des cadres nationaux pour les qualifications ; la récompense et la reconnaissance des diplômes communs ( doctorat ) ; les voies d’apprentissage non formelles dans l’éducation supérieure ( la validation des acquis de l’expérience ).

2007 - Conférence ministérielle de Londres en 2007, stratégie relative à la dimension extérieure du processus de Bologne pour améliorer l’information et promouvoir l’attrait et la compétitivité de l’espace européen de l’enseignement supérieur. 1,7 million d’étudiants européens dans le cadre de la mobilité Erasmus qui fête ses 20 ans.

2007 – Développement des stages en entreprise via « Erasmus stage ».

2007 - Mise en place de la Mobilité de formation à destination du personnel d’un établissement d’enseignement supérieur ( personnels enseignants, administratifs, techniques, etc. ) pour une durée d’une à six semaines, auprès d’un établissement d’enseignement supérieur partenaire, une entreprise ou un organisme de formation européen.

2008 - 2 millionième étudiant Erasmus.

2011 - 23 novembre 2011, proposition de la Commission européenne du nouveau programme d’éducation, de formation et de jeunesse 2014-2020 : « Erasmus Pour Tous » qui chapote les programmes Comenius, Grundtvig, Leonardo da Vinci.

2012 - 25 ans d’Erasmus.

2013 – adoption du nouveau programme global sous le nom d’Erasmus +

1 () Se non è vero, ben è trovato, « si ce n’est pas vrai, c’est bien trouvé ».

2 () La connaissance de la mobilité “réelle” reste incomplète, malgré des progrès considérables accomplis dans la collecte d’informations. A la différence de ce qui s’est fait pour la mobilité diplômante, il n’existe en effet pas de corpus de données international exhaustif sur la mobilité temporaire ou de crédit (credit/temporary mobility), catégorie dont relève la mobilité Erasmus. Malgré l’importance des données relatives à Erasmus, il est donc difficile d’évaluer la part que le programme représente dans l’ensemble de la mobilité temporaire. Mapping mobility in European higher education, Volume I: Overview and trends Eds. Ulrich Teichler, Irina Ferencz and Bernd Wächter, Directorate, General for Education and Culture (DG EAC), of the European Commission, 2011.

3 () Mapping mobility in European higher education, Volume I: Overview and trends Eds. Ulrich Teichler, Irina Ferencz and Bernd Wächter, Directorate, General for Education and Culture (DG EAC), of the European Commission, 2011.

4 () Les données chiffrées disponibles portent sur des années antérieures à l’entrée de la Croatie dans l’Union européenne.

5 () Erasmus ou la construction d’un espace culturel européen, Caroline CLOSE, IEUG Euryopa Studies, vol. 42, Genève, 2007.

6 () Does Erasmus student mobility promote a European identity?, Emmanuel SIGALAS, Constitutionalism Web-Papers, no 2, Hambourg, 2009.

7 () Une étude de l’OCDE, l’enseignement Supérieur à l’horizon 2030, datée de 2011, souligne que le processus de Bologne initialement axé sur l’harmonisation des diplômes vers un système à deux cycles (licence-master) et sur l’application étendue de l’ECTS dont le but est de favoriser la lisibilité et la reconnaissance des diplômes en Europe, a vu son objectif élargi à l’élaboration d’un Cadre européen des certifications (CEC), à la désignation harmonisée et à la convergence des compétences et des acquis de l’apprentissage au niveau des programmes ainsi qu’à une série de mesures décisives dans les domaines de l’assurance-qualité et de l’accréditation.

8 () Un établissement d’enseignement supérieur est un établissement titulaire de la carte universitaire Erasmus qui a effectivement envoyé des étudiants et/ou du personnel enseignant et administratif en mobilité Erasmus. Cf. A statistical overview of the Erasmus program in 2011-2012, novembre 2013.

9 () Avis de l’Association des Régions de France (ARF) sur la proposition « Erasmus pour tous », mai 2012, ARF.

10 () Audition Antoine Godbert, Directeur de l’Agence 2e2f.

11 () Guide 2011 du programme « Éducation et formation tout au long de la vie », Première Partie : Dispositions générales, p. 34.

12 () Un programme intensif (IP) est un programme d'étude court sur une période de 10 jours à 6 semaines maximum qui réunit des enseignants et des étudiants de plusieurs établissements d'enseignement supérieur de plusieurs pays d'Europe pour développer une activité ponctuelle ou de long terme que le cadre traditionnel de l’enseignement supérieur ne permettrait pas autrement. Ainsi, d’une université d'été ou d’une politique de création artistique ou musicale.

13 () Creating Ideas, opportunities and Identity, Research report of the Erasmus Student Network Survey 2013, Julia Fellinger et alii, ESN AISBL, Bruxelles, 2013.

14 () Studying abroad and the effect of international labor market mobility: evidence from the introduction of Erasmus, Mathias PAREY et Fabian WALDINGER, ISA papers, 2007.

15 () Étude d’impact : les nouvelles mobilités du programme Erasmus en France (stages en entreprise et mobilité de formation), IMERA, Agence 2e2f, 2009.

16 () Apprenticeship supply in the Member States of the European Union, janvier 2012.

17 () Les Stages en Europe, Euroguidance, décembre 2010.

18 () Mapping mobility in European higher education Volume I: Overview and trends, Ulrich TEICHLER, Irina FERENCZ and Bernd WÄCHTER, Directorate General for Education and Culture (DG EAC) of the European Commission, 2011.

19 () Les étudiants internationaux chiffres clés, Campus France, 2011.

20 () La mobilité étudiante, entre mythe et réalité, Laure ENDRIZZI. Dossier d’actualité de la VST, n° 51, février (2010).

21 () L’accent serait ainsi davantage mis sur la mobilité de crédit (Erasmus) sortante qu’entrante, et sur la mobilité diplômante entrante que sur la sortante. Mapping mobility in European higher education, Volume I: Overview and trends Eds. Ulrich TEICHLER, Irina FERENCZ and Bernd WÄCHTER, Directorate General for Education and Culture (DG EAC), of the European Commission, 2011.

22 () Audition auprès de l’Ecole de Kinésithérapeutes.

23 () Les disciplines paramédicales font l’objet d’une mise en commun des référentiels.

24 () Arrêt Nicolas Bressol e.a., Céline Chavenot e.a / Gouvernement de la Communauté françaises, Cour de Justice de l’Union européenne, 13 avril 2010.

25 () Communication de la Commission du 22 novembre 2005 - Un nouveau cadre stratégique pour le multilinguisme I.

26 () Deux agences nationales permettent de se faire une idée statistiquement fondées de la mobilité au Royaume-Uni et d’Erasmus en particulier. L’Agence de statistiques pour l’Enseignement supérieur (Higher Education Statistics Agency (HESA)) est l’agence officielle de collecte de données et d’analyses statistiques pour l’enseignement supérieur. Cependant les données qu’il collecte excluent notamment celles qui concernent Erasmus dont la responsabilité incombe au British Council.

27 () Sussex Centre for Migration Research and Center for Applied Population Research, 2004.

28 () International student mobility literature review, Report to HEFCE, and co-funded by the British Council, UK National Agency for Erasmus.

29 () M. Antoni Castella i Clavé, Secrétaire du département des universités et de la recherche au Gouvernement de la Catalogne.

30 () Améliorer la participation au programme Erasmus, Hans VOSSENSTEYN, Maarja BEERKENS, Leon CREMONINI, Parlement européen, 2010.

31 () E-value-ate your exchange: research report of the ESN survey 2010, Erasmus Student Network, 2011.

32 () Nordic students abroad: student mobility patterns, student support systems and labour market outcomes, Miia SAARIKALLIO-TOP, The social insurance Institution of Finlande, 2010.

33 () Mapping Mobility 2011: International Mobility in Dutch Higher Education, Eric RICHTERS, Sjoerd ROODENBURG, Rosa BECKER, La Haye, NUFFIC, 2010.

34 () On the way to Erasmus +: A statistical overview of the Erasmus Programme in 2011-2012, novembre 2013.

35 () Avance datos y cifras del Programa Erasmus en España 2011-2012, Organismo Autónomo Programas Educativos Europeos

36 () Améliorer la participation au programme Erasmus, Hans VOSSENSTEYN, Maarja BEERKENS, Leon CREMONINI, Parlement européen, 2010.

37 () Les Programmes européens en Outre-Mer, Agence 2e2f, Soleoscope, fiche thématique n° 3, octobre 2011.

38 () L’Autre réalité du programme Erasmus : affinité sélective entre établissements et reproduction sociale des étudiants de Magali BALLATORE et Thierry BLÖSS, Formation emploi, juillet 2008.

39 () Les expériences migratoires différenciées d’étudiants français : de l’institutionnalisation des mobilités étudiantes à la circulation des élites professionnelles ?, Revue européenne des migrations internationales, vol. 23, n° 1, Poitiers, 2007.

40 () Mapping Mobility 2011: International Mobility in Dutch Higher Education, Eric RICHTERS, Sjoerd ROODENBURG, Rosa BECKER, La Haye, NUFFIC, 2010.

41 () L’accueil des étudiants étrangers : une enquête auprès des PRES, Les notes de Campus France, n° 19, 2010.

42 () Social and Economic Conditions of Student Life in Europe. Synopis of indicators final report Eurostudent IV 2008-2011, Dominic ORR, Chrstoph GWOSC, Nicolai NETZ, Berlesmann, 2011.

43 () L’Autre réalité du programme Erasmus : affinité sélective entre établissements et reproduction sociale des étudiants de Magali BALLATORE et Thierry BLÖSS, Formation emploi, juillet 2008.

44 () En 2009-2010, le montant des frais d’inscription était plafonné à 32 255£ (37 166 euros).

45 () International Student Mobility: Patterns and Trends, World Education News and Reviews, octobre 2007.

46 () Depuis la loi sur l’enseignement supérieur (Further and Higher Education Acts) de 1992, l’enseignement supérieur britannique s’est écarté d’un système binaire entre universités traditionnelles et écoles polytechniques. Les institutions de l’enseignement supérieur au Royaume-Uni, diversifiées, comprennent des universités, des « collèges d’enseignement supérieur » (higher education colleges) et des « collèges universitaires » (university colleges) dont la taille et la base légale varient considérablement - certaines ont été créées par des Chartes royales et d’autres par la loi. Le pouvoir de dispenser des diplômes et de prendre le titre d’université est régi par la loi.

47 () Erasmus, des milliers d’étudiants espagnols privés de bourse, 5 novembre 2013, Huffington post (http://www.huffingtonpost.fr/2013/11/05/erasmus-des-milliers-detudiants-espagnols-prives-de-bourse_n_4215657.html?utm_hp_ref=international)

48 () La movilidad de los universitarios en España : estudio sobre la participación en los programas Erasmus y Sicue », Pilar Pineda Herrero, María Victoria MORENO ANDRES, Esther BELVIS PONS, Revista de educacion, n° 346, 2008.

49 () Rapport d’information sur le programme Erasmus, n° 1118 du 6 juin 2013, Sandrine Doucet.

50 () Erasmus pour tous (2014-2020), Direction générale des politiques internes, avril 2012, p. 19.

51 () Erasmus pour tous (2014-2020), Direction générale des politiques internes, avril 2012, p. 22.

52 () Erasmus pour tous (2014-2020), Direction générale des politiques internes, avril 2012, p. 18.

53 () « Processus de Bologne 2020 – L’espace européen de l’enseignement supérieur dans la nouvelle décennie ». Communiqué de la conférence des ministres européens chargés de l’enseignement supérieur, Louvain et Louvain-la-Neuve, 28 et 29 avril 2009.

54 () Bulletin quotidien européenne, 25/09/2013.

55 () « Erasmus : des milliers d’étudiants espagnols privés de bourse », Rodrigo CARRETERO, Huffington Post, le 5 novembre 2013.

56 () « Plusieurs États, dont la France, redoutent une fragilisation des bourses d’étude à l’étranger », Isabelle REY-LEFEBVRE, Le Monde du 21 juin 2013.

57 () Audition au King’s college.

58 () Idem.

59 () Encourager la mobilité des jeunes en Europe : orientations stratégiques pour la France et l’Union européenne, Yves BERTONCINI, Documentation française, 2008.

60 () Erasmus pour tous (2014-2020), Direction générale des politiques internes, avril 2012, p. 24.

61 () Encourager la mobilité des jeunes en Europe : orientations stratégiques pour la France et l’Union européenne, Yves Bertoncini, Documentation française, 2008.