N° 3102 - Rapport d'information de M. Yves Daniel déposé par la commission des affaires européennes sur les enjeux de la production biologique dans l'Union européenne




N° 3102

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 octobre 2015.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)

sur
les enjeux de la production biologique dans l’Union européenne,

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Yves Daniel

Député

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La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Danielle AUROI, présidente ; M. Christophe CARESCHE, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Pierre LEQUILLER, vice-présidents ; M. Philip CORDERY, Mme Estelle GRELIER, MM. Arnaud LEROY, André SCHNEIDER, secrétaires ; MM. Ibrahim ABOUBACAR, Kader ARIF, Jean-Luc BLEUNVEN, Alain BOCQUET, Jean-Jacques BRIDEY, Mmes Isabelle BRUNEAU, Nathalie CHABANNE, MM. Jacques CRESTA, Mme Seybah DAGOMA, MM. Yves DANIEL, Bernard DEFLESSELLES, Mme Sandrine DOUCET, M. William DUMAS, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FROMION, Hervé GAYMARD, Jean-Patrick GILLE, Mme Chantal GUITTET, MM. Razzy HAMMADI, Michel HERBILLON, Laurent KALINOWSKI, Marc LAFFINEUR, Charles de LA VERPILLIÈRE, Christophe LÉONARD, Jean LEONETTI, Mme Audrey LINKENHELD, MM. Lionnel LUCA, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MIGNON, Jacques MYARD, Rémi PAUVROS, Michel PIRON, Joaquim PUEYO, Didier QUENTIN, Arnaud RICHARD, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Jean-Louis ROUMEGAS, Rudy SALLES, Gilles SAVARY

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 7

I. L’AGRICULTURE BIOLOGIQUE : UNE ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE AUX FORTS ENJEUX SOCIÉTAUX QUI CONNAÎT UN ESSOR REMARQUABLE EN EUROPE 11

A. LES FONDEMENTS THÉORIQUES DE L’AGRICULTURE BIOLOGIQUE ET LEUR MISE EN œUVRE DANS LA RÈGLEMENTATION EUROPÉENNE 11

1. Les fondements théoriques de l’agriculture biologique 11

2. Les règles européennes applicables à la production biologique 13

a. Les règles applicables à la production 13

b. Les règles applicables aux importations 17

c. Les contrôles et les règles d’étiquetage 19

d. Les aides européennes 20

B. UNE ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE AUX FORTS ENJEUX SOCIÉTAUX 21

1. Une activité économique : offrir des produits de qualité à des consommateurs soucieux de santé et d’environnement 22

a. Le point de vue des consommateurs 22

b. Le point de vue des producteurs 23

2. Des enjeux sociétaux allant au-delà de la seule satisfaction de la demande des consommateurs 25

a. Les bénéfices environnementaux 25

b. Les bénéfices sociaux 27

C. ÉTAT DES LIEUX DE L’AGRICULTURE BIOLOGIQUE EUROPÉENNE 30

1. Une production bio en augmentation régulière, mais concentrée sur un petit nombre de pays 31

2. La consommation est, comme la production, concentrée sur un petit nombre de pays aux réseaux de distribution différents 33

a. Les principaux pays producteurs ne sont pas forcément ceux qui consomment le plus de produits bio 33

b. Des structures de distribution différentes selon les pays 35

II. LA PRODUCTION BIOLOGIQUE DANS L’UNION EUROPÉENNE : LES ENJEUX DIFFÉRENTS D’UNE AMBITION COMMUNE 37

A. ENJEU NO 1 : AUGMENTER LA PRODUCTION ET LA CONSOMMATION EUROPÉENNE SANS DÉNATURER LE MODE DE PRODUCTION BIOLOGIQUE 38

1. La volonté commune de développer la production biologique dans l’Union européenne 38

a. Le plan d’action européen 38

b. L’analyse des politiques nationales montre bien les priorités divergentes des États-membres 39

2. Le risque de perte de sens de l’agriculture biologique en raison de son industrialisation et de son internationalisation croissante 42

a. L’industrialisation de la production biologique 43

b. L’accroissement des échanges de produits biologiques 45

B. ENJEU NO 2 : ORGANISER LA COEXISTENCE DE L’AGRICULTURE BIOLOGIQUE AVEC L’AGRICULTURE CONVENTIONNELLE 47

1. Associer l’agriculture bio et l’agriculture conventionnelle : la mixité des exploitations 48

a. Bien qu’autorisée, la mixité des exploitations biologique est aujourd’hui remise en cause 48

b. Fixer une limite à la mixité est un risque qui devra faire l’objet d’une analyse de ses avantages et de ses inconvénients 49

2. Protéger l’agriculture bio de l’agriculture conventionnelle : le cas des résidus de substances et produits non-autorisés 50

a. Le mode de production biologique limite strictement l’utilisation d’intrants chimiques de synthèse 51

b. Obliger les produits bio à ne pas contenir de résidus ferait peser un risque sur la pérennité de ce mode de production 54

3. Partager les expériences : l’agriculture biologique, source d’inspiration pour l’agriculture conventionnelle 56

a. Les pratiques de l’agriculture biologique pour réduire l’utilisation des intrants chimiques de synthèse 56

b. Des pratiques respectueuses de l’environnement conciliables avec la rentabilité économique 58

C. ENJEU NO 3 : TROUVER UN ÉQUILIBRE ENTRE LA CONFIANCE DES CONSOMMATEURS ET LES CONTRAINTES PESANT SUR LES PRODUCTEURS 59

1. L’équilibre entre le renforcement des règles applicables et les dérogations possibles : l’exemple de l’élevage 60

a. Les règles relatives au bien-être animal 60

b. Les règles relatives à l’alimentation des animaux 62

2. L’équilibre entre la nécessité des contrôles et les contraintes qu’ils entraînent pour les producteurs 63

a. Un mécanisme de contrôle systématique des exploitations biologiques efficace malgré certaines défaillances 64

b. L’amélioration du système de contrôle ne doit pas donner l’apparence d’un allègement des contrôles 67

D. ENJEU NO 4 : FACILITER LA RECHERCHE EN AGRICULTURE BIOLOGIQUE ET LA DIFFUSION DE SES RÉSULTATS DANS LES EXPLOITATIONS 69

1. L’effort européen de recherche en agriculture biologique 69

a. Un effort de recherche significatif mais éclaté 69

b. Des obstacles persistants à la recherche et à l’application de ses résultats par les producteurs bio 72

2. Le cas des semences biologiques 74

a. La fin programmée de la dérogation permettant l’utilisation en agriculture biologique de semences non bio non traitées 74

b. Les défis de la recherche en matière de semences bio 76

E. ENJEU NO 5 : GARANTIR UNE CONCURRENCE ÉQUILIBRÉE SUR LE MARCHÉ EUROPÉEN DES PRODUITS BIOLOGIQUES 78

1. Les règles européennes ne sont pas correctement appliquées au sein de l’Union européenne ni correctement contrôlées dans les pays tiers 79

a. Les États-membres appliquent les règles relatives à la production biologique de manière différente 79

b. Les pays tiers producteurs appliquent des règles équivalentes aux règles européennes 81

2. Un risque majeur pour l’agriculture bio européenne dont la Commission européenne a pris conscience 82

a. Une prise de conscience dont découle la réforme du règlement proposée par la Commission européenne 82

b. L’harmonisation des règles se heurte aux intérêts divergents des États-membres, reflets d’une vision et d’une pratique différente de l’agriculture biologique 84

TRAVAUX DE LA COMMISSION 87

ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 89

ANNEXE 2 : RESOLUTION EUROPENNE DU 25 AVRIL 2015 91

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Mode de gestion durable de l’agriculture, l’agriculture biologique est, selon la définition proposée par l’IFOAM (2) en 2008, « un système de production qui maintient et améliore la santé des sols, des écosystèmes et des personnes. Elle s’appuie sur des processus écologiques, la biodiversité et des cycles adaptés aux conditions locales, plutôt que sur l’utilisation d’intrants ayant des effets adverses. L’agriculture biologique allie tradition, innovation et science au bénéfice de l’environnement et promeut des relations justes et une bonne qualité de vie pour tous ceux qui y sont impliqués ». Ainsi définie, il apparaît clairement que l’agriculture bio a un double rôle sociétal :

d’une part, en tant qu’activité économique productive, elle s’intègre dans une filière incluant également la transformation et la préparation des aliments, la distribution et le commerce au détail, afin de répondre à la demande spécifique des consommateurs pour des produits biologiques ;

d’autre part, elle fournit des biens publics contribuant à la protection de l’environnement ainsi qu’au développement rural.

Ces caractéristiques de l’agriculture biologique, mode de production spécifique à fort enjeux sociétaux, ont justifié, dès 1991 (3), son encadrement par le droit européen. En effet, afin de satisfaire la demande des consommateurs, il était nécessaire de leur garantir la qualité des produits via la certification d’un processus de production, tout en les distinguant par un étiquetage spécifique. En outre, cet encadrement, par l’harmonisation des règles et des contrôles au niveau européen qu’il impliquait, non seulement renforçait la confiance des consommateurs mais créait entre les producteurs les conditions d’une concurrence équitable. Cette dernière était favorable au développement d’une production dont les avantages en termes de « protection de l’environnement et de maintien de l’espace rural » ont été reconnus dès cette époque et réaffirmés dans le règlement (CE) no 834/2007 du 28 juin 2007 relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques.

En d’autres termes, le bio ne peut se développer, tant du point de vue de l’offre que de la demande, sans une règlementation appropriée pour les producteurs et des contrôles crédibles pour les consommateurs.

Ainsi encadrée, la production bio s’est en effet considérablement développée. En 2012, 235 000 exploitations agricoles cultivaient 9,5 millions d’hectares (4) selon le mode biologique dans les 27 États-membres de l’Union européenne (y compris les surfaces en conversion (5)). L’agriculture biologique représentait ainsi 5,4% de la surface agricole utile (SAU) européenne. Quant à la France, avec 1,1 million d’hectares cultivés en bio par plus de 25 000 exploitants, elle a dépassé l’Allemagne et affiche depuis 2014 la troisième surface bio d’Europe, derrière l’Espagne et l’Italie.

Cette production a alimenté un marché qui, marché de niche en 1991, représente aujourd’hui 22,2 milliards d’euros dans l’Union européenne, en forte croissance depuis 2007 (6). De même en France, malgré la crise et les prix généralement plus élevés des produits issus de l’agriculture biologique, les consommateurs français se tournent de plus en plus vers le bio. Les ventes ont ainsi atteint 5 milliards d’euros en 2014, soit plus du double de 2007.

Toutefois, même s’il se porte bien, le bio est aujourd’hui confronté à de nombreux enjeux que la Commission européenne a ainsi résumé : « pour le secteur biologique, le principal enjeu est d’assurer une croissance continue de l’offre et de la demande tout en maintenant la confiance des consommateurs » (7). Plus précisément, il est possible d’identifier cinq enjeux majeurs :

– enjeu no 1 : augmenter la production et la consommation de produits biologiques sans dénaturer le mode de production biologique ;

– enjeu no 2 : organiser la coexistence de l’agriculture biologique avec l’agriculture conventionnelle ;

– enjeu no 3 : trouver un équilibre entre la confiance du consommateur et les contraintes pesant sur les producteurs ;

– enjeu no 4 : faciliter la recherche en agriculture biologique et la diffusion de ses résultats dans les exploitations ;

– enjeu no 5 : garantir une concurrence équilibrée sur le marché européen des produits biologiques.

Ces enjeux sont ceux auxquels l’agriculture biologique est confrontée depuis toujours. Toutefois, ils prennent aujourd’hui une importance particulière en raison de la réforme en cours des règles européennes qui a mis en évidence les intérêts souvent divergents des État-membres, reflet de visions différentes de l’agriculture biologique. En effet, la Commission européenne a publié, le 24 mars 2014, une proposition de règlement réformant profondément le règlement no 834/2007 précité. Elle vise, tout à la fois, à supprimer les obstacles au développement de l’agriculture biologique et à préserver la confiance des consommateurs. Toutefois, l’équilibre entre ces deux objectifs est délicat à trouver et force est de constater, comme l’a fait l’Assemblée nationale dans sa résolution no 509 du 25 avril 2015, que ce n’était pas le cas dans la proposition de règlement initiale ; certes, un accord a minima a pu être trouvé au Conseil le 16 juin 2015 mais certains problèmes n’ont pas été réglés et ne pouvaient d’ailleurs l’être tant les oppositions étaient fortes entre les États-membres, faisant craindre jusqu’au bout l’impossibilité d’un compromis. La proposition doit maintenant être examinée par le Parlement européen.

Le présent rapport, intervenant à la suite de la résolution précitée, a pour objet de faire le point sur l’agriculture biologique européenne et ses enjeux. Il s’est nourri de très nombreuses auditions ainsi que de plusieurs déplacements, tant à l’étranger (Bruxelles, Copenhague et Varsovie) qu’en France (à Ancenis et Lisle-Jourdain). Après une présentation des fondements et des règles de l’agriculture biologique, il fera un état des lieux de la production comme de la consommation de produits biologiques dans l’Union européenne (I) ; il analysera ensuite les enjeux précités à la lumière de la pratique des États-membres comme de la proposition de règlement en cours de discussion (II).

Ce n’est qu’au début du 20ème siècle que l’agriculture biologique a été identifiée comme telle, par comparaison avec une agriculture qui s’était industrialisée et utilisait massivement des intrants chimiques, se développant progressivement jusqu’à être reconnue comme un mode de production à part entière et faire l’objet d’un encadrement strict par le droit communautaire dès 1991 (A). En effet, l’agriculture biologique se distingue de l’agriculture dite conventionnelle ; certes, comme cette dernière, elle est une activité économique visant à satisfaire une demande spécifique mais en plus, elle fournit des biens publics en contribuant à la protection de l’environnement et de la santé ainsi qu’au développement rural (B). Considérant l’attention croissante des citoyens européens à ces sujets, notamment après des crises alimentaires comme « la crise de la vache folle », il n’est pas étonnant que la production comme la consommation de produits biologiques aient connu un développement remarquable en Europe au cours des dernières années (C).

Au lendemain de la première guerre mondiale, l’agriculture connaît une révolution : l’usage des engrais chimiques de synthèse. Cette innovation bouleverse les habitudes : la rotation de cultures et le fumier deviennent inutiles, la production s’affranchit des contraintes du sol (cultures et élevages hors-sol), les exploitations s’agrandissent sous l’effet de la mécanisation et se spécialisent – élevage ou culture. L’agriculteur se transforme ainsi en un simple producteur, recherchant en priorité l’accroissement des rendements car intégré dans une filière économique dont il devient de plus en plus dépendant.

Le changement est aussi visible dans le vocabulaire. La ferme devient une « exploitation agricole » qui, comme son nom l’indique, exploite le milieu dont elle appauvrit la biodiversité et épuise les sols ; par l’utilisation massive des engrais, pesticides et autres substances chimiques, l’agriculture provoque des nuisances dommageables à l’ensemble des milieux naturels comme aux agriculteurs (développement de maladies graves…).

Pour caricaturale qu’elle soit, cette approche de l’agriculture conventionnelle est nécessaire pour mieux comprendre ce qui l’oppose à l’agriculture biologique, comment celle-ci est née puis s’est développée.

En effet, contre cette industrialisation de l’agriculture et ses conséquences jugées néfastes, trois mouvements sont apparus, qui se voulaient éthiques et philosophiques (voire spirituels) et ont largement contribué à la naissance de l’agriculture biologique. Prônant le maintien d’une agriculture traditionnelle, ils insistaient tous sur l’importance du sol, le refus des intrants chimiques, l’observation et le respect des rythmes naturels :

– l’agriculture biodynamique : créée dans les années 20 par l’autrichien Rudolf Steiner et vulgarisée par l’allemand Erhenfried Pfeiffer, la biodynamie considère que l’avenir de la Terre, qui est un être vivant à part entière, et celui de l’homme sont étroitement liés. Appliquée à l’agriculture, elle s’oppose à l’utilisation d’engrais chimiques et de pesticides de synthèse, qui favorise le parasitisme des plantes, leur préférant les composts, l’emploi d’engrais verts variés et la culture des légumineuses qui apporte naturellement l’azote au sol. D’une manière générale, elle considère l’exploitation agricole comme une entité autonome : celle-ci doit autoproduire tout ce dont elle a besoin (alimentation animale, semences…), en s’appuyant sur des méthodes naturelles. Enfin, elle considère que l’agriculture doit participer à l’évolution de la nature et à l’enrichissement de sa diversité en espèces végétales et animales ;

– l’agriculture organique : elle repose sur les théories de l’anglais Sir Albert Howard qui, après la seconde guerre mondiale, redonnent à l’humus un rôle fondamental dans l’équilibre biologique et la fertilité des terres. Comme l’agriculture biodynamique, l’agriculture organique milite en faveur du maintien d’une agriculture paysanne, gage d’une gestion durable et saine de la terre, s’oppose aux engrais et produits chimiques mais également aux labours profonds qui perturbent l’équilibre des êtres vivants des différentes couches du sol ; elle privilégie l’association des cultures et de l’élevage et la fertilisation du sol par les déchets animaux et végétaux ;

– l’agriculture organo-biologique : né en Suisse dans les années 30 et concrétisées dans les années 60 sous l’impulsion d’un médecin autrichien, Hans Peter Rush, les idées de ce mouvement sont à la fois d’ordre économique et politique (autarcie des producteurs, dénonciation des gaspillages de la société de consommation et circuits de distribution courts), mettant notamment l’accent sur une utilisation maximale des ressources renouvelables afin de préserver la fertilité des sols sans en épuiser les ressources.

Ces trois mouvements, par leurs caractéristiques communes, montrent bien que l’émergence de l’agriculture biologique est une réaction à l’industrialisation de l’agriculture, en lien avec l’utilisation massive des produits chimiques, et à ses conséquences jugées néfastes pour la santé et l’environnement. Elle s’inscrit également dans un projet de société influencé par la pensée post-68 et le rejet, par les mouvements contestataires, de la société de consommation et de l’économie productiviste, doublée d’une prise de conscience, dans un contexte de chocs pétroliers, des limites des ressources de notre planète et de la nécessité de protéger l’environnement.

C’est également à cette époque qu’est élaboré, par Nature et Progrès, le premier cahier des charges bio français. Avec d’autres associations, celle-ci est à l’origine de la création de la Fédération internationale des mouvements d’agriculture biologique (IFOAM) dont l’objectif est de coordonner les organisations actives dans le secteur bio en les dotant d’un cahier des charges « cadre » qui sert de référence au niveau mondial. C’est une étape décisive car elle favorise le rassemblement des différents mouvements au-delà des luttes idéologiques et des divergences techniques.

Les règles applicables à la production biologique sont aujourd’hui, pour l’essentiel, des règles européennes. C’est en 1991 que, pour la première fois, l’Union européenne s’est saisie, dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune, de la question de l’agriculture biologique. Le règlement (CEE) no 2092/91 sur l’agriculture biologique et l’étiquetage des produits et des denrées alimentaires biologiques ne concernait, toutefois, que les produits végétaux. Modifié à de nombreuses reprises, élargi aux animaux puis à l’aquaculture, il était devenu particulièrement long et complexe. Sa refonte était devenue une priorité. Elle a été mise en œuvre par le règlement (CE) no 834/2007 du Conseil du 28 juin 2007 définissant les principes, objectifs et règles générales applicables à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques (8).

Par conséquent, est biologique la production qui respectent l’ensemble des règles définies par le règlement 834/2007 et ses règlements d’exécution, ce qui amène le droit européen à définir l’agriculture biologique comme un mode de production et non comme un produit.

Le règlement 834/2007 comportent deux interdictions générales applicables à l’ensemble de la production biologique : d’une part, l’interdiction d’utilisation d’OGM et de produits obtenus à partir d’OGM ou par des OGM et, d’autre part, l’interdiction de traitement par rayons ionisants des denrées alimentaires, des aliments pour animaux ou de matières premières utilisées dans les denrées alimentaires ou dans les aliments pour animaux.

Par ailleurs, aux termes de l’article 16 du règlement, la Commission autorise une liste de produits et substances susceptibles d’être utilisées dans la production biologique, notamment comme produits phytopharmaceutiques, engrais et amendements des sols, matières premières non biologiques d’origine végétale, produits de nettoyage et de désinfection… Ces produits sont énumérés dans les annexes du règlement d’exécution no 889/2008.

Enfin, des règles de production dérogatoires, applicables en cas de contraintes climatiques, géographiques ou structurelles, de non-disponibilité d’intrants agricoles biologiques, de problèmes spécifiques liés à la gestion des animaux biologiques et de catastrophes, sont fixées par l’article 22 du règlement.

Outre les règles générales énoncées supra, la production végétale bio doit, aux termes de l’article 12 du règlement, respecter certaines règles. Celles-ci concernent :

– les traitements du sol. Ils doivent respecter la vie et la fertilité naturelle du sol. Ainsi, à la rotation pluriannuelle des cultures s’ajoute l’épandage d’effluents d’élevage ou de matières organiques, de préférence compostés, provenant de la production biologique ; de même, l’utilisation d’engrais minéraux azotés est interdite, les engrais et amendements du sol ne pouvant être utilisés que s’ils ont fait l’objet d’une autorisation conformément à l’article 16 précité ;

– la prévention des dégâts causés par les ravageurs, les maladies et les mauvaises herbes. Elle repose principalement sur la protection des prédateurs naturels, le choix des espèces et des variétés, la rotation des cultures, les techniques culturales et les procédés thermiques ; en cas de menace avérée pour une culture, des produits phytosanitaires ne peuvent être utilisés que s’ils ont fait l’objet d’une conformément à l’article 16 précité et sont listés dans l’annexe II au règlement no 889/2008 ;

– les semences et le matériel de multiplication végétative. Ils doivent être produits selon la méthode biologique ; Toutefois, lorsque ces produits ne sont pas disponibles, l’agriculteur bio peut, sur dérogation, utiliser des semences en provenance d’une unité de production en phase de conversion ou issues de l’agriculture conventionnelle, à la condition toutefois que ces semences n’aient pas été traitées avec des produits non autorisés.

– les produits de nettoyage, qui doivent avoir fait l’objet d’une autorisation par la Commission conformément à l’article 16 précité.

Les végétaux sauvages recueillis sont également considérés comme des produits biologiques dans la mesure où ils respectent certaines conditions concernant leur récolte et leur zone de provenance. Les algues marines peuvent également l’être, tant que leur zone de production et leur récolte respectent certaines conditions définies à l’article 13.

Comme la production végétale, la production animale biologique doit respecter certaines règles qui concernent :

– l’origine des animaux. Ils doivent naître et être élevés dans des exploitations biologiques. En cas de besoin, s’il est préférable d’introduire des nouveaux animaux issus d’autres exploitations bio, des dérogations permettent le recours à des animaux conventionnels, notamment à des fins de reproduction. Toutefois ces animaux doivent respecter une période de conversion qui varie selon les espèces et les types de production ;

– les pratiques d’élevage des animaux. L’élevage biologique est lié au sol, adapté au site et doit répondre aux besoins de développement ainsi qu’aux besoins physiologiques des animaux afin de leur assurer un niveau élevé de bien-être. Les animaux doivent avoir accès à des espaces de plein air, de préférence des pâturages, et, en principe, ne pas être attachés ou isolés. Leur densité est limitée pour assurer une protection adéquate du sol (contre le surpâturage, l’érosion ou la pollution) ;

– les méthodes de reproduction des animaux, qui sont en principe naturelles. Si l’insémination artificielle est autorisée, à l’exception du clonage et du transfert d’embryons, la reproduction ne fait pas appel à des traitements à base d’hormones ou de substances analogues ;

– l’alimentation des animaux, qui doit être d’origine biologique et, pour l’essentiel, provenir de l’exploitation ou d’autres exploitations biologiques de la même région. Les facteurs de croissance et les acides aminés de synthèse sont interdits. Les jeunes animaux non sevrés sont nourris avec du lait naturel, préférentiellement de la mère ;

– la prévention des maladies, qui privilégie les moyens naturels de défense, notamment par la sélection des races et des souches adaptées, une densité d’élevage limitée et un logement offrant de bonnes conditions d’hygiène. Lorsque le recours à des produits phytothérapeutiques, homéopathiques ou autres est inapproprié, des médicaments vétérinaires, notamment des antibiotiques, peuvent être utilisés pour traiter immédiatement une maladie et éviter toute souffrance à l’animal ;

– le nettoyage et la désinfection des logements des animaux, qui repose exclusivement sur l’utilisation des produits autorisés par la Commission conformément à l’article 16 précité et listé dans l’annexe VII du règlement no 889/2008.

Des règles spécifiques, largement inspirées des règles présentées supra, s’appliquent à l’apiculture et aux animaux d’aquaculture (pour ces derniers, fixées par l’article 15 du règlement). D’autres types de production ne font pas à ce jour l’objet de règles spécifiques communes. C’est le cas, entre autres, de l’élevage d’autruches ou d’escargots, pour lesquels les producteurs biologiques doivent se référer à un cahier des charges – lorsqu’il existe – établi au niveau national (9).

• Les règles applicables à la production d’aliments transformés

Les règles de la production biologique ne s’appliquent pas seulement aux produits agricoles mais également à la transformation de ceux-ci.

Que les produits bio transformés soient destinés à l’alimentation animale ou humaine, leur transformation doit être séparée temporellement (succession sur une même ligne de transformation) ou physiquement (via des lignes dédiées) de la transformation des produits non-bio. Outre les rayonnements ionisants, est également interdite l’utilisation de substances ou techniques destinées à corriger les effets ou les erreurs de la transformation et du stockage ou d’induire en erreur sur la véritable nature du produit.

En revanche, sont utilisables pour la transformation de produits biologiques les additifs et auxiliaires technologiques, les préparations de micro-organismes et d’enzymes et les arômes naturels, à la condition d’être listés dans l’annexe VIII au règlement no 889/2008. Des ingrédients non biologiques peuvent également être utilisés s’ils sont listés dans l’annexe IX au même règlement.

• Les règles applicables à la conversion des exploitations

L’article 17 du règlement fixe les règles générales relatives à la conversion des exploitations agricoles vers le mode de production biologique et, en particulier le point de départ de la période de conversion : celle-ci commence au moment où l’opérateur a déclaré son activité aux autorités compétentes et assujetti son exploitation au système de contrôle qui sera présenté infra. Pour le reste, les règles particulières sont définies dans le règlement d’exécution no 889/2008.

Pour les végétaux et les produits végétaux, les règles de production bio doivent avoir été mises en œuvre pendant deux ans au moins avant l’ensemencement ou, dans le cas des pâturages et des fourrages pérennes, deux ans au moins avant l’utilisation des produits comme aliments pour animaux provenant de l’agriculture biologique ou, dans le cas des cultures pérennes autres que les fourrages (telles les arbres fruitiers ou la vigne), trois ans au moins avant la première récolte de produits bio.

Pour les animaux et produits animaux, deux cas sont à distinguer :

– lorsque des animaux non biologiques ont été introduits dans l’exploitation bio, ils ne pourront être vendus comme produits biologiques qu’après une période minimale variable selon l’espèce concernée (par exemple douze mois pour les bovins destinés à la production de viande) ;

– lorsque des animaux non biologiques sont présents dans l’exploitation au début de la période de conversion, les produits qui en sont issus seront considérés comme biologiques (à l’issue de celle-ci) s’il est procédé à la conversion simultané de l’ensemble de l’unité de production, c’est-à-dire des animaux, des pâturages et /ou des terres utilisées pour l’alimentation des animaux.

Au final, pendant cette période de conversion, l’exploitation doit être gérée selon toutes les règles de production biologique, mais sa production ne peut pas être commercialisée sous le label bio. Ce n’est qu’à l’issue de celle-ci qu’un tel étiquetage sera possible.

Aux termes de l’article 11 du règlement, « l’ensemble d’une exploitation agricole est géré en conformité avec les exigences applicables à la production biologique ». Toutefois, une exception est prévue en faveur des exploitations agricoles mixtes, c’est-à-dire ayant à la fois une production bio et non bio, à la condition d’être « scindée en unités clairement distinctes ». En outre,

– pour les animaux, à l’exception des animaux d’aquaculture, des espèces distinctes doivent être élevés sur chacune des unités bio et non bio ;

– pour les végétaux, des variétés différentes pouvant être facilement distinguées doivent être cultivées sur chacune des unités bio et non bio.

Le marché bio est aujourd’hui mondial et une part importante – quoique non évaluée au niveau européen – des produits bio sont aujourd’hui importée. En France, les importations représentent 25% de la consommation de produits bio. Sont évidemment massivement importés les produits non cultivés sur le territoire européen, comme le café, le cacao, le thé ou encore les fruits tropicaux mais également des produits cultivés sur le territoire européen mais en volume insuffisant, notamment le soja destiné à l’alimentation animale ainsi que le blé, massivement importés d’Ukraine, du Brésil et des États-Unis. Pour assurer la confiance des consommateurs comme les conditions d’une juste concurrence, les règles européennes ont entrepris d’encadrer ces importations en les soumettant à quatre régimes différents, dont seulement deux sont aujourd’hui utilisés :

– le régime des pays « équivalents ». Lorsque les règles de production biologiques applicables dans un pays tiers sont reconnues équivalentes à celles de l’Union européenne, en application de l’article 7 du règlement (CE) n°1235/2008, le pays tiers est inscrit à l’annexe III de ce règlement (10). En conséquence, les produits conformes à ces règles peuvent être librement importés dans l’Union européenne et commercialisés comme produits issus de l’agriculture biologique ;

– le régime des contrôles « équivalents ». Lorsque les organismes de contrôle et les autorités de contrôle compétents ont été reconnus équivalents par la Commission européenne, en application de l’article 10 du règlement (CE) n°1235/2008 précité, ces organismes sont inscrits à l’annexe IV de ce règlement. Ce régime d’équivalence n’est applicable qu’aux produits pour lesquels l’ensemble des opérateurs de la production, de la transformation jusqu’à l’exportation, sont certifiés par l’un de ces organismes reconnus équivalents. Parce que ces organismes de contrôle ne peuvent se référer aux règles européennes comme des standards applicables, ils doivent soumettre un standard équivalent évalué par la Commission européenne. Les produits conformes à ces dispositions peuvent être librement importés dans l’UE et commercialisés comme produits issus de l’agriculture biologique ;

– le régime des autorisations de commercialisation. Lorsque les produits biologiques ne sont pas couverts par les deux régimes présentés supra, l’autorité compétente d’un État membre peut autoriser leur importation, en application de l’article 19 du règlement (CE) n°1235/2008 en établissant une autorisation de commercialisation. Ce régime appartient au passé puisque toutes les autorisations de commercialisation existantes ont expiré au 1er juillet 2014 et qu’aucune autre n’a pu être délivrée après cette date ;

– enfin, le régime de conformité. Les opérateurs établis dans les pays tiers et souhaitant bénéficier de ce régime doivent satisfaire à l’ensemble des exigences prévues par la législation européenne. Contrairement à ce que prévoit les régimes dits d’équivalence, les règles suivies dans le régime de conformité doivent être identiques, et non pas simplement équivalentes, à celles qui sont en vigueur dans l’UE. L’opérateur doit également être soumis à des contrôles effectués par un organisme ou une autorité de contrôle reconnus par la Commission aux fins de la conformité. Le régime de conformité n’a pas encore été activé. La Commission a fixé la date limite pour la réception des premières demandes introduites par des autorités et organismes de contrôle au 31 octobre 2014.

Le régime des autorisations de commercialisation était le plus problématique, non seulement par leur nombre (plusieurs milliers) mais par leurs conditions de mise en œuvre. En effet, tous les produits importés devaient être accompagnés d’un « certificat de contrôle relatif à l’importation de produits issus de l’agriculture biologique » délivré par un organisme de contrôle du pays tiers concerné. Or, en matière d’autorisations de commercialisation, les autorités nationales d’un État-membre sont seules compétentes pour habiliter les organismes de contrôle du pays tiers à délivrer lesdits certificats. La Cour des comptes européenne a ainsi relevé qu’ «  il est très difficile d’assurer une approche harmonisée entre les autorités compétentes qui délivrent des autorisations d’importation. […] Les États-membres ne cherchent pas activement si les organismes de contrôle en charge de la délivrance des certificats d’inspection actualise leur accréditation et si le champ de l’accréditation donné est pertinent pour assurer l’équivalence avec les règles européennes ».

Cependant, ces problèmes ne se posent plus aujourd’hui, avec la fin du régime des autorisations de commercialisation.

Afin de garantir la confiance des consommateurs dans la qualité des produits biologiques, les articles 27 à 31 du règlement no 834/2007 institue des contrôles très stricts pour s’assurer que les producteurs et les importateurs respectent la totalité de la règlementation applicable.

C’est aux États-membres qu’il revient d’établir le système de contrôle de la production biologique et de désigner des autorités compétentes pour les exercer (l’INAO en France). Toutefois, celles-ci peuvent déléguer leurs missions de contrôle à un ou plusieurs organismes accrédités répondant à des standards européens et internationaux (normes ISO 65 et EN 45011). Dans les faits, comme le montre la carte ci-dessous, les contrôles sont majoritairement réalisés par des organismes privés, à la seule exception de certains pays d’Europe du nord où les contrôles sont exclusivement le fait d’organismes publiques.

Bien que les contrôles soient basés sur l’analyse des risques qu’un opérateur peut présenter, l’article 27 du règlement no 834/2007 exige également qu’un contrôle physique de l’ensemble des producteurs ait lieu au moins une fois par an (à l’exception des détaillants et des grossistes qui ne commercialisent que des produits bio préemballés) (11).

À la suite de ce contrôle, l’opérateur reçoit un document justificatif qui certifie qu’il respecte l’ensemble des règles relatives à la production biologique. C’est seulement muni de ce certificat qu’il peut vendre sa production sous le label biologique européen (et le cas échéant national ou privé) dont l’utilisation est elle-même strictement encadré par le règlement no 834/2007 précité (12). Le logo européen, obligatoire depuis le 1er juillet 2010, se présente comme suit :

Connu par seulement un Européen sur quatre en 2013, ce logo est toutefois facultatif pour les produits importés. Lorsqu’il est utilisé, l’opérateur doit également fournir une indication quant au lieu de production des matières agricoles qui composent le produit (Agriculture UE et/ou non UE)

Les aides européennes au maintien de l’agriculture biologique, qui ne sont pas limitées dans le temps, bénéficient à l’ensemble des exploitations respectant les règles définies par le règlement (CE) no 834/2007 (et ses règlements d’exécution) et les cahiers des charges nationaux qui ne touchent plus d’aides à la conversion. Son montant est substantiellement inférieur à l’aide à la conversion puisqu’il varie de 35 €/ha pour les landes, les parcours et les estives à 600 €/ha pour le maraîchage, l’arboriculture les semences potagères et les betteraves industrielles. La viticulture bénéficie quant à elle d’une aide de 150 €/ha, les prairies permanentes et temporaires de 90 €/ha et les légumes de plein champ de 250 €/ha.

Les aides européennes au maintien sont versées à toutes les exploitations biologiques mais les autorités de gestion (les régions en France) ont la possibilité de les mettre en œuvre de manière ciblée, en s’appuyant sur des critères de priorisation des dossiers (zones à fort enjeu environnemental, démarche collective, logique de structuration économique de certaines filières…).

Les aides ne sont pas plafonnés par exploitation, mais en cas de dépassement de l’enveloppe allouée (56 millions d’euros pour les aides à la conversion et 61 millions d’euros pour les aides au maintien en 2014 en France), elles peuvent faire l’objet d’une réduction par application d’un stabilisateur (13).

C’est le paradoxe de l’agriculture biologique, née en réaction à l’économie productiviste et à la société de consommation, que d’être aujourd’hui devenue une activité économique à part entière qui, en tant que telle, ne peut ignorer ni l’exigence de rentabilité, ni la nécessité de produire toujours plus pour satisfaire une demande croissante. Toutefois, les motivations à l’origine du développement de l’agriculture biologique n’ont pas changé et se retrouvent d’ailleurs dans le règlement (CE) no 834/2007 : « la production biologique est un système global de gestion agricole et de production alimentaire qui allie les meilleures pratiques environnementales, un haut degré de  biodiversité, la préservation des ressources naturelles, l’application de normes élevées en matière de bien-être animal et une méthode de production respectant la préférence de certains consommateurs à l’égard de produits obtenus grâce à des substances et à des procédés naturels. Le mode de production biologique joue ainsi un double rôle sociétal : d’une part, il approvisionne un marché spécifique répondant à la demande de produits biologiques émanant des consommateurs et, d’autre part, il fournit des biens publics contribuant à la protection de l’environnement et du bien-être animal ainsi qu’au développement rural ».

Même si elle est incomplète (voir infra), cette définition a le mérite de mettre en évidence la double nature de l’agriculture biologique, activité économique visant à satisfaire une demande spécifique (1) mais dont les bénéfices sont aussi environnementaux et sociaux (2).

Au sein du marché des produits alimentaires, les produits issus de l’agriculture biologique constituent un segment particulier en ce qu’ils visent à satisfaire une demande spécifique des consommateurs. L’étude européenne la plus complète est celle de Midmore et al. (2005) et Midmore, Wier, Zanoli (2006). Elle révèle que les motivations des consommateurs européens pour acheter des produits biologiques (classées chacune de 1 à 7) sont les mêmes, quel que soit leur nationalité, à la fois altruistes (préserver l’environnement, respecter le bien-être des animaux…) et égoïstes (préserver sa propre santé, la qualité et le goût des produits…). Toutefois, elles n’ont pas forcément la même intensité selon les pays, comme le montre le graphique suivant :

Si la santé et l’environnement sont, d’une manière générale, les principaux déterminants des consommateurs européens, on relève toutefois qu’en Espagne, les consommateurs donnent la priorité au bien-être animal (5), à égalité avec l’environnement, à l’inverse des Italiens qui ne lui accordent qu’une importance très secondaire (1). Pour les Finlandais, le plus important dans les produits bio est l’absence d’OGM (7), laquelle indiffère les consommateurs en Espagne et aux Pays-Bas (0) bien que ces derniers, sans y voir la moindre contradiction, donnent la priorité à la santé (7).

Le véritable clivage en matière de consommation de produits biologiques n’est toutefois pas entre les pays d’Europe de l’ouest mais entre ces derniers et les pays d’Europe de l’Est qui ont adhéré à l’Union européenne à partir de 2004. En effet, le marché des produits biologiques est, dans ces pays, encore embryonnaire, comme votre rapporteur a pu le constater en Pologne, où les produits biologiques, en raison de leur prix très élevé comme de leur disponibilité réduite en dehors des grandes villes, sont réservés à une élite de riches urbains, d’activistes végétariens et d’expatriés. En outre, malgré le logo européen, par ailleurs largement méconnu, les consommateurs polonais ont du mal à identifier les produits bio en tant que tels. Ignorants de la réalité de l’agriculture polonaise, devenue en quelques années en industrie intensive en produits chimiques, ils ont tendance à croire que les produits vendus sur les marchés locaux sont forcément biologiques et ne sont pas enclins à payer plus cher des produits bio certifiés.

Toutefois, s’il y a un point qui rassemble l’ensemble des consommateurs européens, ceux de l’ouest comme ceux de l’est, c’est le fait que le prix est, de très loin, le principal facteur dissuasif pour acheter des produits bio. C’est ainsi qu’au Danemark, pourtant le pays où, proportionnellement aux dépenses alimentaires, le bio est le plus largement consommé, le prix des produits bio est plus élevé que celui des produits non-bio, quoique la différence varie fortement selon les produits : de 10-15% d’écart pour le lait à 50% pour la viande. En revanche, en Pologne, votre rapporteur a constaté lui-même en se rendant dans un magasin bio de Varsovie, que les prix sont identiques, voire plus élevés qu’en France alors que le salaire minimum n’est que de 410 € par mois. L’écart avec les produits non-bio n’est jamais inférieur à 50% et peut atteindre 300%. Certes, les coûts de production des produits bio sont plus élevés, en Pologne comme en France, mais il semble que les marges des distributeurs en Pologne soient considérablement plus élevées compte tenu de l’absence de concurrence comme du niveau de revenu de la clientèle.

Si les consommateurs sont soucieux de santé et d’environnement, ils sont aussi très sensibles au prix et au-delà d’un certain écart avec les produits non-bio, ils n’achètent plus de produits bio.

Les motivations des producteurs à se convertir à l’agriculture biologique se rapprochent sur de nombreux points de celles des consommateurs. Comme votre rapporteur l’a récemment rappelé lors de l’examen, par la Commission des affaires économiques, du rapport d’information sur les signes d’identification de la qualité et de l’origine, « si l’on choisit d’être producteur bio, c’est d’abord pour améliorer la qualité des produits – sans pesticides ni antibiotiques –, car on est convaincu que la santé dépend de la qualité alimentaire. C’est ensuite parce que l’on croit à la possibilité de faire évoluer notre culture et notre alimentation. C’est enfin pour être en lien étroit avec la nature » (14).

D’une manière générale, toutes les études françaises consacrées à cette question vont dans le même sens mais, en cohérence avec la double nature de l’agriculture biologique, rappelée supra, les motivations économiques ne sont pas absentes de la décision d’un agriculteur de convertir son exploitation au bio, comme le montre une étude récente de l’INRA  pour les producteurs de lait et de fruits et légumes (15). En effet, cette étude a constaté que les pionniers de la conversion étaient plus engagés dans les principes fondamentaux de l’agriculture biologique, que ce soit la santé ou la protection de l’environnement ; en revanche, les conversions récentes semblent plutôt motivées par la recherche d’une rentabilité élevée.

Votre rapporteur a, dans le cadre du présent rapport d’information, recherché si ces motivations se retrouvaient ailleurs en Europe. C’est le cas au Danemark où les motivations idéologiques des producteurs s’ajoutent aux motivations financières. Toutefois, votre rapporteur a été frappé par l’orientation « business » assumée de l’agriculture biologique dans ce pays. Pour le syndicat agricole et agroalimentaire danois Landbrug & Fødevarer, il y a une demande croissante pour les produits biologiques à laquelle les producteurs danois doivent répondre, sauf à voir se multiplier les importations des pays tiers. C’est le marché qui est à l’origine du développement du bio et l’agriculture biologique n’est pas considérée, par exemple, comme un moyen d’aménagement du territoire par le maintien de petites exploitations.

Toutefois, c’est en Pologne que les motivations financières ont été poussées le plus loin, jusqu’au développement de fraudes massives aux aides européennes. En effet, comme il a été indiqué supra, les agriculteurs biologiques bénéficient d’aides à la conversion et d’aide au maintien d’un montant élevé, en particulier pour les premières. C’est ainsi qu’en Pologne, mais également dans d’autres pays d’Europe centrale et orientale, le nombre d’exploitations bio est passé de 3700 en 2004 – année de l’adhésion à l’Union européenne – à 21 000 en 2011, pour une surface convertie ayant décuplé. La raison d’une telle explosion est à rechercher dans les conditions d’attribution des aides et dans le contrôle de celles-ci qui, par leur laxisme, a permis le développement de vergers plantés dans des marécages dont la production – lorsqu’ils avaient des fruits – n’était pas ramassée et de pâturages dont le foin n’était pas récolté et sur lesquels ne paissait pas un seul animal.

Ce sont donc très clairement les aides européennes qui ont motivé la conversion de milliers d’exploitations, sauf que dans le cas polonais, l’augmentation exponentielle du nombre des exploitations bio en Pologne a coïncidé avec une relative stagnation de la production, preuve de fraudes massives (16) qui ont entraîné un audit de la Commission et un renforcement des règles polonaises dans le programme de développement rural 2015-2020.

Au-delà de ces fraudes, il a été confirmé à votre rapporteur que l’immense majorité des conversions en Pologne étaient d’opportunité, même lorsque les exploitations ont une réelle production. C’est ainsi que les cas sont fréquents d’exploitations « mixtes » dans lesquelles les parcelles converties – souvent des prairies – sont les moins fertiles, afin de toucher les aides européennes, les plus fertiles étant réservées à l’agriculture conventionnelle. Le producteur optimise ainsi et sa production et la rentabilité de son exploitation sans réellement s’investir dans le bio.

D’une manière générale, la question de savoir si la rentabilité des exploitations bio est supérieure ou non à celle des exploitations conventionnelle n’a pas de réponse ferme, comme le montre la dernière étude de la Commission européenne, tant les résultats varient selon les secteurs et les États-membres (17). Ce qui est certain, en revanche, c’est que les producteurs bio ont la possibilité d’augmenter leur marge en privilégiant les circuits de distribution courts, voire en vendant leur production directement (ou via une coopérative) aux consommateurs, éliminant ainsi la marge des intermédiaires ; ils peuvent également accroître leur rentabilité en produisant des produits agricoles transformés comme du fromage, des yaourts, des confitures… à plus haute valeur ajoutée. En outre, ils sont relativement épargnés par les crises récurrentes du monde agricole, notamment dans l’élevage comme actuellement, les cours des produits agricoles bio étant très supérieurs à ceux du conventionnel.

Comme l’indique la Commission européenne dans le Plan d’action précité, « la protection de l’environnement est un objectif fondamental de la production biologique ». Les bénéfices que l’environnement retire de l’agriculture biologique concernent en priorité le sol, dans la droite ligne de ses fondements théoriques (voir supra). En effet, comme l’indique le règlement précité, l’agriculture biologique permet de « préserver et développement la vie et la fertilité des sols, leur stabilité, leur biodiversité, à prévenir et combattre le tassement et l’érosion des sols et à nourrir les végétaux ». L’humus est préservé et enrichi par les pratiques comme la rotation des cultures et la culture de légumineuses (luzernes, pois…) qui fixent l’azote de l’air dans le sol.

De même, l’interdiction des intrants chimiques et l’utilisation de compost composé de déchets végétaux et animaux créent des conditions favorables à l’activité biologique des sols (notamment par l’action des vers de terre) qui améliorent les propriétés physiques des sols (porosité), mobilisent les nutriments en décomposant les résidus frais et réduisent le risque d’érosion. Diverses études montrent que l’activité microbienne est beaucoup plus importante dans des sols cultivés en bio et que ceux-ci contiennent davantage de bactéries, de microchampignons, de nématodes et de vers de terre (18).

En matière d’utilisation énergétique, une étude montre que la consommation d’énergie est nettement inférieure dans les exploitations biologiques par rapport aux conventionnelles (19). Ce résultat a été confirmé en 2006 par la FNAB-MEDAD selon laquelle « 53 % des fermes biologiques ont une consommation énergétique annuelle par hectare inférieure à 200 équivalents litres de fioul contre seulement 17 % des fermes conventionnelles. À l’inverse, seules 17 % des fermes biologiques dépassent 400 équivalents litres de fioul par an et par hectare, alors que 46 % des fermes conventionnelles sont dans ce cas ».

Les bénéfices de l’agriculture biologique s’étendent aussi à l’eau et aux milieux aquatiques : l’utilisation restreinte des pesticides de synthèse, l’interdiction d’utiliser des engrais minéraux azotés et les faibles densités d’animaux d’élevage contribuent à réduire les taux de lessivage et la pollution des eaux, que ce soit par les produits chimiques (notamment les nitrates) ou les antibiotiques. Une étude de l’INRA a ainsi démontré que le cahier des charges de l’agriculture biologique est celui qui répond le mieux à la préservation de la qualité des eaux souterraines (20). Hors de France, certaines études sont arrivées aux mêmes conclusions sur de très longues périodes. À Munich, suite au programme de promotion de l’agriculture biologique auprès des exploitations agricoles de la zone de captage d’eau (2 250 ha agricoles) en 1992, et à la conversion des exploitations à partir de 1994, les valeurs de résidus de pesticides sont passées de 0,065 milligrammes par litre en 1991 à quelques traces en 2005.

Enfin, la biodiversité bénéficie directement de la conversion des exploitations à l’agriculture biologique en raison de l’utilisation limitée des pesticides de synthèses, l’interdiction de recourir à des engrais azotés et par le maintien d’éléments naturels (haies…) faisant partie de l’équilibre écologique local et servant de réservoir aux prédateurs des ravageurs de culture. Ainsi, les espèces sont 50% plus abondantes en agriculture biologique qu’en conventionnelle, quelle que soit l’échelle d’observation (parcelle, exploitation ou paysage) (21).

Par ailleurs, même si la lutte contre le changement climatique n’est pas cité comme objectif de l’agriculture biologique par le règlement précité, plusieurs études (22) ont montré que les émissions de protoxyde d’azote et de méthane provenant de sols agricoles, de pâturages ou de tourbières sèches peuvent être évitées par des pratiques de gestion biologique de l’agriculture. La fertilisation biologique – si on la compare à la fertilisation minérale – augmente le carbone biologique du sol, permettant ainsi une plus grande séquestration de CO2 de l’atmosphère dans le sol.

• L’utilisation très limitée des produits chimiques, causes de cancers, dans l’agriculture biologique

Ainsi qu’il a été rappelé supra, les règles applicables à l’agriculture biologique visent, aux termes de l’article 4 du règlement no 834/2007, à « limiter strictement l’utilisation d’intrants chimiques de synthèse aux cas exceptionnels », si bien que les résidus de pesticides, très rares dans le bio, sont généralement la conséquence d’une contamination accidentelle entraînant le déclassement de la production concernée. En revanche, comme le rappelle le rapport précité du Conseil national de l’alimentation, 40 % des produits de l’agriculture conventionnelle contiennent des résidus de pesticides. Une méta-analyse de l’Université de Newcastle, publiée dans le British Journal of Nutrition en 2014 (24), démontre ainsi que « les cultures issues de l’agriculture biologique et les aliments à base de ces cultures, en moyenne sur différentes régions et différentes saisons de production, comportent sensiblement moins de composés néfastes tels que le cadmium, les nitrites et les résidus de pesticides, que les produits équivalents issus de l’agriculture conventionnelle ».

Or, les effets nocifs des produits chimiques agricoles sur la santé humaine ont été mis en évidence par de nombreuses études. Il y a quelques mois, le Centre international de recherche sur le cancer, qui est une agence de l’OMS, a ainsi classé comme « cancérigènes probables » – dernier échelon avant la qualification de « cancérogène certain » deux insecticides (le diazinon et le malathion) et un herbicide, le glyphosate – principal ingrédient du célèbre désherbant Roundup – qui est l’herbicide le plus utilisé au monde et le plus souvent retrouvé dans l’environnement. « Des études cas-témoins d’exposition professionnelle [au glyphosate] conduites en Suède, aux États-Unis et au Canada ont montré des risques accrus de lymphome non hodgkinien [un cancer du sang] ».

Auparavant, l’INSERM, sollicité par la direction générale de la santé, a étudié la littérature des 30 dernières années, a constaté qu’il existait une association positive entre exposition professionnelle à des pesticides et certaines pathologies chez l’adulte : la maladie de Parkinson, le cancer de la prostate, et certains cancers hématopoïétiques (lymphome non hodgkinien, myélomes multiples). Pour ces derniers, les principaux pesticides suspectés sont les organophosphorés et certains organochlorés (lindane, DDT). Pour les cancers de la prostate, il existe une augmentation du risque de 12 à 28% chez les agriculteurs, les ouvriers d’usines de production de pesticides et les populations rurales.

Même s’il y a une différence entre une exposition directe à de fortes doses de produits chimiques et l’ingestion de faibles doses de ceux-ci, il n’en reste pas moins que ces dernières peuvent, sur le long terme, avec des conséquences graves sur la santé des consommateurs. L’exemple le mieux documenté est l’insecticide chlordécone, utilisé dans les bananeraies antillaises et aujourd’hui interdit car considéré comme cancérigène et perturbateur endocrinien.

En effet, malgré son interdiction, les sols, les rivières et les eaux souterraines sont restées pollués par le chlordécone qui a contaminé toute la chaîne alimentaire. Au-delà des agriculteurs, les populations antillaises sont donc elles aussi fortement exposées au produit : par le biais de l’eau, des poissons et des produits de l’agriculture locale, notamment les légumes racines comme la patate douce mais également des viandes de bovins et les œufs. Pour ces dernières en effet, les niveaux d’ingestion de sol (contaminé) peuvent atteindre 25 % de la ration alimentaire journalière (contre 10% pour les porcs et les ruminants). Or, le chlordécone a été retrouvé dans le sang et le lait maternel et associé de manière significative à une durée raccourcie de grossesse ainsi qu’à un risque augmenté de prématurité. Pour l’INSERM, qui a mené cette étude, ces associations pourraient être expliquées par les propriétés hormonales, oestrogéniques et progestagéniques, du chlordécone (25). Un autre étude, sur les mêmes enfants guadeloupéens, a démontré que ceux-ci, âgés de sept mois, souffraient d’un léger retard de développement (26).

Une étude similaire a été menée sur une cohorte de femmes enceintes de Bretagne présentant des traces urinaires de l’atrazine, un herbicide interdit en France depuis 2003 mais l’un des plus utilisés dans le monde. Il apparaît que ces femmes ont un risque accru de mettre au monde un enfant de faible poids ou de faible périmètre crânien (27).

Certes, le chlordécone a été interdit en France, de même que l’atrazine, mais ceux-ci restent largement utilisés ailleurs. De plus, le Roundup, malgré sa classification comme cancérigène probable, reste massivement utilisé dans l’agriculture européenne et avec lui des centaines d’autres substances chimiques, sans parler de celles utilisées dans la transformation des produits agricoles. Par conséquent, le simple fait, pour les consommateurs, de ne pas consommer des aliments susceptibles de contenir des résidus de ces produits et, pour les producteurs, de ne pas leur être exposés, est bénéfique pour leur santé. L’agriculture bio contribue, de ce fait, à l’amélioration de la santé publique et, au-delà, à la maîtrise des dépenses de santé.

• Les qualités nutritionnelles des produits biologiques

C’est un fait que les aliments ont, de par leur valeur nutritionnelle, une incidence cumulée importante sur l’état de santé des consommateurs sur le long terme. Or, les produits bio contiennent davantage de certains micronutriments et significativement plus de certains micro-constituants que les produits conventionnels ; toutefois, le lien entre ces qualités nutritionnelles accrues et la santé n’a pu être formellement établi.

Pour ce qui est des végétaux, dès le rapport de l’AFSSA de 2003 (28), de nombreuses études portant sur les phyto-microconstituants avaient permis de conclure, du fait de leurs convergences, à une teneur supérieure en phyto-microconstituants dans les produits biologiques, notamment en composés phénoliques (fruits et légumes). Dans les produits animaux, le rapport de l’AFSSA concluait à une moindre teneur en lipides totaux notamment dans les viandes de volailles et à une proportion plus importante d’acides gras polyinsaturés dans les produits issus de l’agriculture biologique, qui présentaient donc un profil lipidique plus favorable sur le plan de la santé. Mais le rapport concluait qu’il existait « peu de différences significatives entre la composition chimique des matières premières issues d’agriculture biologique et celles issues d’agriculture conventionnelle ».

La méta-analyse précitée de l’Université de Newcastle de 2014 montre quant à elle que non seulement les concentrations en azote total, en nitrate et en nitrite sont respectivement de 10 %, 30 % et 87 % plus faibles dans les cultures bio que dans celles issues de l’agriculture conventionnelle (et 50% pour le cadmium, un métal lourd), mais que les fruits et légumes bio comportent jusqu’à 69 % d’antioxydants en plus que leurs équivalents conventionnels.

Ces résultats sont confirmés par une autre étude qui, par ailleurs, met en évidence que les produits laitiers et la viande de poulet bio sont plus riches en oméga 3 que leurs équivalents conventionnels (29). Une nouvelle confirmation de la différence nutritionnelle entre les produits bio et les produits conventionnels a été apportée par une méta-analyse en 2012 (30), celles-ci les expliquant par l’alimentation à l’herbe et au foin des animaux en élevage biologique.

Enfin, parmi les bénéfices sociaux de l’agriculture biologique, le plus important pourrait être la portée éthique de celle-ci. En effet, comme il a été rappelé supra, l’agriculture biologique s’inscrit dans des courants de pensée où la productivité n’est pas la priorité, qui porte une attention constante à des valeurs de solidarité et de durabilité, et qui, de ce fait, promeut un modèle de production respectueux de l’environnement, de l’individu et des animaux.

Au final, la santé passant par l’alimentation, le bio pourrait contribuer à diminuer la prévalence de certaines maladies liés aux produits chimiques et alléger d’autant les dépenses de santé tout en incarnant un modèle économique alternatif centré sur une éthique du développement durable.

Selon le dernier rapport disponible sur l’agriculture biologique en Europe, publié par la Commission européenne en octobre 2013, 235 761 exploitations agricoles cultivaient 9,5 millions d’hectares selon le mode biologique dans les 27 États-membres de l’Union européenne (y compris les surfaces en conversion (31). L’agriculture biologique représentait ainsi 5,4% de la surface agricole utile (SAU) européenne.

Toutefois, on observe que 63% des surfaces cultivées selon le mode biologique sont concentrées dans 6 pays : l’Espagne (16%), l’Italie (12%), l’Allemagne (11%), la France (11%), la Pologne (7%) et le Royaume-Uni (6%). De même, 68% des exploitations sont localisés dans 6 pays : l’Italie (18%), l’Espagne (12%), la Pologne (10%), la France (10%), l’Allemagne (9%) et l’Autriche (9%).

Le graphique ci-dessous montre que, parmi les États membres, l’Espagne est le pays qui a la surface bio la plus étendue et l’Autriche la part en bio la plus élevée de son territoire agricole. 

Les surfaces cultivées selon le mode biologique ont fortement augmenté depuis 11 ans mais, une fois encore, on observe de fortes disparités selon les pays. Comme le montre le schéma ci-dessous, en Espagne, elles ont été multipliées par 4,2 en 11 ans alors que, dans le même temps, elles ont doublé dans l’ensemble des pays de l’UE. En revanche, les surfaces au Royaume-Uni et en Italie ont globalement stagné. Au Royaume-Uni, la baisse depuis trois ans est liée principalement au recul du marché des produits bio dans ce pays.

Les plus fortes progressions ont été enregistrées dans les pays d’Europe centrale et orientale (PECO) et les pays baltes, qui cultivent respectivement 18% et 5% des surfaces bio européennes. Les surfaces cultivées dans les PECO ont été multipliées par 5,7 en 11 ans et par 26 dans les Pays baltes. En 2012, sur un total de 1,81 million d’hectares, 63% des surfaces bio des pays d’Europe centrale et orientale se trouvaient en Pologne (36,5%) et en République tchèque (29%).

Toutefois, votre rapporteur a pu observer en Pologne comment ces fortes augmentations de la surface convertie en bio pouvaient être trompeuses. En effet, dans ce pays, comme il a été indiqué supra, de nombreuses terres ont été converties en bio et certifiées comme telles sans qu’un seul animal les ait jamais foulé et sans que leurs produits – à supposer qu’elles aient produits quelque chose – aient jamais été récoltés. L’augmentation des surfaces converties en bio – en particulier les pâturages, était ainsi fictive et n’a pas entraîné une augmentation de la production. Or, avec les nouvelles règles entrées en vigueur en 2015 a été imposé une densité minimale d’animaux sur les pâturages si bien que selon un organisme de contrôle rencontré par votre rapporteur, environ un tiers des surfaces pourraient ainsi être décertifiées cette année. Or, les pâturages représentent 42% de la SAU bio en Pologne ; celle-ci devrait donc, logiquement, considérablement diminuer cette année.

De même, le renforcement des contrôles et de la supervision des OC en Roumanie pourrait expliquer qu’en 2013, pour la première fois depuis dix ans, le nombre d’exploitations bio ait baissé (-2,7% par rapport à 2012).

Au niveau européen, une part importante de ces surfaces est justement constituée de prairies et de pâturages, destinées notamment à l’élevage bio. Pour le reste, en 2011, à titre d’exemple, 1,8 million d’hectares étaient consacrés à la culture de céréales et d’oléo-protéagineux, 713 000 aux fruits, 385 000 aux oliveraies et 216 000 aux vignes. D’une manière générale, si l’élevage bio progresse, il ne représente qu’une faible part de la production biologique totale (en valeur). C’est particulièrement flagrant pour le premier producteur européen : l’Espagne. Dans ce pays, la production végétale biologique accapare plus de 83% de la production totale, soit une proportion bien supérieure à celle qui est observée dans l’agriculture conventionnelle (de l’ordre de 60%). L’explication se trouve dans l’importance, en Espagne, des cultures pérennes et, en particulier, des oliveraies.

S’agissant des bovins, près de 3,3 millions de bovins, soit près de 4% du cheptel européen étaient élevées en bio dans l’Union européenne en 2011. De même pour les ovins dont quatre millions étaient élevés en bio en 2011, soit environ 4% du cheptel. La part du cheptel ovin élevé en bio est particulièrement importante en Estonie (plus de la moitié) et en République tchèque (38%) mais en nombre, c’est le Royaume-Unis qui en compte le plus. Enfin, plus d’un million de porcs étaient élevés en bio dans l’UE en 2011, ce qui représentait moins de 1% du cheptel de l’Union européenne.

Focus sur le lait

Plus de 746 000 vaches laitières étaient élevées en bio dans l’UE en 2011 (soit environ 3% du cheptel), la collecte de lait de vache bio dans l’UE atteignant 3,2 millions de tonnes (soit 2% du lait collecté). 63% de la collecte ont été effectués en Allemagne, au Danemark, en France et en Autriche.

La part du lait bio dans la collecte nationale est variable d’un pays à l’autre. En 2012, elle s’élevait à 14% en Autriche, 13% en Suède et de 10% au Danemark. Cependant, elle restait encore comprise entre 1% et 3% aux Pays-Bas, en France, en Allemagne et au Royaume-Uni. Les évolutions de la collecte sont également contrastées d’un pays à l’autre. Au cours des dix dernières années, la collecte de lait bio a plus que doublé en France et a quasiment doublé en Allemagne et en Autriche. En revanche, en 2012, la collecte du Royaume-Uni est revenue au même niveau qu’en 2008.

Les produits laitiers bio représentent souvent une part importante dans la consommation nationale de produits bio : 30% en Suède et au Royaume-Uni, 25% au Danemark, 20% aux Pays-Bas, en Finlande et en République tchèque, plus de 15% en France et près de 15% en Allemagne et en Belgique.

La part des produits laitiers bio dans la consommation nationale de produits laitiers est également substantielle, surtout s’agissant des laits conditionnés, (souvent le premier produit laitier bio consommé), en particulier au Danemark (27% en volume), en Autriche (13% en volume et 17% en valeur), en Suède (13% en valeur) et en France (8% en volume et 11% en valeur).

Enfin, une part importante du lait bio et des produits laitiers bio fait l’objet d’échanges intracommunautaires. Le Danemark et l’Autriche sont les deux principaux exportateurs, exportant respectivement et pour l’essentiel du beurre et du fromage. L’Allemagne est la principale destination pour les produits laitiers bio européens (15% des produits laitiers bio vendus en Allemagne en 2010 étaient importés).

La consommation de produits agricoles bio a été estimée, pour 2011, à 20,4 milliards d’euros pour l’ensemble des États-membres, soit une progression globale de 8,9% par rapport à 2010. L’estimation pour 2012 est de 22,2 milliards d’euros. Le marché a ainsi plus que doublé depuis 2004, année où les ventes ont représenté 10 milliards d’euros.

Or, une analyse plus précise montre que, parmi les pays européens producteurs de produits biologiques, il convient de faire une distinction entre, d’une part, les pays qui sont également consommateurs (sans forcément couvrir la totalité de leur consommation qui repose également sur l’importation) et, d’autre part, les pays qui ne sont pas consommateurs, l’essentiel de leur production étant exportée, en particulier dans les autres États-membres. Il est intéressant de remarquer que cette distinction ne recouvre pas celle entre les anciens et les nouveaux États-membres de l’Union européenne.

Toutefois, comme la production, la consommation de produits bio apparaît fortement concentrée. 70% des produits bio (en valeur) sont en effet consommés dans quatre pays : Allemagne (32%), France (19%), Italie (10%) et Royaume- Uni (9%).

Cependant, en proportions, ce sont les Danois qui consomment le plus de produits bio avec une part des produits bio dans les achats alimentaires de 7,6%.

Le cas de l’Allemagne est intéressant. Premier consommateur – et de très loin – de produits biologiques en Europe, et troisième au niveau mondial, ce marché se caractérise par une demande très supérieure à l’offre, l’Allemagne n’ayant que la 4ème SAU bio européenne. Elle est donc contrainte d’importer massivement des produits biologiques, en particulier des pays de l’Est, si bien que les importations représentent près d’un tiers de sa consommation. Ce déséquilibre s’explique par le fait que le nombre de producteur bio stagne en Allemagne. Selon une étude de l’Institut Thünen publiée en 2013, 5% des producteurs bio allemand retournent chaque année vers le conventionnel, la rentabilité du bio étant justement affectée par ces importations très compétitives.

La France, quant à elle, voit une augmentation régulière du nombre d’exploitations bio, allant de pair avec l’augmentation de la consommation (+10% par an), si bien que la part des importations a été réduite à 25% en 2014.

À côté des États-membres qui, comme l’Allemagne, la France ou le Danemark, sont à la fois producteurs et consommateurs de produits biologiques, on observe que d’autres pays se caractérisent par une production importante et une consommation marginale. C’est le cas en Pologne où, comme votre rapporteur a pu le constater, l’essentiel de la production est exportée et la consommation locale des produits bio réservée à une élite urbaine. Les autres pays d’Europe centrale et orientale sont dans la même configuration d’une production destinée à l’exportation vers les autres États-membres de l’Union européenne et d’un marché local embryonnaire compte-tenu des prix pratiqués, déconnectés du pouvoir d’achat de la population, et des problèmes de distribution.

C’est également le cas, de manière surprenante, dans l’un des premiers producteurs européens, l’Espagne, dont l’immense majorité de la production (pour l’essentiel des fruits et légumes, de l’huile d’olive et du vin) est exportée. La raison en est principalement le prix des produits bio dans ce pays qui a connu une sévère crise économique à partir de 2008, affectant le pouvoir d’achat des consommateurs. L’Irlande a connu un même phénomène d’accroissement de la consommation des produits biologiques pendant les années de croissance, avant que celle-ci s’effondre avec la crise économique, montrant s’il en était besoin l’extrême sensibilité des consommateurs européens au prix, y compris dans les « anciens » États-membres.

Pour que les européens consomment des produits biologiques, encore faut-il qu’ils y aient accès. Les modalités de distribution des produits biologiques présentent donc une importance particulière et force est de reconnaître qu’elles diffèrent considérablement entre les pays européens.

D’une manière générale, il apparaît que plus le marché des produits biologiques est important, et plus les grandes surfaces en détiennent une part élevée. C’est ainsi qu’en Allemagne, 84% des acheteurs de produits biologiques les achètent dans les supermarchés et 63% dans les enseignes de hard discount, très présentes en Allemagne. Pourtant, il y a vingt-cinq ans, le bio n’était disponible que dans des magasins spécialisés. Il y a aurait donc une évolution naturelle pour les produits bio qui, de produits de niche distribués dans des magasins spécialisées, arrivent dans les circuits de distribution traditionnels à mesure qu’ils se démocratisent et touchent un public plus divers que les consommateurs pionniers.

Le même phénomène s’est produit au Danemark où 80% des produits biologiques sont désormais distribués dans les grandes surfaces alimentaires et les enseignes de hard discount. La vente en magasins spécialisés, très répandue en Espagne, par exemple, n’y représente que seulement 5% des ventes. En effet, en Espagne comme en France, les consommateurs préfèrent souvent acheter ces produits dans des magasins spécialisés, magasins qui peuvent cependant être de la taille d’un petit supermarché.

En revanche, dans les pays où le bio reste un marché de niche, les circuits de distribution sont, très logiquement, spécialisés. C’est ainsi qu’en Pologne, non seulement les points de vente sont peu nombreux mais ils sont également de très petite taille, comme votre rapporteur a pu le constater à Varsovie. Ils ressemblent plus à une épicerie fine qu’à un supermarché.

Par ailleurs, dans les pays où le bio a d’ores et déjà conquis une certaine part de marché s’observe une tendance à privilégier de plus en plus les circuits de distribution court. C’est le cas en France avec le développement des AMAP – Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne – et autres marchés bio. De même, au Danemark, l’entreprise Aarstiderne s’est lancée sur le créneau de la livraison à domicile, pour les particuliers et les entreprises, des paniers de produits biologiques, en particulier des fruits et légumes. L’entreprise emploie actuellement 120 salariés et livre environ 120 000 paniers par mois à 40 000 foyers danois et 5 000 foyers suédois. A la livraison pure et simple de produits s’ajoute un service de plus en plus apprécié par les consommateurs : la présence, dans les paniers, de recettes de cuisine réalisables avec les fruits et légumes commandés par les consommateurs.

En 2013, la Commission européenne a organisé une consultation publique sur l’agriculture biologique dont les résultats ont été présentés le 24 mars 2014 dans le Plan d’action pour l’avenir de la production biologique européenne (32) : « la consultation publique a montré que les consommateurs européens sont demandeurs d’un niveau d’exigence élevé en ce qui concerne les règles applicables à l’agriculture biologique et aux contrôles en la matière ». Or, « l’une des principales difficultés est d’accroître la demande et d’y répondre sans éroder la confiance des consommateurs dans les principes de l’agriculture biologique et les produits qui en sont issus ».

On ne pouvait mieux résumer l’enjeu global de la production biologique européenne et ses contradictions. En effet, pour répondre à une demande en augmentation constante et maintenir le rythme d’augmentation de la production, il faut alléger les contraintes pesant sur celle-ci et admettre une certaine industrialisation du mode de production biologique afin d’en réduire les coûts, le prix étant le principal frein à la consommation de produits bio. Cette ambition commune en faveur du développement de la production biologique européenne doit cependant être conciliée avec la nécessaire confiance des consommateurs qui implique, au contraire, des règles toujours plus strictes et des contrôles plus efficaces. Que le consommateur perde confiance dans les produits biologiques et la production biologique européenne périclitera, faute de demande.

À cette contradiction entre les objectifs de la politique européenne s’ajoutent des spécificités nationales. Celles-ci sont inévitables compte tenu des différences de développement de la production et de la consommation de produits biologiques dans les États-membres, des divergences dans l’application des règles européennes et, d’une manière générale, de la vision particulière que les consommateurs comme les producteurs ont de ceux-ci. Il en résulte que les enjeux de la production biologiques ne sont pas les mêmes entre les États-membres et, lorsque c’est le cas, ceux-ci apportent des réponses différentes.

Votre rapporteur a identifié cinq enjeux pour la production biologique européenne. Il espère que les constats et analyses du présent rapport seront utiles à la Commission européenne, au Conseil et au Parlement européen lorsqu’ils auront à fixer les règles pour l’agriculture biologique pour les prochaines années. De la qualité de ces règles dépendra le développement de l’agriculture biologique européenne, une ambition commune montrant qu’au-delà des divergences, les avantages de celles-ci font maintenant consensus en Europe ; elles devront aussi préserver ce qui fait la spécificité de la production biologique et de ses principes qui ne doivent pas être sacrifiés à l’augmentation de la demande.

La production biologique est, du point de vue du droit européen, considéré comme un mode de production spécifique qui, à ce titre, obéit à des règles particulières. Par conséquent, peut se prévaloir du qualificatif « biologique » ce qui est produit en conformité avec les règles applicables. Toutefois, la production biologique et, en particulier, l’agriculture biologique qui en est la base n’est pas seulement un mode de production parmi d’autres ; derrière un cahier des charges strict se trouvent des valeurs, une éthique et une vision de l’agriculture et des territoires qui diffèrent toutefois selon les États-membres. En effet, si la volonté est commune de développer la production biologique en Europe (1), celle-ci porte en elle le risque d’une industrialisation et d’une perte de sens de l’agriculture biologique (2).

La Commission européenne a publié, le 25 mars 2014, son Plan d’action pour l’avenir de l’agriculture biologique dans l’Union européenne. Elle a défini trois axes prioritaires pour la période allant jusqu’à 2020.

Le premier axe est le renforcement de la compétitivité des producteurs bio de l’Union européenne. Il se décompose lui-même en trois axes :

– mieux faire connaître les instruments de l’Union orientée vers l’agriculture biologique, en particulier les mesures spécifiques en faveur de l’agriculture biologique proposée par le nouveau cadre de développement rural suite à la réforme de la PAC ;

– renforcer l’information sur le système de production biologique de l’Union, y compris son logo. De telles actions d’information et de promotion, notamment en faveur des jeunes, peuvent en effet jouer un rôle important dans l’accroissement des débouchés des producteurs ;

– accroître l’effort de recherche et l’innovation afin de renforcer la productivité. Les règles de la production biologique pose des contraintes en matière de disponibilité des intrants sous leur forme biologique, ainsi que la disponibilité des semences biologiques ;

Le deuxième axe est la consolidation et le renforcement de la confiance des consommateurs dans le système européen pour l’alimentation et l’agriculture biologique, notamment par le renforcement du système de contrôle.

Enfin, le dernier axe est le renforcement de la dimension extérieure du système de production biologique de l’Union européenne. En effet, avec l’accroissement des échanges commerciaux, le système de production doit garantir que les produits importés répondent à la stricte définition des denrées alimentaires et de la production bio donnée par l’Union.

Si une grande partie des États-membres ont mis en œuvre des politiques en faveur de l’agriculture biologique, souvent dans le cadre des programmes de développement rural de la PAC, votre rapporteur s’est particulièrement intéressé aux mesures adoptées par la Pologne, le Danemark et la France.

Ainsi qu’il a été dit supra, l’agriculture biologique a été, en Pologne, le cadre d’une fraude massive aux aides européennes, en particulier dans l’arboriculture, en raison d’un manque flagrant de rigueur dans l’application des règles européennes. C’est ainsi que, selon un rapport de l’Institut national d’audit (NIK), près de 14 500 producteurs, notamment de noix, ont bénéficié de ces aides (à hauteur de 176 millions d’euros) pendant dix ans pour des vergers qui n’ont jamais produit de fruits, si bien que malgré une multiplication par huit des surfaces, la production à l’hectare est passée de quinze tonnes à une tonne. De même, nombreux étaient les prairies et de pâturages qui, formellement convertis en bio, n’accueillaient aucun animal. Enfin, parce que les aides sont calculées à l’hectare, elles ont majoritairement profité aux grandes exploitations. Avec 25,5 hectares en moyenne (en 2012), la taille des exploitations biologiques est ainsi trois fois supérieure à celles des exploitations conventionnelles alors même que les petites exploitations étaient considérées comme un vivier pour l’agriculture biologique en Pologne.

Conscient de ces dérives et sous la pression d’un audit de la Commission européenne, la Pologne a adopté plusieurs mesures visant à assainir son agriculture biologique. Les aides ont ainsi été supprimées pour les noix et les noisettes, une obligation de vente s’impose pour les autres fruits et une charge minimale (0,5 unité de gros bétail/hectare) a été introduite pour les prairies. Les résultats de cette politique ont été, en matière d’arboriculture, radicaux : sur les vingt exploitations auditées par le NIK, outre que neuf n’avaient jamais rien produit, treize ont abandonné l’agriculture biologique aussitôt les aides supprimées ; quant à la charge minimale à l’hectare, c’est seulement en 2015, à la suite des contrôles annuels, qu’elle devrait faire sentir ses effets sur les surfaces converties en bio. Au final, alors que, dans le cas de la Pologne, la SAU bio est composée à hauteur de 55% de prairie, de pâturage et de vergers, les nouvelles règles devraient se traduire par une forte diminution de cette part que l’une des personnes auditionnées par votre rapporteur a évalué à 30%.

Toutefois, cette lutte nécessaire contre la fraude ne change rien à l’orientation productiviste de l’agriculture biologique polonaise dont la production est quasi-exclusivement destinée à l’exportation, notamment vers l’Allemagne, les exploitations polonaises étant généralement sous contrat avec des transformateurs allemands. C’est pourquoi le gouvernement, conscient des perspectives de développement du bio en Europe et soucieux de la compétitivité des exploitations polonaises, a accru la concentration des aides sur les grandes exploitations dans le nouveau programme de développement rural 2014-2020. En effet, une dégressivité avait été mise en place dans le programme précédent, portant sur les années 2007-2013 : les exploitations de moins de 100 hectares recevaient 100% des aides, 50% jusqu’à 200 hectares mais seulement 10% au-delà de 200 hectares. Désormais, la dégressivité s’applique certes dès 50 hectares (75% entre 50 et 100 hectares) mais désormais, les exploitations de plus de 100 hectares toucheront 60% des aides. 700 millions d’euros, dont 450 apportés par l’Union européenne, seront versées aux agriculteurs bio polonais.

En revanche, développer la consommation de produits bio en Pologne ne semble pas la priorité du gouvernement. Il est vrai que ce marché est très limité en Pologne et présente bien moins de perspectives que l’exportation. Ce tropisme en faveur de la production se retrouve dans les positions adoptées par la Pologne s’agissant de la proposition de règlement présentée par le Commission européenne. Elle s’inquiète particulièrement des conséquences négatives du renforcement des règles sur les coûts de production et, par conséquent, sur la compétitivité de la production bio polonaise.

La politique danoise présente un profil exactement inverse puisqu’elle vise essentiellement à développer la consommation de produits biologiques au Danemark qui, en part relative de la consommation alimentaire, est déjà la première au sein de l’Union européenne. Pour autant, la production n’est pas oubliée mais pour le gouvernement, l’accroissement de celle-ci découlera de l’augmentation de la consommation nationale et non des seules exportations, lesquelles sont relativement limitées.

C’est ainsi que le plan d’action danois, présenté en 2012, s’il vise à doubler les surfaces converties en bio, comporte de nombreuses mesures en faveur de la consommation de produits biologiques au Danemark, en particulier dans la restauration collective. Sur la période 2015-2018, 8 millions d’euros vont ainsi être alloués pour soutenir la présence du bio dans les cantines publiques et 3 millions d’euros pour former les responsables des achats des différentes administrations ; cette action est relayée par plusieurs ministères pilotes, notamment le ministère de la Défense (qui gère les cantines militaires) et le ministère de la santé (qui gère les cantines des hôpitaux) ainsi que par les collectivités territoriales : Copenhague s’est fixé comme objectif d’utiliser 90% de produits alimentaires biologiques au sein des institutions de la ville.

Par ailleurs, plusieurs initiatives ont été lancées pour promouvoir la consommation des produits biologiques, notamment dans les écoles via des activités centrées sur la connaissance du bio (visite d’exploitation, essai de cultures bio…) et la distribution de fruits et légumes issus de l’agriculture bio. Les écoles agricoles font l’objet d’une attention particulière et sont incitées à donner toute sa place à l’agriculture biologique dans la formation des futurs agriculteurs.

Ces mesures en faveur de la consommation ne sont pas exclusives de mesures visant à accroître la production, que le gouvernement souhaite voir doubler d’ici à 2020. C’est ainsi que 3,6 millions d’euros seront consacrés d’ici à 2018 pour soutenir la conversion des exploitations et leur maintien dans le mode de production biologique ainsi que des projets expérimentaux en lien avec ce dernier. Plus précisément, le gouvernement ajoute aux aides européennes des aides spécifiques à la conversion à hauteur de 161 euros par hectare, versées les deux premières années de la conversion. De même, à partir de 2015, une aide spécifique subventionne à hauteur de 537 euros par hectare la production de fruits et de baies biologiques.

Enfin, le Danemark se distingue de la Pologne par un effort particulièrement important en matière de recherche. En 2015, 3,4 millions d’euros ont été investis dans la recherche dans le secteur de l’agriculture biologique, auxquels se sont ajoutés 4 millions d’euros investis dans le cadre du Centre pour la recherche sur les systèmes d’alimentation biologique (ICROFS). De même, 500 000 euros ont été alloués pour le développement de la filière porcine bio. En effet, alors que pour le poulet les œufs, la part de la production bio représente 30%, c’est à peine 1% pour le porc. Cet effort de recherche est à mettre en relation la volonté du Danemark d’aller au-delà de la stricte application des règles européennes. Par exemple, les agriculteurs bio réduisant l’utilisation de nitrogènes bénéficient d’une aide supplémentaire de 67 euros par hectare ; de même, la politique danoise en faveur de l’agriculture biologique est fortement marqué par l’idée de recyclage, celle-ci devant s’intégrer dans un cycle permettant de valoriser les déchets d’autres secteurs. Par exemple, le gouvernement a établi un groupe de travail pour étudier comment l’agriculture biologique pourrait utiliser les déchets organiques d’autres secteurs comme nutriments, en particulier le phosphore.

Enfin, la France a quant à elle formalisé sa politique en faveur de l’agriculture biologique dans un plan national : le plan Ambition bio 2017. Ce plan se décline en six axes stratégiques :

développer la production : l’objectif de doubler de la surface convertie à l’agriculture biologique est appuyé par des aides à la conversion et au maintien à hauteur de 160 millions d’euros par an sur la période 2014/2020 ;

structurer les filières : deux priorités ont été définies en faveur des grandes cultures et des oléo-protéagineux (colza, soja, tournesol, ...), afin d’atteindre l’indépendance protéique pour l’alimentation animale et humaine en 2017. Le Fonds Avenir Bio, géré par l’Agence Bio, est ainsi financé à hauteur de 4 millions d’euros par an ;

– développer la consommation : l’objectif est d’atteindre 20%de produits bio dans la restauration collective d’État tout en sensibilisant l’ensemble des citoyens (campagnes de communication nationales, stratégie française à l’export), avec un accent sur les plus jeunes (actions avec l’Éducation nationale : visites de fermes bio, classes du goût, jardinage …) ;

– renforcer la recherche et le développement, son pilotage et la diffusion des résultats, en confortant notamment les projets de recherche et de développement dédiés à l’agriculture biologique dans la programmation CASDAR 2014-2020 ;

– former les acteurs agricoles et agroalimentaires en renforçant notamment le lien entre l’enseignement agricole et les réseaux professionnels (stages, interventions des professionnels dans les formations, visites de terrain, ...) et en développant la formation continue pour les agriculteurs bio ;

– adapter la réglementation par une meilleure prise en compte des spécificités de l’agriculture biologique dans la réglementation générale et un accompagnement des acteurs bio pour l’appliquer, et par une amélioration de la réglementation spécifique de l’agriculture biologique.

Portant sur l’ensemble de ses enjeux, la politique française en faveur de l’agriculture biologique apparaît ainsi particulièrement complète. Toutefois, malgré les objectifs ambitieux qu’elle se donne, ses moyens peuvent apparaître en retrait par rapport, notamment, à ceux dégagés par la Pologne et le Danemark. Les mesures en faveur de l’agriculture biologique contenues dans le programme de développement rural de la première repose sur un budget total de 700 millions d’euros, moindre que le budget français sur la même période mais proportionnellement bien plus important compte tenu des coûts de production polonais. L’effet sur les conversions comme sur la compétitivité de l’agriculture biologique polonaise n’en sera que plus fort. En outre, l’effort de recherche français en faveur de l’agriculture biologique consiste pour l’essentiel dans les financements CASDAR de l’Institut technique de l’agriculture biologique (ITAB), lesquels sont bien inférieurs aux sommes allouées à la recherche par le Danemark. Enfin, votre rapporteur attire l’attention sur le nécessaire équilibre entre l’offre et la demande, condition de la stabilité du prix des produits bio. Il appartiendra donc au gouvernement et à la profession de veiller à ce que, localement, les filières ne soient pas déstabilisées par une augmentation trop forte de la production qui risquerait de mettre en péril la pérennité des exploitations.

Augmenter la production biologique européenne pour satisfaire une demande sans cesse croissante oblige à revoir complètement l’organisation de celle-ci. Historiquement, comme votre rapporteur l’a rappelé supra, l’émergence de l’agriculture biologique est une réaction à l’industrialisation de l’agriculture s’inscrivant dans un projet de société influencé par la pensée post-68 et le rejet, par les mouvements contestataires, de la société de consommation et de l’économie productiviste, doublée d’une prise de conscience des limites des ressources de notre planète et de la nécessité de protéger l’environnement. Marché de niche, les produits biologiques se vendaient, via des circuits courts et des magasins spécialisés, à des consommateurs pionniers animés, comme les producteurs, par une démarche de conviction.

Cette époque est aujourd’hui largement révolue puisque le marché des produits biologiques représente 22,2 milliards d’euros par an. Or, satisfaire la demande dans un marché de masse en forte croissance implique nécessairement une adaptation des méthodes de production comme des circuits de distribution. Or, l’un ne va pas sans l’autre et force est de constater qu’une part croissante des produits biologiques est désormais distribuée dans les grandes surfaces qui basent leur stratégie sur leur « démocratisation » (33), laquelle passe par des baisses de prix. On peut donc craindre un effet similaire à celui que les grandes surfaces ont eu sur l’agriculture conventionnelle, c’est à dire une augmentation de la production accompagnée d’une baisse du prix des produits agricoles d’autant plus recherchée que leur prix élevé est, aujourd’hui, le principal frein à l’achat de produits biologiques.

Or, pour obtenir une telle baisse du prix des produits biologiques, deux méthodes sont possibles qui sont d’ailleurs exactement les mêmes que dans l’agriculture conventionnelle. La première est l’intensification de l’agriculture biologique par le développement de nouvelles techniques de production permettant de meilleurs rendements, à commencer par la culture « hors sol ».

La culture hors-sol s’est développée après-guerre au Pays-Bas sous le nom d’hydroponie et s’est ensuite répandue dans le monde entier. Elle repose sur la culture des végétaux non plus dans le sol mais en serre, dans un substrat artificiel alimenté par une solution liquide où ils puisent leurs nutriments (azote, phosphore, potassium, magnésium, calcium, soufre mais aussi quelques oligo-éléments du genre fer, cuivre, manganèse, zinc ou molybdène). Les avantages de l’hydroponie sont évidents : confinés dans un espace quasi-stérile, les végétaux sont largement épargnés par les parasites et les insectes et totalement préservés des aléas météorologiques ; en outre, le substrat nécessite moins de travail et d’entretien et peut être adapté à chaque variété de plantes, si bien que les rendements sont jusqu’à deux fois supérieurs à la culture dans le sol en plein air.

Or, même s’il n’est pas cité en tant que tel dans le règlement no 834/2007, le lien au sol est au cœur de la définition de l’agriculture biologique, comme l’ont rappelé à votre rapporteur de nombreuses personnes auditionnées. On rappelle que l’IFOAM définit celle dernière comme « »  un système de production qui maintient et améliore la santé des sols, des écosystèmes et des personnes. Elle s’appuie sur des processus écologiques, la biodiversité et des cycles adaptés aux conditions locales, plutôt que sur l’utilisation d’intrants ayant des effets adverses ». Par conséquent, en agriculture biologique, les végétaux tirent leurs substances nutritives du sol dont ils maintiennent et améliorent la qualité et la fertilité et s’intègrent dans un territoire dont elle respecte les cycles et les conditions environnementales. C’est pourquoi, logiquement, l’hydroponie est interdite dans l’agriculture biologique par l’article 4 du règlement d’exécution no 889/2008.

Toutefois, cet article définit l’hydroponie de manière restrictive, comme la méthode qui « consiste à faire pousser les végétaux sur un substrat inerte et à les nourrir à l’aide de minéraux et d’éléments nutritifs solubles ». C’est le terme « inerte » qui a permis le développement, au sein de l’Union européenne (34) et notamment au Danemark, d’une production biologique « hors sol » qui, sans être de l’hydroponie, repose sur la culture de plantes sous serre dans des bacs remplis de terreau. Cette méthode de production a en effet été certifiée car le terreau n’est pas un « substrat inerte » sans être du « sol ». Cette interprétation laxiste des règles européennes apparaît contraire à l’esprit, sinon à la lettre du règlement no 834/2007 qui dispose que « la production végétale biologique a recours à des pratiques de travail du sol et des pratiques culturales qui préservent ou accroissent la matière organique du sol, améliorent la stabilité du sol et sa biodiversité, et empêchent son tassement et son érosion », autant d’objectifs impossible à atteindre, voire absurdes, avec un « sol » en bac.

De telles pratiques, qui remettent en cause le lien au sol restent toutefois interdites en France, comme l’a rappelé à votre rapporteur l’organisme certificateur Ecocert. Il n’en reste pas moins que dans le contexte actuel de modification des règles européennes, une clarification de celle-ci, proscrivant expressément toute culture hors sol dans la bio, serait bienvenue.

Outre de nouvelles méthodes de production mettant l’accent sur les rendements, l’industrialisation se traduit également par l’augmentation de la taille des exploitations, souvent nécessaire pour obtenir des économies d’échelle. Si, en France, la taille moyenne des exploitations bio est très proche de celle des exploitations conventionnelles (autour de 50 ha, taille qui varie toutefois selon le type de production), ce n’est le cas ni au Danemark ni en Pologne. Dans ce dernier pays, avec 26 hectares en moyenne, les exploitations bio sont même une fois et demie plus grandes que les exploitations conventionnelles et cet écart s’accroît avec le temps. Le fait qu’elles soient toutes quasi-exclusivement sous contrat d’exportation avec des transformateurs du marché le plus concurrentiel de l’Union européenne – l’Allemagne – n’est probablement pas étranger à ce fait. L’augmentation de la taille des exploitations va d’ailleurs de pair avec leur spécialisation, y compris d’ailleurs au niveau des bassins de production. La province d’Almería en Andalousie s’est ainsi spécialisée dans les légumes ratatouille (tomates, poivrons...) et la région de Huelva dans les fraises.

Enfin, cette industrialisation croissance du mode de production bio, qui l’éloigne de la nature, va de pair avec l’apparition de produits « biologiques » non alimentaires dont la fabrication est largement industrialisée. Il en est ainsi des textiles mais également des cosmétiques « bio » qui, certes, contiennent des ingrédients agricoles biologiques mais aussi de nombreux autres ingrédients qui ne le sont pas. Ces produits et leur qualification comme « bio » redéfinissent la production bio qui, jusqu’alors, était exclusivement alimentaire. Toutefois, de tels produits ne sont pas encore reconnus ni encadrés par le règlement no 834/2007 et ne le seront a priori pas plus dans la proposition de règlement actuellement en discussion. Seuls des cahiers des charges privés sont applicables et ces produits ne peuvent donc afficher les logos ni le terme « biologique » (35).

Faire du bio un marché de masse en élargissant la demande via la baisse des prix d’une production elle-même en augmentation oblige, avec l’industrialisation, à internationaliser et la production, et la distribution des produits biologiques.

L’internationalisation de la production s’observe dès maintenant par une division du travail au sein de l’Union européenne entre des pays exportant des produits agricoles bio et ceux qui, en plus de leur propre production agricole bio, les transforment. Les premiers ont généralement un marché national quasi-inexistant alors que les derniers ont une production nationale insuffisante pour répondre à la forte demande des consommateurs. L’archétype de cette division est la relation entre la Pologne et l’Allemagne qui absorbe la quasi-totalité de sa production, pour la consommer ou la transformer. La Pologne ne compte en effet qu’un transformateur pour 80 producteurs, alors qu’en Allemagne, ce ratio est de un à quatre.

C’est le cas également en France, comme votre rapporteur a pu le constater en rencontrant des représentants de la coopérative Terrena. La part des importations de produits bio oscille ainsi, selon les années, entre 30 et 50% en raison, notamment, des volumes plus ou moins importants de la production française. Par exemple, en France, la production de soja bio est, à 90%, destinée à l’alimentation humaine alors même que le soja est une composante essentielle de l’alimentation animale, rendant indispensables des importations massives de tourteau de soja, y compris de pays extérieurs à l’Union européenne comme la Chine. Ces échanges ne sont d’ailleurs pas sans poser de sérieux problèmes de qualité. Comme l’a déclaré le président d’Ecocert, premier contrôleur mondial de produits bio : « plus vous allongez les circuits, plus vous prenez de risques. » Terrena a ainsi été confronté, en 2008, à du tourteau de soja chinois contaminé à la mélanine, l’obligeant à ne pas se fier aux certificats de ses fournisseurs et à mettre en place ses propres contrôles pour l’ensemble de ses achats de bio.

Non seulement la chaîne de production bio est éclatée entre plusieurs États-membres, voire États tiers, mais le lieu de la consommation lui-même se dissocie de plus en plus du lieu de la production. Les produits bio transformés en Allemagne à partir de la matière première agricole polonaise sont ainsi exportés dans l’ensemble de l’Union européenne. De même, au-delà des produits transformés, tous les consommateurs français ont fait l’expérience, dans les magasins bio qu’ils fréquentent, de la présence de fruits et légumes provenant de l’étranger, notamment d’Espagne ou d’Italie. Rien n’est moins étonnant. Si les produits bio veulent toucher le grand public, ils doivent s’insérer dans les circuits de distribution classiques, dominés par les grandes surfaces qui, comme pour les produits non-bios, ont une politique d’approvisionnement européenne, voire mondiale, guidée par la recherche des prix les plus bas.

Cette dissociation entre les lieux de production et de consommation peut avoir des conséquences à la limite de l’absurdité, notamment en Pologne. Ce pays, ainsi qu’il a été dit supra, se caractérise par une importante production bio qui, dans sa quasi-totalité est exportée en Allemagne, et par une consommation de produit bio très limitée. Or, votre rapporteur a appris que ce marché national, pour limité qu’il soit, repose essentiellement sur les importations ; en effet, les producteurs polonais qui ne sont pas sous contrat avec des exportateurs ne sont pas en mesure de garantir la régularité des approvisionnements à leurs distributeurs nationaux, si bien qu’il est à la fois plus sûr et moins cher pour ces derniers de se fournir à l’étranger. La Pologne exporte donc la majorité de sa production bio et importe la majorité de sa consommation.

Cette circulation des produits biologiques n’est pas sans soulever des interrogations quant aux conséquences de celle-ci pour l’environnement. Même si les producteurs rencontrés par votre rapporteur l’estiment normale, le lien au sol ne s’entendant que de la production agricole et non de la consommation, il n’en reste pas moins qu’au-delà des problèmes de la qualité, cette circulation est responsable d’importantes émissions de gaz à effet de serre contradictoire avec l’objectif de la bio d’un mode de production respectueux de l’environnement.

Toutefois, le fait que des tomates d’Andalousie, du blé ukrainien ou des carottes d’Israël soient exportées par des norias de camions dans toute l’Europe n’est pas en contradiction avec la réglementation européenne qui ignore cette dimension de la production biologique. De même, le soja bio importé du Brésil est cultivé dans d’immenses exploitations de 5 000 à 10 000 hectares, conquises sur des forêts primaires dans l’État du Mato Grasso. La réglementation européenne n’interdit pas non plus que des produits bio soient cultivés sur des terres récemment déboisées pour être certifiés.

Au final, l’industrialisation et l’internationalisation de la production biologique et l’accroissement des échanges de produits bio transforment la nature même de celle-ci qui, certes, est biologique en ce qu’elle respecte la règlementation européenne mais tend à n’être plus écologique.

Le risque que porte en lui ce changement de nature est évident. Pour augmenter la consommation de produits biologiques dans l’Union européenne et, avec elle, la production européenne, l’agriculture biologique pourrait s’appauvrir sous la contrainte économique en se concentrant sur ce qui importe vraiment aux consommateurs, c’est-à-dire la non-utilisation de pesticides, sans plus tenir compte des autres dimensions du mode de production biologique. Elle deviendrait ainsi une sorte d’agriculture raisonnée dont la seule différence avec l’agriculture conventionnelle serait une utilisation limitée des intrants chimiques afin de complaire à des consommateurs avant tout soucieux de leur santé.

Le risque est d’autant plus grand qu’aujourd’hui le cahier des charges de la bio n’est plus élaboré par des agriculteurs mais par des techniciens européens. Certes, les organisations professionnelles sont consultées mais ils sont avant tout soucieux d’augmenter la production et la consommation et, à cette fin, de faciliter les échanges de produits bio dans l’Union européenne par des règles communes. Si celles-ci présentent un intérêt évident à cette fin, il est remarquable que les États-membres aient l’interdiction d’aller au-delà des règles européennes en adoptant une règlementation nationale plus stricte, comme le regrette d’ailleurs l’organisation danoise Okologisk Landsforening.

Ce risque de perte de sens de l’agriculture biologique, s’il se réalise, entraînera nécessairement une réaction prenant la forme de cahiers des charges privés plus stricts que les règles européennes et plus conformes à la vision traditionnelle du bio. Ces labels existent d’ailleurs déjà en France. Par exemple, les labels Nature et progrès, Déméter ou Bio cohérence proscrivent la mixité des exploitations et imposent notamment que l’alimentation des animaux soit produites, parfois jusqu’à 80%, à la ferme.

À l’avenir et de plus en plus, l’agriculture biologique pourrait ainsi être segmentée entre plusieurs cahiers des charges plus ou moins exigeants, comme l’est d’ailleurs aujourd’hui l’agriculture conventionnelle avec ses différents labels de qualité, rompant ainsi avec l’unité qui devrait caractériser sa définition, au risque de créer la confusion dans l’esprit du consommateur.

Selon le dernier rapport disponible sur l’agriculture biologique en Europe, publié par la Commission européenne en octobre 2013, 235 761 exploitations agricoles cultivaient 9,5 millions d’hectares selon le mode biologique dans les 27 États-membres de l’Union européenne (y compris les surfaces en conversion). L’agriculture biologique représentait ainsi 5,4% de la surface agricole utile (SAU) européenne. Par conséquent, l’essentiel de l’agriculture européenne est, aujourd’hui, conventionnelle et l’agriculture biologique se doit de cohabiter harmonieusement avec elle. C’est d’ailleurs généralement le cas jusque dans les exploitations biologiques elles-mêmes qui peuvent associer agriculture bio et agriculture conventionnelle (1). En outre, l’agriculture biologique peut, par ses innovations et ses pratiques, être une source d’inspiration pour l’agriculture conventionnelle (3) qui, en retour, doit la préserver de toute contamination par des substances non autorisées en bio (2).

Aux termes de l’article 11 du règlement no 834/2007, « l’ensemble d’une exploitation agricole est géré en conformité avec les exigences applicables à la production biologique ». Toutefois, une exception est prévue en faveur des exploitations agricoles mixtes, c’est-à-dire ayant à la fois une production bio et non bio, à la condition d’être « scindée en unités clairement distinctes ». En outre,

– pour les animaux, à l’exception des animaux d’aquaculture, des espèces distinctes doivent être élevés sur chacune des unités bio et non bio, sauf exceptions autorisées ;

– pour les végétaux, des variétés différentes pouvant être facilement distinguées doivent être cultivées sur chacune des unités bio et non bio, sauf exceptions autorisées.

Les exploitations mixtes sont par ailleurs très strictement contrôlées par les organismes de contrôle car la mixité est, incontestablement, un facteur de risque tant de substitution de produits bio et non bio (volontaire ou accidentelle) que d’usage sur les unités bio de produits et substances non autorisés, stockés sur les unités non bio de l’exploitation. Les OC portent donc une attention particulière à la réalité de la séparation, à la traçabilité et la comptabilité matière (entrant et sortant), notamment dans le cas des exceptions autorisés par dérogation. Un « registre » spécifique atteste par ailleurs des mesures de séparation mise en œuvre par l’exploitation.

Il n’en reste pas moins que, malgré les risques, la mixité est largement répandu parmi les exploitations biologiques européennes. En France, par exemple, 25% des exploitations bio sont mixtes et jusqu’à 45% en Espagne.

Toutefois, cette possibilité pour une exploitation bio de ne pas l’être totalement est dénoncée par plusieurs acteurs majeurs du mouvement biologique – comme la Fédération nationale de l’agriculture biologique (FNAB) ou l’organisation bio danoise Okologisk Landsforening – avec des arguments très forts. Outre les risques que la mixité représente pour la crédibilité de l’agriculture biologique, elle apparaît contradictoire avec le projet que doit porter une exploitation bio dont l’objectif doit être une conversion à 100% au mode de production biologique. Dès lors, la mixité ne devrait être que transitoire et avoir une fin, connue dès le début de la conversion.

Particulièrement sensible au risque de fraude qu’elle peut entraîner et soucieuse de renforcer la confiance du consommateur dans les produits biologiques, la Commission européenne est encore plus radicale puisque, dans sa proposition de règlement publiée le 24 mars 2014, elle a posé le principe de l’interdiction de la mixité à l’issue de la période de conversion. Toutefois, elle s’est heurtée sur ce point à l’opposition d’une majorité des États-membres – dont la France – qui, au Conseil, ont rejeté sa proposition sur ce point et décidé de maintenir la possibilité d’exploitations associant agriculture bio et agriculture conventionnelle (36).

Malgré le refus du Conseil de faire évoluer les règles européennes vers une interdiction de la mixité, le débat sur celle-ci n’est pas clos. En préalable, il convient de souligner que, pour de nombreux agriculteurs et pas forcément les moins engagés, la mixité n’est pas tant un choix qu’une obligation résultant de contraintes à la fois économiques et juridiques.

En effet, se convertir à l’agriculture biologique est, pour l’agriculteur et malgré les aides, prendre un risque financier important et il est difficile de lui demander de convertir immédiatement la totalité de son exploitation. Il préfère souvent se lancer progressivement dans le mode de production biologique et garder, autant que possible, la possibilité de revenir en arrière en cas d’échec. De ce point de vue, la mixité de son exploitation est une garantie et une manière de limiter les risques. En outre, certaines productions comme la betterave à sucre ou la truffe n’ont pas de cahier des charges et ne peuvent être produites en bio, si bien qu’un exploitant qui aurait ces cultures sur son exploitation ne pourrait pas les conserver s’il décidait de se convertir. Pire encore, il pourrait abandonner le mode de production biologique pour ne conserver que la betterave à sucre ou la truffe qui sont par ailleurs très rentables.

C’est l’un des arguments qui a convaincu les États-membres : en interdisant la mixité, le risque était majeur de déprimer la production biologique européenne considérant la part que représentent les exploitations mixtes dans le total des exploitations biologiques. En outre, la justification de la mesure par la Commission européenne est sujette à caution. En effet, la majorité des fraudes concerne l’aval et non la production elle-même et dans le cas des exploitations mixtes, celles-ci font l’objet de contrôles renforcés de la part des organismes de contrôle. Quant à l’éventuel renforcement de la confiance des consommateurs qui résulterait de son interdiction, il n’est absolument pas certain que ces derniers aient réellement conscience que de nombreuses exploitations bio sont mixtes et qu’ils s’en offusqueraient tant que les contrôles sont efficaces.

Sur ce point, votre rapporteur a été sensible à un argument plusieurs fois avancé au cours des auditions qu’il a menées. Présentée comme de nature à limiter les risques de fraude, l’interdiction de la mixité ignore le fait que les exploitations aujourd’hui mixtes auraient toujours la possibilité de séparer juridiquement (et non plus seulement physiquement) les unités de production biologique et conventionnelle en deux exploitations distinctes. Dans ce cas, l’organisme de contrôle ne pourrait contrôler que l’exploitation biologique sans avoir accès, par exemple, à la liste des produits non autorisés achetés par l’exploitation conventionnelle. En d’autres termes, la qualité du contrôle serait inférieure à ce qu’elle ait aujourd’hui s’agissant des exploitations mixtes.

Par conséquent, si votre rapporteur partage l’objectif de la fin de la mixité et souhaite que les exploitations soient 100% biologiques dans un délai qui reste à définir, il n’en est pas moins conscient des risques qu’une interdiction brutale de la mixité ferait peser à la fois sur le volume de la production européenne que sur l’efficacité des contrôles. Avantages et inconvénients d’une telle mesure devront donc faire l’objet d’une analyse rigoureuse.

Enfin, la question se pose si une interdiction légale de la mixité est vraiment nécessaire pour atteindre l’objectif d’exploitations 100% biologiques. En effet, dans la réalité, pour les grandes exploitations, les conversions se font souvent progressivement afin de limiter les risques financiers ; mais une fois que l’agriculteur a pris conscience des avantages de la production biologique, la mixité prend fin pour ainsi dire naturellement. Dans ces conditions, imposer la fin de la mixité à une date déterminé d’avance, en limitant la liberté de l’agriculture, pourrait le dissuader de convertir son exploitation.

Le règlement no 834/2007 définit de manière précise les règles applicables à la production biologique, qu’elle soit animale ou végétale, et notamment les substances et produits pouvant être utilisés. C’est ainsi que, d’une manière générale, aux termes de l’article 4 de ce dernier, la production biologique privilégie « des pratiques et substances naturelles » et « restreint l’utilisation d’intrants extérieurs » (37), voire les interdit comme dans le cas des engrais azotés (article 12 du règlement) S’agissant plus particulièrement des intrants chimiques de synthèse, leur utilisation est strictement limitée aux cas exceptionnels que sont l’absence de pratiques de gestion naturelles appropriées (comme la prévention des maladies) ou encore l’indisponibilité sur le marché d’une alternative naturelle effets équivalents. Par exemple, en cas de maladie qui n’a pu être prévenue et que les recours aux produits phytothérapeutiques ou homéopathiques n’est pas approprié, l’article 14 du règlement autorise le recours à des médicaments vétérinaires allopathiques chimiques de synthèse.

D’une manière générale, il revient à la Commission européenne, en application de l’article 16 du règlement no 834/2007, d’autoriser les produits et substances susceptibles d’être utilisés en agriculture biologique comme :

– produits phytopharmaceutiques ;

– engrais et amendements des sols ;

– matières premières non biologiques d’origine végétale pour aliments des animaux, matières premières pour aliments des animaux d’origine animale et minérale et certaines substances utilisées en alimentation animale ;

– additifs pour l’alimentation animale et auxiliaires technologiques ;

– produits de nettoyage et de désinfection des étangs, cages, bâtiments et installations utilisés pour la production animale ;

– produits de nettoyage et de désinfection des bâtiments et installations utilisés pour la production végétale, y compris le stockage dans une exploitation agricole.

Les principes sont donc clairement posés tout en laissant aux exploitants bio suffisamment de souplesse pour faire face, y compris en recourant à des produits et substances a priori non conformes à ces principes, à un organisme nuisible ou à une maladie particulière qui menacerait les cultures et les animaux. C’est seulement en cas d’absence d’alternatives naturelles que l’utilisation de produits et substances chimiques de synthèse est autorisée dans l’agriculture biologique, sous le strict contrôle de la Commission européenne.

Toutefois si le principe et les exceptions sont clairement mentionnés dans les règles européennes et ne prêtent guère à discussion, il n’en reste pas moins qu’avec seulement 5,4% de la SAU européenne, les parcelles converties à l’agriculture biologique sont entourées de parcelles exploitées en agriculture conventionnelle. En d’autres termes, même si un agriculteur biologique respecte l’ensemble des obligations découlant du cahier des charges européen et n’utilise que des produits et substances autorisés en bio, il est tout à fait possible que ses cultures soient accidentellement contaminées, généralement par l’effet du vent, par les engrais azotés, pesticides et insecticides que ses voisins conventionnels ont le droit de répandre. En effet, ce que garantissent les règles européennes, c’est un processus de production en principe exempt d’intrants chimiques de synthèse mais pas l’absence de ceux-ci dans les produits bio.

La question qui se pose alors est de savoir quelles sont les conséquences d’une telle contamination sur les produits concernés lorsqu’elle est découverte ; simple en apparence, cette question est pourtant délicate et a justifié le déplacement de votre rapporteur dans les locaux du premier organisme de contrôle français (et mondial) : Ecocert. Il a également rencontré à Varsovie et Copenhague plusieurs représentants d’organismes de contrôle locaux afin d’avoir une vision globale des pratiques nationales en matière de contrôle des exploitations biologiques, de leurs constats et de leurs différences.

En préalable, il convient de souligner que les substances et produits non autorisés – en particulier les résidus de pesticides et d’insecticides – sont très rarement présents dans les produits biologiques et, lorsqu’ils le sont, c’est en quantité très faible à la suite d’une contamination généralement accidentelle. C’est ainsi qu’au Danemark, la part des échantillons de végétaux contenant des pesticides oscille entre 0% et 1,6% en moyenne par an, soit un niveau extrêmement bas. Plus précisément, il apparaît que les échantillons de légumes sont, toutes proportions gardées, bien plus souvent contaminés (jusqu’à 5,2% en 2012) que les fruits (où jamais un résidu de pesticide n’a été trouvé depuis 2008). De plus, lorsqu’un organisme de contrôle détecte de tels résidus dans un produit bio, il cherche à en savoir la provenance et, le plus souvent, découvre que la contamination est accidentelle. Généralement, elle a pour origine les produits utilisés sur les parcelles conventionnelles voisines ou des conditions de transport et de stockage impropres ayant mis en contact les produits bio avec des produits non bio. De même, en France comme dans les autres pays, les cas de fraude avérée sont très rares et affectent plus les détaillants, les intermédiaires et les transformateurs que les exploitants agricoles eux-mêmes.

Ces faits rappelés, il faut savoir que les règles européennes laissent une certaine marge de manœuvre dans les conséquences que tirent les organismes de contrôle de la présence, dans un produit bio, de résidus de produits et substances non autorisés. Or, votre rapporteur a pu constater que les pratiques des OC ne sont pas harmonisées au niveau européen et que la présence de tels résidus n’aboutit pas forcément au déclassement du produit concerné ni, a fortiori, à la décertification de l’exploitation.

En effet, aucun des organismes de contrôle auditionnés par votre rapporteur ne déclasse systématiquement un produit bio parce qu’il contient des résidus de substances ou produits non autorisés, pour autant toutefois que ces résidus ne dépassent pas des seuils qui, par ailleurs, peuvent varier selon les pays et, au sein de ceux-ci, selon les organismes de contrôle. En France, Ecocert a défini une stratégie à plusieurs niveaux, par ailleurs cohérente avec celle des autres OC français, qui peut être schématisée comme suit :

– si le résidu est inférieur à 10 particules par milliards (ppb), le produit sera considéré comme bio ;

– si le résidu est compris entre 10 et 20 ppb, le produit sera considéré comme bio, sauf si la contamination était évitable ;

– si le résidu est compris entre 20 ppb et la limite maximale réglementaire (LMR) pour le produit ou la substance non autorisé concerné, le produit sera considéré comme non-bio, sauf si la contamination était inévitable ;

– enfin, si le résidu est supérieur à la LMR, non seulement le produit ne sera pas commercialisable mais Ecocert avertira la DGCCRF.

Par conséquent, au-dessus d’un seuil de 10 ppb, qui représente le seuil de détection des résidus compte tenu de la marge d’erreur, et jusqu’à la LMR, qui interdit toute commercialisation si elle est dépassée, un produit peut être considéré comme bio et étiqueté comme tel malgré la présence de résidus d’un produit ou d’une substance non autorisé. La décision du certificateur se fonde alors sur le caractère évitable ou non de la contamination, lequel est déterminé après des investigations sur l’origine de celle-ci.

C’est la même stratégie qui est, peu ou prou, appliquée par le Danemark. Emanation du ministère de l’agriculture, la division « Agriculture biologique » de l’Agence danoise de l’agriculture et de la pêche est le seul certificateur dans ce pays où les contrôles sont publics ; toutefois, elle refuse d’appliquer un seuil contraignant en matière de déclassement afin de pouvoir tenir compte de l’ensemble des éléments de faits et, notamment si la contamination est accidentelle ou non. C’est seulement en cas de fraude avérée que le déclassement est systématique, quelle que soit l’importance des résidus.

En revanche, la stratégie polonaise en matière de résidus apparaît moins claire et les différents interlocuteurs rencontrés par votre rapporteur, qu’ils appartiennent au ministère de l’agriculture ou à des organismes de contrôle, ont tenu un discours parfois contradictoires, laissant penser que les règles en matière de résidus sont fluctuantes et laissées à la seule appréciation des OC sans réelle supervision. Il est frappant que l’un des OC se soit plaint des interventions récurrentes de l’inspection de la qualité des produits agricoles et alimentaires (IHJARS) du ministère de l’agriculture alors que l’autre, au contraire, ait regretté que ce dernier ne donne pas de consigne ni n’établisse de lignes directrices, en particulier s’agissant des seuils.

Toutefois, même si les produits bio peuvent parfois contenir des résidus de pesticides et d’insecticides, il faut souligner que non seulement c’est très rare mais surtout que les quantités sont infimes puisque ces résidus ne représentent que 10 ou 20 particules par milliard, soit un taux de contamination de 0,00000001% ou 0,00000002%.

La rareté des résidus de produits et substances non autorisés comme les faibles quantités de ceux-ci dans les produits bio prouvent à la fois l’efficacité des contrôles et le sérieux des différends acteurs de la filière biologique, à commencer par les exploitants. Pourtant, ce n’est pas suffisant pour la Commission européenne qui, dans sa proposition de règlement, soutenait que seul un seuil contraignant serait de nature à définitivement rassurer les consommateurs. Celui-ci, fixé en référence à ceux de la directive 2006/125/CE concernant les préparations à base de céréales et les aliments pour bébés destinés aux nourrissons et aux enfants en bas âge, entraînerait le déclassement de tout produit bio contenant des résidus représentant plus de 10 ppb.

Certes, ce seuil est celui actuellement appliqué par les organismes de contrôle français et de nombreux autres dans l’Union européenne mais, comme indiqué supra, il n’a rien de contraignant (sauf dans certains États-membres comme l’Italie, l’Espagne et la Belgique) et laisse une marge d’appréciation à ces derniers afin de tenir compte des circonstances de la contamination. C’est cette marge d’appréciation que souhaite supprimer la Commission. Si les intentions sont louables – garantir aux consommateurs de produit bio l’absence totale de résidus de produits et substances non-autorisés, l’attention de votre rapporteur a été attirée sur les conséquences redoutables d’un tel seuil pour l’avenir de l’agriculture bio autant que sur ses difficultés d’application.

En effet, un tel seuil fait peser sur toute la filière biologique et, en particulier, sur le producteur, une obligation de résultat alors qu’actuellement, ne pèse sur lui qu’une obligation de moyen : n’utiliser que des produits et substances autorisés en bio. Une telle transformation de ses obligations changerait également profondément la nature des produits biologiques : alors que ceux-ci se définissent aujourd’hui par leur mode de production, conforme à un cahier des charges excluant en principe les intrants chimiques de synthèse, ils le seraient demain par leur contenu même alors même que celui-ci, dans le cas des contaminations accidentelles, ne relève pas de la responsabilité du producteur.

Or, l’exploitant bio, comme le transformateur ou le détaillant si la contamination était découverte à leur niveau, supporterait désormais l’entière responsabilité d’une telle contamination, notamment financière. Le déclassement de sa production qui en découlerait l’obligerait à la vendre au prix du conventionnel alors même qu’il a les charges de l’agriculture biologique, sans que la responsabilité de la contamination ne soit établie ni même recherchée.

En outre, même si un seuil harmonisé mettrait un terme aux divergences de pratiques en matière de seuil de déclassement des organismes de contrôle européens, elle ne règlerait en rien les différences en matière de méthodes d’’échantillonnage, de prélèvement et d’analyse. Il est à craindre que, comme aujourd’hui, certains produits considérés comme bio dans un État-membre seraient déclassés à la suite d’un nouveau contrôle, notamment à l’initiative d’un transformateur qui importerait de la matière première agricole.

Bien que soutenue par certains États-membres, le Conseil européen a rejeté la proposition de règlement sur ce point et conservé le système actuel d’absence de seuils obligatoires pour le déclassement des produits bio, renvoyant sa réforme à un rapport que la Commission présenterait d’ici à fin 2020.

Votre rapporteur espère que cette position, conforme à la résolution précitée de l’Assemblée nationale, sera maintenue à l’issue de l’examen de cette proposition de règlement par le Parlement européen. En effet, un seuil obligatoire de déclassement, surtout fixé à un niveau aussi bas, ferait peser un risque majeur sur la pérennité de l’agriculture biologique. Alors que les exploitations bio sont, par définition, entourées d’exploitations conventionnelles, lesquelles représentent, on le rappelle, 94,6% de la SAU européenne, il n’est pas certain qu’elles pourraient longtemps assumer le risque de voir leur production déclassée pour d’infimes résidus de produits ou substances non autorisés, sans la moindre indemnisation, alors même qu’elles auront respecté l’ensemble des prescriptions du cahier des charges. Certes, ce dernier garantirait aux consommateurs des produits bio exempts de résidus mais le prix à payer pourrait être très élevé au sens propre : le prix des produits bio augmenterait en effet, en raison à la fois d’une production plus faible – les conversions étant découragées – mais aussi pour tenir compte du risque accru de déclassement. Pour limiter un pareil effet sur les prix et les conversions, il faudrait non seulement augmenter les aides mais aussi instituer un mécanisme d’assurance, pris en charge par l’État, aux frais du contribuable, à charge pour lui de se retourner ensuite vers le responsable de la contamination, à supposer que celui-ci puisse être identifié.

Les conséquences d’un seul contraignant à 10 ppb sur le développement de l’agriculture biologique sont telles qu’on peut raisonnablement se demander si celui-ci n’est pas supporté en sous-main par l’industrie des pesticides qui, malgré le paradoxe apparent de cette position, aurait trouvé dans celui-ci le moyen de faire peser une contrainte supplémentaire sur la production biologique, à même de décourager son maintien comme les conversions. En réalité, votre rapporteur est convaincu que la diminution des contaminations des produits bio par les produits et substances non autorisés (hors les cas de fraude avérée) ne résultera pas d’un seuil contraignant, comme le croit la Commission, mais d’une réduction générale de l’utilisation des pesticides et insecticides dans l’agriculture conventionnelle – objectif d’ailleurs poursuivi par le Danemark et la France avec les plans Ecophyto – et, à plus long terme, de l’accroissement de la surface agricole convertie au bio, laquelle, mécaniquement, diminuera les risques de contaminations accidentelles.

Votre rapporteur n’oppose pas l’agriculture biologique et l’agriculture conventionnelle, d’autant plus que cette dernière peut également, notamment via les signes de qualité, développer des pratiques qui, sur bien des points, se rapprochent de son cahier des charges. Il n’en reste pas moins que l’agriculture biologique, soucieuse par essence de réduire l’utilisation des intrants chimiques de synthèse et d’améliorer le bien-être des animaux, peut être une source d’inspiration pour l’agriculture conventionnelle qui, elle aussi, poursuit de tels objectifs.

En outre, si l’agriculture biologique offre des rendements moins importants que l’agriculture conventionnelle, c’est dans une proportion bien moindre que celle que soutiennent ses détracteurs. Par ailleurs, plusieurs études récentes ont au contraire montré que les rendements pouvaient, dans certains cas, être supérieurs. Par conséquent, l’agriculture conventionnelle peut s’inspirer des pratiques de l’agriculture bio sans pour autant sacrifier sa rentabilité.

Les cultures biologiques sont exposées aux mêmes menaces que les cultures conventionnelles, maladies, parasites ou ravageurs et, comme ces dernières, doivent être rentables pour le producteur et, par conséquent, lui offrir des rendements suffisants pour couvrir ses coûts de production et vivre de son travail. Or, comme indiqué supra, l’utilisation d’intrants extérieurs, en particulier les intrants chimiques de synthèse comme les pesticides et les insecticides et les engrais azotés est strictement encadrée, voire interdite, comme le sont d’ailleurs les OGM. Conformément aux principes rappelés par l’article 4 du règlement no 834/2007, le producteur bio doit donc s’appuyer sur des alternatives naturelles, notamment celles listées à l’article 12 du même règlement.

C’est ainsi qu’à défaut d’engrais azotés, la fertilité de sols est préservée et améliorée par la rotation annuelle des cultures, incluant notamment des légumineuses, et par l’épandage d’effluents d’élevage et de matière organique, de préférence compostés, provenant de la production biologique. Comme l’a expliqué l’ITAB dans une étude consacrée à la rotation des cultures (38), « elles sont une des clés de la réussite du système de production [bio]. Elles peuvent permettre de lutter contre les adventices en les maintenant à un niveau acceptable, de participer à la nutrition de la plante par la présence de cultures qui enrichissent le sol, d’améliorer la structure du sol et de lutter contre les ennemis des cultures en cassant les cycles des maladies et des ravageurs ». Si la rotation des cultures ne suffit pas à couvrir les besoins nutritionnels des plantes, l’épandage d’effluents, généralement du fumier, composté ou non, provenant en principe d’élevages biologiques, peut la compléter.

D’une manière générale, la lutte contre les ravageurs, les maladies et les mauvaises herbes, outre la rotation des cultures, passe avant tout par la prévention puisqu’une fois ceux-ci installés dans les cultures, les produits phytosanitaires sont à la fois peu nombreux à être autorisés en bio et peu efficaces. L’agriculteur bio a ainsi à sa disposition un arsenal de pratiques de bio-contrôle reposant sur les prédateurs naturels, le choix d’espèces et de variétés résistantes, les engrais verts… ; sont aussi mis en œuvre des techniques comme les filets de protection, l’utilisation de fortifiants pour les plantes (poudres de roches, extraits de prêle et d’ortie…) ou un travail du sol adapté. En matière d’élevage également, la prévention des maladies ne repose pas sur le traitement antibiotique préventif des animaux mais sur la sélection des races et des souches, des pratiques adaptées de gestion de l’élevage, en particulier une densité plus faible et l’accès obligatoire à l’extérieur, la qualité élevée des aliments, ainsi qu’un logement adapté offrant de bonnes conditions d’hygiène. En cas de maladie déclarée, les médicaments allopathiques vétérinaires ne sont autorisées que dans des conditions strictes et uniquement si des produits naturels (comme les plantes, les huiles essentielles ou encore l’homéopathie) ne sont pas appropriés.

Or, après des années d’utilisation massive des engrais, antibiotiques, pesticides et autres insecticides chimiques, le gouvernement et la profession agricole, prenant conscience de la nocivité de ses produits non seulement pour les consommateurs mais également et surtout pour les agriculteurs eux-mêmes, ont entrepris, à la suite du Grenelle de l’environnement, de poursuivre un objectif de réduction de l’usage de ces produits. C’est l’objet du plan Ecophyto 2018, lancé en 2008, qui vise à réduire de moitié, d’ici à 2018, l’usage des produits phytosanitaires dans l’agriculture française. Malheureusement, ce plan n’a pas rencontré le succès escompté et à moins de trois ans de l’échéance, l’objectif affiché en 2008 apparaît inatteignable. Pire encore, comme l’a constaté M. Dominique Pottier dans son récent rapport au Premier ministre (39), l’utilisation de ces produits est à peu près stable dans notre pays depuis 2008.

Le Danemark a, quant à lui, opté pour une autre voie que celle, basée sur le volontariat, choisie par la France. Non seulement il a lancé son premier plan contre les pesticides dès 1986 mais celui-ci incluait, dès l’origine, des taxes spécifiques dont le taux a été progressivement augmenté jusqu’à représenter une part très importante du prix final des produits phytosanitaires. Les taux ont encore été modifiés à partir du 1er juillet 2013, sur la base d’une modulation en fonction de la nocivité des produits, conduisant à dans certains cas à un quasi-décuplement du prix public des produits (40). Nonobstant cette dernière réforme pour laquelle le recul n’est pas suffisant, cette politique ne semble toutefois pas avoir eu plus d’effet que la politique française puisque la fréquence d’utilisation des pesticides, malgré des à-coups, n’a pas fondamentalement changé depuis les années 80.

Quant à la Pologne, elle n’a pas mis en œuvre de politique de réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires alors même que ceux-ci sont massivement utilisés par une agriculture polonaise très intensive car tournée vers l’exportation ; les seules mesures adoptées l’ont été pour réduire les risques de cette utilisation mais pas pour réduire l’ampleur de l’utilisation elle-même.

Ce constat de la stabilité – au mieux – de l’utilisation des produits phytosanitaires n’est guère encourageant et interpelle votre rapporteur. En effet, il est incompréhensible que l’usage des produits phytosanitaires ne diminue pas alors qu’ils ont fait la preuve de leur nocivité, à la fois pour la santé humaine et pour l’environnement. S’il est facile d’accuser le lobbying de l’industrie chimique de ce statu quo, il est plus probable que celui-ci repose avant tout sur la crainte des agriculteurs conventionnels à voir les rendements diminuer et avec eux leurs revenus en cette période de crise du monde agricole européen.

Or, l’expérience et le développement régulier de l’agriculture biologique montrent qu’il est possible de diminuer l’utilisation des intrants chimiques de synthèse sans que les rendements soient fortement impactés. Contrairement à l’opinion commune qui soutient que l’agriculture biologique est bien moins productive que l’agriculture conventionnelle, une « méta-étude » américaine (41), synthétisant les résultats de 115 études de 38 pays, portant sur 52 espèces végétales et couvrant trente-cinq années, a récemment que l’écart n’était en réalité que de 19,2% mais, surtout, qu’il pouvait être réduit à respectivement 9 et 8% en cas de recours aux cultures associées (plusieurs plantes cultivées sur la même parcelle) ou à la rotation des cultures.

Bien plus, une étude de l’Institut Rodale de Pennsylvanie (2011), comparant sur trente ans exploitations biologiques et conventionnelles de la province canadienne du Saskatchewan, montre que, après une période de transition de trois ans, les rendements biologiques ont égalé les rendements conventionnels. Qui plus est, elle démontre également que les cultures biologiques ont été plus résilientes que les cultures conventionnelles. Ainsi, les rendements de maïs biologique étaient de 31% plus élevé dans les années de sécheresse et même supérieurs à ceux des maïs OGM « tolérant à la sécheresse ».

Il va de soi que, malgré la multiplication des études, la question des rendements comparés de l’agriculture biologique et de l’agriculture conventionnelle est encore controversée et que l’objet du présent rapport n’est pas de la trancher. Votre rapporteur attire simplement l’attention sur le fait que l’agriculture biologique peut inspirer, par ses pratiques respectueuses de l’environnement, l’agriculture conventionnelle et celle-ci les concilier avec ses objectifs de performance économique, conciliation qui est justement l’objet du projet agro-écologique en France.

En effet, loin de s’opposer, l’agriculture conventionnelle et l’agriculture biologique pourraient se retrouver dans le projet d’agro-écologie lancé en 2012 par le ministre de l’agriculture, M. Stéphane Le Foll, visant à concilier performance économique et efficacité environnementale. C’est ainsi que ce projet, outre la réduction de l’utilisation des pesticides dans le cadre du plan Ecophyto précité, encourage les agriculteurs à leur préférer des méthodes de bio-contrôle (42) et s’agissant des animaux, à diminuer le recours aux antibiotiques vétérinaires. En d’autres termes, il soutient une agriculture raisonnée largement inspirée des pratiques de l’agriculture biologique, avec ce risque toutefois d’entretenir la confusion dans l’esprit du consommateur, notamment par le nouveau label HVE (Haute Valeur Environnementale).

La proposition de règlement présentée par la Commission européenne se donne comme objectifs d’augmenter la production biologique européenne sans remettre en cause la confiance des consommateurs. Or, concilier ces deux objectifs apparaît difficile, comme l’a déjà montré la controverse sur le seuil obligatoire de déclassement des produits bio pour cause de présence résidus de produits et substances non autorisés, qui a divisé l’ensemble des États-membres. Sans revenir sur cette question des résidus, que votre rapporteur a choisie de traiter comme un enjeu de la coexistence entre l’agriculture biologique et l’agriculture conventionnelle, il n’en reste pas moins que l’équilibre entre la confiance des consommateurs et les contraintes pesant sur les producteurs constitue lui aussi, en tant que tel, un enjeu majeur de l’agriculture biologique européenne, également visible à travers deux autres aspects de celle-ci : les règles relatives à l’élevage (1) et celles relatives aux contrôles (2).

Parmi les principes de la production bio, rappelés par le règlement no 834/2007, figure le respect d’ »  un niveau élevé de bien-être animal en respectant les besoins propres à chaque espèce ». Nombre de dispositions se rattachent à ce principe dans les pratiques d’élevage bio, parmi lesquelles :

– un accès permanent à des espaces de plein air ;

– une densité d’animaux d’élevage limitée ;

– l’interdiction de l’attache et de l’isolement des animaux ;

– une durée de transport réduite au minimum ;

– la réduction au minimum de toute souffrance, y compris la mutilation, pendant toute la durée de la vie de l’animal, notamment lors de l’abattage.

Ces règles peuvent également participer à la réalisation d’autres objectifs poursuivis par l’agriculture biologique, notamment en matière environnementale. Ainsi, une densité limitée d’animaux réduit le surpâturage, le tassement du sol, l’érosion ou la pollution causée par les animaux ou par l’épandage de leurs effluents. Votre rapporteur souligne également que ces règles, pour contraignantes qu’elles puissent apparaître, participent également à la performance des élevages.

Toutefois, parce que l’agriculture biologique est également une activité économique, elle doit nécessairement composer avec les contraintes de la production et accepter que les principes, si fondamentaux soient-ils, puissent avoir des exceptions. C’est le cas pour les intrants chimiques de synthèse (voir supra) comme pour le bien-être animal, en application du règlement no 889/2008 :

– l’accès à des espaces de plein peut ainsi être limité, notamment en raison des conditions climatiques (lors des mois d’hiver) ou en application de restrictions ou d’obligations relatives à la protection de la santé humaine ; s’agissant spécifiquement des volailles, il est admis qu’elles ne puissent avoir accès à l’extérieur qu’un tiers seulement de leur vie ;

– l’attache ou l’isolement des animaux sont interdits, à moins que ces mesures concernent des animaux individuels pendant une durée limitée et qu’elles soient justifiées par des raisons de sécurité, de bien-être ou vétérinaires ;

– la réduction au minimum de toute souffrance n’interdit pas que des opérations comme la pose d’élastique à la queue des moutons, la coupe de la queue, la taille des dents, l’ébecquage et l’écornage soient réalisées, de même que la castration ; cette dernière doit toutefois être accompagnée d’une anesthésie ou d’une analgésie suffisante.

Ces exceptions apparaissent nécessaires pour diverses raisons qui, d’ailleurs, ne sont pas seulement économiques. C’est notamment le cas pour les opérations susmentionnées. Ainsi, la coupe de la queue des moutons est dictée par des considérations d’hygiène et de santé de l’animal, afin de lui éviter des infections liées à la présence persistante de résidus d’excréments sous la queue. De même, l’écornage des bovins (ou l’ébecquage des volailles) vise à assurer la sécurité au quotidien de l’éleveur comme d’ailleurs celle des animaux, surtout en stabulation libre. Enfin, une exception à un principe peut parfois être nécessaire pour respecter un autre principe de l’agriculture biologique. Le recours aux antibiotiques est ainsi autorisé à la seule fin d’éviter toute souffrance à l’animal que les traitements naturels n’ont pu soulager.

Nécessaires et très encadrées, ces pratiques sont pourtant contestées par les associations de défense des animaux, notamment dans les pays d’Europe du nord comme le Danemark. Celles-ci font pression pour qu’elles soient interdites au niveau européen, en particulier s’agissant de la castration des porcelets ou, au minimum, réalisée grâce à une anesthésie ou une analgésie suffisante. Pourtant, la castration des porcelets est nécessaire pour des raisons gustatives : des effluves d’urine, de transpiration ou d’excréments, concentrées dans le gras de l’animal, peuvent en effet se retrouver dans les carcasses des porcs non castrés, les rendant ainsi impropres à la consommation.

Votre rapporteur souhaite qu’un jour, une alternative viable puisse être définitivement trouvée à la castration des porcelets mais s’insurge contre la tentation de confondre les sentiments humains et animaux (43). C’est ainsi que la castration des porcelets n’exigent les mêmes précautions qu’une opération chirurgicale pratiquée sur l’être humain, notamment parce qu’il existe des méthodes à la fois naturelles et efficaces qui, réduisant la souffrance de l’animal rendent inutile le recours à une anesthésie chimique. Votre rapporteur, éleveur de porcs bio depuis dix ans, a ainsi constaté qu’en mettant un porcelet la tête en bas, l’afflux de sang au cerveau agit comme une anesthésie permettant de l’opérer sans douleur apparente. Toutefois, une telle pratique devra faire l’objet d’études complémentaire avant d’être reconnue comme une alternative à l’anesthésie.

En définitive, dans la réforme en cours des règles européennes relatives à la production biologique, il convient d’être attentif à ne pas aggraver les contraintes sur les producteurs pour des raisons idéologiques, d’autant plus que ces règles sont, s’agissant du bien-être animal, d’ores et déjà très protectrices et bien au-delà des normes prévalant dans l’agriculture conventionnelle. D’une manière générale, votre rapporteur, comme il l’a déjà indiqué supra, s’inquiète que la règlementation, en agriculture biologique comme ailleurs, soit de plus en plus fixée par des instances éloignées des réalités du terrain et, parce qu’elles ignorent ces dernières, plus sensibles aux pressions de lobbys motivés avant tout par des combats idéologiques.

Aux termes de l’article 14 du règlement no 834/2007, les éleveurs bio doivent nourrir leurs animaux principalement avec des aliments pour animaux provenant de l’exploitation dans laquelle ils sont détenus ou d’autres exploitations biologiques de la même région. En effet, l’un des principes de la production biologique est « concevoir et gérer de manière appropriée des procédés biologiques en se fondant sur des systèmes écologiques qui utilisent les ressources internes au système ». C’est ainsi qu’une exploitation bio, dans l’idéal, devrait être autosuffisante, ses animaux étant nourris à partir de végétaux provenant de celle-ci et leurs effluents contribuant à faciliter leur croissance.

Plus précisément, le règlement no 889/2008 distingue entre les herbivores et les monogastriques (c’est-à-dire les porcs et les volailles) :

– s’agissant des herbivores, au moins 60% des aliments doivent provenir de l’exploitation ou d’exploitations bio situées dans la même région ;

– s’agissant des monogastriques, au moins 20% des aliments doivent provenir de l’exploitation ou d’exploitations bio situées dans la même région.

Ces dispositions peuvent apparaître contraignantes mais ne le sont pas réellement. En effet, l’agriculteur bio a toujours la possibilité de se fournir auprès d’autres exploitations biologique de la même région. Or, le terme « région » a été interprété de manière très large et, pour l’application de cette disposition, la région est en pratique le territoire national, que ce soit en France, au Danemark ou en Pologne. Une telle interprétation est nécessaire pour ne pas compliquer inutilement les conversions dans des régions où les exploitations bio, peu nombreuses, pourraient avoir des difficultés à satisfaire à la condition d’un approvisionnement régionale en cas pénurie affectant l’une d’entre elles.

Toutefois, malgré cette interprétation très large, il est parfois nécessaire d’importer massivement des aliments pour animaux d’autres États-membres, voire de pays tiers à l’Union européenne. C’est le cas notamment en France pour les tourteaux de soja en raison d’une production nationale insuffisante, l’essentiel de celle-ci étant destiné à l’alimentation humaine. Bien plus, aux termes de l’article 22 du règlement no 834/2007, lorsque l’exploitant est dans l’impossibilité de nourrir ses animaux avec des aliments biologiques, l’utilisation limitée d’aliments non-biologiques est autorisée. Cette dérogation a été plusieurs fois utilisée, notamment en cas de sécheresse, par exemple en 2011 en France pour permettre l’alimentation des animaux par du fourrage non bio.

La proposition de règlement de la Commission européenne renforce la part de l’alimentation des animaux provenant de l’exploitation elle-même ou d’exploitations situées dans la même région :

– à 90% pour les herbivores ;

– à 60% pour les monogastriques.

Ce renforcement en lui-même est a priori supportable pour les éleveurs à condition que la région soit toujours interprétée largement, afin d’éviter l’inconvénient mentionné supra pour les exploitations de régions administratives peu engagées dans l’agriculture biologique. Il est également de nature à décourager les importations d’aliments provenant de pays tiers à l’Union européenne. Toutefois, il ne faudrait pas que les éleveurs soient démunis en cas de pénurie temporaire d’aliments bio. La rédaction de l’article 17 du futur règlement sur les règles de production exceptionnelle en cas de catastrophe naturelle apparaît ainsi en retrait de celle de l’actuel article 22 précité.

Comme pour les règles relatives au bien-être animal, si votre rapporteur est favorable à une évolution vers une plus grande autosuffisance des exploitations biologiques, il attire toutefois l’attention sur les risques de pénurie qui, temporairement, peuvent contraindre les exploitations à se fournir à l’étranger, voire à utiliser des aliments non-bio. L’objectif louable poursuivi par la proposition de règlement doit s’accompagner de la souplesse nécessaire à un mode de production fortement dépendant des conditions climatiques.

Les règles très strictes applicables à la production biologique ne valent qu’en raison des contrôles systématiques dont elles font l’objet de la part d’organismes indépendants privés ou publics, sous la supervision d’autorités compétentes nationales et, au-delà, de la Commission européenne. Si certaines défaillances ont pu être mises en évidence, notamment par la Cour des comptes européenne, les contrôles sont globalement efficaces pour garantir aux consommateurs le respect du cahier des charges. Ils peuvent naturellement être améliorés et leurs défaillances corrigées mais à condition de ne pas remettre en cause la confiance du consommateur. Dès lors, la suppression du contrôle annuel obligatoire sur site de l’ensemble des exploitations biologiques, proposée par la Commission européenne, a divisé les États-membres et suscité une large opposition des producteurs.

Une fois qu’une exploitation biologique ou qu’un transformateur a été certifié (44), il n’en reste pas moins soumis à un ensemble de contrôles de la part de l’organisme de contrôle qu’il a choisi (45). Aux termes de l’article 65 du règlement no 889/2008, ces contrôles prennent deux formes :

– un contrôle annuel obligatoire sur site ;

– des contrôles inopinés sur la base d’une évaluation du risque de manquement aux règles applicables.

Dans les deux cas, l’organisme de contrôle a accès aux locaux ainsi qu’à toutes les pièces, notamment comptables, de l’opérateur. Aux termes de l’article 66 du même règlement, les opérateurs de la filière biologique ont en effet l’obligation d’établir une comptabilité matière permettant de s’assurer de la nature et de la quantité des produits utilisés dans la production ou la transformation. Ils peuvent également prélever des échantillons afin de détecter la présence de produits ou substances non autorisées en bio, qu’elle soit suspectée ou non.

Par conséquent, en incluant les contrôles inopinés, toutes les exploitations biologiques européennes sont moyenne contrôlées plus d’une fois par an, ce qui fait de l’agriculture biologique la plus contrôlée de toutes. Par exemple, dans le cadre des programmes de développement rural, seuls 5% des bénéficiaires sont contrôlés chaque année.

Votre rapporteur s’est intéressé à la pratique des contrôles au Danemark, en Pologne et en France et, en particulier, à l’analyse des risques faite par les organismes de contrôle de ces pays. Celle-ci repose globalement sur les mêmes critères de risques, parfois encadrés par des lignes directrices nationales (46), et s’intègre dans une stratégie annuelle des contrôles, inopinés ou non :

– le résultat des contrôles des années précédentes. Il va de soi qu’une exploitation ou un transformateur ayant été sanctionné pour manquement aux règles du cahier des charges fera l’objet de contrôles plus approfondis que celui qui n’a jamais été sanctionné ;

– la mixité de l’exploitation qui, pour tous les organismes de contrôle rencontrés par votre rapporteur, est un critère de risque important ;

– l’emplacement de l’exploitation, notamment le fait qu’elle soit entourée ou non par des parcelles exploitées en agriculture conventionnelle ;

– la situation particulière d’une filière qui peut, en elle-même, être facteur de risque. Par exemple, en cas de pénurie avéré de fourrage bio dans une région, par exemple à la suite d’une sécheresse, une attention plus grande sera portée à l’origine des aliments pour animaux.

Toutefois, si les critères pour évaluer les risques sont les mêmes, il n’en va pas de même pour la réalisation du contrôle et encore moins pour les conséquences à en tirer. En effet, sous réserve de lignes directrices nationales établies par l’autorité compétente, les OC d’un État-membre sont entièrement libres de leurs méthodes d’échantillonnage, de prélèvement et d’analyse. Elles peuvent donc varier entre OC d’un même pays et varient nécessairement entre les États-membres puisqu’il n’y a pas d’harmonisation européenne.

Or, le choix d’une méthode par rapport à une autre peut impacter fortement le résultat d’un contrôle, en particulier s’agissant des résidus de produits ou substances non autorisés. Comme l’a relevé le Comité européen des organismes certificateurs (EOCC) (47), les pratiques en matière d’échantillonnage diffèrent grandement entre les OC, à la fois en quantité et en qualité. Or, plus le nombre d’échantillons est élevé et plus il est prélevé correctement, et plus nombreux seront les résultats positifs. Cependant, prélever plus et mieux implique des coûts qui peuvent dissuader certains OC plus soucieux de leur rentabilité que de l’efficacité de leur contrôle.

C’est aux autorités compétentes nationales de prévenir ce genre de comportement en établissant, comme l’INAO en France, des lignes directrices pour la réalisation des contrôles. Toutes ne l’ont malheureusement pas fait et, pire encore, ne supervisent pas comme elle devrait le faire les organismes de contrôle. C’est ainsi que le rapport d’évaluation de l’Institut Thünen concernant les règles européennes relatives la production biologique (2013) a relevé de nombreuses défaillances dans la supervision des OC, en particulier s’agissant des audits sur site. Dans certains États-membres comme l’Autriche, l’Allemagne ou l’Espagne, l’autorité compétente en organise 4 ou 5 par an alors que dans d’autres, comme la Pologne, il n’y en a jamais. Quant à la Commission européenne, la Cour des comptes européenne, dans son rapport spécial no 9/2012 publié en 2012, a relevé que depuis dix ans, pas un seul audit des systèmes de contrôle des États-membres n’avait été réalisé.

Si le Danemark se distingue par un système de contrôle cohérent – puisque relevant de la seule Agence de l’agriculture et le pêche – rigoureux et parfaitement transparent, l’ensemble des résultats des contrôles étant accessible sur Internet, ce n’est pas le cas du système de contrôle polonais qui a pu, par le passé, connaître certains dysfonctionnements. Dans ce pays, la supervision des OC relève de l’Inspection de la qualité des produits agricoles et alimentaires (IHJARS) du ministère de l’agriculture. Le rôle de celle-ci n’est pas clair et votre rapporteur a entendu des discours contradictoires sur son influence dans les décisions des OC. Ce qui est certain, en revanche, c’est que les alertes lancées par les OC concernant les fraudes aux aides européennes n’ont pas été suivies d’effet et qu’un OC particulièrement critique a perdu son agrément dans des conditions discutables. Le fait que ces fraudes aient bénéficié à des personnalités influentes n’était pas de nature à favoriser une supervision efficace.

Toutefois, ces dysfonctionnements concernaient l’attribution des aides plus que l’infraction aux règles de production. Dès lors, il n’emportait pas à conséquence pour le consommateur puisque, justement, ces exploitations ne produisaient rien. Plus inquiétant est cependant la concurrence qui, en Pologne, règne entre les OC et la tendance des producteurs à choisir le plus conciliant, conduisant certains d’entre eux à relâcher leur contrôle pour garder leurs clients.

Au final, les scandales de faux-bio dans la production biologique sont très rares et, lorsqu’ils éclatent, concernent des exploitants isolés ou, au contraire, des réseaux internationaux. Ainsi la fraude connue sous le nom « Gatto con gli Stivali » et dévoilée en 2011 a porté sur environ 700 000 tonnes de faux produits biologiques. La fraude reposait sur des exploitations biologiques soumises au contrôle simultané (et à leur insu) de plusieurs OC, leur permettant de bénéficier de certificats pour une production bien supérieure à leur production réelle. La corruption d’employés du plus grand OC italien leur permettait en outre de gonfler encore leur production. Enfin, des certificats complaisants leur étaient vendus par des OC étrangers. Fort de ces certificats, elles se sont fournies en produits conventionnels, à la fois en Italie et en Roumanie, et les ont vendus dans 9 États-membres, dont la France, comme des produits biologiques.

Cette fraude « Gatto con gli Stivali » est exemplaire à plus d’un titre. Elle découle avant tout d’une faille majeure dans l’organisation du système de contrôle italien : outre la complicité active d’employés du principal OC italien, l’autorité compétente italienne n’avait pas connaissance que certaines exploitations biologiques étaient contrôlées simultanément par plusieurs OC, en contradiction avec l’article 27 du règlement no 834/2007 qui exige que « l’organisme de contrôle communique les résultats des contrôles effectués à l’autorité compétente ». La fraude a d’ailleurs été révélée par une opération du fisc italien. En outre, la fraude n’a pu prendre une telle ampleur qu’en raison des échanges toujours plus importants de produits biologiques au sein de l’Union européenne. Non seulement ceux-ci questionnent la nature même de la production biologique et de ses objectifs (voir supra) mais ils facilitent incontestablement la fraude. En effet, la fraude n’est pas tant dans la production elle-même de produits biologiques que dans la vente de produits conventionnels comme produits biologiques. Or, en multipliant les intermédiaires et les échanges entre pays européens, fondés sur des certificats rédigés dans des langues différentes, les contrôles sont plus difficiles et les possibilités de fraude plus nombreuses.

Toutefois, la fraude « Gatto con gli Stivali » ne doit pas masquer le fait que ce sont les importations de produits biologiques provenant de pays tiers à l’Union européenne qui concentrent la majorité des cas de non-conformité au cahier des charges. Selon un article récent de l’Expansion (48), parmi les 159 affaires de faux-bio relevées depuis 2005, les plus inquiétants ont été des baies roses de Madagascar aspergées de DDT (un insecticide toxique interdit en Europe), du jus de pommes turc ou des graines de lin chinoises gavés de pesticides, au-delà même des limites autorisées en agriculture conventionnelle, sans parler des abricots secs turcs « bourrés de pesticides » ou du riz américain certifié bio mais contenant des OGM. 

Comme l’ensemble des opérateurs de la filière biologique, la Commission européenne est parfaitement consciente qu’un mécanisme de contrôle efficace est fondamental pour la confiance du consommateur dans les produits bio. C’est pourquoi elle a entrepris, dans la proposition de règlement précitée, de renforcer leur efficacité et, dans le même temps, d’en réduire le coût, pourtant limité.

En effet, le coût des contrôles tel que facturé par les organismes de contrôle n’est pas très élevé. Ecocert, qui contrôle 65% du marché français, fait ainsi payer 395 euros en moyenne par an aux exploitants et 420 euros aux transformateurs. En Pologne, la facture s’établit en moyenne à 150 euros. Toutefois, selon le rapport Thünen précité, le coût total des contrôles, incluant les coûts de certification eux-mêmes mais également les coûts administratifs pour l’opérateur, s’établit entre 900 et 1 000 euros, soit environ 0,4% du revenu brut d’une exploitation et 1% du chiffre d’affaires d’un transformateur.

La Commission européenne considère toutefois que ces coûts sont trop élevés et pourraient être réduits sans nuire à l’efficacité des contrôles. C’est aussi la volonté de pays dans lequel les contrôles, parce qu’ils sont réalisés par une entité publique dépendante du ministère de l’Agriculture, pèsent directement sur le budget de l’État. Or, comme l’a calculé l’Institut Thünen, une part importante de ce coût découle de l’obligation de contrôle annuel sur site. Par conséquent, supprimer cette obligation et lui substituer des contrôles basés sur la seule analyse des risques que présente un opérateur permettrait à la fois d’alléger la charge pesant sur ceux qui ont le meilleur profil de risque et de concentrer les ressources sur ceux qui, a priori, sont les plus susceptibles d’enfreindre les règles. Non seulement l’efficacité des contrôles serait préservée mais, d’un point de vue global, cette réforme permettrait de réduire le budget consacré aux contrôles, tant pour les agriculteurs que pour, le cas échéant, les entités publiques précitées. Cette recommandation du rapport Thünen a été reprise par la Commission européenne dans sa proposition de règlement qui, effectivement, supprime l’obligation de contrôle annuel sur site.

La réforme proposée par la Commission européenne a profondément divisé les États-membres, sans d’ailleurs qu’une ligne de partage soit clairement identifiée. Ainsi, bien que les contrôles au Danemark soient le fait d’une entité publique, ce pays soutenait le statu quo, au contraire de l’Estonie. De même, de grands pays producteurs comme l’Allemagne, la France ou la Pologne rejetaient la proposition de la Commission tandis que d’autres, comme l’Espagne, plaidaient en sa faveur. Quant à votre rapporteur, sa position était celle du gouvernement français, soutenue d’ailleurs sur ce point par la résolution européenne précitée de l’Assemblée nationale.

En effet, l’analyse des risques est d’ores et déjà prise en compte dans le système actuel de contrôle de la production biologique, si bien que la réforme proposée n’apporte rien quant à l’efficacité des contrôles. En revanche, la suppression de l’obligation de contrôle annuel sur site présente un inconvénient majeur en privant la filière biologique d’un argument aisément compréhensible par le consommateur et fréquemment utilisé dans sa communication. Or, la littérature scientifique a depuis longtemps mis en évidence que la confiance du consommateur est corrélée à ce qu’il perçoit de la rigueur des normes et la régularité des contrôles mais également qu’il n’a qu’une connaissance limitée de ceux-ci. Par conséquent, à supposer même que l’analyse des risques ait la même efficacité seule que doublée de contrôle annuel obligatoire sur site, il n’en reste pas moins que l’effet de la suppression de ce dernier sur le consommateur pourrait être désastreux car prenant l’apparence d’un allègement des contrôles sur la filière biologique.

La suppression de l’obligation d’un contrôle annuel sur site a été d’autant plus mal perçue par la filière que les opérateurs, dans l’ensemble des États-membres, notamment en France, au Danemark et en Pologne, veulent des contrôles et ne les perçoivent pas comme une contrainte qu’il faudrait alléger au risque de nuire à la confiance du consommateur.

Dans ces conditions, votre rapporteur se félicite que le Conseil ait rejeté la proposition de la Commission sur ce point et adopté un compromis qui, sans être parfait, laisse la possibilité aux États-membres qui le souhaitent de maintenir l’obligation de contrôle annuel sur site. Le principe reste ainsi inchangé que l’ensemble des opérateurs doivent être contrôlés, sur site, au moins une fois par an, à l’exception, dûment justifiée par l’État-membre, des opérateurs présentant un risque faible et respectant les règles depuis au moins trois ans ; toutefois, même pour ces opérateurs, l’intervalle entre deux contrôles sur site ne devra pas excéder 30 mois.

Si ce compromis préserve l’essentiel, il n’en reste pas moins que sur ce point comme sur d’autres, la proposition de règlement, sensée harmoniser les pratiques divergentes des États-membres, notamment en mettant fin aux dérogations existantes, les a non seulement largement maintenues mais en a créées d’autres. Toutefois, c’est sur les États-membres que pèse la responsabilité de ce recul plus que sur la Commission européenne elle-même, preuve s’il en était besoin que ceux-ci n’ont pas la même vision ni les mêmes intérêts dans l’élaboration des règles relatives à la production biologique.

La recherche est fondamentale en agriculture biologique car celle-ci est un mode de production global dont les besoins ne peuvent être satisfaits par la simple substitution de produits alternatifs aux intrants chimiques de synthèse utilisés en agriculture conventionnelle. L’effort de recherche doit donc porter sur des domaines variés qui sont tous liés entre eux, compliquant l’organisation d’une recherche éclatée entre de multiples organismes et soumise à une forte contrainte réglementaire et économique. L’action de coordination de l’Union européenne – à travers les projets de recherche européens – est réelle mais encore insuffisante, comme l’effort de recherche lui-même, par ailleurs inégalement réparti entre les États-membres (1). En outre, la recherche en matière de semences biologiques présente des enjeux spécifiques découlant de l’utilisation de certaines techniques dont la conformité avec le cahier des charges est discutée (2).

Jusqu’aux années 80, la recherche en agriculture biologique était essentiellement le fait d’instituts privés. C’est seulement à cette époque que les universités inclurent l’agriculture biologique dans leurs projets de recherche et dans les années 90 que les premiers projets de l’Union européenne contribuèrent à une meilleure coordination entre chercheurs européens, tout en incitant un nombre croissant d’instituts nationaux à participer aux projets qu’elle cofinance.

S’agissant de l’Union européenne, les projets ont été financés via les différends programmes-cadres de recherche dont le 7ème s’est achevé en 2013. Au total, selon un récent rapport de la Commission européenne (49), l’Union européenne a financé, entre 2000 et 2011, plus de 50 projets de recherche en pour un montant total de 150 millions d’euros, soit environ 7,5% total des crédits européens consacrés à la recherche dans le domaine agricole.

Ce montant – limité en lui-même, pourrait en plus être surestimé et ce, pour deux raisons : d’une part, ces 150 millions d’euros ont financé des projets qui, parfois, ne concernaient pas uniquement l’agriculture biologique, d’autre part, sont financés par la Commission européenne des projets portant sur l’amélioration de l’information disponible concernant le marché des produits biologiques (OrganicDatanetWork) ou encore le projet « Certcost » consistant en une analyse économique du système de certification des opérateurs de la filière biologique. Or, pour votre rapporteur, aussi utiles soient-ils, ces projets ne sont pas de la recherche stricto sensu en ce que leur objet et leurs résultats ne visent pas – ou très indirectement – à améliorer les conditions de la production biologique en répondant aux multiples défis que les agriculteurs rencontrent au quotidien dans leur exploitation.

Néanmoins, même s’il est surestimé, il est évident que l’effort de recherche en faveur de l’agriculture biologique est bien plus important que 150 millions d’euros sur dix ans dès lors que la contribution des États-membres est prise en compte. Or, celles-ci sont difficilement mesurables en raison de l’éclatement de la recherche entre de multiples projets et organismes de statut différent :

– des universités dont la plus importante est celle de Kassel en Allemagne, la seule en Europe à avoir une faculté des sciences de l’agriculture biologique ;

– des organismes publics dont les plus importants sont le Thünen Institute (Allemagne), l’ICROFS (Danemark) et le réseau EPOK (Suède) ;

– des organismes privés parmi lesquels l’Institut de recherche en agriculture biologique (FiBL), partagé entre la Suisse, l’Allemagne et l’Autriche, l’Organic Research Center Elm Farm (Royaume-Uni) ou encore le Louis Bolk Institute (Pays-Bas).

Ces organismes de recherche définissent généralement seuls leurs priorités de recherche même si celles-ci peuvent être orientées par des programmes nationaux de recherche et, surtout, par les appels à projet de la Commission européenne. Ceux-ci jouent en effet un rôle essentiel dans la coordination et la priorisation de l’effort de recherche européen en matière d’agriculture biologique, notamment le projet CORE Organic, lancé en 2004, reconduit en 2007 (CORE Organic II) et une dernière fois en 2014 (CORE Organic Plus). Coordonné par l’organisme de recherche danois ICROFS, le budget total des onze projets financés par le cadre de CORE Organic Plus s’élève à 11 millions d’euros, dont seulement 3 millions sont fournis par l’Union européenne, ce qui donne la mesure de l’effet de levier des cofinancements européens.

L’analyse de ces onze projets permet de mieux percevoir les priorités actuelles de la recherche telle que définie par l’Union européenne ainsi que l’implication très variable des différents États membres. Les axes de recherche, définis dès le lancement des appels à projets, sont les suivants :

– l’interaction entre le sol et les plantes ;

– le rôle de la biodiversité dans la gestion des maladies, des ravageurs et des mauvaises herbes ;

– les systèmes de gestion de la santé des animaux, incluant l’alimentation ;

– le contrôle de la qualité et de la sécurité des produits biologiques tout au long de la chaîne de production

Les onze projets s’intègrent dans ces axes qui portent à la fois sur la production, tant végétale qu’animale, que sur la transformation et le conditionnement des produits biologiques. Bien que d’intérêt commun, la participation des différents organismes de recherche nationaux à ces projets est très variable Si dix-sept pays participent à au moins un projet, les trois pays les plus impliqués, sont l’Allemagne, le Danemark et la Suède. Ces trois pays, avec l’Italie, coordonnent par ailleurs neuf des onze projets. En revanche, la France, si elle participe à sept projets (soit autant que le Danemark mais moins que la Suède et l’Allemagne), n’en coordonne aucun. D’une manière générale, tous les principaux pays producteurs bio participent très largement aux projets européens, à l’exception du premier d’entre eux : l’Espagne qui, avec trois participations, est au niveau de l’Estonie ou de la Belgique. Même si un pays peut préférer lancer ses propres projets, la non-participation aux projets européens est un indicateur relativement fiable de l’importance que celui-ci accorde à la recherche en agriculture biologique.

Le cas du Danemark est exemplaire. Petit pays, il participe pourtant autant que la France aux projets européens et, par l’intermédiaire d’un organisme de recherche dédié – l’ICROFS, il a défini ses propres priorités de recherche en matière d’agriculture biologique. Le programme Organic RDD 2 (2014-2018), doté de 12 millions d’euros (comme le premier programme Organic RDD) apportés par le ministère de l’agriculture, finance ainsi dix projets basés sur les recommandations énoncées en 2012 par l’ensemble des parties prenantes de la production biologiques, y compris des agriculteurs. Il n’est donc pas étonnant que ces projets soient bien plus ciblés que les projets européens, plus orientés vers la recherche fondamentale, et visent à résoudre des problèmes que rencontrent au quotidien les exploitants, par exemple la réduction de la mortalité des porcelets nouveau-nés.

Le partage des rôles entre des projets européens centrés sur la recherche fondamentale et des projets de recherche nationaux plus proches des préoccupations des agriculteurs bio est très certainement schématique mais pour réducteur qu’il soit, il montre une direction qui pourrait être utilement explorée tant par les instances européennes que par les organismes de recherche nationaux. Toutefois, si elle devait être suivie, il faudrait alors résoudre le problème posé par la diffusion des résultats de cette recherche nationale, problème qui existe déjà à l’heure actuelle et pas seulement pour la recherche « officielle ». En effet, votre rapporteur insiste sur le fait que les agriculteurs bio sont les premiers chercheurs : confrontés au quotidien aux nombreux défis posés par le mode de production biologique, il leur faut expérimenter sans cesse afin de trouver des solutions immédiatement applicables dans leur exploitation. Faire connaître leurs découvertes et les partager avec les autres agriculteurs, par exemple via les contrôleurs des organismes certificateurs, est un enjeu qui, à l’heure actuelle, n’est pas réellement perçu.

Au final, l’enjeu de la recherche est fondamental pour l’agriculture biologique, à la fois dans les sommes qui lui sont consacrées que dans la diffusion de ses résultats dans les exploitations. Il l’est même plus qu’en agriculture conventionnelle puisque, si les objectifs sont globalement les mêmes, ils sont contraints dans leur réalisation par le cahier des charges. Toutefois, pour fondamental qu’il soit pour l’ensemble de l’agriculture bio européenne, l’enjeu de la recherche n’est pas également perçu par les États-membres, notamment par le premier producteur européen : l’Espagne.

La recherche en agriculture biologique dans l’Union européenne, bien que significative, est très certainement insuffisante compte tenu des besoins de celle-ci ; votre rapporteur souligne également qu’elle est quasi-exclusivement le fait d’organismes publics de recherche ou d’organismes privés financés par des subventions publiques, nationales ou européennes.

Le principal obstacle à la recherche privée en agriculture biologique est, très prosaïquement, l’absence de débouchés à la hauteur des investissements que les entreprises doivent consentir pour obtenir des résultats. En effet, malgré son développement très rapide, l’agriculture biologique ne représente encore que 5,4% de la SAU européenne et une part encore moins importante s’agissant des animaux d’élevage. Le marché pour une innovation ciblée sur la production biologique est donc étroit. Il l’est d’autant plus que les innovations pourraient se heurter aux dérogations existantes. Pourquoi, par exemple, les producteurs paieraient-ils très cher une alternative au cuivre, non biodégradable et qui endommage les micro-organismes du sol, pour protéger les vignes du mildiou alors qu’il est possible d’utiliser jusqu’à 6 kg de cuivre par an et par hectare (en France). L’existence même de dérogations, nécessaires en raison de l’absence d’alternatives, est un obstacle majeur à la recherche de celles-ci.

À cet obstacle économique tenant à l’absence de débouché susceptible de permettre de rentabiliser l’effort de recherche, il faut ajouter l’obstacle de la règlementation, à la fois pour les végétaux et les animaux.

Le premier exemple est la règlementation autorisant l’utilisation des produits et substances en agriculture biologique. En effet, ce n’est pas tout de découvrir une alternative biologique, par exemple, aux intrants chimiques de synthèse dans les cultures, encore faut-il que celle-ci puisse être réellement utilisée par les exploitants. Or, elle ne sera possible qu’à l’issue d’une procédure comportant trois étapes successives :

– la première est l’approbation par l’Union européenne, via une évaluation de la Commission européenne et un vote des États membres dans le cadre du Comité Permanent de la Chaîne Alimentaire et la Santé Animale d’une substance au sens du règlement (CE) n°1107/2009 du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques ; la substance active peut alors être insérée dans le règlement d’exécution no 540/2011 du 25 mai 2011 ;

– une fois l’approbation européenne obtenue, il faut que le produit contenant cette substance bénéficie d’une autorisation de mise sur le marché (AMM). Celle-ci est accordée par les autorités compétentes de chaque État-membre, selon les procédures nationales en vigueur, et ne vaut que pour la distribution, la commercialisation et l’utilisation du produit sur son territoire ;

– enfin, pour être utilisé dans la production biologique, la substance doit être inscrite dans l’annexe II du règlement (CE) n°889/2008 précité qui liste l’ensemble des substances actives des produits phytopharmaceutiques autorisées en agriculture biologique. Le dossier est instruit au niveau européen par l’EGTOP (Expert Group Technical advice on Organic Production) qui transmet ses recommandations à la Commission européenne qui, le cas échéant, élabore un projet de règlement. Celui-ci est discuté entre les États-membres au sein du SCOF (Standing Comitee of Organic Farming) et, en cas d’avis favorable, l’annexe II sera modifiée conformément au projet de la Commission.

La procédure d’homologation d’une substance pour une utilisation en agriculture biologique est ainsi particulièrement longue, complexe et coûteuse puisqu’à chacune des trois étapes, il faut convaincre les autorités compétentes et fournir l’ensemble des informations nécessaires prouvant à la fois l’innocuité du produit pour la santé humaine et animale ainsi que ses bénéfices pour les cultures.

Toutefois, une procédure simplifiée est prévue pour une catégorie particulière de substances appelées « substances de base ». Celles-ci sont définies par le règlement no 1107/2009 comme des « substances, principalement non utilisées comme des produits phytopharmaceutiques, mais qui sont utiles pour la protection des végétaux et dont l’intérêt économique pour faire approuver ces substances peut être limité ». Une fois approuvées au niveau européen, elles peuvent être utilisées dans l’ensemble des États-membres sans AMM. 

Or, les substances de base sont particulièrement intéressantes en agriculture biologique. C’est le cas, par exemple, des extraits naturels non transformés comme l’ortie, la prêle, ou encore le vinaigre. Toutefois, même considérées comme substances de base, ces produits devront encore être intégrés dans l’annexe II au règlement no 889/2008 pour être utilisée par les exploitants. Or, cette étape peut être particulièrement longue. Ainsi, la laminarine, glucane naturel extrait d’une algue brune qui permet de lutter contre la tavelure du pommier, autorisée depuis 2005 par l’Union européenne, n’a été intégrée dans l’annexe II qu’en 2014.

Le deuxième exemple de l’obstacle que peut constituer la règlementation à la recherche en agriculture biologique concerne spécifiquement la santé animale. Aux termes de l’article 14 du règlement no 834/2007, les animaux malades sont traités de préférence par des produits phytothérapeutiques, homéopathique et, plus généralement, par des produits naturels alternatifs aux médicaments allopathiques de synthèse et aux antibiotiques. Ceux-ci ne sont ainsi autorisés en bio qu’en ultime recours, lorsque les autres produits ont échoué à soigner les animaux.

Toutefois, votre rapporteur a eu son attention attirée sur le cas des produits phytothérapeutiques, c’est-à-dire les substances à base de plantes, par exemple les huiles essentielles, les teintures mères, l’oléorésine... Des expériences, menées par des éleveurs sur leurs troupeaux et relayées par l’Institut de recherche en agriculture biologique (ITAB), ont ainsi mis en évidence l’effet positif de soins à base de plantes sur la santé animale, en particulier des bovins. Or, l’utilisation de ces produits à des fins thérapeutique exige une AMM qu’ils n’ont aucune chance d’obtenir en raison du coût de la procédure et du désintérêt de l’industrie pharmaceutique pour ces produits, concurrents potentiels des médicaments allopathiques de synthèse et des antibiotiques.

L’automédication étant interdite, la seule possibilité pour les éleveurs de pouvoir valablement les utiliser est l’article L. 5143-4 du code de la santé publique qui autorise les vétérinaires à prescrire des produits ne disposant pas d’AMM, en ultime recours, lorsqu’aucun autre médicament n’est approprié. Or, cette possibilité n’en est pas réellement une car les vétérinaires sont rarement sensibilisés et formés à la phytothérapie et ont toujours, par ailleurs, la possibilité d’utiliser en agriculture biologique les médicaments allopathiques de synthèse et des antibiotiques.

L’exemple des produits phytothérapeutiques résume ainsi l’ensemble des enjeux de la recherche en agriculture biologique. N’intéressant pas les entreprises privées, la recherche en la matière repose essentiellement sur les expériences menées par les éleveurs, lesquelles se heurtent à une réglementation contraignante et à l’existence de dérogations au profit des médicaments vétérinaires classiques. Il met aussi en évidence que la recherche, notamment dans le domaine de la santé animale, peut être vaine sans un effort de pédagogie permettant que ses résultats puissent être mis en œuvre dans les exploitations.

Si le règlement no 834/2007 impose l’utilisation de semences biologiques pour la production végétale biologique, l’article 45 du règlement no 889/2008 autorise les États-membres, en cas d’indisponibilité, à permettre l’utilisation de semences non biologiques à la condition toutefois qu’elles n’aient pas été traitées avec des produits et substances non autorisés en bio.

En pratique, il appartient à chaque État-membre de créer une base de donnée informatisée récapitulant la liste des semences biologiques disponibles sur son territoire. En France, la gestion de cette base de données a été déléguée depuis 2003 à un organisme privé : le groupement national interprofessionnel des semences (GNIS). Au Danemark comme en Pologne, cette base est gérée par le ministère de l’agriculture. Toutefois, quel que soit le pays, elle fonctionne de la même manière : c’est seulement si une variété n’est pas indiquée comme disponible que l’exploitant peut demander à bénéficier d’une dérogation pour utiliser des semences non bio non traitées. Par conséquent, les dérogations sont directement liées à la disponibilité ou non de telle ou telle variété, disponibilité qui peut d’ailleurs varier selon les années et les pays. D’une manière générale, trois cas sont possibles :

– les espèces « hors dérogations » : ce sont les espèces pour lesquelles de nombreuses variétés sont disponibles en bio. Aucune dérogation n’est en principe possible, sauf exception dûment motivée ;

– les espèces « à gestion particulière » : ce sont les espèces pour lesquelles de nombreuses variétés sont disponibles en bio mais sans justifier l’interdiction des dérogations Une dérogation est donc possible mais les OC, qui ont également accès la base de données, sont sensés contrôler les exploitants ayant utilisé une telle dérogation afin d’éviter les abus ;

– enfin, les espèces pour lesquelles la disponibilité des variétés en bio étant insuffisante, une dérogation générale à l’utilisation des semences bio peut alors être accordée.

Le graphique suivant, issu du rapport de l’Institut Thünen précité, retrace l’utilisation des dérogations, en 2011, par huit États-membres pour trois espèces : les pommes de terre, le maïs et le blé.

Ce graphique montre que les dérogations sont massivement utilisées, parfois même pour la totalité des semences d’une espèce. Selon l’Institut Thünen, qui a étudié douze États-membres, seuls deux d’entre eux – la France et les Pays-Bas – ont des espèces « hors dérogations ». A l’inverse, des dérogations générales sont aujourd’hui appliquées dans la moitié des États-membres étudiés, y compris la France. D’une manière générale, la disponibilité des variétés en bio et son corollaire, l’ampleur des dérogations, varient très fortement selon les pays, atteignant par exemple 4 000 variétés pour 600 espèces au Royaume-Uni.

Une telle situation est incontestablement préjudiciable à la confiance du consommateur, à supposer qu’il ait conscience que dans de nombreux cas, la variété du légume ou du fruit qu’il consomme n’est pas biologique, et qu’il lui attache de l’importance. Il n’en reste pas moins que sur le plan des principes, elle n’est pas satisfaisante et la Commission a entrepris d’y remédier en proposant de supprimer, à compter du 31 décembre 2021, toute possibilité d’utiliser des semences non biologiques dans l’agriculture biologique.

La suppression annoncée de la dérogation à l’utilisation des semences biologiques, même avec un délai courant jusqu’au 31 décembre 2021, suscite une inquiétude générale dans l’Union européenne. En effet, compte tenu de l’ampleur des dérogations actuelles, conséquence de la non-disponibilité de nombreuses variétés en bio, seul un effort de recherche considérable est susceptible d’empêcher un blocage de la production végétale bio à cette date. La fin de la dérogation présente toutefois un avantage : tant qu’elle est en vigueur, les semenciers ne sont pas incités à investir dans la sélection ou la création de variétés adaptées à l’agriculture biologique, faute d’un débouché assuré. C’est maintenant le cas et votre rapporteur espère qu’ils investiront à la hauteur de l’enjeu que constituent les semences pour l’avenir de l’agriculture biologique.

Est une semence bio la semence produite selon le mode de production biologique. Dès lors, elle ne peut être obtenue à partir d’une manipulation génétique, compte tenu de l’interdiction générale des OGM en bio.

La création de variétés adaptées à l’agriculture biologique présente donc un défi particulier en raison de cette interdiction et, surtout, du fait que l’utilisation de certaines techniques qui pourraient être considérées comme des manipulations génétiques.

La technique qui fait actuellement d’un large débat au sein du mouvement biologique est celle de la stérilité mâle cytoplasmique (CMS), largement utilisée par les semenciers pour des raisons économiques. Elle exige quelques explications scientifiques. La plupart des espèces végétales sont à la fois mâle et femelle et se reproduisent en s’autofécondant : les ovaires contenant des ovules, fécondées par le pollen, se transforment en graine. Or, pour créer une nouvelle variété hybride et bénéficier de l’effet d’hétérosis, c’est-à-dire l’augmentation de sa performance par rapport aux lignées pures issues de la sélection par autoreproduction, il faut croiser deux parents, l’un mâle et l’autre femelle en empêchant que cette dernière s’autoféconde via l’émission de pollen. Il faut donc « castrer » ce parent femelle qui devient alors « mâle-stérile ».

Les procédés mécaniques, chimiques ou manuels de « castration » sont coûteux et pas toujours efficaces (50). Les semenciers ont donc eu l’idée d’utiliser une propriété qui se trouve naturellement chez de nombreuses plantes sauvages (comme l’edelweiss, le thym et le raifort) ou cultivées (comme l’artichaut, le radis ou la carotte) et les empêche de produire du pollen fertile et, donc de s’autoféconder : la stérilité mâle. Toutefois, parce que cette propriété n’existe pas pour toutes les espèces, l’introduire dans une qui ne la contient pas - afin de créer une nouvelle variété de celle-ci – exige de recourir à une manipulation appelée fusion cytoplasmique. Cette opération consiste à fusionner, par exemple, un noyau cellulaire de brocoli avec du plasma cellulaire de radis contenant la stérilité mâle afin de créer, in fine, un brocoli hybride.

Cette technique désormais largement utilisée en agriculture conventionnelle, l’est également en agriculture biologique. On lui doit notamment de nouvelles variétés de choux, d’endives et de poireaux. En effet, la CMS n’est pas considérée comme une manipulation génétique au sens de la directive no 2001/18 du 12 mars 2001 relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement puisque le noyau cellulaire reste intact. En effet, l’information relative à la stérilité mâle n’est pas portée par les chromosomes du noyau cellulaire mais se trouve dans l’ADN des mitochondries présentes dans le cytoplasme de la cellule. En outre, la stérilité mâle ne peut se répandre dans la nature puisque le pollen produit est, par définition, stérile. Il n’en reste pas moins que, pour ses détracteurs, le fait que l’information génétique se trouve sur les mitochondries et non sur les chromosomes ne change rien au fait que l’hybride ainsi produit comporte une information génétique provenant d’une autre espèce, faisant de lui un OGM. 

Le débat est donc loin d’être clos et, même autorisées par le cahier des charges européen, les espèces bio obtenues par la CMS font aujourd’hui l’objet d’un traitement différent au sein de l’Union européenne. En effet, de nombreux opérateurs européens, appliquant la motion adoptée par l’IFOAM en 2008 et considérant la CMS comme une manipulation génétique incompatible avec les principes de l’agriculture biologique, refusent les légumes de variété CMS. C’est le cas notamment du cahier des charges de Déméter, de Naturland et de Bioland. On retrouve ici le risque, identifié supra, d’une agriculture biologique à plusieurs vitesses selon l’interprétation plus ou moins stricte de ses principes et du cahier des charges européens.

Votre rapporteur, qui n’est pas scientifique, n’a pas de position tranchée sur la question spécifique de l’utilisation de la CMS en agriculture biologique. Il est toutefois convaincu que sans recherche, il ne sera pas possible d’accompagner la croissance de l’agriculture biologique qui, plus que l’agriculture conventionnelle, a besoin de variétés adaptées à son mode de production. Par conséquent, il refuse d’exclure a priori toutes techniques nouvelles et plaide au contraire pour un développement contrôlé de celles-ci, à condition toutefois qu’elles ne soient pas manifestement incompatibles avec les principes de la bio.

Si l’Union européenne s’est saisie de la production biologique dès 1991 en lui imposant des règles communes, c’est non seulement pour assurer le développement de celle-ci mais également pour garantir des conditions de concurrence équilibrées entre les producteurs européens. Dans l’esprit de la Commission européenne, l’un ne va d’ailleurs pas sans l’autre, la concurrence permettant d’améliorer l’efficacité d’un marché et, par la baisse des prix qui en découle, de stimuler la demande et, in fine, d’augmenter l’offre.

Toutefois, sans revenir sur cette question déjà évoquée supra, la circulation des produits bio au sein de l’Union européenne ne va pas de soi et, idéalement, des circuits courts de distribution devraient ancrer leur consommation dans les territoires même de leur production, afin notamment de limiter l’impact environnemental des échanges. C’est cependant un fait que le bio est aujourd’hui un marché d’envergure européenne, voire mondiale et que le développement de celui-ci est allé de pair avec l’allongement des circuits de distribution.

C’est pourquoi il a fallu des règles communes. Toutefois, l’application de celles-ci par les différents États-membres montre de nombreuses divergences. En outre, les importations de produits bio obéissent à des règles particulières qui peuvent parfois s’éloigner des règles européennes, pour autant que la Commission européenne puisse valablement les contrôler (1).

La conséquence de telles divergences, tant dans l’application des règles que dans les règles elles-mêmes, est le risque de distorsion de concurrence entre producteurs européens d’une part, et entre producteur européen et producteurs des pays tiers, d’autre part. Consciente de ce risque, la Commission européenne a entrepris de le conjurer avec sa proposition de règlement. Toutefois, sa volonté d’une plus grande harmonisation s’est heurtée à l’opposition des États-membres, reflet de leurs pratiques comme de leur vision différente de ce qu’est la production biologique (2).

Le règlement no 834/2007, comme le règlement no 2092/91 auquel il s’est substitué, a pour objet d’établir un cahier des charges applicable dans tous les États-membres de l’Union européenne. C’est ainsi que l’ensemble des opérateurs de la filière biologique, depuis l’exploitant jusqu’au détaillant en passant par les transformateurs, doivent en appliquer les règles et principes. Toutefois, force est de constater que, bien que constituant un corpus unique, les règles actuelles ne sont pas appliquées de manière uniforme au sein de l’Union européenne. Non seulement les interprétations qu’en donnent les États-membres diffèrent mais ils utilisent à plein les marges de manœuvre que celles-ci leur laissent, notamment s’agissant de la mise en œuvre des dérogations.

S’appuyant sur le rapport Thünen précité mais également sur ses propres informations, votre rapporteur a ainsi pu constater l’ampleur des divergences d’interprétation des règles européennes, celles-ci laissant une marge de manœuvre aux États-membres, voire leur déléguant la définition de certaines notions. S’ajoutant à l’absence d’harmonisation des méthodes d’échantillonnage, d’analyse et de prélèvements entre les États-membres, voire entre les organismes de contrôles, évoquée supra, le rapport Thünen cite pour exemple de ces divergences la définition de l’élevage industriel. Aux termes de l’article 3 du règlement no 889/2008, lorsque les mesures prévues à l’article 12 du règlement 834/2007 (rotation des cultures, bonnes pratiques de culture…) sont insuffisantes à la fertilisation des sols, il est possible de recourir à du fumier à la condition qu’il ne provienne pas d’un élevage industriel. Or, la définition de celui-ci varie : certains États-membres définissent l’élevage industriel comme de l’élevage hors-sol (notamment la France, le Danemark et la Pologne), d’autres par une densité maximale d’occupation (qui elle aussi peut varier) ou par un nombre total d’unités de gros bétail.

Votre rapporteur s’est quant à lui intéressé aux divergences d’interprétation particulièrement importantes et nombreuses qui affectent les règles relatives aux volailles biologiques. Celles-ci concernent :

– les conditions d’élevage de la volaille. Aux termes de l’article 10 du règlement no 889/2008, le nombre maximal de poules pondeuses est de 6 par m2. Toutefois, cette règle ne fait pas obstacle à la pratique, acceptée dans certains États-membres comme l’Allemagne, l’Autriche et les Pays-Bas, des élevages superposés, lesquels sont par ailleurs interdits en Espagne ;

– la définition des souches à croissance lente en volaille : aux termes de l’article 12 du règlement no 889/2008, afin d’éviter le recours à des pratiques d’élevage intensives, les volailles doivent soit être élevées jusqu’à ce qu’elles atteignent un âge minimal (81 jours), soit être issues de souches à croissance lente. Or la définition de ces dernières varie selon les États-membres, reposant sur un mix entre des souches spécifiques et/ou une prise de poids journalière maximale, s’échelonnant de 35 grammes par jour en France à 45 grammes par jour en Grande-Bretagne ;

– le temps pendant lequel les parcours doivent rester vides entre deux cycles d’élevage. Aux termes de l’article 23 du règlement no 889/2008, « Entre chaque cycle d’élevage d’un groupe de volailles, les bâtiments sont vidés de tout animal. Pendant cette période, les bâtiments et leurs équipements sont nettoyés et désinfectés. En outre, à la fin de chaque cycle d’élevage d’un groupe de volailles, les parcours restent vides pour que la végétation puisse repousser. Les États membres fixent la période pendant laquelle les parcours doivent rester vides ». Ce temps s’échelonne de 14 jours en Bulgarie et 28 jours en Pologne à 56 jours en France et jusqu’à 60 jours au Danemark.

Les divergences entre les États-membres sont également très fortes en matière d’accès aux produits phytosanitaires. Ainsi qu’il a été indiqué supra, ceux-ci ne peuvent être autorisés en agriculture biologique qu’à l’issue d’une procédure en trois étapes dont la deuxième est purement nationale. En effet, après avoir été approuvé par l’Union européenne dans les conditions fixées par le règlement (CE) n°1107/2009 du 21 octobre 2009, le produit doit bénéficier d’une autorisation de mise sur le marché (AMM). Or, celle-ci est accordée par les autorités compétentes de chaque État-membre, selon les procédures nationales en vigueur et selon sa propre appréciation de l’utilité et de la dangerosité du produit concerné. C’est ainsi que l’huile de Neem (51), bien que figurant à l’annexe du règlement de la Commission n°1107/2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, est autorisée dans 15 États-membres seulement (mais pas en France (52)).

Enfin, la troisième source de divergences dans l’application des règles européenne est l’usage différent que font les États-membres des dérogations. C’est particulièrement le cas, évoqué supra, en matière de semences biologiques, dont la disponibilité varie considérablement selon les pays.

S’agissant des importations de produits biologiques, quatre régimes ont été institués par le règlement no 834/2007 dont deux seulement sont aujourd’hui utilisés (53) :

le régime des pays « équivalents ». Lorsque les règles de production biologiques applicables dans un pays tiers sont reconnues équivalentes à celles de l’Union européenne, en application de l’article 7 du règlement (CE) n°1235/2008, le pays tiers est inscrit à l’annexe III de ce règlement. En conséquence, les produits conformes à ces règles peuvent être librement importés dans l’Union européenne et commercialisés comme produits issus de l’agriculture biologique ;

le régime des contrôles « équivalents ». Lorsque les organismes de contrôle et les autorités de contrôle compétents ont été reconnus équivalents par la Commission européenne, en application de l’article 10 du règlement (CE) n°1235/2008, ces organismes sont inscrits à l’annexe IV de ce règlement. Ce régime d’équivalence n’est applicable qu’aux produits pour lesquels l’ensemble des opérateurs de la production, de la transformation jusqu’à l’exportation, sont certifiés par l’un de ces organismes reconnus équivalents. Parce que ces organismes de contrôle ne peuvent se référer aux règles européennes comme des standards applicables, ils doivent soumettre un standard équivalent qui sera évalué individuellement par la Commission européenne. Les produits conformes à ces dispositions peuvent être librement importés dans l’UE et commercialisés comme produits issus de l’agriculture biologique.

Par conséquent, c’est un fait que les produits biologiques importés ne respectent pas les règles européennes mais obéissent à des règles nationales différentes, voire à des cahiers des charges privés. Certes, ceux-ci s’inspirent desdites règles mais pas en totalité et, surtout, le contrôle de l’application de ceux-ci dans les pays tiers est largement considéré comme insuffisant. La Cour des comptes européenne a ainsi relevé que « la Commission n’a pas d’information suffisante pour s’assurer elle-même que le système de contrôle dans les pays tiers reconnus comme équivalent continue à remplir les exigences obligatoires aussi longtemps qu’ils ont ce statut ». Il n’en résulte pas forcément des fraudes, même s’il est avéré que les fraudes concernent pour l’essentiel des produits importés mais une pratique différente de l’agriculture biologique en deçà des standards européens. Comme le relève le rapport Thünen, « une connaissance limitée des techniques de l’agriculture biologique est un risque élevé et répandu. La production de banane, de thé ou de café dans les pays tiers est souvent basée sur ce qu’on peut appeler de l’agriculture biologique par défaut. Ce terme désigne un système de production basé sur la non-utilisation des intrants prohibés mais sans la mise en œuvre des autres techniques comme celles augmentant la fertilité des sols ou renforçant les plantes et la santé animale ».

En conclusion, alors que les produits biologiques produits et consommés au sein de l’Union européenne sont censés être tous conformes aux mêmes règles, il apparaît que celles-ci sont non seulement appliquées de manière différente par les États-membres mais parfois pas du tout lorsque ceux-ci multiplient les dérogations. En outre, les produits importés obéissent à des règles différentes sensées être équivalentes, contrôlées de manière moins efficace qu’en Europe.

Ainsi qu’il a été dit supra, les règles communes adoptées par l’Union européenne depuis 1991 l’ont été pour équilibrer la concurrence entre les producteurs bio, qu’ils soient situés dans un État-membre ou dans un pays tiers, mais également pour garantir la confiance du consommateur. Celui-ci doit avoir la certitude que le produit bio qu’il consomme respecte des règles strictes de qualité. C’est à cette seule condition que la production et la consommation de produits biologiques en Europe pourra augmenter, augmentation qui est le but ultime de la règlementation européenne.

Or, si les règles ne sont pas les mêmes en Europe et dans les pays tiers exportateurs de produits biologiques et si les règles européennes font l’objet d’interprétation divergentes et de dérogations massives dans les États-membres, les objectifs poursuivis par la règlementation européenne sont largement remis en cause. Les conséquences de cette situation ont été longuement analysées par le rapport Thünen. Elles sont doubles.

La première est purement économique : c’est la distorsion de concurrence entre les producteurs de l’Union européenne et entre ces derniers et ceux des pays tiers. L’application divergente des règles européennes comme le recours aux dérogations déséquilibre les conditions de la concurrence par leur effet sur les coûts de production. Ainsi en est-il en matière aux produits phytosanitaires. Selon que ceux-ci sont plus ou moins largement autorisés dans un État-membre, les exploitations biologiques disposeront ou non d’un éventail de produits efficaces pour lutter à moindre coût contre les maladies et les ravageurs de culture et, surtout, pour garantir des volumes importants de production, sans se préoccuper des alternatives biologiques pouvant exister. De même s’agissant de la volaille pour la définition plus ou moins favorable des souches à croissante lente. Celle-ci se définit par une prise de poids journalière maximale, s’échelonnant de 35 grammes par jour en France à 45 grammes par jour en Grande-Bretagne. Or, ces définitions divergentes font considérablement varier les coûts de production. Un poulet de 3 kg qui a grossi à 35 g/jour ne peut être tué qu’à l’âge de 86 jours alors qu’à 45 g/jour, il peut l’être à 66 jours, soit un gain de près de 25% sur la durée de l’élevage.

La mise en œuvre plus ou moins massive des dérogations par les États-membres a également un effet non négligeable sur les coûts de production, en particulier s’agissant des semences bio. Comme le relève le rapport Thünen, ces dernières sont « plus onéreuses que les semences non bio non traitées, ce qui n’incite pas à leur utilisation comme à la recherche dans ce domaine. [En effet], les semences représentent une part importante des coûts variables de la production biologique, de 21% en Suède à 35% en France pour le blé, de 18% en Allemagne à 25% en Suède pour les pommes de terre). Le coût moyen des semences bio est plus haut que celui des équivalents conventionnels […]. C’est ainsi qu’en France, selon le GNIS, le prix des semences bio est plus élevé de 20% en moyenne, avec un maximum pour les semences bio de chou-fleur, dix fois plus chères. « Par conséquent, l’utilisation de semences non bio non traitées via des dérogations se traduit par un avantage financier pour les producteurs ».

Ces différences en matière de coût de production sont de nature à fausser la concurrence sur le marché européen des produits biologiques. En effet, depuis que le bio est devenu un marché de masse pénétré par des acteurs puissants que sont les grandes surfaces, la pression sur les prix est devenue plus forte, conduisant à une internationalisation des filières d’approvisionnement motivée par la recherche du prix le plus bas. C’est ainsi qu’en Pologne, les grandes exploitations biologiques sont toutes sous contrat avec des transformateurs allemands ; même si d’autres facteurs sont évidemment à prendre en compte, une telle concurrence n’est probablement pas étrangère à la baisse, pour la première fois en 2014, de la SAU allemande convertie au bio.

Cette internationalisation de la chaîne de production biologique va même au-delà de l’Union européenne puisque l’Ukraine alimente largement le marché européen en blé et soja bio et que l’agriculture biologique se développe rapidement en Chine. La concurrence est d’autant plus faussée avec les pays tiers que ceux-ci bénéficient de règles différentes et de contrôles qui, de l’avis général, sont moins exigeants qu’au sein de l’Union européenne. Ainsi, la différence entre les règles applicables en Europe et dans les pays tiers est de nature à aller à l’encontre aux objectifs principaux de la règlementation européenne, à savoir l’augmentation de la production biologique dans l’Union européenne bien sûr, mais également la confiance du consommateur.

C’est en effet la seconde conséquence de cette absence d’harmonisation des règles. Les produits bio importés de pays tiers bénéficient eux-aussi, pour autant qu’ils respectent les règles qui leur sont applicables, du label bio européen et sont largement commercialisés dans les grandes surfaces. Or, c’est un fait rappelé à de nombreuses reprises à votre rapporteur que l’essentiel des problèmes de qualité concerne les produits bio importés de pays tiers où l’efficacité des contrôles laisse à désirer, vendus par une cascade d’intermédiaires également à l’origine, faut-il le rappeler, du scandale de la viande de cheval. Un scandale de large ampleur impliquant des produits bio importés nuirait à la crédibilité de l’ensemble de la filière biologique auprès du consommateur, y compris la filière européenne.

La Commission européenne est consciente de ces problèmes et des risques qu’ils font peser sur le développement de la production biologique en Europe. C’est ainsi que, dans sa proposition de règlement, elle souligne que « le règlement (CE) no 834/2007 prévoyait plusieurs dérogations possibles aux règles de production biologique. Les enseignements tirés des différences dans l’application de ces dispositions montrent que ces dérogations ont une incidence négative sur la production biologique et que, notamment, la gestion et le contrôle des dérogations entraînent une charge administrative considérable, tant pour les administrations nationales que pour les opérateurs. En outre, l’existence de dérogations a créé des conditions propices à l’apparition de distorsions de la concurrence et ébranlé la confiance des consommateurs ». De même, elle affirme « la nécessité de réviser le régime applicable à l’importation des produits biologiques afin de répondre aux attentes des consommateurs, lesquels souhaitent que les produits biologiques importés répondent à des règles aussi strictes que celles de l’Union ».

C’est donc très logiquement que la proposition comporte deux mesures allant dans le sens d’une plus grande harmonisation des règles applicables à la production biologique :

– la suppression à terme de toutes les dérogations aux règles de production prévues à l’article 22 du règlement no 834/2007 (alimentation non-bio des animaux, utilisation de semences non-bio…), à l’exception de celle applicable en cas de « catastrophe », les critères de celle-ci étant renvoyé à un acte délégué de la Commission ;

– l’alignement à terme des règles de production applicables aux produits importés sur les règles en vigueur dans l’Union européenne.

Ces propositions vont dans le bon sens et votre rapporteur les soutient, sous réserve toutefois que des moyens suffisants soient consacrés à la recherche afin que la suppression des dérogations, par exemple pour l’utilisation de semences non bio non traitées, ne conduise pas l’agriculture biologique dans une impasse.

S’agissant du passage, pour les produits bio importés, d’un régime d’équivalence à un régime de conformité aux règles européennes est incontestablement de nature à renforcer la confiance du consommateur, à la condition, une fois encore, que l’efficacité de la supervision européenne en matière de contrôle soit renforcée.

Toutefois, ces propositions ont été reçues avec circonspection par le Conseil dont l’orientation générale, adoptée le 16 juin dernier, est bien en deçà des ambitions de la Commission. C’est ainsi que les États-membres ont modifié dans un sens défavorable à l’harmonisation la rédaction de l’article 17 relatif aux dérogations possibles aux règles de production :

– alors que la proposition renvoyait à un acte délégué la définition de la catastrophe, les faits déclencheurs des dérogations sont désormais listés dans le corps même du règlement comme un « phénomène climatique défavorable », une « maladie animale », un « incident environnemental », une « catastrophe naturelle » ou un « événement catastrophique » au sens respectivement de l’article 2, paragraphe 1, points h), i), j), k) et l), du règlement (UE) no 1305/2013 relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural. Non seulement la Commission européenne ne fixera plus les critères du fait déclencheur des dérogations mais ceux-ci ont été établis de manière très large ;

– il appartiendra a priori aux États-membres seuls de reconnaître ou non la survenance d’un des évènements précités. La Commission européenne se bornera en effet à établir, dans un acte d’exécution et non plus un acte délégué, « des règles particulières concernant les mesures à prendre pour faire face à de telles situations, ainsi que concernant les exigences en matière de surveillance et de notification ». Ces règles incluront nécessairement des dérogations aux règles de production normalement applicables ;

– enfin, un cas à part est fait pour les seules « catastrophes naturelles ». Lorsque celle-ci est formellement reconnu par un État-membre et qu’elle rend impossible le respect des règles de production, il pourra accorder, pour une durée limitée, des dérogations auxdites règles sans d’ailleurs que le règlement exige clairement leur conformité à l’acte d’exécution précité.

Par conséquent, formellement, une seule et unique dérogation aux règles de production subsiste dans l’orientation générale comme d’ailleurs dans la proposition initiale. Toutefois, le Conseil l’a modifiée de telle sorte qu’elle est de nature à englober l’ensemble des dérogations actuelles de l’article 22. Un seul exemple suffira : ce dernier permet actuellement des dérogations « pour garantir que la production biologique puisse être amorcée ou maintenue dans des exploitations soumises à des contraintes climatiques ». Or, selon la rédaction du Conseil, un « phénomène climatique défavorable » est susceptible d’ouvrir la possibilité à des dérogations. Il est tout à fait concevable qu’un été très chaud ou un hiver très froid, comme en connaissent respectivement les pays du sud et du nord de l’Europe, soit considéré comme tel, si l’État-membre concerné y voit un avantage pour ses producteurs.

Par ailleurs, non seulement les dérogations actuelles ont été largement rétablies, que ce soient celles de l’article 22 ou celles relatives à l’exemption de contrôle des détaillants ou à l’alimentation non-biologique des animaux en cas d’indisponibilité de la matière première biologique, contrairement à la volonté d’harmonisation de la Commission, mais une nouvelle dérogation a été créée sur le point probablement le plus sensible de la règlementation : les contrôles. Sans revenir sur cette question, on rappelle que l’obligation de contrôle physique annuel n’a été préservée qu’en ouvrant la possibilité d’en exempter les opérateurs présentant un risque faible, lesquels ne seront plus contrôlés que tous les 30 mois.

En revanche, le principe d’une conformité des produits importés avec les règles européennes a été maintenu, les seules exceptions restant la possibilité d’une équivalence dans le cadre d’un accord commercial et le maintien des équivalences obtenues sur le fondement du règlement no 834/2007 jusqu’au 31 décembre 2022.

Le Parlement européen doit maintenant examiner la proposition de la Commission européenne et chercher un compromis avec le Conseil. Plusieurs centaines d’amendements ont été déposés en Commission, notamment par le rapporteur M. Martin Haüsling, et il est difficile aujourd’hui de prévoir le contenu du futur règlement ni même si celui-ci sera finalement adopté. Il n’en reste pas moins que les débats au Conseil ont montré à quel point les positions des États-membres sont tranchées et combien est différente leur vision de l’agriculture biologique et de ses enjeux. Le seul point sur lequel ils se retrouvent est le maintien d’une grande souplesse dans l’application des règles, s’opposant le cas échéant à la volonté de la Commission européenne d’harmoniser autant que possible celles-ci. Les deux sont d’ailleurs liés et c’est justement parce que les enjeux de l’agriculture biologique sont très différents d’un État-membre à l’autre qu’une souplesse est inévitable dans les règles comme dans leur application, afin de ne pas compromettre l’objectif commun qu’est l’augmentation de la production biologique européenne.

La Commission s’est réunie le 6 octobre 2015, sous la présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé du rapporteur a été suivi d’un débat.

Marc Laffineur. Je remercie le rapporteur pour son rapport et la présentation très claire qu’il a fait des enjeux de la production biologique dans l’Union européenne. En ce qui me concerne, j’ai été particulièrement frappé par les différences de définition de l’agriculture biologique selon les États-membres, en particulier par le fait que certains acceptent une agriculture biologique « hors-sol », mais aussi dans les pays tiers qui constituent désormais une source d’approvisionnement majeur pour le marché européen. Je me demande en outre dans quelle mesure les OGM sont compatibles avec les règles de la production biologique et comment ils ne pourraient pas, à l’avenir, contribuer, par exemple par de nouvelles variétés, à soutenir le développement de l’agriculture biologique.

La Présidente Danielle Auroi. Les OGM ne sont pas autorisés dans l’agriculture biologique. Ils peuvent toutefois contaminer accidentellement les cultures biologiques, notamment si les champs avoisinants ont été plantés avec des OGM.

M. William Dumas. J’approuve le rapporteur lorsqu’il souligne que le contrôle est essentiel à l’agriculture biologique. Sans contrôle, c’est en effet la porte ouverte à toutes les dérives et à la remise en cause de la confiance du consommateur dans les produits biologiques.

J’ai également été sensible à la présentation qu’a faite le rapporteur des risques que pourraient représenter les grandes surfaces pour la production biologique. Dans ma région, l’engouement des viticulteurs pour le vin bio a été tel qu’aujourd’hui, ils ont du mal à le vendre en bio à un prix correct. Si les grandes surfaces prennent le contrôle du marché des produits bio, la pression sur les prix s’accentuera et, avec elle, l’accroissement du volume de produits bio importés peut-être moins strictement contrôlés que les produits bio européens. On aurait ainsi une sorte de « bio dégradé » menaçant clairement l’avenir de l’agriculture biologique européenne.

La Présidente Danielle Auroi. Je partage ces inquiétudes. Plus la consommation de produits biologiques se développe dans l’Union européenne, notamment parce qu’il est désormais acquis que manger bio, c’est meilleur pour la santé, plus le risque d’une industrialisation de la production est réel et avec elle, une baisse des prix qui pourrait signifier la mort des petites exploitations bio. Pourtant, des alternatives existent à l’industrialisation ainsi qu’aux grandes surfaces. Je pense en particulier à des marchés bio ou des espaces dédiés au bio et à l’agriculture de proximité dans les grandes villes. Pourtant, très curieusement, certaines comme Rennes sont réticentes.

Enfin, j’attire l’attention de la commission sur les risques que le TTIP fait peser sur la production biologique européenne, comme d’ailleurs sur bien d’autres productions de l’Union européenne, notamment agricoles.

M. Yves Daniel, rapporteur. La définition de l’agriculture biologique est en effet un enjeu majeur. Je rappelle que le règlement no 2007/834 définit ce qu’est la production biologique mais les règles qu’il contient sont appliquées de manière variable par les États-membres qui, par ailleurs, utilisent à plein les dérogations qu’il permet. En outre, les produits bio importés des pays tiers sont, aujourd’hui encore, soumis à des règles différentes des règles européennes. Je me réjouis toutefois que la proposition de règlement de la Commission prévoit que, désormais, les produits bio ne pourront être importés dans l’Union européenne qu’à la condition d’être conformes aux règles européennes.

Je confirme, comme l’a déjà indiqué la Présidente, que les OGM ne sont pas autorisés en agriculture biologique, ce qui n’exclut pas, naturellement, une contamination accidentelle, comme la présence de résidus de pesticides. Le risque est, toute proportion gardée, bien plus fort pour les pesticides que pour les OGM dont la culture est strictement limitée, au moins dans notre pays.

Les contrôles sont essentiels à la production biologique car c’est sur la confiance du consommateur dans le processus de certification que reposent la pérennité et le développement de l’agriculture biologique. Ils sont d’autant plus nécessaires que les produits biologiques circulent d’un État-membre à l’autre. Par exemple, toutes les grandes exploitations biologiques polonaises sont sous contrat avec des transformateurs allemands qui exportent ensuite leurs produits dans toute l’Union européenne.

Toutefois, il faut être attentif à garder un équilibre entre la confiance du consommateur et les contraintes pesant sur les producteurs. Accroître les contraintes est ainsi susceptible de nuire au développement de l’agriculture biologique sans que celles-ci soient forcément nécessaires à la confiance du consommateur.

Le bio, aujourd’hui, c’est un marché de près de 23 milliards d’euros, très loin du marché de niche qu’il était à l’origine. Les méthodes de production comme de distribution sont donc nécessairement amenées à évoluer, sous l’effet notamment des grandes surfaces pour qui les baisses de prix sont le seul moyen susceptible d’augmenter les volumes. Le risque est donc qu’il se produise le même cycle infernal de baisse de prix que dans l’agriculture conventionnelle, avec les mêmes effets néfastes sur les producteurs. Or, les produits bio ne pourront jamais, compte tenu de leur coût de production supérieur, être au même prix que les produits conventionnel. En outre, le consommateur accepte de payer plus pour un produit bio, à condition que l’écart de prix ne soit pas excessif.

En définitive, l’agriculture biologique a toute sa place, à côté de l’agriculture conventionnelle, dans l’agriculture française et européenne. Agriculteur bio moi-même, je suis persuadé que les producteurs bio sont motivés avant tout par des considérations autres qu’économiques – même si ces dernières ne sont pas absentes. Le bio, c’est le choix d’une agriculture non industrielle qui respecte l’environnement et protège la santé, notamment celle des agriculteurs eux-mêmes qui, on l’oublie souvent, sont les premières victimes des pesticides. Les spécificités de l’agriculture bio doivent donc être préservées et celle-ci soutenue, notamment dans le cadre de la PAC.

Quant au TTIP, je suis éminemment conscient des risques qu’il fait peser l’agriculture européenne. Toutefois, la production biologique obéit à une règlementation particulière que ce traité, a priori, ne remettra pas en cause. Sur ce point, je rappelle que les États-Unis représentent la moitié du marché mondial des produits biologiques et que les règles applicables à ces derniers sont équivalentes, voire plus strictes que les nôtres.

ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

À Paris :

– M. Patrice MARCHAND, spécialiste de la règlementation à l’Institut technique de l’Agriculture biologique (ITAB)

– Mme Stéphanie PAGEOT, Présidente de la Fédération nationale de l’agriculture biologique (FNAB), et Mme Juliette LEROUX, chargée des affaires européennes

– M. Etienne GANGNERON, Président de l’Agence Bio

– M. Charles PERNIN, Délégué général du syndicat national des transformateurs et distributeurs bio (SYNABIO)

– M. Michel LE PAPE, Président de la section bio de la Coordination rurale

– M. François BURGAUD, Directeur des relations extérieures du Groupement national interprofessionnel des semences (GNIS), Mme Véronique TREMELLAT, Directrice de l’Organisation bretonne de sélection, et M. Emmanuel LESPRIT, Directeur de la réglementation et de l’innovation de l’Union française des semenciers (UFS)

– M. Philippe GUICHARD responsable de la commission Bio de la Confédération paysanne et M. Mathieu DALMAIS, agronome, animateur de la commission Bio

– M. Christophe BUHOT, vétérinaire, et Mme Anne DAUMAS, directrice du Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL)

– Mme Catherine EXPERTON, spécialiste de l’élevage à l’Institut technique de l’agriculture biologique, M. Etienne LEGRAND, éleveur

À Ancenis :

– M. Hubert GARAUD, Président de la coopérative Terrena, M. Pierrick MAGNIEN, directeur des opérations en charge du dossier bio, M. Gilles RAMBAULT, salarié en charge de l’activité bio, M. Pierre-Luc PAVAGEAU, agriculteur administrateur et président de la Commission bio

– M. Bruno GRIS, exploitant en bovins-lait et Président du GAB 44, M. Jacques CARROGET, producteur de vins et membre du GAB 4, M. Lucas BRIAND, conseiller technique, conversion et installation, Mme Céline GIRAULT, Directrice, suivi de projets et des actions syndicales

A Lisle-Jourdain :

– M. Michel REYNAUD, vice-Président d’ECOCERT, M. Thierry STROEDZEL, Directeur des opérations et M. Antoine FAURE, Responsable de la certification agriculture biologique

A Bruxelles :

– M. Pekka PESONEN, Secrétaire général du Comité général de la coopération agricole de l’Union européenne (COPA-COGECA)

– M. Philippe DUCLAUD, Délégué pour les affaires agricoles, et Mme Marion MONDOT, Déléguée adjointe pour les affaires agricoles, Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne

– M. Diego CANGA FANO, Directeur chargé des relations multilatérales et de la politique de qualité, Direction générale de l’agriculture de la Commission européenne

– M. Éric ANDRIEU, Député européen, vice-Président de la Commission de l’agriculture du Parlement européen

À Copenhague :

– Mme Sybille KYED, Responsable des questions politiques pour l’association danoise de promotion du bio, Økologisk Landsforening

– Mme Randi VINFELDT, productrice de porcs biologiques

– M. Jan LAUSTSEN, Directeur Commerce, marchés et nutrition du syndicat agricole et agroalimentaire danois, Landbrug & Fødevarer

– Mme Gitte HVOLDAHL, consultante marketing et consommation de l’association danoise de promotion du bio, Økologisk Landsforening

– Mme Malene KJER ANDERSEN, représentante de la Danish Agrifish Agency du ministère de l’Agriculture

– M. Jan BAY-SMIDT, représentant de la Danish Veterinary & Food Administration du ministère de l’Agriculture

A Varsovie :

– Mmes Grazyna NACHTMAN et Monika PUCHALSKA, chercheures à l’Institut d’économie agricole et alimentaire (IERiGZ)

– M. Tomasz MALINOWSKI, Directeur des Ventes du distributeur de produits bio Organic Farma Zdrowia

– M. Michal RZYTKI, chef de l’unité agriculture biologique au Ministère de l’agriculture et du développement rural

– M. Artur SIEDLAREK, chef du département agriculture biologique à l’inspection de la qualité des produits agricoles et alimentaires (IHJARS)

– Mme Urszula SOLTYSIAK, Directrice du développement de l’organisme de contrôle AGRO BIO TEST

– M. Piotr WOZNICKI, producteur du réseau de producteurs bio EKOLAND

– Mme Dorota METERA, Présidente de l’organisme de contrôle Bioekspert

ANNEXE 2 : RESOLUTION EUROPENNE DU 25 AVRIL 2015

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu le règlement (CE) no 834/2007 du Conseil, du 28 juin 2007, relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques et abrogeant le règlement (CEE) no 2092/91,

Vu le rapport du 11 mai 2012 de la Commission au Parlement et au Conseil sur l’application du règlement (CE) no 834/2007 du Conseil relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques,

Vu la communication du 24 mars 2014 de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, intitulée : « Plan d’action pour l’avenir de l’agriculture biologique dans l’Union européenne » (COM[2014] 179 final),

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques, modifiant le règlement (UE) no XXX/XXX du Parlement européen et du Conseil [règlement sur les contrôles officiels] et abrogeant le règlement (CE) no 834/2007 du Conseil (COM[2014] 180 final),

Vu l’avis du Comité économique et social européen, du 16 octobre 2014, sur la « Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques, modifiant le règlement (UE) no XXX/XXX du Parlement européen et du Conseil [règlement sur les contrôles officiels] et abrogeant le règlement (CE) no 834/2007 du Conseil » (NAT/647),

Vu l’avis du Comité des régions, du 4 décembre 2014, sur le train de mesures sur la production biologique (2015/C 019/18),

Considérant que l’agriculture biologique peut se définir comme un système de production lié au sol qui maintient et améliore la santé des sols, des écosystèmes et des personnes en s’appuyant sur des pratiques de culture et d’élevage en phase avec les conditions locales, les cycles naturels et la biodiversité ; qu’elle exclut le recours à des organismes génétiquement modifiés et vise à supprimer l’utilisation de produits chimiques de synthèse ainsi qu’à assurer un niveau élevé de bien-être aux animaux de l’exploitation ; que, à ce titre, elle est source d’inspiration pour l’agriculture conventionnelle ;

Considérant que l’Union européenne, depuis le règlement (CEE) no 2092/91 du Conseil, du 24 juin 1991, concernant le mode de production biologique de produits agricoles et sa présentation sur les produits agricoles et les denrées alimentaires, a établi des règles communes afin de garantir la confiance du consommateur dans les produits issus de l’agriculture biologique ainsi que les conditions d’une concurrence équilibrée entre les producteurs européens et entre ceux-ci et les producteurs situés dans des pays tiers ;

Considérant que ces règles communes, améliorées par le règlement (CE) no 834/2007 du Conseil, du 28 juin 2007, susvisé, ont contribué à convertir 235 000 exploitations agricoles, représentant 9,5 millions d’hectares, au mode de production biologique et à créer un marché de 22,2 milliards d’euros pour les produits biologiques, faisant de l’Union européenne le deuxième marché mondial pour ces produits ;

Considérant que la filière biologique est créatrice d’emplois dans l’ensemble des États membres de l’Union européenne ;

Considérant que la consommation européenne de produits biologiques croît aujourd’hui plus vite que la production, obligeant l’Union européenne à augmenter ses importations en provenance des pays tiers ;

Considérant que la mise en œuvre du règlement (CE) no 834/2007 du Conseil, du 28 juin 2007, susvisé, telle qu’évaluée par la Commission européenne, le Parlement européen et la Cour des comptes européenne, a révélé la nécessité de poursuivre le processus d’amélioration de la réglementation afin de favoriser le développement de la production et d’apporter les garanties nécessaires aux consommateurs ;

Considérant que les règles applicables à la production biologique doivent évoluer afin de garantir la pérennité et le développement durable de l’agriculture biologique européenne ainsi que la confiance des consommateurs dans les produits de celle-ci comme dans les produits importés ;

Considérant que l’évolution des règles actuelles doit s’accompagner d’une harmonisation des pratiques en vigueur dans les États membres, en particulier s’agissant des organismes de contrôle et des méthodes d’analyse qu’ils emploient ;

Considérant que la proposition de règlement abroge le règlement (CE) no 834/2007 du Conseil, du 28 juin 2007, susvisé, à compter du 1er juillet 2017 ;

Considérant que la Commission européenne a annoncé qu’elle retirerait sa proposition de règlement si celle-ci n’était pas adoptée par le Conseil et le Parlement européen avant la fin du premier semestre 2015 ;

1. Se félicite que l’attention croissante des citoyens européens à la qualité de leur alimentation comme à la mise en œuvre de pratiques agricoles respectueuses de l’environnement ait contribué à faire de l’Union européenne le deuxième marché mondial pour les produits biologiques ;

2. Rappelle que ces mêmes institutions ont, d’une manière générale, constaté que la complexité des règles actuelles, en particulier pour les petits exploitants, est susceptible de les dissuader de se convertir au mode de production biologique ; que les divergences dans l’application des règles actuelles, tant entre les États membres qu’entre les organismes de contrôle, et dans la mise en œuvre des dérogations entraînent des distorsions de concurrence entre les producteurs européens et entravent le développement de la production ; que, enfin, les mécanismes de contrôle sont, sur plusieurs points, défaillants, faisant peser un risque majeur pour la confiance du consommateur en cas de révélation d’une fraude ou d’une négligence affectant la qualité des produits biologiques ;

3. Salue l’initiative de la Commission européenne, à l’issue d’une consultation de l’ensemble des parties prenantes, de faire évoluer les règles applicables à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques ;

4. Invite la Commission européenne à interpréter de manière souple le délai qu’elle a fixé au Conseil et au Parlement européen pour adopter sa proposition de règlement et à tenir compte du travail effectué par ces deux institutions ainsi que de leur volonté d’aboutir, dans les meilleurs délais, à un compromis souhaité par l’ensemble des parties prenantes ;

5. Souhaite que le Conseil et le Parlement européen parviennent à un accord qui respecte l’équilibre entre la nécessaire confiance du consommateur, qui repose sur des règles strictes et des contrôles renforcés, et le développement de la production biologique, qui exige un allègement des contraintes pesant sur les producteurs ;

6. Juge que cet équilibre n’est pas respecté dans la proposition de règlement qui, dans sa volonté d’uniformiser les règles applicables, aggrave les contraintes pesant sur les exploitants, au risque de déprimer la production européenne de produits biologiques ; à l’inverse, en allégeant d’autres contraintes, en particulier s’agissant des contrôles, elle est susceptible de nuire à la confiance du consommateur ;

7. Réaffirme que le lien au sol des végétaux et des animaux est un principe fondamental de l’agriculture biologique ; que la proposition de règlement, en n’interdisant pas de manière suffisamment précise l’hydroponie, ouvre la voie à des modes de production biologique hors sol ;

8. Se félicite que la proposition de règlement continue à exclure de la production biologique le recours à des organismes génétiquement modifiés (OGM) et à des produits obtenus à partir d’OGM ou par des OGM ;

9. Partage l’objectif de la Commission européenne s’agissant de la fin programmée de la mixité des modes de production sur les exploitations à l’issue de la période de conversion à l’agriculture biologique mais souligne que la mixité est, pour certaines exploitations, une obligation ; que son interdiction est de nature à rendre plus difficile la conversion des exploitations, à contraindre certaines d’entre elles d’abandonner la production biologique ou à les inciter à séparer juridiquement production biologique et production conventionnelle, complexifiant ainsi la mise en œuvre des contrôles ;

10. Partage l’objectif de la Commission européenne d’une réduction du nombre des dérogations aux règles de production ainsi que leur limitation dans le temps, de telles dérogations étant de nature à déséquilibrer les conditions de la concurrence entre les producteurs européens, à défavoriser la recherche pour la mise au point d’intrants biologiques comme les semences autant qu’à nuire à la confiance du consommateur ;

11. Attire l’attention du Conseil et du Parlement européen sur le fait que la réduction du nombre des dérogations aux règles de production, comme leur limitation dans le temps, en particulier pour les semences, n’a de sens qu’à la condition de disposer d’alternatives biologiques ; que, sans un effort important en matière de recherche pour la mise au point de semences biologiques adaptées aux conditions locales pour l’ensemble des variétés de végétaux d’ici au 31 décembre 2021, la fin à cette date des dérogations en matière d’utilisation de semences non biologiques est susceptible de déprimer la production en privant les producteurs des intrants nécessaires ; appelle donc la Commission européenne à mobiliser les financements nécessaires, dans le cadre du plan d’action, pour que cette échéance puisse être tenue ;

12. Rappelle l’importance de renforcer la recherche en matière d’agriculture biologique, condition indispensable à son développement ;

13. Rappelle que l’élevage biologique respecte des normes élevées en matière de bien-être animal mais que certaines pratiques mises en œuvre de longue date (l’attache), qui peuvent apparaître comme des mutilations, sont parfois nécessaires à la sécurité physique des éleveurs et des animaux (écornage), à la sécurité sanitaire des animaux (coupe de la queue), ainsi qu’à la qualité nutritionnelle et gustative des produits (castration) ; qu’à ce titre, des dérogations doivent pouvoir continuer à être accordées sous le strict contrôle des autorités compétentes ;

14. Estime que, malgré les contraintes de coût et de charges administratives qu’il fait peser sur les exploitants biologiques, un mécanisme de contrôle crédible est fondamental pour la confiance du consommateur et, par conséquent, pour la pérennité et le développement de la production biologique ;

15. Regrette que la proposition de règlement supprime, en raison de son coût, l’obligation de contrôle annuel sur site des exploitations biologiques au profit d’un mécanisme de contrôle basé sur l’évaluation des risques ; demande que cette obligation, régulièrement mise en avant par les producteurs et aisément compréhensible par les consommateurs, soit rétablie ;

16. Salue la possibilité d’une certification de groupe pour les petits producteurs qui, par la mutualisation des coûts qu’elle permet, est de nature à faciliter la conversion des exploitations vers la production biologique ;

17. Partage l’objectif de la Commission européenne de fixer un seuil harmonisé s’agissant des résidus de produits non autorisés dans les produits biologiques ; considère toutefois que cet objectif, sauf à créer de graves difficultés pour les producteurs, exige au préalable que les stratégies d’échantillonnage des organismes de contrôle, les conditions de réalisation de leurs prélèvements, leurs méthodes d’analyse et les décisions de leur comité de certification soient harmonisées au niveau européen et que soient définies de manière précise les conditions de mise en cause de la responsabilité du producteur (ou, le cas échéant, de l’auteur de la contamination) ainsi que celles de son indemnisation éventuelle ;

18. Approuve la proposition de règlement en ce qu’elle renforce les règles applicables aux produits biologiques importés qui, au terme d’une période de transition, devront être conformes et non plus seulement équivalents aux règles européennes de production biologique, ainsi que celles relatives à la reconnaissance et à la supervision des autorités et des organismes de contrôle dans les pays tiers ; rappelle, toutefois, que la Commission européenne devra dégager les ressources matérielles et humaines nécessaires pour un contrôle efficace de ces derniers ;

19. Comprend l’intérêt des actes délégués pour adapter rapidement les règles à l’évolution du contexte mais s’étonne de leur nombre considérable dans la proposition de règlement et s’inquiète de voir le Conseil et le Parlement européen se prononcer sur celle-ci sans pouvoir mesurer pleinement la portée de certaines de ses dispositions parmi les plus importantes et les producteurs être confrontés à l’insécurité juridique découlant de changements inopinés des règles applicables.

1 () La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.

2 () Fédération internationale des mouvements pour l’agriculture biologique.

3 () Règlement (CEE) n °2092/91 du Conseil du 24 juin 1991 concernant le mode de production biologique de produits agricoles et sa présentation sur les produits agricoles et les denrées alimentaires.

4 () Au niveau mondial, selon le rapport annuel de l’IFOAM, les surfaces converties au bio représentent
42,1 millions d’hectares. Avec ses 9,5 millions d’hectares, l’Union européenne arrive ainsi en seconde position derrière les pays de l’Océanie (17,3 millions d’hectares) mais devant ceux d’Amérique latine (6,6 millions d’hectares).

5 () Ces dernières peuvent, selon les pays, représente des proportions considérables de surface cultivées selon le mode biologique : 64% en Bulgarie, 58% en Roumanie et 39% en Pologne mais seulement 28% en France.

6 () Au niveau mondial, le marché des produits alimentaires bio est en pleine expansion. Représentant moins de 15 milliards de dollars en 2000, le commerce de productions biologiques atteignait une valeur de plus de 60 milliards de dollars (soit environ 50 milliards d'euros) 12 ans plus tard. Les États-Unis et l'UE assurent la très grande majorité de la demande actuelle.

7 () Plan d’action sur l’avenir de la production biologique dans l’Union européenne (mars 2014).

8 () Ce règlement a été complété par deux règlements d’exécution de la Commission, le règlement (CE) n° 889/2008 du 5 septembre 2008, qui contient des règles détaillées en matière de production, d'étiquetage et de contrôle et le règlement (CE) n° 1235/2008 du 8 décembre 2008, qui contient des règles détaillées en matière d’importation de produits biologiques en provenance de pays non membres de l'UE.

9 () C’est le cas notamment en France.

10 () Actuellement douze pays ont obtenu cette équivalence : Argentine, Australie, Canada, Costa Rica, États-Unis, Inde, Israël, Japon, Nouvelle Zélande, Suisse, Tunisie et Corée du sud.

11 () Aux termes de l’article 65 du règlement n° 889/2008, une inspection sur site (physique et documentaire) doit avoir lieu au moins une fois par an dans l’ensemble des exploitations biologiques. Les organismes de contrôle effectuent également des visites par sondage, inopinée dans la plupart des cas, sur la base d’une évaluation des risques qui tient compte des résultats des contrôles précédents, de la quantité de produits concernés par la certification, du risque d’échange de produit (en cas de mixité par exemple).

12 () Tous les termes se référant au mode de production biologique sont protégés dans toutes les langues de l’UE, ceux-ci sont listés dans l’annexe I du règlement n° 834/2007.

13 () C’est ce stabilisateur qui a été appliqué en France par l’arrêté du 7 mars 2015 pour dépassement de l’enveloppe des aides au maintien. Toutefois, face à la mobilisation des agriculteurs bio, le ministre de l’agriculture est revenu sur la basse de 25% des aides au maintien pour la campagne 2014.

14 () Rapport d’information n° 2503, présenté par M. Dino Cineri et Mme Marie-Lou Marcel (2015).

15 () L. Latruffe, C. Nauges et Y. Desjeux : « Le rôle des facteurs économiques dans la décision de conversion à l’agriculture biologique », in Innovations agronomiques n° 32 (2013).

16 () Par exemple, les producteurs de fruits à coque auraient perçu 12,5 millions d’euros par an d’aides sans que les statistiques de fruits récoltés aient augmenté.

17 () Organic versus conventional farming, which performs better financially ? (2013).

18 () Claude Bourguignon, Yves Hérody ou Dominique Massenot cités dans « L’agriculture biologique pour nourrir l’humanité » ; Démonstration de Jacques Carat (P.192) 2012 – Hole et al. « Does Organic Farming Benefit Biodiversity? », in Biological Conservation n°122, p.113-130, 2005.

19 () Diagnostic conçu par l’association SOLAGRO et utilisé pour la plupart des organisations agricoles de toutes obédiences, cité dans L’agriculture biologique pour nourrit l’humanité 2012.

20 () Philippe Girardin et Eric Sardet : « Impacts environnementaux des prescriptions du cahier des charges de l’agriculture biologique » (2003).

21 () Bengtsson (2005) et Tuomisto (2012).

22 () Voir par exemple Nadia El-Hage Scialabba et Maria Müller-Lindenlauf : « Organic agriculture and climate change », publiée dans Renewable Agriculture and Food Systems, février 2010.

23 () Ces limites ont été rappelées dans le récent avis du Conseil national de l’alimentation (26 mars 2015). En particulier, existe une disproportion flagrante entre le nombre de données relatives aux produits de l’agriculture conventionnelle et le nombre de données relatives aux produits bio. De ce fait, les comparaisons statistiques s'avèrent impossibles ou biaisées. En outre, les résultats des études anciennes ne peuvent être comparés avec ceux des études récentes, compte tenu notamment des progrès réalisés en termes de performances analytiques, qu’il s’agisse de composition nutritionnelle ou de traces de contaminants.

24 () “Higher antioxidant concentrations and less cadmium and pesticide residues in organically-grown crops: a systematic literature review and meta-analyses.” publié dans le British Journal of Nutrition, (2014).

25 () « Chlordecone exposure, length of gestation and risk of preterm birth », publié dans l’Amercan Journal of Epidemiology (2014).

26 () « Cognitive, visual, and motor development of 7-month-old Guadeloupean infants exposed to chlordecone », publié dans Environmental Research (2012).

27 () « Urinary Biomarkers of Prenatal Atrazine Exposure and Adverse Birth Outcomes in the PELAGIE Birth Cohort » publié dans Environnemental Health Perspect (2011).

28 () « L’évaluation nutritionnelle et sanitaire des aliments issus de l’agriculture biologique ».

29 () « Are Organic Foods Safer or Healthier Than Conventional Alternatives? », publié dans les Annals of Internal Medicine (2012).

30 () Palupi E1, Jayanegara A, Ploeger A, Kahl J. Comparison of nutritional quality between conventional and organic dairy products: a meta-analysis. J Sci Food Agric. 2012, 92(14).

31 () Les surfaces en conversion représentent selon les pays, des proportions considérables de surface cultivées en bio : 64% en Bulgarie, 58% en Roumanie et 39% en Pologne mais seulement 28% en France.

32 () Soit le même jour que la proposition de règlement relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques précitée.

33 () Par exemple, en France, la chaîne d’hypermarchés Auchan a lancé une grande campagne publicitaire vantant 50 produits bio à moins d’un euro.

34 () C’est également le cas aux États-Unis et au Canada.

35 () Toutefois, par sa décision du 9 juillet 2009, la Commission européenne a établi les critères d’attribution du label écologique européen aux produits textiles. Le label écologique se distingue toutefois du label bio et peut être utilisé sur des produits contenant au moins 95% de coton cultivé selon le mode biologique.

36 () Dans la résolution européenne n° 509 du 25 avril 2015, l’Assemblée nationale, tout en partageant l’objectif de la Commission européenne de mettre un terme à la mixité des exploitations, s’est elle aussi prononcée en faveur du maintien de la mixité.

37 () Lorsque leur utilisation est néanmoins nécessaire, celle-ci est limitée aux intrants provenant d’autres productions biologiques, aux substances naturelles ou dérivées de substances naturelles et aux engrais minéraux faiblement solubles.

38 () « Les grandes cultures biologiques en France : état des lieux des rotations pratiquées par région » (2011).

39 () « Pesticides et agro-écologie : les champs du possible » (décembre 2014).

40 () Par exemple, l’insecticide cyperméthrine coûtait 125 DKK par litre hors taxes. Jusqu’au 30 juin 2013, il coûtait 170 DKK/litre TTC mais, depuis le 1er juillet, son prix s’élève à 1687,5 DKK/litre, soit près de 400 €, 40  fois le prix de vente en France (autour de 10 €).

41 () Lauren C. Ponisio, Leithen K. M'Gonigle, Kevi C. Mace, Jenny Palomino, Perry de Valpine, Claire Kremen : « Diversification practices reduce organic to conventional yield gap” (2014).

42 () Le bio-contrôle est un ensemble de méthodes de protection des végétaux par l’utilisation de mécanismes naturels (prédateurs naturels, médiateurs chimiques ou encore substances naturelles. Seules ou associées à d'autres moyens de protection des plantes, ces techniques sont fondées sur les mécanismes et interactions qui régissent les relations entre espèces dans le milieu naturel. Ainsi, le principe du bio-contrôle repose sur la gestion des équilibres des populations d’agresseurs plutôt que sur leur éradication.

43 () L’article 515-14 du code civil, introduit dans celui-ci par la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieure, reconnaît désormais que « les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité ».

44 () Ainsi que, le cas échéant, un détaillant si celui-ci n’a pas été exempté dans les conditions prévues par l’article 28 du règlement n° 834/2007.

45 ()

Sauf dans les pays, comme le Danemark, où les contrôles en matière d’agriculture biologique sont réalisés par un organisme public.

46 () En France, l’INAO a publié des lignes directrices pour la rédaction de plan de contrôle dans le cadre de la certification du mode de production biologique (2013, révisées en 2015).

47 () OCC Task force residues : « Discussion paper on two issues of concern regarding the interpretation of residue analysis in organic products » (2012).

48 () « Bio : alerte sur les produits d’importation », publié le 29 octobre 2010 .

49 () « A decade of EU funded, low-input and organic farming research: 2000-2012 » (2012).

50 () Chez la plupart des plantes cultivées, les fleurs sont de taille si petite que castrer le parent femelle est impossible à grande échelle. C’est en particulier le cas avec les céréales à paille telles que le blé, l’orge ou le riz. A titre indicatif, il faut dix minutes à une personne expérimentée pour supprimer manuellement toutes les anthères d’un épi de blé afin de réaliser un croisement avec le pollen d’un autre épi.

51 () L’huile de Neem est une huile végétale obtenue par extraction de graines de margousier (Azadirachta indica) qui peut être utilisée comme insecticide.

52 () Le ministre de l'agriculture a toutefois délivré, le 2 juin 2014, une autorisation dérogatoire pour le produit NEEMAZAL-T/S, à base d'azadirachtine, pour une utilisation toutefois limitée à 120 jours et sur les seuls pommiers.

53 () On rappelle que le régime des autorisations d’importation, particulièrement décrié et critiqué par la Cour des compte européenne, a été supprimé au 1er juillet 2014.