N° 2105 - Rapport d'information de Mme Isabelle Bruneau déposé par la commission des affaires européennes sur la politique européenne de la concurrence




N° 2105

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 juillet 2014

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

sur la politique européenne de concurrence

ET PRÉSENTÉ

PAR Mme Isabelle BRUNEAU

Députée

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La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Danielle AUROI, présidente ; Mmes Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Pierre LEQUILLER, vice-présidents ; MM. Christophe CARESCHE, Philip CORDERY, Mme Estelle GRELIER, M. André SCHNEIDER, secrétaires ; MM. Ibrahim ABOUBACAR, Jean-Luc BLEUNVEN, Alain BOCQUET, Jean-Jacques BRIDEY, Mmes Isabelle BRUNEAU, Nathalie CHABANNE, M. Jacques CRESTA, Mme Seybah DAGOMA, MM. Yves DANIEL, Bernard DEFLESSELLES, Mme Sandrine DOUCET, M. William DUMAS, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FROMION, Hervé GAYMARD, Jean-Patrick GILLE, Mme Chantal GUITTET, MM. Razzy HAMMADI, Michel HERBILLON, Laurent KALINOWSKI, Marc LAFFINEUR, Charles de LA VERPILLIÈRE, Christophe LÉONARD, Jean LEONETTI, Arnaud LEROY, Mme Audrey LINKENHELD, MM. Lionnel LUCA, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MIGNON, Jacques MYARD, Michel PIRON, Joaquim PUEYO, Didier QUENTIN, Arnaud RICHARD, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Jean-Louis ROUMEGAS, Rudy SALLES, Gilles SAVARY.

SOMMAIRE

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Pages

SYNTHÈSE DU RAPPORT 7

INTRODUCTION 9

PREMIÈRE PARTIE : LA POLITIQUE DE LA CONCURRENCE, UN DÉBAT ANCIEN QUI NE DOIT PAS CONSTITUER UN TABOU 13

I. LE DROIT DE LA CONCURRENCE APPARTIENT À L’ADN COMMUNAUTAIRE 14

A. LE DROIT EUROPÉEN DE LA CONCURRENCE EST « SANCTUARISÉ » PAR LE TRAITÉ SUR LE FONCTIONNEMENT DE L’UNION EUROPÉENNE (TFUE) 14

B. UNE ABSENCE DE DÉBAT VÉRITABLE SUR LE BIEN-FONDÉ DE CES POLITIQUES CONDUIT À DES POSITIONS CARICATURALES 16

II. DES DÉCISIONS MALHEUREUSES DE LA COMMISSION EUROPÉENNE ALIMENTENT LES DOUTES SUR LE BIEN FONDÉ DE LA POLITIQUE DE LA CONCURRENCE 18

A. L’INDUSTRIE AÉRONAUTIQUE 19

B. L’INDUSTRIE DE L’ALUMINIUM 21

DEUXIÈME PARTIE : UNE CONCEPTION TROP EXTENSIVE DE LA NOTION D’AIDES D’ETAT ? 25

I. UN PRINCIPE ADMIS D’INTERDICTION DES AIDES D’ETAT 25

II. LES AIDES COMPATIBLES AVEC LE MARCHÉ INTÉRIEUR 26

III. UN CHAMP D’APPLICATION IMPRÉCIS ÉLARGI PAR LA JURISPRUDENCE DE LA CJUE 27

TROISIÈME PARTIE : L’EFFORT DE MODERNISATION ET D’ASSOUPLISSEMENT DE LA NOTION D’AIDE D’ÉTAT PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE N’EST QUE PARTIEL 31

I. LA LUTTE CONTRE LES DÉRIVES BUREAUCRATIQUES EST INCONTESTABLE 31

A. L’EXCLUSION DES MONTANTS TROP FAIBLES POUR AVOIR UN IMPACT SUR LE MARCHÉ INTÉRIEUR (LES SEUILS DE MINIMIS) 31

B. LA MODERNISATION DU DROIT DES AIDES D’ÉTAT 32

II. LE DÉVELOPPEMENT DE RÉGLEMENTATIONS PARTICULIÈRES À CERTAINS SECTEURS DOIT ÊTRE ENCOURAGÉ 34

A. LES AIDES AUX ENTREPRISES EN DIFFICULTÉS 34

B. LES AIDES AU CINÉMA 37

C. LE TRANSPORT AÉRIEN 38

III. UNE INSUFFISANTE ASSOCIATION DES ÉTATS AUX DÉCISIONS MALGRÉ LES PROGRÈS RÉALISÉS CES DERNIÈRES ANNÉES 40

IV. UNE CONCEPTION À LA FOIS LARGE ET TROP RESTRICTIVE DES ATTEINTES À LA CONCURRENCE, INADAPTÉE À LA MONDIALISATION 43

A. LES COMPAGNIES AÉRIENNES LOW COST 43

1. La Commission européenne ne fait pas toujours respecter avec diligence la réglementation relative aux aides d’État 44

2. L’optimisation fiscale n’est pas découragée 45

3. Le dumping social 45

B. LES INDUSTRIES ÉLECTRO-INTENSIVES 46

1. Les exigences de la compétitivité internationale 46

2. Le dumping environnemental 47

QUATRIÈME PARTIE : LE CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS ET DES CARTELS, SUJET D’INCOMPRÉHENSION 49

I. LA LUTTE CONTRE LES CARTELS 49

II. LE CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS 54

A. UNE VASTE COMPÉTENCE 54

B. LE MARCHÉ PERTINENT 55

C. UNE PROCÉDURE SOUVENT TROP LONGUE ET TROP JURIDIQUE 56

III. LES RÉFORMES À ENGAGER 58

A. UNE PHILOSOPHIE QUI DOIT ÉVOLUER 58

B. LA TAILLE DU MARCHÉ DOIT ÊTRE APPRÉCIÉE À L’AUNE DE LA MONDIALISATION 59

C. AMÉLIORER LE DIALOGUE ENTRE LES ENTREPRISES ET LA COMMISSION EUROPÉENNE 59

D. LES ÉVOLUTIONS ENVISAGÉES PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE 59

E. LES RÉFLEXIONS FRANÇAISES : LE RAPPORT DE FABIEN ZIVY () 60

1. Les constats : une régulation fragmentée 60

2. Dix recommandations structurées autour de trois axes 61

F. LA POSITION ALLEMANDE EST-ELLE SUSCEPTIBLE D’ÉVOLUTION ? 64

1. Les demandes allemandes de modification de la législation sont très limitées. 64

2. Une volonté de voir la législation européenne appliquée 65

CINQUIÈME PARTIE : LA COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPÉENNE, UNE INFLUENCE DÉCISIVE MAIS CONTROVERSÉE 67

I. UNE DYNAMIQUE JURISPRUDENTIELLE QUI POURRAIT CONSTITUER UN RISQUE DE « GOUVERNEMENT DES JUGES » 67

II. LA REMISE EN CAUSE DU STATUT D’ÉTABLISSEMENT PUBLIC INDUSTRIEL ET COMMERCIAL PAR LA CJUE 69

CONCLUSION 71

TRAVAUX DE LA COMMISSION 73

CONCLUSIONS ADOPTÉES 77

ANNEXES 81

ANNEXE N° 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS 83

ANNEXE N° 2 : TFUE : LES AIDES ACCORDÉES PAR LES ÉTATS 85

ANNEXE N° 3 : ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPÉENNE SUR LES EFFETS DU STATUT D’ÉTABLISSEMENT PUBLIC INDUSTRIEL ET COMMERCIAL AU REGARD DES AIDES D’ÉTAT (ARRÊT DE LA COUR - 3 AVRIL 2014 FRANCE / COMMISSION AFFAIRE C-559/12 P ) 89

ANNEXE N°4 : RAPPORT DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU CONSEIL, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ DES RÉGIONS 105

SYNTHÈSE DU RAPPORT

Ce rapport dresse un panorama synthétique de la mise en œuvre des règles de concurrence par l’Union européenne. Cette politique, qui constitue un axe essentiel de la construction européenne, s’est beaucoup étendue au fil des ans, au point d’être parfois perçue comme entravant la mise en place d’une politique industrielle européenne.

Le document qui vous est proposé essaie de démêler ce qui relève de la mauvaise polémique et du constat, car il est exact que la Commission européenne, en s’appuyant sur les pouvoirs propres qui lui sont confiées par les traités, a pris parfois des décisions allant à l’encontre des intérêts de l’industrie européenne (De Havilland, Pechiney, Legrand-Schneider).

Votre rapporteure insiste sur la nécessité d’utiliser l’ensemble des dispositions des traités européens pour lutter efficacement contre des décisions qui seraient inappropriées. Elle rappelle que le Conseil européen peut, sur la base de l’article 108 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, désavouer la Commission européenne et substituer une vision politique à une approche trop bureaucratique.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La politique européenne en matière de concurrence fait-elle de l’Europe « l’idiot du village global », c’est à dire de l’économie mondialisée d’aujourd’hui ?

Le ministre de l’économie vient de déclarer, lors du rachat d’Alstom par General Electric, qu’une solution européenne ne pouvait pas être envisagée, sans risque de démantèlement de l’entreprise, du fait de la jurisprudence présumée de la Commission européenne en matière de concentration industrielle (1). La constitution d’un champion industriel mondial semble effectivement impossible s’il détient une position trop forte sur le marché intérieur européen. En outre, cette entreprise n’aurait peut-être pas constitué en 2014 une proie, si elle n’avait pas été affaiblie par les conditions posées par la Commission européenne en 2003 pour accepter l’intervention de l’État français.

Votre rapporteure ne croit pas que la Chine ou les États-Unis aient la même attitude vis à vis de leurs entreprises.

La réponse de la Commission européenne, qui se justifie par la prééminence accordée à l’intérêt du consommateur sur le producteur, est-elle fondée ?

L’économiste Elie Cohen tenait en 2007 des propos qui n’ont rien perdu de leur actualité (2) :

« Je voudrais conclure par un dernier point : chaque fois que je viens à Bruxelles c’est pour moi une piqûre de rappel. La distance qu’il y a entre ce que j’appellerai le mantra (3) européen - et de ce point de vue-là le discours de Madame Kroes était parfait - et le monde réel, ne cesse de grandir. Nous pouvons rêver un monde réglé par le droit, la norme, le multilatéralisme, la défense du consommateur. Mais compte-tenu de ce que l’on sait sur le développement de la Chine, de l’Inde, du nationalisme énergétique russe, des investissements américains dans l’économie de la connaissance, il n’y a pas trente-six solutions : soit on est capable de réussir notre intégration et de laisser tomber ces œillères pour favoriser l’émergence d’une Europe compétitive, soit, si on n’y arrive pas, le processus de décomposition qu’on a à peine stoppé avec le traité simplifié reprendra. »

Une rencontre avec des représentants de la Commission européenne est synonyme de « choc culturel », car les attentes des Français vis-à-vis de l’État demeurent très importantes, et ce point de vue n’est pas compris.

M’étant rendue à Bruxelles pour aborder les questions de concurrence, j’avais en tête les réflexions, somme toute assez simples, d’une économiste sur l’intérêt de favoriser la concurrence en économie ouverte tout en respectant les principes de réciprocité et de réalité.

Je me suis vue opposer, à des remarques que j’estimais relever du bon sens, une accumulation de constructions juridiques, plus byzantines les unes que les autres.

Aussi, suis-je revenue avec la certitude que si l’Union européenne faisait le bonheur des cabinets d’avocats d’affaires, la législation sur la concurrence (4), ou plus exactement son interprétation par les autorités et juridictions européennes, n’aidait pas les entreprises européennes à développer la croissance et l’emploi.

De retour de la capitale de l’Union européenne j’ai le sentiment que la volonté de construire l’Union européenne par le droit avait enclenché une mécanique qui aujourd’hui se retourne contre l’idée européenne et favorise le populisme.

J’ai été confortée dans ce sentiment par la lecture du traité de Lisbonne : il n’est nul besoin de réécrire les dispositions des traités relatives au droit européen de la concurrence ; les décisions les plus contestables découlent de l’exercice par la Commission européenne de ses pouvoirs propres et de l’appui que lui offre une Cour de justice de l’Union européenne, qui a développé une politique jurisprudentielle privilégiant une interprétation très libérale des traités, et allant dans le sens d’un accroissement des prérogatives de l’Union européenne, sans doute au-delà de l’intention des signataires des traités, faisant à notre avis trop peu de cas de la subsidiarité.

À Berlin j’ai eu l’intuition que la position allemande sur la politique de la concurrence, inspiratrice des traités européens, était susceptible d’inflexion devant le principe de réalité.

C’est pourquoi, au moment où une nouvelle Commission européenne va prendre ses fonctions, il est utile de vous proposer non pas une réforme des traités – l’entreprise serait vouée à l’échec – mais une vision différente de la mise en œuvre de la législation relative à la concurrence, reposant sur l’article 7 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui dispose que : « L’Union veille à la cohérence entre ses différentes politiques et actions en tenant compte de l’ensemble de ses objectifs et en se conformant au principe d’attribution des compétences ».

En outre, ce débat ancien constitue également un tabou européen, qu’il peut être utile d’ébranler. Au final deux questions se posent :

• Comment rendre les pays européens plus forts et plus compétitifs à l'international ?

• Comment intégrer la mondialisation dans le droit européen de la concurrence ?

Définition de la notion de concurrence

« La concurrence définit un type de rapports entre les acteurs de la vie économique caractérisé par la liberté de contracter, de commercer, de circuler et d'entreprendre. Elle donne libre cours à des comportements humains très répandus dans un monde aux ressources rares : de la simple émulation et de la compétition d'allure sportive à des actes de rivalité agressive. C'est pourquoi la concurrence est un de ces mots qui trouve des qualificatifs tels que loyale, déloyale, parfaite, praticable ou sauvage, exprimant, entre autres, la fierté ou le dépit des concurrents selon le succès ou l'échec de leurs efforts. »

« La plupart des économistes de profession académique l'abordent sous un angle particulier. Elle désigne, selon eux, le mécanisme de marché par lequel de nombreux candidats à l'échange d'un bien trouvent à s'accorder sur un prix d'équilibre mutuellement satisfaisant, car compatible avec les intérêts opposés des acheteurs et des vendeurs. Selon les hypothèses retenues, la théorie économique évoquera des marchés de concurrence « pure et parfaite » ( C.P.P. ), pour mettre en évidence a contrario les nombreuses sources d'imperfections que l'observation des pratiques les plus courantes révèle. »

« Pour autant, la concurrence telle que la ressentent ses acteurs présente des traits dont l'observation des marchés ne rend pas compte. Tant sur les marchés des biens de consommation que, à plus forte raison, sur ceux des matières premières, des biens intermédiaires et des biens d'équipement, la concurrence concerne directement le monde des producteurs. Les consommateurs, situés en bout de course, sont placés dans une situation d'infériorité devant le monde organisé des producteurs. C'est pourquoi la concurrence doit être analysée aussi en examinant les stratégies des entreprises de production. »

Source : encyclopédie Universalis.

PREMIÈRE PARTIE : LA POLITIQUE DE LA CONCURRENCE, UN DÉBAT ANCIEN QUI NE DOIT PAS CONSTITUER UN TABOU

« La notion même de concurrence constitue à notre sens l’une des valeurs fondamentales sous - jacentes à la construction européenne. Elle ne doit pas être pensée comme une politique parmi d’autres, pour laquelle la Commission est dotée de larges attributions, mais, au contraire, comme l’un des piliers principaux du projet européen et du modèle de société́ porté par ses pères fondateurs. La place occupée par la concurrence dans la construction de l’Union n’est pas sans faire écho à celle qu’elle prit dans la construction de la République Fédérale Allemande à la fin des années quarante. Dans une certaine mesure, le modèle d’économie sociale de marché, tel qu’il a pu dériver de l’approche ordo-libérale (5) développée par l’École de Fribourg (6) durant les années trente et quarante, a influencé la construction européenne notamment au travers des missions assignées aux politiques de concurrence. » (7)

Le droit européen de la concurrence appartient incontestablement à l’ ADN communautaire et constitue l’un des socles de la construction européenne. Cela est entendu mais ne doit pas obérer tout débat sur son bien-fondé, trop souvent immédiatement assimilé à une remise en cause de la construction européenne.

Votre rapporteure estime, au contraire, que tous les volets des politiques européennes doivent être régulièrement examinés sans aucun tabou. Le monde évoluant, aucun n’a vocation à être gravé dans le marbre. Une des causes de la montée inquiétante des populismes tient sans doute au refus d’engager un débat de fond sur les politiques à la base de la construction européenne. C’est pourquoi il est intéressant d’examiner les termes du débat autour des questions de concurrence, tout en reconnaissant que l’Union européenne a pu commettre des erreurs d’analyse.

La mise en place d’une politique de la concurrence fait partie des concessions faites à l’Allemagne lors de la création du marché commun en 1957. Des règles supranationales de droit européen de la concurrence existent depuis 1951 : le traité créant la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier (CECA) interdit, en effet, toute pratique discriminatoire de nature à fausser la concurrence.

Le traité de Rome instituant la Communauté économique européenne a repris les dispositions du traité CECA, à une époque où les prix en France demeuraient largement encadrés, montrant ainsi une inclinaison pour un modèle économique libéral, devenue une affirmation forte avec la mise en œuvre du marché unique puis du traité de Lisbonne.

Il n’est donc pas excessif de souligner que la politique de la concurrence, mise en œuvre depuis l’origine des traités européens appartient à l’ADN communautaire.

L’article 3 du TFUE confère une compétence exclusive à l’Union européenne en matière d ’ « établissement des règles de concurrence nécessaires au fonctionnement du marché intérieur ». Cette compétence est traduite par le titre VII du traité qui précise les règles applicables aux entreprises ( droit antitrust – ententes, abus de position dominante, concentrations ), et un contrôle des aides accordées par les États membres à ces mêmes entreprises.

La politique de concurrence relève des pouvoirs propres de la Commission européenne (article 105 du TFUE), elle est mise en œuvre par des réglementations prises directement par la Commission européenne (article 105.3 du TFUE) ainsi que sur la base de textes adoptés par le législateur européen (article 103 du TFUE).

« La Commission veille à l'application directe des règles européennes de concurrence, définies dans les articles 101 à 109 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ( TFUE ), en collaboration avec les autorités nationales. Elle entend ainsi améliorer le fonctionnement des marchés européens, en garantissant une concurrence juste et équitable, fondée sur le mérite, entre les entreprises. Le respect de ces règles profite aux consommateurs, aux entreprises et à l'ensemble de l'économie européenne »

Source : Site internet de la Commission européenne.

L’ encadré qui précède, extrait du site internet de la Commission européenne, illustre une vision qu’il n’est pas excessif de qualifier de « théologique » ou de « dogmatique » de la concurrence, qualifiée « de juste et équitable » car fondée sur « le mérite, entre les entreprises ».

Votre rapporteure n’est pas convaincue que la disparition accélérée du pavillon français sur nos routes, par la délocalisation d’établissements qui licencient des chauffeurs de poids lourds français pour embaucher des ressortissants des pays de l’Europe de l’Est, rémunérés aux conditions locales, traduise un différentiel de mérite entre les entreprises. L’optimisation fiscale ou le dumping social peuvent être encouragés par la disparition des frontières (cf. directive sur les travailleurs détachés), ils constituent dans les faits une concurrence déloyale infiniment plus importante que celle générée par les aides d’État. Or, l’Union européenne ne lutte que contre ces dernières.

● Le fait que la politique de la concurrence soit jugée intrinsèquement favorable à l’économie européenne traduit plus les théories économiques de Milton Friedman et de l’école de Chicago (8) qu’une réalité, que le chômeur espagnol ou français a sans doute du mal à percevoir.

●  Il est vrai que la sensibilité française dominante, qui ne considère pas que l’intervention de l’État doive être à priori regardée comme néfaste, est absente de Bruxelles.

● Dans cette perspective, il est vain de vouloir remettre en cause les traités européens qui traduisent une vision économique de l’Europe majoritaire, au sein des gouvernements. Par contre il n’est pas nécessaire de devoir s’incliner devant une interprétation des textes européens qui va au-delà des stipulations des traités en imposant, par exemple, que la charge de la preuve soit apportée par le défendeur et non l’accusateur (ce qui est contraire aux principes généraux du droit) ou qui considère le statut d’établissement public industriel et commercial comme constitutif en lui-même d’une aide d’État (arrêt de la Cour de justice de l’ UE du 03/04/14).

L’échec du référendum relatif au projet de traité établissant une Constitution pour l'Europe (organisé en France le 29 mai 2005) a montré les réticences d’une partie de la population française à accepter l'instauration d'une politique économique fondée trop exclusivement sur le principe de la concurrence libre et non faussée. Beaucoup d’attaques violentes, formulées contre les institutions lors des dernières élections européennes, mettaient en exergue son coût en termes sociaux et les risques qu’elle pouvait générer pour l’indépendance de l’Union européenne.

Comme souvent dans ce domaine nous devons déplorer que les politiques conduites par l’Union européenne aient trop peu de défenseurs dans notre pays, marqué par sa culture colbertiste. Le point de vue du consommateur n’a pas été mis en avant dans le débat, or ce dernier bénéficie de cette lutte contre les dérives de l'économie de marché en étant protégé des pratiques abusives des entreprises dominantes (prix trop élevés, services dégradés, discriminations, etc.). Il en bénéficie pleinement par exemple avec la baisse du coût des billets d’avion ou de la téléphonie.

Au risque d’être quelque peu caricatural le débat politique français sur la mise en œuvre du droit de la concurrence par les autorités européennes peut être scindé en deux points de vue opposés :

– pour les défenseurs du modèle libéral il est inutilement coûteux de soutenir des « canards boiteux ». L’extension du champ d’action de la puissance publique se fait nécessairement au détriment de l’initiative privée souvent considérée à priori plus compétitive qu’une administration. La politique de la concurrence, loin d'encourager le libéralisme et ses excès, consiste à promouvoir la protection des consommateurs et des contribuables.

– les critiques de l’action de la Commission européenne, perçoivent cette dernière comme chargée de promouvoir une politique économique libérale, ayant comme contrepartie l’amoindrissement du champ d’action des services publics et la destruction des industries en crise, du fait de l’interdiction de l’intervention des États.

Il n’est pas interdit de faire preuve de pédagogie. Le fait que trop souvent les autorités de l’Union européenne considèrent la politique européenne de la concurrence comme la base de la politique économique européenne n’est pas compris en France. Dans notre pays, où la tradition colbertiste demeure prégnante, un certain nombre de décisions malheureuses, ou difficiles à expliquer aux populations, entretiennent le doute sur le bien-fondé de la politique de la concurrence. Nous pouvons citer, par exemple, l’ouverture à la concurrence du secteur de l’électricité, où l’exigence de libéralisation des tarifs réglementés est susceptible d’entrainer une hausse des tarifs d’électricité pour le consommateur.

Il est intéressant de souligner que la sensibilité allemande diverge de la nôtre. Après la seconde guerre mondiale un lien direct fut « établi entre la dispersion du pouvoir économique – condition de la liberté́ d’accès au marché – et celle du pouvoir politique – condition de l’exercice de la liberté́ individuelle. Le cadre constitutionnel doit conduire à mettre en place un système de pouvoirs et de contre-pouvoirs permettant de garantir ces libertés. La concurrence est donc un outil de dispersion du pouvoir et d’exercice des libertés. Elle permet, ce faisant, à la fois de maximiser le bien-être de la société́ et de protéger les libertés individuelles. »

« À l’inverse du libéralisme classique qui considère le marché́ comme un principe de limitation de l’État, l’ordo-libéralisme va faire de la liberté́ de marché un principe organisateur de l’action même de l’État. Pour reprendre la formule de Foucault, il s’agit non d’un marché sous la surveillance de l’État mais d’un État sous la surveillance du marché. En d’autres termes, c’est la liberté́ de marché qui va fonder la légitimité́ de l’État et assurer son acception par le corps social. La politique de concurrence innerve donc l’ensemble des politiques publiques. » (9)

Les questions de la concurrence ne relèvent donc pas uniquement de l’approche économique. Elles sont également le reflet de la culture et de l’état d’esprit de l’ensemble de la société, ce qui fait à la fois l’intérêt et la difficulté du sujet.

Des débats ayant perdu de leur actualité ?

« Avant cela, je voudrais revenir sur les aides d’État car on en a beaucoup parlé ce matin. J’ai le privilège d’avoir assisté la semaine dernière, en tant que rapporteur, à la présentation d’un remarquable travail sur les aides d’État : étude comparative entre l’Europe, les États-Unis et le Japon sur une très longue période par Pierre Buigues. Ce rapport est éclairant.

Ses trois conclusions majeures vont nous permettre d’écarter toute une série de débats dans lesquels on adore se complaire et qui aujourd’hui ont perdu de leur actualité :

– Première conclusion : il y a une tendance générale en Europe à la baisse des aides d’État…Première bonne nouvelle donc : les aides d’État constituent probablement un problème du passé, en tout cas pour l’Europe, compte tenu de cette tendance à la baisse. De ce point de vue-là, on peut considérer que la Commission a été remarquablement efficace, à moins que d’autres déterminants, notamment budgétaires, aient joué.

– Deuxième conclusion : si on observe la ventilation des aides d’État dans les pays européens par rapport aux États-Unis et au Japon, on remarque que les aides d’États, en Europe, ont une caractéristique : elles sont en majorité destinées à un objectif d’équité, et non pas d’efficacité économique. En d’autres termes, les aides d’État en Europe ont plus une finalité sociale qu’économique ou de stimulation de la compétitivité. Sur ce point, la situation est massivement différente aux États-Unis et au Japon.

– Troisième conclusion, encore plus intéressante : si on regarde les cibles des aides d’État en matière économique, on constate une sorte de programme commun planétaire. Les aides sont en effet destinées massivement à la R&D, à la politique régionale pour la formation de clusters, à la politique d’innovation. Il y a bien entendu des différences selon les pays : en Allemagne, par exemple, près de 50 % des aides économiques vont à l’« energy efficiency », ce qui veut dire qu’il y a eu un effort formidable en ce domaine. Mais il y a une convergence dans les thématiques d’intervention.

Source : Elie Cohen colloque de Bruxelles 8 11 2007.

Les points d'achoppement les plus fréquents et les plus médiatisés des contentieux entre autorités politiques nationales et responsables de la politique européenne de concurrence résident dans l’impact des exigences des autorités de la concurrence sur le rétablissement d’entreprises en difficultés, le veto mis à des rachats ou des fusions d’entreprises, ou l’extension de l’ouverture à la concurrence à des secteurs exclus jusqu’à présent (par exemple le transport ferré régional).

Il faut d’abord relever que les vetos de la Commission sur les aides aux entreprises en difficulté ou le soutien à l'emploi et à l'innovation ont été peu nombreux.

Il est exact également que les politiques industrielles ne relèvent pas des compétences de l'Union, faute d'accord des États. Ainsi, aucun service de la Commission européenne n'est en charge d’élaborer une politique industrielle européenne qui pourrait être proposée aux pays composant l’Union européenne. Il convient de noter que les tentatives en ce sens des commissaires Barnier et Tajani (10) n’ont pas à ce jour été relayées par le collège de la Commission.

Nous ne devons pas oublier que la libéralisation des services publics européens a été décidée par le Conseil des ministres et par le Parlement européen, c’est à dire par les représentants élus des citoyens européens. Si la Commission européenne a pris l’initiative de ces propositions elle ne dispose pas du pouvoir législatif.

Toutefois les deux exemples qui suivent, pris dans le domaine des concentrations, avec un intervalle de dix ans, illustrent les disfonctionnements induits par une vision trop exclusivement juridique des problèmes, inadaptée à la vie des entreprises, et une conception hémiplégique de la concurrence de la Commission européenne, qui n’intègre pas l’ensemble des données de ses décisions et, en particulier les conséquences sociales ou stratégiques (si nous raisonnons en termes d’indépendance).

Une remarque liminaire s’impose : Airbus est une très grande réussite industrielle qui doit peu à l’Union européenne. Il est né de la volonté des gouvernements nationaux, en particulier français qui ont au départ largement contribué aux frais de R & D des premiers modèles. La Commission européenne, qui dans sa communication place AIRBUS au rang des réussites européennes, n’a pas aidé à la constitution d’un champion aéronautique européen de niveau mondial. Elle s’est au contraire parfois placée en travers du chemin de l’aéronautique européenne, comme le montre sa décision relative à De Havilland.

L'interdiction faite, en 1991, à la société Aérospatiale (11), par la Commission européenne, de racheter l'avionneur de Havilland illustre le fait qu’elle agit parfois (inconsciemment (12) ?) contre les intérêts de l’Union, au nom d’un juridisme absurde.

À cette époque, le constructeur d'avion canadien De Havilland, fabricant d'avions régionaux à turbopropulseurs, est en difficultés. Le groupe américain Boeing qui en a pris le contrôle cherche à le revendre. Le groupement d'intérêt économique (GIE) européen ATR (constitué par le français Aérospatiale et l'italien Alenia) également constructeur d'avions régionaux à turbopropulseurs (ATR 42 et ATR 72) se porte acquéreur.

Depuis un règlement (N°4064-89) de décembre 1989, instituant un contrôle préalable des concentrations d'entreprises dans le marché commun, la Commission européenne dispose d'une compétence particulière pour déclarer les concentrations compatibles ou pas avec le marché commun, à l'exclusion de toute autorité des États membres.

Les concentrations visées par ce règlement sont soumises à des conditions minimales de taille. La Commission européenne examine si cette opération crée ou renforce une position dominante de nature à entraver de façon significative la concurrence dans le marché commun. Si ces deux conditions sont remplies l'opération doit être déclarée incompatible.

La définition d'une position dominante est appréciée en fonction de la structure du marché (nombre d'entreprises, taille et parts de marché) et de celle de l'entreprise.

Dans le cas précis de la firme De Havilland, le marché mondial des turbopropulseurs était partagé entre 9 firmes principales dont quatre disposaient chacune d’environ 20 % du marché mondial (ATR, Saab (suède), De Havilland et Embraer (Brésil)). Le cinquième restant du marché mondial était ventilé entre Fokker (Pays-Bas), Dornier (Allemagne), British Aerospace (Grande-Bretagne) Casa (Espagne) et Canadair (Canada).

Bien que les autorités chargées du contrôle de la concurrence au Canada et aux États-Unis aient approuvé l'opération, la Commission européenne l’a refusée en publiant une décision dont les attendus apparaissent pour le moins alambiqués, considérant qu'elle créerait « une position dominante extrêmement forte et inattaquable » sur un segment du transport régional : le marché des avions de transport régional de 20 à 70 sièges.

Les parts de marché calculées par la Commission européenne (50 % du marché mondial pour les deux constructeurs) majorent sensiblement les données fournies par les firmes (40 %), sans qu'aucune explication méthodologique n’ait été donnée. La concentration dénoncée par la Commission européenne est censée créer une position dominante sur les trois sous-segments qu'elle a définis (20 à 39 sièges, 40 à 59 et 60 et plus) alors qu'il n'y a que sur le segment 40 à 59 sièges que coexistent un avion ATR et un avion de Havilland. Pour définir la position dominante, la Commission européenne ne retient que les avions en construction et les commandes, sans tenir compte du parc existant qui est pourtant un facteur important de continuité dans les choix futurs. Bref, tous les arguments économiques présentés par l’entreprise française aérospatiale ont été systématiquement tirés dans le sens d'une représentation menaçante pour la concurrence par le commissaire britannique en charge de ce secteur, Sir Leon Brittain.

Avec le recul, l’analyse de la Commission européenne s’est révélée totalement fausse : la concentration du secteur s'est faite malgré la Commission européenne : Dornier, devenu Fairchild-Dornier a finalement été absorbé par M7 Aerospace en 2002, le suisse RUAG rachetant une partie des anciennes activités. Fokker a fait faillite en 1996, les activités de maintenance aéronautique ont été reprises par Stork sous le nom de « Stork Aerospace Group ». Saab a produit ses derniers turbopropulseurs (Saab 340) en 1998. Canadair a été racheté par son compatriote Bombardier. Casa s'est fondu dans EADS, et De Havilland a, au bout du compte, été racheté par Bombardier, firme canadienne.

Le résultat du refus est consternant : la décision de la Commission européenne a affaibli ATR au profit du canadien Bombardier, sans aucun résultat en termes de concurrence.

Le cas de l’industrie de l’aluminium est plus grave que le précédent, dans la mesure où l’action de la Commission européenne est directement à l’origine de la disparition de Péchiney, et des difficultés d’une industrie de l’aluminium essentielle à l’indépendance européenne.

En 1971, Péchiney était le premier groupe industriel privé français, présent dans l'aluminium, la chimie, le cuivre, le combustible nucléaire et les aciers spéciaux.

En 2000, un projet de fusion à trois avec ses concurrents canadien (Alcan) et suisse (Algroup) est refusé par la Commission européenne, pour risque d'abus de position dominante. Trois ans plus tard Pechiney engage le processus qui a conduit à sa disparition.

En effet, Alcan a repris seul le suisse Algroup en 2001 et en juillet 2003 a acquis, par une OPA hostile, Pechiney.

La Commission européenne, qui s’était opposée à cette fusion, selon une logique qui nous échappe quelque peu, ne s’est pas opposée à cette absorption. Pour se conformer aux clauses de non-concurrence, Alcan s’est séparé de certaines de ses activités.

L’action de la Commission européenne a conduit à la disparition de centres européens de décisions stratégiques et à des pertes d’emplois, elle n’a réussi qu’à empêcher la création d’un champion européen au profit des États-Unis.

En effet, six grands producteurs d'aluminium intégrés verticalement dominaient historiquement le secteur : Alcoa, Alcan, Kaiser, Reynolds, Alusuisse et Pechiney. Quatre d'entre eux se sont fait absorber en 3 ans, et ne restent que le canadien Alcan et l'américain Alcoa. À l'été 2007, l'américain tente de racheter le canadien. Mais le conglomérat minier anglo-australien Rio Tinto intervient, parvient à racheter Alcan à l'automne 2007 et prend le nom de Rio Tinto Alcan- 1.

Au vu de ce résultat, la lecture du communiqué de la Commission européenne qui privilégie une approche juridique, apparaît surréaliste. La production d’aluminium comprend bien des enjeux, y compris de souveraineté, puisque des secteurs comme l’aéronautique, l’automobile et les activités nucléaires en sont de grands consommateurs

La France, pays inventeur des techniques de production de ce métal, produit aujourd’hui 11 % de l’aluminium primaire et recyclé (aluminium de deuxième fusion) sortant des usines européennes, soit près de 1 % de la production primaire mondiale. Entre 2005 et 2010, la filière française de l’aluminium a perdu 23 % de sa production et 21 % de ses emplois. La France doit importer près de la moitié de sa consommation d’aluminium, soit 307 000 tonnes par an afin de satisfaire sa demande intérieure.

Or, la demande croît au niveau mondial depuis une trentaine d’année de 5 à 7 % par an. Cette croissance est due aux qualités intrinsèques de ce matériau, à l’augmentation de la population et au niveau de vie des pays émergents ainsi qu’à sa substitution à d’autres métaux en Europe. La production mondiale d’aluminium primaire et secondaire s’élève aujourd’hui à 60 millions de tonnes.

Force est de constater que dans les quinze dernières années, des entreprises étrangères ont pris le contrôle d’une grande partie de la sidérurgie française.

Communiqué Commission européenne

Bruxelles, le 10 novembre 1999

La Commission européenne ouvre une procédure d'examen approfondi des opérations de concentration entre les producteurs d'aluminium Alcan, Alusuisse et Péchiney

La Commission européenne a décidé d'ouvrir la deuxième phase de l'examen des projets de concentration entre les producteurs d'aluminium Alcan, Alusuisse et Péchiney, qui déboucheraient sur la création de la plus grande entreprise intégrée de production d'aluminium au monde. Le premier examen effectué par la Commission a permis d'identifier plusieurs marchés sur lesquels l'opération soulèverait des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec les règles de concurrence du marché commun…

La Commission a décidé aujourd'hui d'entamer un examen complet. Elle va poursuivre une enquête approfondie au regard du critère juridique de la création ou du renforcement d'une position dominante détenue soit par une seule entité (position dominante individuelle), soit par un groupe de concurrents présentant les caractéristiques structurelles d'un oligopole (position dominante collective). En l'état actuel de l'enquête, la Commission considère que si la concentration à trois se réalise, elle soulèvera des problèmes sur plusieurs marchés, notamment :

● l'alumine trihydratée, un retardateur de flamme utilisé pour inhiber l'inflammabilité des matériaux, notamment dans le secteur de la construction (revêtements de sol en plastique, câbles, autres revêtements, etc.) ;

● plusieurs produits laminés plats en aluminium, notamment les tôles de matrices lithographiques (utilisées dans l'industrie photographique), le matériau à emballage de boissons (utilisé pour la fabrication de boîtes de boisson en aluminium), le matériau à emballage d'aliments (utilisé pour la fabrication de conserves alimentaires en aluminium), la tôle d'aluminium pour l'industrie automobile et la tôle d'aluminium pour l'architecture (utilisée dans la construction) ;

● plusieurs produits d'emballage en aluminium, notamment les emballages souples, les récipients semi-rigides, les cartouches et les bombes aérosol.

Il existe des cas où l’intervention de la Commission européenne s’est objectivement soldée par un double échec :

– l’industrie européenne a été affaiblie ;

– la décision de la Commission européenne a été parfaitement inefficace puisqu’au terme de peu d’années, les fusions refusées sont intervenues mais au profit d’entreprises non européennes.

Ces difficultés perdurent aujourd’hui. Le refus le 1er février 2012 par la Commission européenne de la fusion entre Deutsch Börse et Nyse Euronext a conduit ce dernier à se tourner vers l’américain ICE. Le rejet de la fusion Schneider Legrand a été annulé par la Cour de justice de l’Union européenne, mais ces deux groupes ont été affaiblis par la décision de la Commission européenne, car le jugement n’a pas permis de réparer les dégâts causés par cette décision illégale.

Il est donc regrettable au vu de ces quelques cas que, faute de propositions émanant de la Commission européenne, le débat sur le bien-fondé de l’encadrement des décisions intervenant en matière de concentrations n’ait pas eu lieu.

Ces exemples montrent qu’un débat sur le bien-fondé de cette politique est totalement légitime. Aux termes des traités, seul l’abus de position dominante est critiquable, faut-il le présumer en entravant la constitution de champions européens, par une suspicion à priori ?

La question mérite pour le moins d’être posée.

Votre rapporteure a eu l’occasion de présenter devant votre Commission une communication (13) relative à l’arrêt du 3 avril 2014, par lequel la Cour de justice de l’Union européenne considère qu’une entreprise (la Poste) bénéficie, par son statut d’établissement public industriel et commercial, d’une aide d’État sans que les autorités européennes n’aient à prouver sa réalité et ses incidences sur le marché intérieur.

Dans ce cas précis, nous affirmons avec force que la cour de justice de l’ Union européenne a méconnu les principes de séparation des pouvoirs et de subsidiarité, en substituant son appréciation à celle du législateur européen.

En effet, nous nous trouvons en droit de la concurrence devant une politique jurisprudentielle qui a considérablement élargi la notion d’aide d’État, pour appuyer la Commission européenne, au risque d’aller bien au-delà de la simple interprétation des textes.

Pour la Commission européenne, la politique de contrôle des aides d’État a pour but de contribuer à une concurrence saine entre les entreprises au sein du marché intérieur. En effet, l’octroi d’une aide d’État à une entreprise particulière peut avoir des conséquences néfastes sur un marché donné, c’est pourquoi l’article 107 du Traité prévoit une interdiction de principe des aides d’État : « sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions».

Ce principe n’est pas nouveau, les principes de base relatifs au contrôle des aides d'État ont été énoncés dans les articles 87 à 89 du Traité de Rome, et repris par les articles 101 et 102 du TFUE (droit des ententes) et les articles 106 et 107 (règles relatives aux interventions publiques) (14).

Le traité donne une compétence exclusive à la Commission, sous le contrôle de la Cour de justice de l’Union européenne, pour autoriser les États membres à accorder des aides d’État aux entreprises (examen de la compatibilité de l’aide avec le traité). Cette autorisation est accordée au vu d’une notification préalable du projet d’aide, qui incombe à l’État membre. L’octroi d’une aide d’ État sans autorisation préalable de la Commission rend cette aide illégale et en cas d’incompatibilité, expose l’entreprise bénéficiaire au risque de devoir la rembourser à l’État membre qui n’aurait pas dû la verser.

Une fois caractérisée, l'aide d'État contrôlée par la Commission peut être considérée comme compatible avec le marché commun, ce qui est le cas le plus fréquent. La Commission effectue le bilan entre la distorsion de concurrence généré par la contribution de celle-ci et l'intérêt communautaire. Peuvent ainsi être déclarées compatibles des aides destinées à remédier au sous-développement régional ou au sous-emploi, à une perturbation grave de l'économie ou encore à la protection de l'environnement.

Si l’affirmation de ces principes pose peu de problèmes, l’interprétation extrêmement large qu’en donne la Commission européenne, avec l’appui de la Cour de justice de l’union européenne est très problématique. Elle conduit en effet à des décisions mal comprises par l’opinion publique du fait de leur coût social, par exemple en Allemagne où les contreparties demandées en échange du sauvetage des caisses d’épargne ont suscité des remous.

Le traité prévoit un certain nombre de dérogations au principe d’incompatibilité des aides d’État.

Certaines aides, énumérés dans l’article 107 sont compatibles de plein droit :

– les « aides à caractère social octroyées aux consommateurs individuels » (art 107 §2a TFUE) ;

– les « aides octroyées par les États membres, afin de remédier aux dommages provoqués par des calamités naturelles ou d’autres évènements extraordinaires » (art 107§2b TFUE) ;

– Les « aides justifiées par la division de l’Allemagne » (art 107§2c TFUE).

La Commission n’a aucun pouvoir d’appréciation mais les États doivent quand même notifier leur projet d’aide d’État à la Commission.

Par ailleurs, plusieurs catégories d’aides peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur par la Commission européenne. Pour ces aides, la compatibilité n’est donc pas automatique et dépend de l’appréciation de la Commission :

– les aides aux régions en retard de développement (art 107 §3a TFUE) ;

– les « aides dont l’objectif est de promouvoir la réalisation d’un important projet d’intérêt européen commun ou à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État-membre » (art 107§3 b TFUE) ;

– les aides à finalité sectorielle ou régionale (art 107§3 c TFUE) ;

– les « aides destinées à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine » (art 107§3 d TFUE).

Le traité ne définit pas ce qu’est une aide d’État. En l’absence de définition légale de la notion d’aide, la Commission européenne et la CJUE lui ont donné une signification extensive : pour la CJUE « afin d’apprécier s’il y a aide, il convient (…) de déterminer si l’entreprise bénéficiaire reçoit un avantage économique qu’elle n’aurait pas obtenu dans des conditions de marché » (15).

Selon la Commission européenne, les articles concernant les aides d’État (107 à 109 TFUE), sont applicables à l’ensemble des activités couvertes par le traité soit « toute activité rémunérée qu’elle ait un caractère économique, culturel, social, ou autre » (16).

« L’aide est une intervention procurant un avantage anormal, qui favorise l’entreprise bénéficiaire au détriment des autres entreprises. En droit communautaire la notion d’entreprise est définie de façon très large. Il s’agit de « toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et son mode de financement » (17). La notion d’activité économique est définie comme « toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné » (18). Selon la Cour, l’un des critères déterminants pour qualifier une activité économique est l’existence d’une rémunération, qui correspond à la contrepartie économique du service fourni et révèle l’existence d’un marché. Cependant la Cour a exclu du champ des activités présentant un caractère économique justifiant leur soumission au droit de la concurrence, deux types d’activités : 1) les activités exclusivement sociales, répondant à des exigences de solidarité nationale et dépourvues de tout but lucratif (19) ; 2) les activités correspondant à l’exercice de l’autorité publique » dont la CJUE a une conception restrictive (missions de police destinées par exemple à assurer la protection de l’environnement (20) ou la sécurité de l’espace aérien ) (21) » (22).

Aussi, il ressort de la jurisprudence, que l’existence d’une aide d’État est subordonnée à quatre conditions : il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’États (1), qui confère un avantage sélectif à certaines entreprises (2), fausse la concurrence (3) et affecte les échanges entre États membres(4).

1. Tout d’abord l’avantage doit être « accordé par l’État ou au moyen de ressources d’État » (art 107 paragraphe 1 du TFUE). Cela signifie que l’aide doit être accordée directement par l’État (la notion d’État étant entendu de manière large et comprenant l’État, les collectivités territoriales, les personnes publiques spéciales (EPA, EPIC, nationaux et locaux), les entreprises publiques, ou les organismes, publics ou privés, institués ou habilités pour mettre en œuvre l’aide), ou indirectement par le biais d’organismes mis en place pour gérer l’aide. « Dans ce cas, il faut que la mesure incriminée apparaisse comme le résultat du comportement imputable à l’État et qu’elle soit octroyée au moyen de ressources d’ État. Ces deux conditions sont distinctes et cumulatives», ce qui a été clarifié dans l’arrêt Stardust du 16 mai 2002. Néanmoins, le critère de ressource d’État est difficile à appréhender (23). Par exemple, lorsque la CJUE considère que l’appartenance à la sphère publique d’une entreprise, lui évitant le risque de faillite, la fait bénéficier d’une garantie implicite de l’État générant de meilleures conditions d’emprunt, l’aide est implicitement une aide illégale.

2. Le second critère est la sélectivité de l’aide : l’article 107 paragraphe 1 du TFUE précise que constituent des aides d’État, les aides « favorisant certaines entreprises ou certaines productions ». Les bénéficiaires sont des entreprises déterminées publiques ou privées, sous la seule réserve de l’article 106 TFUE.

3. Le troisième critère s’appuie sur l’article 107 paragraphe 1 du TFUE qui déclare incompatibles avec le marché intérieur les aides qui « faussent ou qui menacent de fausser la concurrence ». Cette « notion d’affectation de la concurrence est très large : elle peut être actuelle ou potentielle ». Cela signifie que même si « la mesure ne menace pas effectivement la concurrence, il suffit qu’elle soit, dans sa nature, susceptible de l’être pour que la mesure soit qualifiée d’aide».

4. L’article 107 TFUE dispose que les aides ne sont incompatibles avec le marché intérieur que si elles affectent les échanges entre États membres. Il ressort de la jurisprudence deux aspects à relever, que certaines personnes auditionnées nous ont largement confirmés. Tout d’abord la condition d’affectation des échanges entre États membres (4) et celle relative à la distorsion de concurrence (3) sont fortement liées. Deuxièmement, le critère d’affectation des échanges entre États membres est entendu de manière extensive, et généralement « pré-rempli ». S’agissant de la SNCM (société nationale Corse Méditerranée), nous pouvons par exemple estimer mal fondées les décisions de la justice européenne, car il est difficile de considérer que le marché européen est affecté par des aides sur une liaison entre la Corse et Marseille (24).

TROISIÈME PARTIE : L’EFFORT DE MODERNISATION ET D’ASSOUPLISSEMENT DE LA NOTION D’AIDE D’ÉTAT PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE N’EST QUE PARTIEL

L’extension au fil du temps de la notion d’aide d’État a généré une bureaucratie complexe et paralysante. La Commission européenne est consciente de ce fait, ne serait-ce que par l’engorgement de ses services. Aussi a-t-elle engagé une action dans plusieurs voies : elle réduit son champ d’intervention par l’exclusion des montants trop faibles pour avoir un impact sur le marché intérieur, et par un effort réel de modernisation, qui se trouve décrit dans le rapport de la Direction générale de la concurrence de la Commission européenne (25).

Son action bute néanmoins sur une limite importante : la concurrence déloyale en Europe est loin d’être exclusivement liée aux aides d’État. De ce fait la vision de la Commission européenne est hémiplégique et repose, malgré ses innombrables raffinements juridiques, sur une conception inadaptée aux réalités économiques. Par exemple, les dévaluations monétaires des pays membres de l’Union européenne, mais n’appartenant pas à la zone euro, ne sont pas considérées comme des aides d’État alors que leur impact est bien supérieur à n’importe qu’elle aide. Nous ne pouvons pas exclure que des gouvernements fassent pression sur leur banque centrale pour obtenir une baisse de la valeur de leur monnaie, mais cette attitude n’a jamais été sanctionnée par Bruxelles, qui n’examine que les garanties formelles d’indépendance des banquiers centraux.

La Commission européenne a publié un règlement (26) en 2001 précisant que des aides inférieures à un certain montant ne pouvaient être considérées comme des aides d’État, car elles n’affectaient ni la concurrence, ni les échanges entre États.

Depuis le 1er janvier 2007, un nouveau règlement sur les aides de minimis est entré en vigueur. Les aides inférieures à 200 000 euros, accordées sur une période de trois ans n’ont pas à être notifiées. Cela s’applique à toutes les catégories d’aides, quelle que soit la taille du destinataire.

La Commission européenne a annoncé le 2 février 2012, à l’occasion du « European Competition Forum », sa décision de lancer une initiative de modernisation du cadre général des aides d’État (27).

La Commission a proposé d’adapter le contrôle des aides d’État à l’aune des trois objectifs suivants :

– « Soutenir les priorités économiques de l’Union européenne pour 2020 en redirigeant la dépense publique des États membres vers la croissance et donc vers les «bonnes » aides, susceptibles de corriger les défaillances de marchés (innovation, emploi) ;

– améliorer l’efficacité du contrôle des aides d’État en le recentrant sur les cas les plus importants et porteurs de distorsions graves de concurrence ;

– clarifier les règles et améliorer la procédure, notamment pour en réduire les délais et les contraintes administratives pour les États membres.

La Commission a publié le 8 mai 2012 une communication présentant plus précisément cet exercice de modernisation, ses objectifs principaux et les mesures proposées. » (28)

La modernisation porte sur les principaux fondements de la politique des aides d’État à savoir :

– la clarification de la notion d’aide d’État (présence/absence d’aide). La Commission européenne a lancé, le 17 janvier 2014, une consultation publique sur le projet de communication relative à la notion d’aides d’État ;

– la révision de certaines lignes directrices actuellement en vigueur (lignes directrices sur les « aides à finalité régionale », « RDI », « aides à l’environnement », etc.).

o « La Commission a adopté le 28 juin 2013 (JOUE C209, 23.07.2013) les nouvelles lignes directrices concernant les aides à finalité régionale pour la période 2014-2020 ;

o Les aides aux grandes entreprises sont maintenues pour des investissements initiaux créant de nouvelles activités économiques ou en vue de la diversification d’établissements existants dans de nouveaux produits ou en vue de nouvelles innovations dans les procédés ;

o Une consultation a été lancée début 2012 concernant les aides à la recherche, au développement et à l’innovation, et une seconde consultation a été lancée sur le projet de lignes directrices RDI début 2014 avec une adoption envisagée au 1er semestre 2014 ;

o des consultations ont été lancées au second semestre 2012 sur les lignes directrices relatives aux aides en capital investissement dans les PME et les règles relatives aux aides à la protection de l’environnement (lignes directrices et dispositions du règlement général d’exemption par catégorie). Au 1er semestre 2014, de nouvelles lignes directrices ont été adoptées dans ces deux domaines » (29) ;

– la modification du régime des exemptions prévu par le règlement général d’exemption par catégorie (RGEC) adopté en 2008 et par le règlement de minimis de 2006 ;

o « la Commission a adopté le 18 décembre 2013 le nouveau règlement relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’ Union européenne aux aides de minimis ( publication prévue au JOUE le 24 décembre 2013 ) ; le plafond de 200 000 € est maintenu pour le montant d’aide de minmis qu’une entreprise unique peut recevoir par État membre sur une période de trois ans » (30).

o Le nouveau règlement RGEC entrera en vigueur le 1er juillet 2014. Les principales améliorations apportées par le RGEC révisé sont les suivantes :

§ « une extension du champ d'application par un relèvement des seuils : les seuils d’exemption ont été relevés pour de nombreuses mesures qui étaient déjà concernées par l’actuel RGEC, ce qui permet aux États membres d'octroyer des montants d'aide plus élevés sans notification préalable. Pour certaines catégories d’aides, le champ d’application a également été étendu en assouplissant les conditions d'admissibilité des aides, en prévoyant des intensités d’aide maximales plus favorables et en autorisant des montants d’aide plus élevés ;

§ une extension du champ d'application par l'ajout de catégories d’aides : l’adoption d'une version révisée du règlement d’habilitation a permis à la Commission d’exempter de nouvelles catégories d'aides, telles que les aides en faveur des infrastructures locales, des infrastructures à haut débit, des infrastructures de recherche et des infrastructures énergétiques, des pôles d’innovation, des fonds régionaux de développement urbain, de la culture et de la conservation du patrimoine, des œuvres audiovisuelles et des infrastructures sportives et récréatives, ainsi que les aides destinées à remédier aux dommages causés par certaines calamités naturelles ;

§ simplification : afin de tenir compte des retours d’information reçus lors des consultations publiques et conformément aux objectifs de la modernisation de la politique en matière d'aides d'État, les conditions que les mesures d'aide doivent remplir pour bénéficier de l'exemption ont été considérablement clarifiées et simplifiées » (31) ;

– le changement du règlement de procédure qui répartit les compétences entre les États membres et la Commission européenne. « La Commission a présenté le 5 décembre 2012 au Conseil sa proposition de règlement modifiant le règlement de procédure en matière d’aides d’État no 659/1999. Cette proposition de règlement a été soumise, conformément à l’article 109 TFUE, au Conseil et au Parlement européen (pour avis), le 6 décembre 2012. Ce texte a été adopté le 22 juillet 2013 et publié au JOUE le 31 juillet 2013.

À l’initiative de la France, une déclaration commune de la Commission et du Conseil sur l’utilisation du code de conduite en matière de contrôle d’aides d’État, pour réduire les délais de procédure, a été jointe aux minutes du Conseil qui a porté cette adoption définitive.

Le règlement 734/2013 qui modifie le règlement de procédure, confère à la Commission de nouveaux pouvoirs d’investigation auprès des entreprises.

Dans une communication du 3 décembre 2013, je soulignais qu’en période de crise économique le concours que peuvent apporter les pouvoirs publics aux entreprises en difficultés est essentiel.

La Commission est régulièrement critiquée pour la manière dogmatique dont elle interprète le principe de « concurrence libre et non faussée », ne prenant pas toujours en considération les conséquences concrètes de ses analyses qui demeurent trop exclusivement juridiques, et souvent d’un haut degré de sophistication, rendant difficile l’accès à la connaissance du droit européen de la concurrence.

Le texte proposé n’échappe pas à ce reproche, il est long, complexe et imprégné de postulats libéraux présentés comme des évidences : le marché serait intrinsèquement vertueux et les États devraient se garder de toute intervention susceptible de perturber des mécanismes régulateurs qui permettent aux entreprises les plus performantes de se développer.

Votre rapporteure n’est pas en phase avec cette analyse. Une entreprise peut être en difficulté pour de multiples raisons qui n’obèrent pas sa viabilité intrinsèque : la défaillance d’un important client qui génère des impayés, une insuffisance de fonds propres, une crise de croissance etc.…

En outre la Commission européenne exonère de toute responsabilité l’ Union européenne. Or, des entreprises viables peuvent être mises en difficultés par une concurrence déloyale issue de dysfonctionnements de la législation européenne : il n’est pas utile d’épiloguer sur les abus de la directive détachement et l’usage scandaleux qui en est fait par l’industrie agroalimentaire allemande (allié à l’absence de salaire minimum), mais nous pourrions y ajouter les manipulations monétaires des pays membres de l’Union européenne n’appartenant pas à la zone euro ou le dumping fiscal.

Face à de telles situations, votre rapporteure estime fondée l’intervention des pouvoirs publics, car nous ne sommes pas en présence d’une concurrence vertueuse. Bien entendu, cela est contraire à l’acception étroite de la notion de concurrence libre et non faussée qui prévaut à Bruxelles.

Nous ne partageons pas les présupposés de la Commission européenne qui, devant la crise économique la plus grave traversée par l’Europe depuis la Seconde Guerre Mondiale, ne fait évoluer sa conception du droit de la concurrence qu’à la marge. « Le projet de lignes directrices concernant les aides au sauvetage et à la restructuration poursuit donc le même objectif principal que les versions précédentes, à savoir veiller à ce que ces aides ne soient accordées qu’à des conditions strictes qui limitent les effets néfastes sur la concurrence ». Cette approche nous semble hémiplégique, car les objectifs de croissance économique et d’ équilibre social ne peuvent pas être examinés uniquement à l’aune du respect du principe de concurrence libre et non faussée, tel qu’il est défini depuis 1957. Les lignes directrices actuelles concernant les aides au sauvetage et à la restructuration datent de 2004. À l’origine, elles devaient expirer en 2009 ; elles ont été́ prolongées deux fois, d’abord jusqu’en 2012 et ensuite jusqu’à leur remplacement par de nouvelles règles conformes au programme de modernisation de la politique de l’Union européenne en matière d’aides d’État, objet de la consultation dont nous sommes saisis.

Votre rapporteure convient des améliorations apportées par le texte qui nous est proposé, mais il ne lui est pas possible d’approuver des considérants qui ne relèvent pas de l’interprétation des traités européens mais de postulats libéraux dont le bien-fondé peut être débattu. Pour la Commission européenne, « Les aides au sauvetage et à la restructuration » constituent une des formes d’aide d’État qui fausse le plus la concurrence. En empêchant la sortie d’une entreprise du marché, elles entravent un mécanisme essentiel de la croissance de la productivité́, à savoir l’ éviction d’entreprises non efficientes par des concurrents plus efficients et plus innovants.

Votre rapporteure ne peut pas valider de tels a priori. Des entreprises peuvent être en difficultés pour de multiples raisons n’ayant rien à voir avec leur efficience. En outre, le mouvement naturel du marché conduit souvent à la création d’oligopoles qui peuvent entraver la concurrence. Le fait d’empêcher la sortie du marché d’une entreprise peut également avoir des vertus pour préserver l’ existence même de la concurrence. Aussi, nous tenons d’emblée à indiquer notre total désaccord avec les présupposés et la philosophie générale de ce texte, qui présente néanmoins des aspects positifs que nous allons voir.

Indiscutablement, il améliore les précédents mais, en même temps, il nous semble que la Commission européenne devrait se donner plus de souplesse afin de pouvoir mieux prendre en compte les situations particulières issues de la crise et les phénomènes de concurrence déloyale que sont les dumping fiscaux et sociaux auxquels se livrent des États membres de l’Union européenne.

En conclusion je soulignais mon désaccord avec la Commission européenne, qui indique qu’« il est dès lors important de faire en sorte que les aides ne soient accordées qu’à des conditions permettant de limiter les effets négatifs potentiels et de favoriser l’efficacité́ des dépenses publiques ». Cette phrase est révélatrice d’un a priori de la Commission européenne qui occulte complètement le fait que le coût des aides publiques peut se révéler sensiblement inférieur au coût généré pour les finances publiques par une faillite. Elle n’intègre absolument pas les coûts sociaux, ni la dépense considérable qu’implique la désertification de l’espace.

Nous vous proposons donc dans nos observations de souligner que ces affirmations reflètent un point de vue particulier, acceptable dans une économie où règne le plein emploi mais complètement inadapté à la crise.

Dans le même esprit, le point 10 de l’introduction de la consultation nous paraît particulièrement choquant en considérant que le fait pour un pays de l’ Union d’aider un secteur en difficulté transfère les problèmes de ce pays aux autres, sans aucune référence aux conditions sociales et fiscale, dès lors qu’il légitime les délocalisations entre pays de l’Union. Nous savons parfaitement que les conditions de la concurrence ne sont pas faussées uniquement par les aides d’États.

Il est frappant de constater que la Commission européenne traite des conditions de la concurrence sans évoquer les questions fondamentales du dumping social, fiscal et monétaire pour les pays de l’Union non membre de la zone euro.

Il est utile de rappeler en quelques lignes la communication présentée devant notre commission par nos collègues Mme Marietta Karamanli et M. Rudy Salles, le 21 mai 2013 sur « Le projet de résolution européenne sur la réforme du régime d’aides d’État au cinéma et au secteur audiovisuel présenté par la Commission européenne. »

« Ce nouveau projet de communication fait porter un risque majeur sur le financement de la diversité des cinémas européens. »

« La communication dite « Communication cinéma » de 2001 règlemente la compatibilité des aides d’État avec les règles de la concurrence en vigueur dans le traité. Elle précise en quoi les aides d’État, en principe interdites par le traité, peuvent, sous certaines conditions, être compatibles avec l’esprit du traité. » « La communication cinéma ne concerne que les aides à la production cinématographique et audiovisuelle. Pour être compatible avec les règles de concurrence, tout d’abord l’aide doit être destinée à un produit culturel. La communication précise également des règles de territorialisation en fonction du montant de l’aide. Ainsi est-il possible pour un producteur de dépenser 80 % des aides à la production sur le territoire d’un État membre. La part de l’aide doit être limitée à 50 % du budget de production. Néanmoins, l’intensité de cette aide peut être augmentée pour les films dit « difficiles » et à petit budget. » « Le projet de révision présenté en 2011 proposait de maintenir l’intensité de l’aide, voire de l’ augmenter pour les productions transfrontalières, mais limitait la possibilité pour un producteur de dépenser l’aide sur un territoire donné à 100 % de l’aide accordée. Ce qui revenait de fait à limiter la territorialisation à 50 % maximum du budget de production ». « Ces propositions ont inquiété les professionnels du secteur, à juste titre, pour deux raisons. »

« En premier lieu, le cinéma est un secteur aidé, dans lequel les États membres sont impliqués par différents types de financement, réduire la possibilité pour un État de dépenser sur son territoire une partie des aides reviendrait à la fois à réduire l’intérêt d’investir sur un territoire et par là-même de défendre des emplois, mais également aurait pour conséquence irréversible la destruction d’un tissu économique, celui des savoir-faire inhérents à une économie particulière. Un certain nombre de métiers ont une spécificité propre qu’une diminution de la possibilité pour un État de dépenser des aides sur son territoire amènerait à disparaître irrémédiablement, du fait de la disparition de l’effet de levier inhérent à l’ aide. Aussi souhaiterions-nous que la Commission européenne fournisse une étude d’impact qui évalue les conséquences économiques et sociales qu’impliquera la modification du régime jusqu’ici applicable…. S’il faut a priori s’en réjouir, la réalité est plus complexe puisque le projet de communication dans sa version actuelle non seulement vide le critère de la territorialisation de sa substance mais, du fait de l’imprécision de certains paragraphes, est vecteur d’insécurité juridique. »

« Les dispositions antérieures, celles de la communication cinéma de 2001, permettaient aux États membres de territorialiser l’ensemble des dépenses sur leur territoire en appliquant le critère de la discrimination en fonction du pays d’origine. Critère qui est en soi contraire à l’esprit du traité mais qui souffre des dérogations en matière d’aides dans le secteur culturel. Or, les dispositions actuelles l’empêchent expressément ce qui revient à vider de sa substance le critère des 80 %. Aussi, si la communication cinéma a pour objet de clarifier les règles relatives à la légalité des aides d’État, elle fait peser un risque majeur sur la pérennité de ces aides, indispensables au maintien d’une industrie de qualité et de savoir-faire inhérents à l’art. Y renoncer ce n’est pas uniquement détruire un tissu industriel c’est également « attaquer » l’identité européenne composée par la diversité de ses modes d’expressions.

La communication cinéma de 2001 n’a pas été prorogée, ce qui fait peser une forte incertitude juridique sur les États membres. Le projet présenté par la Commission européenne en l’état n’est pas acceptable. La Commission européenne doit revenir à la table des négociations à peine de fragiliser dans une Europe en crise un des rares ciments culturels qui reste, la diversité créative porteuse d’une identité européenne. »

Les services de la Commission européenne ont souhaité consulter l’ensemble des tiers intéressés sur l’opportunité de réviser le règlement 868/2004 concernant la protection contre les subventions et les pratiques tarifaires déloyales causant un préjudice aux transporteurs aériens communautaires dans le cadre de la fourniture de services de transport aérien de la part de pays non membres de la Communauté européenne. Mme Annick Girardin avait présenté devant notre Commission le 3 octobre 2013 une communication, dont s’inspirent les propos qui suivent, qui met l’accent sur le fait que l’Union européenne ne pratique pas assez le principe de réciprocité dans ses relations avec les pays tiers.

Il est essentiel que la Communauté se dote d’un instrument efficace de nature à protéger ses transporteurs confrontés à la concurrence déloyale de compagnies établies dans des États tiers qui subventionnent de manière directe ou indirecte très largement leurs « champions nationaux ».

Les pratiques déloyales prennent de multiples formes qui ne se limitent pas aux subventions publiques et aux tarifs anormalement bas. La mise à disposition à titre quasiment gratuit d’infrastructures, l'obligation imposée aux transporteurs aériens européens par certains États de disposer d'un "sponsor" local pour commercialiser leurs propres services, ou encore la garantie illimitée de l’ État pour l’acquisition d’avions, sont autant d’autres exemples de pratiques contraires à l’établissement d’une concurrence saine. Les pratiques déloyales peuvent également trouver leur origine dans la structure verticale et étatique de l'organisation du transport aérien dans certains États, aux moyens financiers quasi illimités, qui ont fait de leurs compagnies aériennes un outil de développement économique.

La libéralisation très large de l’accès au marché européen du transport aérien ces dernières années, rend d’autant plus nécessaire l’adoption d’un cadre juridique assurant des conditions de concurrence équitables, faute de quoi les compagnies aériennes européennes devront durablement renoncer à participer au développement du marché du transport aérien et verront les emplois associés disparaître ou être transférés dans d’autres régions du monde.

Il nous semble également que les services de la Commission et plus généralement les institutions européennes devraient s’intéresser de manière étroite à la problématique de l’investissement de compagnies de pays tiers dans le capital de transporteurs européens. En effet, la règlementation européenne autorise aujourd’hui des investissements de la part de ressortissants de pays tiers à hauteur de 49,9 % du capital alors que :

– d’une part la réciprocité n’existe pas nécessairement de jure (cas des compagnies aériennes américaines où les droits de vote sont limités à 25 % pour des ressortissants étrangers) ou de facto (cas de compagnies du Golfe qui sont entièrement détenues par leur État d’origine) ;

– d’autre part des règles très strictes en matière d’aides d’État sont applicables au sein de la Communauté dès lors que l’investisseur public est originaire d’un État membre alors que ces mêmes règles ne s’appliquent pas quand l’investisseur public est originaire d’un État tiers.

Le règlement 868/2004 actuellement en vigueur n’est pas satisfaisant car il n’intègre pas les éléments qui suivent.

La notion "d'intérêt de la Communauté" qui existe dans le règlement actuel se doit d’être encadrée. Cette notion qui se conçoit comme une analyse globale des intérêts européens incluant outre les intérêts des transporteurs aériens, ceux des passagers ou d'autres parties intéressées ne doit pas prévaloir sur le respect du principe intangible de concurrence loyale. En d'autres termes, la concurrence déloyale ne saurait être tolérée au motif qu'elle profite, par exemple, au consommateur.

La notion de concurrence déloyale devrait être redéfinie en tenant compte, par exemple, du comportement des acteurs du transport aérien qui se démarque singulièrement d'un comportement rationnel d'investisseur avisé. La mise à disposition de services, d'infrastructures ou de carburant à des tarifs déconnectés de la réalité économique, notamment rencontrée dans certains cas où l'organisation du transport aérien est verticale et étatique, est un autre paramètre révélateur d'une concurrence déloyale.

La notion de préjudice subi par l'industrie européenne ne devrait pas être déterminée au regard d'une route donnée, ou de routes "se ressemblant étroitement", mais s'analyser au regard des conséquences globales sur le réseau d'un transporteur européen ou de plusieurs transporteurs aériens. La charge de la preuve devrait incomber à la partie défenderesse et non aux plaignants européens, compte tenu de l'absence de transparence qui règne de facto dans ce domaine.

Les délais de procédure tels qu'actuellement prévus devraient être considérablement réduits pour éviter que les préjudices subis ne conduisent à des situations irréversibles.

Le règlement devrait prévoir des sanctions à la fois dissuasives et efficaces dans leurs effets pour réparer le préjudice subi. Pour éviter des mesures de rétorsion à l'encontre d'un État membre, les sanctions devraient être prises au niveau de l'Union ou par un État membre en application d'une décision européenne contraignante. Il nous semblerait ainsi adapté qu’au nombre des mesures de sanctions puissent figurer en particulier, au titre de la réciprocité, les suivantes dès lors qu’un État tiers est reconnu comme ayant subventionné un transporteur établi dans son pays :

– limitation avec effet immédiat par les États membres de l’attribution de nouveaux droits de trafic au bénéfice des transporteurs établis dans le pays tiers concerné ;

– limitation avec effet immédiat de toute possibilité pour le transporteur concerné ou son État d’origine d’investir au capital d’un transporteur communautaire ;

– dénonciation simultanée par l’ensemble des États membres des accords aériens les liant à l’État tiers concerné.

Dès l'origine, le contrôle des aides d'État a été motivé par le souci d'empêcher le favoritisme national, il est donc logique que des divergences d’appréciation entre intérêt national et intérêt communautaire génèrent des tensions. Deux types de mesure sont plus particulièrement au cœur des débats : les aides destinées à soutenir des "champions nationaux" en difficulté et les avantages octroyés aux entreprises en charge d'une mission de service public. L’approche très juridique de ces questions par la Commission européenne est parfois difficile à comprendre par les États.

Lorsque des personnes ayant eu des négociations à conduire vous racontent des scènes où un jeune fonctionnaire de la Commission européenne demande des licenciements supplémentaires d’ouvriers quinquagénaires et dépourvus de formation sur un site où toute reconversion professionnelle est impossible, le débat juridique que nous venons d’évoquer prend une forme humaine et correspond aussi au vécu de nos diplomates. Votre rapporteure ne pense pas qu’il faille laisser aux partis populistes le soin de dénoncer un certain fonctionnement autiste de la Commission européenne, qui est malheureusement incontestable.

Ces tensions résultent d’abord d’une  insuffisante « politisation » de la Commission européenne. Nous pensons que la scène que nous venons de décrire ne devrait plus exister. Le Collège des commissaires européens doit se réapproprier ces sujets et accepter qu’un débat public où les États puissent faire valoir leur point de vue devant l’ensemble des commissaires puisse avoir lieu. Les décisions seraient sans doute mieux comprises. Un bouleversement majeur de ce type dans le fonctionnement de la Commission européenne n’implique aucune modification des traités. Il s’agit d’un point essentiel de la résolution qui vous est soumise au terme de ce rapport.

Il est néanmoins incontestable que des réformes engagées ces dernières années ont atténué les tensions. Par exemple, la réforme du contrôle des aides d'État initiée en juillet 2005 clarifie les compensations pour services publics et des mesures facilitant les aides en faveur de l'intérêt général : hôpitaux, logements sociaux, développement des PME, emploi, recherche et développement, etc…

En outre la Commission européenne est consciente des ravages que peut provoquer dans l’opinion un juridisme excessif, aussi s’est-elle au cours des dernières années centrée essentiellement sur un renforcement de l’analyse économique (publication de lignes directrices révisées sur l’analyse des concentrations horizontales, sur les restrictions verticales et sur les pratiques d’éviction abusives opérées par les entreprises dominantes).

La Commission européenne s’estime ouverte à un dialogue avec les États membres pour tirer le meilleur profit méthodologique de leur expérience du contrôle ex-ante des aides d’État. En termes de mesures concrètes, elle propose l’établissement d’une approche intégrée portant sur les principaux fondements de la politique des aides d’État à savoir :

– la clarification de la notion d’aide d’État (présence/absence d’aide) ; la révision de certaines lignes directrices actuellement en vigueur (lignes directrices sur les « aides à finalité régionale », « RDI », « aides à l’environnement ») ;

– la modification du régime des exemptions prévu notamment par le règlement général d’exemption par catégorie (RGEC) adopté en 2008 et par le règlement de minimis de 2006 ;

– le changement du règlement de procédure qui répartit les compétences entre les états membres et la Commission européenne.

Cette position est en phase avec celle exprimée par le Gouvernement français qui considère que, la politique de concurrence doit être une politique économique au service des consommateurs et de la compétitivité des entreprises européennes dans le cadre d’une économie mondialisée. En ce sens, les autorités françaises sont attachées à la prise en compte d’une analyse économique dans l’application des règles de concurrence. Il est également important que la politique de concurrence contribue au mieux à la poursuite des objectifs de la Stratégie Europe 2020 et soit définie en pleine cohérence avec les autres politiques de l’ Union européenne. La politique de concurrence doit ainsi être un instrument clef de la politique européenne de recherche développement ou encore de la politique européenne de l’énergie.

Néanmoins nous nous situons encore très largement au niveau des pétitions de principe. Au cours des auditions qu’elle a réalisées, il est apparu à votre rapporteure que le dialogue entre la Commission européenne et les États pouvait être amélioré sur un certain nombre de points.

Tout d’abord, il est essentiel de souligner que les États ont leur part de responsabilité dans les incompréhensions avec la Commission européenne : quand sur un dossier particulier un État laisse treize courriers sans réponse, il ne doit pas s’étonner de la « raideur » de la Commission européenne.

Néanmoins, quelques mesures simples pourraient aider à améliorer le dialogue entre les autorités européennes et nationales ; par exemple le Conseil compétitivité, compétent dans ce domaine, ne se réunit qu’une fois par trimestre, ce qui semble insuffisant. En outre il devrait être doté d’une cellule pour aider à la préparation des décisions, comme l’est le conseil ECOFIN.

Revaloriser le dialogue avec les États en utilisant ou en créant un organisme consultatif (où le Parlement européen serait représenté) donnant un avis préalable à une prise de décision est également indispensable pour éviter le sentiment de diktat. Dans la même logique, lorsqu’un État est en désaccord avec une décision du Commissaire à la concurrence il serait utile qu’il puisse exercer un recours gracieux devant le collège des commissaires européens, et qu’une procédure soit formalisée afin de permettre l’audition par le collège des parties prenantes, la mise en place d’une procédure de recours gracieux n’impliquant pas de modification des traités.

Mais surtout l’article 108 du TFUE mériterait d’être utilisé en cas de problèmes graves pour que la décision européenne passe d’une logique juridique à une logique politique. Ce dernier dispose en effet dans son deuxième alinéa que « Sur demande d'un État membre, le Conseil, statuant à l'unanimité, peut décider qu'une aide, instituée ou à instituer par cet État, doit être considérée comme compatible avec le marché intérieur, en dérogation des dispositions de l'article 107 ou des règlements prévus à l'article 109, si des circonstances exceptionnelles justifient une telle décision. Si, à l'égard de cette aide, la Commission a ouvert la procédure prévue au présent paragraphe, premier alinéa, la demande de l'État intéressé adressée au Conseil aura pour effet de suspendre ladite procédure jusqu'à la prise de position du Conseil. Toutefois, si le Conseil n'a pas pris position dans un délai de trois mois à compter de la demande, la Commission statue. »

La Commission européenne sortante met en avant dans son bilan la baisse du prix des transports aériens européens. Elle est incontestable et le consommateur en profite beaucoup. Néanmoins il nous semble intéressant de regarder les contre parties de cette évolution positive pour le consommateur.

La mansuétude de la Commission européenne vis-à-vis de la principale compagnie aérienne low cost est difficilement compréhensible, car elle tarde à instruire les plaintes de ses concurrents. Si l’Union européenne assure l’intérêt à court terme du voyageur, elle le fait sans considération de l’équité qu’elle est censée faire prévaloir au niveau des aides d’État et, ce faisant, encourage le développement d’un modèle économique non souhaitable sur le plan social et fiscal.

La principale compagnie aérienne low cost est aujourd’hui un acteur majeur du ciel européen avec 79,3 millions de passagers transportés et un bénéfice net de 569 M€ en 2012. Alors que le secteur aérien connait une crise sans précédent, ses résultats contrastent avec ceux des grandes compagnies européennes en perte de vitesse. En réalité, lorsque l’on s’intéresse de plus près à ces chiffres, on constate que la principale société aérienne low cost est aussi une structure financière très complexe regroupant des dizaines d’entités, pour certaines installées dans des paradis fiscaux, et qui profite depuis vingt ans d’un manque d’harmonisation des normes sociales et fiscales en Europe.

En effet, il est étonnant de noter que la vente de billet ne représente qu’une part réduite de ses recettes.

Le modèle de la principale compagnie aérienne low cost est également basé sur les aides publiques. Ce serait la société privée la plus subventionnée au monde, avec 800 M€perçus en 2012 soit 25 % de son chiffres d’affaires (et un bénéfice de 569 M€). Ces aides sont strictement encadrées par la législation européenne pour éviter toute forme de distorsion de concurrence. Elles doivent respecter un certain nombre de critères, dont les principaux sont les suivants :

– être notifiées auprès de la Commission européenne ;

– ne concerner que des aéroports de petites tailles (moins de 5 millions de passagers) ;

– être limitées à trois ans, dégressives dans le temps et en tout état de cause, cesser lorsque la liaison aérienne devient rentable ;

– ne pas être destinées à des routes déjà exploitées par la concurrence (par voie aérienne ou TGV) ;

– faire l’objet de mesures de publicité par les aéroports qui les versent.

Or on constate que ces conditions sont généralement peu respectées par les autorités nationales. Ces subventions prennent de multiples formes (rabais sur les redevances aéroportuaires, tarifs préférentiels d’assistance en escale, versement « d’aide marketing », achat d’espaces publicitaires sur le site Internet, prise en charge de dépenses incombant normalement aux transporteurs aériens, mise à disposition gratuite de locaux…).

Au moment où la Commission européenne se penche sur la légalité de ces subventions, certains pays ont d’ores et déjà annoncés avoir décelé d’autres fraudes :

– la fraude à « la masse maximum au décollage » pour ses avions. Cette pratique a été épinglée par les autorités allemandes qui lui reprochent de continuellement déclarer une masse par avion inférieure à la réalité, pour réduire le coût de ses redevances(alors que la configuration en sièges de ses B737 est l’une des plus denses du marché). Cette technique permet à grande échelle d’économiser plusieurs millions d’euros chaque année ;

– la fraude à la TVA a été révélée par le fisc italien qui a découvert qu’elle ne déclarait pas ses revenus sur les vols domestiques ordinairement soumis aux taxes italiennes.

Avec sa structure complexe, composée de sociétés-écran et de filiales offshores, cette société est devenue maîtresse dans l’optimisation fiscale. Ce sujet est d’autant plus sensible qu’il est totalement opaque et difficile à mettre en lumière. Certaines données permettent tout de même de comprendre les rouages de ce système. Deux types d’entité se distinguent :

– celles destinées à percevoir les aides publiques : les aides sont perçues directement par le siège ou par sa filiale dont l’activité est en partie basée sur l’Ile de Jersey ;

– celles destinées à la gestion de la flotte : les avions loués sont la propriété d’entreprises installées dans des paradis fiscaux(sur l’Ile de Man, dans le Delawarre ou à Chypre). Ainsi, les avoirs sont établis hors d’Europe. Ce montage fiscal est double : il permet d’une part de réduire le bénéfice imposable grâce aux charges de location et d’autre part de réduire la fiscalité de l’entreprise sur ses biens en Europe.

Or, l’Union européenne ne s’est pas encore dotée des outils permettant de faire face à une concurrence déloyale de ce type.

La masse salariale est le principal levier pour réduire les coûts d’une compagnie aérienne. Domiciliée en Irlande pour profiter d’une fiscalité avantageuse (les charges sociales ne représentent que 12,5 % du salaire contre plus de 50 % pour la France), cette société n’y exploite que 3 bases sur les 57 de son réseau. Malgré tout, ses salariés sont régis par des contrats de droit irlandais quel que soit leur lieu d’affectation (exemple de l’Italie). Ce dumping social entraine une forte distorsion de concurrence sur le marché. Condamnées à Marseille pour travail illicite le 2 octobre 2013, les pratiques de Ryanair n’ont pour autant pas disparu. Certes, plus aucun avion n’est basé en France, mais certains navigants continuent d’y habiter et d’y prendre leur service. De fait, les vols vers et depuis notre territoire perdurent dans des conditions similaires au départ d’autres aéroports européens. On constate aussi qu’un nombre significatif de ces navigants sont employés avec un statut de faux indépendant à travers des agences de placement. Les heures de vol sont facturées sous forme de ventes de service permettant d’échapper aux charges sociales et patronales. Aujourd’hui cette situation concerne 72 % des pilotes et 60 % des hôtesses et stewards32. Or, ces employés travaillent à plein temps pour cette compagnie ; il s’agit donc clairement d’un salariat déguisé.

Il est juste de noter que la Commission européenne est consciente de cette question et que un groupe de travail sur les faux indépendants vient d’être lancé par le Comité du Dialogue social sectoriel de la Commission Européenne.

Cette situation offre une forte flexibilité pour un coût minimuM. Les bases d’affectation de ses employés sont mouvantes (souvent tous les 6 à 9 mois) et certains médias affirment que les charges de formation et d’uniforme incombent aux équipages. Tout cela donne un avantage comparatif à cette compagnie non négligeable sur ses principaux concurrents européens.

Cet exemple est intéressant car il illustre la nécessité pour la Commission européenne de disposer d’une vision complète des facteurs de concurrence déloyale, sans se limiter aux seules aides d’État.

Les avantages compétitifs, octroyés, notamment à travers des exonérations de taxe sur les réseaux électriques, sont mis en cause à la fois par des organisations de consommateurs allemands, et par la Commission européenne qui a ouvert une enquête. Si la France et l’Allemagne offrent des tarifs d’électricités avantageux, ces deux pays ne sont pas les seuls à pratiquer de telles mesures. En effet, selon une étude de la direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services, la Norvège, le Canada et les États-Unis proposent des tarifs entre 30 % et 35 % moins chers qu’en France. La Chine, les États Arabes Unis et la Russie pratiquent aussi des tarifs favorables afin d’attirer des industries électro-intensives sur leur sol.

L’objectif affiché par Bruxelles d’une remontée à 20 % de la part de l’industrie dans le PIB européen d’ici 2020 passe aussi dans la prévisibilité des coûts énergétiques pour les industries afin de limiter les risques d’investissement. Or, les entreprises à forte consommation d’énergie présentent une durée moyenne de leur cycle d’investissement de 20 à 30 ans due à une forte intensivité du capital.

L’Europe doit donc afficher clairement ses objectifs de défense des consommateurs mais aussi de défense de ses champions industriels. Cette dernière passe par l’institution d’une véritable politique industrielle européenne qui s’ appuie, entre autres, sur une harmonisation fiscale entre États membres. Les entreprises électro-intensives, et particulièrement celles de l’aluminium, doivent, à travers des clauses de réciprocités, avoir le droit de conclure des contrats d’ approvisionnement sur des périodes supérieures à dix ans. Ne pas mettre en place de telles clauses peut avoir un effet désastreux sur l’investissement ainsi que présenter des risques liés à la délocalisation vers des zones extérieures à l’ Union européenne.

La lutte contre le dumping doit passer par l’application de droits de douanes européens importants afin de lutter contre nos concurrents asiatiques, qui pratiquent le protectionnisme, à l’image de la Chine. Or, nonobstant ces droits de douane, la Chine aura, entre 2005 et 2015, accru ses capacités de production d’aluminium de 180 % pour dépasser les 26,8 millions de tonnes. Dans la même période, l’Inde verra aussi ses capacités de production tripler. Une autre industrie très demandeuse d’énergie, celle de l’acier, a connu en Chine un bond de production impressionnant. De moins de 100 millions de tonnes d’acier produits à la fin des années 1990, la Chine produit aujourd’hui 720 millions de tonnes, alors que l’Europe stagne à 169 millions de tonnes avec un marché en érosion.

La Commission européenne doit donc adopter une position volontaire afin de proposer une harmonisation des normes techniques, sociales et environnementales pour lutter efficacement contre des situations répétées de dumping environnemental. De nombreux pays européens, et particulièrement la France, souffrent d’un différentiel de coût d’exploitation lié à une application plus stricte qu’ailleurs de la règlementation environnementale.

En conclusion, si un réel besoin d’harmonisation des normes dans le secteur sidérurgique et métallurgique est indispensable, la question de l’approvisionnement énergétique ne doit pas rester en suspens : « il n’existe aucun argument pertinent justifiant que la tarification du prix de l’électricité dont bénéficient les entreprises électro-intensives présente un caractère moins avantageux que ce n’est actuellement le cas ». Le besoin de visibilité à long terme est primordial afin d’assurer des investissements susceptibles de ramener le secteur secondaire à 20 % du PIB européen total. Les questions relatives à la distorsion de concurrence liée aux normes entre les différentes sphères géographiques et entre les principaux acteurs du commerce mondial doivent être réglées pour que le commerce international puisse fonctionner sur des bases assainies.

Votre rapporteure partage assez largement les réflexions qui suivent :

« Le monde change sous nos yeux. Dans une économie de la connaissance, l’input innovation, l’input formation, l’input éducation supérieure, deviennent des facteurs de production directe. D’où l’importance de l’investissement dans ces inputs et d’où peut-être de nouvelles inégalités qui sont en train de se créer. 

Aux États-Unis, 80 % de l’aide à la recherche passe par le ministère de la Défense et elle emprunte un certain nombre de canaux qui sont à mon avis constitutifs des nouveaux avantages comparatifs d’aujourd’hui. Pourquoi ? Il s’agit d’investissements dans les technologies de l’information, dans les biotechnologies ou les biosciences. On peut certes se demander pourquoi le ministère de la défense américaine investit dans les biotechnologies, dans les biosciences, dans les nouveaux matériaux (nanotechnologies, etc.). Mais il le fait et, de plus, 50 % de cette aide passe par les entreprises, elle est gérée par elles sur des projets qu’elles définissent.

Si on regarde en détail, on remarque que les autres canaux d’irrigation de la recherche passent par le ministère de la santé, à travers toute une série de financements de projets, et par le ministère de l’énergie. Ainsi, les nouvelles générations de centrales nucléaires aux États-Unis sont largement financées et subventionnées par le ministère de l’Énergie américain.

Je ne peux pas résister au plaisir d’ouvrir ici une petite parenthèse. Quand on me dit que la formidable priorité européenne en matière de politique d’énergie c’est l’ownership building pour les producteurs et les distributeurs d’électricité, je me dis : « Mais dans quelle planète vit-on actuellement ? ». Si d’un côté vous avez, aux États-Unis, un pays qui est à la frontière technologique et qui investit massivement dans ces technologies tout en ayant un effort de formation dans l’enseignement supérieur qui n’est égalé par personne. Si, en même temps, en Chine, il y a cette volonté d’investissement massif dans le développement de nouvelles technologies et dans la formation de cadres, si de plus, toujours en Chine on assiste à cette activité, assez normale, consistant à copier, à imiter, à ne pas respecter les règles, à faire du protectionnisme offensif, comme le font tous les pays dans la phase de développement, il m’arrive de me demander si l’Europe institutionnelle comprend le monde tel qu’il est. » (33)

Le contrôle des concentrations ambitionne d’atteindre l’atomicité en luttant contre la tendance « naturelle » des industriels à atteindre un monopole. La théorie de la concurrence imparfaite de Joan Robinson (34) stipule que, loin d'être l'état normal de l'économie, la concurrence est une situation limite et en pratique inaccessible. Paradoxalement, le monopole considéré par les théoriciens néo-classiques comme un cas aberrant correspond à la vie économique « normale ». Dans cette perspective il convient de veiller à maintenir ce que les économistes appellent l'atomicité de l’offre, c’est à dire la présence du nombre le plus important possible d’acteurs économiques.

Comme en matière d’aides d’État, l’élargissement très important du champ de compétences de l’ Union pose des questions, mais il nous faut bien distinguer la lutte contre les cartels qui entraîne les protestations des entreprises, mais dont le bien-fondé est admis de longue date (cf. Sherman Act aux États-Unis le 2 juillet 1890) et le contrôle des concentrations, qui a un caractère préventif et peut entraver la conduite d’une politique industrielle.

En effet, L'article 81 du TFUE interdit les accords entre entreprises qui peuvent affecter le commerce entre États membres et ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun. Les accords entre entreprises - quelle que soit leur forme juridique - sont notamment interdits lorsqu'ils ont pour effet ou pour objet de fixer les prix du marché, de se répartir géographiquement les marchés ou de définir les quantités produites.

Une des personnalités auditionnées par votre rapporteure évoquait les fonctionnaires de la Commission européenne rentrant au petit matin dans son entreprise, expulsant les occupants afin de mettre des scellés sur les portes des bureaux dans le cadre d’une enquête sur d’éventuelles ententes. Le côté policier de cette démarche est sans doute traumatisant, mais il illustre les prérogatives de la Commission européenne dans le seul secteur où elle dispose réellement des prérogatives d’un État supranational.

Les amendes infligées par la Commission européenne pour violation de la législation relative aux ententes ou l’abus de position dominante sont considérables. À titre d’exemple, la Commission a pu infliger, en 2010, des amendes de 800 millions d’euros à des transporteurs de fret aérien et, en 2011, sanctionner des producteurs de lessive à hauteur de 315 millions d’euros pour s’être entendus sur les prix. En 2008, la Commission avait également infligé une amende record d’1,3 milliard d’euros à des producteurs de verre automobile pour avoir conclu des accords de partage de marchés. Le montant de ces pénalités est extrêmement dissuasif pour les entreprises.

La prohibition des ententes (article 101 TFUE)

L’article 101 du traité précise que« sont incompatibles avec le marché intérieur et interdits tous les accords entre entreprises, toute décision d’association d’entreprises et toute pratique concertée susceptible d’affecter le marché ».

Il faut noter que les ententes peuvent prendre la forme d’un accord sur le prix de revente des biens ou d’une répartition des parts de marché entre concurrents.

L’interdiction des abus de position dominante (article 102 TFUE)

L’article 102 du traité prévoit qu’« est incompatible avec le marché commun et donc interdit le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante ».

Le droit de la concurrence ne sanctionne pas les positions dominantes, qui ne sont pas condamnables en elles-mêmes, mais leur abus, notion difficile à définir à priori mais qui doit être comprise comme une situation de puissance économique qui permet à l’entreprise d'agir indépendamment du comportement de ses concurrents, de ses clients et, au final, des consommateurs.

On distingue deux types d’abus de position dominante :

L’abus d’exploitation – constitué lorsqu’une entreprise exploite sa situation de rente par l’augmentation des prix, la baisse de la qualité ou encore par une baisse de la production ;

L’abus d’éviction – le fait pour une entreprise d’utiliser sa position dominante sur un marché pour éliminer les concurrents et in fine renforcer sa position dominante, par exemple au travers d’un refus de vente.

Les types d'accords le plus fréquemment sanctionnés relèvent de la catégorie des accords dits restrictifs de concurrence, autrement dénommés "cartels" ou "ententes restrictives", dont l'objectif est de fixer un prix supérieur à celui qui résulterait du libre jeu de la concurrence.

D'autres ententes peuvent exister, elles sont relatives à des échanges d'informations confidentielles ou à des accords sur la stabilisation des parts de marché respectives des parties à l'entente.

La sanction de ces règles est assurée également par les autorités nationales. Par exemple le Conseil de la concurrence a infligé, le 30 novembre 2005, aux entreprises Orange France, SFR et Bouygues Télécom une amende de 534 millions d'euros pour infraction à l'article L420-1 du code de commerce et à l'article 81 du traité de Rome, car ces entreprises avaient échangé des informations confidentielles relatives au marché de la téléphonie mobile et s'étaient entendues pour stabiliser leurs parts de marché respectives autour d'objectifs définis en commun.

Des entreprises telles que Michelin ou Microsoft ont été également condamnées par la Commission pour avoir abusé de leur position dominante. Dans l'affaire Microsoft, l'autorité européenne de concurrence a considéré qu'en limitant l'interopérabilité entre les PC Windows et les serveurs de groupe de travail de ses concurrents et en liant la vente de son lecteur Windows Média avec Windows, son système d'exploitation présent sur la quasi-totalité des PC dans le monde, le géant mondial de l'informatique a mis en œuvre des pratiques qui constituent un frein à l'innovation et qui sont préjudiciables au jeu de la concurrence et aux intérêts des consommateurs. La Commission a donc, en 2004, infligé à l'entreprise américaine des mesures correctives couplées d'une amende de 497,2 millions d'euros.

Votre rapporteure a, bien sûr, entendu les plaintes des entreprises, elle ne retiendra pas celles relatives au montant des amendes mais il lui semble que la crainte d’utilisation de cette procédure pour déstabiliser des concurrents est réelle et que le souci de la Commission européenne de ne pas se laisser instrumentaliser est légitime.

Toutefois la lutte contre les cartels doit être adaptée aux différents secteurs économiques. Il est possible par exemple de s’interroger sur son application à des secteurs tels que l’agriculture.

Les marchés agricoles sont sujets à de multiples aléas, en particulier climatiques et le souhait de pouvoir disposer d’une agriculture moderne et performante n’est pas toujours compatible avec la lutte contre les ententes. Nous pouvons en trouver un exemple avec l’arrêt rendu le 15 mai 2014 par la Cour d’ appel de paris qui a annulé la décision du 6 mars 2012 de l'Autorité française de la concurrence qui condamnait une dizaine d'organisations de producteurs d'endives (OP), ainsi que les associations et syndicats du secteur, à payer une amende de près de 4 millions d'euros pour s'être entendues pendant 14 ans sur un prix minimum de vente.


L’autorité dénonçait un « système organisé et élaboré ayant pour seul objectif le contrôle des prix des endives vendues par les producteurs aux grossistes et distributeurs », et pointait du doigt des pratiques qu'il estimait anticoncurrentielles : « la diffusion de consignes de prix minimum, l'encadrement des offres promotionnelles, les opérations de dénaturations et le système d'informations sur les prix Infoclar, ont permis aux acteurs du marché de coordonner collectivement leur politique tarifaire et commerciale. Et ce, afin de maintenir artificiellement les cours ».


La Cour a finalement rendu un arrêt dans lequel les juges « mettent hors de cause » les organisations de producteurs, ainsi que les associations et les syndicats. La cour d'appel de Paris a établi que « les dispositions des articles L. 420-1 du code du commerce et 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne n'avaient pas été enfreints par les organismes mis en cause ». Les juges considèrent notamment que « les pratiques dénoncées à leur encontre ne peuvent recevoir la qualification d'entente complexe et continue, faute de répondre aux critères imposés par la jurisprudence communautaire » ; et estiment qu'il n'est pas démontré que « les organismes mis en cause ont dépassé leurs missions légales ». D'après eux, ces pratiques répondaient aux missions réglementaires des organisations collectives, dont celle de régulariser les prix dans le cadre d'une réglementation complexe et évolutive.
Par ailleurs, la cour d'appel reconnaît les spécificités du secteur agricole, soumis à des particularités de marché nécessitant des aménagements à l'interdiction des ententes afin que les acteurs puissent organiser la production agricole.

Cet arrêt est intéressant car il considère que « s’il existe une limite, à savoir qu'on ne doit pas fixer les prix, les organisations professionnelles n'ont pas outrepassé leur mission de régulateur des prix. En effet, si les producteurs veulent résister à l'aval, ils doivent s'organiser ». Cette décision montre également la nécessité de ne pas étendre à l’infini la notion d’entente, faute de quoi nous interdirions toute régulation des forces du marché et de la vie économique. La crise économique que nous traversons montre bien que l’absence totale de régulation du marché n’est pas souhaitable.

L’impact des concurrents sur les prix

Si les économistes ont montré que la notion de concurrence ne se limitait pas seulement au nombre de concurrents, on retiendra que la présence de concurrents a tendance à discipliner les entreprises.

En effet, si une entreprise décide d’augmenter ses prix trop fortement, les clients achèteront les produits chez les concurrents.

Les concurrents sont une forme de garantie contre les hausses abusives des prix.


– Les entrants potentiels ou la menace invisible…

• 
Un degré de subtilité supplémentaire peut être franchi à travers la notion de « concurrents potentiels » ou
d’« entrants potentiels ».

Il s’agit d’entreprises qui ne vendent pas de produits sur le marché en question, mais qui pourraient être tentées de le faire si une opportunité intéressante se présentait à elles.

Les entreprises déjà en place sur le marché doivent donc éviter les comportements excessifs sur le marché (prix trop élevés), faute de quoi, elles seraient confrontées à une entrée de ces « concurrents potentiels » sur le marché.

Ex : Constatant les pratiques tarifaires abusives de quelques compagnies aériennes nationales sur certaines destinations, les compagnies à bas coûts (low cost) ont commencé à desservir ces destinations. La baisse des prix des billets a eu pour effet de réduire le nombre de passagers des compagnies traditionnelles, au profit des compagnies à bas coûts.


– Les produits de substitution ou l’élargissement du marché et des concurrents

• 
Le marché est une notion très importante pour une entreprise. Il est défini par les besoins auxquels elle répond, par les clients qu’elle vise, par les concurrents avec qui elle se bat.

Or le marché peut s’avérer plus grand que celui auquel l’entreprise pense.

Si l’on revient sur l’exemple des compagnies aériennes, qui sont les concurrents ?
Les compagnies traditionnelles et low-cost ? Oui, mais pas seulement !
Le train est aussi un mode de transport concurrent. En effet, ces entreprises répondent toutes au même besoin : transporter une personne de A vers B.
Une compagnie aérienne doit donc fixer ses prix non seulement en fonction des concurrents directs (les compagnies aériennes), mais aussi en fonction de la stratégie des compagnies ferroviaires.

Afin de déterminer la taille de ce marché (on parle aussi de « marché pertinent »), on utilise, entre autres, un instrument économique : les élasticités croisées.

Le principe est simple : on regarde si une hausse du prix d’un bien A va avoir pour conséquence une hausse de la demande du bien B. Si c’est le cas (on parle d’élasticité croisée positive), alors les biens A et B font partie du même marché.

Comment échapper à la concurrence ?

Comment expliquer le succès d’entreprises dont les produits sont beaucoup plus chers ?
Comment expliquer le succès de certains baladeurs numériques ou des vêtements de marque ?
Leur succès s’explique en un seul mot : la différence.

Les produits vendus par les entreprises ne sont généralement pas les mêmes (on dit qu’ils ne sont « pas homogènes »).

Le consommateur, au cours de son processus de sélection du produit, va prendre en compte plusieurs critères : la marque, le prix, les caractéristiques techniques, la qualité.
Il va donner un poids à chacun de ces critères, et choisira en fonction de ses préférences le produit qui correspond le mieux à ses attentes.
Remarque : pour certains produits, en particulier les produits de la vie quotidienne comme la nourriture, le prix est un critère très important dans le processus de décision.
Pour de nombreux biens, le prix n’est donc pas la seule variable prise en compte. Certaines entreprises vont donc essayer de compenser la hausse du prix par l’amélioration de la qualité du produit ou de l’image de marque.

Rendre son produit différent est alors une des meilleures armes pour lutter contre la concurrence.

Source : Ministère de l’économie.

Le contrôle des concentrations (règlement 139/2004 article 103 TFUE) permet aux autorités de concurrence d’examiner l’effet possible d’une concentration, avant qu’elle ne se produise (contrôle ex ante).

Cette législation est sans doute celle qui laisse la plus grande marge de manœuvre à la Commission européenne.

A la différence des aides d’État prohibées dès l’origine, le contrôle des concentrations n'était pas prévu par le traité de Rome, alors qu’il figurait dans le Traité CECA dès 1951.

Proposé par la Commission, presque vingt ans auparavant, le règlement n° 4064/89 ne fut promulgué que le 21 décembre 1989. Il pose les fondements juridiques de cette législation. Ce texte a été remplacé en 2004 par le règlement n° 139/2004 qui affine la question des seuils d’intervention.

Cette législation a vu le jour difficilement pour des raisons de principes : le contrôle des concentrations est réalisé avant que l’opération projetée n’ait lieu ; c’est en quelque sorte un procès d’intention en abus de position dominante que l’on fait aux entreprises. La Commission européenne considère qu’en raison des parts de marché détenues, la concurrence sera moindre et que cette situation entrainera un renchérissement des prix.

Il est donc fondamental de pouvoir évaluer en termes économiques et à priori si la concentration va ou non avoir un impact négatif sur la libre concurrence et, contrairement aux principes généraux du droit, il appartient à l’entreprise d’apporter la preuve que l’opération projetée ne sera pas trop nuisible à la concurrence.

Or, culturellement la Commission européenne évolue dans un environnement plus juridique qu’économique. Son approche a d’ailleurs été censurée à trois reprises entre 1989 et 2004 (promulgation du nouveau règlement) sur le fondement d’une erreur d’appréciation.

Cette législation s’applique aux sociétés extra européennes si l’opération projetée a un impact sur le marché européen. Cette règle est générale dans le monde : la Chine vient ainsi de s’opposer à une fusion entre armateurs européens qui risquait d’affecter son commerce.

Conformément au principe d'attribution des compétences, la Commission intervient uniquement si les rapprochements envisagés ont une dimension communautaire.

L’article 1er, paragraphe 2 du règlement n° 139/2004 sur les concentrations dispose qu’«  une concentration est de dimension communautaire lorsque : a) le chiffre d’affaires total réalisé sur le plan mondial par l’ensemble des entreprises concernées représente un montant supérieur à 5 milliards d’euros ; et b) le chiffre d’affaires total réalisé individuellement dans la Communauté par au moins deux entreprises concernées représente un montant supérieur à 250 millions d’euros, à moins que chacune des entreprises concernées réalise plus des deux tiers de son chiffre d’affaires total dans la Communauté à l’intérieur d’un seul et même État membre ».

Par ailleurs, une concentration qui n’atteint pas les seuils fixés au paragraphe 2 est de dimension européenne lorsque :

a) le chiffre d’affaires total réalisé sur le plan mondial par l’ensemble des entreprises concernées représente un montant supérieur à 2,5 milliards d’euros ;

b) dans chacun d’au moins trois États membres, le chiffre d’affaires total réalisé par toutes les entreprises concernées est supérieur à 100 millions d’euros ;

c) dans chacun d’au moins trois États membres inclus aux fins du point b), le chiffre d’affaires total réalisé individuellement par au moins deux des entreprises concernées est supérieur à 25 millions d’euros, et ;

d) le chiffre d’affaires total réalisé individuellement dans la Communauté par au moins deux des entreprises concernées représente un montant supérieur à 100 millions d’euros.

La réglementation relative aux concentrations n’aura en revanche pas lieu de s’appliquer si chacune des entreprises concernées réalise plus de deux tiers de son chiffre d’affaires total dans l’Union européenne dans un seul et même État membre. Depuis 1997, la Commission peut également intervenir lorsqu’un projet de concentration risque de fausser la concurrence dans au moins trois États membres

La notion d’entreprise s’entend, depuis l’arrêt Höffner (35), comme toute entité qui exerce une activité économique, c’est à dire offre des biens ou des services sur un marché donné, et ce, indépendamment du statut juridique et du financement de cette entité. Elle est donc extrêmement large mais la notion qui pose le plus de problèmes est celle du marché pertinent.

Le contrôle des concentrations permet d’éviter que la réunion de deux ou de plusieurs entreprises ne crée ou ne renforce une situation de domination sur le marché pertinent défini par la Commission européenne.

L'article 82 du TFUE interdit aux entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur un marché pertinent. Le fait de détenir un tel pouvoir n'est pas interdit en soi. Ce que le Traité prohibe est l'abus de ce pouvoir, qui consiste en son utilisation pour mettre en œuvre des pratiques prédatrices ou discriminatoires, ayant pour objet ou pour effet de restreindre les conditions de concurrence.

La communication de la Commission sur la définition du marché pertinent précise que ce dernier doit être défini en fonction d’un marché de produits ou de services (quels sont les biens ou les services en cause ?) et d’un marché géographique (quelle est l’aire géographique sur lesquels les biens ou les services sont en concurrence ?).

L’affaire De Havilland, évoquée précédemment, illustre les limites de cette approche devant la mondialisation : une entreprise peut être dominante sur le marché d’un État européen, tout en occupant une position moyenne au niveau mondial. Si elle décide d’une croissance externe elle pourrait être contrainte de renoncer à l’opération projetée ou, au nom de la concurrence, de céder des actifs à ses concurrents extra européens dans les pays où elle est en position de force. De ce point de vue l’action de l’Union européenne est souvent profitable aux entreprises américaines et les exemples cités précédemment montrent que la protection du consommateur n’est guère convaincante lorsqu’il s’agit de l’achat d’avions.

Beaucoup des personnes auditionnées par votre rapporteure ont insisté sur la difficulté à définir aujourd’hui le marché pertinent. Il existe souvent une approche opposée entre l’intérêt du consommateur et celui de l’industriel qui se bat pour développer son entreprise. Une remarque s’impose : les États qui bénéficient le plus de la mondialisation sont ceux dont les entreprises tiennent solidement leur marché intérieur (cela a par exemple été longtemps le cas du Japon). Un tel raisonnement va à l’inverse de la culture de la Commission européenne, qui privilégie le consommateur.

Il faut toutefois souligner qu’il est difficile de définir la notion même de marché et de politique de marché. Même si deux niveaux de marchés existent en Europe (national et européen/mondial), certains secteurs sont encore dominés par l’approche nationale. Il en est ainsi par exemple des télécommunications, où la régulation et l’attribution des fréquences restent une compétence nationale.

La mission de la Commission est très délicate, d’autant que sa vision est entachée par une approche plus juridique qu’économique des problèmes : elle doit déceler a priori et, dans un délai très court, les risques de position dominante induits par l'opération de concentration.

Lors de l'analyse d'opérations de concentrations, les services de la Commission risquent naturellement d'être soumis à des pressions médiatiques et politiques, parfois même de la part de gouvernements (ce fut par exemple le cas dans le cadre du rapprochement entre GDF et Suez contre lequel le gouvernement italien s'est soulevé.)

Toute opération de concentration à dimension « européenne » doit être soumise à l’autorisation de la Commission. Généralement, les entreprises désirant fusionner commencent par prendre contact avec la Commission européenne de façon informelle, engageant ainsi une concertation dans le but d’aboutir à un projet satisfaisant. Cette phase n’est encadrée par aucun délai. Elle est parfois fort longue, car les entreprises ne déposent pas formellement de dossiers tant qu’elles ont le sentiment que la Commission européenne peut soulever des objections.

Lorsque cette phase est achevée, les entreprises envoient officiellement une « notification » à la Commission européenne pour formaliser la démarche.

Dès lors que cette notification est envoyée, la concentration ne peut être réalisée tant que la Commission européenne n’y a pas répondu favorablement. Elle dispose d’un court délai (25 jours) pour se prononcer. Si elle émet un « doute sérieux », un examen approfondi doit commencer, qui lui aussi est limité dans le temps (90 ou 105 jours).

Pour instruire son dossier, la Commission européenne dispose du pouvoir de demande de renseignement et d’inspection, les mêmes que ceux dont elle dispose en cas d’abus de position dominante ou d’entente.

Si la Commission européenne déclare la concentration incompatible avec le droit, celle-ci est interdite. Si elle a déjà eu lieu, elle doit être défaite. Dans le cas contraire, les entreprises sont sanctionnées par des amendes. La décision peut être contestée par les entreprises et annulée par le tribunal de première instance (TPI). L’affaire de la fusion Schneider/Legrand a montré les limites de cette procédure. Les entreprises avaient engagé le processus de fusion avant la décision de la Commission européenne. Elles ont été obligées de « dé-fusionner » et la Cour de justice a finalement annulé la décision de la Commission européenne. Les entreprises ont été affaiblies dans la compétition mondiale sur la base d’une décision mal fondée de la Commission européenne mais immédiatement exécutoire.

Il est exact que les entrepreneurs européens sont défavorisés sur le plan mondial, car le droit et la pratique américaine sont beaucoup moins exigeants.

De manière générale, les décisions d'interdiction de la Commission sont rares. Il est en revanche fréquent que la concentration (tout comme l'entente ou la position dominante) soit déclarée compatible avec les traités à condition que les entreprises respectent un certain nombre de conditions ou d'engagements. À titre d'exemple, la Commission européenne a autorisé la fusion des compagnies aériennes Air France et KLM en février 2004 à condition que les entreprises cèdent des créneaux aériens afin d'éviter que cette fusion ne réduise la concurrence dans ce secteur, au risque de favoriser les compagnies du golfe (cf supra).

En Europe, la volonté des autorités de concurrence d’assimiler à priori à un abus de position dominante l’acquisition d’avantages concurrentiels par les grandes entreprises peut priver celles-ci des perspectives qui motivent leurs innovations et justifient leurs investissements, les anticipations de rentabilité devenant négatives. Cela dissuade globalement l’investissement, l’innovation et ne contribue pas à la croissance économique de l’Union européenne.

Pour la Commission européenne, les ressources internes permettant de financer les investissements ne doivent pas venir d’avantages concurrentiels (par exemple, pour la France, un bas coût de l’électricité), mais d’une réduction des coûts des facteurs de production liée à une augmentation de la pression concurrentielle.

Cette approche est excessive, voir erronée : l’exercice d’un pouvoir de marché (sans abus) acquis légitimement permet une rentabilité qui, à son tour, favorise l’investissement et la croissance. Veiller à une meilleure conciliation de l’approche en termes de politique de la concurrence et de politique industrielle devrait être, à nos yeux, l’une des priorités de la nouvelle Commission européenne.

Les politiques doivent se focaliser sur le commerce extérieur. Je suis pour un modèle « industriel commercial ». Ce ne sont pas les métiers « régionaux » qui sont le plus touchés par la mondialisation, mais les métiers mondiaux. La montée des entreprises asiatiques représente une réelle menace pour notre compétitivité. Chez Saint-Gobain, j'ai choisi de me concentrer sur les secteurs où nous pouvions être leader, des métiers que ni Internet ni la montée des marchés chinois ne pourraient venir bouleverser. La recherche et développement en Chine n'est pas moins bonne qu'en France ou qu'aux États-Unis, leurs ingénieurs travaillent aussi bien que les nôtres. Simplement, la différence de salaire est colossale, quand les entreprises européennes croulent sous les contraintes de protection du consommateur. Il faut inverser la tendance, redonner la priorité au producteur, à l'entreprise.

Source : Jean-Louis Beffa, la Tribune, 18/06/2013.

La dimension géographique pertinente s’avère souvent mondiale. Concrètement, il importe d’éviter la « myopie » consistant à analyser la pertinence d’une fusion au niveau du marché européen alors que l’enjeu est international, a fortiori dans les secteurs dits « technologiques ». Un prisme trop étroit peut conduire à condamner des pratiques ou interdire des concentrations qui, pourtant, présentent une grande pertinence stratégique à l’échelle de la compétition mondiale. En tout état de cause, les outils du droit de la concurrence ne semblent pas calibrés aujourd’hui pour conduire des analyses de marchés internationaux.

Fixer comme objectif de faire éclore des leaders industriels européens et se doter à cet effet d’une véritable stratégie doit être la première des priorités de l’Union européenne, en particulier face aux géants américains sur les marchés du numérique, très capitalistiques et qui évoluent rapidement avec le progrès technique, et dans certains secteurs stratégiques où les européens sont en pointe aujourd’hui, notamment dans les secteurs des moyens de paiement et de la santé.

La plupart des règles de la concurrence en matière d’antitrust et d’aides d’État ayant d’ores et déjà été adoptées, les initiatives de la Commission tendent aujourd’hui à une modernisation des règles existantes et, à la marge, à la création de nouvelles règles pour renforcer l’efficacité de sa politique de concurrence.

Dans le cadre du renforcement de l’efficacité du contrôle des pratiques anticoncurrentielles, la Commission européenne souhaite compléter le dispositif de sanction par les autorités publiques en encourageant les actions civiles en réparation des dommages subis par les entreprises et les consommateurs en raison d’infractions au droit de la concurrence.

Partant du constat que ces procédures étaient très rares et complexes dans de nombreuses États membres, la Commission a publié un Livre vert à la fin de l’ année 2005. Ce livre vert a ensuite été suivi d’un Livre blanc sur les actions en réparation civile en matière de concurrence en avril 2008, ouvrant une consultation auprès des parties prenantes achevée en juillet 2008.

Le sujet des actions en réparation civile en matière de concurrence crée des attentes fortes de la part des organisations de consommateurs nationales et européennes, mais suscite également des réticences importantes, notamment de la part des organisations patronales, qui craignent des dérives « à l’américaine » dans le dispositif.

L'Autorité de la concurrence a remis vendredi 14 mars 2014 à Pierre Moscovici, ministre de l’économie le rapport « Pour un contrôle des concentrations plus simple, cohérent et stratégique en Europe », rédigé par M. Fabien Zivy, qui formule dix propositions pour accroître la cohérence des législations nationales. Il part du fait que la coexistence de régimes nationaux différents est susceptible de rendre plus difficiles ou coûteux des projets de concentrations, en raison des charges administratives qui incombent aux entreprises (coûts des notifications multiples, ampleur des informations à fournir aux différentes autorités, diversité des délais de procédure prévus d’un pays à l’autre, risques de divergences d’analyse, etc.).

Le guichet unique, institué il y a vingt-cinq ans pour contrôler les concentrations de grandes tailles, a constitué un progrès indéniable (même s’il a limité la compétence de la Commission aux concentrations considérées comme les plus importantes). Cependant, les opérateurs du marché font toujours face à un foisonnement de règles et de régulateurs. Il n’y a pas de réelle gouvernance globale.

Les insatisfactions sont nombreuses et des progrès restent à effectuer : des charges et des coûts trop élevés sont induits par la « multi-notification », les renvois ascendants et descendants (post notifications) créent des difficultés procédurales et la phase de « pré-notification » est jugée trop longue par les entreprises et leurs conseils en raison du caractère très lourd des informations demandées. La complexité des mécanismes de renvoi pour assurer l’interaction entre la Commission et les autorités de régulations nationales (source de « byzantinisme administratif ») et la façon d’aborder les engagements des entreprises pour éviter certains effets anticoncurrentiels sont également épinglés.

De plus, le contrôle des concentrations ne se fait pas qu’au niveau de la Commission (guichet unique). Dans la majorité des cas, lorsque la concentration concerne plusieurs marchés nationaux, mais n’est pas assez « importante » pour être du ressort de la Commission, plusieurs régulateurs nationaux l’examinent. L’articulation entre ces différents dispositifs nationaux pose problème étant donné le nombre important d’autorités de concurrence européennes (vingt-huit). Même si l’on assiste à un mouvement de convergence progressive des différents droits, des différences subsistent, qui peuvent être sources de contradictions, de divergences et de conflits. Le véritable axe de progrès est d’ajouter au mécanisme d’échange vertical (Autorité de concurrence / Commission) un mécanisme d’échange horizontal entre les différents régulateurs européens à l’image du « réseau européen de la concurrence » dans le domaine des pratiques anticoncurrentielles.

Les conflits de juridictions, bien que rares, sont un risque à éviter au vu de leurs conséquences économiques et politiques. Même quand la grille d’analyse et les règles de fonds sont les mêmes pour les deux juridictions (affaire MyFerryLink), il est possible d’arriver à des solutions contraires. Le rapporteur parle même de « la « bombe à fragmentation » à laquelle le système « multi-juridictionnel » actuel peut parfois ressembler ».

Enfin, le problème de notification multiple n’a jamais été traité en profondeur par le législateur. Il y a, en effet, une importante proportion de dossiers soumis à un traitement émietté entre plusieurs autorités nationales de concurrence. Il en découle la démultiplication des procédures, une incohérence dans l’application du principe d’égalité et de prévisibilité juridique et des inconvénients à surmonter tant pour les opérateurs économiques que pour les autorités de régulations.

Les axes de progrès sont nombreux. Certaines propositions « à la marge » existent (« débureaucratiser » les rapports entre autorités de régulations nationales et DG COMP, réduction des délais d’examen par la Commission, etc.). Ce rapport propose des changements plus structurels.

Les propositions de réforme contenues dans le rapport de l’Autorité de la concurrence s’articulent autour de trois grands axes : créer un mécanisme de prévention des conflits entre autorités de concurrence ; unifier les notions de base des droits nationaux des concentrations et mieux coordonner les politiques en ce domaine.

« La régulation concurrentielle, après avoir longtemps été l’incarnation de l’intégration européenne par le droit de l’économie, ne doit pas devenir un frein à celle-ci ». Il faut, en priorité, éviter « le risque de bureaucratisation » et simplifier réellement les procédures « simplifiées » et optimiser le temps de traitement, les charges et les procédures.

1. Créer un mécanisme de prévention des conflits.

2. Permettre aux entreprises de solliciter le renvoi de dossiers de concentrations transfrontières à la Commission européenne dès que deux autorités nationales de concurrence sont compétentes pour les traiter, au lieu de trois actuellement.

Ce « renvoi ascendant » devrait avoir lieu « en amont » de la notification (actuellement, seules les autorités de concurrences peuvent décider de transmettre le dossier à la Commission et donc de s’en dessaisir). De plus, « soit une concentration est transfrontalière, soit elle ne l’est pas », ce qui explique la proposition du rapporteur de baisser les seuils pour déclencher la possible compétence de la Commission en cas de renvoi. Enfin, la Commission devrait user de manière plus fréquente de « renvoi descendant » pour éviter les charges induites par la centralisation à Bruxelles dans les cas où ce n’est pas nécessaire.

3. Unifier les notions de base des droits nationaux des concentrations.

4. Appliquer les règles de fond prévues par le droit de l’Union pour toutes les affaires de concentration contrôlables dans au moins deux États membres. Il s’agit d’unifier la notion de concentration et le test applicable à l’examen des effets des opérations de concentration sur la concurrence.

Le but est l’utilisation « d’un corpus unifié de règle de fonds » pour chaque concentration susceptible d’être notifiée à plusieurs autorités nationales. Actuellement, vingt-huit droits sont potentiellement applicables à de nombreuses opérations de concentration. Baisser les seuils pour la compétence de la Commission n’est pas souhaité ni souhaitable en vertu du principe de subsidiarité. L’ objectif est d’analyser les concentrations à l’aune d’un droit unique et non plus simplement similaire. On pourrait même envisager d’appliquer le droit européen à toutes les concentrations ayant des effets transfrontaliers, même si elles ne sont notifiables qu’à une seule autorité nationale de concurrence (comme dans le droit des pratiques anticoncurrentielles).

5. Harmoniser les types de seuils conditionnant la contrôlabilité des opérations de concentration dans les différents États membres en ne conservant que des seuils exprimés en chiffre d’affaires.

6. Établir un formulaire type énumérant un socle d’informations standardisées à fournir par les entreprises lors de la notification d’opérations de concentration transfrontière ou prévoir un système de « notification unique » au Réseau européen de concurrence.

7. Encadrer la durée des procédures nationales dans un délai maximal commun lorsque les autorités nationales de concurrence traitent une concentration transfrontière.

Le but exprimé ici est le renforcement nécessaire d’un « minimum de standardisation procédurale » (ce qui ne devrait pas être difficile à mettre en œuvre étant donné les progrès effectués en ce domaine, notamment par le règlement concentration de 2004). Il est donc nécessaire de rapprocher la durée de la « phase 1 » des procédures nationales (leur durée varie actuellement du simple au double) en instaurant un délai maximal. Une instauration d’un délai maximal pour la « phase 2 » peut être envisagée, en prenant néanmoins plus de précautions.

Les opérateurs économiques devraient également notifier leur opération aux autorités nationales de manière « regroupée dans le temps ». Ces informations demandées devraient être harmonisées et standardisées (une harmonisation totale n’est ni réalisable, ni forcément justifiée »). La notification allemande, légère et ciblée sur l’essentiel, est souvent prise en exemple. La mise en place « d’une boite au lettre commune » aux différentes autorités nationales pour les notifications est aussi fortement envisagée.

8. Demander à toutes les autorités nationales de la concurrence de mettre en place une procédure simplifiée pour les affaires de concentration non susceptibles de soulever des problèmes de concurrence.

L’objectif est de simplifier réellement les procédures pour concentrer les efforts sur les dossiers qui le méritent vraiment.

9. Formaliser l’existence du réseau des autorités européennes de contrôle des concentrations. Officialiser le dispositif permettant à l’ensemble des autorités nationales de concurrence de s’informer de la notification de concentrations transfrontières, de manière transparente vis-à-vis des parties.

Il faut sécuriser juridiquement la prise d’information des autorités de concurrence et passer outre les seules « bonnes pratiques » communes à ces dernières.

10. Permettre aux autorités de concurrence compétentes de se prêter assistance pour contrôler une concentration transfrontière, au besoin en procédant à des enquêtes communes. Harmoniser la possibilité donnée aux autorités de concurrence compétentes pour contrôler une concentration transfrontière d’échanger des informations recueillies dans le cadre de leur instruction et de les utiliser pour la mise en œuvre du droit de l’Union.

Ces échanges d’informations devront respecter le caractère confidentiel ou non des informations pour respecter les droits des partis. Cet échange d’informations devra être mis à profit pour favoriser les échanges plus généraux entre régulateurs. Ce point est capital pour le rapporteur, le droit des concentrations est un droit vivant « dont la mise en œuvre est aussi déterminante que le contenu des textes eux-mêmes ». On peut imaginer une base de données commune relative aux pratiques suivies pour définir les marchés pertinents par exemple. Prévoir le recours à un comité de conciliation réunissant les autorités nationales de concurrence concernées et la Commission européenne dans le cas où l’examen d’une concentration transfrontière présente des risques d’aboutir à des décisions divergentes.

 Il faut établir un « Réseau » horizontal entre autorités nationales pour renforcer l’interopérabilité entre ces autorités. On peut même envisager la mise en place d’un mécanisme d’allocation de l’affaire à une autorité unique qui traiterait le dossier pour l’ensemble des autorités concernées (en fonction du centre de gravité de la concentration, du marché national le plus impacté par exemple). Si aucune autorité n’est prioritairement compétente, il serait nécessaire d’imposer aux différentes autorités traitant le même dossier de s’informer mutuellement de la solution vers laquelle elles s’orientent. La proposition de création d’un comité de conciliation va au bout de cette logique.

La chancelière allemande, Angela Merkel (CDU), a plaidé pour une réforme du droit de la concurrence dans le secteur des télécommunications. Elle s’est prononcée sur le sujet lors d’une conférence de son parti à Berlin, réunissant 1 200 représentants des médias et de l’économie. Afin d’illustrer sa position, elle a fait une comparaison avec la Chine où trois entreprises de télécommunications se font concurrence à la différence de l’Union européenne où le marché des télécommunications se divise aux frontières nationales, regroupant ainsi vingt-huit entreprises.

Les propos de la chancelière relatifs au droit de la concurrence de l’Union européenne doivent être vus dans la tonalité globale de son discours puisque celui-ci n’est pas une déclaration d’intention de réformer le droit de la concurrence européen dans son ensemble. Au contraire, la chancelière limite ses propositions de réforme au secteur des télécommunications. Cette proposition s’inscrit par ailleurs dans une réflexion générale sur un marché digital européen qui devrait se construire face à la concurrence des États-Unis et de la Chine. Le sujet d’une économie digitale européenne (« Europaeische Digitalwirtschaft ») devrait être inscrit comme priorité au programme de travail de la nouvelle Commission européenne, qui prendra ses fonctions après les élections à la fin de mai. Poursuivant son offensive digitale européenne, la chancelière a également proposé d’uniformiser les règles européennes de la protection des données personnelles et de concrétiser la mise en place commune des connections à haut débit. Selon la chancelière, une action européenne commune est nécessaire afin que l’Union européenne puisse faire face à la concurrence des États-Unis, qui occupent une position de monopole sur le marché digital mondial, ainsi que sur les innovations dans le secteur des télécommunications, notamment l’Internet.

Pour conclure, cette proposition de réforme du droit de la concurrence ne doit être considérée que comme un élément d’une stratégie digitale globale de l’ Union européenne et se restreint au secteur des télécommunications. Dans ce sens, la réforme proposée par Mme Merkel ne signifie pas une redéfinition de la position politique de l’Allemagne vis-à-vis du droit de la concurrence de l’Union européenne. L’approche ordolibérale de l’économie constitue toujours le point de référence de la politique de concurrence en Allemagne. Plus qu’une réelle réorientation politique, la déclaration de la chancelière représente une évolution dans le discours. En effet, la chancelière a nuancé son discours en précisant qu’un équilibre doit être trouvé entre pouvoir du marché et concurrence afin que les entreprises européennes puissent s’imposer sur le marché mondial contre la concurrence des grands acteurs en provenance des États-Unis ou de l’Asie.

Selon la chancelière, la création d’un marché digital européen serait d’ailleurs favorable à créer de nouveaux emplois ainsi qu’à promouvoir l’industrie et l’innovation européennes.

Le candidat du Parti Populaire Européen (PPE) au poste du président de la Commission européenne, M. Jean-Claude Juncker, qui vient d’être désigné par le Conseil, s’est rallié à la proposition de la chancelière, exprimant son intérêt à revoir les règles du droit de la concurrence en matière des télécommunications.

L’administration fédérale tend à considérer que les politiques de la concurrence ont eu un effet positif et que la politique européenne a su parvenir à un équilibre général. Ils partagent l’objectif central de favoriser le consommateur.

Elle considère que les décisions doivent reposer sur une base et un raisonnement juridiques. Le pragmatisme n’est sans doute pas de mise, mais il ne faut pas oublier que la Commission reste une autorité administrative soumise au droit.

Nos partenaires allemands estiment également que les mesures récentes de la Commission renforcent les aides d’État pour les services publics et laissent dans le même temps assez de liberté aux États membres.

Les autorités administratives allemandes m’ont donné le sentiment de défendre un rôle fort de la direction générale de la concurrence et une approche strictement juridique, considérant que les entreprises doivent, du fait de leur statut d’acteurs privés, se conformer avant tout au cadre juridique.

Les aspects sociaux et culturels peuvent certes être pris en compte, mais dans le respect du droit. Il ne serait en outre pas possible d’intégrer ces aspects dans les lignes directrices. Ces questions relèvent davantage d’un dialogue au cas par cas avec la Commission.

Le Bundeskartellamt (chargé du contrôle des concentrations) soutient une politique rigoureuse de la Commission en matière d’aides d’État et de fusion des entreprises, mais reconnait cependant que le cadre européen rigide pose des problèmes.

Votre rapporteure considère que la CJUE, lorsqu’elle prend des arrêts tel celui du 3 avril 2014, va bien au-delà de ses prérogatives et pourrait, à terme compromettre sa légitimité.

La CJUE, depuis l’arrêt Costa de 1960 fait prévaloir le droit communautaire sur les droits nationaux. Elle se considère habilitée à imposer la suppression d’une norme nationale si celle-ci est perçue comme un obstacle à la liberté de circulation des biens et des personnes ou comme incompatible avec la législation communautaires existante.

À la fin des années 1970, à une époque où les régulations communautaires étaient bloquées par la nécessité d’atteindre l’unanimité des États membres au sein du Conseil des ministres, la Cour de justice a pu également reconnaitre la préservation d’objectifs généraux comme l’environnement ou la santé publique au détriment de la liberté de circulation des marchandises. Face au Conseil des ministres paralysé, la Cour de justice s'est placée de fait en situation d’arbitre entre les différents objectifs des traités.

Néanmoins, l’interprétation de l’article 102 du Traité est allée régulièrement vers une logique de plus en plus libérale, en particulier en intégrant la notion de risque d’éviction d’un marché par une entreprise dominante, notion non prévue par les textes européens et à une date où le contrôle des concentrations n’existait pas (arrêt Continental Can de 1973).

L’arrêt Commercial Solvents de 1974 (aff. C-6-7/73) constitue un autre cas de transformation progressive du sens de l’article 102. La Cour a considéré qu’un groupe verticalement intégré́ est susceptible de commettre un abus en éliminant potentiellement un concurrent du marché.

Il est intéressant de relever que les jurisprudences américaines et européennes diffèrent dans la conception même de ce que doit être la finalité́ de la concurrence. La jurisprudence de la CJUE veille aux intérêts du consommateur, et pour cela protège l’accès au marché de l’ensemble des opérateurs, notamment des petites firmes. Il n’est nul besoin d’avoir commis une infraction, un comportement est abusif dès lors qu’il est susceptible de restreindre la liberté́ économique des tiers, leur capacité́ à tirer profit des opportunités de marché.

L’activisme de la Commission pour la construction du marché intérieur peut ainsi s’appuyer sur la CJUE. Par exemple, l’application des règles de concurrence dans le cas des industries de réseaux nouvellement libéralisées témoigne d’une approche dans le cadre de laquelle l’article 102 en particulier et les règles de concurrence en général sont utilisées non seulement pour sanctionner d’éventuelles pratiques anticoncurrentielles mais aussi pour parfaire la construction du marché intérieur.

« Cet activisme légal peut conduire à des situations dans lesquelles les droits fondamentaux des entreprises, notamment les droits de propriété́ ou la liberté́ contractuelle, peuvent être remis en cause. Ceux-ci peuvent être mis en balance avec les objectifs de la politique de concurrence dès lors qu’il s’agit de rapprocher la structure, ou du moins le fonctionnement du marché, d’une une situation de concurrence complète. Il en va ainsi notamment de certaines décisions prises dans le domaine de l’énergie dans le cadre de procédures négociées (des engagements sur la base de l’article 9 du règlement 1/2003). Les mesures correctives acceptées (cession des actifs de transports i.e. la dé-intégration verticale des groupes concernés), peuvent être lues – dans une certaine mesure – comme un moyen d’obtenir au travers de décisions contentieuses impliquant des opérateurs dominants, ce qui n’avait pas pu être accepté par les États membres dans le cadre de la préparation des directives sectorielles. » (38)

Ce dernier cas de figure conduit à s’interroger sur la jurisprudence de la CJUE. Il n’est pas normal que la Commission européenne utilise la « bienveillance » de la CJUE pour obtenir, contre l’avis des États la libéralisation de certains secteurs.

Si, par sa jurisprudence, la Cour de justice a contribué au développement du droit communautaire, en appuyant les décisions de la Commission européenne qui interprète dans le sens le plus large possible les prérogatives qui lui ont été confiées, elle va trop loin en permettant à la Commission européenne de lutter sans le dire contre les entreprises à capitaux publics, pourtant licites au regard des traités européens.

L’exemple qui suit est la parfaite illustration de l’utilisation du droit de la concurrence pour imposer un modèle économique.

La Cour de justice de l’Union européenne considère qu’un établissement administratif à caractère économique et commercial (EPIC) bénéficie du seul fait de son statut, et sans que la Commission européenne n’ait à apporter la preuve de la réalité de l’avantage retiré, d’une aide d’État (considérants 94 à 99) car, ne pouvant pas faire faillite, il bénéficie implicitement de la garantie de l’État qui lui permet d’emprunter sur les marchés à de meilleures conditions.

Un arrêt de la Cour de justice se constate, il ne se discute pas, il s’exécute. L’État français devra donc en tirer les conséquences pour l’ensemble de ses établissements publics exerçant une activité dans le secteur concurrentiel.

Nous nous contenterons d’une seule remarque : la SNCF a un statut d’EPIC, la Deutsch Bahn allemande, un statut de société anonyme, la faillite de l’une comme de l’autre est tout aussi inconcevable dans la mesure où elles gèrent des infrastructures vitales pour leur pays respectif. Ce débat juridique est donc à nos yeux largement théorique et la Commission européenne aurait sans doute mieux à faire que de soulever des questions qui ne se posent pas dans la réalité économique.

En France cette jurisprudence n’est pas applicable aux établissements publics qui gèrent des infrastructures où il n’existe pas de marché du fait d’un monopole légal. C’est le cas en particulier de RFF et de ERDF, qui doivent assurer un égal accès aux exploitants mais n’appartiennent pas au secteur concurrentiel.

Par contre la question pourrait se poser pour la SNCF qui appartient aujourd’hui au secteur concurrentiel.

Il ne nous semble pas dans les attributions de la CJUE de remettre en causes à l’aide « d’arguties», plus que d’arguments, la structure des entreprises publiques françaises. Les traités ne lui confèrent pas cette compétence.

CONCLUSION

Les reproches fréquemment exprimés à l’encontre de la Commission européenne sont les suivants : elle n’est pas assez réactive, pas assez protectrice des intérêts stratégiques de l’Union, trop préoccupée par les gains à court terme pour les consommateurs, trop centrée sur une concurrence statique, pas assez analytique sur les besoins d’investissements à long terme et la préservation des capacités de recherche.

Il nous semble que les finalités de la politique de la concurrence méritent d’être revisitées.

Le bien-être du consommateur ne peut plus être le seul alpha et oméga d’une doctrine en matière de concurrence. Nous souhaitons un rééquilibrage en faveur du producteur, de l’intérêt des entreprises. Concrètement, cela pourrait impliquer une définition parfois mondiale des marchés pertinents, etc.

Au-delà, les impératifs de la concurrence devraient mieux s’articuler avec les autres objectifs assignés à l’Union européenne et ne sauraient avoir une prééminence absolue.

Le logiciel de l’Union européenne doit être adapté à la mondialisation.

Pour cela il conviendrait d’appliquer quelques règles simples :

– exigeons la réciprocité à l’échelle internationale, par exemple en matière d’aides d’État (exemple des télécoms en Chine avec ZTE) et d’accès à la commande publique face aux pratiques de certains États et entités fédérées (Chine, Japon, États-Unis, Brésil…). ;

– soyons réalistes et protégeons nos intérêts stratégiques : nécessité de mieux encadrer les prises de participations dans certaines activités stratégiques (ex. : réseaux de communications, d’énergie et de transport, défense) et de prendre en compte de manière plus résolue la protection des données sensibles (personnelles et secrets d’affaires) face aux pratiques de certaines sociétés non européennes.

Si l’immense majorité des concentrations est autorisées, les engagements exigés ne doivent pas affaiblir une entreprise européenne au profit de ses concurrents extra-communautaires.

La mise en place de partenariats entre entreprises pourrait être davantage encouragée, y compris entre grandes sociétés établies dans différents États membres, aux fins de stimuler l’investissement en Europe dans des produits et services innovant les plus stratégiques.

D’une manière générale, les règles existantes applicables aux ententes et au contrôle des concentrations (joint-ventures) permettent de conduire une politique industrielle, à condition de ne pas les interpréter de manière trop restrictive les textes.

Il ne s’agit que marginalement d’une question de droit mais de culture, domaine où les évolutions sont peut-être plus difficiles à réaliser.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 8 juillet 2014, sous la présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.

Après une analyse critique des effets de cette politique pour l’industrie française, la rapporteure a indiqué que ce travail serait poursuivi par un rapport sur le coût de la politique de la concurrence européenne pour la France, élaboré en liaison avec l’inspection générale des finances.

La rapporteure a insisté sur la nécessité de revisiter la notion d’aide d’État pour y intégrer les avantages fiscaux qui peuvent être accordés aux entreprises, en particulier non européennes. Dans le domaine des concentrations elle a souligné l’absolue nécessité pour la prochaine Commission européenne de prendre en compte l’opinion des États, qui devraient pouvoir être auditionnés par le collège des commissaires, ces derniers devant être plus indépendants de l’approche trop juridique de leurs services.

L’exposé du rapporteur a été suivi d’un débat.

« M. Jérôme Lambert. Ce travail - auquel j’adhère - complète des travaux déjà effectués, notamment le rapport d’information sur la politique industrielle réalisé par Jacques Myard et moi-même. La direction de la concurrence bruxelloise a en effet un poids important et impose ses vues, ce qui n’est pas sans poser problème.

La Présidente Danielle Auroi. Je voterai pour ce rapport, qui est d’une grande qualité.

Mais je tiens à souligner que l’on a trop tendance à mettre exclusivement en exergue la responsabilité de la Commission européenne. Le Conseil, qui est l’instance qui délègue à la Commission européenne, me semble en effet un peu trop protégé : les États arguent qu’ils n’arrivent pas à se mettre d’accord, et il revient à la Commission européenne de se débrouiller. Dans la prochaine mouture du rapport, il serait opportun de pointer également la responsabilité du Conseil.

S’agissant de la formation des fonctionnaires européens, je pense que s’il faut effectivement les envoyer sur le terrain, cette disposition est également valable pour les fonctionnaires nationaux.

Ryanair, dont l’exemple est développé dans ce rapport, oblige les pilotes français à se déclarer à Dublin : il convient de mettre en évidence, chaque fois que cela est possible, ces contournements du système.

Mme Estelle Grelier. Le point essentiel réside dans la compétence exclusive de la Commission européenne. Pour ma part, j’adhère relativement peu à la nécessité d’associer davantage le Parlement européen et le Conseil : il faut commencer par questionner la compétence exclusive de la Commission européenne, dont la collégialité des décisions est un fait.

Je suis sensible à la proposition n°14, qui « demande que les distorsions de fiscalité soient intégrées dans l’appréciation des aides d’État ». Elle est fondamentale et prioritaire.

L’absence de publicité des débats de la Commission européenne constitue le vrai sujet : afin de pouvoir peser davantage, il faudrait savoir ce qui s’y dit. L’insuffisance de politisation me préoccupe également. Chaque État désigne son commissaire ; au final les accords techniques se pérennisent, au détriment de la composition qui devrait découler du suffrage universel direct. La Commission européenne est quant à elle très politisée, et cela est assumé !

En ce qui concerne les exemptions en matière de recherche et développement, il existe des confrontations lourdes et des enjeux profonds portant sur l’absence de convergence entre recherche publique et recherche privée. Le secteur privé subventionne davantage la recherche au sein de l’Union européenne que ne le font les États. Il faudrait par conséquent viser la convergence entre recherche publique et recherche privée.

Enfin, si j’adhère entièrement aux dispositions relatives à la fiscalité de ce rapport, cela est moins le cas s’agissant des points institutionnels.

M. Arnaud Leroy. L’aspect institutionnel est effectivement essentiel. La Commission est le pivot du système européen. D’autres acteurs, tel que le Conseil, prennent une dimension importante dans le nouveau dispositif institutionnel : il y a donc beaucoup à faire en matière de transparence !

S’agissant de la question des fonctionnaires et des stages, il faut faire attention à ne pas oublier qui sont les personnes qui donnent les ordres. S’il est logique que les parlementaires européens auditionnent le candidat français pressenti au poste de commissaire européen afin de connaître ses intentions, il n’en est pas rendu compte aux États, qui sont pourtant aussi détenteurs d’une voix nationale. Très peu de fonctionnaires sont capables de prendre une initiative ou d’aller à l’encontre de leur hiérarchie. Il existe un personnel politique qui ne se vit pas comme tel, mais qui fait de la politique de fait ! L’initiative « better regulation » ou « mieux légiférer » est autrefois revenue sur un certain nombre de droits européens, et il s’agissait d’un choix politique : sous l’habillage administratif, se fait de la politique ! Il faut donc faire attention à cibler les vrais responsables.

M. Jérôme Lambert. Ce point ne constitue pas l’essentiel des conclusions. En Charente, des entreprises étaient concernées par l’interdiction de la fusion Schneider-Legrand par la Commission européenne qui a été évoquée. Il y a eu des recours juridiques, qui ont conduit à l’infirmation des décisions de la Commission européenne. Hélas, le délai de rendu de jugement ayant été de deux ans, la fusion n’a pas pu se faire. Ce qui est proposé est très juste, même s’il ne s’agit pas de « la » solution miracle. Il nous faut pointer les mécanismes qui sont dangereux pour l’industrie européenne.

Mme Isabelle Bruneau, rapporteure. La priorité est une estimation de l’impact des décisions sur le territoire : le coût des aides d’État est-il supérieur ou inférieur aux coûts sociaux ? Le ministre de l’économie m’a à cet égard donné son accord pour réaliser une étude plus approfondie, avec l’Inspection générale des finances. Les effets induits me semblent en effet être les plus importants.

Quant aux fonctionnaires nationaux, ils pourraient effectivement également faire le stage, afin de se reconnecter aux territoires dévastés. »

La Commission a ensuite adopté, à l’unanimité, les conclusions dont le texte figure ci-après.

CONCLUSIONS ADOPTÉES

La Commission des affaires européennes,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu l’article 17 du traité sur l’Union européenne,

Vu l’article 3 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu l’article 7 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu les articles 101 à 109 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Considérant qu’aux termes de l’article 7 du traité sur le fonctionnement de l’ Union européenne, l’Union veille à la cohérence entre ses différentes politiques et actions,

Considérant que les décisions de l’Union européenne en matière de contrôle des aides d’État sont instruites sans prendre en compte les autres politiques de l’Union européenne,

Considérant que les dispositions du paragraphe 2 de l’article 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne permettant au Conseil d’accorder des dérogations en matière de compatibilité des aides d’État avec le marché intérieur n’ont jamais été appliquées,

Considérant la nécessité pour l’Union européenne de mettre en œuvre le principe de réciprocité dans ses relations avec les pays tiers en matière d’aide d’État,

Considérant que les entreprises des pays tiers bénéficient le plus souvent d’aides publiques nombreuses en matière de recherche et de développement et que les entreprises européennes sont désavantagées dans ce domaine essentiel pour la croissance économique,

Considérant que la Commission européenne doit mieux écouter le point de vue exprimé par les États, y compris dans les domaines qui relèvent de ses pouvoirs propres, et qu’il est notamment indispensable que le service juridique de la Commission travaille directement dans ces domaines avec les représentants des États,

Considérant qu’aux termes de l’article 17 du Traité sur l’Union européenne la Commission européenne est un organe collégial et considérant l’absence de recours hiérarchique organisé devant le collège des commissaires contre les décisions intervenues en matière de droit de la concurrence,

Considérant la nécessité de mieux associer le Parlement européen aux décisions intervenant dans le domaine du droit de la concurrence, parfois lourdes de conséquences économiques et sociales,

1. Appelle à ce que les décisions les plus importantes prises par la Commission européenne dans le domaine de la concurrence soient motivées au regard de l’article 7 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et accompagnées d’une étude d’impact sur leur compatibilité avec les autres politiques conduites par l’Union européenne ;

2. Souhaite que la recherche bénéficie d’une exemption aux règles relatives à la prohibition des aides d’État, en considération des politiques conduites dans ce domaine par l’Union européenne, conformément à l’article 7 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

3. Demande, au regard de l’article 107 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, que la Commission européenne opte pour une vision plus limitée de son rôle et n’intervienne que dans le seul cas où le commerce entre les États peut être affecté ;

4. Recommande que les États, préalablement à un recours devant les juridictions européennes, fassent usage de l’article 108 paragraphe 2 du Traité sur le fonctionnement de l' Union européenne, confiant ainsi au Conseil le soin d’arbitrer les litiges entre les États et la Commission européenne ;

5. Souhaite que le collège des commissaires permette à un État, dans le domaine de la concurrence, de demander une seconde délibération de la Commission européenne, qui soit publique et dans le cadre de laquelle l’État concerné serait entendu ;

6. Précise qu’aucune décision négative de la Commission européenne ne devrait intervenir en l’absence de saisine et d’avis des comités consultatifs des États, afin que les décisions du collège des Commissaires soient éclairées par d’autres avis que ceux formulés par les services de la Commission, qui privilégient souvent une approche exclusivement juridique ;

7. Estime que sur les dossiers importants en termes de conséquences économiques et sociales, le collège des commissaires devrait pouvoir disposer d’une étude d’impact, rendue publique, et que les exigences supplémentaires formulées par la Commission européenne par rapport aux propositions des États soient évaluées par un organisme indépendant ;

8. Relève la nécessité de rendre obligatoire et public le chiffrage par la Commission européenne du coût total des conséquences de ces décisions pour les États membres, en particulier l’intégration dans ce chiffrage du coût des licenciements et des politiques de revitalisation des territoires induits par la disparition des aides d’État ;

9. Appuie l’intégration du service juridique de la Commission européenne dans le processus de dialogue entre la Direction Générale de la Concurrence et les acteurs concernés, nécessaire pour éviter que les solutions élaborées par les services, en lien avec les États, ne soient remises en cause ;

10. Souhaite que le Conseil compétitivité soit doté d’un secrétariat permanent afin que les décisions soient mieux préparées dans le domaine de la concurrence ;

11. Demande que la Commission européenne soit dotée d’un pouvoir d’arbitrage en cas de décisions contradictoires prises par les autorités nationales de la concurrence, pour éviter la situation où les autorités nationales de la concurrence rendent des décisions divergentes ;

12. Considère que la charge de la preuve devrait reposer sur la Commission européenne s’agissant de la définition du marché pertinent ;

13. Estime nécessaire la révision de concepts tels que la notion « d’investisseur avisé », qui prenne en compte le fait qu’un État n’est pas une entreprise et qu’il peut avoir une logique de long terme que n’aurait pas une entreprise privée, en particulier en matière de recherche et développement ;

14. Demande que les distorsions de fiscalité soient intégrées dans l’appréciation des aides d’État ;

15. Engage la Commission européenne à prévoir que ses fonctionnaires, de rang administrateur, relevant de la Direction générale de la concurrence, effectuent un stage de longue durée dans des industries concernées par les décisions de l’Union européenne en matière d’aide d’État.

ANNEXES

ANNEXE N° 1 :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS

Bundeskartellamt (Office fédéral des ententes) :

- Dr. Andreas Bardong, chef de service, contrôle des regroupements allemands et européens

- Dr. Iur. Konrad Ost, chef de la division de la coordination des activités anti-trust

Ministère fédéral des affaires économiques et de l’énergie :

- Dr. Armin Jungbluth, chef de division, politique de la concurrence et de la consommation

- M. Sven Kaiser, chef de division, politique de contrôle des aides d’État

BDI (Bundesverband der Deutschen Industrie e.V.) (Fédération des industries allemandes) :

- Dr. Ulrike Suchsland, juriste, responsable de la concurrence, des marchés publics et des consommateurs

Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne :

- M. Benoit de La Chapelle Bizot, ministre conseiller pour les affaires financières et monétaires

– M. Arnaud Boulanger, conseiller en charge de la concurrence et des aides d'État

– M. Claude Cheruis, directeur général du Service Public Fédéral « Économie, PME, classes moyennes et énergie »

– M. Carles Esteva Mosso, directeur en charge de la politique et de la stratégie, direction générale de la concurrence, Commission européenne

Mouvement des Entreprises de France (MEDEF) :

- M. Franck Avignon, direction des affaires juridiques

- Mme Ophélie Jujarric, directrice de mission, direction des affaires publiques

- M. Nicolas Guérin, administrateur

Autorité de la concurrence :

– M. Bruno Lasserre, président

Ministère de l’économie, du redressement productif, et du numérique

– M. Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif, et du numérique

– Mme. Sandrine Gaudin, Direction générale du trésor, service des politiques macroéconomiques et des affaires européennes

– M.Stanislas Martin, direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, service de la protection des consommateurs et de la régulation des marchés

Entreprise Saint-Gobain

– Jean-Louis Beffa, Président d’honneur et administrateur de Saint-Gobain

ANNEXE N° 2 :
TFUE : LES AIDES ACCORDÉES PAR LES ÉTATS

Article 107

(ex-article 87 TCE)

1. Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

2. Sont compatibles avec le marché intérieur :

a) les aides à caractère social octroyées aux consommateurs individuels, à condition qu'elles soient accordées sans discrimination liée à l'origine des produits,

b) les aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d'autres événements extraordinaires,

c) les aides octroyées à l'économie de certaines régions de la République fédérale d'Allemagne affectées par la division de l'Allemagne, dans la mesure où elles sont nécessaires pour compenser les désavantages économiques causés par cette division. Cinq ans après l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le Conseil, sur proposition de la Commission, peut adopter une décision abrogeant le présent point.

3. Peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur :

a) les aides destinées à favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi, ainsi que celui des régions visées à l'article 349, compte tenu de leur situation structurelle, économique et sociale,

b) les aides destinées à promouvoir la réalisation d'un projet important d'intérêt européen commun ou à remédier à une perturbation grave de l'économie d'un État membre,

c) les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun,

d) les aides destinées à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges et de la concurrence dans l'Union dans une mesure contraire à l'intérêt commun,

e) les autres catégories d'aides déterminées par décision du Conseil sur proposition de la Commission.

Article 108

(ex-article 88 TCE)

1. La Commission procède avec les États membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces États. Elle propose à ceux-ci les mesures utiles exigées par le développement progressif ou le fonctionnement du marché intérieur.

2. Si, après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, la Commission constate qu'une aide accordée par un État ou au moyen de ressources d'État n'est pas compatible avec le marché intérieur aux termes de l'article 107, ou que cette aide est appliquée de façon abusive, elle décide que l'État intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu'elle détermine.

Si l'État en cause ne se conforme pas à cette décision dans le délai imparti, la Commission ou tout autre État intéressé peut saisir directement la Cour de justice de l'Union européenne, par dérogation aux articles 258 et 259.

Sur demande d'un État membre, le Conseil, statuant à l'unanimité, peut décider qu'une aide, instituée ou à instituer par cet État, doit être considérée comme compatible avec le marché intérieur, en dérogation des dispositions de l'article 107 ou des règlements prévus à l'article 109, si des circonstances exceptionnelles justifient une telle décision. Si, à l'égard de cette aide, la Commission a ouvert la procédure prévue au présent paragraphe, premier alinéa, la demande de l'État intéressé adressée au Conseil aura pour effet de suspendre ladite procédure jusqu'à la prise de position du Conseil.

Toutefois, si le Conseil n'a pas pris position dans un délai de trois mois à compter de la demande, la Commission statue.

3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché intérieur, aux termes de l'article 107, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'État membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale.

4. La Commission peut adopter des règlements concernant les catégories d'aides d' État que le Conseil a déterminées, conformément à l'article 109, comme pouvant être dispensées de la procédure prévue au paragraphe 3 du présent article.

Article 109

(ex-article 89 TCE)

Le Conseil, sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, peut prendre tous règlements utiles en vue de l'application des articles 107 et 108 et fixer notamment les conditions d'application de l'article 108, paragraphe 3, et les catégories d'aides qui sont dispensées de cette procédure.

CHAPITRE 2

DISPOSITIONS FISCALES

Article 110

(ex-article 90 TCE)

Aucun État membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres États membres d'impositions intérieures, de quelque nature qu'elles soient, supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires.

En outre, aucun État membre ne frappe les produits des autres États membres d'impositions intérieures de nature à protéger indirectement d'autres productions.

Article 111

(ex-article 91 TCE)

Les produits exportés vers le territoire d'un des États membres ne peuvent bénéficier d'aucune ristourne d'impositions intérieures supérieure aux impositions dont ils ont été frappés directement ou indirectement.

Article 112

(ex-article 92 TCE)

En ce qui concerne les impositions autres que les taxes sur le chiffre d'affaires, les droits d'accises et les autres impôts indirects, des exonérations et des remboursements à l'exportation vers les autres États membres ne peuvent être opérés, et des taxes de compensation à l'importation en provenance des États membres ne peuvent être établies, que pour autant que les mesures envisagées ont été préalablement approuvées pour une période limitée par le Conseil, sur proposition de la Commission.

Article 113

(ex-article 93 TCE)

Le Conseil, statuant à l'unanimité conformément à une procédure législative spéciale, et après consultation du Parlement européen et du Comité économique et social, arrête les dispositions touchant à l'harmonisation des législations relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, aux droits d'accises et autres impôts indirects dans la mesure où cette harmonisation est nécessaire pour assurer l'établissement et le fonctionnement du marché intérieur et éviter les distorsions de concurrence.

ANNEXE N° 3 : ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPÉENNE SUR LES EFFETS DU STATUT D’ÉTABLISSEMENT PUBLIC INDUSTRIEL ET COMMERCIAL
AU REGARD DES AIDES D’ÉTAT
(ARRÊT DE LA COUR - 3 AVRIL 2014 FRANCE / COMMISSION AFFAIRE C-559/12 P )

Arrêt de la Cour - 3 avril 2014

France / Commission

Affaire C-559/12 P

Texte

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

3 avril 2014 (*)

« Pourvoi – Aide d’État – Aide sous forme d’une garantie implicite illimitée en faveur de La Poste résultant de son statut d’établissement public – Existence de la garantie – Présence de ressources étatiques – Avantage – Charge et niveau de la preuve »

Dans l’affaire C‑559/12 P, ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 3 décembre 2012,

République française, représentée par MM. G. de Bergues, D. Colas et J. Gstalter ainsi que par Mme J. Bousin, en qualité d’agents, partie requérante, l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par MM. B. Stromsky et D. Grespan, en qualité d’agents, partie défenderesse en première instance,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano (rapporteur), président de chambre, MM. A. Borg Barthet, E. Levits, Mme M. Berger et M. S. Rodin, juges,

avocat général : M. N. Jääskinen,

greffier : M. V. Tourrès, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 septembre 2013, ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 21 novembre 2013, rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, la République française demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 20 septembre 2012, France/Commission (T‑154/10, non encore publié au Recueil, ci‑après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui‑ci a rejeté son recours contre la décision 2010/605/UE de la Commission, du 26 janvier 2010, concernant l’aide d’État C 56/07 (ex E 15/05) accordée par la France à La Poste (JO L 274, p. 1, ci‑après la «décision litigieuse»).

 Les antécédents du litige

 Le contexte général

2        En application de la loi française n° 90-568, du 2 juillet 1990, relative à l’organisation du service public de la poste et des télécommunications (JORF du 8 juillet 1990, p. 8069), l’ancienne direction générale de la poste et des télécommunications, qui dépendait jusqu’alors du ministère des Postes et Télécommunications, a été transformée, à compter du 1er janvier 1991, en deux personnes morales autonomes de droit public, à savoir France Télécom et La Poste. Cette loi a expressément autorisé La Poste à développer, à côté de ses missions de service public, certaines activités ouvertes à la concurrence.

3        Conformément à l’article 1er de l’arrêté du 31 décembre 1990 accordant la garantie de l’État aux emprunts obligataires PTT et aux bons d’épargne PTT émis avant le 31 décembre 1990 (JORF du 18 janvier 1991, p. 917), «[l]e service en intérêts, amortissement, primes, commissions, frais et accessoires des emprunts obligataires et des bons d’épargne PTT émis avant le 31 décembre 1990 en vue de concourir au financement des dépenses d’investissement du budget annexe des postes et télécommunications, en application de l’article L. 127 du code des postes et télécommunications […], et transférés à La Poste en application de l’article 22 de la loi du 2 juillet 1990 […], est garanti inconditionnellement par l’ État».

4        En outre, par arrêt du 18 janvier 2001, la Cour de cassation (deuxième chambre civile) a retenu le principe selon lequel La Poste devait être assimilée à un établissement public à caractère industriel et commercial (ci-après l’«EPIC»).

5        En droit administratif français, les EPIC sont des personnes morales de droit public, qui disposent d’une personnalité juridique distincte de l’État et de l’autonomie financière ainsi que de compétences d’attribution spéciales, lesquelles incluent généralement l’exercice d’une ou de plusieurs missions de service public.

6        Le statut des EPIC emporte un certain nombre de conséquences juridiques, à savoir notamment l’inapplicabilité des procédures d’insolvabilité et de faillite de droit commun ainsi que l’applicabilité de la loi n° 80-539, du 16 juillet 1980, relative aux astreintes prononcées en matière administrative et à l’exécution des jugements par les personnes morales de droit public (JORF du 17 juillet 1980, p. 1799).

 La procédure administrative et la décision litigieuse

7        Par décision du 21 décembre 2005, la Commission européenne a approuvé le transfert des activités bancaires et financières de La Poste à sa filiale, La Banque Postale. Dans cette décision, la Commission a précisé que la question de la garantie illimitée de l’État en faveur de La Poste ferait l’objet d’une procédure séparée.

8        Le 21 février 2006, conformément à l’article 17 du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88 CE] (JO L 83, p. 1), la Commission a informé les autorités françaises de ses conclusions préliminaires quant à l’existence d’une garantie illimitée de l’État qui découlerait du statut de La Poste et qui constituerait une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE.

9        Estimant que cette prétendue garantie existait avant le 1er janvier 1958, date d’entrée en vigueur du traité CE en France, la Commission a appliqué les règles de procédure relatives aux aides existantes et a invité la République française, conformément à l’article 18 du règlement n° 659/1999, à supprimer au plus tard le 31 décembre 2008 la garantie dont bénéficiait La Poste.

10      Après examen des précisions fournies par les autorités françaises quant au projet de modification du décret n° 81-501, du 12 mai 1981, pris pour l’application de la loi n° 80-539 (JORF du 14 mai 1981, p. 1406), la Commission a informé celles-ci de sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen. Par la publication de cette décision au Journal officiel de l’Union européenne le 3 juin 2008 (JO C 135, p. 7), la Commission a invité les intéressés à présenter leurs observations sur la mesure litigieuse.

11      Faisant suite à une demande de la Commission, par une note envoyée le 31 juillet 2009, les autorités françaises ont informé celle‑ci que le Conseil des ministres du 29 juillet 2009 avait adopté un projet de loi qui prévoyait la transformation, au 1er janvier 2010, de La Poste en société anonyme, soumise aux procédures de redressement et de liquidation judiciaires de droit commun. Ce projet a abouti à l’adoption de la loi n° 2010-123, du 9 février 2010, relative à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales (JORF du 10 février 2010, p. 2321), qui est entrée en vigueur le 1er mars suivant.

12      Le 27 février 2010, la Commission a notifié aux autorités françaises la décision litigieuse.

13      En premier lieu, après avoir notamment rappelé la teneur de la mesure en cause (considérants 18 à 37 de cette décision), la Commission a constaté l’existence d’une garantie illimitée de l’État français en faveur de La Poste du fait de certaines particularités intrinsèquement liées à son statut d’établissement public (considérants 116 à 255 de ladite décision).

14      À cet égard, la Commission a souligné, tout d’abord, que La Poste n’était pas soumise au droit commun relatif au redressement et à la liquidation d’entreprises en difficulté (considérants 116 à 147 de la décision litigieuse).

15      Ensuite, elle a démontré qu’un créancier de La Poste est assuré de voir sa créance remboursée dans l’hypothèse où cet établissement serait en difficulté financière et ne pourrait pas honorer ses dettes (considérants 148 à 229 de cette décision).

16      Enfin, la Commission a estimé que, même si, après l’utilisation des procédures de recouvrement spécifiques décrites aux considérants 150 à 229 de la décision litigieuse, le créancier d’un EPIC ne parvenait pas à obtenir le règlement de sa créance, il demeurait assuré qu’elle ne disparaîtrait pas. En effet, afin d’assurer la continuité de la mission de service public, les droits et les obligations de La Poste étaient toujours transférés à une personne morale de droit public autre que l’État ou, à défaut, à ce dernier (considérants 230 à 250 de ladite décision).

17      Dans ces conditions, la Commission a affirmé que la garantie illimitée de l’ État dont bénéficiait La Poste induisait un transfert de ressources d’État au sens du point 2.1 de la communication de la Commission sur l’application des articles 87 [CE] et 88 [CE] aux aides d’État sous forme de garanties (JO 2008, C 155, p. 10) (considérant 254 de la décision litigieuse), et était imputable à l’État (considérant 255 de cette décision).

18      En deuxième lieu, la Commission a constaté, d’une part, que les conditions de crédit plus favorables obtenues par La Poste grâce à cette garantie illimitée constituaient un avantage sélectif (considérants 256 à 300 de la décision litigieuse), et cela en tenant également compte d’un certain nombre d’analyses et de méthodologies des agences de notation desquelles il ressortait que cette garantie, en tant qu’élément essentiel du soutien de l’ État en faveur de La Poste, influençait de manière positive sa notation financière et, partant, les conditions de crédit qu’elle était en mesure d’obtenir (considérants 258 à 293 de la décision litigieuse). D’autre part, la Commission a considéré que la mesure examinée était susceptible de fausser la concurrence et d’affecter les échanges entre États membres (considérant 301 de cette décision).

19      Par la suite, la Commission a conclu que la garantie en objet constituait une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (considérant 302 de la décision litigieuse) et que, même amendée dans le sens suggéré par les autorités françaises, elle ne remplissait aucune des conditions pour pouvoir être déclarée compatible avec le marché intérieur (considérants 303 à 315 de ladite décision).

20      En conséquence, la Commission a décidé, aux termes de l’article 1er de la décision litigieuse, que «la garantie illimitée octroyée par la France à La Poste constitue une aide d’État incompatible avec le marché intérieur [, et que la] France supprime cette aide au plus tard le 31 mars 2010».

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

21      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 avril 2010, la République française a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse, à l’appui duquel elle a soulevé trois moyens.

22      Après avoir rejeté, aux points 35 à 48 de l’arrêt attaqué, l’exception d’irrecevabilité de ce recours, selon laquelle la décision litigieuse ne ferait pas grief, quant au fond, le Tribunal a relevé, au point 53 dudit arrêt, que les trois moyens invoqués se rattachaient, en substance, à la détermination de l’existence d’un avantage. Ainsi, aux points 54 à 57 de cet arrêt, il a déclaré irrecevable du fait de sa tardiveté l’argument pris d’une méconnaissance de la condition relative au transfert de ressources d’État, estimant qu’il s’agissait d’un moyen nouveau, invoqué au stade de la réplique.

23      Ainsi, aux points 61 à 103 de l’arrêt attaqué, il a tout d’abord écarté le deuxième moyen, tiré d’erreurs de fait et de droit commises par la Commission en ce qu’elle avait estimé que les EPIC bénéficiaient en droit français, du fait de leur statut, d’une garantie d’État implicite et illimitée.

24      Ensuite, aux points 104 à 117 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné le troisième moyen, relatif à la violation de la notion d’avantage, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, qui est divisé en deux branches.

25      Aux points 105 à 112 de cet arrêt, le Tribunal a rejeté la première branche de ce moyen, tirée de l’erreur commise par la Commission en ce qu’elle avait conclu, en se référant également aux prises de position des agences de notation, que l’existence d’une garantie d’État était de nature à créer un avantage au profit de La Poste. Aux points 113 à 116 dudit arrêt, il a écarté la seconde branche dudit moyen, prise de ce que la Commission avait erronément conclu que la prétendue garantie d’État était susceptible de procurer un avantage à La Poste en raison de l’influence positive qu’elle exerçait sur sa notation financière.

26      Enfin, aux points 118 à 125 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté comme non fondé le premier moyen, concernant la prétendue erreur de droit commise par la Commission quant à la charge et au niveau de la preuve qui lui incombe dans le domaine des aides d’État, tant dans le cadre de la démonstration de l’existence d’une garantie implicite de l’État en faveur de La Poste que dans celui de l’examen de l’existence d’un avantage.

27      À cet égard, premièrement, au point 120 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que «la nature des éléments de preuve devant être apportés par la Commission est, dans une large mesure, tributaire de la nature de la mesure étatique envisagée» et que la preuve de l’existence d’une garantie étatique de nature implicite «peut être déduite d’un faisceau d’éléments convergents, dotés d’une certaine fiabilité et cohérence, pris notamment d’une interprétation des dispositions de droit national pertinentes, et, en particulier, être inférée des effets juridiques qu’implique le statut légal de l’entreprise bénéficiaire».

28      De ce fait, au point 121 de cet arrêt, il a relevé que la Commission avait «examiné positivement l’existence d’une garantie illimitée de l’État en faveur de La Poste», en tenant compte de plusieurs éléments concordants, qui constituaient une base suffisante en vue d’établir que La Poste bénéficiait, du fait de son statut d’EPIC, d’une telle garantie.

29      Deuxièmement, au point 123 dudit arrêt, le Tribunal a estimé que la Commission avait fourni suffisamment d’éléments en vue d’établir que cette garantie était constitutive d’un avantage, étant donné qu’elle n’était pas tenue, s’agissant d’aides déjà accordées, de procéder à la démonstration des effets réels de la mesure litigieuse. Il a également précisé qu’il n’y avait pas lieu, à cet égard, d’opérer une quelconque distinction entre les aides existantes et les aides illégales.

30      Au soutien de ladite analyse, le Tribunal a jugé, au point 124 de l’arrêt attaqué, que «l’effet réel de l’avantage que procure une garantie d’État peut être présumé» et qu’une «telle garantie offre à l’emprunteur une possibilité de bénéficier de taux d’intérêt plus bas ou de fournir une sûreté moins élevée».

31      Eu égard à l’ensemble de ces considérations, le Tribunal a rejeté le recours dans son ensemble.

 Les conclusions des parties

32      Par son pourvoi, la République française demande à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué ;

–        de statuer elle-même définitivement sur le litige en annulant la décision litigieuse ou de renvoyer l’affaire devant le Tribunal ;

–        de condamner la Commission aux dépens.

33      La Commission demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi comme partiellement irrecevable et partiellement non fondé ;

–        de condamner la République française aux dépens de l’instance.

 Sur le pourvoi

34      À l’appui de son pourvoi, la République française soulève quatre moyens.

 Sur le premier moyen

 Argumentation des parties

35      Par son premier moyen, la République française fait valoir que le Tribunal a violé les articles 44, paragraphe 1, sous c), et 48, paragraphe 2, de son règlement de procédure, en ce qu’il a considéré, aux points 53 à 57 de l’arrêt attaqué, que tous les moyens soulevés à l’appui du recours en annulation se rattachaient à la détermination de l’existence d’un avantage et que, par conséquent, l’argument tiré d’une méconnaissance de la condition relative au transfert de ressources d’État était irrecevable, dans la mesure où il constituait un moyen nouveau introduit en cours d’instance.

36      À cet égard, elle fait valoir que, comme il ressort clairement de la partie 4.1.1 de la décision litigieuse, intitulée «Existence d’une garantie illimitée de l’État : présence de ressources étatiques», ainsi que des considérants 161, 166, 183 et 254 de cette même décision, la question de savoir s’il existait une garantie de l’État était indissociable de la condition relative au transfert de ressources étatiques. Il s’ensuit que, en contestant l’existence d’une garantie illimitée en faveur des EPIC dans sa requête devant le Tribunal, elle aurait nécessairement contesté l’existence d’un transfert de ressources d’État.

37      La Commission rétorque qu’il ressort de la lecture conjointe du point 57 de l’ arrêt attaqué et du procès-verbal de l’audience devant le Tribunal que la requête en annulation ne contenait aucun moyen autonome relatif à l’absence de transfert «de ressources d’ État». En tout état de cause, elle relève que le Tribunal a bien contrôlé que la garantie en cause mobilisait ou engageait des ressources d’État.

 Appréciation de la Cour

38      Il convient de relever à titre liminaire que, conformément à l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués constituent deux indications essentielles devant figurer dans la requête introductive d’instance. En outre, en vertu de l’article 48, paragraphe 2, dudit règlement de procédure, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

39      Il importe également de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les indications de l’objet du litige et de l’exposé sommaire des moyens contenues dans toute requête introductive d’instance doivent être suffisamment claires et précises pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au juge de l’Union d’exercer son contrôle. De même, les conclusions d’une telle requête doivent être formulées de manière non équivoque afin d’éviter que ce juge ne statue ultra petita ou bien n’omette de statuer sur un grief (voir, en ce sens, arrêts du 20 novembre 2008, Commission/Irlande, C-66/06, points 30 et 31 ; du 12 février 2009, Commission/Pologne, C‑475/07, point 43, ainsi que ordonnance du 7 mai 2013, TME/Commission, C-418/12 P, point 33).

40      Or, en l’occurrence, si la requête introductive d’instance ne contenait pas de moyen visant à mettre formellement en cause la condition tenant à l’existence d’un transfert de ressources d’État, il n’en demeure pas moins que les éléments essentiels sur lesquels se fondait l’argument pris d’une méconnaissance par la Commission d’une telle condition ainsi que l’exposé sommaire de cet argument ressortaient d’une façon cohérente et compréhensible des termes mêmes de cette requête.

41      En effet, la lecture des points 110 à 123 et 181 de celle‑ci, inclus dans le moyen tiré des erreurs concernant l’existence d’une garantie illimitée de l’État en faveur de La Poste, révèle clairement que la République française avait déjà contesté, à ce stade du contentieux, l’existence d’un transfert de ressources d’État.

42      Ainsi, d’une part, la République française avait affirmé, aux points 119 et 123 de la requête introductive d’instance, que l’application de la loi n° 80-539 «n’implique pas que l’ État engage ses propres ressources au soutien» d’un établissement public défaillant, car cette loi « n’entraîne aucune obligation pour l’État de garantir les dettes » de cet établissement. D’autre part, au point 181 de cette même requête, contrairement à ce que relève la Commission, elle avait expressément critiqué le point 254 de la décision litigieuse, en soutenant qu’« une garantie sur l’absence de disparition d’une créance ne saurait constituer une garantie de son remboursement et induire un transfert de ressources d’État ».

43      La manière dont ladite requête a été structurée constituait une conséquence directe de la structure de la décision litigieuse qui reflétait à son tour la spécificité de la mesure étatique analysée. Il est par ailleurs constant que cette décision, dans sa partie 4.1.1, était intitulée «Existence d’une garantie illimitée de l’État : présence de ressources étatiques», et que plusieurs de ses considérants, notamment les considérants 161, 165, 174 à 179, 188 et 254, abordaient la question de savoir s’il existait effectivement une garantie implicite de l’État en faveur de La Poste à travers l’examen de l’existence en droit français d’une obligation, directe ou indirecte, pour l’État d’engager ses propres ressources pour couvrir les pertes d’un EPIC défaillant.

44      Dès lors, contrairement à ce que le Tribunal a affirmé aux points 53 à 56 de l’arrêt attaqué, les moyens soulevés dans la requête introductive d’instance à l’appui du recours en annulation ne se rattachaient pas seulement à la détermination de l’existence d’un avantage et l’argumentation concernant le transfert de ressources d’État ne constituait pas un moyen nouveau invoqué au stade de la réplique.

45      Il importe néanmoins de constater que, comme le relève également la Commission dans ses observations écrites, la qualification erronée de moyen nouveau ne saurait entraîner l’annulation de l’arrêt attaqué.

46      En effet, il convient de relever que, dans le cadre de la réponse apportée au deuxième moyen de ladite requête, notamment aux points 85 à 87 et 92 à 98 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a en tout état de cause procédé à une pleine et complète vérification du bien‑fondé de l’argument soulevé par la République française, pris d’une méconnaissance de la condition relative au transfert de ressources d’État.

47      Eu égard à ces considérations, le premier moyen doit dès lors être déclaré inopérant.

 Sur les arguments, invoqués à titre principal, du deuxième moyen

 Argumentation des parties

48      Par les arguments invoqués à titre principal dans le cadre du deuxième moyen, la République française fait valoir que le Tribunal, en jugeant que la Commission avait établi à suffisance de droit l’existence d’une garantie de l’État, a violé les règles gouvernant la charge et le niveau de la preuve.

49      En premier lieu, elle estime que le Tribunal a confirmé de manière erronée, au point 121 de l’arrêt attaqué, le raisonnement global suivi par la Commission dans la décision litigieuse. En effet, cette institution aurait appliqué plusieurs présomptions négatives et renversé la charge de la preuve, en considérant qu’il incombait aux autorités françaises de démontrer l’absence de garantie au profit de La Poste, au motif que cet EPIC n’était pas soumis au droit commun du redressement et de la liquidation des entreprises en difficulté.

50      En deuxième lieu, la requérante soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit lorsqu’il a jugé, aux points 73 et 74 de l’arrêt attaqué, que la Commission pouvait user de présomptions et renverser la charge de la preuve, aux considérants 126 et 131 de la décision litigieuse. Il ressortirait de ces considérants qu’elle a présumé qu’une garantie avait été accordée à La Poste avant de déterminer si cette même garantie avait ou non été rendue caduque par l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2005, de la loi organique du 1er août 2001 relative à la loi de finances.

51      En troisième lieu, la République française relève que, au point 119 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a erronément appliqué les principes gouvernant la charge et le niveau de la preuve dégagés par l’arrêt du 17 septembre 2009, Commission/MTU Friedrichshafen (C‑520/07 P, Rec. p. I-8555). En effet, ces principes ne viseraient que les décisions adoptées par la Commission, au sens de l’article 13, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999, sur la base des renseignements disponibles, dans les hypothèses où un État membre omettrait de se conformer à une injonction de fournir des informations.

52      En quatrième lieu, la requérante considère que le Tribunal, au point 120 de l’ arrêt attaqué, a jugé à tort que la nature implicite de la garantie étatique accordée à La Poste, en sa qualité d’EPIC, pouvait se traduire par une moindre exigence en matière de preuve et ne nécessitait pas une démonstration positive fondée sur des éléments objectifs et concordants permettant de prouver de façon certaine que l’État serait juridiquement tenu de rembourser un créancier en cas de défaillance d’un EPIC.

53      La Commission fait valoir le caractère irrecevable des allégations relatives à la prétendue utilisation de présomptions négatives ou de suppositions, en ce qu’elles n’identifient aucune erreur de droit commise par le Tribunal, mais constituent la réitération des arguments soulevés en première instance. En tout état de cause, elle soutient que ces allégations sont dépourvues de fondement.

 Appréciation de la Cour

54      Par les arguments invoqués à titre principal dans le cadre du deuxième moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir, d’une part, considéré que la Commission pouvait renverser la charge de la preuve de l’existence de la garantie au motif que La Poste n’était pas soumise au droit commun relatif au redressement et à la liquidation des entreprises en difficulté et, d’autre part, méconnu les règles relatives au niveau de la preuve nécessaire dans la démonstration de l’existence d’une telle garantie.

55      Il convient de constater que ces allégations procèdent d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué.

56      En effet, en premier lieu, il convient de relever que, au point 121 de cet arrêt, le Tribunal a expressément reconnu que la Commission avait « examiné positivement l’ existence d’une garantie illimitée de l’État en faveur de La Poste », car elle avait pris en compte plusieurs éléments concordants – rappelés en détail au même point dudit arrêt – «qui constituaient une base suffisante en vue d’établir que La Poste bénéficiait, du fait de son statut d’EPIC, d’une garantie implicite et illimitée de l’État», et parmi lesquels l’exclusion des procédures de faillite ou d’insolvabilité pour La Poste ne représentait que le point de départ d’une analyse complète et plus étendue du système juridique national concerné.

57      Il ressort ainsi de ce point que le Tribunal n’a validé, en principe, aucun usage de présomptions négatives et renversement de la charge de la preuve de la part de la Commission.

58      En deuxième lieu, l’argumentation relative aux erreurs qu’aurait commises le Tribunal aux points 73 et 74 de l’arrêt attaqué, en ce qu’il aurait confirmé le raisonnement par présomption et le renversement de la charge de la preuve opérés par la Commission aux considérants 126 et 131 de la décision litigieuse, s’avère elle aussi dépourvue de fondement.

59      En effet, dans ces considérants, la Commission s’est bornée à rejeter certains arguments soulevés par la République française quant au fait de savoir si la garantie implicite en question, à supposer qu’elle existe, avait été rendue caduque par l’entrée en vigueur de la loi organique du 1er août 2001 relative à la loi de finances. La supposition préalable de l’existence de cette garantie, qui figure dans la décision litigieuse, n’est que la reprise par la Commission du raisonnement de la requérante. Par conséquent, lorsqu’il a confirmé, aux points 73 et 74 de l’arrêt attaqué, le bien‑fondé des appréciations développées par la Commission auxdits considérants, le Tribunal n’a manifestement pas approuvé le recours à des présomptions négatives ou le renversement de la charge de la preuve quant à la démonstration de l’existence d’une garantie implicite et illimitée de l’État en faveur de La Poste.

60      En troisième lieu, il convient également de rejeter l’argument selon lequel, au point 119 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait erronément interprété l’arrêt Commission/MTU Friedrichshafen, précité, car celui‑ci concernerait l’adoption par la Commission d’une décision finale en matière d’aides d’État sur le fondement de renseignements incomplets ou fragmentaires, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

61      En effet, d’une part, le Tribunal a cité cet arrêt aux seules fins de répondre à une argumentation de la requérante, qui s’appuyait sur celui‑ci pour affirmer que la Commission était toujours tenue de rapporter une preuve positive de l’existence d’une aide.

62      D’autre part, tout en rappelant une telle jurisprudence non pertinente en l’espèce, le Tribunal a en tout cas estimé à bon droit, au point 119 de l’arrêt attaqué, que la Commission «ne saurait supposer qu’une entreprise a bénéficié d’un avantage constitutif d’une aide d’État en se fondant simplement sur une présomption négative, reposant sur l’absence d’informations permettant d’aboutir à la conclusion contraire, en l’absence d’autres éléments de nature à établir positivement l’existence d’un tel avantage».

63      Une telle appréciation est conforme à la jurisprudence de la Cour relative aux principes en matière d’administration de la preuve dans le secteur des aides d’État, selon laquelle la Commission est tenue de conduire la procédure d’examen des mesures incriminées de manière diligente et impartiale, afin qu’elle dispose, lors de l’adoption d’une décision finale établissant l’existence et, le cas échéant, l’incompatibilité ou l’illégalité de l’aide, des éléments les plus complets et fiables possibles pour ce faire (voir, en ce sens, arrêt du 2 septembre 2010, Commission/Scott, C-290/07 P, Rec. p. I‑7763, point 90).

64      En quatrième et dernier lieu, il importe de constater que le Tribunal n’a pas non plus méconnu les règles relatives au niveau de la preuve nécessaire pour démontrer l’existence d’une garantie implicite et illimitée de l’État en faveur d’un établissement public tel que l’EPIC, et pour établir ainsi que la condition relative à la présence de ressources étatiques était remplie en l’espèce.

65      En effet, comme l’a souligné M. l’avocat général aux points 35 et 36 de ses conclusions, afin de prouver l’existence d’une telle garantie, ne résultant expressément d’aucun texte législatif ou contractuel, il est loisible à la Commission de se fonder sur la méthode du faisceau d’indices sérieux, précis et concordants, pour vérifier s’il existe, en droit interne, une véritable obligation pour l’État d’engager ses propres ressources aux fins de couvrir les pertes d’un EPIC défaillant et donc, conformément à la jurisprudence constante, un risque économique suffisamment concret de charges grevant le budget étatique (voir arrêt du 19 mars 2013, Bouygues et Bouygues Télécom/Commission e.a. et Commission/France e.a., C‑399/10 P et C-401/10 P, non encore publié au Recueil, point 106 ainsi que jurisprudence citée).

66      Il en découle que le Tribunal a affirmé à bon droit, au point 120 de l’arrêt attaqué, que, d’une part, «la nature des éléments de preuve devant être apportés par la Commission est, dans une large mesure, tributaire de la nature de la mesure étatique envisagée» et, d’autre part, l’existence d’une garantie implicite de l’État «peut être déduite d’un faisceau d’éléments convergents, dotés d’une certaine fiabilité et cohérence, pris notamment d’une interprétation des dispositions de droit national pertinentes».

67      Eu égard à ces considérations, il convient de rejeter l’ensemble des arguments invoqués à titre principal dans le deuxième moyen.

 Sur les arguments, invoqués à titre subsidiaire, du deuxième moyen et sur le troisième moyen

 Argumentation des parties

68      Par les arguments invoqués à titre subsidiaire dans le cadre du deuxième moyen et par son troisième moyen, la République française soutient que le Tribunal a dénaturé les éléments de preuve, notamment tirés du droit français, avancés par la Commission et rappelés au point 121 de l’arrêt attaqué, en ce qu’il a considéré que ces derniers démontraient l’existence d’une garantie illimitée de l’État en faveur de La Poste.

69      Le troisième moyen se compose de quatre branches.

70      Par la première branche de ce moyen, la requérante soutient que, aux points 69 à 77 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a dénaturé la jurisprudence du Conseil constitutionnel (décision n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001) et du Conseil d’État (arrêt du 1er avril 1938, Société de l’Hôtel d’Albe, Recueil des décisions du Conseil d’État, p. 341, et avis du 8 septembre 2005, n° 371558), ainsi que la note du Conseil d’État de 1995 et la note du ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie du 22 juillet 2003, lorsqu’il a considéré que la Commission avait conclu à juste titre que le droit français n’excluait pas la possibilité pour l’État de conférer une garantie implicite aux EPIC.

71      La République française estime, par la deuxième branche dudit moyen, que le Tribunal a dénaturé, aux points 84 à 87 de l’arrêt attaqué, le droit français lorsqu’il a approuvé les conclusions de la Commission relatives aux conséquences découlant de l’application de la loi n° 80‑539.

72      La troisième branche du même moyen est tirée de la dénaturation du droit français qui aurait été commise par le Tribunal, aux points 92 à 99 de l’arrêt attaqué, lorsqu’il a jugé que la Commission avait pu, à bon droit, assimiler les conditions d’engagement de la responsabilité de l’État à un mécanisme de garantie, sur le fondement de l’arrêt du Conseil d’ État du 18 novembre 2005, Société fermière de Campoloro et autre (Recueil des décisions du Conseil d’État, p. 515), de la note du Conseil d’État de 1995, ainsi que de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme Société de gestion du port de Campoloro et Société fermière de Campoloro c. France du 26 septembre 2006 (requête n° 57516/00, ci‑après l’«arrêt Campoloro»).

73      En outre, quant à l’applicabilité au cas d’espèce des principes dégagés par cet arrêt, le Tribunal aurait également méconnu son obligation de motivation, notamment au point 99 de l’arrêt attaqué.

74      Par la quatrième branche du troisième moyen, enfin, la République française reproche au Tribunal d’avoir considéré, au point 102 dudit arrêt, que le transfert des droits et des obligations rattachés à une mission de service public implique, en principe, le transfert des droits et des obligations de l’établissement chargé de ladite mission.

75      À titre subsidiaire, la requérante invoque une erreur de qualification juridique des faits commise par le Tribunal, lorsqu’il a considéré que le droit français accordait une garantie implicite et illimitée à La Poste.

76      La Commission considère que les arguments invoqués dans la seconde partie du deuxième moyen et dans le troisième moyen sont irrecevables, cas ils n’identifient aucune dénaturation des éléments de preuve ou erreur de qualification juridique des faits, le gouvernement français se limitant à remettre en cause l’appréciation du droit français effectuée par le Tribunal.

 Appréciation de la Cour

77      Les arguments invoqués à titre subsidiaire dans le cadre du deuxième moyen et ceux du troisième moyen, en substance correspondants, sont tirés, d’une part, de la dénaturation ou de l’erreur de qualification juridique du droit français commise par le Tribunal et, d’autre part, du défaut de motivation affectant l’interprétation du Tribunal de l’arrêt Campoloro.

78      S’agissant, en premier lieu, des arguments relatifs aux erreurs dans l’analyse du droit français, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, lorsque le Tribunal a constaté ou apprécié les faits, la Cour est seule compétente pour exercer, en vertu de l’article 256 TFUE, un contrôle sur la qualification juridique de ceux‑ci et les conséquences de droit qui en ont été tirées. L’appréciation des faits ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (voir, notamment, arrêts du 6 avril 2006, General Motors/Commission, C‑551/03 P, Rec. p. I‑3173, points 51 et 52, ainsi que du 29 mars 2011, ThyssenKrupp Nirosta/Commission, C‑352/09 P, Rec. p. I-2359, points 179 et 180).

79      Ainsi, pour ce qui est de l’examen, dans le cadre d’un pourvoi, des appréciations du Tribunal à l’égard du droit national, la Cour n’est compétente que pour vérifier s’il y a eu une dénaturation de ce droit (arrêts du 24 octobre 2002, Aéroports de Paris/Commission, C‑82/01 P, Rec. p. I‑9297, point 63, et du 21 décembre 2011, A2A/Commission, C‑318/09 P, point 125).

80      À cet égard, il importe néanmoins de relever qu’une dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (arrêts du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, Rec. p. I‑10515, point 98 ; du 10 février 2011, Activision Blizzard Germany/Commission, C‑260/09 P, Rec. p. I‑419, point 53, ainsi que A2A/Commission, précité, point 105).

81      Or, en l’occurrence, la République française n’a pas fait valoir une telle dénaturation, dans la mesure où elle n’a pas démontré que le Tribunal s’était livré à des constatations allant de façon manifeste à l’encontre du contenu des dispositions du droit français en cause ou bien a attribué à l’une d’entre elles une portée qui ne lui revient manifestement pas par rapport aux autres éléments du dossier.

82      Au contraire, par les arguments exposés aux points 68 à 74 du présent arrêt, la République française s’est bornée à critiquer en réalité l’appréciation par le Tribunal des éléments de preuve que constituent les dispositions du droit français en cause ou la jurisprudence nationale y afférente, déjà analysés en détail aux points 62 à 99 de l’arrêt attaqué et rappelés au point 121 dudit arrêt.

83      De même, quant à l’erreur de qualification juridique des faits reprochée à titre subsidiaire dans le troisième moyen, il suffit de relever que, par cet argument, la République française n’a effectivement pas contesté les conséquences tirées d’une qualification erronée de la nature juridique des dispositions du droit français en cause, s’étant simplement limitée à remettre en cause l’appréciation de ces mêmes dispositions accomplie par le Tribunal.

84      Dans ces conditions, l’ensemble de ces arguments invoqués, à titre subsidiaire, dans le cadre du deuxième moyen et dans le cadre du troisième moyen doivent être écartés comme irrecevables.

85      S’agissant, en second lieu, de l’argument relatif au défaut de motivation du point 99 de l’arrêt attaqué par rapport à l’allégation relative à la portée de l’arrêt Campoloro aux fins de conclure à l’existence d’une garantie de l’État en faveur de La Poste, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre d’un pourvoi, le contrôle de la Cour a pour objet, notamment, de vérifier si le Tribunal a répondu à suffisance de droit à l’ensemble des arguments invoqués par le requérant (arrêt du 2 avril 2009, France Télécom/Commission, C‑202/07 P, Rec. p. I‑2369, point 41 et jurisprudence citée).

86      Néanmoins, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motiver les arrêts, qui incombe au Tribunal en vertu des articles 36 et 53, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, n’impose pas à celui‑ci de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties au litige. La motivation peut donc être implicite, à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les motifs sur lesquels le Tribunal se fonde et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle dans le cadre d’un pourvoi (arrêt A2A/Commission, précité, point 97 et jurisprudence citée).

87      En l’occurrence, il y a lieu de relever que, au point 99 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a simplement rappelé à titre récapitulatif l’allégation de la requérante concernant la valeur probatoire de l’arrêt Campoloro, à laquelle avait pourtant déjà été fournie une réponse claire, explicite et exhaustive aux points 93, 94 et 97 dudit arrêt, dans l’analyse des passages de la décision litigieuse ayant assimilé les possibilités d’engagement de la responsabilité de l’ État en cas de défaillance d’un EPIC à un mécanisme de garantie automatique et illimitée du passif de ce dernier.

88      De ce fait, la motivation relative à cette allégation étant de nature à permettre tant à la République française de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal l’a rejetée qu’à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle, il y a lieu d’écarter comme non fondé l’argument relatif à la méconnaissance par le Tribunal de son obligation de motivation.

89      Il s’ensuit que les arguments invoqués à titre subsidiaire dans le cadre du deuxième moyen et ceux du troisième moyen doivent être rejetés dans leur ensemble comme étant, en partie, irrecevables et, en partie, non fondés.

 Sur le quatrième moyen

 Argumentation des parties

90      Par le quatrième moyen, la République française fait valoir, à titre principal, que le Tribunal, lorsqu’il a en substance considéré, aux points 106 et 108 ainsi que 123 et 124 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait établi à suffisance de droit l’existence d’un avantage découlant de la garantie d’État accordée à La Poste, a méconnu les règles gouvernant la charge et le niveau de la preuve en la matière et, partant, a commis une erreur de droit. En effet, contrairement à ce qu’il ressort desdits points, la Commission serait tenue de démontrer les effets non pas potentiels mais réels d’une aide existante, et en tout cas ne saurait présumer aucun type d’effet.

91      À titre subsidiaire, la République française soutient que le Tribunal a dénaturé les éléments de preuve qui lui étaient soumis lorsqu’il a considéré, d’une part, au point 110 de l’arrêt attaqué, que la Commission était en droit de se référer aux méthodes des agences de notation pour confirmer et non pas pour démontrer l’existence d’un avantage. Il en irait de même, d’autre part, lorsqu’il a jugé, aux points 111, 116 et 123 dudit arrêt, que la Commission avait ainsi fourni suffisamment d’éléments permettant d’établir que la garantie accordée à La Poste était constitutive d’un avantage, rejetant en outre les arguments du gouvernement français selon lesquels les agences de notation n’étaient pas «sensibles» au statut légal de La Poste.

92      La Commission considère ce moyen comme étant non fondé, en ce qu’il conteste l’analyse du Tribunal relative à la nature des effets que la Commission est tenue de démontrer s’agissant des aides existantes, et irrecevable, dans la partie relative à la dénaturation, car celle‑ci constitue en réalité une simple demande de réappréciation des éléments de preuve.

 Appréciation de la Cour

93      Par son quatrième moyen, la République française reproche au Tribunal, à titre principal, d’avoir commis une erreur de droit en jugeant que la Commission avait établi à suffisance de droit l’existence d’un avantage découlant de la prétendue garantie d’État accordée à La Poste et, à titre subsidiaire, une dénaturation des éléments de preuve.

94      À cet égard, il y a lieu de rappeler que la notion d’aide comprend non seulement des prestations positives, mais également les interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui normalement grèvent le budget d’une entreprise et qui, par là, sans être des subventions au sens strict du mot, sont de même nature et ont des effets identiques (arrêt Bouygues et Bouygues Télécom/Commission e.a. et Commission/France e.a., précité, point 101 ainsi que jurisprudence citée). Sont ainsi considérées comme des aides toutes les interventions d’État qui, sous quelque forme que ce soit, sont susceptibles de favoriser directement ou indirectement des entreprises ou qui sont à considérer comme un avantage économique que l’entreprise bénéficiaire n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché (arrêts du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C‑280/00, Rec. p. I‑7747, point 84, ainsi que du 8 septembre 2011, Commission/Pays-Bas, C-279/08 P, Rec. p. I‑7671, point 87).

95      Or, les interventions étatiques prenant des formes diverses et devant être analysées en fonction de leurs effets, il ne saurait être exclu qu’une garantie d’État consente elle-même des avantages qui peuvent impliquer une charge supplémentaire pour l’État (voir arrêts du 1er décembre 1998, Ecotrade, C‑200/97, Rec. p. I‑7907, point 43, ainsi que Bouygues et Bouygues Télécom/Commission e.a. et Commission/France e.a., précité, point 107).

96      En effet, comme il a déjà été jugé par la Cour, un emprunteur qui a souscrit un prêt garanti par les autorités publiques d’un État membre obtient normalement un avantage, dans la mesure où le coût financier qu’il supporte est inférieur à celui qu’il aurait supporté s’il avait dû se procurer ce même financement et cette même garantie aux prix du marché (voir arrêt du 8 décembre 2011, Residex Capital IV, C‑275/10, Rec. p. I‑13043, point 39).

97      Dans cette perspective, au demeurant, la communication de la Commission sur l’application des articles 87 [CE] et 88 [CE] aux aides d’État sous forme de garanties relève expressément, à ses points 1.2, 2.1 et 2.2, qu’une garantie illimitée de l’État en faveur d’une entreprise dont la forme juridique exclut la possibilité d’une procédure de faillite ou d’insolvabilité procure un avantage immédiat à cette entreprise et constitue une aide d’État, en ce qu’elle est octroyée sans que le bénéficiaire de celle-ci paie la prime appropriée à la prise de risque supportée par l’État et permet aussi « d’obtenir un prêt à des conditions financières plus avantageuses que celles qui sont normalement consenties sur les marchés financiers ».

98      Il ressort dès lors de ces considérations que, comme il a été souligné par M. l’avocat général au point 58 de ses conclusions, il existe une présomption simple selon laquelle l’octroi d’une garantie implicite et illimitée de l’État en faveur d’une entreprise qui n’est pas soumise aux procédures ordinaires de redressement et de liquidation a pour conséquence une amélioration de sa position financière par un allégement des charges qui, normalement, grèvent son budget.

99      Par conséquent, dans le cadre de la procédure relative aux régimes d’aides existantes, pour prouver l’avantage procuré par une telle garantie à l’entreprise bénéficiaire, il suffit à la Commission d’établir l’existence même de cette garantie, sans devoir démontrer les effets réels produits par celle‑ci à partir du moment de son octroi.

100    Eu égard à ces principes, il y a lieu de constater que sont dépourvus de fondement tous les arguments soulevés par la République française dans le quatrième moyen.

101    En premier lieu, il convient d’écarter les arguments invoqués à titre principal, relatifs à la méconnaissance des règles gouvernant la charge et le niveau de la preuve quant à la démonstration de l’existence de l’avantage découlant d’une garantie implicite et illimitée de l’État.

102    À cet égard, il importe de relever que le Tribunal a considéré que la Commission n’avait pas erronément établi l’existence d’un tel avantage, en statuant à bon droit, aux points 106 et 108 de l’arrêt attaqué, qu’une telle garantie «est, de manière générale, de nature à conférer un avantage», car elle est octroyée sans contrepartie et permet à son bénéficiaire d’obtenir des conditions de crédit plus favorables que celles qu’il aurait obtenues du fait de ses seuls mérites, réduisant ainsi la pression qui pèse sur son budget.

103    Certes, à la lumière de ces constatations, il est vrai que, comme le relève la requérante, le Tribunal a adopté une motivation contradictoire et insuffisante lorsqu’il a jugé, d’une part, au point 123 de l’arrêt attaqué, que les effets réels des aides existantes ne doivent pas être démontrés, sur le fondement d’une jurisprudence de la Cour qui n’était pas pertinente, et affirmé, d’autre part, au point 124 dudit arrêt, que, « par ailleurs, l’effet réel de l’avantage que procure une garantie d’État peut être présumé ».

104    Toutefois, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 69 de ses conclusions, une telle erreur ne saurait invalider l’arrêt attaqué. En effet, auxdits points 123 et 124, le Tribunal a conclu à bon droit que la Commission avait respecté la charge et le niveau de la preuve qui lui incombe pour établir si une garantie implicite et illimitée de l’État est constitutive d’un avantage, précisant qu’une telle garantie offre à l’emprunteur la possibilité «de bénéficier de taux d’intérêt plus bas ou de fournir une sûreté moins élevée».

105    En second lieu, il convient de rejeter également les arguments invoqués à titre subsidiaire, tirés de la dénaturation des éléments de preuve exposés au point 91 du présent arrêt.

106    À cet égard, il y a lieu d’emblée de constater que, la République française n’ayant allégué en réalité aucune dénaturation des éléments de preuve, ces arguments sont recevables dans la seule mesure où ils sont invoqués au soutien de l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal lorsqu’il a validé l’analyse purement confirmative des méthodes des agences de notation accomplie par la Commission.

107    Il convient néanmoins de relever que, comme il a été souligné par M. l’avocat général au point 62 de ses conclusions, eu égard au constat découlant des points 98 et 99 du présent arrêt selon lequel l’existence de l’avantage qu’une garantie implicite et illimitée de l’État confère à son bénéficiaire peut être présumée, il est loisible à la Commission de recourir aux données fournies par les agences de notation aux seules fins de confirmer une telle existence.

108    Dans ces conditions, c’est à bon droit que, au point 110 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a reconnu la pertinence de la référence faite dans la décision litigieuse aux méthodes de notation de ces agences.

109    Par conséquent, il y a lieu d’écarter tous les arguments soulevés dans le cadre du quatrième moyen.

110    Il résulte, dès lors, des considérations qui précèdent qu’il convient de rejeter le pourvoi dans son ensemble.

 Sur les dépens

111    En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu du paragraphe 1 dudit article 184 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République française et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      La République française est condamnée aux dépens.

ANNEXE N°4 : RAPPORT DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU CONSEIL, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ DES RÉGIONS


INTRODUCTION - LA POLITIQUE DE CONCURRENCE DE L’UE : UN INSTRUMENT POUR RENOUER AVEC LA COMPÉTITIVITÉ EN EUROPE

En 2013, des signes encourageants de reprise économique ont été enregistrés en Europe. Les mesures prises par les pouvoirs publics au niveau de l’UE ont contribué à amorcer un rétablissement de la confiance et à créer les fondements nécessaires à un retour de la croissance. Il convient toutefois de ne pas relâcher ses efforts. Si l’UE veut laisser les retombées de la crise derrière elle et relancer l’économie européenne, il lui faut prendre des mesures plus ambitieuses. L’Europe a besoin d’ajustements structurels, d’une affectation rationnelle des ressources et d’une croissance de la productivité. Une croissance intelligente, durable et inclusive reste au cœur du programme d’action de l’Europe pour la décennie. Pour atteindre cet objectif, il est primordial de donner un coup de fouet à la compétitivité dans l’ensemble de l’Union.

La compétitivité est une notion composite et multidimensionnelle. Le rapport mondial sur la compétitivité du Forum économique mondial la définit comme «l’ensemble des institutions, des politiques et des facteurs qui déterminent le niveau de productivité d’un pays»39. Le rapport sur la compétitivité européenne de la Commission européenne indique que la compétitivité puise ses racines dans les mécanismes institutionnels et de politique microéconomique qui créent les conditions permettant aux entreprises d’émerger et de prospérer, et à la créativité et aux efforts individuels d’être récompensés40. Les instruments de la politique de concurrence correspondent pleinement à ces descriptions.

L’étude publiée par le Parlement européen en 201341 au sujet de la politique de concurrence concluait en outre ce qui suit : «La concurrence joue un rôle déterminant dans la promotion des facteurs de croissance économique que sont la productivité et l’innovation. Cela implique que la politique de concurrence, qui intensifie la concurrence, stimule la croissance.»

Cela s’applique à l’ensemble des instruments de la politique de concurrence. La mise en œuvre des règles relatives aux pratiques anticoncurrentielles peut faire échouer les tentatives des entreprises dominantes visant à empêcher de nouveaux entrants de pénétrer sur le marché et de leur livrer une concurrence effective. Elle peut aussi entraîner une baisse des prix des intrants pour l’industrie européenne. Le contrôle des concentrations permet, quant à lui, de veiller à ce que les marchés restent à la fois ouverts et efficients. La politique en matière d’aides d’État protège le marché intérieur des distorsions et contribue à favoriser l’affectation des ressources publiques à des objectifs renforçant la compétitivité.

La concurrence et la politique de concurrence font, en outre, partie intégrante des conditions générales indispensables au développement de l’innovation. Elles stimulent les entreprises innovantes et les jeunes pousses, encouragent les entreprises à devenir plus efficientes et favorisent les subventions destinées à promouvoir la R&D et l’innovation.

La politique de concurrence fait progresser la compétitivité dans un contexte international. Une saine concurrence dans le marché intérieur permet aux entreprises européennes d’exercer leurs activités avec succès à l’échelle mondiale. Elle constitue aussi le fondement de toute politique industrielle moderne, comme illustré par les dispositions du traité de Lisbonne relatives à l’industrie (article 173 du TFUE), qui précisent que l’Union et les États membres agissent « conformément à un système de marchés ouverts et concurrentiels ».

La politique de concurrence est, par ailleurs, la contrepartie indispensable de la réglementation du marché unique. L’incidence des mesures de régulation sur les stratégies et les investissements des entreprises peut être compromise si les règles de la concurrence et du marché unique ne sont pas correctement appliquées.

La mise en œuvre des règles en matière d’aides d’État et le jeu de la concurrence ont également un rôle important à jouer dans la stratégie Europe 2020 et la réalisation de ses initiatives phare. En particulier, les actions dans le domaine de la politique de concurrence contribuent aux initiatives baptisées «Une Union de l’innovation», «Une politique industrielle à l’ère de la mondialisation», «Une Europe efficace dans l’utilisation des ressources» et «Une stratégie numérique pour l’Europe».

En 2013, tous les instruments de mise en œuvre des règles de concurrence ont contribué à promouvoir la croissance et la compétitivité dans l’économie européenne. La mise en œuvre des règles en matière d’ententes et d’abus de position dominante a permis de décourager et de sanctionner la fragmentation artificielle du marché intérieur. La modernisation de la politique en matière d’aides d’État a été pensée de manière à encourager une utilisation des dépenses publiques favorisant la croissance. D’importantes décisions ont été prises dans des secteurs présentant une importance stratégique, tels que les services financiers, les télécommunications, l’économie numérique, et l’énergie. La coopération internationale en matière d’élaboration de la politique de concurrence et de contrôle du respect des règles a contribué à relever les défis liés à l’internationalisation croissante des entreprises.

Enfin, 2013 a été marquée par deux événements importants pour la politique de concurrence de l’UE. Premièrement, dix ans après son adoption, le règlement (CE) nº 1/200342, qui a ouvert une nouvelle ère dans la mise en œuvre des règles de l’UE relatives aux pratiques anticoncurrentielles des entreprises, a fait l’objet d’un bilan et d’une réflexion destinés à apporter de nouvelles améliorations dans ce domaine. Deuxièmement, le 11 juin, la Commission a adopté une proposition de directive relative aux actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles concernant les ententes et les abus de position dominante43, une mesure attendue depuis longtemps par les parties prenantes et une priorité stratégique pour la Commission actuelle. Les débats sur ces questions – et celles abordées dans le présent rapport – ont animé, tout au long de l’année, le dialogue structuré permanent entre la Commission et le Parlement européen (voir le point 8 consacré au dialogue dans le domaine de la concurrence avec les autres institutions et, pour de plus amples informations, le document de travail des services de la Commission qui accompagne le présent rapport).

1. PROMOUVOIR LA COMPETITIVITE EN LUTTANT CONTRE LES ENTENTES

La réussite des entreprises européennes dépend fortement de l’existence de prix compétitifs. Les coûts des intrants artificiellement gonflés par des comportements anticoncurrentiels et les structures du marché ont des effets préjudiciables sur la compétitivité de l’Europe sur les marchés mondiaux, ainsi que sur ses perspectives globales de croissance. Il va sans dire que toute hausse des coûts des intrants se traduit également par des prix finals plus élevés pour les consommateurs européens.

Une lutte vigoureuse contre les ententes est cruciale dans ce contexte. Les ententes portant souvent sur des intrants et des biens intermédiaires, la Commission a concentré ses efforts en la matière sur ces segments du marché. Au cours de ces dernières années, plusieurs enquêtes ont abouti et permis de mettre un terme à des ententes qui avaient gonflé les prix des intrants et gravement nui à la compétitivité de l’UE44.

La Commission a également rendu une décision dans une affaire d’entente en 2013. En juillet, elle a, en effet, infligé un total de 141 791 000 EUR d’amendes aux cinq fournisseurs de pièces détachées automobiles que sont Sumitomo, Yazaki, Furukawa, S-Y Systems Technologies (SYS) et Leoni pour leur participation à des ententes (jusqu’à cinq dans certains cas) portant sur la fourniture de faisceaux de fils électriques à Toyota, Honda, Nissan

et Renault. Ces ententes couvraient l’ensemble de l’Espace économique européen (EEE)45. Les faisceaux de fils électriques constituent un ensemble de câbles servant à transmettre des signaux ou de l’électricité qui relient des ordinateurs à diverses pièces intégrées dans une voiture et que l’on décrit souvent comme le «système nerveux central» de la voiture.

Quand la lutte contre les ententes rend le secteur des services financiers plus transparent : les affaires concernant les produits dérivés de taux d’intérêt

Les produits dérivés de taux d’intérêt sont des produits financiers utilisés par les banques, parmi d’autres entreprises, pour gérer le risque de fluctuation des taux d’intérêt. Leur valeur résulte du niveau d’un taux d’intérêt de référence, tel que le taux interbancaire pratiqué à Londres (Libor) - qui est utilisé pour différentes devises dont le yen japonais (JPY) - ou le taux interbancaire offert européen (Euribor), utilisé pour l’euro.

L’entente concernant les produits dérivés de taux d’intérêt en euros a duré de septembre 2005 à mai 2008. Les parties qui ont choisi de conclure une transaction sont Barclays, la Deutsche Bank, RBS et la Société Générale. L’entente visait à fausser l’évolution normale des composantes de prix de ces produits dérivés. Les traders de différentes banques ont échangé des informations au sujet des soumissions de taux de leurs banques respectives servant au calcul de l’Euribor ainsi que de leurs stratégies de négociation et de tarification. Une procédure a aussi été ouverte contre le Crédit Agricole, HSBC et JPMorgan et l’enquête relative au comportement de ces trois entreprises doit se poursuivre dans le cadre de la procédure normale appliquée en matière d’ententes.

En ce qui concerne les produits dérivés de taux d’intérêt en yens japonais, la Commission a mis au jour 7 infractions bilatérales distinctes, d’une durée de 1 à 10 mois, commises entre 2007 et 2010. Les pratiques collusoires consistaient notamment en des échanges d’informations entre les traders des banques participantes sur certaines soumissions concernant le Libor en yens japonais. Les traders concernés ont également échangé, à plusieurs occasions, des informations commercialement sensibles relatives soit à des positions de négociation soit à de futures soumissions de taux concernant le Libor en yens japonais (et dans un cas également à certaines futures soumissions de taux pour l’Euroyen Tibor — Tokyo Interbank Offered Rate). Les banques impliquées dans une ou plusieurs des infractions sont UBS, RBS, la Deutsche Bank, Citigroup et JPMorgan. Le courtier RP Martin a facilité une des infractions en utilisant ses contacts avec un certain nombre de banques du panel Libor
en yens japonais qui n’ont pas participé à l’infraction, dans le but d’influencer leurs soumissions de taux pour le Libor en yens japonais. Dans le cadre de la même enquête, la Commission a aussi ouvert une procédure à l’encontre du courtier en liquidités ICAP. Cette enquête se poursuit dans le cadre de la procédure normale appliquée en matière d’ententes.


Les décisions adoptées dans ces affaires envoient un message fort indiquant que la Commission est déterminée à lutter contre les ententes de ce type dans le secteur financier et à les sanctionner. Une saine concurrence et la transparence sont essentielles au bon fonctionnement des marchés financiers, qui doivent servir l’économie réelle et non les intérêts de quelques-uns.

La découverte d’ententes dans les secteurs des services constitue une autre tendance observée au cours de ces dernières années. La Commission examine actuellement un certain nombre d’affaires dans le domaine des services financiers. Le 4 décembre, elle a infligé des amendes d’un montant total de 1 712 468 000 EUR à huit banques pour leur participation à des ententes sur des marchés de produits financiers dérivés couvrant l’EEE46. Quatre d’entre elles ont participé à une entente concernant des produits dérivés de taux d’intérêt en euros. Six ont participé à une ou à plusieurs ententes bilatérales concernant des produits dérivés de taux d’intérêts en yens japonais. Les collusions de ce type sont interdites par l’article 101 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Les deux décisions ont été adoptées selon la procédure de transaction, et les entreprises concernées ont bénéficié d’une réduction de 10 % du montant de leur amende pour avoir accepté ce mode de règlement.

Plusieurs affaires sont également en cours dans le secteur des denrées alimentaires, un domaine qui concerne directement les consommateurs. En novembre, la Commission a infligé des amendes d’un total de 28 716 000 EUR à quatre négociants en crevettes de la mer du Nord, à savoir - Heiploeg, Klaas Puul, Kok Seafood (tous établis aux Pays-Bas) et Stührk (établi en Allemagne), pour avoir participé à une entente47. Entre juin 2000 et janvier 2009, Heiploeg et Klaas Puul ont fixé les prix de commun accord et se sont réparti des volumes de ventes de crevettes de la mer du Nord en Belgique, en France, en Allemagne et aux Pays-Bas.

À ces décisions s’ajoute une communication des griefs adressée par la Commission, en avril, à un certain nombre de fournisseurs de puces pour cartes pour leur participation présumée à une entente48. Les puces ont de très nombreuses applications, comme sur les cartes SIM, les cartes bancaires et les cartes d’identité, parmi bien d’autres dispositifs. L’avis exprimé à titre préliminaire par la Commission est qu’il est possible que certains fournisseurs aient coordonné leurs comportements dans l’EEE afin de soutenir les prix. La Commission a dans un premier temps entamé des discussions en vue de conclure une transaction avec certaines entreprises concernées par l’infraction présumée. Ces discussions n’ayant pas permis à l’enquête de progresser, elle est finalement revenue à la procédure normale appliquée en

matière d’ententes.

Enfin, il convient de rappeler que les ententes peuvent avoir pour effet de fragmenter le marché intérieur et entravent l’adaptation de l’industrie aux changements des conditions du marché. Par conséquent, les préjudices qu’elles causent ne se limitent pas aux marchés sur lesquels opèrent les entreprises concernées, mais peuvent avoir une incidence sur la compétitivité de l’ensemble de l’économie.

2. GARANTIR UNE MISE EN ŒUVRE EFFECTIVE DES REGLES RELATIVES AUX PRATIQUES ANTICONCURRENTIELLES ET UN CONTROLE EFFICACE DES CONCENTRATIONS, DANS L’INTERET DES ENTREPRISES ET DES CONSOMMATEURS

Le règlement (CE) nº 1/2003, le principal instrument procédural concernant la mise en œuvre des articles 101 et 102 du TFUE, est entré en vigueur le 1er mai 2004. Ce règlement a marqué un tournant en habilitant toutes les autorités chargées de faire respecter le droit de la concurrence au sein de l’UE (la Commission, les autorités nationales de concurrence et les juridictions nationales) à appliquer les règles de l’UE relatives aux ententes et aux abus de position dominante aux accords et aux pratiques susceptibles d’affecter le commerce entre États membres, tout en respectant les droits fondamentaux des parties concernées, tels qu’ils sont garantis par la Charte européenne des droits fondamentaux.

Le réseau européen de la concurrence (REC) a été créé et des instruments de coopération ont été instaurés pour garantir l’application effective et cohérente des règles communes. Sur cette base, la Commission et les autorités nationales de concurrence (ANC) ont conjointement pris un nombre considérable de mesures pour faire respecter les règles, en s’appuyant sur un important travail de fond quant aux politiques à mener. Depuis mai 2004, la Commission a examiné les pratiques potentiellement anticoncurrentielles dans presque tous les secteurs économiques, adoptant plus de 120 décisions. Les ANC ont, de leur côté, enquêté sur plus de 1 600 affaires au cours de la même période, prenant au total plus de 600 décisions imposant le respect des règles de concurrence.

En 2013, la Commission a entrepris de se pencher sur l’expérience acquise au cours des dix années écoulées afin d’analyser les travaux des autorités de concurrence de l’UE dans les différents secteurs et pour les différents types d’infraction. Le bilan des priorités et des réalisations antérieures permettra de renforcer l’excellente coordination qui existe déjà entre la Commission et les ANC.

Le règlement (CE) nº 1/2003 en action

Structures des autorités nationales de concurrence

Selon le droit de l’UE, il incombe aux États membres de se doter d’autorités nationales de concurrence efficaces et bien équipées, la conception des régimes nationaux de mise en œuvre des règles de concurrence étant laissée largement à leur appréciation. La seule obligation explicite qui leur est faite est celle de désigner les autorités responsables de l’application de l’article 101 et de l’article 102 du TFUE de façon à pourvoir au respect effectif des dispositions du règlement. Ces dernières années, des réformes structurelles ont été entreprises dans de nombreux États membres. La structure des ANC au sein du réseau européen de la concurrence (REC) a généralement évolué vers davantage d’autonomie et d’efficacité. Des questions se sont toutefois posées quant à l’indépendance et aux ressources de certaines ANC. Il convient d’éviter tout recul sur le plan des résultats.

Convergence des pouvoirs en matière de mise en œuvre

Le règlement a laissé aux États membres la liberté de déterminer leurs propres procédures et leurs propres sanctions pour l’application des règles de concurrence de l’UE dans les États membres. Si l’on excepte une obligation générale, pour les États membres, de pourvoir à la mise en œuvre effective de ces règles, notamment par l’application des principes d’effectivité et d’équivalence, ces questions ne sont ni régies ni harmonisées par le droit de l’UE. Il en résulte que la Commission et les ANC appliquent les mêmes règles de fond, mais en recourant à des procédures et à des sanctions différentes. La convergence en matière de pouvoirs des autorités de mise en œuvre est au centre des travaux menés au sein du REC depuis plusieurs années. Le REC a notamment produit des rapports comparatifs détaillés sur les pouvoirs d’enquête et de décision, ainsi qu’une série de recommandations concernant l’exercice de ces pouvoirs. Pour ce qui est des sanctions pour infraction au droit de la concurrence, la plupart des ANC peuvent infliger des amendes civiles ou administratives dissuasives et appliquent une méthodologie de base similaire pour fixer le montant des amendes. Les recommandations propres à chaque pays émises dans le cadre de la stratégie Europe 2020 («semestre européen») et dans le contexte des programmes d’ajustement économique ont encouragé des réformes visant à accroître la convergence des procédures.

Convergence des programmes de clémence et lien avec d’autres domaines du droit

Les programmes de clémence sont généralement reconnus comme un outil important pour détecter les ententes secrètes. Dès le départ, la promotion de la convergence, combinée à une bonne interaction dans ce domaine, a été une priorité au sein du REC. Le modèle de programme de clémence élaboré au sein du REC fournit notamment aux États membres et aux ANC un ensemble cohérent de règles et de procédures types dont ils peuvent s’inspirer lorsqu’ils élaborent des mesures nationales. En conséquence, pratiquement tous les États membres ont adopté des programmes de clémence et un important processus d’alignement sur le modèle du REC s’est produit. Des améliorations ont été apportées au modèle de programme de clémence à la fin de l’année 2012.

La Commission entend continuer d’accorder une attention particulière au fonctionnement du cadre général mis en place pour la mise en œuvre des règles de concurrence de l’UE par la sphère publique.

En 2013, la Commission a adopté une nouvelle initiative essentielle pour l’environnement réglementaire relatif aux pratiques anticoncurrentielles, à savoir une proposition de directive régissant la manière dont les citoyens et les entreprises peuvent demander des dommages et intérêts lorsqu’ils sont victimes d’infractions aux règles de l’UE concernant les pratiques anticoncurrentielles telles que les ententes ou les abus de position dominante49. Cette proposition vise à supprimer un certain nombre de difficultés pratiques auxquelles se heurtent souvent les victimes lorsqu’elles tentent d’obtenir une indemnisation équitable du préjudice qu’elles ont subi du fait d’infractions au droit de la concurrence de l’UE.

Supprimer les obstacles à l’indemnisation effective des victimes d’infractions aux règles en matière d’ententes et d’abus de position dominante

La proposition législative

Le 11 juin, la Commission a adopté une proposition de directive relative aux actions en dommages et intérêts concernant les infractions au droit de la concurrence de l’UE. En vertu du droit de l’UE, toute personne ou entreprise ayant subi un préjudice causé par une infraction au droit de la concurrence de l’UE dispose d’un droit à réparation intégrale. La proposition de directive a deux objectifs complémentaires. Premièrement, faire du droit à réparation garanti par le droit de l’UE une réalité dans tous les États membres en supprimant les principales difficultés pratiques auxquelles les consommateurs et les entreprises sont souvent confrontés lorsqu’ils tentent d’obtenir réparation. Deuxièmement, la proposition vise à optimiser l’interaction entre ces demandes de dommages et intérêts introduites dans la sphère privée avec la mise en œuvre des règles effectuée, dans la sphère publique, par la Commission et les autorités nationales de concurrence, de façon à garantir une mise en œuvre stricte des règles de concurrence de l’UE dans la sphère publique et à favoriser un respect plus effectif des règles en général.

Pour atteindre ces objectifs, la proposition prévoit des règles de fond et de procédure pour des aspects cruciaux des actions en dommages et intérêts engagées dans le domaine des pratiques anticoncurrentielles, comme l’accès aux preuves, les délais de prescription applicables à l’introduction d’une action, la qualité pour agir, et la charge de la preuve en ce qui concerne l’indemnisation des surcoûts répercutés tout au long de la chaîne de distribution. La proposition vise à créer ou à fournir une sécurité juridique quant à la recevabilité et à la divulgation des preuves produites aux fins de la mise en œuvre des règles dans la sphère publique. À titre d’exemple, pour préserver l’attrait des programmes de clémence, elle prévoit que les déclarations d’entreprise effectuées en vue d’obtenir la clémence ne devraient jamais être divulguées dans le cadre d’une action privée en dommages et intérêts. La proposition facilite les actions en dommages et intérêts dites de suivi en disposant que les décisions définitives des autorités nationales de concurrence constatant une infraction possèdent un effet probatoire.

Mesures d’accompagnement

Parallèlement à la proposition, la Commission a adopté une communication relative à la quantification du préjudice dans les actions en dommages et intérêts fondées sur des infractions à l’article 101 ou 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne afin de fournir des orientations aux juridictions et aux parties aux actions en dommages et intérêts. Cette communication est accompagnée d’un guide pratique plus complet établi par les services de la Commission et traduit dans toutes les langues officielles de l’UE. Enfin, la proposition est complétée par la recommandation de la Commission relative aux recours collectifs, qui recommande à tous les États membres de mettre en place des mécanismes de recours collectif pour faciliter la mise en œuvre des droits conférés par le droit de l’Union à tous ses citoyens, en ce compris le droit à réparation des préjudices subis du fait d’infractions aux règles de concurrence.

Par ailleurs, le 5 décembre, la Commission a adopté un ensemble de mesures visant à simplifier le contrôle des concentrations. Ces mesures comprennent la modification du règlement d’application du règlement sur les concentrations50 et l’adoption d’une nouvelle communication relative à une procédure simplifiée51. En conséquence, on s’attend à ce que la proportion de cas traités au moyen de la procédure simplifiée augmente sensiblement.

L’initiative de simplification témoigne concrètement de la volonté de la Commission d’atteindre les objectifs du programme pour une réglementation affûtée et performante (REFIT)52, qui vise à promouvoir la croissance et la compétitivité en réduisant la charge réglementaire imposée aux entreprises et aux citoyens de l’UE.

3. MODERNISER LA POLITIQUE EN MATIERE DAIDES D’ÉTAT POUR ORIENTER LES RESSOURCES PUBLIQUES VERS DES OBJECTIFS CONTRIBUANT AU RENFORCEMENT DE LA COMPETITIVITE

À l’instar des pratiques commerciales anticoncurrentielles telles que les ententes, les subventions publiques illicites peuvent fausser le jeu de la concurrence, dresser des obstacles inutiles et gaspiller le potentiel de croissance du marché intérieur. Un soutien public peut toutefois aussi avoir une incidence positive lorsqu’il est bien ciblé, qu’il remédie à des défaillances du marché et qu’il crée des incitations en faveur d’investissements et d’initiatives commerciales qui ne se concrétiseraient pas sans ce soutien. Les aides d’État «appropriées» sont de nature à stimuler l’innovation et le développement du capital humain. La politique de l’UE en matière d’aides d’État peut également aider les autorités nationales à tirer le meilleur parti de ressources plus faibles en période de restrictions budgétaires. La promotion des dépenses publiques consacrées aux politiques visant à stimuler la croissance est une priorité essentielle pour l’UE dans le contexte économique actuel et la principale raison d’être de la stratégie de modernisation des aides d’État53. Le processus de réforme de la stratégie est en voie d’achèvement. Ci-après sont décrits les principaux éléments sur lesquels les travaux de la Commission ont porté en 2013.

Lutter contre les écarts de compétitivité dans l’UE au moyen d’aides à finalité régionale ciblées

En juin 2013, la Commission a adopté les nouvelles lignes directrices concernant les aides à finalité régionale pour la période 2014-202054. Cette adoption a fait suite à une large consultation des parties prenantes (États membres, autorités régionales et locales, associations d’entreprises, groupes d’intérêt, entreprises et citoyens), du Parlement européen, du Comité des régions et du Comité économique et social européen. Les lignes directrices concernant les aides à finalité régionale contribuent à réduire les écarts de compétitivité dans l’ensemble de l’UE en soutenant les investissements productifs dans des projets à valeur ajoutée, en particulier dans les régions les plus défavorisées de l’Europe.

S’adapter aux défis posés par le développement des infrastructures à haut débit : les nouvelles lignes directrices concernant les aides d’État au haut débit

En janvier, les lignes directrices révisées relatives à l’application des règles de l’UE en matière d’aides d’État au secteur du haut débit55 sont entrées en vigueur. Ces lignes directrices aident les États membres à atteindre les objectifs de la stratégie numérique pour l’Europe, renforcent les obligations en matière de libre accès, améliorent la transparence et facilitent l’octroi d’aides bien ciblées, tout en simplifiant les règles pour accélérer la prise de décisions.

La révision du règlement d’habilitation56 a, en outre, permis de faire figurer les aides bénéficiant à certaines infrastructures à haut débit parmi les nouvelles catégories d’aides que la Commission peut décider d’exempter de l’obligation de notification préalable, contribuant ainsi à faciliter la mise en œuvre de projets dans le domaine du haut débit.

Promouvoir un cadre de financement à la fois stable et sain : les nouvelles règles relatives aux aides d’État en faveur de l’accès au financement

Les petites et moyennes entreprises (PME) constituent l’épine dorsale de l’économie européenne : deux emplois sur trois du secteur privé, ainsi que plus de la moitié de la valeur ajoutée totale créée par les entreprises dans l’UE, trouvent leur origine dans les PME. Elles sont aussi un moteur de la compétitivité européenne et jouent un rôle essentiel en matière d’innovation. Mais ces entreprises éprouvent souvent des difficultés à accéder au financement.

Dans ce contexte, la Commission a réexaminé ses lignes directrices concernant les aides d’État consacrées à la promotion des investissements en capital-investissement dans les PME. Les lignes directrices concernant le financement des risques énoncent les conditions auxquelles les États membres doivent satisfaire lorsqu’ils octroient des aides visant à promouvoir l’accès au capital-investissement des PME qui en sont aux premières phases de leur développement, notamment pour veiller à ce que ces aides ciblent un déficit de fonds propres avéré sans évincer les opérateurs financiers. Les nouvelles lignes directrices relatives au financement des risques ont été adoptées en janvier 2014, à la suite de deux consultations publiques, d’un atelier et d’une réunion multilatérale avec les États membres.

Lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration destinées à soutenir les entreprises connaissant des difficultés temporaires

Au mois de novembre, la Commission a lancé une consultation publique en vue de la révision de ses lignes directrices concernant les aides bénéficiant aux entreprises en difficulté autres que les établissements financiers. Les nouvelles règles concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration seront adoptées en 2014 et préserveront le subtil équilibre entre la nécessité de limiter les réductions de capacités engendrées par les difficultés et celle de réduire au minimum le préjudice économique causé par le maintien d’entreprises non viables sur le marché. Le fait de garantir la survie d’entreprises inefficaces a des effets négatifs sur les budgets publics et peut gravement entraver la compétitivité et la croissance économique. Les principes sur lesquels reposent les nouvelles lignes directrices visent à protéger les emplois et le savoir-faire des entreprises qui sont viables une fois restructurées, et à leur fournir le soutien nécessaire pour qu’elles puissent abandonner progressivement leurs activités non viables.

Stimuler la croissance par l’innovation : un nouvel encadrement pour les aides d’État à la R&D&I

La Commission a également entamé la révision de l’encadrement des aides d’État à la recherche, au développement et à l’innovation (R&D&I) et doit adopter les nouvelles règles dans ce domaine en 2014. Les investissements dans la R&D sont cruciaux pour la compétitivité et constituent l’un des objectifs phare de la stratégie Europe 2020.

Le niveau de la recherche et développement en Europe reste limité par les défaillances du marché : l’encadrement R&D&I révisé permettra de faire en sorte que les mesures d’aide d’État se traduisent par un volume de recherche et d’innovation accru, ainsi que par davantage de souplesse et moins de formalités administratives pour les États membres lorsqu’ils mettent en œuvre leurs aides à la R&D&I. En particulier, l’accent sera davantage mis sur les activités proches du marché, telles que le développement expérimental (y compris les projets pilotes et les activités de démonstration), les infrastructures de recherche et l’innovation (y compris l’innovation autre que technologique). Depuis 2007, la Commission a autorisé plus de 200 régimes nationaux dans le domaine de la recherche, du développement et de l’innovation.

Les futures lignes directrices concernant les aides dans le domaine de l’environnement et de l’énergie

La politique en matière d’aides d’État contribue à la stratégie à long terme de l’UE dans le domaine de l’énergie et du changement climatique, qui se fonde sur la sécurité de l’approvisionnement, l’utilisation durable de l’énergie et la compétitivité. Elle vise, en effet, à ouvrir les marchés de l’énergie, à maintenir des conditions de concurrence équitables et à créer des incitations ainsi qu’un cadre propice aux importants investissements qui seront nécessaires au cours des prochaines décennies. Le processus de révision des lignes directrices concernant les aides d’État dans le domaine de l’énergie et de l’environnement engagé par la Commission doit déboucher sur l’adoption de nouvelles règles en 2014. Les nouvelles lignes directrices compléteront celles concernant certaines aides d’État dans le contexte du SEQE de l’UE adoptées en mai 2012.

Si les éléments traditionnels des aides en faveur de l’environnement seront maintenus dans les nouvelles lignes directrices, le processus de modernisation de la politique en matière d’aides d’État a pour objet de garantir une synergie étroite avec la stratégie Europe 2020 et ses initiatives phares.

L’objectif stratégique global de la révision entreprise est d’aider les pays de l’UE à mieux investir en vue de réaliser les objectifs de la politique énergétique de l’UE, et de faciliter le recours à des aides efficientes pour atteindre un niveau plus élevé de protection de l’environnement. Il s’agit de promouvoir les investissements dans l’efficacité énergétique, de mieux cibler les aides publiques bénéficiant aux sources d’énergie renouvelables, et de promouvoir l’utilisation des subventions pour améliorer les interconnexions et développer les réseaux transfrontaliers. Ces deux derniers points figurent parmi les principales innovations apportées par les nouvelles lignes directrices.

Les nouvelles lignes directrices viseront à réduire au maximum les distorsions de la concurrence générées par les aides accordées dans le domaine de l’énergie et de l’environnement, notamment en limitant ces aides au minimum nécessaire et en créant des incitations en faveur des instruments qui sont en harmonie avec le marché. Les nouvelles lignes directrices seront pleinement cohérentes avec les objectifs de l’UE en matière de changement climatique et d’énergie, conformément à la stratégie Europe 2020, et appuieront les efforts déployés par les États membres pour les atteindre.

4. PROMOUVOIR UN SECTEUR FINANCIER STABLE ET EQUITABLE AFIN DE SOUTENIR L’ECONOMIE REELLE

La crise économique qui a trouvé son origine dans le secteur financier a ébranlé la confiance dans les marchés financiers. Or, des marchés financiers stables, sûrs, ouverts, compétitifs et équitables sont absolument nécessaires pour soutenir une phase d’expansion économique équilibrée et durable. La Commission s’est engagée dans des efforts de régulation de grande ampleur, afin de réduire les risques systémiques et d’accroître la transparence des marchés financiers. Les causes profondes de la crise et les difficultés posées par la conjoncture économique actuelle ne peuvent être combattues qu’en combinant différents instruments d’intervention. Dans ce contexte, la mise en œuvre des règles concernant les pratiques anticoncurrentielles dans le but de promouvoir un secteur financier équitable et compétitif va de pair avec le contrôle des aides d’État accordées aux fins de la restructuration des banques. Parallèlement à la mise en œuvre des règles de concurrence, des propositions législatives sont avancées avec pour objectif d’améliorer l’environnement réglementaire.

La politique de concurrence de la Commission au service d’un secteur financier plus transparent : pleins feux sur les produits dérivés et les taux de référence

Une grande partie des efforts a porté sur le marché des produits dérivés, en raison de sa taille et de son rôle dans la couverture de l’exposition au risque des établissements comme les banques, les fonds de pension et les entreprises industrielles. Le règlement sur l’infrastructure du marché européen (EMIR), qui est entré en vigueur l’année dernière, exige que les contrats dérivés de gré à gré standardisés fassent l’objet d’une compensation centrale57. Lors de la

révision de la directive concernant les marchés d’instruments financiers (MiFID), la Commission a proposé que ces instruments soient échangés sur des plateformes de négociation transparentes et organisées58. Les instruments utilisés par la Commission pour lutter contre les pratiques anticoncurrentielles sont complémentaires de ces mesures réglementaires. Cela signifie, en particulier, que les entreprises qui envisagent de proposer des opérations boursières ne devraient pas être empêchées de le faire par le comportement anticoncurrentiel d’autres entreprises. C’est particulièrement important pour les contrats d’échange sur risque de crédit (CDS), étant donné le rôle que ces produits jouent dans le secteur financier : en 2013, la valeur notionnelle brute des près de 2 millions de contrats CDS actifs dépassait 10 000 milliards d’euros.

En 2011, la Commission a ouvert une enquête portant sur le marché des CDS qui a débouché sur l’émission d’une communication des griefs le 1er juillet 2013. La communication des griefs a été adressée aux établissements suivants : Bank of America Merrill Lynch, Barclays, Bear Stearns, BNP Paribas, Citigroup, Crédit Suisse, Deutsche Bank, Goldman Sachs, HSBC, JP Morgan, Morgan Stanley, Royal Bank of Scotland et UBS, ainsi qu’à l’International Swaps and Derivatives Association (ISDA) et au fournisseur de services de données Markit59. À la suite de son enquête, la Commission est parvenue à la conclusion préliminaire que ces entreprises et associations ont potentiellement coordonné leurs comportements respectifs afin d’empêcher conjointement des sociétés de bourse d’opérer sur le marché des CDS entre 2006 et 2009, commettant ainsi une infraction aux règles de l’UE interdisant les accords, pratiques concertées et décisions d’associations d’entreprises anticoncurrentiels.

En parallèle, en décembre, la Commission a clos ses enquêtes concernant les affaires d’ententes relatives aux taux de référence Libor, Euribor et Tibor en ce qui concerne les parties ayant conclu une transaction (voir ci-dessus à la page 4). Ces enquêtes, ouvertes en 2011, avaient été considérées comme une priorité majeure par la Commission60.

Ces affaires concernant des pratiques anticoncurrentielles mettent en lumière l’importance et la vulnérabilité des indices de référence. Ces derniers ont une incidence sur de nombreux instruments financiers, tels que les swaps sur taux d’intérêts et les accords de taux futurs, ainsi que sur la valeur de contrats commerciaux et non commerciaux tels que les contrats de fourniture, les prêts et les hypothèques. Ces indices jouent aussi un rôle déterminant dans la gestion des risques. En septembre, la Commission a proposé un projet de règlement visant à rétablir la confiance dans ces indices de référence61. L’objectif ultime de la proposition est de garantir l’intégrité des indices de référence, en faisant en sorte qu’ils ne soient pas entachés de conflits d’intérêts, qu’ils reflètent la réalité économique qu’ils sont censés mesurer et qu’ils soient utilisés de manière appropriée.

La politique relative aux aides d’État montre la voie à suivre en matière de restructurations ordonnées et de corrections de bilans dans le secteur bancaire

En l’absence de règles de l’UE en matière de sauvetage et de résolution, qui figurent désormais dans la directive relative au redressement des banques et à la résolution de leurs défaillances62, les règles relatives aux aides d’État bénéficiant au secteur bancaire ont effectivement dicté les conditions de la résolution des défaillances des banques au niveau de l’UE. Depuis le début de la crise, les gouvernements de l’UE ont réagi aux menaces pesant

sur la stabilité financière en apportant un soutien public massif à leurs établissements bancaires respectifs. Au cours des cinq dernières années, la politique en matière d’aides d’État a été utilisée pour coordonner les interventions des États membres, maintenir des conditions de concurrence équitables dans le secteur bancaire, et faire en sorte que le renflouement des banques soit effectué selon des conditions similaires dans l’ensemble de l’Union. Les décisions relatives aux restructurations renvoient principalement à la nécessité de rétablir la viabilité des banques bénéficiaires à long terme, de prévoir une répartition des charges et d’éliminer les distorsions de concurrence.

La communication concernant le secteur bancaire a remanié ces règles en matière d’aides d’État avec effet au 1er août63. Jusqu’à nouvel ordre, les nouvelles règles continueront de garantir la cohérence des actions engagées par les pouvoirs publics pour lutter contre la crise financière dans l’ensemble de l’UE et de limiter les distorsions de concurrence dans le marché intérieur.

Au cours de l’année écoulée, la Commission a adopté plusieurs décisions concernant des restructurations de banques au regard sur le fondement des nouvelles règles. Le 6 septembre, elle s’est ainsi fondée sur ces dernières pour autoriser à titre temporaire, comme aide au sauvetage, des garanties d’État couvrant l’émission de nouveaux instruments de dette par deux banques slovènes, à savoir Factor banka d.d. et Probanka d.d. Le 18 décembre, la Commission a adopté des décisions concernant des mesures d’aides d’État en faveur de cinq banques slovènes. Elle a approuvé les plans de restructuration de Nova Ljubljanska banka

d.d. (NLB) et de Nova Kreditna Banka Maribor d.d. (NKBM), notamment parce qu’ils

permettent aux banques de devenir viables à long terme sans fausser indûment la concurrence. La Commission a également autorisé une aide à la liquidation ordonnée de Factor Banka d.d. et de Probanka d.d. au motif, notamment, que la sortie complète du marché de celles-ci réduirait au minimum les distorsions de concurrence induites par l’aide. Enfin, elle a autorisé, à titre temporaire, l’aide au sauvetage en faveur d’Abanka Vipa d.d. pour des raisons de stabilité financière. Dans le contexte de la procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques, la Slovénie a dû procéder à un examen de la qualité des actifs et à un test de vulnérabilité de son secteur bancaire (AQR/ST). L’évaluation des résultats de cet AQR/ST, publiés par la Slovénie le 12 décembre, a été intégrée dans les cinq décisions adoptées par la Commission le 18 décembre.

Décisions concernant des restructurations de banques notifiées avant le 1er août 2013

Dans le cas du groupe Hypo Alpe Adria (HGAA), la Commission a autorisé, en août 2013, un projet selon lequel les activités «en état de fonctionnement» de la banque en Autriche et dans l’Europe du Sud-Est seront vendues d’ici la mi-2015 au plus tard, tandis que les activités non viables feront l’objet d’un processus de liquidation ordonnée. Jusqu’à ce que le processus de vente soit achevé, l’Autriche s’engage à appliquer un certain nombre de restrictions aux nouvelles activités, notamment en matière de contrôle des risques, de façon à veiller à ce que la valeur marchande des filiales soit renforcée et à ce que les distorsions de concurrence soient limitées au minimum.

Dans le cas de la Banca Monte dei Paschi di Siena (MPS), le gouvernement italien a fourni 2 milliards d’euros d’aide pour couvrir un déficit de fonds propres mis au jour par le test de vulnérabilité effectué par l’Autorité bancaire européenne en décembre 2011. Après s’être assurée que le modèle d’entreprise de la banque était moins risqué et permettait de garantir sa viabilité à long terme, la Commission a approuvé le plan de restructuration de MPS en novembre 2013.

Le contrôle des aides d’État constitue, par ailleurs, un instrument important pour veiller à ce que les banques reviennent à leur fonction économique fondamentale, qui consiste à consentir des prêts en faveur de l’économie réelle, grâce aux conditions imposées au secteur dans les décisions concernant les restructurations.

En Espagne, 2013 a été la première année complète de mise en œuvre des divers plans de restructuration approuvés pour les banques qui ont reçu des aides d’État dans le cadre du programme d’assistance financière de dix-huit mois accordé en juillet 2012. Les plans de restructuration visaient à amener les banques à abandonner leurs activités plus risquées pour se recentrer sur les prêts aux PME et aux autres entreprises. Au cours du premier semestre de 2013, les mesures relatives aux dettes subordonnées («Subordinated Liability Exercices») prises pour les banques qui ont bénéficié d’aides d’État ont été menées à leur terme, générant près de 13 milliards d’euros de capitaux dans ces banques et réduisant ainsi leurs besoins en fonds publics supplémentaires.

En 2013, la Commission, en collaboration avec la BCE et le FMI, a également continué de fournir une assistance financière aux États membres qui en ont fait la demande. Le contrôle des aides d’État a contribué aux programmes d’ajustement économique mis en œuvre en Irlande, en Grèce, au Portugal et à Chypre. La restructuration du secteur bancaire, et notamment l’imposition de conditions détaillées au secteur financier, faisait partie des principales mesures exigées de ces pays.

Un marché unique des paiements ouvert, efficient et sûr

La Commission a également fait porter ses efforts en matière de mise en œuvre et de réglementation sur le secteur des paiements. En septembre 2011, elle a, par exemple, ouvert

une enquête afin d’examiner le processus de normalisation des paiements effectués par internet entrepris par le Conseil européen des paiements (EPC), enquête qu’elle a clôturée en juin 201364.

Prendre des mesures pour faire en sorte que les processus de normalisation n’aient pas d’incidence sur l’entrée de concurrents sur le marché ni sur l’innovation

L’EPC est l’organe de décision et de coordination du secteur bancaire européen en ce qui concerne les paiements. La Commission craignait que par ses travaux sur les normes pour les paiements électroniques et, en particulier, au moyen du cadre régissant les paiements électroniques, l’EPC puisse exclure du marché des paiements électroniques les prestataires de services de paiement autres que les banques. Les paiements par internet sont d’une importance vitale pour le développement du commerce électronique et le bon fonctionnement du marché intérieur de l’UE.

Au cours de l’enquête, l’EPC a annoncé sa décision d’interrompre le développement du cadre régissant les paiements électroniques ainsi que toute autre initiative de normalisation qui aurait un objet ou un effet identique. À la suite de cette décision, Sofort AG a retiré la plainte à l’origine de cette affaire, amenant ainsi la Commission à clore son enquête.

La directive révisée sur les services de paiement65 autoriserait explicitement les opérateurs autres que les banques à exercer leurs activités en concurrence avec les banques dans le domaine des paiements par internet et par carte. En l’occurrence, la réglementation complète utilement le contrôle du respect des règles relatives aux pratiques anticoncurrentielles.

La proposition de règlement relatif aux commissions d’interchange pour les opérations de paiement liées à une carte66, qui tient compte de deux décennies de procédures de concurrence concernant des sociétés émettrices de cartes de paiement, constitue un autre exemple de synergie entre réglementation ex ante et contrôle ex post du respect des règles de concurrence. Les commissions d’interchange ont souvent fait l’objet d’examens approfondis de la part des autorités de concurrence et des régulateurs. La Commission a adopté plusieurs décisions sur le fondement des règles de l’UE relatives aux pratiques anticoncurrentielles, notamment une décision concernant MasterCard en décembre 200767. On dénombre également plusieurs procédures engagées au niveau national, notamment en Pologne, en Hongrie, en Italie, en Lettonie, au Royaume-Uni, en Allemagne et en France. Le marché des paiements par carte reste toutefois assez fragmenté et les commissions d’interchange sont très variables. Pour remédier à ce problème, la Commission a proposé l’adoption du règlement relatif aux commissions d’interchange. La proposition vise à mettre en place un marché des paiements à l’échelle de l’UE qui permette aux consommateurs, aux détaillants et aux autres entreprises de profiter pleinement des avantages offerts par le marché intérieur de l’UE, notamment dans le domaine du commerce électronique, conformément à ce que prévoit la stratégie numérique dans le cadre d’Europe 2020.

L’interdiction de la perception de frais supplémentaires («surfacturation») pour les cartes à commissions d’interchange réglementées que prévoit la directive révisée sur les services de paiement complète les dispositions de la directive sur les droits des consommateurs68, qui devrait devenir applicable dans l’ensemble de l’UE à partir du 13 juin 2014. Les nouvelles règles empêcheront les opérateurs d’appliquer, pour quelque moyen de paiement que ce soit, des frais supplémentaires excédant les coûts qu’ils supportent pour l’utilisation de ce moyen de paiement.

5. ÉNERGIE : LE SECTEUR DANS LEQUEL LE BESOIN DE « PLUS D’EUROPE » EST LE PLUS CRIANT

L’énergie est un des secteurs dans lesquels la réalisation du marché unique procurera le plus d’avantages aux entreprises et aux citoyens européens. Les efforts de réforme visant à réaliser l’achèvement du marché intérieur de l’énergie, notamment le troisième paquet «énergie», lancé en 2007, sont toutefois plus longs que prévu à faire sentir leurs effets sur le terrain69. Les trois défis essentiels qui ont été mis en évidence en 2013 sont la dépendance croissante de l’UE à l’égard des importations d’énergie, l’augmentation des prix de l’énergie et le manque d’investissements70. Les énergies renouvelables joueront un rôle essentiel dans la transition vers un système énergétique compétitif, sûr et durable.

Les marchés de l’énergie jouent un rôle crucial dans l’économie européenne. L’énergie est un facteur de production essentiel pour l’industrie et touche pratiquement tous les aspects de la vie quotidienne des consommateurs. Les coûts de l’énergie ont une incidence considérable sur l’activité économique. Le prix de l’énergie constitue une source de préoccupation majeure pour la compétitivité de l’Europe, en particulier dans les industries à forte intensité énergétique, et menace l’avance de dix ans dont peut se prévaloir l’Europe en matière de décarbonisation.

Les mesures à prendre pour remédier à ces difficultés font toutefois l’objet d’un large consensus : doter l’UE d’un cadre commun pour l’énergie, investir dans l’infrastructure, accroître l’efficacité énergétique et encourager le recours à des aides plus efficientes et mieux intégrées au marché pour les énergies renouvelables.

La concurrence fait partie de la panoplie de mesures qui peuvent contribuer à remédier à ces difficultés. La législation de l’UE en matière d’énergie a contribué au démantèlement des monopoles légaux et à l’harmonisation des règles, et a instauré des mesures de soutien en faveur de l’intégration et de la libéralisation du marché. La politique de concurrence, pour sa part, vise à garantir que les entreprises ne maintiennent ni ne rétablissent des entraves à la concurrence. Le contrôle du respect des règles de concurrence, la réglementation et les mesures de libéralisation contribuent donc toutes aux trois piliers de la politique énergétique de l’UE que sont l’utilisation durable de l’énergie, la compétitivité et la sécurité de l’approvisionnement.

Néanmoins, dans certains États membres, la concurrence sur les marchés du gaz et de l’électricité reste limitée en raison non seulement de la lenteur avec laquelle la législation est mise en œuvre, mais aussi de la nature de ces secteurs, qui se caractérisent par des investissements d’entrée importants et des capacités limitées en matière d’infrastructures physiques. Bien que les marchés de l’énergie de l’UE restent largement de dimension nationale ou régionale, leur intégration s’est accrue. Une intégration plus poussée pourrait atténuer les fluctuations de prix de même qu’accroître l’efficacité globale et la concurrence.

En ce sens, un contrôle vigoureux du respect des règles relatives aux pratiques anticoncurrentielles est nécessaire pour garantir l’efficacité de la réglementation adoptée et les interventions publiques doivent être bien conçues afin d’avoir une incidence limitée sur les prix de l’énergie.

Depuis le 1er janvier, les nouvelles lignes directrices concernant certaines aides d’État dans le contexte du système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre (SEQE) sont applicables. Ce nouveau cadre permet aux États membres de soulager les secteurs à haute intensité énergétique des coûts des émissions indirectes de CO2 qui sont répercutés sur les prix de l’électricité et pare aux risques de délocalisations vers des pays tiers où la réglementation environnementale est moins stricte71. En 2013, la Commission a autorisé de tels régimes dans cinq États membres, à savoir la Belgique, l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Espagne et le Royaume-Uni72. Par contre, le projet des autorités allemandes d’octroyer des aides de ce type à certains producteurs de métaux non ferreux a été déclaré incompatible avec le marché intérieur parce qu’il aurait entraîné de graves distorsions de la concurrence au détriment des producteurs d’autres États membres73.

Promouvoir des marchés de l’énergie ouverts et concurrentiels en garantissant un accès non discriminatoire et des conditions de concurrence équitables

Les mesures prises en 2013 pour faire respecter les règles de concurrence ont contribué ou contribueront à l’avenir à faire baisser les prix de l’énergie en luttant contre les pratiques abusives ou les comportements collusoires qui conduisent à la segmentation des marchés et à une allocation inefficiente de l’énergie. Les affaires en cours d’examen par la Commission portent sur le comportement d’entreprises présentes sur le marché du pétrole brut, des produits pétroliers raffinés et des biocarburants74 ; sur les fournitures de gaz de Gazprom à l’Europe centrale et orientale75 ; sur les fournitures d’électricité de BEH en Bulgarie76 ; et sur les bourses d’électricité77.

En avril, la Commission a accepté les engagements de ČEZ, l’opérateur historique du secteur de l’électricité tchèque, et a adopté une décision les rendant juridiquement contraignants78. Une enquête approfondie concernant le secteur de l’électricité tchèque avait été ouverte en juin 2011, à la suite d’inspections inopinées réalisées en 2009. ČEZ a ensuite offert des engagements afin de remédier aux problèmes soulevés par la Commission et cette dernière a procédé, en juillet 2012, à un test de marché dont les résultats ont été jugés satisfaisants. ČEZ cédera entre 800 et 1 000 MW de sa capacité de production. Cette cession permettra à un nouvel opérateur d’entrer sur le marché tchèque de l’électricité et d’y faire concurrence à l’opérateur historique.

La Commission a également ouvert une procédure formelle à l’encontre de la bourse d’électricité roumaine OPCOM79, qui, conjointement avec sa société mère CNTEE Transelectrica, a reçu une communication des griefs au mois de mai. La Commission a estimé à titre préliminaire que OPCOM, le gestionnaire de la seule bourse d’électricité roumaine, opère une discrimination entre les entreprises en fonction de leur lieu d’établissement. Les bourses d’électricité jouent un rôle important dans la communication au grand public d’informations sur les prix : en entraînant des coûts supplémentaires pour les opérateurs étrangers souhaitant exercer des activités sur un autre marché national, les pratiques commerciales restrictives réduisent la liquidité et l’efficience des marchés de l’électricité. L’accès aux marchés de l’énergie est essentiel aux fins de la transparence et de la fiabilité des prix sur les marchés de gros et de détail de l’électricité.

En ce qui concerne le contrôle des aides d’État, la Commission a ouvert une enquête approfondie concernant des concessions de ressources hydrauliques à Electricidade de Portugal (EDP) pour la production d’électricité, afin de vérifier si le prix payé par l’opérateur historique du secteur de l’électricité au Portugal EDP en 2007 pour la prolongation de son droit à l’utilisation de ressources hydrauliques publiques pour la production d’électricité était conforme aux règles de l’UE en matière d’aides d’État80. La Commission a entamé des enquêtes sur les règles et pratiques régissant l’octroi ou la prolongation de concessions similaires dans d’autres États membres également.

6. MISE EN ŒUVRE DES REGLES DE CONCURRENCE DANS LE DOMAINE DE L’ECONOMIE NUMERIQUE : UN SOUTIEN A LA STRATEGIE NUMERIQUE POUR L’EUROPE

La révolution numérique a pris d’assaut presque tous les secteurs de l’économie, façonnant la manière dont les particuliers et les entreprises vivent et font des affaires, apportant une grande variété de biens et de services numériques et offrant à d’autres secteurs des intrants essentiels, des possibilités de réaliser des économies, ainsi que de nouveaux canaux d’information et de distribution. Les secteurs numériques comptent parmi les principaux facteurs de créativité et d’innovation et renforcent la compétitivité de l’ensemble de l’économie. Bien qu’il soit extrêmement difficile de définir des mesures fiables pour appréhender la taille de l’économie numérique, il reste que sa contribution à la croissance du PIB au cours des dernières années n’a cessé de gagner en importance. Au vu de ces éléments, la Commission a lancé en 2010 son initiative phare «Une stratégie numérique pour l’Europe»81, qui a fait l’objet d’un réexamen accompagné d’une mise à jour de ses priorités en décembre 2012.

Bien que les principes et objectifs de base de la politique de concurrence soient les mêmes dans tous les secteurs, un certain nombre de caractéristiques sont propres à l’économie numérique. Un renouvellement plus rapide des entreprises est l’une d’entre elles. Une autre caractéristique des marchés numériques est l’évolution rapide des technologies, qui apporte en permanence au marché de nouveaux appareils et biens immatériels, tels que des services, des applications et des écosystèmes. Enfin, les modèles d’entreprise et les sources de revenu évoluent plus vite sur les marchés numériques qu’ailleurs.

Combiner les instruments de la politique de concurrence pour relever les défis d’un marché en évolution rapide

Sur des marchés en évolution rapide tels que ceux des TIC et des communications électroniques, l’application conjointe d’une réglementation ex ante et d’un contrôle ex post du respect des règles de concurrence est nécessaire pour garantir le bon fonctionnement du secteur et pour l’aider à déployer la totalité de son potentiel de croissance. Une surveillance efficace du comportement des entreprises en position dominante, ainsi qu’une réaction rapide en cas d’abus, sont particulièrement importants dans la mesure où des pratiques illégales peuvent causer la sortie précoce du marché de petits concurrents innovants.

Il est également important, dans les secteurs numériques, de faciliter la diffusion de la propriété intellectuelle et des connaissances. À cette fin, la Commission se penche actuellement sur le réexamen de son cadre relatif aux pratiques anticoncurrentielles dans le domaine des accords de transfert de technologie. Les accords de transfert de technologie propices aux gains d’efficience conclus entre des concurrents ou des non-concurrents favorisent l’innovation et la compétitivité. La diffusion de la technologie peut favoriser la concurrence et renforcer la poursuite de l’innovation. Une consultation publique relative à la révision des lignes directrices actuelles et du règlement d’exemption par catégorie applicable aux accords de transfert de technologie a eu lieu entre février et mai, en vue de l’adoption des textes définitifs au printemps 2014.

La mise en œuvre des règles en matière de pratiques anticoncurrentielles sur le marché numérique en évolution rapide : l’affaire Google

La Commission craignait que Google n’abuse de sa position dominante sur les marchés de la recherche sur l’internet, de la publicité contextuelle en ligne et de l’intermédiation publicitaire liée aux recherches en ligne dans l’EEE. Elle estimait que les pratiques de l’entreprise pouvaient porter préjudice aux consommateurs en diminuant le choix disponible et en étouffant l’innovation dans les domaines des services de recherche spécialisés et de la publicité contextuelle en ligne. Pour répondre aux craintes de la Commission, Google a présenté une première série d’engagements en avril, puis un ensemble d’engagements modifiés en octobre. La Commission a recueilli des avis sur les engagements modifiés de Google en adressant des demandes formelles de renseignements. À la lumière des avis qu’elle a reçus, elle est parvenue à la conclusion que les engagements modifiés ne permettent toujours pas de remédier de façon appropriée aux problèmes de concurrence qu’elle avait relevés dans son évaluation préliminaire. La Commission a informé Google que, si celle-ci souhaitait présenter un nouvel ensemble d’engagements modifiés de nature à répondre de façon appropriée aux préoccupations de la Commission, elle ne disposait que d’un délai très limité pour le faire, à défaut de quoi la Commission reviendrait à la procédure prévue à l’article 7 du règlement (CE) nº 1/2003.

Promouvoir la connectivité et lutter contre la fragmentation du marché unique dans le secteur des télécommunications

L’absence d’un véritable marché unique des communications électroniques freine le développement de nouveaux services accessibles dans l’ensemble du marché intérieur, au détriment des consommateurs européens.

L’achèvement du marché unique des communications électroniques aurait d’importantes retombées positives pour les entreprises et les citoyens européens. Le 11 septembre, la Commission a adopté un train de mesures législatives intitulé «Un continent connecté : créer un marché unique des télécommunications». Ce train de mesures comprend une communication sur le marché unique des télécommunications, une proposition de règlement établissant des mesures relatives au marché unique européen des communications électroniques et visant à faire de l’Europe un continent connecté, ainsi qu’une recommandation de la Commission sur des obligations de non-discrimination et des méthodes de calcul des coûts cohérentes pour promouvoir la concurrence et encourager l’investissement dans le haut débit82.

En 2013, les opérations de mise en œuvre des règles de concurrence ont été nombreuses dans le secteur des télécommunications, afin d’empêcher les opérateurs historiques de protéger leurs activités grâce à des pratiques illicites et de garantir que les opérations de concentration n’entraînent pas de hausse des prix, une dégradation de la qualité et une baisse des niveaux d’innovation.

En application du règlement sur les concentrations, la Commission s’attache actuellement à l’examen de plusieurs opérations majeures, notamment deux opérations envisagées qui auraient pour effet de renforcer la position d’opérateurs de réseau mobile en Irlande et en Allemagne. Le 1er octobre, Hutchison 3G UK a notifié à la Commission son intention d’acquérir le contrôle exclusif de Telefónica Ireland et, le 6 novembre, la Commission a ouvert une enquête approfondie sur cette opération de concentration83. De même, le 31 octobre, Telefónica Deutschland a notifié à la Commission son intention d’acquérir le contrôle exclusif des opérations mobiles de KPN en Allemagne, exercées sous l’appellation E-Plus, et, le 20 décembre, la Commission a ouvert une enquête approfondie sur l’opération84. Comme ces deux opérations se traduiraient par une diminution du nombre d’opérateurs sur les marchés de gros et de détail qui sont déjà très concentrés, elles feront l’objet d’un examen approfondi dans le courant de l’année 2014.

La Commission a également analysé et autorisé sans conditions en phase I l’acquisition de Virgin Media, le premier câblo-opérateur au Royaume-Uni, par Liberty Global, pour un montant de 23,3 milliards d’USD85, ainsi que l’acquisition de Kabel Deutschland, le premier câblo-opérateur en Allemagne, par Vodafone, pour un montant de 8 milliards d’EUR86.

En matière de pratiques anticoncurrentielles, la Commission a, le 23 janvier, infligé une amende de 66 894 000 EUR à Telefónica et de 12 290 000 EUR à Portugal Telecom pour avoir conclu un accord de non-concurrence sur les marchés ibériques des télécommunications87. En préservant le statu quo en Espagne et au Portugal, cet accord contribuait au maintien du cloisonnement du secteur des télécommunications de l’ UE. Les accords de non-concurrence comptent parmi les infractions les plus graves aux règles de concurrence de l’UE, car ils sont susceptibles d’entraîner des hausses de prix et de restreindre le choix pour les consommateurs. Cette décision est particulièrement importante dans la mesure où elle concernait un accord transfrontière de partage des marchés.

Lever les obstacles à l’innovation dans l’économie de la connaissance

En 2013, la Commission a joué un rôle actif en matière de brevets essentiels liés une norme (« brevets essentiels »). Les brevets essentiels sont des brevets qui protègent une technologie essentielle à la mise en œuvre d’une norme industrielle développée par un organisme de normalisation. Il est techniquement impossible de fabriquer un produit conforme à une norme sans recourir à la technologie protégée par les brevets essentiels.

En mai, la Commission a adressé une communication des griefs à Motorola Mobility au sujet d’une possible utilisation abusive de brevets essentiels dans le domaine des téléphones mobiles88. L’introduction d’une action en cessation devant une juridiction nationale constitue généralement une voie de recours légitime pour un titulaire de brevets essentiels en cas de violation de ces derniers. Toutefois, lorsqu’une norme qui s’est imposée comprend des technologies brevetées, l’accès aux brevets essentiels correspondants représente une condition préalable pour toute entreprise désireuse de vendre des produits conformes à la norme sur le marché. La Commission est donc parvenue à la conclusion préliminaire que l’introduction d’une action en cessation peut constituer un abus de position dominante lorsque des brevets essentiels sont en cause et que le preneur de licence potentiel est disposé à conclure un accord de licence à des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires (les « conditions FRAND »). Dans ce cas de figure, la Commission considère que les titulaires de brevets essentiels ne devraient pas pouvoir introduire d’actions en cessation, qui entraînent généralement une interdiction de vendre le produit violant le brevet. Les titulaires de brevets essentiels conservent le droit d’introduire des actions en cessation lorsque les preneurs potentiels refusent des licences qui ont été considérées comme satisfaisant aux conditions FRAND.

L’action de la Commission dans le domaine des brevets essentiels a également concerné Samsung89. En septembre, Samsung a proposé des engagements afin de remédier aux problèmes de concurrence relevés par la Commission dans sa communication des griefs de décembre 2012. Selon les engagements proposés, Samsung propose, pendant cinq ans, de n’introduire aucune action en cessation fondée sur l’un de ses brevets essentiels, présents ou

futurs, concernant des technologies présentes dans des smartphones et des tablettes, contre les entreprises qui acceptent de se conformer à un processus déterminé de fixation de taux de redevance adéquats aux conditions FRAND, par une juridiction ou un tribunal arbitral.

7. LA COOPERATION INTERNATIONALE DANS LE DOMAINE DE LA POLITIQUE DE CONCURRENCE : UN MOYEN DE RELEVER LES DEFIS DE LA MONDIALISATION

L’interdépendance croissante des économies du monde constitue une évolution irréversible : les investissements directs étrangers avaient dépassé la barre des 30 % du PIB mondial avant la crise, alors que le commerce mondial a connu une croissance moyenne de 5,3 % par an au cours des deux dernières décennies. De nouveaux géants économiques sont apparus, tandis que les principaux acteurs de l’environnement mondial ont tous réalisé des investissements importants dans les économies de leurs partenaires.

La mondialisation de l’économie appelle une coopération plus étroite entre les autorités de concurrence non seulement d’Europe mais également du monde entier. La coopération internationale entre les autorités de concurrence contribue à la gestion efficace des défis de la mondialisation et favorise la convergence sur les principes et pratiques de la politique de la concurrence appliqués dans le monde entier. Il est essentiel de veiller à la coopération entre les différentes autorités et à la cohérence des résultats de leurs actions de mise en œuvre des règles. Encouragée par le Parlement européen, la Commission a continué de mener des dialogues bilatéraux et multilatéraux sur les actions à mener avec les autorités de plusieurs autres pays ou territoires, afin de favoriser la convergence sur les règles de fond et de procédure en matière de concurrence. La Commission a également continué de coopérer étroitement avec de nombreuses autorités de concurrence pour des actions quotidiennes de mise en œuvre des règles.

La coopération bilatérale et multilatérale : un moyen de renforcer l’efficacité de la mise en œuvre des règles de concurrence

L’UE a entamé des négociations avec les États-Unis le 8 juillet en vue de la conclusion d’un partenariat transatlantique de commerce et d’investissement ( TTIP ) et avec le Japon le 25 mars en vue de la conclusion d’un accord de libre-échange. Les deux négociations portent notamment sur des dispositions liées à la concurrence que la Commission suit de près.

En ce qui concerne les relations bilatérales avec les organes chargés de la mise en œuvre des règles de concurrence dans les pays tiers, la Commission a, en 2013, essentiellement concentré son action sur les principaux partenaires commerciaux de l’UE, à savoir tant ses partenaires commerciaux traditionnels que les grandes économies émergentes. À cet égard, des dialogues de haut niveau ont eu lieu en 2013 avec des représentants de certaines autorités de concurrence avec lesquelles l’UE a conclu un accord de coopération ou un protocole d’accord.

En marge de la conférence des pays BRICS le 22 novembre à New Delhi, la DG Concurrence a signé un protocole d’accord en matière de coopération dans le domaine du droit de la concurrence avec la commission indienne de la concurrence. L’accord de coopération entre l’UE et la Suisse a été signé le 17 mai. Un élément novateur de ce dernier, qui est aussi la raison pour laquelle il est appelé «accord de deuxième génération», réside dans le fait qu’il permettra aux deux autorités de concurrence d’échanger des informations qu’elles ont obtenues dans le cadre de leurs enquêtes respectives. Cet accord entrera en vigueur dès sa ratification par le Parlement européen et le Parlement suisse.

Les négociations en vue de la conclusion d’un accord similaire entre l’UE et le Canada ont progressé de manière satisfaisante. La Commission a, en outre, poursuivi ses activités de coopération technique avec d’autres autorités de concurrence non européennes, notamment les autorités chinoises et indiennes.

Elle a continué à suivre de près la mise en œuvre des dispositions des annexes concernant la sidérurgie et la construction navale figurant dans l’acte d’adhésion de la Croatie90, et celle-ci est devenue membre de l’UE le 1er juillet. En ce qui concerne les négociations d’adhésion avec les pays candidats, des progrès notables ont été accomplis en 2013, avec l’examen analytique de la législation monténégrine et la fixation des critères de référence pour l’ouverture des négociations sur le chapitre «concurrence».

La Commission a également continué à coopérer activement avec des instances internationales dans le domaine de la concurrence telles que le comité de la concurrence de l’OCDE, le Réseau international de la concurrence (RIC) et la Cnuced. En 2013, elle a continué d’exercer la coprésidence du groupe de travail sur les concentrations du Réseau international de la concurrence ainsi que celle d’un des sous-groupes du groupe de travail sur les ententes. Cette même année, la Commission a chapeauté (avec la Federal Trade Commission américaine) des projets du comité directeur du RIC concernant les procédures d’enquête dans les activités de mise en œuvre des règles de concurrence.

8. DIALOGUE DANS LE DOMAINE DE LA CONCURRENCE AVEC LES AUTRES INSTITUTIONS

Dialogue structuré avec le Parlement européen

La DG Concurrence entretient avec le Parlement européen, et en particulier sa commission des affaires économiques et monétaires (ECON), un dialogue structuré permanent portant sur des questions de concurrence.

En 2013, le vice-président Almunia a rendu visite à deux reprises à la commission ECON dans le cadre du dialogue structuré : le 28 mai, pour présenter le rapport annuel 2012 sur la politique de concurrence, et le 26 novembre, pour faire le point sur les principales décisions et les évolutions de la politique de concurrence intervenues en 2013, en se plaçant dans la perspective des résultats des travaux du Parlement dans le domaine de la concurrence en 2014.

Le vice-président a également participé à la réunion de la commission de la politique régionale du 30 mai, afin de s’exprimer sur les lignes directrices concernant les aides à finalité régionale que la commission examinait à l’époque.

Deux résolutions relatives aux rapports annuels sur la politique de concurrence ont été adoptées en 2013. En juin, le Parlement a adopté sa résolution sur le rapport Sánchez Presedo, concernant le rapport annuel 2011 sur la politique de concurrence. Le rapport annuel 2012 sur la politique de concurrence a été adressé à la commission ECON le 14 mai, pour permettre aux membres du Parlement européen de se préparer au dialogue avec le commissaire. La résolution sur le rapport Tremosa i Balcells a été adoptée le 10 décembre.

Ces dernières années, le Parlement a fait part de certaines préoccupations au sujet des amendes infligées pour cause d’infractions aux règles de concurrence : la Commission est d’avis que les lignes directrices pour le calcul des amendes fournissent aux entreprises une sécurité juridique suffisante et à la Commission une flexibilité suffisante pour le cas où une modification serait nécessaire ; cette structure a été confirmée à maintes reprises par les juridictions européennes.

Dialogue structuré avec le Parlement européen sur la modernisation de la politique en matière d’aides d’État

Le Parlement a été formellement consulté par le Conseil dans le cadre du processus d’adoption des règlements d’habilitation et de procédure, pierres angulaires de la modernisation de la politique en matière d’aides d’État, qui a constitué une priorité pour la DG Concurrence tout au long de l’année 2013. Le Parlement a adopté ses deux résolutions en juillet, à la suite de travaux approfondis sur les deux propositions. Outre la commission ECON, la commission TRAN a contribué par un avis sur le règlement d’habilitation. Tout comme son rôle formel dans le processus législatif, les messages clés formulés par le Parlement ont été pris en compte par la Commission dans le cadre de la révision des lignes directrices concernant les aides d’État. Comme le vice-président Almunia en a informé les membres du Parlement européen au cours du dialogue structuré du 26 novembre, le processus de modernisation de la politique en matière d’aides d’État s’achèvera en 2014 avec l’adoption du reste des lignes directrices et encadrements relatifs aux aides d’État.

En parallèle à l’adoption des règlements d’habilitation et de procédure en juillet et après cette adoption, les travaux de révision et de mise à jour de l’ensemble de la législation sur les aides d’État se sont poursuivis. Une troisième consultation publique a eu lieu sur le projet de communication sur le cinéma le 6 mai, suivie du texte final de la communication de la Commission le 14 novembre. La commission ECON a été informée de cette initiative et du lancement de la consultation publique relative aux lignes directrices sur les aides d’État aux aéroports et aux compagnies aériennes (lignes directrices sur l’aviation) le 3 juillet, de la consultation sur le règlement de minimis le 17 juillet, de la consultation publique sur le règlement général d’exemption par catégorie le 29 juillet et des lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration le 14 novembre.

Un document de référence sur les lignes directrices concernant les aides à finalité régionale a été adressé à la commission ECON le 16 mai.

Il s’agit là d’un autre domaine pour lequel le personnel de la DG COMP a informé les membres du Parlement européen et le personnel parlementaire. La commission REGI a déposé une question orale avec débat sur ces lignes directrices, dans le cadre de débats parallèles sur les nouvelles cartes des aides à finalité régionale et sur la prochaine période de programmation des Fonds structurels.

Les actions en dommages et intérêts91

Le vice-président Almunia a choisi de présenter pour la première fois la proposition de la Commission sur les actions en dommages et intérêts aux membres de la commission ECON lors d’une réunion des coordinateurs à Strasbourg le 11 juin, immédiatement après son adoption par le collège. La Commission a adopté cette proposition sur la base des articles 103 et 114 du TFUE, ce qui l’a amenée à transmettre la proposition au Parlement européen et au Conseil selon la procédure législative ordinaire. Les services de la Commission ont assisté à l’atelier consacré à la proposition organisé le 18 septembre par le rapporteur de la commission ECON, ainsi qu’au premier échange de vues qui s’est tenu le 17 octobre afin de répondre aux questions.

L’accord avec la Suisse

C’est en novembre 2010 que les services de la DG Concurrence ont informé pour la première fois le Parlement européen de la tenue de négociations avec l’autorité de concurrence suisse en vue de la conclusion d’un accord de deuxième génération. En juin 2013, le Conseil a officiellement demandé au Parlement d’approuver cet accord. La DG Concurrence a collaboré avec le rapporteur en participant à un séminaire pour les assistants, à une audition publique et à une réunion avec des représentants des groupes parlementaires.

Poursuite du renforcement de la communication entre la DG Concurrence et la commission ECON

Comme les années précédentes, la DG Concurrence a organisé un séminaire pour les assistants et conseillers politiques de la commission ECON, qui a porté sur les principaux thèmes du rapport annuel 2012 sur la politique de concurrence et s’est tenu le 17 mai dans les locaux de la DG Concurrence. Ce séminaire a été suivi d’une exposé approfondi pour les assistants des rapporteurs au sujet de la mise en œuvre des règles relatives aux pratiques anticoncurrentielles et aux aides d’État dans le secteur des transports et des aides d’État en faveur des banques, ainsi que par une séance d’information à haut niveau pour les membres du groupe de travail «concurrence» de la commission ECON sur les principaux thèmes ayant trait à la politique de concurrence.

En juillet, la Commission a adopté une nouvelle communication concernant le secteur bancaire afin de mettre à jour les lignes directrices publiées en 2008, au début de la crise financière, et de tenir compte de l’expérience acquise au cours de la période transitoire. Elle a également établi un document de réflexion destiné au Comité économique et financier (CEF), qui a été communiqué à la présidente de la commission ECON.

La DG Concurrence a continué d’informer régulièrement les commissions parlementaires compétentes des consultations publiques et de l’adoption de nouvelles lignes directrices et de nouveaux documents d’orientation.

Le personnel de la DG Concurrence a rencontré de nombreux membres du Parlement européen sur une base bilatérale en 2013, pour discuter des travaux du Parlement relatifs à différents dossiers concernant la concurrence. Les services de la Commission ont élaboré des réponses à 366 questions parlementaires écrites, ainsi qu’à 21 pétitions pour lesquelles la DG Concurrence était chef de file.

La DG Concurrence et la commission ECON ont poursuivi leur échange d’informations sur les études ; les services de la DG Concurrence ont ainsi informé en juillet le secrétariat de la commission ECON des études commandées par la DG en 2013.

Les relations entre la DG Concurrence, d’une part, et le CESE et le CdR, d’autre part

La Commission a également informé le Comité économique et social européen (CESE) et le Comité des régions (CdR) des principales initiatives prises dans le domaine de la concurrence. Elle a aussi participé à des réunions de groupes d’étude et de sections. Le 1er février, le vice-président Almunia a participé à la réunion plénière du CdR consacrée à la réforme de la politique en matière d’aides d’État et à la révision des lignes directrices concernant les aides à finalité régionale pour la période 2014-2020.

1 () Cf. audition devant la Commission des affaires économiques de l’Assemblée Nationale, 20/05/2014.

2 () Conclusion du « Colloque de Bruxelles » du 8 novembre 2007.

3 () Formule sonore fondée sur la répétition de sons réputés bénéfiques pour le corps ou l’esprit.

4 () Qui comporte essentiellement deux volets les aides d’État et les concentrations d’entreprises.

5 () Au point de vue théorique, les ordo-libéraux se distinguent à la fois de l’approche néoclassique et de l’École historique allemande. Contre la première, ils considèrent qu’il est impossible d’analyser séparément les phénomènes économiques et les phénomènes juridiques. Ils se rapprochent en ceci du legal economic nexus des institutionnalistes américains et notamment de J. Commons. Dans le même temps, ils se sont détachés de l’historicisme, alors dominant en Allemagne, dans la mesure où celui-ci ne permettait plus de penser l’économie en termes de principes généraux. Ce dernier conduisait en effet à rejeter tout cadre déductif dans la mesure où les actions économiques étaient analysées à partir de paramètres historiques ou culturels. De la même façon, l’ordo- libéralisme s’inscrivait en opposition avec la pensée juridique allemande laquelle s’était peu à peu cantonnée à un pur positivisme conduisant à limiter la science juridique à la seule étude de la législation au détriment de l’analyse des autres sources du droit...

6 () À la différence de l’approche défendue par l’École de Chicago, l’efficience économique ne constitue pas, pour les économistes de l’École de Fribourg, l’objectif premier de la politique de concurrence. Il s’agit seulement d’un produit dérivé́ de la liberté́ de marché (i.e. de l’intégrité́ du processus de concurrence). La finalité́ des politiques de concurrence est donc de préserver une structure de concurrence effective sur les marchés (dans le sens d’une préservation des conditions d’une concurrence complète). Cette structure est indispensable à la pérennité́ du processus de concurrence, malgré́ ses tendances naturelles. L’efficience économique est défendue par ce biais dans la mesure où elle n’est que la conséquence de l’intégrité́ de ce processus.

7 () OFCE Novembre 2010, politique européenne de concurrence et économie sociale de marché, Frédéric Marty, CNRS.

8 () L'École de Chicago est un groupe informel d'économistes libéraux, associés à la théorie néoclassique des prix et au libre marché. Elle est symbolisée pour le grand public par la figure de Milton Friedman et a inspiré les politiques néolibérales du début des années 80 aux États-Unis, en Grande Bretagne ou en Amérique latine.

9 () Cf OFCE Novembre 2010, politique européenne de concurrence et économie sociale de marché, Frédéric Marty, CNRS.

10 () Lettre du 9 février 2011.

11 () Entreprise française composante aujourd’hui d’EADS.

12 () Le Commissaire britannique à la concurrence, Sir Leon Brittain, a été accusé par la presse française d’avoir voulu préserver les intérêts de British aerospace.

13 () Cf. compte rendu de la réunion de la Commission des affaires européennes du 16 avril 2014.

14 () VOGEL Louis et Joseph, Le droit européen des Affaires, p 65.

15 () Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie et ministère du budget des comptes publics et de la réforme de l’État, Vade-mecum des aides d’État, Paris, La documentation française, Edition 2012, p11.

16 () Ibid, p 12.

17 () CJCE, 23 avril 1991, Hofner, aff. C-241/94.

18 () CJCE, 16 juin 1987, Commission c/Italie, aff C-118/85, CJCE, 25 OCTOBRE 2001, Ambulanz Glockner, aff C-475/99.

19 () CJCE, 17 février 2003, Poucet et Pistre, aff C-159/91 et C-160/91.

20 () CJCE, 18 mars 1997, Diego & Cali, aff C-343/95.

21 () CJCE, 19 janvier 1994, SAT c/ Eurocontrol, aff C- 364/92.

22 () Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie et ministère du budget des comptes publics et de la réforme de l’État, Vade-mecum des aides d’État, Paris, La documentation française, Edition 2012, p12-13.

23 () Ibid, p15.

24 () Cf. communication de M. Didier Quentin devant la Commission des affaires européennes du 4 février 2014.

25 () Cf texte de l’annexe n° 4.

26 () Règlement (CE) n*69/2001 de la Commission du 12 janvier 2001 concernant l’application des articles 87 et 88 TCE.

27 () Site RPUE, Politique de la concurrence : http://www.rpfrance.eu/La-politique-de-concurrence-de-l.html#controle

28 () Premier ministre, SGAE, Position française sur les sujets européens d’actualité, présidence grecque du Conseil de l’Union Européenne, 1er janvier – 30 juin 2014, p 433.

29 () Ibid, p432-435.

30 () Premier ministre, SGAE, Position française sur les sujets européens d’actualité, présidence grecque du Conseil de l’Union Européenne, 1er janvier – 30 juin 2014, p 433.

31 () Site Europa http://europa.eu/rapid/press-release_IP-14-587_fr.htm.

32 Porte-parole du RPG (Ryanair Pilot Group)

33 () Elie Cohen, Colloque de Bruxelles 08/11/2007.

34 () Disciple et collaboratrice de Keynes.

35 () CJCE, 23 avril 1991, Höfner, aff. C-41/90 Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 23 avril 1991. - Klaus Höfner et Fritz Elser contre Macrotron GmbH.

36 () « Pour un contrôle des concentrations plus simple, plus cohérent et stratégique en Europe - Une réforme « gagnant-gagnant » au service de la compétitivité ».

37 () Fédération des industries allemandes.

38 () OFCE, précité.

39 Forum économique mondial, The Global Competitiveness Report 2013-2014, consultable à l’adresse suivante: http://www3.weforum.org/docs/WEF_GlobalCompetitivenessReport_2013-14.pdf

40 SEC(2011) 1188 final, partie 1, Commission Staff Working Paper, European Competitiveness Report 2011.

41 The Contribution of Competition Policy to Growth and the EU2020 Strategy, IP/A/ECON/ST/2012-25, consultable à l’adresse suivante: http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/etudes/join/2013/492479/IPOL-ECON_ET(2013)492479_EN.pdf.

42 Règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité.

43 COM(2013) 404 final: proposition de directive relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit interne pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l’Union européenne, consultable à l’adresse suivante: http://ec.europa.eu/competition/antitrust/actionsdamages/documents.html.

44 Parmi les exemples à signaler figurent les amendes infligées aux producteurs de verre automobile, de DRAM (puces mémoires utilisées dans les ordinateurs personnels, les serveurs et postes de travail), et de caoutchouc synthétique.

45 Affaire AT.39748 - Faisceaux de fils électriques automobiles.

46 Affaire 39861 – Produits dérivés de taux d’intérêt en yens (YIRD) et affaire 39914 – Produits dérivés de taux d’intérêt en euros (EIRD).

47 Affaire AT.39633 – Crevettes.

48 Affaire 39574 – Smart card chips.

49 COM(2013) 404 final: proposition de directive relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit interne pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l’Union européenne.

50 Règlement d’exécution (UE) nº 1269/2013 de la Commission du 5 décembre 2013 modifiant le règlement (CE) nº 802/2004 concernant la mise en œuvre du règlement (CE) nº 139/2004 du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises.

51 1Communication de la Commission relative à une procédure simplifiée de traitement de certaines opérations de concentration en application du règlement sur les concentrations.

52 COM(2013) 685 final: communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions - Programme pour une réglementation affûtée et performante (REFIT): résultats et prochaines étapes, consultable à l’adresse suivante: http://ec.europa.eu/refit.

53 COM(2012) 209 final: communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions - Modernisation de la politique de l’UE en matière d’aides d’État.

54 Lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale pour la période 2014-2020 (JO C 209 du 23.7.2013, p. 1).

55 Lignes directrices de l’UE pour l’application des règles relatives aux aides d’État dans le cadre du déploiement rapide des réseaux de communication à haut débit (JO C 25 du 26.1.2013, p. 1).

56 Règlement (UE) nº 733/2013 du Conseil du 22 juillet 2013 modifiant le règlement (CE) nº 994/98 sur l’application des articles 92 et 93 du traité instituant la Communauté européenne à certaines catégories d’aides d’État horizontales.

57 http://ec.europa.eu/internal_market/financial-markets/derivatives/index_fr.htm.

58 http://ec.europa.eu/internal_market/securities/isd/mifid/index_fr.htm.

59 Affaire AT.39745 – CDS – Information market.

60 Affaire 39861 – Produits dérivés de taux d’intérêt en yens (YIRD) et affaire 39914 – Produits dérivés de taux d’intérêt en euros (EIRD).

61 La proposition concerne un large éventail d’indices de référence, non seulement les indices de référence de taux d’intérêt comme le LIBOR, mais aussi les indices de référence de matières premières, les indices de référence utilisés pour les instruments financiers tels que les produits dérivés sur devises ou sur l’énergie, les indices de référence utilisés dans des contrats financiers, et ceux utilisés pour mesurer les performances des fonds d’investissement.

62 http://ec.europa.eu/internal_market/bank/crisis_management/#maincontentSec2.

63 http://europa.eu/rapid/press-release_IP-13-672_fr.htm.

64 Affaire AT.39876 – EPC online payments.

65 COM(2013) 547 final: proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les services de paiement dans le marché intérieur, modifiant les directives 2002/65/CE, 2013/36/UE et 2009/110/CE et abrogeant la directive 2007/64/CE.

66 COM(2013) 550 final: proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux commissions d’interchange pour les opérations de paiement liées à une carte.

67 Affaire AT.34579 – MasterCard I.

68 Directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs.

69 Le troisième «paquet énergie» adopté en 2007 a recensé les comportements anticoncurrentiels spécifiques auxquels il convient de remédier en s’appuyant sur les règles de concurrence de l’UE.

70 Voir Contribution de la Commission au Conseil européen du 22 mai 2013, consultable à l’adresse suivante: http://ec.europa.eu/europe2020/pdf/energy2_fr.pdf.

71 Lignes directrices concernant certaines aides d’État dans le contexte du système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre après 2012 (JO C 158 du 5.6.2012, p. 4).

72 Affaires SA.37017, SA.36103, SA.37084, SA.36650 et SA.35543.

73 Affaire SA.30068 – Aide accordée aux producteurs de métaux non ferreux pour les coûts en CO2 de l’électricité.

74 Affaire AT.40054 – Oil and Biofuel Markets, voir MEMO/13/435 du 14 mai 2013 [NB: le numéro et l’intitulé de l’affaire ne sont pas encore publiés sur l’internet].

75 Affaire AT.39816 Upstream Gas Supplies in Central and Eastern Europe, voir MEMO/12/937 du 4 septembre 2012.

76 Affaire AT.39767 BEH electricity, voir IP/12/1307 du 3 décembre 2012.

77 Affaire AT.39952 Power Exchanges, voir MEMO/12/78 du 7 février 2012.

78 Affaire AT.39727 – ČEZ.

79 Affaire AT.39984 – OPCOM / Romanian Power Exchange.

80 Affaire SA. 35429 – Prolongation de l’utilisation des ressources hydrauliques publiques pour la production hydroélectrique.

81 COM(2010) 245 final/2: communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions – Une stratégie numérique pour l'Europe

82 https://ec.europa.eu/digital-agenda/en/connected-continent-single-telecom-market-growth-jobs.

83 Affaire M.6992 – Hutchison 3G UK / Telefónica Ireland.

84 Affaire M.7018 – Telefónica Deutschland / E-Plus.

85 Affaire M.6880 – Liberty Global / Virgin Media.

86 Affaire M.6990 – Vodafone / Kabel Deutschland.

87 Affaire AT.39839 – Telefónica et Portugal Telecom

88 Affaire AT.39985 – Motorola – Respect de brevets essentiels liés à la norme GPRS.

89 Affaire AT.39939 – Samsung – Respect de brevets essentiels liés à la norme UMTS.

90 Acte d’adhésion annexé au traité d’adhésion de la Croatie.

91 COM(2013) 404 final: proposition de directive relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit interne pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l'Union européenne.