N° 2926 - Rapport d'information de Mme Sandrine Doucet déposé par la commission des affaires européennes sur la validation de l'apprentissage non formel et informel




No 2926

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er juillet 2015

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)

sur la validation de l’apprentissage non formel et informel,

ET PRÉSENTÉ

par Mme SANDRINE DOUCET,

Députée

——

La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Danielle AUROI, présidente ; M. Christophe CARESCHE, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Pierre LEQUILLER, vice-présidents ; M. Philip CORDERY, Mme Estelle GRELIER, MM. Arnaud LEROY, André SCHNEIDER, secrétaires ; MM. Ibrahim ABOUBACAR, Kader ARIF, Jean-Luc BLEUNVEN, Alain BOCQUET, Jean-Jacques BRIDEY, Mmes Isabelle BRUNEAU, Nathalie CHABANNE, MM. Jacques CRESTA, Mme Seybah DAGOMA, MM. Yves DANIEL, Bernard DEFLESSELLES, Mme Sandrine DOUCET, M. William DUMAS, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FROMION, Hervé GAYMARD, Jean-Patrick GILLE, Mme Chantal GUITTET, MM. Razzy HAMMADI, Michel HERBILLON, Laurent KALINOWSKI, Marc LAFFINEUR, Charles de LA VERPILLIÈRE, Christophe LÉONARD, Jean LEONETTI, Mme Audrey LINKENHELD, MM. Lionnel LUCA, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MIGNON, Jacques MYARD, Rémi PAUVROS, Michel PIRON, Joaquim PUEYO, Didier QUENTIN, Arnaud RICHARD, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Jean-Louis ROUMEGAS, Rudy SALLES, Gilles SAVARY.

SOMMAIRE

___

Pages

I. LA VALORISATION DE L’APPRENTISSAGE NON FORMEL ET INFORMEL EN EUROPE : UNE AMBITION FORTE 9

A. LE CHOIX D’UNE BASE POLITIQUE SOLIDE : LA RECOMMANDATION DU CONSEIL DU 20 DÉCEMBRE 2012 RELATIVE À LA VALIDATION DES ACQUIS D’APPRENTISSAGE NON FORMEL ET INFORMEL 9

1. La recommandation du Conseil du 20 décembre 2012 relative à la validation des acquis d’apprentissage non formel et informel 9

2. La validation des acquis d’apprentissage non formel et informel : nécessité d’une clarification des concepts 11

a. Distinction entre trois modes d’apprentissage : le formel, le non formel et l’informel 11

b. Le concept de validation 12

c. Approches complémentaires de la validation, approches formative et sommative 14

3. Un nouveau langage commun : le concept de learning outcomes (LO) 15

a. Les acquis d’apprentissage (learning outcomes) 15

b. Acquis d’apprentissage, perméabilité et modularité 17

B. L’HISTORIQUE DES DISPOSITIONS EUROPÉENNES DEPUIS LES ANNÉES 2000 EN MATIÈRE D’APPRENTISSAGE NON FORMEL : 18

1. Une prise en compte progressive de la formation non formelle et informelle par l’Union européenne 18

2. La reconnaissance de l’apprentissage non formel : une vieille ambition portée par diverses institutions européennes et internationales 20

3. Objectifs et enjeux multiformes de la validation de l’apprentissage non formel : la pédagogie au service de l’employabilité 22

a. La validation de l’apprentissage non formel : un enjeu d’employabilité 22

b. La validation de l’apprentissage non formel : un enjeu ambitieux à l’égard des publics en difficulté 23

c. La validation de l’apprentissage non formel : un enjeu éducatif de flexibilité et de perméabilité du système formel 23

d. La validation de l’apprentissage non formel : un outil de valorisation sociale 25

C. DES OUTILS INDIRECTS AU SERVICE DE LA VALIDATION DE L’APPRENTISSAGE NON FORMEL ET INFORMEL, CENTRÉS AUTOUR DES ACQUIS D’APPRENTISSAGE (LEARNING OUTCOMES) 25

1. Le cadre européen des certifications (CEC/EQF) et les cadres nationaux de certification, un prérequis pour la validation 26

a. Le cadre européen des certifications (CEC / EQF) 27

b. Les cadres nationaux de certification 28

2. Les systèmes de crédits ECTS et ECVET, des outils centrés sur les acquis d’apprentissage 30

3. Des outils de reconnaissance partagée des acquis d’apprentissage : Europass et Youthpass 33

a. Europass 33

b. Youthpass 35

II. LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’APPRENTISSAGE NON FORMEL ET INFORMEL EN EUROPE : UN BILAN À MI-PARCOURS CONTRASTÉ 37

A. DERRIÈRE LE CONSENSUS, UN PAYSAGE EUROPÉEN ENCORE CONTRASTÉ 37

1. Le bilan européen à mi-parcours de la validation des acquis d’apprentissage non formel et informel : des progrès lents mais continus 37

a. Stratégies nationales et cadres légaux en matière de validation de l’apprentissage non formel et informel 37

b. Avantages et inconvénients d’une stratégie nationale en matière de validation de l’apprentissage non formel et informel 38

c. Une demande de validation variable selon les secteurs de l’éducation et de la formation 39

2. Un exemple de pays européen en pointe sur la validation de l’apprentissage non formel : la Finlande, un modèle difficilement transposable 39

a. Le Système de certification des compétences (ou Competence-based qualifications system) 40

b. Un système finlandais hautement personnalisé 42

B. LA FRANCE, PAYS LEADER EN MATIÈRE DE VALIDATION DES ACQUIS D’APPRENTISSAGE, PARADOXALEMENT MOINS PERFORMANTE QU’ON NE PEUT LE PENSER 45

1. Un dispositif déjà ancien : la VAE 46

a. La validation des acquis de l’expérience, un dispositif d’une quinzaine d’années bien ancré dans le paysage français 46

b. Un dispositif rapidement monté en puissance mais qui reste cependant marginal 49

c. Un dispositif exigeant, nécessitant un accompagnement 50

2. Autres dispositifs liés à la validation des acquis de l’apprentissage non formel et informel : le socle de compétences, le service public d’orientation et le bilan de compétences 51

a. Approche curriculaire et approche par le socle des compétences : une révolution pédagogique 52

b. Un service public d’orientation 53

c. Le bilan de compétences, un outil à mieux développer dans un objectif de validation 54

3. Les insuffisances du dispositif français de validation des acquis de l’apprentissage non formel et informel 54

III. LES DEFIS POSÉS PAR LA RECOMMANDATION DU CONSEIL DE DECEMBRE 2012 57

A. LE DEFI EN MATIERE ORGANISATIONNELLE : UN BESOIN DE COORDINATION 57

B. VALORISATION OU VALIDATION : L’AMBIVALENCE DU SECTEUR JEUNESSE 58

C. DERRIERE LA RECONNAISSANCE DE L’APPRENTISSAGE NON FORMEL, DE LOURDS FREINS CULTURELS A LEVER 60

1. Validation et certification : le spectre du diplôme 61

2. L’acceptabilité de la validation par ses acteurs et ses cibles : le rôle déterminant des entreprises 62

3. La validation de l’apprentissage non formel, une mise en cause du secteur formel 63

D. LE DEFI D’UNE MOBILISATION EFFICACE EN FAVEUR DE LA VALIDATION DE L’APPRENTISSAGE NON FORMEL ET INFORMEL 65

1. Le nerf financier à préciser 65

2. Nécessité d’une meilleure visibilité 65

3. Crédibilité de la validation : les exigences d’assurance-qualité 66

4. L’accompagnement des candidats à la validation à soutenir 67

CONCLUSION 69

TRAVAUX DE LA COMMISSION 71

ANNEXES 75

ANNEXE NO 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE 77

ANNEXE NO 2 : CADRE EUROPÉEN DES CERTIFICATIONS 79

ANNEXE NO 3 : COMPARAISON CADRES DES CERTIFICATION : FRANÇAIS/ITALIEN 81

Mesdames, Messieurs,

Votre rapporteure avait commencé à travailler sur ce rapport lorsqu’elle est tombée, incidemment, sur un éditorial d’un hebdomadaire féminin français rapportant ce propos d’une huile d’Amazone, John Seely Brown : « Je préfère recruter un très bon joueur de World of Warcraft que quelqu’un qui a décroché un MBA à Harvard » (2). Ce qui pourrait à bon droit passer pour une boutade est plus sérieux qu’on ne le pense. Il n’est pas question ici de vanter les mérites d’un jeu vidéo mais de souligner ce qui s’impose de plus en plus dans les discours et les pratiques de recrutement : les compétences importent bien davantage que les diplômes, aussi prestigieux fussent-ils. Ou, mieux, au-delà des cursus ou du caractère non linéaire des trajectoires des individus, ce qui compte, en définitive, c’est la capacité qu’ils ont à faire preuve de savoir-faire et d’aptitudes.

Or cette idée s’inscrit dans un large mouvement de fond qui irrigue les initiatives européennes en matière d’éducation et de jeunesse. L’éducation et la jeunesse, on le sait, relèvent de la compétence des États membres, le rôle de l’Union européenne dans ces domaines se bornant donc, théoriquement, à fournir un cadre de coopération entre États membres, pour des échanges d'informations et d'expériences sur des questions d'intérêt commun, à travers généralement des mesures d'encouragement dont la Commission européenne est chargée par la suite d’assurer le suivi des progrès réalisés. Pour autant, les conclusions ou les recommandations du Conseil sont susceptibles de créer de véritables synergies en faveur de certaines actions. C’est très clairement le cas, me semble-t-il, de la recommandation du Conseil du 20 décembre 2012 relative à la validation des acquis d’apprentissage non formel et informel, sur le bilan de laquelle, à mi-parcours, ce rapport a entendu se pencher.

Derrière cette formulation apparemment barbare mais en réalité technique, sur laquelle ce rapport cherche à apporter des précisions indispensables, se cache une réalité simple à comprendre : dans une perspective de développement des compétences, il devrait être possible de se former ou d'acquérir une qualification ou un diplôme à tout âge, et de faire reconnaître ses compétences et ses savoir-faire même lorsqu’ils sont le fruit d’expériences non académiques ni formelles, que ce soit dans le cadre familial ou professionnel, à l’occasion d’un engagement au service des autres ou d’activités sportives, de loisirs ou de voyages à l’étranger, etc.. Les salariés, les demandeurs d'emploi et, plus largement, tous les adultes, devraient pouvoir, dans cette optique, faire reconnaître officiellement leur parcours et leurs compétences. La validation relève ainsi de l’objectif d’éducation et de formation tout au long de la vie dans l’idée sous-jacente qu’il existe chez les individus un vaste vivier inexploité de connaissances et de compétences invisibles.

L’ambition d’une telle recommandation répond donc aux objectifs de la stratégie Europe 2020 en faveur de l’emploi et d’une « croissance intelligente, durable et inclusive ». Elle participe également à sa déclinaison dans le programme « Jeunesse en mouvement » qui cherche à améliorer l’éducation et l’employabilité de la jeunesse, et notamment à réduire le taux de chômage des jeunes, dans l’axe de l’objectif de 75 % de taux d’emploi pour la population de 20 à 64 ans, en adaptant l’éducation et la formation aux besoins des jeunes, en leur donnant les qualifications requises pour les emplois d'aujourd'hui et de demain et en encourageant la flexibilité des transitions entre éducation et travail. Par ailleurs, dans la mesure où elle aménage des parcours plus flexibles vers la certification des individus, on peut se demander si une telle politique en faveur de l’apprentissage non formel ne pourrait avoir pour bénéfice, même indirect, de participer à l’objectif de lutte contre le décrochage scolaire et à l’objectif chiffré de l’Union européenne d’abaisser le taux d’abandon scolaire à moins de 10 %.

Pour autant, si la reconnaissance des acquis de l’apprentissage informel et non formel constitue assurément une ambition légitime en ce qu’elle cherche à prendre en compte la diversité des parcours de formation et notamment les parcours des personnes peu ou pas qualifiées pour leur donner une chance sur le marché de l’emploi, la validation des acquis de l’apprentissage au sens d’une reconnaissance formelle accolée à un certificat ou un diplôme, est un chantier autrement plus délicat, voire épineux. Le défi de la validation se pose ainsi différemment aux États européens. C’est vrai également pour la France bien qu’elle bénéficie d’un dispositif ancien et élaboré avec la validation des acquis de l’expérience depuis 2002. En effet, à côté des difficultés d’ordre technique, l’instauration de dispositifs de validation se heurte à un certain nombre d’obstacles, notamment culturels, liés au primat des dispositifs formels, à l’importance accordée au diplôme, à la difficulté d’évaluer des compétences transversales autres que purement professionnelles, à la lourdeur des cadres formels d’apprentissage existants. Mais plus fondamentalement, le chantier de la validation de l’apprentissage non formel et informel charrie un véritable changement de paradigme dans l’approche de l’éducation et de la formation. Il véhicule ainsi à la fois des notions familières et révolutionnaires.

Loin de nous cependant la volonté de voir dans la validation des acquis d’apprentissage non formel et informel la panacée et la solution à tous les problèmes d’éducation, de formation et d’apprentissage. Il s’agit d’une approche complémentaire qui mérite qu’on en comprenne les enjeux et les ressorts à la fois conceptuels et techniques.

La valorisation de l’apprentissage intervenant dans des contextes non institutionnels et non formels est vue comme un moyen particulièrement important pour favoriser l’apprentissage tout au long de la vie. Il s’agit d’une ambition légitime dès lors qu’elle entend permettre à tous, y compris des personnes que l’éducation et la formation formelles ont laissé de côté, de valoriser ce qu’ils connaissent ou savent faire. Elle s’inscrit dans un contexte où la crise économique rend d’autant plus urgent de trouver des solutions, notamment au problème du chômage des jeunes. Issue de nombreuses initiatives depuis les années 2000, la recommandation du Conseil du 20 décembre 2012 qui vient consacrer ces enjeux nécessite une claire compréhension des concepts engagés car ils opèrent une refondation complète des approches pédagogiques, et mobilisent à ce titre de nombreux outils européens.

La recommandation du Conseil européen du 20 décembre 2012 relative à la validation de l’apprentissage non formel et informel prévoit que, pour offrir aux citoyens la possibilité de faire valoir ce qu’ils ont appris en dehors de l’éducation et de la formation formelles et de tirer parti de cet apprentissage notamment dans leur vie professionnelle, les États membres devraient, en tenant compte du principe de subsidiarité, mettre en place en 2018 au plus tard, des modalités de validation de la formation non formelle et informelle.

Conforme à la stratégie Europe 2020, qui fait de l’éducation et de la formation un domaine d’action prioritaire pour œuvrer à une « croissance intelligente, durable et inclusive », et au programme de la Commission européenne énoncé en décembre 2010 sur les compétences à l’appui de l’éducation et de la formation tout au long de la vie qui lance le dispositif « De nouvelles compétences pour de nouveaux emplois » (3), appelant expressément (4) à promouvoir la reconnaissance de l’apprentissage non formel et informel, la recommandation du Conseil du 20 décembre 2012 relative à la validation de l’apprentissage non formel et informel opère un saut qualitatif en mettant l’accent non plus seulement sur la reconnaissance ou la valorisation de l’apprentissage non formel et informel, souligné par tous les textes qui ont précédé, mais sur leur validation. La valorisation est le processus qui consiste à promouvoir la participation à l’apprentissage (formel ou non formel) et ses résultats, afin de sensibiliser les acteurs à sa valeur intrinsèque et de récompenser l’apprentissage. La validation quant à elle est la confirmation par une autorité officielle ou habilitée d’un capital de savoirs et de compétences acquis par un individu, pouvant conduire à un certificat. Au-delà donc de la reconnaissance politique et sociétale de l’importance d’un mode d’apprentissage, au même titre qu’un autre, plus classique ou académique, visant à en assurer la visibilité, les États membres se sont donc engagés à mettre en place des dispositifs permettant aux citoyens de faire valider les savoirs, aptitudes et compétences qu’ils ont acquis dans un cadre non formel, en vue de l’obtention d’une certification, complète ou partielle.

L’apprentissage non formel et informel s’inscrit dans la logique d’un paradigme de base de la politique éducative en Europe : l’éducation et la formation tout au long de la vie (5), véritable « principe directeur du développement de la politique en matière d’éducation et de formation ». L’éducation et la formation tout au long de la vie recouvrent aussi bien les activités d’apprentissage pour des raisons personnelles, civiques et sociales que pour des raisons professionnelles. Elles ont lieu à la fois à l’intérieur et à l’extérieur des systèmes d’éducation et de formation. 

Conformément à la stratégie de Lisbonne qui vise à créer une société de la connaissance, l’Union européenne cherche à atteindre directement un nombre important de ses citoyens en favorisant les échanges, la coopération et la mobilité entre les systèmes d’éducation et de formation au sein de la Communauté, afin qu’ils deviennent une référence de qualité mondiale. Une telle ambition concerne donc la formation initiale aussi bien que continue, et le système scolaire et universitaire aussi bien que la formation professionnelle. Son ambition, confirmée par le programme Erasmus + qui valorise explicitement l’apprentissage informel, tant pour les jeunes que pour les adultes, et fixe notamment un objectif de plus de 500 000 jeunes en bénévolat à l’étranger, est donc très large.

Par apprentissage, il faut entendre l’activité ou le processus psycho-cognitif par lequel un individu « assimile des informations, des idées et des valeurs et acquiert de la sorte des connaissances, savoir-faire, qualifications et/ou compétences » (6) d’ordre cognitif et pratique. C’est donc à la fois un processus et le résultat de ce processus. Le terme traduit le concept anglais de learning qui figure dans le programme et principe fondamental des stratégies d’éducation et de formation en Europe, le lifelong learning, « l’éducation et la formation tout au long de la vie ». Si le terme est clair en français, il a cependant l’inconvénient de prêter à confusion avec une forme juridique d’apprentissage, l’apprentiship qui désigne une voie de formation sanctionnée par un diplôme professionnel (ou par certains titres à finalité professionnelle) et un statut autour d’un contrat juridique entre un apprenti et un maître d’apprentissage (ou tuteur).

Le glossaire du CEDEFOP, qui résulte des travaux du groupe (cluster) sur la reconnaissance des résultats de l’apprentissage (7), distingue trois types d’apprentissage :

L’apprentissage formel est dispensé dans un contexte organisé et structuré, spécifiquement consacré à l’apprentissage (en termes d’objectifs, de temps et de ressources), et qui débouche généralement sur la délivrance d’une qualification, en général sous la forme d’un certificat ou d’un diplôme. Il recouvre les secteurs de l’enseignement général, l’enseignement supérieur et de la formation professionnelle. Il est présenté comme intentionnel de la part de l’apprenant.

L’apprentissage informel découle des activités de la vie quotidienne liées au travail, à la famille ou aux loisirs. Il n’est ni structuré ni organisé en termes d’objectifs, de temps, de ressources, et possède en général un caractère non-intentionnel de la part de l’apprenant. On y trouve les compétences en gestion de projet ou en informatique acquises au travail, les langues apprises durant un séjour à l’étranger, les aptitudes acquises dans le cadre d’activités bénévoles, culturelles ou sportives. Cet apprentissage est parfois qualifié d’apprentissage expérientiel ou fortuit (8).

L’apprentissage non formel se situe entre les deux : il ne s’inscrit pas dans un cadre formel mais il est structuré et organisé en périodes délimitées avec des objectifs, un programme, des méthodes, des formateurs. Il a un caractère intentionnel de la part de l’apprenant. À titre d’exemple : les cours proposés par des associations, les formations en ligne.

La formation continue se compose de ces trois types d’apprentissage. On notera que si la distinction entre apprentissage formel et ce qui ne l’est pas est assez aisée à saisir intuitivement, il demeure sans doute plus délicat, en pratique, de distinguer l’apprentissage non formel de l’apprentissage informel. D’après les définitions en effet, ce qui différencierait le non formel de l’informel serait le caractère non structuré de l’apprentissage, et la dimension non intentionnelle de l’informel par rapport au non formel. Dans les faits, il est assez difficile de voir la frontière, ne serait-ce que parce qu’une même activité peut être appréhendée selon plusieurs objectifs cumulés, de loisir et d’apprentissage par exemple. Si en l’état, la distinction ne porte pas beaucoup à conséquence, elle pourrait s’avérer délicate à mettre en œuvre dès lors qu’on chercherait à l’inscrire dans le cadre d’une validation. Il semble plutôt vraisemblable que les artisans de cette distinction entre non formel et informel aient surtout cherché à être exhaustifs pour ne laisser aucun type d’apprentissage en dehors de l’ambition d’une validation.

Dans son état des lieux en Europe de la validation de l’apprentissage non formel et informel de 2007, le CEDEFOP définissait la validation des acquis de l’apprentissage - ou, suivant la traduction alors en vigueur pour la France, des résultats d’apprentissage -, « comme la confirmation d’un organisme compétent que les résultats (connaissances, qualifications et/ou compétences) acquis par un individu dans un environnement formel, non formel ou informel ont été évalués à l’aune de critères prédéfinis et sont conformes aux exigences de la norme de validation. La validation conduit généralement à la certification. » En raison de la variation des traductions de l’anglais, les définitions et les termes employés peuvent changer : l’organisme compétent peut être une autorité compétente et les résultats d’apprentissage des savoirs, des aptitudes et/ou des compétences ». De même, une norme de validation peut être un référentiel. Une telle définition souligne que l’enjeu de la validation ne s’applique pas uniquement aux résultats d’apprentissage acquis dans des contextes non formels ou informels mais à tous les types d’apprentissage. L’enjeu - comme la difficulté - concerne cependant davantage ceux qui résultent des situations d’apprentissage moins conventionnel.

Dans ses conclusions de 2004, le Conseil Éducation mettait en évidence deux étapes de la validation des acquis d’apprentissage : l’identification et la validation proprement dite. La première est le processus qui « atteste des acquis d’une personne et les met en évidence ; elle ne se concrétise pas par un certificat ou un diplôme formel, mais peut servir de base à une telle reconnaissance formelle » tandis que la validation proprement dite « se fonde sur l’évaluation des acquis d’une personne et peut se concrétiser par un certificat ou un diplôme ».

La description du processus de validation a cependant été affinée. Elle comprend trois, voire quatre étapes : l’identification, la documentation, l’évaluation et, selon les cas, la reconnaissance / validation ou la certification de l’apprentissage non formel et informel. La validation à ce titre apparaît non sans ambiguïté soit comme le processus d’ensemble, soit comme son résultat en termes de certification.

Les deux premières étapes - identification et documentation - s’avèrent cruciales pour le processus dans son ensemble. L’identification suppose la reconnaissance par un individu de tout ce qu’il sait, et la prise de conscience de l’adéquation possible entre ses compétences et ses savoirs et celles qui peuvent faire l’objet d’une formation et / ou d’une certification. De ce point de vue, la terminologie employée met l’accent sur l’identification de l’apprentissage au travers de formules comme l’appréciation ou la reconnaissance des compétences, des apprentissages préalables (recognition of prior learning). La documentation suppose le moyen concret par lequel un individu rend compte de ses savoirs et de ses compétences, par exemple au moyen d’un dossier papier (comme dans la validation des acquis de l’expérience en France) ou de portfolios comprenant photos, vidéos, attestations, etc.. Il s’agit pour l’individu de faire la preuve de toutes les activités qui lui ont permis de développer ou d’améliorer des compétences acquises.

On notera que d’après l’état des lieux de 2007, pour certains pays, ces étapes ont pu être considérées comme « indépendantes » les unes des autres.

Il ressort des nombreux documents consacrés à la validation de l’apprentissage non formel et informel une certaine ambiguïté durable concernant la validation : conformément aux glossaires, elle est clairement articulée à la possibilité de l’obtention de la reconnaissance totale ou partielle d’une certification par une autorité compétente ; on définit ici la certification comme « le résultat formel d’un processus d’évaluation et de validation obtenu lorsqu’une autorité compétente établit qu’un individu possède au terme d’un processus d’éducation et de formation les acquis correspondant à une norme donnée. » Mais elle désigne également dans l’esprit d’un certain nombre de pays européens toutes les modalités par lesquelles on flexibilise les parcours d’apprentissage. Dans cette seconde optique, à la fois plus large et plus souple, on peut dégager quatre objectifs concrets possibles visés par elle (9) :

• la dispense de prérequis à l’entrée d’un cycle de formation comme le dispositif français de validation des acquis d’apprentissage de 1985 (VAP) pour l’enseignement supérieur visant à l’accès à des titres homologués ;

• la dispense d’une partie du parcours de formation menant à une certification officielle comme la reconnaissance des acquis antérieur (recognition of prior learning), développée dans l’enseignement supérieur notamment, à l’instar de la Finlande ;

• la dispense d’épreuves permettant l’octroi d’une certification au moyen d’un dossier descriptif ou d’un portfolio des activités et compétences acquises dans un contexte professionnel, comme la VAE en France ;

• et enfin la délivrance d’une certification permettant une lisibilité sur le marché du travail (Certificat de compétences professionnelles et ROME, Répertoire opérationnel des métiers et des emplois développé par le Ministère de l’Emploi et utilisé par Pôle Emploi) qui suppose l’établissement de preuves et souvent une évaluation en situation de travail.

Les Lignes directrices européennes pour la validation des acquis non formels et informels mettent l’accent sur deux approches complémentaires de la valorisation des acquis d’apprentissage. Toutes les formes de validation des acquis non formels et informels ne mènent pas nécessairement à l’obtention d’une certification mais le processus d’identification et d’évaluation qui peut mener à la validation peut revêtir deux grandes formes : l’approche formative d’évaluation qui renseigne sur le processus ou le parcours d’apprentissage en faisant prendre conscience à l’apprenant de ses compétences, de leurs forces et de leurs faiblesses de façon à lui permettre d’améliorer celles-ci. Elle ne vise pas à une certification formelle des résultats par une instance extérieure mais concerne l’apprenant dans son processus d’apprentissage et d’orientation, et joue un rôle particulièrement important notamment en ressources humaines et en entreprises. Inversement, l’approche sommative sanctionne une formation, essentiellement à travers un titre ou un diplôme. En ce sens, elle tient compte des normes nationales ou des référentiels professionnels et doit pouvoir être menée par les organismes nationaux de certification.

D’après l’état des lieux de 2007 sur la validation de l’apprentissage non formel et informel, la distinction entre ces deux approches joue un rôle essentiel dans les environnements d’orientation et de conseil comme de gestion des ressources humaines en entreprise. Pour autant, la distinction, intéressante en théorie, ne s’avère pas toujours probante en pratique : les deux approches sont souvent mêlées et il est parfois difficile de séparer l’intérêt d’une approche formative d’un but d’ordre sommatif. La France apparaît à cet égard comme usant des deux stratégies. Pour autant, celles-ci ne sont pas toujours articulées l’une à l’autre. Ainsi, le bilan de compétences qui relève d’une stratégie formative n’est pas intégré véritablement à une démarche modulaire permettant la flexibilité d’un parcours.

Si les deux approches sont complémentaires, la perspective formative ne prend souvent tout son sens que par rapport aux potentialités d’une certification. C’est particulièrement vrai en France où le certificat ou le diplôme joue un tel rôle culturel. C’est donc précisément parce que l’approche sommative constitue l’essentiel de la validation des acquis d’apprentissage que le développement de la validation est intimement lié, voire intégré, aux systèmes nationaux de certification (cf. I.C.1.).

La notion d’acquis d’apprentissage (learning outcomes) résulte des processus de Bologne concernant l’enseignement supérieur, et de Copenhague concernant l’enseignement et la formation professionnels. Elle intervient désormais dans presque tous les outils de ces politiques (systèmes de crédits, cadres de certification, validation des acquis, procédure d’évaluation et d’assurance qualité). La raison principale de son émergence, au carrefour même de ces politiques européennes, est la recherche de mobilité des étudiants et a fortiori de comparabilité des certifications dans l’espace européen de l’enseignement supérieur (EEES) et de la formation professionnelle tout au long de la vie (EFP). Répondre aux objectifs de transparence des certifications nécessite en effet de pouvoir comparer des certifications de pays différents et d’opérateurs différents ou résultant de formes différentes d’apprentissage (formel, non formel et informel) et donc de se centrer sur les résultats et non sur les processus, dans la mesure où ces derniers sont susceptibles de différer entre eux.

Le concept d’acquis d’apprentissage correspond à l’anglais learning outcomes (LO) (10) qui a fait l’objet de multiples définitions. Globalement, il correspond à tout ce qu’un individu sait, comprend et est capable de réaliser à la fin d’un processus d’apprentissage (11), ce qui est susceptible de mettre en jeu plusieurs types d’acquis ou de résultats : des connaissances, des savoir-faire, des compétences et des aptitudes. Il s’agit d’un concept d’origine pédagogique, orienté sur l’individu apprenant. Apparemment simple conceptuellement, la mise en pratique de cette notion s’avère d’autant plus délicate qu’elle implique un changement de perspective qui se heurte à des habitudes fortes, culturellement inscrites, notamment dans le système scolaire de la formation initiale ou l’enseignement supérieur. Ce changement de perspective se décline de deux façons : le point de vue est renversé, l’individu – et avec lui l’élève, le jeune, l’étudiant, l’apprenti, etc. – devient le centre de l’apprentissage, le mode d’apprentissage initialement basé sur l’enseignant et son enseignement devenant secondaire ; et la focalisation ne se fait plus uniquement sur le processus d’enseignement, son contenu, ses méthodes, ses ressources, son cadre institutionnel au sens large, (cours, modules, programmes, cycle) sa durée, etc. mais sur la définition des résultats d’apprentissage attendus en fin de formation, et effectivement acquis au terme de ce processus. C’est d’ailleurs le fait que l’accent soit mis sur les résultats d’un processus d’apprentissage qui rend l’idée du contexte d’apprentissage moins déterminant, et autorise l’idée de pouvoir à terme reconnaître, voire valider les acquis d’apprentissage obtenus dans d’autres cadres que les cadres académiques, à l’issue d’un apprentissage non formel, voire informel. On notera que le principe curriculaire qui irrigue en France l’éducation et la formation, à travers notamment la notion de socle, et qui est à la base d’autres systèmes éducatifs comme au Québec, participe de cette même logique (cf. II. B. 2.a.).

Le concept d’acquis d’apprentissage (ou encore de résultats d’apprentissage) possède un lien de parenté important avec le concept de compétences (12),bien qu’il ne s’y réduise pas. La définition des compétences est loin d’être homogène. Ainsi, les textes parlent-ils de compétences clés ou transversales mais les dispositifs nationaux, souvent articulés à des cadres nationaux de certification, mettent davantage l’accent sur des compétences professionnelles.

Les compétences clés

L’ensemble des compétences (compétences de base et nouvelles compétences de base) nécessaires pour se développer dans la société contemporaine, basée sur la connaissance.

La Commission européenne décrit huit compétences clés :

• communication dans la langue maternelle ;

• communication dans une langue étrangère ;

• culture mathématique et compétences de base en sciences et technologies ;

• culture numérique ;

• apprendre à apprendre ;

• compétences interpersonnelles, interculturelles et compétences sociales et civiques ;

• esprit d’entreprise (13) ;

• expression culturelle.

Source : Cedefop.

La notion d’acquis d’apprentissage a pour corollaire deux notions : la perméabilité et la modularité.

La perméabilité (14)est la capacité pour un individu en situation d’apprentissage de passer facilement d’un système d’éducation à un autre, et d’un niveau d’apprentissage à un autre supérieur. Favoriser la perméabilité des systèmes d’enseignement et de formation apparaît comme un des objectifs de la stratégie Europe 2020, l’une des conditions de systèmes d’éducation et de formation modernes. (15)

Avec la notion de modularité, on s’intéresse à une stratégie de formation susceptible d’imprimer une plus grande dynamique à des systèmes basés sur les compétences et les certifications professionnelles parfois trop rigides au regard des mutations professionnelles très rapides qui peuvent affecter le marché du travail et de l’emploi. Si l’on définit le module d’après le sociologue en sciences de l’éducation, David Raffe (1994), il s’agit d’une « unité relativement petite du cursus, formant un tout en soi en ce sens qu’il peut être acquis et évalué séparément et combiné de différentes manières à d’autres modules ».

La modularité présente ainsi comme avantages la flexibilité des parcours en fonction des différences et des besoins individuels, l’efficacité des formations pour les intéressés comme pour les employeurs qui y voient un gain de temps possible, et la motivation des apprenants qui peuvent valider et voir reconnaître des unités plus petites et relativement plus facilement qu’un certificat pris dans une logique de cursus complet. C’est ainsi qu’en Belgique francophone (16), le système ECVET est au cœur des objectifs de l’enseignement et de la formation professionnels (EFP) : la démarche cherche à concilier l’idéal consistant à voir tout jeune sortir du système scolaire avec un diplôme ou une certification, avec une attitude pragmatique partant du principe que tout jeune, même en situation de décrochage, dispose d’unités même réduites de compétences. Ainsi, tout le dispositif est organisé autour de la Certification par Unités (CPU) dont les unités font l’objet d’une validation au moyen d’une épreuve de qualification ouvrant droit à une attestation capitalisable dans un passeport CPU. (17)

La modularité s’inscrit un peu dans une logique des tout petits pas. Les inconvénients corollaires sont le risque de fragmentation de l’acquisition des compétences, la focalisation sur des besoins professionnels de court terme. Pour autant, la modularité n’a de sens que si les modules sont vraiment indépendants de façon à pouvoir être évalués de façon séparée et si leur valeur en soi est réellement attractive sur le marché du travail. (18) Autrement dit, la modularité que permettent les acquis d’apprentissage nécessite en complément une modularité des formations elles-mêmes.

La recommandation du 20 décembre 2012 s’inscrit dans le contexte de l’émergence progressive de la notion d’apprentissage non formel et informel au niveau de l’Europe, à travers différents outils comme l’élaboration de principes, de lignes directrices et d’inventaires européens des politiques nationales en la matière.

Dès 2002, la résolution du Conseil du 19 décembre visant à promouvoir le renforcement de la coopération européenne en matière d’enseignement et de formation professionnels, et la déclaration de Copenhague du 30 novembre (19) ont reconnu la nécessité d’élaborer une série de principes communs en ce qui concerne la validation de l'éducation et de la formation non formelles et informelles, en vue d'assurer une plus grande compatibilité entre les approches adoptées dans les différents États membres. Le Conseil a concrétisé cet objectif en mai 2004 en adoptant des conclusions définissant une série de principes européens communs pour l’identification et la validation de l’éducation et de la formation non formelles et informelles. À la suite de ces conclusions, un groupe de travail relatif à la reconnaissance des résultats de l’apprentissage a été mis en place dans le cadre du programme de travail « Éducation et formation 2010 ». Des lignes directrices européennes pour la validation des acquis non formels et informels ont été publiées par ce groupe de travail en 2009.

Le 18 mai 2006, le Conseil a adopté une résolution sur la reconnaissance de la valeur de l’éducation et de la formation non formelles et informelles dans le domaine de la jeunesse en Europe, invitant les États membres à mieux prendre en compte les compétences acquises dans ce cadre et assurant leur comparabilité et leur transparence. La recommandation 2006/962/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 sur les compétences clés pour l'éducation et la formation tout au long de la vie identifie huit compétences clés : communication dans la langue maternelle et dans une langue étrangère, compétence mathématique et scientifique, compétence numérique, compétences sociales et civiques, apprendre à apprendre, esprit d’initiative et d’entreprise, sensibilité et expression culturelles. La résolution de 2006 a débouché sur la conception du « Passeport jeunesse » (Youthpass(20), qui, nous le verrons, constitue un outil d’identification et de valorisation des compétences des jeunes. Il est délivré aux jeunes participants à des projets financés par le programme « Jeunesse en action ».

Il existe par ailleurs bien d’autres instruments juridiques mettant l’accent sur la validation, même à titre indirect. Ils s’avèrent essentiels, à terme, pour la mise en place d’une validation des acquis d’apprentissage non formel et informel cohérente. Ainsi, bien qu’instaurant un outil indirect de valorisation des compétences, le cadre européen des certifications pour l’éducation et la formation tout au long de la vie (CEC ou son équivalent anglais EQF, European qualification framework) qui a été établi par la recommandation du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008, prend explicitement en compte l’éducation informelle et non formelle. À terme, ce cadre doit permettre de mettre en relation les différents systèmes nationaux de certification avec le cadre européen autour de la notion d’acquis de l’apprentissage.

Principes fondamentaux à l’appui de la validation

• La validation doit être volontaire.

• La vie privée des individus devrait être respectée.

• L’égalité d’accès et un traitement équitable devraient être garantis.

• Les parties prenantes devraient participer à la mise en place de systèmes de validation.

• Les systèmes devraient comporter des mécanismes d’orientation et de conseil à l’intention des individus.

• Les systèmes devraient être étayés par une assurance qualité.

• Les processus, procédures et critères de validation doivent être équitables, transparents et étayés par une assurance qualité.

• Les systèmes devraient respecter les intérêts légitimes des parties prenantes et aspirer à une participation équilibrée.

• Le processus de validation doit être impartial et éviter tout conflit d’intérêts.

• Les compétences professionnelles des personnes qui mènent les évaluations doivent être garanties.

Source : CEDEFOP, Lignes directrices européennes pour la validation des acquis non formels et informels, 2007, 2009.

L’arsenal de mesures incitatives qui s’est mis en place en Europe pour favoriser la valorisation de l’apprentissage non formel et informel résulte d’un mouvement de fond plus ancien qui s’appuie conceptuellement sur des travaux liés à au champ de l’éducation populaire, et donc principalement au secteur Jeunesse.

Au niveau européen, ont ainsi pu être mobilisées conjointement des institutions telles que l’OCDE, l’UNESCO (21)ou le Conseil de l’Europe. Dès les années 90, la prise de conscience de la nécessité de valoriser d’autres types d’apprentissage plus flexibles apparaît. Ainsi, lors de la 5ème Conférence des ministres européens chargés de la jeunesse d’avril 1998, à Bucarest (22). En février 2004, les directions de la jeunesse tant du Conseil de l’Europe que de la Commission européenne ont publié un document de travail conjoint sous le titre de Chemins vers la validation et la reconnaissance de l’éducation, de la formation et de l’apprentissage dans le domaine de la Jeunesse (Pathways towards validation and recognition of Education, Training and Learning in the Youth field) indiquant déjà « l’impérieuse nécessité » d’une reconnaissance formelle et sociale de l’éducation et de l’apprentissage non formels et informels dans le secteur de la jeunesse. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe elle-même a adopté une recommandation en ce sens. (23)

Essentiellement sous l’impulsion du secteur Jeunesse pour lequel l’apprentissage non formel constitue un terrain d’élection important, voire essentiel, autour principalement de ce qu’on appelle les activités socioéducatives (youthwork en anglais), tout un travail de réflexion a ainsi été mené depuis 2000, notamment en matière de formation des formateurs, des « travailleurs de la jeunesse », tels que la « formation avancée des formateurs en Europe 2001-2003 » ou des « formateurs pour un apprentissage actif en Europe 2008-2010 ». À ce titre, le « manuel du facilitateur en éducation non formelle » (2009) constitue un outil utile. À travers des activités de loisirs ou de sport, le travail socio-éducatif offre en effet aux jeunes des opportunités d’apprentissage non formel leur permettant d’acquérir des compétences utiles dans le monde professionnel et la société en général.

L’approche essentielle mise en œuvre par le travail socio-éducatif est d’ordre participatif et centrée sur l’apprenant, le jeune en l’occurrence. A la différence de l’apprentissage formel essentiellement fondé sur l’apprentissage cognitif, l’apprentissage non formel s’inscrit dans un contexte psychoaffectif et social décisif pour lequel les différentes activités du secteur jeunesse constituent un terrain d’élection. Pour autant, l’axe de la Jeunesse reste essentiellement centré sur les deux objectifs principaux d’autonomisation et de participation des jeunes, ce qui rend l’idée d’une validation à la fois nécessaire et potentiellement contradictoire (cf. III.B.).

Le partenariat du Conseil de l’Europe et de la Commission européenne ainsi que le Forum européen de la jeunesse et le Centre de ressources SALTO sont à l’origine d’une relance de la réflexion dans les années 2011 (24) en faveur d’une nouvelle stratégie et d’une nouvelle dynamique, désignée sous le terme de processus de Strasbourg. Bien que le texte de la recommandation de 2012 n’en fasse pas état, ses réflexions basée sur le document de travail Pathways 2.0 –towards recognition of non-formal learning education and of youth work in Europe (Chemin 2.0 vers la reconnaissance de l’éducation/apprentissage non formel du travail socio-éducatif de la Jeunesse en Europe), irriguent néanmoins la problématique et les efforts de reconnaissance d’autres modes d’apprentissage que l’apprentissage classique et académique.

Depuis la crise et son approfondissement (crise financière de 2008 et crise des dettes souveraines de l’été 2010), dans un contexte de chômage élevé, en particulier chez les jeunes –  selon la Commission européenne, près de 5,6 millions de jeunes Européens (hors étudiants) n’avaient pas d’emploi en avril 2013 -, et de vieillissement démographique, la validation des compétences acquises en dehors du système formel, à l’occasion d’activités extrascolaires par exemple, de stages en entreprises, de « jobs », etc. est vue comme devant permettre d’améliorer le fonctionnement du marché du travail en renforçant la mobilité et surtout l’employabilité (25). Constatant qu’à l’échelle européenne, il existe un décalage entre une demande accrue du marché en faveur de personnes de plus en plus qualifiées et une insuffisance de qualifications chez les demandeurs d’emplois, l’urgence consiste ainsi à remédier à la pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs en adaptant l’éducation aux exigences du marché du travail. On attend ainsi de la validation qu’elle permette de mieux mettre en valeur les compétences des individus plutôt que leurs cursus, et à travers elles les compétences transversales essentielles (26) qui répondent notamment à de nouvelles exigences des employeurs. Parmi elles, ce qu’on appelle également des « soft skills » ou « e-compétences ». À titre d’exemple, 75% des jeunes ayant participé au service volontaire européen ont déclaré avoir de meilleures perspectives de carrière grâce à cette expérience.

Symptomatique de cet accent mis sur l’employabilité, avec le renouvellement de la Commission européenne fin 2014, la validation des acquis d’apprentissage non formel et informel qui relevait administrativement du bureau de la direction générale Education, relève désormais de la direction générale Emploi. Bien que d’ordre administratif, ce changement de direction est emblématique, selon nous, de la volonté européenne de changer de paradigme en mettant, désormais, en priorité le curseur sur l’employabilité plutôt que sur l’éducation.

La recommandation du 20 décembre 2012 relative à la validation oscille entre une volonté holiste de concerner potentiellement tous les publics possibles en faisant de la validation un droit individuel, donc potentiellement universel, et la volonté d’y trouver une solution pour des publics ciblés. Ainsi en Belgique francophone, la mise en place du système ECVET vise explicitement les jeunes en décrochage scolaire (27). L’enjeu de la validation de l’apprentissage non formel est donc ambitieux : outre qu’elle vise potentiellement tous les âges et tous les publics d’apprenants – élèves, adultes, chômeurs, séniors, etc. – dès lors qu’elle s’inscrit dans l’objectif général d’éducation et de formation tout au long de la vie, elle cherche tout particulièrement à favoriser des publics en difficulté qui y sont socio-culturellement plus éloignés, à savoir « les personnes défavorisées sur le plan socio-économique ou les personnes peu qualifiées » (28) en leur permettant de (ré)intégrer le marché du travail. La recommandation du Conseil du 20 décembre 2012 va même jusqu’à préconiser un « bilan de compétences » pour les chômeurs ou « sur le point de l’être ». À travers cet objectif, la valorisation de l’apprentissage non formel apparaît ainsi également comme un outil d’équité sociale. Reconnaître les compétences, les aptitudes ou le potentiel de ces personnes, acquises dans d’autres contextes que le contexte formel et scolaire traditionnel, souvent signe pour elles de rejet ou de complexes intellectuels et/ou sociaux, apparaît en effet comme un outil de valorisation et de motivation des intéressés, et partant comme un moyen non seulement de leur permettre un meilleur accès à l’emploi (ou à de meilleures perspectives d’emploi et de salaire) mais également de les raccrocher à l’apprentissage sous toutes ses formes. Les deux perspectives sont d’ailleurs liées : bon nombre des validations des acquis antérieurs s’inscrivent dans des démarches de formation en vue d’une qualification, la certification étant rarement obtenue directement sans formation complémentaire. Perspectives d’employabilité et de pédagogie s’articulent : la validation favorise en effet des trajectoires d’apprentissage plus courtes en levant des obstacles tenant à l’absence ou l’insuffisance de certifications, au manque de temps ou de moyens de financer une reprise d’études complète. A ce titre d’ailleurs, elle est également susceptible d’intéresser les employeurs en favorisant chez leurs employés des temps de formation plus réduits, hors de leur lieu de travail.

L’enjeu pédagogique est également mobilisé en ce que du point de vue des systèmes éducatifs, la validation apparaît comme un moyen de favoriser l’accès aux formations elles-mêmes, notamment dans l’enseignement supérieur. Elle est en effet vue comme devant favoriser les passerelles ou, mieux, la « perméabilité », entre les systèmes d’éducation et de formation tout au long de la vie. L’objectif en effet est de permettre une flexibilité des parcours d’apprentissage empruntés par les individus, pour favoriser non seulement l’entrée dans l’enseignement supérieur mais également le passage entre les niveaux inférieurs de l’éducation du secondaire – équivalent des niveaux d’âge représentés par le collège en France – vers les niveaux supérieurs – les trois ou quatre années qui suivent.

La trajectoire habituelle des adultes peu ou pas qualifiés est rarement rectiligne mais caractérisée par des « trous », des détours et des discontinuités. Selon le réseau Eurydice, autour de 25 % des adultes de 25 à 64 ans de l’Union européenne – soit presque 70 millions de personnes - n’ont pas été au-delà du niveau de base du secondaire. Parmi eux, 20 millions environ (6,5 %) ont quitté le système éducatif après le primaire. D’après un sondage, si 80 % des adultes peu ou pas qualifiés éprouvent peu d’intérêt à l’égard de l’apprentissage tout au long de la vie, le manque d’intérêt dont ils témoignent à l’égard de la formation est corrélé à leur bas niveau d’éducation, notamment en matière d’enseignement supérieur, lequel, par un effet de cercle vicieux, renforce ou au contraire restreint leur capacité à chercher des informations relatives à des opportunités d’apprentissage. La façon dont le système éducatif est organisé, et permet ou non une progression, impacte donc directement le désir et la motivation des adultes qui souhaiteraient reprendre une formation (29).

De ce point de vue, même si la recommandation du 20 décembre 2012 relative à la validation de l’apprentissage non formel et informel ne le mentionne pas explicitement, l’émergence de dispositifs de validation des acquis d’apprentissage en favorisant des parcours diversifiés et atypiques apparaît aussi comme un outil dans la lutte contre le décrochage scolaire et/ou universitaire dont on sait qu’il a des conséquences socio-économiques directes et cumulatives sur les individus. Dans l’Union européenne des vingt-huit, en moyenne, 19,7 % des jeunes ayant au plus des études d'enseignement secondaire (de niveau collège) ont un emploi, comparé à 42,7 % des jeunes qui ont obtenu un diplôme de l’enseignement secondaire du type lycée et à 54,6 % des diplômés de l’enseignement supérieur. (30) Selon le réseau Eurydice, dans un peu plus de la moitié des pays européens, les stratégies de lutte contre l’abandon scolaire passent notamment par l’augmentation de la perméabilité et de la flexibilité des systèmes d’éducation et de formation entre eux en partant du principe que les choix d’orientation, pris souvent trop tôt, enferment les individus dans des voies rigides et démotivantes. C’est ainsi que des pays comme la Belgique (communautés francophone et flamande), la Pologne ou la Finlande cherchent à accroître l’attractivité de leur système de formation professionnelle. De même, l’Italie a-t-elle pris un décret législatif incitant le système éducatif lui-même à intégrer les expériences non formelles et informelles qui fera ultérieurement l’objet d’un portfolio personnel étudiant. (31)

La recommandation du Conseil du 20 décembre 2012 s’inscrit donc dans une pluralité de démarches sectorielles : l’enseignement supérieur, dans l’axe de la Conférence de Louvain de 2009 et des conclusions du Conseil sur la modernisation de l’enseignement supérieur de 2011 qui développe la notion consacrée de « reconnaissance des acquis antérieurs » (recognition of prior learning) ; l’enseignement et la formation professionnelles, dans l’axe du communiqué de Bruges relatif à la mise en place de procédures nationales de connaissance et de validation en lien avec l’établissement de cadres nationaux de certifications (CEC) ; enfin, la formation pour adultes qui fait de la validation de l’éducation non formelle une priorité pour 2012-2014.

Facteur clé de la stratégie européenne en matière d’éducation et de formation tout au long de la vie, la validation de l’apprentissage non formel se présente donc moins comme une alternative au système formel auquel elle se substituerait que comme un outil complémentaire (32). Si la validation de l’apprentissage non formel suppose un cadre formel de certification auquel s’adosser, inversement l’éducation et la formation dites formelles sont amenées à devoir s’adapter pour évaluer les « apprenants », selon un langage commun.

Déclinés dans les différents secteurs de l’éducation et de la formation, les acquis d’apprentissage sont à usages multiples puisqu’ils servent autant à définir des objectifs pédagogiques et/ou des critères d’évaluation au niveau des opérateurs d’enseignement, de formation et de validation qu’à assurer la transparence au niveau des systèmes de certification, notamment vis-à-vis de l’extérieur et du marché du travail principalement. La notion d’acquis d’apprentissage est ainsi de plus en plus explicitement au cœur des outils - systèmes de crédits, cadres de certification, validation des acquis, processus d’évaluation et d’assurance-qualité - mis en œuvre en Europe. Son émergence résulte de la recherche de mobilité des étudiants et pour ce faire de comparabilité des certifications dans l’espace européen. D’après le glossaire établi par le CEDEFOP, il s’agit de « l’ensemble des savoirs, aptitudes et/ou compétences qu’un individu a acquis et / ou est en mesure de démontrer à l’issue d’un processus d’apprentissage ».

Bien que l’approche formative soit considérée comme essentielle dans la prise en compte des acquis d’apprentissage, elle est, en pratique, rarement dissociable de la visée sommative, ne serait-ce que parce que les intéressés, les apprenants, y voient une utilité plus grande ou plus directement opérationnelle pour eux – certification professionnalisante, moyen d’intégrer une formation, promotion dans l’entreprise, etc. C’est la raison pour laquelle la validation est conçue comme adossée aux systèmes de qualifications et de certifications, et qu’il est impossible de parler de validation des acquis d’apprentissage non formel et informel en dehors des cadres de certification nationaux. A ce titre, il y a une synergie : la validation des acquis d’apprentissage non formel et informel s’aligne avec la validation des acquis d’apprentissage formel, voire l’encourage, et vice versa (33). « La mesure dans laquelle la validation est devenue une réalité pratique pour les particuliers est étroitement liée à l’ « ouverture » du système national de certification et au fait que les résultats de l’apprentissage obtenus en dehors de l’école soient acceptés comme la base légitime d’un certificat ou d’un diplôme. Le développement rapide de cadres nationaux de certification partout en Europe, en réponse au cadre européen des certifications, a (au cours de la période 2005-2007) renforcé l’intérêt pour la validation et peut aujourd’hui être considéré comme le principal et unique facteur influençant l’évolution dans ce domaine ». Il n’est pas anodin à ce titre que le groupe de travail chargé d’assurer le suivi de la mise en œuvre de la recommandation du 20 décembre 2012 relative à la validation soit également celui qui est chargé de travailler sur la mise en œuvre du cadre européen des certifications.

Le Cadre européen des certifications (CEC) ou European Qualifications Framework (EQF)

Issu du processus de Copenhague qui a développé le concept d’apprentissage tout au long de la vie, le CEC a fait l’objet d’une recommandation de 2009. Il a pour objet de permettre aux pays européens d’établir un lien entre leurs systèmes de certification. Ce cadre permet de définir les niveaux de certification acquis dans l’enseignement général, l’enseignement technique, l’enseignement professionnel, l’enseignement supérieur universitaire et non-universitaire ainsi que dans la formation professionnelle.

Les 8 niveaux du CEC correspondent à des acquis attendus déclinés en savoirs (knowledges), aptitudes (skills) et compétences (competencies). Chaque pays est amené à définir la correspondance de ces niveaux européens avec ceux de leurs différents cycles de formation ou diplômes.

Le cadre européen des certifications (CEC), plus souvent répertorié sous son acronyme anglais EQF pour European qualification Framework, est issu de la recommandation du Parlement européen et du Conseil établissant le cadre européen des certifications pour l’éducation et la formation tout au long de la vie, du 29 janvier 2008. Il constitue un cadre commun de référence des niveaux de qualification certification, définis sur la base des résultats d’apprentissage permettant la communication et la comparaison, à des fins de mobilité en Europe notamment, entre les différents systèmes de certification nationaux. Le CEC est un outil basé sur les résultats de l'apprentissage et non sur le type de formation (longueurs de la formation ou des études, type d’établissement fréquenté, durée). Ses huit niveaux couvrent toute l’étendue des certifications, aussi bien celles que l’on obtient à l’issue de la scolarité obligatoire que celles que l’on décerne au plus haut niveau de l’enseignement supérieur et de la formation professionnelle. Les principaux indicateurs du niveau de référence sont les aptitudes, les compétences et les connaissances. Ainsi le cœur du CEC est composé d'un ensemble de huit niveaux de référence décrivant chacun ce que l’apprenant sait, ce qu’il comprend (cf. annexe 2) et ce qu’il est capable de faire, indépendamment du système dans lequel telle ou telle certification a été délivrée.

On notera que le CEC s’inscrit dans la logique du cadre des certifications mis au point pour l’enseignement supérieur dans le cadre du processus de Bologne puisqu’il leur est compatible. Ses descripteurs des niveaux 5 à 8 correspondent ainsi aux descripteurs de l’enseignement supérieur. Toutefois, leur formulation diffère car le CEC a une vocation plus large, conforme à l’ambition d’une éducation et d’une formation tout au long de la vie : il comprend aussi l’enseignement et la formation professionnels ainsi que les milieux professionnels, y compris aux niveaux les plus élevés.

Par ailleurs, le CEC est un outil de lecture et de description à des fins comparatives ; il n’attribue pas de certifications, ce qui reste de la responsabilité des organismes nationaux de certification.

Les cadres nationaux de certification (CNC) sont des nomenclatures des certifications propres à un pays. Par analogie au cadre européen, ils comportent une structure à plusieurs niveaux et catégories : les différents diplômes et certificats s’inscrivent dans un niveau national qui, lui-même correspond à un niveau européen. Il s’agit en quelque sorte d’un instrument non d’harmonisation mais de traduction permettant de rendre plus lisible le système de formation et les qualifications spécifiques d’un pays. Les cadres nationaux des certifications peuvent présenter des différences entre eux, par exemple en ce qui concerne le nombre de niveaux ou les descripteurs des catégories (cf. annexe 2 Comparaison France/Italie). Ainsi, la France n’informe aucune certification aux niveaux 1 et 2 du cadre européen, qui correspondent à des niveaux de maîtrise de base de connaissances et de compétences.

On notera que la nécessité d’articuler les certifications d’un pays à une échelle européenne commune pour les rendre lisibles par d’autres pays européens a incité les États membres à élaborer un cadre national de leurs certifications quand ils n’en avaient pas. Chacun des niveaux d’un cadre national doit être attribué à un niveau spécifique du CEC. Une fois que cette procédure de référencement au CEC est effectuée, chaque diplôme attribué à un niveau d’un cadre national de certification l’est d’office à un niveau du cadre européen.

Les niveaux des cadres nationaux de certification, basés sur les acquis d’apprentissage, contribuent donc à la transparence en précisant ce qui est attendu du titulaire d’une certification ; cela permet d’instaurer une certaine confiance sur les certifications des autres Etats. En France, c’est la Commission nationale des certifications professionnelles (CNCP) (34),- commission interministérielle, interprofessionnelle et interinstitutionnelle -, créée par la loi sur la modernisation sociale, qui est chargée de mettre en place les équivalences entre les niveaux de certifications françaises et le cadre européen des certifications. Elle le fait à partir d’un cadre, le Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), hérité notamment de la nomenclature de 1969 (35), qui comprend 5 000 fiches descriptives de certifications avec un objectif de 13 ou 14 000 fiches supplémentaires destinées à y figurer. À titre d’exemple, le doctorat, diplôme de formation continue, correspond dans le système français au niveau supérieur I qui lui-même correspond au niveau 8 européen ; le BTS de niveau V en France correspond au niveau 3 de la nomenclature européenne. Il n’existe pas de certifications professionnalisantes françaises correspondant aux deux premiers niveaux planchers de la nomenclature européenne, le RNCP n’intégrant pas les certifications générales du type Brevet des collèges ou Bacs généraux.

La mise en œuvre de la validation de l’apprentissage non formel et informel, articulée à la notion d’acquis d’apprentissage, semble donc tributaire de l’état d’avancement des nomenclatures nationales. Or les défis sont nombreux. Outre que tous les pays ne disposent ou ne disposaient pas de cadre ou de système de certification, il convient que tous les critères et procédures soient établis, que les certifications soient affectées aux différents niveaux européens, et il faut affecter les certifications aux différents niveaux. D’après les travaux du groupe en charge du cadre européen des certifications, un cadre juridique au niveau national semble nécessaire pour une mise en œuvre pleine et entière et, corollairement, une légitimité nationale. Cela suppose cependant bien souvent une remise à plat du système de certification du système formel autour de la notion d’acquis d’apprentissage dans la mesure où les référentiels d’enseignement et de formation des systèmes formels ont généralement été conçus initialement davantage dans une perspective de ressources – durée, contexte des cours, etc. En France, en dépit d’un dispositif ancien, le référencement n’a pas toujours été simple. Ainsi, le positionnement du certificat d’infirmier en France s’est avéré délicat, son niveau étant inférieur à celui d’autres pays (« le référencement aurait conduit à classer les infirmiers au niveau 5 du CEC ») (36).

Comparaison entre la grille du cadre européen des certifications (CEC) et la nomenclature française de 1969 :

Source : Rapport 2010 sur le Référencement du cadre national de certification français vers le cadre européen de certification pour la formation tout au long de la vie, EQF et CNCP

Conformément au glossaire élaboré par le CEDEFOP (37), un système de crédits est un outil « conçu afin de permettre l’accumulation des acquis d’apprentissage obtenus dans des contextes formels, non formels ou informels, et de faciliter leur transfert d’un contexte vers un autre en vue de leur validation, et partant leur reconnaissance. » Il existe deux systèmes de crédits développés en Europe dont le plus connu : le système ECTS.

Le système européen de transfert et d’accumulation de crédits (ECTS pour European Credits Transfer System), introduit en Europe à la suite de la recommandation du Parlement européen et du Conseil du 10 juillet 2001 relative à la mobilité dans la communauté des étudiants, des personnes en formation, des volontaires et enseignants et des formateurs est très clairement connu et reconnu comme l’un des outils fondamentaux de la mobilité étudiante en Europe, dans le cadre notamment des programmes Erasmus. Il n’est pas certain en l’état que cet outil soit encore bien adapté à la validation des acquis d’apprentissage non formel et informel.

Le second système, ECVET (pour European Credit system for Vocational Education and Training(38), résulte de la recommandation du Parlement Européen et du Conseil du 18 juin 2009 établissant le système européen de crédit d'apprentissages pour l'enseignement et la formation professionnels (ECVET). Il constitue un cadre technique pour le transfert, la reconnaissance et la capitalisation des acquis d’apprentissage individuels afin de permettre une certification. Le système ECVET a en effet pour visée de favoriser la mobilité européenne des apprenants et des travailleurs en rendant possible la reconnaissance des périodes de formation, de stage ou de travail qu’ils ont effectuées dans un autre pays européen.

La recommandation du Conseil du 18 juin 2009 (39) n’est pas directement centrée sur l’apprentissage non formel et informel dans la mesure où elle fonde l’ECVET sur les systèmes formels que sont l’enseignement et la formation professionnels. Mais elle en intègre la possibilité. Ainsi, la recommandation préconise de « facilite(r) en particulier le développement de parcours flexibles et personnalisés ainsi que la reconnaissance des acquis qui sont issus de l’apprentissage non formel et de l’apprentissage informel. » (40) De même, elle affirme en annexe : « en ce qui concerne l'application d'ECVET aux acquis d'apprentissage obtenus dans un contexte non formel ou informel, ou en dehors du cadre d'un accord de partenariat, il appartient à l'institution compétente habilitée à délivrer les certifications ou les unités, ou à octroyer les crédits, de mettre en place des procédures et des mécanismes pour l'identification, la validation et la reconnaissance de ces acquis par l'attribution des unités correspondantes et des points ECVET associés. » L’un des enjeux de la mise en œuvre des ECVET est ainsi d’assurer une perméabilité à l’intérieur des sous-systèmes nationaux (jeunesse, éducation, formation professionnelle, université, etc.) en permettant des passerelles entre eux, et de garantir la possibilité pour des apprenants hors dispositif formel de s’intégrer à lui.

ECVET et ECTS : des différences à bien comprendre

ECTS

ECVET

Système européen de transfert de crédits pour l’enseignement supérieur

Système européen d’accumulation et de transfert de crédit pour l’enseignement et la formation professionnels

Harmonisation de l’enseignement supérieur en trois cycles identiques :

Bachelier

Master

Doctorat

Pas d’harmonisation des systèmes d’éducation et de formation professionnelle attendue.

La prise en compte des acquis d’apprentissage permet de développer un langage commun qui doit assurer la lisibilité des différents systèmes européens, et partant favorise leur transparence et leur confiance mutuelle

Focalisation sur le processus d’apprentissage par la prise en compte de la durée, de la charge de travail (input) et du niveau attendu des certifications (output).

Focalisation sur les résultats du processus d’apprentissage (« acquis d’apprentissage »)

Essentiellement prise en compte des apprentissages formels

Conçu d’emblée pour prendre en compte les différents types d’apprentissages formels, non formels et informels

D’après cette description, le dispositif ECVET faciliterait le processus de validation des acquis d’apprentissage non formel et informel car il cherche à reconnaître des acquis issus d’activités d’apprentissage effectués hors des parcours classiques ou standardisés, soit à l’étranger, soit lors d’une période de mobilité. En effet, reposant sur la logique des acquis d’apprentissage, il permet la description des connaissances, aptitudes et compétences nécessaires à une qualification/certification au moyen d’unités associées qui doivent être transférables et capitalisables. Il constitue donc une grille de lecture permettant d’établir où en est l’apprenant, les unités d’apprentissage qu’il peut valider et celle qu’il lui reste à acquérir.

Le processus de transfert implique deux composantes : les unités d’apprentissage et les crédits d’apprentissage. Les unités d’apprentissage sont des éléments cohérents de savoirs, d’aptitudes et de compétences susceptibles de faire l’objet d’une certification et d’une validation, soit parce qu’ils sont spécifiques à une certification soit parce qu’ils sont communs à plusieurs certifications. Les points ECVET permettent de chiffrer le poids relatif de chacune des unités par rapport à la certification dont ils sont les unités d’apprentissage et constituent une composante. Les crédits d’apprentissage correspondent aux acquis d’apprentissage d’un individu tels qu’ils ont été évalués afin de permettre l’obtention d’une certification ou le passage à d’autres apprentissages.

L’ambition d’ECVET ne se limite pas à la mobilité transnationale : son cadre technique pourrait être utilisé pour établir, au sein du cadre national lui-même, des équivalences entre certifications de branches professionnelles différentes. Potentiellement, l’outil s’adresse donc tant aux individus qu’aux organismes certificateurs ou aux opérateurs. Les opérateurs de certification peuvent en effet identifier les acquis d’apprentissage que les apprenants ont déjà atteints en comparaison de ceux qu’il leur reste à acquérir pour satisfaire à tous les critères de la certification. Pour les intéressés - les apprenants - cela favorise la lisibilité de leurs parcours en termes d’acquis d’apprentissage, de façon à les aider à s’orienter, en validant certaines unités d’apprentissage et en réservant le reste à des formations adaptées.

Il est difficile à l’heure actuelle d’établir un bilan d’ECVET qui en est encore bien souvent à l’état de phase expérimentale. On ne dispose notamment pas de données chiffrées concernant les expérimentations en cours. En Belgique francophone cependant, le groupe d’experts chargés de mettre en œuvre le système ECVET souligne que la politique volontariste déployée en la matière à travers notamment le Consortium de Validation des Compétences (CVdC), créé en 2003, et le Service francophone des Métiers et des Qualifications (SFMQ), créé par décret du 30 avril 2009, contribuent activement à favoriser la mise en œuvre des principes et des outils du système ECVET (41). En France, ECVET est un réseau de huit membres parmi lesquels des représentants de l’Education nationale, des ministères de l’agriculture, de la jeunesse et des sports ou encore des chambres consulaires. Le chantier engagé est important : découper les cursus de formation professionnelle en unités d’apprentissage est une opération plus complexe, semble-t-il, que l’opération comparable qui a été effectuée pour l’enseignement supérieur et universitaire (pour les ECTS) (42).

L’Europass résulte de la décision no 2241/2004/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 2004 instaurant un cadre européen unique pour la transparence des qualifications/certifications et des compétences. Il s’agit d’un portefeuille unique visant à aider les citoyens à démontrer clairement et facilement leurs qualifications et leurs compétences partout en Europe (Union européenne, pays candidats dont la Turquie ainsi que l’Islande, le Lichtenstein, la Norvège et la Suisse). L’Europass réunit cinq documents élaborés au niveau européen pour améliorer la transparence des qualifications. Son but est de faciliter la mobilité de tous ceux qui veulent se former ou travailler aux quatre coins de l’Europe.

L’Europass comprend les documents suivants :

Le curriculum vitae (CV) Europass. Il s’agit de la version améliorée du CV européen créé par la Commission en 2002. Le modèle CV Europass, l’élément central du portfolio, a été conçu pour mettre en évidence les compétences des citoyens.

L’Europass Mobilité. En utilisant un modèle européen commun, l’Europass Mobilité vise à consigner toutes les périodes de mobilité transnationale à des fins d’apprentissage, à quelque niveau que ce soit : stage en entreprise, semestre d’études à l’université ou toute autre expérience de formation. Il remplace, avec un champ d’application beaucoup plus élargi, l’Europass Formation.

Le supplément au diplôme Europass. Le supplément au diplôme contient des informations sur le parcours de son titulaire dans l’enseignement supérieur. Il décrit la nature, le niveau, le contexte, le contenu et le statut des études accomplies avec succès par son titulaire. Toutefois, il ne remplace pas le diplôme original. Mis au point conjointement avec le Conseil de l’Europe et l’Unesco, il est rempli par l’établissement qui le délivre en même temps que le diplôme.

Le supplément au diplôme se compose de huit parties qui renseignent sur le titulaire du diplôme, le diplôme, le niveau de qualification, le contenu et les résultats obtenus, la fonction de la qualification, la certification du supplément et le système national d’enseignement supérieur.

Le supplément descriptif du certificat Europass. Le supplément du certificat clarifie les qualifications professionnelles de toute personne possédant le certificat d’enseignement ou de formation professionnelle auquel il se réfère. À cette fin, il fournit entre autres des informations sur les compétences acquises, l’éventail des activités professionnelles accessibles, les organismes certificateurs, le niveau du certificat, ainsi que le niveau d’entrée requis et les possibilités d’accès au niveau d’enseignement suivant. Il ne remplace pas le certificat original et ne constitue pas un système automatique de reconnaissance. Il est établi par les autorités nationales compétentes.

Le passeport de langues Europass (Portfolio européen des langues). Le portfolio européen des langues permet aux citoyens de présenter les compétences linguistiques et culturelles qu’ils ont acquises. Il contient le passeport de langues Europass, qui précise les aptitudes linguistiques du titulaire conformément à des critères communs reconnus dans toute l’Europe, ses expériences dans chaque langue et un dossier contenant des travaux personnels permettant d’illustrer le niveau de connaissances linguistiques atteint.

L’initiative Europass est soutenue par un portail internet Europass géré au niveau communautaire. Ce site permet aux citoyens de remplir leur propre CV Europass et leur passeport de langues, et de s’informer sur les autres documents Europass. En 2012, en sept années d’existence, Europass avait généré plus de seize millions d’utilisation pour le seul CV Europass, dont plus de 600 000 en France, dépassant largement les objectifs initiaux de la Commission européenne.

Du point de vue de la validation des acquis d’apprentissage non formel et informel, Europass joue le rôle d’un outil de documentation en vue d’une validation éventuelle en mettant particulièrement l’accent sur les compétences acquises dans un contexte européen. L’usage notamment du passeport linguistique est typique de cette promotion des compétences, inhérente à la démarche de validation des acquis d'apprentissage non formel. Ce type de documentation est de plus en plus apprécié et crédité non seulement chez les personnes en recherche d’emploi mais également chez les employeurs eux-mêmes. Selon une enquête de 2011, les trois quarts des recruteurs interrogés connaissaient le CV Europass contre seulement 37 % en 2008. L’Europass mobilité suit la même progression, le nombre de documents délivrés en 2012 ayant été multiplié par quatre par rapport à 2005. En France, ce sont les lycées et les centres de formation d’apprentis (CFA) qui y ont majoritairement recours - à respectivement 45 - 52 % et 23 - 28 % -, y trouvant un outil à la fois utile et simple d’utilisation, et un instrument d’identification et de mise en valeur des compétences acquises lors de séjours à l’étranger, susceptible d’aider à mieux préparer leurs titulaires à des entretiens de recrutement (43).

Le rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil du 4 juillet 2008 concernant la première évaluation de l’initiative Europass [COM (2008) 427 final, non publié au Journal officiel] conclut que l’initiative Europass remplit ses objectifs en tant qu’outil favorisant la mobilité des citoyens et qu’elle leur permet d’homologuer leurs qualifications et leurs compétences de manière claire dans les différents contextes d’apprentissage et sur le marché du travail. Néanmoins, la Commission européenne estime que le potentiel de l’initiative pourrait être mieux exploité, et afin d’améliorer la pertinence et l’efficacité de l’initiative, elle recommande notamment d’accentuer la promotion de l’initiative auprès des apprenants et des employeurs, de la part notamment des centres nationaux Europass. La Commission européenne préconise aussi d’intégrer l’Europass Mobilité dans le programme d’apprentissage tout au long de la vie, d’assurer une meilleure coordination de la gestion du supplément descriptif du certificat Europass et du supplément au diplôme Europass, de développer le supplément au diplôme Europass en mettant davantage l’accent sur les résultats d’apprentissage et enfin d’associer l’initiative Europass à la mise en œuvre du cadre européen des certifications (CEC).

Le Passeport Jeunesse ou Youthpass a été créé en 2007 pour assurer la portabilité des compétences en Europe par la valorisation des acquis réalisés, lors de périodes de stage, de formation, etc.. Il est réservé aux 13 - 30 ans (à l’exception des activités de formation « des travailleurs de jeunesse », salariés ou bénévoles). Youthpass est disponible pour les projets financés par les programmes Erasmus + Jeunesse en action et Jeunesse en action. Les participants de ces projets peuvent décrire ce qu’ils ont réalisé et montrer ce qu’ils ont appris au cours d’un projet. C’est un outil de description des actions accomplies dans un cadre européen par des jeunes.

Youthpass se présente explicitement comme un outil européen pour la reconnaissance des apprentissages non formels et informels dans le travail de jeunesse ou le travail socio-éducatif. Il n’a pas cependant pour finalité de valider de façon officielle l’apprentissage non formel ou informel. L’objectif se situe dans la capacité du titulaire à formaliser son expérience. Le document informé n’est ni un droit ni une accréditation formelle des compétences ni un outil de substitution de qualifications formelles ; il s’agit seulement d’un document confirmant la participation d’un jeune à une activité par les organisateurs de cette activité. Le périmètre de Youthpass, s’il a vocation à s’étendre, concerne ainsi pour le moment les échanges entre jeunes, le Service volontaire européen – fondé sur le même principe que le service civique français – et les cours de formation. Pour le moment, la possibilité d’utiliser le Youthpass pour un stage dans son pays d’origine n’est offerte que pour le programme Jeunesse en Action mais il s’agit d’une ambition légitime si l’on souhaite utiliser le document comme support de valorisation et de reconnaissance des expériences et des compétences acquises dans des cadres non formels.

L’un des gros intérêts de l’outil Youthpass est en effet de permettre, par le biais d’une pédagogie dite active, d’apprendre à renseigner, identifier, nommer et décrire les acquis de son expérience. La difficulté à mettre en mot et à verbaliser ce type d’expérience est symptomatique du défi de la validation de l’apprentissage non formel et informel. La méthodologie de Youthpass n’est cependant guère séparable d’un accompagnement des titulaires, l’autoévaluation basée sur les huit compétences clés qui en constitue une partie (44) s’avérant un exercice très difficile à réaliser seul. Si le bénéfice en termes de confiance en soi est clairement reconnu par les titulaires du Youthpass, l’outil s’avère cependant largement méconnu. Comme la brochure de Youthpass l’indique sans fard, rendre l’outil davantage présent dans l’horizon européen et sa mise en œuvre constitueront cependant une difficile entreprise (45). Typique de la lourdeur de ce chantier en perspective, le fait que, à l’instar de la plupart des documents de réflexion sur la question, le site de présentation de Youthpass, hormis sa page d’accueil, figure uniquement en anglais !

L’Inventaire européen de l’apprentissage non formel et informel ainsi que les Lignes directrices pour la validation de l’apprentissage non formel et informel constituent une source essentielle d’informations pour établir un bilan de la mise en place des acquis d’apprentissage en Europe. La recommandation du Conseil européen du 20 décembre 2012 relative à la validation de l’apprentissage non formel et formel y fait explicitement allusion, demandant à la Commission européenne, en partenariat avec les États membres, d’assurer une mise à jour régulière de l’Inventaire et des Lignes directrices. Le CEDEFOP (Centre européen pour le développement de la formation professionnelle ou European center for the development of vocational training), l’agence indépendante européenne, créée en 1975, pour développer les politiques en matière d’éducation et de formation professionnelle, est chargé d’assurer ce suivi auprès de la Commission européenne, des Etats membres et des partenaires sociaux.

En 2014, il s’agit de la 5ème mise à jour de l’Inventaire européen depuis sa mise en place en 2004. Il représente plus d’un millier de pages offrant une vue d’ensemble de la validation dans les trente-trois pays européens partenaires (les vingt-huit États membres de l’Union européenne, les pays de l’AELE (Islande, Liechtenstein, Norvège et Suisse) et un pays candidat, la Turquie). L’Inventaire qui présente des notices par pays, en anglais principalement, montre que « malgré la complexité de la tâche, les stratégies en matière de validation progressent lentement mais sûrement. » (46)

Derrière le consensus en faveur de la valorisation de l’apprentissage non formel et informel, et donc une mobilisation politique réelle, il ressort que le nombre de pays qui se sont engagés dans la voie de stratégies nationales globales en matière de validation des apprentissages non formels et informels est passé de cinq à treize depuis 2010. Le rapport de synthèse du CEDEFOP en attribue explicitement pour une bonne part la responsabilité à la recommandation du 20 décembre 2012 qui incite les États membres à mettre en place une stratégie nationale en matière de validation pour l’échéance de 2018 (47). Parmi ces pays, seules la France, l’Espagne et la Finlande ont cependant engagé des stratégies englobant tous leurs systèmes éducatifs.

Le rapport de synthèse souligne que l’adoption d’une stratégie nationale ne préjuge pourtant pas du niveau de développement ou d’adoption de pratiques de validation (48). De manière générale, le bilan européen du CEDEFOP se focalise sur l’existence de cadres juridiques mis en place ainsi qu’à leur caractère unique, comme c’est le cas en France avec la validation des acquis de l’expérience (VAE), à Malte et en Turquie, ou, le plus souvent, multiple comme c’est le cas notamment pour la Finlande ou l’Espagne. L’existence de cadres juridiques, qu’ils soient uniques ou multiples, présente en effet pour le CEDEFOP l’avantage de permettre d’atteindre plus clairement les cibles potentielles de la validation en garantissant des droits et des procédures aux individus, par exemple en informant les apprenants de la proportion ou du nombre de crédits – ECTS notamment – que telle ou telle procédure de validation leur procure, du type de formations complémentaires auxquelles elle leur donne droit. À ce titre, le rapport de synthèse du CEDEFOP cite l’exemple de la Roumanie pour qui, faute d’un cadre légal national et d’une méthodologie commune, le défi de la validation s’avère, sur le terrain, particulièrement difficile à relever malgré le haut niveau de motivation des praticiens impliqués.

Inversement, certains pays comme le Royaume-Uni, dépourvus de législation sur la validation, se disent plus réactifs aux changements sur le marché du travail. Or, cette flexibilité et cette adaptation à l’offre d’emploi est précisément ce qui constitue l’un des enjeux majeurs de l’instauration de la validation des acquis d’apprentissage non formel et informel. Le rapport de synthèse de l’Inventaire européen de 2014 va jusqu’à souligner qu’il se peut en effet que « les systèmes sans lois relatives à la validation soient plus agiles dans la manière de réagir aux changements » et aux besoins en matière de formation à l’emploi demandé par les individus et les entreprises, surtout au regard des pays dotés de systèmes multiples de validation. (49) Dans une telle perspective, l’intérêt qu’il y a pour certains pays à mettre en place des dispositifs de validation des acquis d’apprentissage non formel ou informel peut donc s’avérer limité au regard des objectifs principaux d’employabilité. Le risque pour eux n’est alors pas seulement dans le coût des mesures d’instauration du dispositif de validation mais dans le développement d’un bureaucratisme inutile. Malgré une réticence initiale manifestée par certains, des pays comme la Croatie, la Grèce et le Liechtenstein sont sur le point d’adopter un cadre législatif unique en matière de validation.

En Finlande, petit pays d’un peu plus de cinq millions d’habitants, en partie dispersé sur un vaste territoire, la question de la validation des acquis de l’apprentissage non formel et informel n’est pas une nouveauté : elle irrigue tout le champ de l’éducation et de la formation professionnelle dans une optique culturelle très attachée à l’idée d’éducation tout au long de la vie. Bien que résultant d’une stratégie unifiée, pilotée par le Ministère de l’Éducation nationale qui assume à la fois le système scolaire et universitaire et la formation professionnelle, les politiques en faveur de la validation se trouvent déclinées selon les secteurs.

Il est possible de dégager deux, voire trois, formes de validation des acquis d’apprentissage en Finlande, selon qu’il s’agit de la formation professionnelle, de l’enseignement supérieur et de la formation pour adultes mais seul le Competence-based qualifications system (CBQ) est présenté par l’Inventaire européen comme un dispositif spécifique de validation de l’apprentissage non formel et informel.

Dans le premier cas, l’accent est explicitement mis sur la notion de compétences, en l’occurrence de compétences professionnelles au travers d’un dispositif ancien, le Competence-based qualifications system (CBQ), qui permet une qualification ou certification à visée professionnalisante ; dans le second cas, il s’agit de la notion de reconnaissance des apprentissages antérieurs – en anglais recognition of prior learning -, dans l’objectif de raccourcir et de flexibiliser les parcours de formation essentiellement dans l’enseignement supérieur. Cette notion de prior learning irrigue également un troisième champ très important en Finlande qui concerne la formation pour adulte, laquelle, dans une optique d’éducation tout au long de la vie, concerne tout individu à partir de 18 ans, et intéresse autant le secteur associatif que le monde de la formation. En Finlande, environ 600 000 personnes par an suivent une formation.

Le système de validation finlandais qui constitue un modèle du genre, concerne essentiellement la filière professionnelle à travers un dispositif ancien qui a fêté en 2014 ses vingt ans : le Competence-based qualifications system selon la terminologie consacrée (CBQ), en finnois, le näyttötuktinto. Ce dispositif a été explicitement mis en place pour remédier à la crise économique qui a frappé la Finlande en 1990 à la suite de l’effondrement de l’URSS avec laquelle elle entretenait d’importants échanges économiques. Il visait la réintégration sur le marché de l’emploi de la génération de l’après-deuxième guerre mondiale, touchée de plein fouet par la crise mais entrée très tôt sur le marché du travail sans qualifications. Le CBQ est formalisé en Finlande depuis 1994 par la loi 306/1994 sur les formations professionnelle complémentaires (Act on Further Vocational Qualifications), revu en 1998 par la loi 631/1998 sur la formation professionnelle des adultes (Vocational Adult Education Act). Il a été amendé à plusieurs reprises dans les années 2000 pour renforcer le système de contrôle de l’enseignement et de l’apprentissage professionnels adulte, de façon à assurer une meilleure planification et un suivi plus effectif tout en maintenant la flexibilité du système.

A cette mise à jour au niveau de la loi, s’ajoute une amélioration permanente du système et de sa gestion concrète grâce à un processus de retour d’expérience mis en place par le Ministère de l’Éducation (système AIPAL) auprès des candidats à la validation des compétences. Des questionnaires leur sont soumis à plusieurs étapes de la procédure – au moment de la candidature comme à la fin du processus –, qui permettent ainsi d’obtenir des statistiques pertinentes pour l’amélioration des procédures d’information et d’accompagnement. Il connaît, notamment dans le contexte de la crise économique de 2008 et de la récession qui caractérise le pays depuis trois années consécutives, un certain succès comme l’atteste le nombre croissant de candidats recherchant et obtenant une reconnaissance formelle de leur expérience professionnelle : en 2012, 34 144 certificats ont ainsi été accordés contre 32 344 en 2008 et 33 123 en 2010.

Ce système répond à deux principes essentiels : outre l’idée qu’il s’agit d’un droit individuel des personnes à bénéficier d’une formation tout au long de leur vie, la reconnaissance des compétences est fondée sur la personnalisation des parcours, et partant sur une nécessaire flexibilité (51). Il s’apparente en partie à la validation des acquis de l’expérience qu’on connaît en France, sinon qu’il est avant tout pragmatique et lié à des métiers ou secteurs professionnels définis en fonction des besoins, partant limités à un certain nombre de certifications seulement, 374 à l’heure actuelle. À titre d’exemple singulier, l’École d’État same, de niveau « ammattikoulu » (voie professionnelle de l’enseignement secondaire) pratique beaucoup la validation, essentiellement en matière de tourisme et d’élevage du renne (guide/accompagnateur nature), deux domaines d’activités très développés en Laponie et sources de revenus pour les Sames (52), car ces derniers acceptent difficilement de rester assis dans une salle de classe. Les 374 certifications  qu’il est possible d’obtenir par validation d’une expérience professionnelle sont de trois types :

des certifications professionnelles du niveau secondaire supérieur, obtenues avec l’acquisition de 120 crédits d’enseignement – soit trois ans - via une formation professionnelle de base ou lycéenne (en école professionnelle ou au lycée) qui intègre au moins 20 unités de réalisées en stage en entreprise (6 mois) ; ils permettent l’entrée dans le milieu professionnel. A titre d’exemple, dans le domaine social, santé et sport, on trouve un certificat de coiffure ou d’esthétique ; en 2015, ces certifications de base sont au nombre de 52 ;

des certifications professionnelles avancées (further vocational qualification) obtenues à partir de la démonstration de compétences approfondies mises en œuvre dans le cadre de l’activité professionnelle, souvent à l’issue de trois ans d’expérience ; dans la filière sanitaire et sociale, il peut s’agir ainsi d’un diplôme de plâtrerie médicale ou de pédicure ; elles sont au nombre de 192 ;

des certifications professionnelles de spécialisation (specialist vocational qualification) obtenues à partir de la démonstration des compétences spécialisées mises en œuvre dans le cadre de l’activité professionnelle, souvent à l’issue de cinq ans d’expérience ; par exemple, la certification professionnelle spécialisée de masseur ou de coiffeur ; elles sont au nombre de 133.

L’obtention de ces certifications professionnelles est fortement valorisée par les employeurs qui y voient un outil de flexibilité et un moyen de promotion interne. Par ailleurs ce système permet un accès aisé aux écoles supérieures professionnelles (AMK, ammattikorkeakoulu, encore appelées « Polytechnics » ou « University of Applied Sciences » selon la traduction anglaise officielle).

Si de nombreux acteurs institutionnels interviennent dans le système de validation des compétences - le Ministère de l’éducation et de la culture au titre de la mise en place de la stratégie et des habilitations des établissements à délivrer les diplômes, et le Ministère de l’emploi et de l’économie pour le financement d’une partie des formations et pour l’information à destination de candidats potentiels -, c’est la Direction nationale finlandaise de l’enseignement (Opetus Hallitus) qui organise la structuration des diplômes et pilote la détermination des niveaux de qualification requis et des certificats de qualification (modules de compétences qualifiantes). Elle le fait selon une structure tripartite autour des représentants employeurs, salariés et enseignants, qu’on retrouve à d’autres niveaux du système, notamment dans les Comités de certification (Qualification committees), responsables de la supervision et de l’organisation pratique des certifications de compétences professionnelles. En 2015, 149 comités de certification ont en charge les validations de compétences pour les 374 certifications existantes. Composés de huit ou neuf membres maximum, nommés pour trois ans, ces comités où, aux côtés des enseignants, les représentants des employeurs et des salariés (53) doivent être en nombre égal, organisent les procédures de validation, en lien avec les établissements d’enseignement ou de formation auxquels elles délèguent, via contrat, la préparation des tests et des examens. Réparties sur tout le territoire finlandais, il s’agit d’un cadre d’épreuves pratiques très concrètes qui se déroulent souvent sur le lieu de travail. L’objectif est de concevoir des tests correspondant autant que possible aux tâches et aux conditions pratiques que le candidat est amené à accomplir dans son travail.

Il s’agit donc d’un système très déconcentré mais qui repose sur un principe de confiance, garanti par le contrôle par les Comités de certification du respect des différentes exigences qu’ils ont établies pour la ou les compétences dont ils ont la charge. Ce contrôle de la qualité des examens de la validation peut s’effectuer par une visite aux établissements, une réunion ou encore par l’exigence de certains documents témoins. L’usage d’Internet ou de la visioconférence y joue également un rôle.

La personnalisation est un élément clé du système de validation des compétences finlandais. Pensé pour s’adapter à des travailleurs actifs ou en recherche d’emploi, le système se veut le plus flexible possible, pour répondre notamment aux contraintes professionnelles spécifiques de chaque candidat. Un document unique reprend toutes les informations et étapes suivies par le candidat au cours du processus de validation. Les candidats apportent la preuve de leurs compétences professionnelles principalement à l’occasion de tests de compétences, essentiellement sous la forme d’examens pratiques, mais également sous celle de rapports, d’enregistrements vidéo ou d’entretiens. Concrètement, le postulant à la certification de ses compétences professionnelles jouit d’une prise en charge personnalisée autour de trois étapes : pendant la phase de candidature, il reçoit un accompagnement pour établir un plan d’organisation de la validation de ses compétences avec identification des compétences acquises et/ou à acquérir ; la phase d’évaluation elle-même, qui n’est pas assortie d’une limite de temps ; enfin la phase de complément des compétences professionnelles permet un plan des formations requises préalables à des tests complémentaires, compte tenu des contraintes géographiques et de temps du candidat.

Garantie de sérieux et d’homogénéité dans les procédures, les évaluations doivent comporter obligatoirement au moins un évaluateur ayant suivi une formation en certification des compétences de vingt-cinq crédits.

Les critères d’évaluation et les modules de certifications qui en résultent, font l’objet d’une révision périodique, tous les cinq à dix ans, en fonction des changements légaux d’une part, et de la profession considérée comme des évolutions générales du marché du travail et de l’emploi d’autre part. A l’heure actuelle, le système de validation des compétences est à l’étude, compte tenu du fait que la population finlandaise bénéficie globalement d’un niveau d’étude plus important. À ce titre, il est à noter qu’en raison de la performance de leur système scolaire, la question du décrochage scolaire se pose différemment pour les Finlandais même s’ils la prennent au sérieux. D’après le Programme du Ministère de l’Éducation et de la Culture finlandais pour la période 2011-2016, le pourcentage de jeunes qui quittent le système scolaire sans qualifications supérieures – soit le système scolaire obligatoire dit « basic » (54)-, sont de 17 % pour les plus de 25 ans contre un peu plus de 14 % pour les trentenaires avec une prévalence chez les hommes, dans la tranche d’âge de 30 ans et plus. 90 % des trentenaires femmes ont un diplôme de niveau supérieur contre 82 % chez les hommes de la même tranche d’âge (55).

Quelques remarques à faire pour une importation éventuelle du modèle finlandais : il s’agit d’un système hautement personnalisé, difficilement transposable en l’état dans des systèmes ou des pays dont l’échelle en termes de population est plus importante car il ne s’agit alors pas seulement du nombre de postulants ou de bénéficiaires potentiels de la validation qui entre en jeu mais également de toutes les structures susceptibles de répondre à l’exigence d’un encadrement et d’un accompagnement de qualité qui se heurtent à l’inertie des structures déjà existantes. Le système de la validation finlandais s’inscrit essentiellement dans une optique de formation. Les cours ou les activités du soir par exemple – rendus possibles par des horaires de sortie du travail bien différents des usages de pays plus méditerranéens – constituent une pratique très développée en Finlande. La validation de compétences acquises dans un cadre non formel paraît donc d’autant plus logique qu’elle s’adosse à un usage très développé des formations parallèles. Le système finlandais centre cependant la validation sur la reconnaissance de compétences professionnelles. C’est à la fois ce qui le rend légitime aux yeux des employeurs potentiels mais également ce qui en écarte l’ambition d’étendre la validation à d’autres compétences, notamment sociales ou personnelles du type esprit d’initiative, adaptabilité ou motivation, qui sont par définition plus difficilement évaluables.

Le système d’enseignement finlandais

Le système finlandais ne connaît que deux voies : après le tronc commun de l’éducation scolaire dite de base (basic education) qui correspond au primaire et au collège français et assure une poursuite d’études jusqu’aux quinze ou seize ans des enfants et adolescents avec neuf niveaux plus un dixième, facultatif ou de rattrapage, deux options de trois ans s’offrent, soit le modèle académique de l’éducation secondaire (General upper secondary education) – correspondant peu ou prou aux filières dites générales du lycée français, à l’issue duquel se trouve le très exigeant Matriculation examination – équivalent du Bac français, soit le secondaire professionnel (Upper secondary vocational education and training) qui délivre des certifications professionnelles. Chacun de ces niveaux permet respectivement de poursuivre des études dans le supérieur, soit en université, soit en écoles polytechniques. Un système de passerelles est néanmoins offert entre les différents niveaux du secondaire supérieur et l’enseignement supérieur, universitaire ou professionnel. On notera que selon la classification PISA, le système scolaire qui n’admet que de façon très marginale le redoublement, est un modèle en termes de résultats d’apprentissage. Le haut niveau de considération dont jouissent les enseignants en Finlande - notamment les instituteurs -, leur niveau de rémunération et le sur-mesure pédagogique assurent une performance indubitable du système, centré sur l’élève ou l’étudiant. Pour autant, le Matriculation examination qui clôt le cycle secondaire se présente comme un examen discriminant.

Source : Ministère de l’Education et de la Culture finlandais

En France, si l’on suit la distinction entre approche formative et approche sommative développée par les Lignes directrices européennes en matière de validation de l’apprentissage non formel et informel, il existe une double, voire triple, stratégie en matière de validation. D’un côté, la validation sommative fait essentiellement l’objet du dispositif de la validation des acquis de l’expérience ou VAE, de l’autre, l’approche explicitement formative d’évaluation par la clarification des points forts et des faiblesses dans le processus d’apprentissage des individus passe par le bilan de compétences. Enfin, le système scolaire cherche à introduire une approche fondée sur l’apprentissage en développant explicitement un socle de compétences à maîtriser à la sortie du primaire et du secondaire.

D’après l’Inventaire européen sur la validation des acquis d’apprentissage non formel et informel, la France est considérée comme l’un des pays européens leader en matière de validation de l’apprentissage non formel et informel parce qu’elle dispose avec la validation des acquis de l’expérience (VAE) d’un système intégré et global de validation des acquis de l’apprentissage non formel et formel. (56)

En France, la volonté d’accorder une place à une voie parallèle d’accès aux diplômes est ancienne. Depuis la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, la VAE constitue une troisième voie d’accès aux diplômes et aux titres professionnels, voire une quatrième voie, à côté de la formation initiale et de la formation continue, et de l’apprentissage (au sens de la formation par alternance qui permet aux jeunes de seize à vingt-cinq ans d'obtenir une qualification professionnelle sanctionnée par un diplôme CAP, BEP, BAC pro, ou BTS). Cette voie parallèle doit permettre à toute personne d’obtenir tout ou partie d’un diplôme ou d’un titre grâce à une expérience professionnelle de trois années, que celle-ci ait été acquise de façon bénévole ou sur le « tas » dans le cadre d’activités salariées ou pas.

La VAE s’inscrit dans une pratique ancienne de l’enseignement supérieur puisque, dès 1934, avec la création du titre d’ingénieur diplômé par l’Etat (57), la vertu de l’expérience a été valorisée. La VAE a ainsi pris la relève de la validation des acquis personnels et professionnels (VAP), créé par le décret du 23 août 1985, parce que celle-ci ne permettait d’obtenir que des dispenses d’épreuves d’examens pour partie seulement du diplôme visé. Issue de la loi de 1984 sur l’enseignement supérieur prenant acte de la démocratisation de l’enseignement supérieur et de la poussée démographique, ce dispositif existe pourtant toujours – 13 000 VAP par an. Ces dispositifs permettent d’assurer la possibilité de passerelle ou d’aptitudes (58).

En France, la validation des acquis de l’expérience est considérée comme un droit individuel. Elle repose sur l’idée qu’ »  à travail égal, une personne a droit à diplôme égal » (59) ou même que « l’expérience vaut diplôme » (60). La promotion de l’expérience, voire sa dignification, en France, n’allait pas tout à fait de soi en raison de ses relents « passéistes », liés à des formes d’apprentissage en vigueur avant l’industrialisation, dans un pays comme la France où la formation intellectuelle bénéficie d’une prépondérance absolue. (61) L’accent a toutefois été mis sur la correction d’une injustice : la validation des acquis de l’expérience apparaît comme une « reconnaissance différée » du système éducatif à l’égard de personnes que le système formel scolaire et universitaire a marginalisées.

Parmi les objectifs ou les motifs qui font que les candidats se tournent vers la VAE, réside essentiellement la possibilité qu’un titre ou un diplôme puisse conférer à son titulaire une plus-value à apporter à son CV aux fins soit de changer de domaine professionnel soit, tout en restant dans le cadre de son entreprise ou de son emploi, d’améliorer ses qualifications pour une revalorisation de poste ou de salaire. Concrètement, la VAE offre la possibilité de passer un concours, d’entrer dans une formation de niveau supérieur, d’accéder à un statut qui est professionnel mais aussi social, à un emploi ou à un rang supérieur. L’avantage attendu, c’est la dispense d’un temps et d’une présence régulière à une formation, ce que bien souvent les moyens économiques des candidats ou leur activité professionnelle ne permettent pas.

Concrètement, la VAE passe par deux étapes essentielles. A côté de l’information qui le mène à solliciter le dispositif de VAE, le candidat, une fois son expérience professionnelle de trois ans validée, doit remplir un dossier (ou livret) de présentation de ses acquis d’expérience pour lequel il peut bénéficier d’un accompagnement et sur la base duquel se prononcera un jury de validation à la composition bipartite de professionnels du domaine de certification visée et de formateurs.

LA PROCÉDURE DE VAE DANS LES DIFFÉRENTS MINISTÈRES CERTIFICATEURS

Un candidat à la VAE doit parcourir plusieurs étapes avant d’obtenir la validation complète de son diplôme ou de son titre. La procédure est identique dans l’ensemble des ministères certificateurs, sauf au ministère chargé de l’emploi, où les deux dernières étapes sont différentes.

1. Constituer le livret de recevabilité (ou livret 1) : les services ministériels vérifient la validité de la candidature au vu des exigences légales et réglementaires. Le candidat doit faire valoir 3 ans d’expérience, professionnelle ou bénévole, dans le domaine de la certification visée.

2. Déposer le dossier de présentation des acquis (ou livret 2) : le candidat décrit précisément les différentes activités qu’il a exercées, correspondant à la certification visée. Pour cela, il peut se faire accompagner par un organisme spécialisé (organisme certificateur ou organisme de formation).

3. Faire valider son parcours : présentation du dossier à un jury composé de professionnels et de formateurs et, le cas échéant, d’un représentant de l’administration. Ces épreuves de validation peuvent donner lieu à :

- une validation totale ;

- une validation partielle, le candidat a alors cinq ans pour passer des épreuves complémentaires afin d’obtenir la certification complète ;

- une absence de validation, le candidat pourra présenter de nouveau une demande de VAE seulement l’année suivante ; il devra à nouveau préparer un dossier de présentation des acquis.

Les salariés peuvent bénéficier d’un congé pour VAE qui permet de préparer et de participer aux épreuves de validation. La durée maximale du congé de VAE est de trois jours de travail pris consécutivement ou non.

Procédure du ministère chargé de l’emploi :

Les modalités de validation y sont différentes de celles des autres ministères certificateurs.

Le candidat doit présenter un dossier de synthèse professionnelle (DSPP), qui présente sous forme analytique son expérience professionnelle. Les candidats font ensuite valider leurs acquis dans le cadre d’une mise en situation de travail dite « épreuve de synthèse » devant un jury de validation (qui analysera également le DSPP). Ce jury lui attribue ensuite le titre, soit dans sa globalité, soit partiellement sous la forme d’un ou plusieurs certificats de compétences professionnelles (CCP). Si le candidat valide partiellement son titre, il a également cinq ans pour valider le titre complet.

Avant la mi-2006, les candidats présentaient les CCP composant le titre un par un, puis validaient l’ensemble du titre au terme d’un entretien final.

Encadré Dares analyses, La VAE en 2012 dans les ministères certificateurs, plus de 250 000 personnes certifies depuis 10 ans, janvier 2014

La montée en puissance du dispositif de VAE en France a été très rapide, les ministères certificateurs ayant aménagé progressivement leurs certifications afin de les rendre accessibles par la VAE, au point que dès 2002 et 2003, les ministères en charge de l’emploi et des affaires sociales, de l’éducation nationale, de l’agriculture, et de la jeunesse et des sports ont été les premiers à la mettre en place. À partir de 2005, l’offre s’est élargie aux diplômes et titres des ministères de la défense, de la culture et des affaires maritimes (62).

Il existe à ce jour près de 1300 certifications accessibles par la VAE (hors enseignement supérieur) dont l’essentiel est fourni par le Ministère de l’Éducation nationale. En dix ans, 129 000 diplômes à finalité professionnelle du ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ont ainsi été délivrés par cette voie, dont 42 % au niveau supérieur de qualification, le reste se partageant entre les niveaux IV (niveau Bac) et surtout V (niveau CAP et BEP) qui sont les plus bas de la classification française (63). Pour autant, d’autres organismes certificateurs interviennent comme les branches professionnelles avec des certificats de qualification professionnelle (CQP), ou encore les chambres consulaires, chambres de commerce et d’industrie, chambres de métiers et de l’artisanat et chambres d’agricultures. En 2012, environ 220 CQP étaient inscrits au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) contre une quarantaine seulement en 2006. (64)

Il est important à ce titre de noter l’importance institutionnelle dévolue à la Commission nationale de la certification professionnelle qui est chargée par la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 d’établir et d’actualiser le répertoire national des certifications professionnelles qui recense à la fois les diplômes d’État, certains certificats de qualification professionnelle et des certifications d’organismes privés. Depuis 2007, toutes les certifications inscrites au RNCP font obligatoirement l’objet d’un accès à la VAE - même si certains dispositifs accessibles à la VAE peuvent ne pas figurer au RNCP.

Pour autant, la VAE reste marginale pour des diplômes dont la principale voie d’accès est la formation initiale : elle ne représente que 2 % des diplômes à finalité professionnelle en 2012. (65) Les candidatures de diplômes restent concentrées sur des diplômes spécifiques, essentiellement relatifs au secteur sanitaire et social, à la catégorie des services et notamment des services à la personne. En 2012, sur les trente spécialités les plus demandées, 17,5 % à 30,5 % de l’ensemble des admis aux trois diplômes d’Etat d’éducateurs, il y avait 9,7 % des admis au CAP Petite enfance (66) (sur 72 % des dossiers de CAP, et 16 % du total des dossiers examinés). Le public de la VAE s’en ressent qui est essentiellement féminin. Par ailleurs, le public de la VAE est essentiellement composé d’actifs occupés - 70 % occupant un emploi -, dans une tranche d’âge comprise entre 30 et 49 ans pour 70 % des candidats, ce qui fait des jeunes de moins de 30 ans une minorité. (67)

Au niveau de l’enseignement supérieur, la validation des acquis de l’expérience, mis en place par le décret du 24 avril 2002, qui a connu un démarrage important lors de sa mise en place – au point de faire penser qu’il y avait un réservoir d’attente – semble marquer le pas depuis 2007. Elle permet à 4000 personnes en moyenne – avec 3925 en 2013 marquant une baisse de 2,3 % par rapport à l’année précédente – de valider tout ou partie d’un diplôme de Bac + 2. Si le diplôme le plus obtenu est le master avec 37 % de bénéficiaires, la licence professionnelle – avec 35,2 % de bénéficiaires – est le diplôme le plus validé dans sa totalité en premier jury (41 %). Elle concerne tous les âges mais principalement les moins de trente ans. Les bénéficiaires de la VAE sont principalement des actifs (82 % en 2013) parmi lesquels essentiellement des cadres (46 % en 2013), les employés ne représentant que 19 % nonobstant leur poids dans la population. Les grands champs disciplinaires de la VAE dans le supérieur portent principalement sur les sciences économiques, la gestion et l’administration économique et sociale (38 %), et les sciences fondamentales appliquées (25 %).

Les difficultés du dispositif de VAE tiennent beaucoup à la question des objectifs qui en sont attendus. En France, la validation reste arrimée à la question de la certification. Or la validation ne mène pas nécessairement à celle-ci, non seulement parce qu’elle peut être partielle mais également parce que le temps de conception de la validation est plus long et coûteux en temps et en énergie qu’il n’y paraît. En moyenne, dans l’enseignement supérieur, une validation prend une année.

La difficulté de la validation tient également à la nature de l’exercice de mise en évidence des compétences acquises à partir de l’expérience. « La validation des acquis de expérience est celle de la capacité à dire les compétences plutôt que celle des compétences elles-mêmes. » En effet, la VAE est essentiellement un bilan réflexif sur l’activité et l’expérience professionnelles passées, ce qui a pour effet qu’elle ne se réduit pas à la fonction de vérifier l’authenticité de l’expérience passée - même si l’une des tâches passe par la constitution de « preuves » - mais aboutit à en transformer la nature et la signification. Pour les praticiens de la VAE, c’est-à-dire les accompagnateurs de la première phase et les membres des jurys validateurs, le référentiel de normes de la certification visée n’est pas un inventaire minutieux et statique auquel le candidat aurait à se référer par un listing de ses activités : c’est un « activateur … qui implique une verbalisation de l’expérience ». À ce titre, la dimension d’analyse réflexive est décisive, laquelle suppose la capacité à verbaliser. La part de rhétorique n’en est d’ailleurs pas absente. (68) Or force est de constater que l’analyse réflexive n’est pas nécessairement naturelle et spontanée aux types de publics qui se tournent vers la VAE car elle nécessite généralement une bonne maîtrise de l’expression tant orale qu’écrite, pour laquelle les personnes faiblement qualifiées se trouvent souvent démunies. Inversement, la part rhétorique de l’exercice peut créer un biais de présentation, qui ne soit pas une garantie d’expérience maîtrisée et de compétences réelles.

Il va sans dire que l’accompagnement à la VAE est alors décisif. Dans l’enseignement supérieur, près des deux tiers des candidats font l’objet d’un accompagnement s’ils en font la demande (7 000 personnes en 2013 ont sollicité un accompagnement) (69). Il est apparu en effet que « la demande de validation était une étape difficile à franchir » (70) et que « c’est à partir de la reconnaissance de la difficulté pour le candidat d’établir seul une relation adéquate entre l’expérience et le diplôme que s’est développée la fonction d’accompagnement » (71).

À ce titre, outre l’assurance que les accompagnateurs sont qualifiés dans le domaine professionnel de la certification visée par la validation, une formation à l’accompagnement d’une validation s’avère indispensable pour en préciser les méthodes et les critères, et à termes pour en garantir auprès des utilisateurs la légitimité et la crédibilité. De ce point de vue, à titre empirique, la formation des accompagnateurs qui se réduit, en France, à un manuel, est très lacunaire.

Pour garantir un dénominateur commun avec la validation de l’apprentissage non formel et informel, l’approche par les acquis d’apprentissage, ou plus couramment, par les compétences, apparaît comme un prérequis pédagogique. Ces deux approches, indifféremment, s’inscrivent dans le développement de la notion de curriculum, pourtant encore peu familière au public français, alors qu’elle est largement diffusée à l’étranger et dans les expériences éducatives étrangères. L’approche curriculaire (72) est clairement articulée à la notion de socle et à celle, corollaire, de compétences clés.

La notion de socle trouve son origine dans la notion formalisée par l’OCDE de « basic core curriculum » depuis 1994 qui considère qu’une seule école entre le début de la scolarité obligatoire et l’âge de quinze ou seize ans favoriserait sinon l’efficacité - comme pour les pays scandinaves et surtout la Finlande -, du moins l’équité. Avec le collège unique, la France se trouve dans une situation intermédiaire. De même, l’approche par les compétences irrigue depuis une dizaine d’années la conception des nouveaux programmes scolaires, dans l’axe des objectifs européens de Lisbonne en 2000, renforcés par le « cadre européen de compétence en langues » et le « cadre européen de qualifications pour l’éducation tout au long de la vie ». De manière symptomatique, la loi d'orientation et de programme pour l'Avenir de l'École du 23 avril 2005 a créé « le socle commun de connaissances et de compétences », la même année que les huit compétences clés européennes. Et le décret du 11 juillet 2006 pris en application de cette loi organise le contenu du socle commun autour de sept grandes compétences qui définissent ce que nul n'est censé ignorer en fin de scolarité obligatoire. Le décret précise que la définition du socle commun prend également appui sur le cadre européen pour les compétences clés définies par le Communiqué de Bruges en 2010. Ce socle est amené à évoluer comme le prévoit la loi du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République. Il s'intitule désormais « socle commun de connaissances, de compétences et de culture » mais l’esprit porté aux acquis de l’apprentissage à travers la notion de « compétences » en sort renforcé.

Avec le renforcement du transdisciplinaire, la loi de juillet 2013 met également en œuvre l’approche curriculaire. On entend en effet par curriculum une forme de référence unique - une sorte de « constitution éducative » - par laquelle la nation définit ce qu’elle attend de l’école de manière claire et lisible par tous, et qui ne se limite pas à une liste de programmes disciplinaires ni de contenus ; il définit donc la façon dont les élèves sont évalués, les outils dont ils peuvent bénéficier, la formation des maîtres, etc.. Il peut aussi impliquer de donner aux enseignants, en général de façon collective, au niveau de l’établissement, l’autonomie de le mettre en œuvre en fonction des réalités locales. (73) Il conviendra d’évaluer comment le corps enseignant s’empare de ces approfondissements de ce qui relève, somme toute, de la pédagogie différenciée élaborée depuis la fin des années 80. Un des risques en effet dans un pays où l’Éducation nationale est une entité pléthorique où les réformes, multiples et successives, finissent par lasser les meilleures bonnes volontés, c’est que la réforme, à l’instar de l’influence européenne, se traduise par une « superposition [plutôt] que par substitution aux programmes traditionnels. »

La loi du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République prévoit également, pour chaque élève, la mise en place d’un parcours individuel d’information, d’orientation et de découverte du monde économique et professionnel. Ce parcours doit être construit progressivement tout au long des années de l’enseignement secondaire au collège, puis au lycée. Il s’agit d’aider les jeunes à construire progressivement, tout au long de leurs études secondaires, une véritable compétence à s’orienter : découvrir les formations et les métiers auxquels elles conduisent, les réalités de l’entreprise ; apprendre à utiliser des outils, en particulier numériques, pour s’informer en fonction de ses centres d’intérêt ; bénéficier de témoignages vivants sur le contenu des formations, sur les réalités des entreprises ; être capable de rechercher un conseil auprès de personnes ressources et de professionnels de l’orientation dans l’établissement scolaire ou à l’extérieur.

L’ambition va au-delà puisqu’il ne s’agit pas moins que de permettre aux élèves de développer le goût de l’initiative et l’esprit d’entreprendre au contact d’acteurs économiques engagés dans leur pratique, avec l’idée que les rencontres faites dans ce cadre seront également l’occasion pour eux de se familiariser avec plusieurs enjeux décisifs pour l’insertion professionnelle, comme la constitution d’un CV ou la connaissance du marché du travail et de ses règles.

Ce parcours est censé prendre appui à la fois sur des temps dédiés et sur les enseignements disciplinaires conçus à partir d’un référentiel spécifique dans le cadre de l’acquisition progressive de la maîtrise du socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Il a pour ambition de faire appel à l’initiative des élèves et à des démarches actives, comme la conduite de projets. Au-delà des enseignements, chaque élève devrait bénéficier, au collège, d’un temps propre à ce parcours. Au lycée, l’accompagnement personnalisé et les travaux personnels encadrés ou les projets pluridisciplinaires constituent d’ailleurs déjà des moyens de traduction de ce parcours.

Le bilan de compétences préconisé par la recommandation européenne du 20 décembre 2012 existe déjà depuis une vingtaine d’années en France. Instauré par la loi no 91-1405 du 31 décembre 1991 relative à la formation professionnelle et à l'emploi, le bilan de compétences concerne toute personne désireuse d’analyser ses aptitudes, ses compétences personnelles et professionnelles et ses motivations, notamment dans le but d’organiser ses priorités professionnelles et d’utiliser ses atouts comme instrument de négociation pour un emploi, une formation ou en termes de choix de carrière. Il donne lieu à la rédaction d’un document de synthèse en vue de définir ou de confirmer un projet professionnel, le cas échéant, un projet de formation, soit à l’initiative de l’entreprise - elle est alors inscrite dans son plan de formation - ou du salarié lui-même dans le cadre du congé de bilan de compétences. Dans les deux cas de figure, le bilan de compétences est basé sur le volontariat du salarié.

L’intérêt du bilan de compétences tel qu’il est avancé par la recommandation européenne est de permettre aux personnes en quête d’emploi d’évaluer leurs compétences pour mieux cibler leur recherche d’emploi. Ainsi pour les demandeurs d’emploi, Pôle Emploi fait la promotion de l’Évaluation des Compétences et des Capacités Professionnelles, une méthode d’évaluation plus concrète et adaptée aux demandeurs que les bilans de compétences classique, en ce qu’elle les met en situation professionnelle reconstituée.

Au regard de la validation de l’apprentissage non formel et informel, l’enjeu d’un tel dispositif est d’être explicitement articulé à l’idée que les compétences clés puissent faire l’objet d’une valorisation possible, prise en compte par des employeurs. Or, il s’agit d’un outil permettant la prise de conscience de ses compétences davantage que d’un moyen de les faire valider en tant que telles. On retrouve la distinction entre approche formative et approche sommative. Tel quel, hors d’un plan de validation et de formation complémentaire, l’exercice du bilan de compétences risque donc de s’avérer décevant s’il ne débouche pas sur une validation des acquis de l’expérience effective, comme le droit individuel de formation (DIF) puis le nouveau compte personnel de formation (CPF), instauré par la loi no 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, le permettent.

Le dispositif français, à l’instar du système finlandais, est ambitieux. Il constitue une avancée majeure dans le système de certification français. Mais ainsi que le souligne le rapport de l’Inspection générale de l’administration de l’Éducation nationale et de la Recherche de décembre 2011 sur les jurys de VAE, si la VAE s’est imposée comme un « dispositif d’une utilité sociétale capitale », « son expansion quantitative [n’est pas] à la hauteur des enjeux » (74).

Ce qui fait la force du dispositif français de validation - l’inscription au RNCP et le caractère obligatoire d’une procédure de VAE pour toutes les certifications professionnelles homologuées dans le RNCP - est également ce qui en fait la limite : la validation reste centrée sur l’objectif de certification, au risque par conséquent de ne pas permettre la valorisation de certaines parties de certifications faites de compétences, de soft-skills, etc.

Il n’y a pas de prise en compte des périodes d’alternance ou de stages en entreprises dans l’expérience éligible à la VAE. Or c’est potentiellement un lieu d’expériences décisives pour les individus. Par ailleurs, cela limite l’enjeu de récupération des décrocheurs scolaires ou des personnes peu ou pas qualifiées dans le dispositif. Il y a lieu de se demander pourquoi les périodes de bénévolat peuvent être prises en compte mais pas les stages en entreprises ou en alternance alors qu’ils peuvent précisément s’inscrire dans une démarche professionnalisante.

La recommandation du Conseil du 20 décembre 2012 fixe à 2018 la mise en œuvre de ses préconisations en matière de validation des acquis d’apprentissage non formel et informel. Pour autant, compte tenu de l’état d’avancement de chantiers contribuant indirectement à la mise en œuvre de la validation, notamment celui des cadres nationaux de certifications, une telle échéance semble difficile à tenir, surtout pour des pays qui ne disposaient pas de cadre. De manière générale, un certain nombre de défis se trouvent diagnostiqués. Selon la cinquième actualisation de l’Inventaire européen sur la validation des acquis de l’apprentissage non formel et informel (75), en dépit des progrès réalisés depuis 2010, la validation reste un défi pour les trente-trois pays membres de l’action. Malgré une stratégie en matière de validation déjà très élaborée au travers de la validation des acquis de l’expérience notamment, la France n’en reste pas moins concernée elle aussi par ces problématiques.

Dans son dernier rapport de synthèse sur l’Inventaire européen, le CEDEFOP souligne que l’état d’avancement de la validation de l’apprentissage non formel et informel en Europe pâtit d’un manque de coordination entre les sous-systèmes et secteurs engagés dans la mise en œuvre de la validation des acquis de l’apprentissage non formel et informel. L’enjeu est de taille puisqu’il ne s’agit pas moins que de mettre en liaison les différents acteurs des secteurs de l’enseignement, de la formation, de l’emploi et de la jeunesse. Généralement, dans les pays européens, la responsabilité de la mise en œuvre de cette action incombe aux ministères de l’éducation et de l’emploi.

Or parvenir à une meilleure coordination suppose de surmonter les obstacles liés au poids des institutions concernées : les opérateurs ont chacun leur propre histoire, liée à l’évolution des structures politiques, administratives, à leur importance numérique, aux solutions adoptées au fil de l’histoire, etc. Vouloir changer ou faire converger des dispositifs qui ont fait leur preuve (ou pas), c’est se heurter à des inerties, des problématiques de mentalités, de financement, etc. En somme, à moins d’une politique volontariste, il est peu probable que les choses ne changent ou s’améliorent, surtout si elles se heurtent à des obstacles culturels et financiers. Le dispositif de la validation étant formellement et structurellement bien organisé en France autour de la VAE, vouloir aller plus loin, c’est s’interroger en termes d’efficacité du dispositif en se demandant s’il peut être davantage qu’un système marginal. Pour ce faire, il y aurait donc lieu d’en établir un véritable bilan sans parti pris, pour en établir les avantages et les inconvénients, et déterminer si le dispositif répond bien à ses objectifs. L’une des questions qu’il y aurait notamment à se poser porte par exemple sur les liens entre le bilan de compétences et la validation.

Corollaire de ces problèmes de coordination, le CEDEFOP déplore l’absence de collectes de données fiables sur le nombre de demandes de validation et le nombre de validations obtenues. Les données lorsqu’elles sont collectées le sont en effet par de multiples organismes et acteurs, répartis entre le monde de l’enseignement formel, l’enseignement professionnel, le monde du travail et le secteur associatif. Ces données sont par ailleurs rarement agrégées. Or il est indispensable de disposer de meilleures données chiffrées sur les implications financières des procédures de validation, pour, notamment, mieux en évaluer les rapports coût / bénéfices. Il y va de la durabilité et de l’efficience économiques des systèmes de validation : comment établir à long terme l’efficience économique des démarches de validation pour toutes les parties prenantes ?

Parmi ces questions liées à l’efficience des dispositifs de validation, se pose également le problème du partage du coût de la validation. On admet généralement que les candidats à la validation ne devraient pas payer leur démarche de validation dans la mesure où ils appartiennent souvent à des catégories faiblement qualifiées et souvent économiquement marginales. Bien qu’ils ne soient pas les seuls bénéficiaires de la validation – le bénéfice pour la société ne devant pas être minoré (76) -, certains arguments plaident en faveur d’une participation, même modique, de la part des candidats dans le financement de la validation afin de mieux les responsabiliser sur leur apprentissage.

Le secteur du Youthwork ou du travail socio-éducatif auprès des jeunes se trouve à l’avant-garde de l’apprentissage non formel et informel au travers de la notion d’éducation populaire. Le Forum européen de la Jeunesse milite ainsi depuis 1996 pour la promotion des activités socio-éducatives comme d’autant de moyens alternatifs pour atteindre les jeunes, développer des valeurs d’équipe, d’effort, de confiance en soit, d’intégration et de citoyenneté ! Pourtant la validation des acquis d’apprentissage non formel et informel dans ce secteur ne va pas de soi.

Derrière une question sémantique - valorisation ou validation ? - réside en effet un enjeu, voire une crainte, propre au secteur Jeunesse : que la validation ait pour effet de « formaliser à l’excès l’apprentissage dans les activités du travail de jeunesse » (77), c’est-à-dire aboutisse à fonctionnalisation les activités d’apprentissage non formel, au point d’en devenir contradictoire avec l’intérêt qu’elles peuvent présenter pour les intéressés. Le public de ce secteur est en effet double mais pas étanche : il s’agit à la fois des bénévoles qui s’engagent au service d’une association, des éducateurs ou travailleurs de la jeunesse, et des jeunes destinataires des activités, ces derniers constituant le plus souvent le vivier des premiers. On aboutit ainsi à une position paradoxale du secteur de la Jeunesse à l’égard de la validation : souhaiter la visibilité sans la contrainte, une reconnaissance des valeurs et des compétences que l’engagement dans des associations sportives, sociales, etc. développent chez ceux qui les pratiquent sans une formalisation qui risquerait de détourner de lui un certain nombre de public. C’est ainsi que « le dilemme pour l’éducation non formelle est que d’un côté, on souhaite que les éléments d’apprentissage et les compétences soient reconnues et valorisées mais d’un autre côté, on ne veut pas décourager les jeunes de s’engager parce que les normes deviendraient trop formalisées. » (78) Tout n’est pas mesurable. Tout ne doit pas l’être. Un certain nombre d’activités à l’intention des jeunes « ne sont pas basées sur la perspective d’élargir des opportunités de carrière » mais sur la dimension ludique, sur les loisirs ou le temps libre, sur les opportunités de divertissement, de « fun ». Toutes les compétences développées dans ce type de contexte sont rarement des objectifs premiers mais plutôt des objectifs indirects. Trop d’attention accordée à l’accréditation pourrait donc avoir pour effet indirect de détourner de l’objectif initial, au détriment, par voie de conséquence, d’objectifs sociétaux importants. (79)

Les Lignes directrices soulignent ainsi que « c’est toutefois avec prudence qu’il convient de recourir à la validation. Certains peuvent considérer l’évaluation et la validation comme inutiles et comme une entrave à un engagement plus positif en faveur de l’apprentissage. Il importe de mettre l’accent sur le caractère volontaire du processus, ainsi que sur la distinction et le nécessaire équilibre entre les démarches formatives et sommatives d’évaluation. » (80) Nombre d’associations du secteur bénévole considèrent en effet que les « démarches sommatives sont en opposition avec le caractère bénévole et souvent idéaliste de [leurs] activités » (81). C’est dans cette optique que s’inscrit le débat sur le service civique en France. À l’issue des attentats de janvier 2015, l’idée de développer, voire de rendre obligatoire le service civique (82) qui concerne tous les jeunes de 16 à 25 ans, sans conditions de diplôme, a rencontré une large audience. Les responsables d’associations se montrent très prudents, voire réservés : outre l’ambition peut-être excessive en termes d’effectifs – 100 000 jeunes –, et les difficultés des associations en termes de capacité en personnels et en moyens financiers pour absorber une telle masse de volontaires, le problème qui est posé reste l’enjeu d’un tel dispositif : « Quelles missions on définit derrière le Service civique ? N’y a-t-il pas un risque de glissement sémantique de l’esprit d’engagement qui suppose des savoir-être et de la motivation vers un service civique dispensateur d’insertion professionnelle » (83). Ainsi, selon les associations, même si les compétences acquises à l’occasion d’un service civique sont des outils de valorisation auprès de futurs employeurs, la mission première du service civique reste la citoyenneté et l’engagement.

A publics particuliers donc, mots d’ordre spécifiques : volontariat et autonomie sont les deux valeurs fondatrices du secteur Jeunesse dont les processus de validation doivent tenir compte. Comment rendre visible et proposer aux bénévoles une validation qui ne s’oppose pas à la participation volontaire ? Le travail socio-éducatif ne peut être un enrichissement pour d’autres politiques ou d’autres objectifs que s’il conserve son identité et ses atouts spécifiques (84). Pour le secteur Jeunesse, il est donc nécessaire de « déterminer son potentiel en termes de compétences à fournir au marché de l’emploi, tout en précisant les limites du rôle qu’il peut jouer à cet égard. » (85)

La pertinence d’une telle action passe d’abord par une prise de conscience des bénéfices possibles, puis d’une formation des formateurs afin de les sensibiliser à ces enjeux. Pour autant, la validation n’aura de sens qu’autant que le travail et les compétences qu’elle permettra de valider seront mieux reconnus par la société. « Alors que, dans le débat politique, l’attention se focalise sur la « validation » des résultats de l’apprentissage non formel sur le lieu de travail (et dans l’éducation formelle et la formation), l’impact de l’apprentissage dans les activités de travail de jeunesse est constamment sous-estimée, en particulier du côté des employeurs. » (86) De fait, la méconnaissance est souvent réciproque : ainsi, pour l’Agence Erasmus + Jeunesse, les expériences de rencontres entre jeunes et entrepreneurs de l’Agence Erasmus + Jeunesse s’avèrent d’autant plus importantes qu’elles permettent de lever des malentendus, tant du monde entrepreneurial à l’égard du secteur socio-éducatif que du monde éducatif lui-même traditionnellement, voire idéologiquement, hostile aux entreprises.

Jens Bjørnåvold, spécialiste reconnu en Europe en matière de validation, le souligne clairement : l’évaluation des compétences ayant pour effet d’augmenter la valeur sociale et, tout particulièrement, la valeur sur le marché du travail d’un type particulier d’apprentissage, promouvoir la validation opère un « processus de modification de valeurs ». Il souligne à ce titre en conséquence combien « la tâche (…) n’est pas strictement technique ou instrumentale. C’est une tâche bien plus large de transformation de valeurs, et de valeurs profondément enracinées dans la culture de la plupart des pays ». Dans cette optique, les processus de certification ou d’assurance qualité des procédures de validation, aussi solides et pertinentes seraient-elles, ne sauraient suffire si la légitimité manque auprès de la société, des individus destinataires comme des organismes de formation et des entreprises ou des employeurs. Il ne sert à rien de créer une méthodologie aussi valide et fiable que possible si elle n’a aucune fonction réelle dans la société et si elle reste un exercice sur le papier, au risque d’être un gaspillage de temps et de ressources. (87) De la même manière, il est inutile de mettre en œuvre des dispositifs de validation si les freins culturels persistent au risque d’en faire une validation de seconde zone.

Le degré d’acceptation de la validation de l’apprentissage non formel dépend d’un certain nombre de facteurs culturels, et notamment du haut niveau de confiance dont jouit le système formel. En France, la reconnaissance institutionnelle et sociétale de la validation de l’apprentissage non formel se heurte à un paradoxe : alors qu’il existe en France un attachement traditionnel très fort aux certificats et aux diplômes formels, à bien des égards, la France peut être considérée comme l’un des pays européens qui a la plus longue expérience en matière de validation dans la mesure où celle-ci dispose de fondements légaux depuis 1985 avec le bilan de compétences et la validation des acquis professionnels, et 1992 avec la validation des acquis de l’expérience. A l’instar de l’Italie et de la Grèce, la « logique du titre » définie par Pierre Merle (1998) est culturellement très indurée : le certificat est le reflet non seulement d’un niveau formel mais également des qualités d’une personne, et par voie de conséquence d’un rang socio-professionnel. Selon le sociologue, il remplit trois fonctions : une norme interne du système éducatif, une norme externe pour le marché de l’emploi et un identifiant personnel et hiérarchique. Même si la validation des acquis de l’expérience qui a près de quinze ans est venue ancrer la pertinence de l’apprentissage non formel dans le paysage culturel français, cette « diplômite », corolaire de la « phobie du CV à trous » où tout écart par rapport à la cohérence d’un cursus est considéré comme suspect et interrogé, reste un obstacle fort à la mise en œuvre de la validation de l’apprentissage non formel.

A l’inverse, certains pays sont culturellement plus ouverts à la singularité des parcours, et admettent davantage le caractère non linéaire de ceux-ci. Ainsi, les pays scandinaves ou anglo-saxons pratiquent-ils volontiers ce qu’on appelle des « parenthèses utiles » ou gap year, c’est-à-dire des périodes de césure entre la fin des études secondaires et l’entrée à l’université, utilisées pour voyager ou pour travailler (88). Bien qu’il existe incontestablement une différence entre les césures voulues et les césures subies (89), les premières aboutissant davantage à un retour aux études que les secondes, le modèle suppose que la trajectoire rectiligne entre études et professions n’est pas la seule norme. Elle autorise l’idée que le système formel n’est pas l’unique source des compétences des individus. A priori, elle s’inscrit davantage dans une mentalité ouverte à la reconnaissance de l’apprentissage non formel (90).

L’acceptabilité de la validation auprès du public passe par l’importance qu’elle peut prendre pour les entreprises et les employeurs. Il est difficile de dégager une ligne claire entre l’ignorance, l’intérêt ou les craintes que ceux-ci peuvent émettre à l’égard de la validation. Pour autant, les Lignes directrices soulignent combien « à défaut de participation des employeurs, il ne sera guère possible de miser sur le poste de travail comme lieu d’apprentissage ni de mettre en œuvre sur une grande échelle une validation des acquis pour l’ensemble de la population. »

Les principales attentes des entreprises à l’égard de la validation des acquis d’apprentissage non formel et informel concernent leurs propres employés. L’option principale est ainsi la démarche formative, qui restreint à l’entreprise ou au secteur la transférabilité des résultats de la validation. Elles y voient un facteur de motivation des salariés, un gain de temps pour l’acquisition d’une qualification (absence moins longue), un moyen d’améliorer le poste de travail, une réduction des coûts de recrutement et de formation. Leurs craintes éventuelles portent cependant sur d’éventuelles revendications salariales.

De fait, l’intérêt que l’entreprise porte à la validation est généralement motivé par ses besoins à court terme en matière de ressources humaines. C’est particulièrement important pour les PME qui présentent des problèmes spécifiques tenant à leurs ressources humaines et financières. L’intérêt des entreprises peut donc entrer en contradiction avec les intérêts des salariés qui peuvent ne pas souhaiter rendre visibles leurs compétences parce qu’ils y verraient un possible contrôle.

Le discours entrepreneurial sur les compétences est ancien car il engage ses stratégies en matière de ressources humaines. Pour les entreprises du secteur privé, le poste de travail est généralement vu comme la mesure des compétences, au risque de limiter le besoin de validation à des compétences techniques, dont le degré d’obsolescence est rapide et la transférabilité à d’autres emplois ou secteurs limitée. Le monde entrepreneurial valorise cependant également certaines compétences ou soft skills comme l’esprit d’initiative, l’adaptabilité, la motivation, qui sont difficiles à valider. Ainsi, dans une enquête (91) basée sur un panel de quatre cents entreprises, réparties sur dix pays, il ressort que les entreprises européennes considèrent l’évaluation des compétences comme un facteur crucial de recrutement et de gestion des ressources humaines.

La taille de l’entreprise reste déterminante pour rendre possible une démarche de recherche des compétences. Il est donc assez difficile de généraliser le positionnement des entreprises à l’égard de la validation de l’éducation et de l’apprentissage non formel. Il ressort cependant que cet outil de promotion socio-professionnelle et de gestion des ressources au sein de l’entreprise ne porte pas sur n’importe quel type d’employés mais bien souvent sur les cadres supérieurs ou les spécialistes. L’évaluation des compétences professionnelles est donc beaucoup plus rarement un moyen pour une réorientation professionnelle. De ce point de vue, la validation des compétences, si elle est prônée par le monde de l’entreprise, ne l’est pas tout à fait dans l’axe de la recommandation qui y voit notamment un outil au service des personnes peu ou pas qualifiées.

De manière plus générale, il est possible de s’interroger sur un possible biais élitiste de la validation des acquis d’apprentissage. Dans ce qu’on pourrait appeler le modèle de la Silicon Valley(92) le diplôme importe beaucoup moins que les compétences mises en valeur par le curriculum vitae dans le domaine d’expertise recherché. La limite de l’exemple vient cependant du fait qu’il s’agit moins d’une survalorisation de l’expérience non formelle que de son mélange, les personnes très diplômées ayant souvent la dextérité intellectuelle pour savoir valoriser leurs autres expériences. C’est en ce sens que si la validation est un outil d’équité pour permettre à des publics peu ou pas qualifiés de valoriser leurs compétences quel que soit le mode de leur acquisition, il est indubitablement plus facile à quelqu’un de qualifié de valoriser ce qu’il sait ou sait faire.

Quelle est la valeur relative de l’apprentissage intervenant dans un cadre non formel au regard d’un apprentissage formel ? Est-il aussi gratifiant en termes sociaux et professionnels, de salaire, de promotion et d’accès à l’éducation ou à la formation ? L’importance de l’acceptation de l’éducation et de la formation non formelles et informelles dépend de la manière dont elles sont acceptées et établies comme un parcours normal pour obtenir une certification. Tout dépend de l’ouverture des politiques et des pratiques actuelles d’éducation et de formation à l’égard des approches fondées sur les résultats d’apprentissage. Outre le problème culturel de méfiance de la société en général à l’égard de l’efficacité de l’apprentissage non formel et partant, à l’égard des processus de validation des acquis non formels et informels, la validation constitue donc un véritable défi pour le secteur formel lui-même : comment intégrer les acquis d’apprentissage à des normes de fonctionnement différentes ?

En amont, pour l’éducation formelle, la validation instaure un gros changement de paradigme et un défi de taille, notamment en ce que les acquis d’apprentissage remettent en cause les modes traditionnels de délivrance et de reconnaissance de l’apprentissage. Le paradoxe, c’est que le caractère insoutenable des constats d’échec du système formel est connu depuis longtemps. Depuis la loi d’orientation de 1989, la France cherche à mettre en place, notamment au niveau de l’enseignement scolaire obligatoire, le langage des compétences et de la transversalité mais il y a loin de la théorie à la pratique réelle. Il convient de proposer le changement avec réalisme, en réfléchissant à la manière dont de telles réformes, qui heurtent les manières de faire et de penser, puissent s’implanter efficacement et durablement. Il s’agit notamment de ne pas ignorer les problèmes d’adaptation et les contraintes de système, parmi lesquelles l’organisation du travail, les ressources financières et matérielles disponibles et la culture des enseignants. On notera que les facteurs d’inertie sont d’autant plus grands que le système formel est ancien et de taille importante. Le système formel voit dans les systèmes informels une source de concurrence d’autant plus forte que son aveu d’échec est patent. L’adaptation de normes pédagogiques nouvelles ne peut s’implanter sans un fort investissement des acteurs de la communauté éducative, et notamment des enseignants. Il faut un temps de conversion des objectifs d’éducation en objectifs de compétences, ce qui nécessitera de l’énergie, de la confiance et des incitations économiques. Il est illusoire en effet de préconiser de la personnalisation sans l’investissement humain corollaire, et il n’est pas pensable de demander à des enseignants d’assumer en plus de la charge de classes et de groupes, l’individualisation de la pédagogie sans motivations financières et/ou organisationnelles.

La validation de l’apprentissage non formel est une chance pour flexibiliser les parcours, et permettre à chacun de valoriser ce qu’il est. Pour autant, il ne faut pas tomber dans l’écueil d’en faire la panacée. La validation comme alternative à l’apprentissage formel risque d’échouer si elle n’est pas adossée comme outil complémentaire au système formel lui-même. Les réticences, voire le scepticisme, à son égard ne pourront être levés qu’à cette condition.  

Pour qu’un dispositif tel que la validation de l’apprentissage non formel et informel ne paraisse pas engager une somme d’énergie, à termes, inutile, il convient de voir comment le monde des utilisateurs s’empare d’un tel outil – apprenants d’une part mais également monde du travail. Cela passe déjà par une sensibilisation de la société, voire des groupes cibles que sont les citoyens qui auraient le plus à tirer profit de la validation de leurs acquis d’apprentissage. A l’exception de la Finlande, le bilan n’est pas très positif en la matière, peut-être parce que certains pays n’ont développé de système de validation que de façon récente. Par ailleurs, même si l’Inventaire européen n’aborde pas directement cette question, il ressort que les certifications acquises par validation paraissent marquées d’une différence qualitative par rapport aux certifications délivrées plus classiquement par l’éducation et la formation formelles. Le risque est donc de maintenir en creux une procédure de qualification de seconde zone, ce qui va à l’encontre de leur promotion possible.

Corollaire de la validation des acquis de l’apprentissage non formel et informel, l’élaboration des cadres nationaux de certification est indispensable. Une telle mise en œuvre nécessite du temps. Elle risque cependant d’être vaine si les utilisateurs ne se l’approprient pas. Pour que le cadre national de certification (CNC) soit pleinement opérationnel, les utilisateurs finaux doivent y être sensibilisés. La mention des niveaux du CNC et du cadre européen des certifications (CEC) sur les certificats et diplômes est, à ce titre, déterminante mais c’est un chantier loin d’être achevé. Concrètement, il conviendrait déjà qu’au niveau des validations existantes, c’est-à-dire des diplômes, les mentions des niveaux du cadre national et du cadre européen soient intégrées. Ce n’est pas le cas encore dans un certain nombre de pays européens. En France, certains organismes certificateurs n’ont pas encore appliqué cette mise en correspondance. C’est ainsi le cas de l’Éducation nationale, sans doute parce que certains diplômes ou certificats restent problématiques.

Par ailleurs, une réflexion doit être conduite sur l’opportunité d’informer les niveaux inférieurs du cadre français des certifications correspondant aux deux premiers niveaux du cadre européen – niveaux 1 et 2 (cf. I.C.1). Ainsi, le rapport de référencement de la CNCP souligne que la mise au point d’une nouvelle nomenclature française des certifications professionnelles devra réfléchir sur l’opportunité de créer de nouveaux niveaux de certifications : « compte tenu de deux éléments qui pourraient paraître contradictoires à première vue, les besoins croissants en emplois qualifiés et la nécessité de permettre à des personnes ayant quitté le système éducatif sans aucun diplôme de faire valider une expérience professionnelle acquise en situation de travail en obtenant une certification dont le niveau constitue aussi un signal de qualification visible par différents acteurs. » (93) Dans un contexte d’augmentation du niveau des qualifications, informer des niveaux de base peut paraître inutile, voire discriminant. Mais dans l’objectif de motiver davantage les « apprenants », et dans la logique « des tout petits pas » et de la modularité propre aux acquis d’apprentissage (cf. I.A.3.b), une telle réflexion ne doit pas être éludée. Elle pourrait ainsi participer de la politique de lutte contre le décrochage scolaire.

Il est nécessaire de mettre en place un cadre européen de l’assurance qualité dans l’éducation non formelle. L’instauration de dispositifs d’assurance qualité spécifique à la validation apparaît comme indispensable à l’instauration d’une confiance commune et, partant conditionne la crédibilité de tout le dispositif de validation des acquis d’apprentissage non formel et informel. Les processus d’assurance qualité permettent de définir des critères de référence pour les procédures de validation. « Le succès des processus de validation nationaux et locaux est tributaire de la confiance qu’ils inspirent. » (94) Concernant le cadre d’assurance qualité, on « en sait peu sur la capacité réelle des systèmes et procédures d’assurance qualité à garantir des évaluations fiables, valides et crédibles. » Or sans une telle connaissance, la question de la confiance se trouve posée pour les utilisateurs, non seulement quant à la fiabilité de la qualification des professionnels en charge de la validation mais également quant à celle des procédures de certification.

Le chantier consiste à mettre davantage l’accent sur l’assurance qualité de la certification, en particulier sur les modes d’établissement et d’actualisation des normes, l’application de la démarche fondée sur les résultats de l’apprentissage et la participation et la contribution de différents intervenants à la certification. » (95) Il existe des instruments européens comme l’ENQA (European Network for Quality Assurance in Higher Education) pour l’enseignement supérieur et les ENQA-VET (European Network on Quality Assurance in Vocational Education and Training) pour l’enseignement et la formation professionnelles réseaux européens visant à améliorer la coopération au niveau des procédures d’assurance qualité. Il conviendrait d’établir un bilan de leur usage et de leur effet.

Le mot d’ordre de la personnalisation n’est pas nouveau : il irrigue l’ensemble des stratégies pédagogiques et d’emploi depuis des années. Ainsi l’idée d’offrir aux étudiants de l’EFP (96) des parcours individualisés – par exemple via la guidance, le tutorat, les plans d’apprentissage individuels ou la gestion de cas – est au cœur des mesures préventives ou compensatoires de l’abandon précoce de l’enseignement et de la formation professionnels. La validation s’articule à ces approches basées sur les compétences. A l’instar de ce qui se fait en Finlande, elle risque cependant de se heurter à un certain essoufflement si elle ne suppose pas un fort investissement en faveur de la motivation des individus, laquelle suppose en amont un accompagnement conséquent.

Selon les objectifs de la validation, un système permettant de reconnaître les compétences réelles d’un individu en le gratifiant d’une reconnaissance a un effet inducteur pour le motiver socialement à poursuivre le développement de celles-ci dans d’autres formations. (97) Mais outre les problèmes de méthodologie quant à la manière d’identifier et de mesurer les compétences, la motivation est à la fois une cause et un effet. Si l’apport en termes de confiance en soi et de motivation constitue un effet très positif des entreprises de validation, il faut qu’il y ait d’abord chez les candidats une motivation en amont pour effectuer une démarche de validation. La motivation doit être suscitée en amont pour être tangible en aval. Elle nécessite donc que le dispositif de validation puisse institutionnellement être visible et attractif pour attirer des publics qui n’y seraient peut-être pas portés. L’un des défauts dénoncés concerne le mauvais accès à l’information. Les candidats à la VAE en France évoquent souvent un concours de circonstances pour expliquer qu’ils arrivent à elle alors même qu’elle constituait une option du droit individuel de formation (DIF) (98).

Compte tenu de la difficulté de l’exercice d’identification des compétences, un accompagnement de la part de personnels bien formés est nécessaire, ce qui présente également un coût. Dans le dossier descriptif des activités et compétences requises par un référentiel de certification au cours d’un processus de validation, la démarche d’analyse est en effet indispensable, faute de quoi les candidats risquent d’être désabusés. Le processus d’identification à travers des expériences de livret de compétences souligne à quel point les compétences peuvent être « cachées et/ou en sommeil » (99). Elles sont rarement à claire-voie pour les intéressés eux-mêmes. Le principal risque est donc de laisser les candidats livrés à eux-mêmes. Le recours à un tiers est donc une nécessité.

Le tiers intervient à deux niveaux : dans l’aide et la personnalisation du projet et de sa réalisation, notamment autour du dossier d’identification des compétences à valider - discussion, méthodes déclaratives, entretiens, observation, portfolios, ainsi que dans l’évaluation elle-même. Il importe que l’accompagnement et l’évaluation fassent l’objet de deux étapes distinctes, et qu’accompagnateurs ou jurys aient des rôles clairement assignés et séparés.

L’importance du rôle des formateurs ou des accompagnateurs de candidats à la validation, non seulement pour les intéressés mais également pour la crédibilité du processus de validation, impose qu’ils fassent l’objet d’une plus grande attention. Certains pays mettent l’accent sur l’expérience des évaluateurs quand d’autres, comme la Finlande, exigent en outre une formation, voire un diplôme spécifique (Malte). L’orientation et la formation de ceux qui gèrent et mettent en œuvre les processus de validation sont capitales pour la professionnalisation des praticiens, des communautés de pratique et pour la transparence du processus de validation.

CONCLUSION

En conclusion, bien que le présent rapport se penche sur une recommandation européenne, sans valeur contraignante par conséquent, et que la France, au moyen du dispositif de la VAE, semble se positionner comme l’un des pays fer de lance de la validation des acquis de l’apprentissage non formel et informel, il n’en demeure pas moins important d’être conscient des défis et des enjeux qui sont posés par la mise en œuvre, d’ici 2018, de cette recommandation, et de voir comment la France peut y répondre le mieux possible pour faire évoluer son dispositif existant et le rendre plus performant.

Il conviendrait donc d’abord de procéder à un bilan de la VAE quinze ans après sa mise en place, afin d’en mesurer le coût et les bénéfices au regard des objectifs de la recommandation du Conseil du 20 décembre 2012, dans l’optique non de la remettre en cause mais de réfléchir aux possibilité de son extension afin de l’ouvrir à d’autres publics que ceux qu’elle vise, à l’instar des décrocheurs scolaires ou universitaires dont l’expérience, on le sait, n’ouvre bien souvent pas droit à une certification possible. Il pourrait s’agir d’évaluer les conditions d’éligibilité de la VAE pour y inclure au maximum des expériences acquises dans un cadre non formel et informel, comme les stages, linguistiques ou non, mais également de considérer l’intérêt d’une validation de certifications inférieures à celles qui sont répertoriées en France dans le cadre du Registre national des certifications professionnelles. À ce titre, bien que la recommandation du 29 janvier 2008 instaurant un cadre européen des certifications pour l’éducation et la formation tout au long de la vie s’inscrit de façon indirecte dans notre sujet, il demeure essentiel d’en suivre de près le niveau de réalisation car la mise en œuvre d’une validation, c’est-à-dire potentiellement d’une certification, est tributaire de l’état d’avancement des nomenclatures nationales. Il conviendrait ainsi de réfléchir, à l’occasion de la remise à plat programmée de la nomenclature française de 1969 sur les certifications professionnelles, aux possibilités d’intégrer, à l’instar de ce qui se passe au Royaume-Uni par exemple, des unités de certifications plus réduites.

La VAE comme tout dispositif de validation nécessite par ailleurs un accompagnement. Il conviendrait d’améliorer celui-ci en formalisant davantage la formation de ces accompagnateurs, au moyen par exemple de crédits d’enseignement. Pour mieux permettre une articulation entre validation, formation complémentaire et employabilité, il conviendrait également de trouver des outils de personnalisation des prises en charge des candidats à la validation. Cela suppose que le service public d’orientation intègre un dispositif de fléchage de la validation et instaure une meilleure visibilité de celle-ci.

Concernant le problème du secteur socio-éducatif, le paradoxe de la validation, nous l’avons évoqué, n’est pas tranché. Pour éviter que la perspective d’une validation ne devienne contradictoire avec l’essence de spontanéité et de générosité de l’engagement, il conviendrait cependant de rendre plus visible les possibilités de validation d’expériences d’engagement et d’encadrement que ce secteur peut susciter.

Les défis évoqués dans ce rapport ne concernent pas nécessairement la France mais obligent à repenser le cadre général de l’éducation et de l’enseignement sous l’angle des acquis d’apprentissage (learning outcomes). Il convient à ce titre, même si les ECVET concernent essentiellement les crédits d’apprentissage de l’éducation et de la formation professionnelle, et à cet égard relèvent du formel, d’en appeler à davantage de progrès sur ce dispositif en France. Il est en effet susceptible, selon nous, de permettre une ouverture des esprits à des expériences non formelles et de favoriser des passerelles entre celles-ci et le secteur de l’enseignement et de la formation professionnels.

De toute évidence, ce qu’on peut appeler de nos vœux, mais qui s’inscrit difficilement dans une politique, c’est une évolution des esprits. Pour autant, réfléchir à la possibilité d’organiser des reports d’études ou des périodes de césure dans les cursus scolaires et universitaires, à l’instar des gap years anglo-saxonnes ou scandinaves, pourrait être une piste intéressante pour favoriser l’idée que désormais périodes de formation et de travail alternent au cours d’une vie. C’est à cette condition qu’on donnera vraiment corps à la notion d’éducation et de formation tout au long de la vie.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 1er juillet 2015, sous la présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé du rapporteur a été suivi d’un débat.

« Mme Audrey Linkenheld. J’ai une observation et une question. Je partage en effet l’analyse que vous avez faite, à savoir qu’il faut à la fois encourager la reconnaissance de l’apprentissage non formel et informel à travers notamment la validation des acquis de l’expérience comme on le dit en France – c’est plus parlant pour nous que la validation des acquis de l’apprentissage non formel et informel – , et ne pas renoncer à l’apprentissage académique. J’ai eu l’occasion de lire récemment un rapport comparatif sur l’apprentissage en France et en Allemagne qui montre que la proportion de décrocheurs est la même dans les deux pays et que ce n’est donc pas par ce biais-là que l’on arrive à opérer du raccrochage, quand bien même l’Allemagne aurait quelques longueurs d’avance sur nous en matière d’apprentissage. La vraie différence se fait sur ce qu’on appelle la qualification intermédiaire. En France, nous faisons l’expérience de l’apprentissage, et, malheureusement - parce que j’en ai moi-même fait l’expérience -, davantage dans l’enseignement supérieur que dans les autres catégories même lorsque l’apprentissage augmente. En Allemagne, si l’apprentissage est fort, c’est parce qu’il se situe essentiellement au niveau de l’équivalent des bacs professionnels chez nous, c’est-à-dire ni dans les CAP ni dans l’enseignement supérieur, mais là où il y a une réelle plus-value sur le marché du travail. Or les décrocheurs ne sont les premiers bénéficiaires de l’apprentissage ni chez nous ni chez eux. Il ne faut donc pas se tromper d’enjeu. On peut essayer de les raccrocher par le non formel comme par le formel, de les raccrocher à l’académique par le non formel mais il ne faut surtout pas renoncer à l’apprentissage académique.

Au-delà de cette observation, ma question serait de savoir comment la France pourrait être pionnière dans ce domaine de l’éducation et la formation tout au long de la vie que vous avez évoqué. Cela me fait penser à la problématique de la sécurisation des parcours professionnels et à ce qu’on est en train d’essayer de mettre en place avec le compte personnel d’activité qui est l’étape suivante du compte individuel de formation. Cette question de la sécurisation des parcours ne se pose en effet pas uniquement en France mais également dans d’autres pays européens où l’on fait le constat qu’on change de métiers plusieurs fois au cours de sa vie. Comment la France peut-elle, à travers l’avance qu’elle a pris avec la VAE, être le fer de lance d’une reconnaissance plus globale à l’échelle européenne d’une sécurisation des parcours professionnels ? Par exemple dans un équivalent du compte personnel d’activité dans lequel chaque citoyen trouverait son droit à la formation, ses droits chômage, la reconnaissance de la pénibilité de son travail - qui existe dans d’autres pays -, bref tout ce qui permet à un individu, qu’il ait ou non bénéficié d’une formation initiale, de sécuriser son parcours et de se rattraper comme il le peut par une formation, académique ou non.

La présidente Danielle Auroi. Je partage tout à fait ce que vient de dire Audrey Linkenheld. Ma question va donc être beaucoup plus courte. Il me semble qu’on pourrait se poser une question complémentaire. Concernant le système d’équivalence qui s’avère être également l’un des nœuds du problème qui se pose tant pour les destinataires d’un parcours non formel et informel que pour ceux d’un parcours plus classique, qu’en est-il au niveau européen ? Et non plus seulement en comparant les pays deux à deux comme on le fait notamment pour la France et l’Allemagne ? Ou encore avec la Finlande comme vous l’avez fait dans votre rapport ? N’y a-t-il pas lieu en fin de compte de valoriser la prise en compte de ce secteur informel et non formel pour permettre des passerelles, y compris avec les secteurs formels ? Par exemple, quelqu’un qui est sorti du système pourrait-il, s’il le souhaite et quel que soit son âge, reprendre des études ou une formation plus traditionnelles ? En France en effet, même si on a fait des progrès, on souffre encore d’une certaine verticalité. Je prends pour exemple des personnes qui se forment pour encadrer des jeunes, au moyen d’un BAFA notamment, et qui finissent par souhaiter retourner à l’université : comment valoriser et labelliser leur expérience ? Il me semble que le Québec, qui certes n’est pas un exemple européen mais qui est un exemple francophone, est très avancé dans ce domaine-là. Je vais lire les parties de ce rapport extrêmement riche, dont le sommaire souligne qu’il y a encore beaucoup de défis pendants, ne serait-ce qu’au niveau du financement de la validation.

Mme Sandrine Doucet. Pour vous répondre, je vais prendre un exemple tiré de notre visite en Finlande. Car pour sécuriser un parcours professionnel, il faudrait, de façon récurrente ou régulière, pouvoir valider et reconnaître les compétences acquises par les individus. En France, on a la VAE, ce qui est très bien mais il faudrait que ce système soit répétable, pourrait-on dire, dans le parcours d’un apprenant. Pour cela, on pourrait s’inspirer du modèle finlandais : le ministère de l’éducation et de la formation établit les critères de validation de façon centralisée mais en confie la validation elle-même de manière très décentralisée, à une structure tripartite - apprenant, formateurs et professionnels. L’apprenant peut demander à ce qu’on vienne valider ses compétences sur le lieu de son entreprise. Il s’agit d’une sorte de VAE très ponctuelle et très personnalisée permettant à l’apprenant de faire reconnaitre ses compétences et de se faufiler, si je puis m’exprimer ainsi, dans le monde du travail avec un bagage réactualisé. Il y a en Europe de bons modèles à trouver pour la validation des acquis d’apprentissage.

Ensuite, je voudrais évoquer le problème auquel on se heurte concernant l’informel. On a eu ce débat à l’occasion du service civique : à vouloir valider ce qui relève de l’engagement associatif, qui suppose des valeurs d’humanisme ou d’altruisme et qui se veut généreux, on risque de heurter l’essence même de l’engagement. On a là un problème non résolu qui touche à la philosophie de l’engagement.

C’est vrai qu’il faudrait penser une plus grande perméabilité entre tous les systèmes formels et informels. On a toujours la tentation de mettre en parallèle les modèles allemand et français mais il y a d’autres modèles dans d’autres pays comme les pays scandinaves et la Finlande. Je pense au travail de notre collègue Christophe Premat évoquant les parcours possibles qui existent dans d’autres pays qui permettent des passerelles entre le non formel, l’apprentissage et l’académique. Pour cela, il faut notamment qu’il existe un cadre de certification national qui soit lisible et cohérent au niveau européen, ce qui fait l’objet d’un travail et de rencontres régulières au niveau européen entre professionnels. On rencontre cependant des problèmes de décalage entre les différents cadres nationaux. Ainsi, en France, comme vous le verrez dans mon rapport, on a des grades qui s’échelonnent de 1 à 5 – le grade 5 correspondant par exemple au BEP – mais rien au-dessous aux échelons 7 et 8 de la grille européenne, alors qu’au Royaume-Uni il est possible de reconnaître des niveaux de compétences inférieurs. Dans cette optique comme en Belgique francophone où nous nous sommes rendus, on se trouve dans une logique de « pas à pas » où il est possible de valider des niveaux du type brevet ou en-deçà encore. Ce dont il s’agit - c’était très visible à Bruxelles -, c’est de valoriser chez certaines personnes très éloignées de l’école ou du marché du travail, des compétences très basiques. Il faut trouver des solutions de ce genre au niveau européen Car l’idée fondamentale, c’est qu’il faut lutter contre le chômage et le décrochage. Voilà tout le travail, initié en 2012 et qui doit être mené pour 2018, auquel invite la recommandation du 20 décembre 2012 relative à la validation des acquis d’apprentissage non formel et informel. On constate qu’il s’agit là d’un temps très long – six ans - alors que nous, en France, avec les politiques de la jeunesse qu’on essaie de mettre en place, nous sommes dans un temps de l’urgence ».

ANNEXES

ANNEXE NO 1 :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE

France

Mme Brigitte BOUQUET, Rapporteur général de la Commission nationale des certifications professionnelles ;

M. Antoine GODBERT, Directeur de l’Agence Erasmus+ ;

M. Franck JARNO, Sous-directeur des formations et de l'insertion professionnelle à la Direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle, Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche ;

Mme Yolande FERMON, chargée du département du lien formation – emploi, Direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche ;

Mme Candice de LAULANIE, Directrice de l’Agence Erasmus+-Jeunesse ;

Mme Bérénice JOND, Membre du CESE, présidente d’Animafac, membre du CESE ;

Union européenne

M. Michel SERVOZ, Directeur général chargé de l'emploi, des affaires sociales et de l'inclusion, Commission européenne ;

M. Jordi CURELL, Directeur chargé de la modernisation de l'enseignement, politique et programme en matière d'enseignement, innovation, Commission européenne ;

Mme Florencia VAN HOUDT, Chef-adjoint du Département Jeunesse, Commission européenne ;

Mme Laure COUDRET-LAUT, Conseillère éducation, jeunesse, sport, Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne ;

Mme Anne DEMEUTER, coordinatrice du programme « Erasmus +, jeunesse en action », Commission européenne, Bureau international jeunesse ;

M. Alain BULTOT, coordinateur de l’Action clé 3 du programme Erasmus +, membre du groupe d’experts sur le système européen de crédits d’apprentissage pour l’enseignement et la formation professionnelle ECVET / Europass, Agence francophone pour l’éducation et la formation tout au long de la vie ;

Finlande

Mme Raija VAHASALO, Présidente de la Commission des affaires culturelles et éducatives du Parlement finlandais ;

M. Petri HALTIA, Conseiller à la Division de l’Education pour les adultes et des politiques de formation ;

Mme Minna BALINT, Conseillère en charge de la reconnaissance des acquis de l’expérience, Opetus Hallitus (Bureau National Finlandais de l’Education) ;

M. Mika SARANPÄÄ, l’Université des sciences de Haaga-Helia d’Helsinki ;

Mme Salla HUUTUNEN, Directrice de l’Université des sciences de Haaga-Helia d’Helsinki ;

Mme Alisa HOKKANEN, l’Université des sciences de Haaga-Helia d’Helsinki ;

Mme Anitta PEHKONEN, Directrice exécutive de OK Study Centre (Fédération d’association responsable de la formation des adultes) ;

M. Tino SINIVUORI, Directeur des études des Guides et Scouts de Finlande ;

Mme Kati INKINEN, Conseiller sénior pour le programme Erasmus+ Youth in Action, le CIMO (Centre de mobilité internationale) ;

M. Paavo PYYKKÖNEN, Conseiller sénior pour le programme Erasmus+ Youth in Action, le CIMO (Centre de mobilité internationale) ;

M. Mervi JANSON, Directeur de OMNIA (Centre de développement pour l’éducation formelle et non-formelle) ;

M. Tapio SIUKONEN, Directeur général de OMNIA (Centre de développement pour l’éducation formelle et non-formelle) ;

Mme Satu JÄRVINEN, experte sur les partenariats éducatifs, OMNIA (Centre de développement pour l’éducation formelle et non-formelle) ;

Mme Sirkka WIMAN, Principal de la Formation pour adultes d’OMNIA (Centre de développement pour l’éducation formelle et non-formelle) ;

ANNEXE NO 2 :
CADRE EUROPÉEN DES CERTIFICATIONS

EQF Level/niveau de CEC

Knowledge/Connaissances

Skills/savoir-faire

Competence/compétence

 

Dans le cadre du CEC, les connaissances, sont décrites comme théoriques et/ou factuelles.

Dans le cadre du CEC, les savoir-faire sont décrits comme

Cognitifs (comprenant l’usage d’une pensée logique, intuitive et créative), et pratiques (comprenant dextérité manuelle et utilisation de méthodes, matériaux, outils et instruments)

Dans le cadre du CEC, la compétence est décrite comme en termes de responsabilité et d’autonomie.

Niveau 1

Connaissances générales de base

Aptitudes de base requises pour effectuer de simples tâches.

Travail ou études sous supervision directe dans un contexte structuré.

Niveau 2

Connaissances de base factuelles dans un domaine d’études ou de travail

Aptitudes cognitives et pratiques de base requises pour utiliser les informations adéquates afin d’accomplir des tâches et résoudre des problèmes de routine au moyen de règles et d’outils simples.

Travail ou études sous supervision avec relative autonomie.

Niveau 3

Connaissances de faits, principes, procédures et de concepts généraux, dans un domaine d’études ou de travail.

Éventail de compétences cognitives et pratiques requises pour accomplir des tâches et résoudre des problèmes par sélection et application de méthodes, outils, matériaux et information de base.

Prendre des responsabilités pour la réalisation de tâches dans un travail ou des études ; adapter son comportement aux circonstances dans l’optique de résoudre des problèmes.

Niveau 4

Connaissances factuelles et théoriques mobilisables dans des contextes étendus au sein d’un domaine de travail et d’études.

Éventail de compétences cognitives et pratiques requises pour des solutions génériques à des problèmes spécifiques dans un champ de travail ou d’études.

Pratiques d’auto-management dans le cadre de lignes directrices de contextes de travail ou d’études généralement prévisibles mais sujets au changement ; supervision du travail d’autres personnes, responsabilité en matière d’évaluation et d’amélioration d’activités liées à un travail ou à des études.

Niveau 5

Connaissances factuelles et théoriques, compréhensives et spécialisées, au sein d’un domaine de travail ou d’étude avec conscience des limites de cette connaissance.

Éventail compréhensif de compétences cognitives et pratiques requises pour développer des solutions créatives à des problèmes abstraits.

Exercise management and supervision in contexts of work or study activities where there is unpredictable change ; review and develop performance of self and others

Niveau 6

Connaissances avancées dans un domaine de travail ou d’étude, impliquant une compréhension critique de ses théories et principes.

Aptitudes avancées, démontrant maîtrise et sens de l’innovation, requises pour résoudre des problèmes complexes et non prévisibles dans un domaine de travail et d’études spécialisé.

Gestion d’activités ou de projets professionnels ou relevant d’une technicité complexe ; prise de responsabilité en matière de décisions relatives à des contextes de travail ou d’études non prévisibles ; prise de responsabilité en matière de gestion du développement professionnel d’individus ou de groups.

Niveau 7

Connaissances hautement spécialisées, voire à la pointe de la connaissance, dans un domaine de travail ou d’étude, base d’une réflexion originale et/ou d’une recherche

Conscience critique des questions soulevées par cette connaissance dans un domaine et au carrefour entre plusieurs domaines.

Aptitudes de résolution de problèmes spécialisées, requises dans la recherche et/ou l’innovation permettant de développer de nouvelles connaissances et procédures, et d’intégrer des connaissances émanant de domaines différents.

Gestion et transformation de contextes de travail ou d’études complexes, non prévisibles, et requérant de nouvelles approches stratégiques ; prise de responsabilité : contribution aux connaissances et à la pratique professionnelle et/ou révision des performances stratégiques des équipes.

Niveau 8

Connaissances à la frontière la plus avancée d'un domaine de travail ou d'études et à l'interface entre les champs

Les aptitudes et les techniques les plus avancées et spécialisées, dont la synthèse et l’évaluation, requises pour résoudre des problèmes cruciaux dans la recherche et/ou l’innovation, et permettre d’étendre et de redéfinir les connaissances ou les pratiques professionnelles existantes.

Faire preuve d’une autorité substantielle, d’innovation, d’autonomie, d’intégrité académique et professionnelle, d’investissement durable à l’égard du développement de nouvelles idées ou processus dans des contextes de travail ou d’études à la pointe de ce qui se fait, notamment dans la recherche.

1 () La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

2 () Elle, édito d’Alix de Girod de l’Ain, 23 janvier 2015.

3 () L'initiative intitulée « De nouvelles compétences pour de nouveaux emplois », lancée en 2008, définit le programme de la Commission visant à améliorer les compétences professionnelles, mieux anticiper les besoins et renforcer l'adéquation entre l'offre et la demande dans ce domaine. Cette initiative est en cours et se poursuivra. Elle se distingue de l'initiative phare de la stratégie 2020 (« Stratégie pour des compétences nouvelles et des emplois ») qui, en dépit d'un intitulé similaire, a une portée beaucoup plus large parce qu’elle comprend les questions de flexi-sécurité, de qualité de l'emploi, de conditions de travail et de création d'emplois. Le développement des compétences n'est qu'un des quatre grands domaines couverts par cette initiative phare.

4 () Communication de la commission au Parlement européen, au Conseil, à la commission économique et sociale et au Comité des régions, DOC(2010) 682 final/2.

5 () Le paradigme d’éducation et de formation tout au long de la vie (lifelong learning) a d’ailleurs constitué le nom de l’instrument européen de la politique d’éducation pendant la période 2007-2013 avant de laisser la place au nouveau dispositif intégré d’Erasmus + début 2014.

6 () Validation de l’apprentissage non formel et informel en Europe État des lieux en 2007, Base conceptuelle, Cedefop, 2008.

7 () Groupe (cluster) de travail sur la reconnaissance des résultats de l’apprentissage mis en place en 2006 dans le cadre du programme de travail Éducation et formation 2010.

8 () Validation de l’apprentissage non formel et informel en Europe État des lieux en 2007, Base conceptuelle, Cedefop, 2008.

9 () La reconnaissance et la validation des acquis informels en France, Anne-Marie Charraud, AGORA V Identification, évaluation et reconnaissance des acquis non formels Thessalonique, Les 15 et 16 mars 1999, Cedefop 2002.

10 () D’après le document de travail du Conseil et de l’éducation et de la formation de la Fédération de Wallonie-Bruxelles, « Analyse des démarches de référentialisation et de construction des curricula dans les différents secteurs de la formation et de l’enseignement », la traduction de « learning » par « éducation et formation » est à ce propos malheureuse, elle provient du Parlement européen qui a traduit « learning » par « éducation et formation » en cohérence avec la traduction de « lifelong learning » par « éducation et formation tout au long de la vie » (mai 2011).

11 () Recommandation du Parlement et du Conseil du 23 avril 2008 instituant le cadre européen des certifications pour l’apprentissage tout au long de la vie.

12 () Les définitions de compétence, y compris celle du CEC (means the proven ability to use knowledge, skills and personal, social and/ or methodological abilities, in work or study situations and in professional and personal development) sont des définitions intégratives faisant implicitement ou explicitement référence aux situations où elles s’exercent. Il est donc étonnant de trouver une colonne « compétences » à côté des savoirs et aptitudes dans le tableau des descripteurs génériques du CEC, visant à caractériser des acquis d’apprentissage et non des compétences. Par contre, utiliser les compétences comme indicateurs ou éléments descriptifs d’un niveau d’autonomie et de responsabilité est pertinent.

13 () http://europa.eu/legislation_summaries/education_training_youth/general_framework/n26111_fr.htm#

14 () On distingue deux concepts : la mobilité qui désigne un aspect davantage transnational, et la perméabilité qui est interétatique et suppose la reconnaissance des acquis entre plusieurs opérateurs d’enseignement, de validation, d’insertion ou d’emploi.

15 () Adult Education and Training in Europe: Widening Access to Learning Opportunities, Eurydice report, 2015.

16 () Par Belgique francophone, il faut entendre les trois niveaux de pouvoir que sont la Fédération Wallonie-Bruxelles, la Commission communautaire française et la Wallonie.

17 () M. Alain Bultot, coordinateur de l’Action clé 3 du programme Erasmus +, membre du groupe d’experts ECVET dans un entretien du 28 janvier 2015 et Vers l’implémentation d’ECVET en Belgique francophone, octobre 2013.

18 () Les Qualifications basées sur la compétence en Finlande – Organisation, évaluation et légitimité, Petri Haltia, dans Identification, évaluation et reconnaissance des acquis non formels, Thessalonique, Les 15 et 16 mars 1999, Cedefop 2002.

19 () 6ème Conférence des ministres européens chargés de la jeunesse, Déclaration finale « Les jeunes construisent l’Europe », Thessalonique (Grèce), 7-9 novembre 2002 mieux prendre en compte l’expérience et les compétences acquises dans le cadre de ces activités à tous les niveaux.

20 () Voir le site : https://www.youthpass.eu/fr/youthpass/youthpass/

21 () UNESCO, Recognition, Validation and Certification of informal and non-formal learning, Synthesis Report Institute for Education, April 2005.

22 () 5e Conférence des ministres européens chargés de la jeunesse, Bucarest, 27-29 avril 1998, Déclaration finale « Les jeunes : des citoyens actifs de la future Europe – Droits de l’homme – Participation – Solidarité ».

23 () Recommandation 1437 (2000) sur l’éducation non formelle.

24 () Le symposium sur la Reconnaissance du travail socio-éducatif (youthwork) et sur la validation de l’apprentissage / éducation non formelle dans le champ de la jeunesse, co-organisé par la Commission européenne et le Conseil de l’Europe, a eu lieu du 14 au 16 novembre 2011. http://pjp-eu.coe.int/documents/1017981/7110668/28_pdfsam_GettingThere_WEB.pdf/c9f42150-ae65-4ca5-aecf-26426878982e

25 () Considérant 2 de la recommandation du 20 décembre 2012 relative à la validation de l’apprentissage non formel et informel (2012/C 398/01).

26 () 18 décembre 2006, 2006/962/EC.

27 () M. Alain Bultot, coordinateur de l’Action clé 3 du programme Erasmus +, membre du groupe d’experts ECVET dans un entretien du 28 janvier 2015 et Vers l’implémentation d’ECVET en Belgique francophone, octobre 2013.

28 () Recommandation du Conseil du 20 décembre 2012 relative à la validation de l’apprentissage non formel et informel.

29 () Adult Education and Training in Europe:Widening Access to Learning Opportunities, Eurydice Report, février 2015.

30 () http://eacea.ec.europa.eu/education/eurydice/documents/thematic_reports/175FR_HI.pdf
Réduire l'abandon précoce de l'éducation et de la formation en Europe Stratégies, politiques et mesures, Synthèse Eurydice, 2014.

31 () Eurydice, Tackling early leaving from education and training in Europe: Strategies, policies and measures, 20 November 2014.

32 () Voies 2.0 vers la reconnaissance de l’éducation et de l’apprentissage non formel et du travail de jeunesse en Europe, 2011.

33 () Validation de l’apprentissage non formel et informel en Europe, État des lieux en 2007, Cedefop.

34 () http://ec.europa.eu/ploteus/sites/eac-eqf/files/Rapport-FR-NQF-EQF-VF.pdf

35 () Avant 2002 et la loi instaurant le RNCP, il existait deux grilles de nomenclature : la grille de 1967 pour les ministères chargés de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur, fondée sur la durée des études, et la grille interministérielle de 1969, créée pour classer les certifications en relation avec le niveau d’autonomie et de responsabilité dans une organisation de travail. La mise en œuvre du processus de Bologne a rendu la référence de 1967 caduque mais la nomenclature de 1969 perdure tant qu’une nouvelle nomenclature, à l’étude, n’aura pas été mise au point pour mieux s’adapter au paysage professionnel français actuel.

36 () Référencement du cadre national français vers le cadre européen de certification pour la formation tout au long de la vie, rapport CNCP, 2010.

37 () Cedefop. Terminology of European education and training policy. A selection of 100 key terms. Luxembourg.

38 () Recommandation 2009/C 155/02 du Parlement Européen et du Conseil du 18 juin 2009 établissant le système européen de crédit d'apprentissages pour l'enseignement et la formation professionnels (ECVET). Voir site officiel http://ec/europa.eu/education/lifelong-learning-policy/ecvet_fr.htm

Recommandation 2009/C 155/02 du Parlement Européen et du Conseil du 18 juin 2009 établissant le système européen de crédit d'apprentissages pour l'enseignement et la formation professionnels (ECVET), considérant 8.

39 () Recommandation 2009/C 155/02 du Parlement Européen et du Conseil du 18 juin 2009 établissant le système européen de crédit d'apprentissages pour l'enseignement et la formation professionnels (ECVET), considérant 8.

40 () Recommandation 2009/C 155/02 du Parlement Européen et du Conseil du 18 juin 2009 établissant le système européen de crédit d'apprentissages pour l'enseignement et la formation professionnels (ECVET), considérant 8.

41 () M. Alain Bultot, coordinateur de l’Action clé 3 du programme Erasmus +, membre du groupe d’experts ECVET dans un entretien du 28 janvier 2015 et Vers l’implémentation d’ECVET en Belgique francophone, octobre 2013.

42 () CEDEFOP, « L’Europe de la Formation professionnelle est en marche (rencontre Euroguidance) », Le Quotidien de la Formation, 17 octobre 2014.

43 () Bilan Europass 2005/2012, Agence Education Formation France, juin 2012.

44 () Pour les projets d’échanges de jeunes, l’autoévaluation n’est pas obligatoire.

45 () « Raising awareness of Youth ass and its implementation will be a huge task and we will need the cooperation and support of a whole range of potentially interested people and organizations ».

46 () CEDEFOP, note d’information, novembre 2014, n°2.

47 () CEDEFOP, European inventory on validation of non-formal and informal learning 2014, Final synthesis report, 2014: “In part, this is likely to be as a result of the Council Recommendation on validation and the deadline of 2018 it contained.” p.7.

48 () CEDEFOP, European inventory on validation of non-formal and informal learning 2014, Final synthesis report, 2014: “the classification proposed does not imply (…) that having a national strategy implies a higher level of development or take-up of validation practices.” p.7.

49 () CEDEFOP, European inventory on validation of nohn-formal and informal learning 2014, Final synthesis report, 2014: “and systems without validation laws may be more agile in reacting to changes”.

50 () CEDEFOP, note d’information, novembre 2014, n°2.

51 () Le Guide du Système de certification des compétences dégage quatre principes : la coopération tripartite à toutes les étapes d’élaboration des certifications, des compétences requises et des épreuves pratiques, l’indépendance des certifications par rapport au mode par lequel les compétences requises ont été acquises, la méthode de démonstration des compétences professionnelles par des tests de compétences, et la personnalisation.

52 () Les Sames ou Samis constituent une ethnie de Laponie.

53 () Ou travailleurs indépendants si ce statut est répandu dans ledit secteur d’activité.

54 () La Basic education va du pré-primaire aux neuf ou dix années de formation primaire (comprenant l’équivalent du primaire et du collège français), à l’âge de seize ans environ.

55 () Education and Research 2011-2016, A development plan, Reports of the Ministry of Education and Culture, Finland 2012:3.

56 () European inventory on validation of non-formal and informal learning 2014, country report France, Claire Duchemin, Cedefop, 2014, http://libserver.cedefop.europa.eu/vetelib/2014/87058_FR.pdf.

57 () Le titre d’ingénieur diplômé par l’Etat ne concerne plus guère qu’une centaine de cas par an. Le dispositif est désormais concurrencé par la VAE.

58 () Il existe d’autres dispositifs : le dispositif restreint de la VAP92 qui imposait l’examen pour une unité par diplôme dans l’éducation nationale, l’agriculture et l’enseignement supérieur, Il existe également dans l’enseignement supérieur un dispositif de VES (validation d’études supérieures) permettant de valider des diplômes nationaux et étrangers ainsi que des périodes d’études ; bien que les universités qui fonctionnent souvent en réseau en fassent davantage état, il se trouve concurrencé par la VAE qui englobe les périodes d’études et de formation au sein d’une évaluation globale de l’expérience, la VES paraissant redondante.

59 () Relever les défis de la Validation des Acquis de l'Expérience (VAE), Patrick Mayen et Jean-Paul Pin dans Conditions et processus de l’engagement en VAE, Formation emploi - 122 (Avril-Juin 2013).

60 () Idem.

61 () Formation emploi, n° 122 (Avril-Juin 2013), L’avènement des savoirs expérientiels par Yves Lochard.

62 () Dares analyses, La VAE en 2012 dans les ministères certificateurs, plus de 250 000 personnes certifies depuis 10 ans, janvier 2014.

63 () DEPP (Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance), Note d’information, n° 32, septembre 2014.

64 () Dares analyses, La VAE en 2012 dans les ministères certificateurs, plus de 250 000 personnes certifiées depuis 10 ans, janvier 2014.

65 () DEPP (Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance), Note d’information, n° 32, septembre 2014.

66 () DEPP (Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance), Note d’information, n° 32, septembre 2014.

67 () Dares analyses, La VAE en 2012 dans les ministères certificateurs, plus de 250 000 personnes certifiées depuis 10 ans, janvier 2014.

68 () Formation emploi, n° 122 (Avril-Juin 2013), Validation des acquis de l’expérience : constat du passé ou promesse d’avenir, par Hughes Bertrand.

69 () La Validation des acquis de l’expérience (VAE) dans les établissements d’enseignement supérieur en 2013, DEPP, n° 43, décembre 2014.

70 () Idem.

71 () Idem.

72 () Concertation sur la refondation de l’école de la République.

73 () La Lettre de l’Éducation, n° 820, 15 septembre 2014 : « L’institution a développé une indifférence aux savoirs scolaires ».

74 () Le fonctionnement des jurys de VAE, rapport n° 2011-125, IGAENR, décembre 2011.

75 () http://www.cedefop.europa.eu/en/events-and-projects/projects/validation-non-formal-and-informal-learning/european-inventory

76 () Lignes directrices européennes, 2009, p.39.

77 () Voies 2.0 vers la reconnaissance de l’éducation et de l’apprentissage non formel et du travail de jeunesse en Europe, 2011.

78 () “The dilemma for non-formal education is that, on the one hand we would like the learning elements and competencies to be recognised and valued but, on the other hand, we don’t want to discourage young people from being involved due to the standards becoming too formalized.”

79 () Coyote n°1, Giving credit Certification and assessment of non-formal education, Caroline Vink, décembre 1999.

80 () Lignes directrices européennes, 2009, p.49.

81 () Lignes directrices européennes, 2009, p.51.

82 () Le Service Civique, indemnisé 573 euros net par mois, peut être effectué auprès d’associations, de collectivités territoriales (mairies, départements ou régions) ou d’établissements publics (musées, collèges, lycées…), sur une période de 6 à 12 mois en France ou à l'étranger, pour une mission d'au moins 24 h par semaine.

83 () Bérénice Jond, Présidente d’Animafac, membre du Forum Jeunesse, CESE.

84 () Voies 2.0 vers la reconnaissance de l’éducation et de l’apprentissage non formel et du travail de jeunesse en Europe, 2011.

85 () Voies 2.0 vers la reconnaissance de l’éducation et de l’apprentissage non formel et du travail de jeunesse en Europe, 2011 p.17.

86 () Voies 2.0 vers la reconnaissance de l’éducation et de l’apprentissage non formel et du travail de jeunesse en Europe, 2011 p.17.

87 () Interrogation sur les conditions de réussite de la validation des acquis professionnels – la question de la légitimité de Jens Bjørnåvold dans Identification, évaluation et reconnaissance des acquis non formels Thessalonique, Les 15 et 16 mars 1999, Cedefop 2002.

88 () Cécile Van de Velde «  Devenir adulte. Sociologie comparée de la jeunesse en Europe », PUF, 2008.

89 () Gap year takers: uptake, trends and long term outcomes, Department for education, November 2012.

90 () Pour autant, l’ouverture culturelle aux compétences davantage qu’aux diplômes ne préjuge pas, à l’instar de la Grande Bretagne, de l’intérêt porté à la validation des acquis d’apprentissage non formel. Le Royaume-Uni, volontiers pragmatique, n’accorde pas à la validation de plus-value.

91 () Use of validation by enterprises for human resource and career development purposes, Cedefop, juin 2014, http://www.cedefop.europa.eu/en/news-and-press/news/new-publication-use-validation-enterprises-human-resource-and-career-development

92 () Formal and non-formal education in Higher education. The MA comparative European social studies (MACESS) as an example, de Nol Reverda, dans le Magasine Coyote n° 3 du Partnership européen en matière de Jeunesse, décembre 2000.

93 () Référencement du cadre national français vers le cadre européen de certification pour la formation tout au long de la vie, rapport CNCP, 2010.

94 () Lignes directrices européennes, 2009, p.25.

95 () Lignes directrices européennes, 2009, p.25.

96 () http://eacea.ec.europa.eu/education/eurydice/documents/thematic_reports/175FR_HI.pdf

Réduire l'abandon précoce de l'éducation et de la formation en Europe Stratégies, politiques et mesures, Synthèse Eurydice, 2014.

97 () Identification, évaluation et reconnaissance des acquis non formels, Thessalonique, Les 15 et 16 mars 1999, Cedefop 2002.

98 () Le droit individuel de formation (DIF) a été remplacé par le compte personnel de formation (CPF) instauré par la loi 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi.

99 () Identification, évaluation et reconnaissance des acquis non formels, Thessalonique, Les 15 et 16 mars 1999, Cedefop 2002.