N° 3594 - Rapport d'information de Mme Danielle Auroi déposé par la commission des affaires européennes sur la réforme de la loi électorale européenne




N ° 3594

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 mars 2016

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)

sur la réforme de la loi électorale européenne,

ET PRÉSENTÉ

PAR Mme Danielle AUROI,

Députée

——

La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Danielle AUROI, présidente ; M. Christophe CARESCHE, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Pierre LEQUILLER, vice-présidents ; M. Philip CORDERY, Mme Sandrine DOUCET, MM. Arnaud LEROY, André SCHNEIDER, secrétaires ; MM. Ibrahim ABOUBACAR, Kader ARIF, Philippe BIES, Jean-Luc BLEUNVEN, Alain BOCQUET, Jean-Jacques BRIDEY, Mmes Isabelle BRUNEAU, Nathalie CHABANNE, MM. Jacques CRESTA, Mme Seybah DAGOMA, MM. Yves DANIEL, Bernard DEFLESSELLES, William DUMAS, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FROMION, Hervé GAYMARD, Jean-Patrick GILLE, Mme Chantal GUITTET, MM. Razzy HAMMADI, Michel HERBILLON, Laurent KALINOWSKI, Marc LAFFINEUR, Charles de LA VERPILLIÈRE, Christophe LÉONARD, Jean LEONETTI, Mme Audrey LINKENHELD, MM. Lionnel LUCA, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MIGNON, Jacques MYARD, Rémi PAUVROS, Michel PIRON, Joaquim PUEYO, Didier QUENTIN, Arnaud RICHARD, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Jean-Louis ROUMEGAS, Rudy SALLES, Gilles SAVARY.

SOMMAIRE

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Pages

I. L’IMPOSSIBLE DÉFINITION D’UNE PROCÉDURE ÉLECTORALE UNIFORME ? 9

A. DE L’OBJECTIF D’UNE « PROCÉDURE ELECTORALE UNIFORME » À LA DÉFINITION DE SIMPLES « PRINCIPES COMMUNS » 9

1. L’acte de 1976 permet l’élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct sans définir de règles électorales communes 9

2. Des « principes communs » définis en 2002 10

a. Les principaux « principes communs » instaurés par la décision de 2002 10

b. La décision de 2002, une harmonisation qui reste largement insuffisante 11

c. Une nouvelle tentative avant les élections européennes de 2014 11

B. VINGT-HUIT MODES DE SCRUTIN DIFFÉRENTS 11

II. LA PROPOSITION DE RÉFORME DE LA LOI ÉLECTORALE PROPOSÉE EN NOVEMBRE 2015 PAR LE PARLEMENT EUROPÉEN 13

A. UNE RÉFORME AMBITIEUSE 13

1. Une véritable européanisation des élections européennes 13

a. La création d’une circonscription électorale commune 13

b. La consécration de la procédure du « Spitzenkandidat » 14

c. Un renforcement de l’identification entre les partis politiques nationaux et les partis politiques européens 15

2. Des règles électorales uniformisées 15

a. La fixation d’un seuil entre 3% et 5% 15

b. La détermination des candidats 17

i. Le délai de dépôt des candidatures 17

ii. La parité 17

iii. Le respect des procédures démocratiques et de la transparence dans la sélection des candidats 18

iv. Les incompatibilités 18

c. L’organisation des élections 19

i. La date et l’heure du scrutin 19

ii. Les modalités de vote 19

iii. Le droit de vote pour les citoyens européens ne résidant pas dans l’Union européenne 20

iv. L’âge du droit de vote 21

3. Une fiabilisation des listes électorales 21

4. Application des mesures : la fin de l’unanimité au Conseil ? 23

B. DES NÉGOCIATIONS QUI S’ANNONCENT DIFFICILES 23

1. Le calendrier des négociations 23

2. Les avis des Parlements nationaux qui se sont déjà exprimés 24

a. Des inquiétudes sur les modalités de transmission 24

b. Plusieurs parlements ont déjà émis des avis négatifs sur ce texte, dont certains au titre du non-respect du principe de subsidiarité 25

c. Un texte qui sera débattu à la conférence des présidents de Parlement les 22 et 24 mai prochain 26

III. LA NÉCESSITÉ D’ÉLARGIR LE DÉBAT 26

A. VERS UNE RÉPARTITION DES SIÈGES PLUS EQUITABLE ? 26

B. AMÉLIORER LA PLACE POLITIQUE ET MÉDIATIQUE DONNÉE AUX ELECTIONS EUROPÉENNES 27

C. REPENSER LES MODALITÉS DES ELECTIONS EUROPÉENNES EN FRANCE 27

EXAMEN EN COMMISSION 29

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE INITIALE 37

AMENDEMENTS EXAMINES PAR LA COMMISSION 39

PROPOSITION DE RESOLUTION EUROPEENNE ADOPTEE 47

ANNEXES 51

ANNEXE N° 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS 53

ANNEXE N° 2 : LETTRE DES PARLEMENTS NATIONAUX AU PRÉSIDENT DU PARLEMENT EUROPÉEN 55

56

ANNEXE 3 : RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU PARLEMENT EUROPÉEN 61

ANNEXE 4 : LES ÉLECTIONS EUROPÉENNES DANS CHAQUE ÉTAT MEMBRE 63

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le Parlement européen a adopté le 11 novembre 2015 une proposition de réforme de la loi électorale de l’Union européenne, qui doit permettre de définir des règles électorales communes à tous les États membres pour les élections européennes.

Portée par Mme Danuta Hübner (PPE, Pologne) et M. Jo Leinen (S&D, Allemagne), cette proposition prend la forme d’une résolution sur la réforme de la loi électorale de l’Union européenne, à laquelle est annexée une proposition de décision du Conseil adoptant les dispositions modifiant l’acte portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct.

Cette proposition de décision est directement issue de l’article 223 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui stipule que « le Parlement européen élabore un projet en vue d’établir les dispositions nécessaires pour permettre l’élection de ses membres au suffrage universel direct, selon une procédure uniforme dans tous les États membres ou conformément à des principes communs à tous les États membres ».

Pour le moment, les élections européennes s’organisent bien plus en une addition de vingt-huit campagnes distinctes, malheureusement souvent centrées sur des enjeux nationaux, qu’en un vaste débat paneuropéen. Il est urgent de redonner un souffle à ce scrutin, pour lequel l’abstention est en constante augmentation, et a atteint 57,46% des suffrages aux élections européennes de 2014 (57,57% en France).

Aujourd’hui, le Parlement européen est la seule institution parlementaire au monde dont les membres sont élus selon plus d’une vingtaine de lois différentes. L’adoption de règles électorales uniformes de Lisbonne à Vilnius devrait faciliter l’émergence d’un véritable espace public européen, au sein duquel les citoyens identifient clairement les grandes propositions en débat et les responsables des politiques menées au niveau de l’Union.

Le Parlement européen propose en effet d’européaniser davantage ces élections :

– en créant une circonscription transnationale dans laquelle serait élue une part des députés européens ;

– en consacrant la procédure des « Spizenkandidaten », c’est-à-dire la désignation explicite par les partis de leurs candidats à la présidence de la Commission européenne en amont des élections – qui a constitué un progrès très important lors des élections européennes de 2014 – ;

– en uniformisant les règles du scrutin (entre autres, fixation de délais communs de dépôt des candidatures et de finalisation des listes électorales, fixation d’un seuil électoral situé entre 3 et 5%, consécration du principe de parité).

Il souhaite que cette réforme soit adoptée avant les élections européennes de 2019.

Selon les termes de l’article 223 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, le Conseil doit désormais statuer à l’unanimité sur ce texte, qui devra ensuite être approuvé à l’unanimité par le Parlement européen. Ces dispositions ne pourront entrer en vigueur qu’après leur approbation par les États membres, « conformément à leurs règles constitutionnelles respectives », c’est-à-dire, en France, après l’adoption au Parlement d’une loi autorisant l’approbation de la décision.

Les parlements nationaux auront donc le dernier mot sur ce texte, mais certaines chambres se sont déjà mobilisées contre celui-ci, et ont demandé à ce qu’il fasse l’objet d’un débat lors de la conférence des présidents de Parlement de l’Union européenne qui aura lieu du 22 au 24 mai prochain.

Il est donc apparu nécessaire à votre rapporteure que l’Assemblée nationale prenne position sur cette réforme majeure avant cette échéance.

Le traité de Rome, tout en mettant en place une assemblée parlementaire constituée de délégués des parlements des États membres, prévoyait à son article 138, paragraphe 3, que les membres de cette assemblée seraient ultérieurement élus au suffrage universel direct selon une procédure uniforme dans tous les États membres.

Il a toutefois fallu attendre près de vingt ans et l’adoption par le Conseil de l’Acte du 20 septembre 1976 portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct pour que cette disposition entre en vigueur et que les premières élections européennes aient lieu en 1976.

L’article 7 de l’Acte de 1976 prévoyait que le Parlement élaborerait un « projet de procédure électorale uniforme », et que jusqu’à l’entrée en vigueur d’une telle procédure, les règles électorales seraient régies dans chaque État membre par des dispositions nationales.

Cependant, l’adoption d’une procédure électorale uniforme exige un vote unanime du Conseil et un vote à la majorité du Parlement, et aucun des projets présentés au Parlement européen sur ce sujet n’a pu aboutir, soit en raison d’oppositions internes au Parlement européen, soit en raison de l’opposition du Conseil (rapport Seitlinger de 1982 ; rapport Bocklet de 1984 ; rapports de Gucht de 1991 et 1993).

Prenant acte de cette impossibilité de trouver un accord sur une procédure électorale commune, le traité d’Amsterdam signé en 1997 prévoit la possibilité qu’à défaut d’une procédure électorale commune, les États membres adoptent des «  principes communs à tous les États membres », formule reprise par l’actuel article 223 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui donne le droit d’initiative au Parlement dans ce domaine en prévoyant que « le Parlement européen élabore un projet en vue d’établir les dispositions nécessaires pour permettre l’élection de ses membres au suffrage universel direct selon une procédure uniforme dans tous les États membres ou conformément à des principes communs à tous les États membres ». La formulation retenue par le traité de Lisbonne (« les États membres adoptent ») fait en revanche de l’Acte électoral ainsi adopté un acte de la législation secondaire de l’Union (relevant donc de la compétence de la Cour de Justice de l’Union), et non plus un accord de droit international ayant la même forme que les traités.

Sur la base de cette nouvelle disposition introduite par le traité d’Amsterdam, le Parlement européen a adopté dès 1998 une résolution fixant des « principes communs » à l’élection des membres du Parlement européen. (2) Après de longues discussions, une décision a finalement été adoptée par le Conseil les 25 juin et 23 septembre 2002.  (3)

La décision de 2002 pose le principe d’un mode de scrutin de type proportionnel, la méthode retenue pouvant être le scrutin de liste ou de vote unique transférable (qui est la méthode utilisée pour les élections européennes en Irlande) (4). Les États membres peuvent également autoriser le scrutin de liste préférentiel.

Jusqu’alors, l’adoption d’un tel principe avait été rendue impossible en raison de la position du Royaume-Uni, traditionnellement très attaché au scrutin uninominal majoritaire à un tour (« first past the post »). Mais le choix fait par ce pays à partir des élections européennes de 1999 (5) d’un mode de scrutin proportionnel a permis de lever cet obstacle.

Les États membres peuvent constituer des circonscriptions, à condition que cela ne porte pas atteinte atteinte au caractère proportionnel du mode de scrutin. La décision de 2002 autorise également les États à fixer un seuil minimal pour l’attribution des sièges, qui ne peut pas être supérieure à 5% des suffrages exprimés. Elle prévoit également la possibilité de déterminer un plafond de dépenses électorales.

Elle rend également incompatible le mandat de parlementaire européen avec celui de parlementaire national. Même si le cumul de ces deux fonctions était déjà interdit par la plupart des législations nationales (6), il restait possible dans certains pays, notamment en Irlande et au Royaume-Uni. (7)

Au cours des négociations, le principal point de dissension entre le Parlement européen et le Conseil a porté sur l’élection d’un certain pourcentage de parlementaires selon un scrutin proportionnel dans le cadre d’une circonscription unique formée par le territoire de l’ensemble de l’Union européenne.

Un accord n’a pas non plus été possible sur la fixation d’une date unique pour la tenue des élections.

Le Conseil n’a pas retenu le caractère obligatoire de la formation de circonscriptions et a rendu leur création facultative, et a rejeté l’inscription de l’objectif de parité hommes-femmes.

La commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen avait fait en 2011 une première tentative de modification de l’Acte de 1976, visant notamment à créer une circonscription transnationale. Le rapport avait été renvoyé en commission lors de son examen en plénière,  (8) puis un second rapport avait été rejeté. (9) En 2013, le Parlement européen a donc simplement adopté une résolution sur les modalités pratiques du scrutin. (10)

Pour le moment, les modes de scrutin restent extrêmement hétérogènes en fonction des États membres.

À titre d’exemple :

– en ce qui concerne la fixation d’un seuil en pourcentage des suffrages exprimés pour l’attribution de sièges, si le droit européen en vigueur prévoit que celui-ci ne peut dépasser 5%, plusieurs États membres, dont l’Allemagne, ont choisi de n’en fixer aucun. En France, en Lituanie, en Pologne, en Slovaquie, en République tchèque, en Roumanie et en Hongrie ce seuil est fixé à 5%, mais il est fixé à 4 % en Italie et en Suède, à 3 % en Grèce, et à 1,8 % à Chypre ;

– certains États membres (la Belgique, la France, l’Irlande, l’Italie, la Pologne et le Royaume-Uni) ont divisé leur territoire national en plusieurs circonscriptions régionales, alors que la plupart des États membres constituent une circonscription unique ;

– l’âge électoral est fixé à 18 ans dans tous les États membres, sauf en Autriche, où il est fixé à 16 ans. Par ailleurs, le vote est obligatoire dans quatre États membres : la Belgique, le Luxembourg, Chypre et la Grèce ;

– dans certains États membres (Allemagne, Danemark, Grèce, Pays-Bas, République tchèque, Suède), seuls les partis ou organisations assimilables à des partis peuvent déposer des candidatures, alors que dans tous les autres pays, les candidatures peuvent être présentées à condition de recueillir un certain nombre de signatures ou de regrouper un certain nombre d’électeurs ;

– dans la plupart des États membres, les électeurs ont la possibilité d’exprimer des votes préférentiels afin de changer l’ordre des noms sur la liste. Cependant, dans neuf États membres (Allemagne, Espagne, France, Grèce, Portugal, Royaume-Uni, Estonie, Hongrie et Roumanie), les listes sont fermées. Au Luxembourg, il est possible de voter pour des candidats appartenant à différentes listes et, en Suède, les électeurs peuvent également ajouter ou supprimer des noms sur les listes. À Malte, en Irlande et en Irlande du Nord, les électeurs classent les candidats par ordre de préférence.

Les élections européennes en France

Les élections européennes en France sont actuellement régies par la loi n°77-729 du 7 juillet 1977, qui a fixé le principe de l’élection au scrutin de liste à la proportionnelle et à la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel.

Les sièges sont répartis, dans la circonscription, entre les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés.

Alors que les élections européennes avaient initialement lieu dans le cadre d’une circonscription unique, les élections européennes ont désormais lieu dans le cadre de huit circonscriptions interrégionales, incluant des sections régionales, depuis la loi n° 2003-327 du 11 avril 2003 relative à l’élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu’à l’aide publique aux partis politiques. Cette territorialisation du mode de scrutin visait à favoriser la décentralisation du débat et à renforcer l’ancrage local des parlementaires européens.

La proposition du Parlement européen prévoit que « le Conseil décide à l’unanimité de la création d’une circonscription électorale commune, dans laquelle les listes seront emmenées par le candidat ou la candidate de chaque famille politique à la présidence de la Commission européenne » (nouvel article 2 bis).

Elle ne précise pas les modalités qui présideraient à la formation d’une telle circonscription électorale commune, et notamment le nombre de députés européens qui seraient élus de cette manière, ou la façon dont seraient constituées les listes électorales. Toutefois, des propositions concrètes en ce sens ont déjà été formulées par le Parlement européen à plusieurs reprises. Ainsi, le député européen Andrew Duff (ADLE, Royaume-Uni) avait proposé dans son rapport de 2011 précité que vingt-cinq députés européens soient élus sur une liste transnationale. Les candidats sur ces listes transnationales devraient provenir d’au moins un tiers des États membres de l’Union, et chaque électeur aurait deux bulletins, l’un pour les listes nationales et l’autre pour les transnationales.

Votre rapporteure est très favorable à cette proposition, qui permettrait de donner un nouveau souffle démocratique aux élections européennes, et participerait à la construction d’un véritable « espace public européen ». En effet, la constitution de listes transnationales permettrait d’éviter que les campagnes des élections européennes, menées par les partis nationaux, ne soient captées par des questions politiques nationales, comme cela tend malheureusement à être le cas aujourd’hui.

Une circonscription à l’échelle européenne renforcerait donc considérablement la dimension européenne de ces élections, et renforcerait la légitimité démocratique du Parlement européen.

La proposition du Parlement européen consacre la procédure de désignation d’un « Spitzenkandidat » mise en place lors des élections européennes de 2014. En plus de créer une circonscription électorale commune, dans laquelle les listes seront emmenées par le candidat ou la candidate de chaque famille politique à la présidence de la Commission européenne, elle prévoit en outre que les partis politiques européens désignent leurs candidats au poste de président de la Commission européenne au moins douze semaines avant la date de début de la période électorale (nouvel article 3 septies).

Les élections européennes de 2014 ont été les premières à avoir eu lieu sous l’empire du traité de Lisbonne, qui indique clairement que lorsque le Conseil européen propose au Parlement européen le candidat à la présidence de la Commission européenne, il doit « tenir compte des résultats des élections européennes » (article 17.7 du traité sur l’Union européenne).

Les partis ont joué le jeu de cette nouvelle disposition qui, indirectement, augmente le poids de l’Assemblée de Strasbourg et renforce l’enjeu politique lié aux élections, en désignant explicitement des candidats à la présidence de la Commission européenne : Jean-Claude Juncker pour le Parti populaire européen, Martin Schulz pour le Parti socialiste européen, Guy Verhofstadt pour les Libéraux et démocrates, José Bové et Ska Keller pour les Verts européens et Alexis Tsipras pour le Gauche unie européenne.

Sur le strict plan juridique, il n’est pas nécessaire d’être candidat aux élections européennes pour devenir Président de la Commission européenne, et le Conseil européen n’a pas l’obligation de choisir parmi l’un des candidats désignés par les partis. Toutefois, il a fait le choix de respecter l’esprit de cette nouvelle disposition du traité et de proposer au poste de président de la Commission européenne le candidat désigné par le parti arrivé en tête aux élections.

Pour votre rapporteure, cette procédure doit être pérennisée, car elle permet au pouvoir politique d’être incarné, et de mettre « des visages sur les clivages »(11) Elle doit ainsi permettre aux citoyens européens de mieux identifier les responsables des politiques menées et les grandes propositions des différents partis politiques européens.

La proposition du Parlement européen prévoit que les bulletins de vote utilisés lors des élections européennes accordent « la même visibilité aux noms et aux logos des partis nationaux qu’à ceux des partis européens ». Elle prévoit également que les États membres encouragent et facilitent l’utilisation de ces affiliations lors des émissions électorales à la télévision et à la radio ainsi que sur les supports de campagne électorales (nouvel article 3 sexies).

Votre rapporteure est favorable à ces dispositions, qui devraient permettre de renforcer la visibilité des partis politiques européens, mais considère qu’elles ne devraient pas être trop prescriptives, afin de laisser la souplesse nécessaire aux partis mais également d’éviter les risques contentieux relatives à la présentation des bulletins de vote.

En France, l’apposition de plusieurs logos sur les bulletins de vote est déjà possible. En effet, l’article L. 52-3 du code électoral, qui dispose que « chaque candidat, chaque binôme de candidats ou liste de candidats peut faire imprimer un emblème sur ses bulletins de vote », s’applique aux élections européennes. La jurisprudence du Conseil d’État considère que « ces dispositions ne font pas obstacle à ce que plusieurs emblèmes soient imprimés sur les bulletins de vote d’une liste de candidats » (12), à partir du moment où les logos revendiqués sont constitutifs de soutiens réels, et ne peuvent donc pas constituer une manœuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin.

Le Parlement européen propose d’instaurer un seuil minimum en pourcentage des suffrages exprimés, pour l’attribution des sièges, qui devra être supérieur à 3 % et ne pourra être supérieur à 5 % des suffrages exprimés. La décision de 2002 autorise déjà la fixation d’un seuil minimal pour l’attribution de sièges - qui ne peut pas être supérieur à 5%  -, mais ne l’impose pas (nouvel article 3).

La rapporteure est défavorable à cette disposition, car le principe même de l’introduction de seuils électoraux obligatoires porte atteinte à la représentativité du scrutin et au pluralisme politique.  

Dans la pratique, cette disposition ne concernera que les États membres qui ont adoptés un scrutin de liste, lorsque les circonscriptions ou la circonscription unique comptent plus de vingt-six sièges. Lorsque moins de vingt-six sièges sont à pourvoir, il existe un seuil « naturel » pour l’attribution des sièges, puisqu’une liste ayant recueilli moins de 3 % des voix ne pourra mathématiquement obtenir aucun siège.

Actuellement, quinze États membres ont introduit un seuil situé entre 3 % et 5%. Seul Chypre a introduit un seuil inférieur, de 1,8%.

En France, l’article 3 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen dispose que les sièges sont répartis, dans la circonscription, entre les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne.

Cependant, dans la pratique, le seuil nécessaire pour obtenir un siège est plus élevé, en particulier dans les petits États membres, qui disposent d’un plus petit nombre de sièges au Parlement européen (tous les États membres disposant de moins de 26 sièges au Parlement européen ont de facto un seuil de plus de 5%), ou pour les États membres ayant créé des circonscriptions régionales.

L’introduction d’un seuil minimal de 3 % n’aura donc de conséquences que pour deux États membres : l’Espagne et l’Allemagne, qui ont opté pour un système de circonscription unique, et qui disposent respectivement de cinquante-quatre et quatre-vingt-seize sièges au Parlement européen.

En réalité, l’introduction d’un seuil obligatoire entre 3% et 5% répond à une forte demande du Gouvernement allemand. En effet, en 2011, la Cour de Karlsruhe a invalidé le seuil de 5 % en vigueur depuis 1979 pour les élections européennes en Allemagne, considérant qu’un tel seuil représentait une violation de l’égalité des chances entre les partis. Un seuil existe pourtant pour les élections législatives allemandes, mais le Tribunal constitutionnel fédéral a jugé qu’il existait une différence de structure essentielle entre le Bundestag et le Parlement européen, ce dernier ne nécessitant pas l’existence d’une majorité de gouvernement stable. Une nouvelle loi a donc été adoptée en 2013 par le Bundestag, mettant en place un seuil de 3% pour les élections européennes. Ce seuil a de nouveau été invalidé par la Cour de Karlsruhe en février 2014.

Par conséquent, depuis les élections européennes de 2014, quatorze partis allemands sont désormais représentés au Parlement européen, dont le parti néonazi NPD et le parti satiriste Die Partei(13)

La proposition du Parlement européen prévoit que chaque Etat membre fixe un délai pour l’établissement des listes des candidats aux élections au Parlement européen. Ce délai serait de minimum douze semaines avant le début de la période électorale, coordonné avec la date du choix par chaque parti de son candidat à la présidence de la Commission européenne (article 3 bis).

Actuellement, il existe une grande diversité entre les pratiques des États membres en ce qui concerne ces dates limites de dépôt des candidatures, qui vont de trois mois en Suède à moins de trois semaines en Espagne et en Grèce.

En France, l’article 10 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 prévoit que les déclarations de candidatures sont déposées au plus tard le quatrième vendredi précédant le jour du scrutin, avant dix-huit heures. L’adoption de cette disposition aurait donc pour conséquence d’allonger considérablement la durée de la campagne électorale.

La rapporteure est favorable à l’introduction d’un délai commun à tous les États membres pour le dépôt des listes de candidats, mais considère que le délai de douze semaines proposé par le Parlement européen est trop long pour les partis politiques, et souhaite qu’il soit raccourci à huit semaines (ce qui reste supérieur au délai prévu pour les élections nationales, pour prendre en compte les spécificités d’une campagne électorale européenne, notamment dans la perspective de la mise en place d’une circonscription unique).

Le texte prévoit que la liste des candidats aux élections au Parlement européen « assure l’égalité des genres » (nouvel article 3 quinquies).

L’article 8 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne stipule que « dans toutes ses actions, l’Union cherche à éliminer les inégalités, et à promouvoir l’égalité, entre les hommes et les femmes », mais pour le moment, l’Acte électoral de l’Union européenne ne prévoit aucune disposition sur la promotion de la parité.

Même si la proportion de femmes représentées au Parlement européen n’a cessé d’augmenter depuis 1979, celle-ci reste largement insuffisante : sous l’actuelle mandature, elles ne représentent que 37 % des membres du Parlement européen. Cette proportion est très variable selon les délégations nationales : les femmes représentent 55% des délégations irlandaises et finlandaises, mais seulement 9% de la délégation lituanienne et 17 % de la délégation chypriote.

Une telle disposition aura un impact fort dans les pays ayant choisi un système de scrutin de liste, où l’impact sera maximum, et moindre dans le cas d’un système de vote transférable unique ou de vote préférentiel.

En France, la loi n° 2000-493 du 6 juin 2000 du 6 juin 2000 tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives rend obligatoire le principe de parité pour tous les scrutins de liste, dont les élections européennes. La loi n° 2003-327 du 11 avril 2003 relative à l’élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu’à l’aide publique aux partis politiques a confirmé le principe d’une alternance stricte d’un candidat de chaque sexe sur les listes. Actuellement, la délégation française est composée de 43% de femmes.

Enfin, la proposition du Parlement européen prévoit que les partis politiques qui participent aux élections du Parlement européen « respectent les procédures démocratiques et la transparence dans la sélection de leurs candidats aux élections » (nouvel article 3 quater). Cette disposition reste floue (signifie-t-elle que les partis politiques devront automatiquement organiser des primaires ?), et pourrait constituer une ingérence dans la libre organisation des partis politiques, consacrée par l’article 4 de la Constitution. Par ailleurs, elle ne précise pas quelles seraient les conséquences du non-respect de cette règle (une annulation de la liste ?).

Le texte proposé par le Parlement européen actualise la liste des incompatibilités auxquelles sont soumis les parlementaires européens, et ajoute à cette liste le mandat d’un parlementaire régional ou de membre d’une assemblée régionale investie de pouvoirs législatifs.

Cette disposition ne concernant que les parlements régionaux disposant de pouvoirs législatifs. Cette disposition ne concernerait donc pas les élus des conseils régionaux et départementaux, mais elle pourrait en revanche concerner les élus des assemblées délibérantes des collectivités d’Outre-mer, qui peuvent adopter des règles relevant du domaine de la loi.

Pour le moment, en France, la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 modifiée prévoit que le mandat de représentant au Parlement européen est incompatible avec l’exercice de plus d’un des mandats électoraux parmi les mandats de conseiller régional, conseiller à l’assemblée de Corse, conseiller départemental, conseiller de Paris, conseiller à l’assemblée de Guyane, conseiller à l’assemblée de Martinique, conseiller municipal d’une commune de 1 000 habitants et plus.

La définition de règles électorales communes dans les États membres se heurte à une difficulté : comment harmoniser les règles des élections européennes tout en préservant la capacité des électeurs à comprendre les règles du scrutin, et donc en restant proche des traditions électorales nationales ?

Les rapporteurs du Parlement européen n’ont pas souhaité modifier la période électorale actuellement définie par l’Acte de 1976, qui s’étend du jeudi matin au dimanche suivant, souhaitant respecter les traditions électorales des différents États membres (les britanniques votant par exemple le jeudi), d’autant plus que de nombreux États membres organisent concomitamment d’autres scrutins nationaux au moment des élections européennes.

En revanche, le Parlement européen a choisi d’imposer la clôture du scrutin à 21h le dimanche au plus tard. Les résultats ne pourront être rendus publics qu’après la clôture du scrutin. Avant ce moment, aucune prévision fondée sur des sondages auprès des électeurs à la sortie des urnes ne pourra être publiée. Le dépouillement des bulletins de vote par correspondance commence dans tous les États membres après la fermeture du dernier bureau de vote européen (nouvel article 10).

La révision de 2002 autorisait un dépouillement précoce mais interdisait déjà la publication officielle des résultats avant la clôture du scrutin dans l’État membre où les électeurs votent en dernier. La rapporteure note toutefois qu’une heure butoir à 20h serait probablement préférable à celle de 21h, trop tardive pour permettre une véritable « soirée électorale ».

La rapporteure considère cependant qu’une harmonisation du jour du vote contribuerait à une plus forte européanisation de ce scrutin, et souhaite que cette proposition soit portée lors des débats au Conseil.

En ce qui concerne l’envoi de matériel électoral aux électeurs, les règles prévues sont les mêmes que celles qui s’appliquent lors des autres élections dans l’État membre.

La rapporteure tient à rappeler sa ferme opposition à la dématérialisation de l’envoi du matériel électoral. En effet, la propagande papier constitue une information indispensable aux électeurs, en particulier dans certaines zones rurales, car elle les met au courant de la date d’une élection, des noms des différents candidats et de leurs principales propositions. Le maintien de la propagande papier est d’autant plus nécessaire pour les élections européennes que les citoyens se sont encore insuffisamment approprié ce scrutin.

En France, l’article 18 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 prévoit que le coût du papier, l’impression des bulletins de vote, affiches, circulaires ainsi que les frais d’affichage est remboursée aux listes de candidats ayant obtenu au moins 3 % des suffrages exprimés. Le projet de loi de finances pour 2014 proposait initialement de substituer à l’envoi par courrier de la propagande électorale la publication de celle-ci sur plusieurs sites internet pour les élections européennes (le Gouvernement évaluait à 27,6 millions d’euros l’économie qui aurait été réalisée). Cette disposition avait été supprimée à l’Assemblée nationale, avec l’appui de votre rapporteure.

Le texte du Parlement européen prévoit que les États membres peuvent introduire le vote électronique et le vote sur internet et doivent, le cas échéant, adopter des mesures suffisantes pour assurer la fiabilité des résultats, la confidentialité du vote et la protection des données, mais ne l’impose pas. Aux élections européennes de 2014, seul un État membre, l’Estonie, avait autorisé le vote électronique et le vote par internet (nouvel article 4 bis).

Le texte prévoit également que les États membres peuvent offrir à leurs citoyens la possibilité de voter par correspondance (nouvel article 4 ter).

La proposition du Parlement européen prévoit que tous les citoyens de l’Union, y compris ceux qui résident ou qui travaillent dans un pays tiers, ont le droit de voter aux élections au Parlement européen (nouvel article 9 bis). Il serait préférable de clarifier cette formule et de la limiter à la notion de résidence.

Pour mémoire, les Français établis hors de France peuvent voter par procuration aux élections européennes. Mais ce n’est pas le cas dans tous les États de l’Union européenne. Cinq États membres appliquent actuellement des régimes juridiques privant du droit de vote leurs ressortissants résidant à l’étranger  (14) : Chypre, le Danemark, (15) Malte, (16) l’Irlande et le Royaume-Uni. (17)

D’autres pays imposent des conditions strictes à leurs ressortissants afin de pouvoir voter lorsqu’ils ne sont plus résidents : ainsi, les Allemands résidant dans des pays tiers doivent, pour pouvoir voter, avoir résidé de manière permanente en Allemagne après avoir atteint l’âge de quatorze ans, pendant une période ininterrompue de trois mois au cours des vingt-cinq années précédentes, et être « familiers avec la situation politique allemande ». (18)

Le Parlement européen et la Commission européenne se sont mobilisés à de nombreuses reprises à ce sujet. (19)

Votre rapporteure est très favorable à la proposition du Parlement européen. Il serait souhaitable d’aller encore plus loin dans cette démarche d’extension du droit de vote, en élargissant le droit de vote aux élections européennes aux citoyens de pays tiers résidant légalement depuis plus de cinq ans dans l’Union européenne.

La résolution adoptée par le Parlement européen recommande aux États membres d’envisager d’harmoniser l’âge minimal des électeurs à 16 ans afin de garantir une plus grande égalité aux citoyens de l’Union lors des élections, mais ne l’impose pas : pour le moment, seule l’Autriche a fixé la majorité électorale à 16 ans.

Dans plusieurs pays (Hongrie, Luxembourg, Portugal, Suède), la majorité électorale est fixée au niveau constitutionnel.

L’article 22 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne consacre le droit de vote et d’éligibilité au Parlement européen de tout citoyen de l’Union résidant dans un autre État membre que celui dont il est ressortissant (par exemple, un ressortissant français en Espagne peut être inscrit sur les listes électorales espagnoles pour les élections européennes). La directive 93/109/CE du Conseil du 6 décembre 1993 fixant les modalités de l’exercice du droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen pour les citoyens de l’Union résidant dans un État membre dont ils ne sont pas ressortissants fixe les modalités de l’exercice de ce droit.

De même, l’article 39 de la Charte des droits fondamentaux dispose que tout citoyen ou toute citoyenne de l’Union a le droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen dans l’État membre où il ou elle réside, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État.

Des mesures doivent donc être mises en place afin d’éviter le double vote des électeurs issus d’un État membre et résidant dans un autre.

En France, l’article 2-1 de la loi du 7 juillet 1977 permet l’application de ce principe. Il prévoit que les ressortissants d’un État membre de l’Union européenne autre que la France résidant sur le territoire français, s’ils y ont leur domicile réel ou si leur résidence y a un caractère continu, peuvent participer à l’élection des représentants de la France au Parlement européen dans les mêmes conditions que les électeurs français.

Pour cela, un système de « liste électorale complémentaire », sur laquelle les ressortissants des autres États membres sont inscrits, a été mis en place.

Le ressortissant d’un autre Etat membre de l’Union européenne de leur capacité électorale souhaitant voter en France doit jouir dans son Etat d’origine de sa capacité électorale et remplir les conditions légales autres que la nationalité pour être électeurs et être inscrites sur une liste électorale en France.

Il doit également produire, en plus des justifications exigées aux ressortissants français, une déclaration écrite précisant :

– sa nationalité et son adresse sur le territoire de la République ;

– le cas échéant, la collectivité locale ou la circonscription sur la liste électorale de laquelle il est ou a été inscrit en dernier lieu dans l’État dont il est ressortissant ;

– qu’il n’est pas privé du droit de vote dans cet État ;

– qu’il n’exercera son droit de vote qu’en France.

L’identité de leurs ressortissants inscrits sur une liste électorale complémentaire est communiquée aux autres États membres de l’Union européenne (article 2-3).

À contrario, la France indique aux autorités compétentes des États membres de l’Union européenne si les citoyens français qui ont choisi de participer à l’élection au Parlement européen dans ces États jouissent de la capacité électorale (article 2-4).

La proposition du Parlement européen prévoit que la date limite pour l’établissement et la finalisation de la liste des électeurs est fixée à huit semaines avant le premier jour du scrutin (nouvel article 3 ter).

Votre rapporteure souligne la nécessité de veiller à l’articulation entre cette disposition et l’évolution du droit français. En effet, Mme Élisabeth Pochon et M. Jean-Luc Warsman ont déposé le 9 décembre 2015 une proposition de loi rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales, qui propose notamment de supprimer le caractère annuel de la révision de la liste électorale communale, qui oblige aujourd’hui à s’inscrire au plus tard le 31 décembre de chaque année pour participer aux scrutins organisés pendant une année à partir du mois de mars de l’année suivante. Elle propose d’instaurer à la place une révision permanente des listes électorales et de permettre à tout électeur qui souhaite participer à un scrutin de s’inscrire au plus tard trente jours avant celui-ci.

Le Parlement européen propose également de créer une autorité de contact chargée d’échanger avec ses homologues des autres États membres des données sur les électeurs (nouvel article 9 ter). Cette autorité transmettrait à ses homologues, au moins six semaines avant le premier jour du scrutin, les données relatives aux citoyens de l’Union qui ne sont pas ressortissants de l’État membre dans lequel ils résident. En France, l’INSEE est déjà désigné comme autorité de contact chargée de l’information des autres États membres de l’Union (article 2-2 du décret n°79-160 du 28 février 1979 portant application de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen).

La rapporteure considère qu’il est préférable de raccourcir au maximum la date butoir d’inscription sur les listes électorales, afin de favoriser la participation des citoyens aux élections européennes, et propose que ce délai soit plutôt fixé à quatre semaines plutôt que huit semaines.

La période électorale serait déterminée par le Parlement européen, après consultation du Conseil. Jusqu’alors, elle était déterminée par le Conseil statuant à l’unanimité, après consultation du Parlement européen (nouvel article 11).

Alors que jusqu’à présent, les mesures d’application de l’Acte devaient être adoptées à l’unanimité, la proposition du Parlement européen prévoit un passage de ces mesures à la majorité qualifiée (nouvel article 14).

Pour l’examen de ce texte, la présidence a choisi de mener des discussions par « blocs » d’États. Neuf délégations ont fait part de leur position lors de la réunion du groupe affaires générales du 29 janvier 2016, puis les neuf suivantes (dont la France) lors du groupe affaires générales du 17 février, et enfin le dernier groupe le 4 mars dernier. Le prochain groupe de travail sur le sujet aura lieu le 16 mars 2016.

Lors de ces premières réunions, les États membres ont fait part de leurs réserves de divers ordres. Le point qui suscite le plus de crispations est probablement l’institutionnalisation de la procédure des Spitzenkandidaten, directement liée à l’interprétation des traités. Le service juridique du Conseil, dans son avis précité, a par ailleurs considéré que cette proposition « altère profondément l’équilibre institutionnel établi par les traités », et « pourrait finir par remettre en cause les prérogatives du Conseil européen telles que définies par les traités ».

Pour le moment, les véritables négociations n’ont pas encore commencé au Conseil, mais il est peu probable qu’elles aboutissent assez tôt pour que cette réforme entre en vigueur à temps pour être appliquée lors des prochaines élections européennes (puisqu’elle devra être ratifiée par l’ensemble des parlements nationaux suffisamment en amont des élections). Les États membres et en particulier la présidence se sont pour le moment montrés peu volontaires sur cette question.

Sous l’impulsion de la Tweede Kamer néerlandaise, une lettre à l’intention du président du Parlement européen Martin Schultz (cf. annexe) a été co-signée par plusieurs parlements, et notamment par votre rapporteure, en tant que présidente de la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale.

Ce courrier soulignait notamment que le texte adopté par le Parlement européen n’avait pas été correctement transmis à certains parlements nationaux, et que cette transmission ne précisait pas s’il était possible ou non d’examiner la conformité au principe de subsidiarité de ce texte (pas de référence au protocole n°2 sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité).

Dans un avis rendu le 11 mars 2016, le service juridique du Conseil a considéré que le protocole n°2 sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité s’appliquait à ce texte, que le Parlement européen devait donc transmettre aux parlements nationaux, mais a considéré que des retards de transmission ou l’absence de lettre accompagnant le texte ne pourraient constituer un motif d’illégalité du texte que s’ils affectaient véritablement la capacité des parlements nationaux à donner leur avis sur ce texte. Enfin, si un « carton jaune »  (20) aurait pu être émis par un tiers des parlements nationaux sur ce texte et conduire le Parlement européen à la réexaminer, le « carton orange » ne peut s’appliquer que dans le cadre de la procédure législative ordinaire.

Bien que la transmission effectuée par le Parlement européen ne précisait pas s’il était possible d’examiner ce texte au regard du principe de subsidiarité, six chambres ont émis un avis motivé au titre de la subsidiarité sur ce texte : la Suède, le Luxembourg, les deux chambres néerlandaises et les deux chambres britanniques.

Le Parlement suédois s’oppose à la création d’une circonscription commune et à l’obligation pour les partis de désigner leur candidat au poste de président de la Commission européenne. Il considère que la proposition du Parlement européen ne respecte pas le principe de subsidiarité car elle interfère dans l’organisation des partis politiques, et que plusieurs dispositions seraient incompatibles avec la Constitution suédoise.

La Chambre des députés luxembourgeoise a considéré qu’une telle uniformisation des règles électorales au niveau de l’Union n’était pas nécessaire et que si une harmonisation des délais légaux pouvait être utile, ce n’était pas le cas des propositions modifiant directement les règles de fonctionnement des systèmes électoraux nationaux.

Les deux chambres néerlandaises considèrent que la proposition du Parlement européen interfère de manière superflue dans le fonctionnement des partis, notamment en ce qui concerne la visibilité des logos des partis européens, et rejette l’idée d’une circonscription commune. Elles s’opposent également à l’introduction d’une incompatibilité du mandat de parlementaire européen avec celui de membre d’un parlement régional ou d’une assemblée régionale investie de pouvoirs législatifs.

Pour la Chambre des Lords, deux aspects du texte en particulier posent problèmes : l’instauration de règles strictes concernant la détermination par les partis de leurs candidats, et notamment la question de la parité, et l’obligation par tous les États membres de permettre à leurs ressortissants à l’étranger de voter aux élections européennes.

Enfin, la Chambre des Communes considère notamment que l’introduction d’un seuil, d’une exigence de parité et la recommandation concernant le vote électronique sont contraires au principe de subsidiarité.

D’autres parlements ont déjà fait part de leur avis négatif sur le texte, sans pour autant émettre d’avis au titre de la subsidiarité : les deux chambres polonaises, le Sénat tchèque et le parlement lituanien.

La commission des Affaires européennes du Sénat a adopté un rapport et une proposition de résolution européenne à ce sujet le 10 mars 2016.

Le parlement suédois a demandé à ce que ce sujet soit inscrit à l’ordre du jour de la conférence des présidents des parlements de l’Union européenne qui se tiendra au Luxembourg du 22 au 24 mai prochain. Il convient donc que l’Assemblée nationale prenne position sur ce texte avant cette réunion.

Si la question des modalités d’élections des membres du Parlement européen est primordiale, celle de sa composition l’est également.

La composition du Parlement européen est fondée sur une règle de dégressivité proportionnelle, avec un seuil minimum de six députés par État membre et un maximum de quatre-vingt-seize. L’application de ce principe n’obéit toutefois pas à une règle mathématique totalement objective, et vise avant tout à assurer un équilibre délicat entre le poids démographique des États d’une part et une représentation minimale des États les moins peuplés d’autre part. Cette approche conduit logiquement à surreprésenter ces derniers : un député maltais représente environ 80 000 habitants, contre 830 000 pour un député allemand.

Depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le nombre de députés européens n’est plus fixé directement par le traité, qui renvoie à une décision du Conseil européen, adoptée à l’unanimité sur initiative du Parlement européen et avec son approbation.

Pour la législature 2014-2019, le Conseil européen a dû réviser la répartition des sièges, afin de l’adapter à l’élargissement à la Croatie (après un dépassement provisoire du plafond à la fin de la législature précédente). Toutefois, cette révision n’a permis que des modifications à la marge, mais n’a pas permis de mettre en place un système de répartition plus objectif et plus équitable.  (21)

L’article 4 de la décision du Conseil prévoit une clause de révision, selon laquelle la composition du Parlement européen devrait être « révisée suffisamment longtemps avant le début de la législature 2019-2024 sur la base d’une initiative du Parlement européen, présentée avant la fin de l’année 2016, dans le but d’instaurer un système qui, à l’avenir, avant chaque nouvelle élection au Parlement européen, permettra de répartir les sièges entre les États membres d’une manière objective, équitable, durable et transparente, en traduisant le principe de la proportionnalité dégressive tel qu’il a été fixé à l’article 1er, en tenant compte de toute modification de leur nombre et des évolutions démographiques dûment constatées pour leurs populations, en respectant ainsi l’équilibre global du système institutionnel tel qu’il a été fixé dans les traités ».

Au vu de la complexité et de la sensibilité politique de ce sujet, il apparait donc urgent que la commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen présente une proposition en ce sens.

La campagne des élections européennes de 2014 en France avait été marquée par le choix des chaines nationales de télévision publique de ne pas retransmettre en direct sur leurs antennes le débat entre les cinq principaux candidats au poste de président de la Commission européenne, débat seulement retransmis sur les sites internet de France télévisions et de la chaine franco-allemande Arte.

Dans ces conditions, comment créer un véritable espace public européen ?

Votre rapporteure considère que les chaines publiques nationales devraient être encouragées à retransmettre les principaux débats organisés au niveau européen lors de la campagne des élections européennes, et que cet aspect devrait être pris en compte par la décision du Conseil.

La loi du 11 avril 2003 a modifié le mode de scrutin européen. Il s’organise désormais au sein de huit circonscriptions interrégionales (Nord-Ouest, Ouest, Est, Sud-Ouest, Sud-Est, Massif central-Centre, Île-de-France, Outre-Mer) et non plus au sein d’une seule circonscription nationale comme cela était le cas auparavant.

Cette réforme devait permettre de renforcer la légitimité démocratique des élus français au Parlement européen en les rapprochant de leurs électeurs, et de limiter la dérive qui consiste à faire de ce scrutin un enjeu de politique intérieure.

Treize ans plus tard, force est pourtant de constater que les mêmes questions se posent toujours avec autant d’acuité.

Par ailleurs, la constitution de « grandes régions » depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015, relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral incite à se questionner sur la pertinence et la lisibilité de ce découpage régional spécifique aux élections européennes.

La rapporteure estime que l’Assemblée nationale devrait à nouveau se saisir de cette question, afin de faciliter la mobilisation des électeurs français en vue des prochaines élections européennes.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission s’est réunie le 22 mars 2016, sous la présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé du rapporteur a été suivi d’un débat.

M. Philippe Armand-Martin. Ce projet recommande aux États membres d’abaisser l’âge de la majorité électorale à seize ans. Il me semble étonnant que ce principe ait été adopté par le Parlement européen dans sa résolution dans la mesure où c’est le cas actuellement d’un État membre seulement : l’Autriche. Dès lors, pourriez-vous préciser les motivations qui pourraient conduire à une telle modification ?

Le texte prévoit également l’instauration du vote électronique. Je comprends qu’une telle mesure puisse favoriser le vote, mais il n’en demeure pas moins que cela soulève des interrogations, notamment sur les « zones blanches » sans internet qui existent toujours sur notre territoire. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur les garanties qui devraient être mises en œuvre pour garantir la sécurité du scrutin ?

M. Pierre Lequiller. Je ne suis pas favorable à la création de listes transnationales. C’est une idée sympathique mais je pense que c’est une « fausse bonne idée ». La visibilité des députés européens élus de cette manière serait encore plus faible !

Par ailleurs, j’avais milité un moment et j’étais parvenu à ce qu’on mette sur une liste UMP à l’époque, un européen non français. Honnêtement, cela a été un échec.

Sur les 3 à 5%, nous sommes favorables à l’introduction d’un seuil minimal, afin de lutter contre la fragmentation politique au Parlement européen. Nous ne sommes pas en faveur de la proportionnelle intégrale, même si il n’est pas nécessaire de dégager une majorité politique stable à tout prix au niveau européen.

Sur le délai de douze semaines pour le dépôt des candidatures, je suis favorable à votre proposition, madame la présidente. Deux mois me semblent être un délai plus raisonnable.

Sur la question de la parité, nous sommes bien sûr d’accord.

Sur la question de la visibilité des partis politiques européens, je partage la position de la présidente. C’est un terme beaucoup trop flou. Il faudrait rentrer dans le détail des centimètres qui sont consacrés à l’étiquette du parti national et celui du parti européen ! Je crois d’ailleurs que plusieurs partis apposent déjà le logo de leur parti européen sur les bulletins de vote aux élections européennes.

Sur la question de la transparence, je suis sidéré ! Qu’est-ce que cela signifie ? Va-t-on mandater des inspecteurs pour contrôler la manière dont les partis désignent leurs candidats ? Je pense que c’est un terme qui est un peu directif et qui ne correspond pas à l’image que nous voulons donner de l’Europe.

Sur les euro circonscriptions françaises, je suis d’accord avec vous. Je pense qu’il faut mener une réflexion sur ce sujet, notamment dans le cadre des nouvelles régions.

Mme Marietta Karamanli : Je vous remercie pour le travail qui a été présenté à travers ce rapport. Nous ne sommes pas d’accord sur tout, mais cela a le mérite de créer le débat.

Au groupe socialiste, nous pensons que l’objectif doit rester celui de la lisibilité du système des élections européennes pour les citoyens.

Nous sommes donc opposés à l’idée de créer une circonscription nationale. Il faut maintenir le principe de « un électeur, une voix », pour garantir la visibilité des députés européens. Créer une circonscription électorale éloignerait encore plus les députés européens des citoyens ! Nous proposerons un amendement sur ce sujet.

Concernant la visibilité des emblèmes des partis politiques européens, nous y sommes très favorables.

Sur l’harmonisation des délais, nous considérons que c’est également une bonne chose.

Le texte du Parlement européen propose de garantir le droit de vote aux élections européennes aux citoyens qui ne résident pas dans leur Etat membre. C’est actuellement le cas en France, mais pas dans tous les pays européens ! Je pense que c’est un bon principe qu’il faudra défendre.

Nous proposons d’aller plus loin sur la parité, car les résultats en faveur de la représentation des femmes doivent être effectifs.

Sur le principe des seuils, nous considérons qu’un seuil minimal constitue une garantie, permettant de concilier la justice avec l’efficacité.

Enfin, sur en ce qui concerne le jour du vote, nous considérons qu’il est nécessaire de laisser une certaine souplesse au niveau national.

M. Christophe Caresche, député : C’est un débat important, car derrière le mode d’élection des parlementaires européens, c’est la conception même de l’Europe qui est en cause. Mais il est un peu surréaliste d’avoir ce débat au moment où la question du départ d’un Etat membre de l’Union est à l’ordre du jour. D’ailleurs, quelles seraient les conséquences d’un « Brexit » sur les institutions communautaires ?

Il y a deux logiques. Si l’on considère que le Parlement européen est un parlement d’essence fédérale, et qu’il a vocation à représenter l’ensemble des citoyens européens, l’idée d’une circonscription transnationale est assez juste.

La deuxième logique est celle qui prévalait avant les élections des parlementaires européens au suffrage direct. On peut considérer que le Parlement européen représente les nations européennes. Dans cette logique-là, cela ne me choquerait même pas que les représentants au Parlement européen puissent être en même temps membres des parlements nationaux.

Ce sont deux logiques assez différentes, et je pense que la crise actuelle de l’Union européenne nous conduira à clarifier dans un sens ou dans l’autre ces deux logiques.

Enfin, je souhaite rebondir sur le point 11 de la proposition de résolution, « souhaite qu’une réflexion soit engagée à l’Assemblée nationale sur l’harmonisation des élections au Parlement européen, notamment dans le cadre de la nouvelle délimitation des régions ». Personnellement, je considère que la régionalisation des élections européennes est un échec, et je ne vois pas ce que cela a apporté à la proximité des députés européens avec leurs électeurs. Cela ne me choquerait pas que l’on revienne à une circonscription nationale, et je sais que le ministre de la justice n’y était pas opposé lorsqu’il présidait la commission des lois.

M. Arnaud Leroy : Je trouve surprenant de traiter des élections au Parlement européen ne sachant pas s’il y en aura en 2019 ! Soyons francs, pas pessimistes mais en tout cas réalistes. Un ensemble de cinq-cents millions d’habitants est secoué par une vague de réfugiés que nous avons du mal à gérer et que nous sommes obligés de sous-traiter. Nous sommes tous pétris de peur à l’idée de la sortie de la Grande-Bretagne. Moi, je suis de ceux qui pensent qu’il faut régénérer l’Europe. Aller plus en avant, faire avec ceux qui veulent et arrêter d’essayer de faire monter les gens de force dans le train. Mais ceux qui ne veulent pas y monter n’ont pas le droit de réclamer quoi que ce soit, ni le sandwich ni le café chaud !

J’entends sur le besoin d’harmonisation aux élections du Parlement européen mais je suis beaucoup plus soucieux du lien à fabriquer avec les électeurs.

Je crois qu’il faut revenir sur des choses claires. Je n’ai pas le regard négatif de Christophe Caresche sur la régionalisation des élections européennes, je pense que c’est seulement le deuxième mandat. Il faut aussi un peu de temps. Il faut aussi des candidats français qui, à l’instar des Allemands, s’installent dans le paysage politique européen.

Je crois que la question de l’organisation des élections européennes ne peut pas être dissociée de la question de l’articulation entre le Parlement européen et les parlements nationaux. Les députés européens n’ont pas le monopole de la souveraineté européenne ! Sans revenir à la situation qui prévalait avant 1979, il faut trouver une solution, qui devra peut-être passer par l’organisation des parlements nationaux en marge du Parlement européen. Je pense que la France devra être force de proposition sur ce sujet dans les années à venir.

M. Pierre Lequiller : Les députés européens sont systématiquement invités à nos réunions. Est-ce réciproque ?

Quant aux choix des candidats, nous en avons largement parlé dans le rapport que nous avons fait avec Christophe Caresche sur l’influence française en Europe.

M. Nicolas Bay, député européen :

Je voudrais faire trois remarques sur cette proposition.

Tout d’abord concernant la circonscription unique, elle me parait sur son principe même totalement attentatoire au principe de souveraineté nationale. C’est vrai qu’il y a un véritable débat quant à savoir si l’on a une conception fédérale de l’Europe ou une conception confédérale. Pour ma part, je suis pour une conception confédérale. J’ai entendu lors de ces débats des opinions différentes. Mais une chose est sûre c’est que dans les textes actuels, l’Europe est bien une confédération ! D’ailleurs, la loi française dispose que nous sommes « les représentants français au Parlement européen ».

Sur l’introduction de critères de transparence pour la désignation des candidats, c’est selon moi totalement contraire à l’article 4 de la Constitution. Il convient de rappeler que c’est aux électeurs de choisir qui ils élisent ! Le fait d’imposer des règles aux partis politiques constitue à priver les électeurs d’un véritable choix.

Enfin sur la régionalisation, il y a un certain consensus, au-delà des clivages politiques, pour dire que ces euro-régions ne correspondant pas à grand-chose. Évidemment nous pouvons légitimement nous poser la question de savoir si les treize nouvelles grandes régions ne pourraient pas être utilisées comme circonscription pour les élections européennes, mais je ne pense pas qu’il s’agisse d’une bonne idée, parce que cela pourrait contribuer à rendre flou le débat sur l’enjeu de la construction européenne, en laissant croire que l’enjeu se situerait région par région.

Je suis donc plutôt favorable au retour à une circonscription nationale unique. J’ai conscience que cela ne va pas forcément dans le sens de ma famille politique, en effet quand un parti politique arrive en tête des élections européennes, il bénéficie à cause de la règle de la répartition à la plus forte moyenne d’un nombre de sièges supérieur proportionnellement à son poids dans les urnes, phénomène qui est amplifié dans des circonscriptions plus petites.

Mme Marietta Karamanli : Je suis très sensible à ce qu’a dit M. Caresche sur le fédéralisme. Je pense que l’on ne pourra mettre en place des circonscriptions transnationales qu’à partir du moment où nous passerons vraiment à un système fédéraliste, mais ce n’est pas du tout le cas pour le moment.

M. Gilles Savary : Je comprends que l’on cherche une nouvelle formule pour les élections européennes, lorsque l’on regarde la participation : ces élections sont les plus méprisées, les plus boudées, et les plus manipulées par les français, parce que quelque part ils n’en saisissent pas tous les enjeux.

Je suis d’idéal fédéraliste, aujourd’hui plus que jamais, au moment où l’on nous demande de fermer nos frontières. Mais je pense que le fédéralisme ne peut pas être inventé de façon subreptice au moyen d’un mode de scrutin alors que toutes les questions posées par le fédéralisme n’ont pas été réglées – l’unification des partis politiques, le budget, les compétences attribuées au niveau fédéral et celles qui restent subsidiaires…Le fédéralisme ne se décide pas à la faveur d’une réforme du mode de scrutin sans que le reste ne suive.

De plus, l’ambiguïté française sur l’Europe est très visible : les plus européens à gauche veulent l’Europe sociale à condition que l’on suive le modèle français – sécurité sociale et salaire minimum français -, et les plus européens à droite veulent l’Europe de la défense, à condition que le président de la République français reste totalement souverain dans l’emploi des forces ! Je pense qu’il faudra dissiper cette ambiguïté un jour.

Je pense qu’il faut se ranger à des solutions plus pragmatiques et avancer par étape. Celle qui a ma faveur n’est pas dans le texte, et personne ne l’a proposée, serait de créer des circonscriptions de 800 000 habitants et d’instaurer un mode de scrutin uninominal, pour vraiment rapprocher les débat des citoyens ! Mais je sais que ce n’est pas « à la mode ». Je vous fais remarquer que s’il devait y avoir un fédéralisme électoral avec des effets de seuils – 4% ou 5% - certains États, les plus petits, ne seraient pas du tout représentés !

Bien sûr il y a d’autres débats sur le choix des candidats et la façon dont nos partis politiques valorisent ou dévalorisent l’Europe.

La Présidente Danielle Auroi : Je ne suis pas sure qu’un mode de scrutin uninominal rapproche vraiment les députés européens des citoyens, car les circonscriptions seraient nécessairement très larges. Par ailleurs, cela ne favoriserait pas forcément la parité…comme on le voit aujourd’hui à l’Assemblée nationale.

Nous allons maintenant passer aux amendements.

Mme Marietta Karamanli : L’amendement n°1, comme je le disais tout à l’heure, vise à maintenir la simplicité du vote et le principe « un électeur, un vote », et à éviter de créer des députés « hors-sol », en rejetant la proposition d’une circonscription transnationale.

La présidente Danielle Auroi : La proposition faite par le Parlement européen ne précise pas les modalités qui présideraient à la formation d’une telle circonscription électorale commune, et notamment le nombre de députés européens qui seraient élus de cette manière, ou la façon dont seraient constituées les listes électorales. Dans des propositions précédentes, le Parlement européen avait proposé que les candidats sur ces listes transnationales proviennent d’au moins un tiers des États membres de l’Union, et que chaque électeur ait deux bulletins, l’un pour les listes nationales et l’autre pour les transnationales.

Je comprends vos réticences, mais je pense que la mise en place d’une circonscription transnationale est la seul moyen de construire un véritable « espace public européen » et non pas une addition de vingt-huit élections nationales comme c’est le cas aujourd’hui. En effet, la constitution de listes transnationales permettrait d’éviter que les campagnes des élections européennes, menées par les partis nationaux, ne soient captées par des questions politiques nationales, comme cela tend malheureusement à être le cas aujourd’hui.

Cela ne signifie pas qu’il ne faut supprimer les circonscriptions nationales, qui effectivement permettent aux députés d’être plus proches de leurs électeurs !

Je suis donc défavorable à cet amendement.

L’amendement n°1 est adopté.

L’amendement de M. Lequiller visant à supprimer cet alinéa tombe donc.

Mme Marietta Karamanli : L’amendement n°3 vise à enlever la fin de la phrase sur la visibilité des logos, en enlevant le « plus souple ».

La présidente Danielle Auroi :

Je suis tout à fait d’accord avec vous, et je pense que les partis politiques nationaux devraient faire mention de leur affiliation aux partis politiques européens, qui souffrent aujourd’hui d’un manque de visibilité.

Toutefois, je souhaite porter à votre connaissance plusieurs questions.

Que signifie : « la même visibilité ? ». Faudra-t-il que les logos aient exactement la même taille ? Le ministère de l’intérieur m’a alerté sur les risques très importants en termes de contentieux que pourrait créer une telle disposition…Que se passera-t-il si une liste n’a pas respecté cette règle ? Les élections seront-elles annulées ? Surtout, quid des partis qui ne sont affiliés à aucun parti européen ? On peut le déplorer, mais ils doivent pouvoir se présenter !

Des dispositions trop prescriptives pourraient constituer une ingérence dans la libre organisation des partis politiques, consacrée par l’article 4 de la Constitution. C’est pourquoi la proposition de résolution que je vous soumets mentionne la nécessaire souplesse de cette règle, tout en soutenant pleinement son principe.

Je m’en remets à la sagesse de mes collègues.

M. Christophe Caresche : Je pense que c’est surtout la formulation qui est maladroite, c’est un peu contradictoire.

M. Pierre Lequiller : Je trouve que c’est la formulation du Parlement européen qui est floue.

L’amendement n° 2 est adopté.

Je retire mon autre amendement.

Mme Marietta Karamanli : Nous souhaitons affirmer la nécessité d’une stricte alternance entre les hommes et les femmes sur les listes pour que ce principe de parité devienne une réalité, car c’est en disant les choses que l’on fait les choses !

La présidente Danielle Auroi : Je suis évidemment tout à fait d’accord avec vous : il ne faut pas se satisfaire d’une parité de façade, et il faut s’assurer que les femmes soient placées à des positions éligibles, et ne soient pas «  reléguées » en fin de liste !

En France, la loi de 2003 a consacré ce principe d’une alternance stricte d’un candidat de chaque sexe sur les listes. Actuellement, la délégation française est composée de 43% de femmes.

Toutefois, je me permets de vous signaler que le système de listes « bloquées » que nous connaissons en France est très loin d’être généralisé dans toute l’Union européenne.

En effet, dans la plupart des États membres, les électeurs ont la possibilité d’exprimer des votes préférentiels afin de changer l’ordre des noms sur la liste. Au Luxembourg, il est possible de voter pour des candidats appartenant à différentes listes et, en Suède, les électeurs peuvent également ajouter ou supprimer des noms sur les listes.

Tout cela réduirait considérablement la portée de la modification que vous venez de proposer, il me semble…Je donne un avis favorable néanmoins.

L’amendement n°3 est adopté à l’unanimité.

Mme Marietta Karamanli : L’amendement n°4 défend un seuil électoral minimum, pour concilier la justice avec l’efficacité. Cela permet d’éviter les phénomènes de vote uniquement localisés et l’éparpillement des groupes au Parlement européen.

La présidente Danielle Auroi : Je pense que le principe même de l’introduction de seuils électoraux obligatoires porte atteinte à la représentativité du scrutin et au pluralisme politique. Comme je l’ai rappelé, dans la pratique, cette disposition ne concernera que l’Espagne et l’Allemagne, et c’est une demande allemande pour contourner la Cour de Karlsruhe. Avis de sagesse, donc.

L’amendement n°4 est adopté.

Mme Marietta Karamanli : L’amendement n°5 vise à laisser une certaine latitude aux Etats membre pour définir le jour du vote, afin de mieux respecter les traditions électorales nationales, et ainsi de favoriser la participation.

La présidente Danielle Auroi : Je comprends vos arguments, mais je crois fermement qu’un jour de vote unique serait un symbole fort pour les électeurs européens, et permettrait une meilleure visibilité, notamment dans les médias…Cela serait un symbole d’unité. Actuellement, les électeurs britanniques et néerlandais doivent attendre quatre jours pour avoir les résultats, c’est également démotivant, il me semble ! Je m’en remets à votre sagesse.

L’amendement n°5 est adopté.

La résolution ainsi modifiée est adoptée à l’unanimité.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE INITIALE

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu l’article 223 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu la proposition de réforme de la loi électorale de l’Union européenne transmise par le Parlement européen (n° E 10797),

Vu la résolution du Parlement européen du 11 novembre 2015 sur la réforme de la loi électorale de l’Union européenne (2015/2035(INL)),

Vu la proposition de décision du Conseil adoptant les dispositions modifiant l’acte portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct,

Vu la décision du Conseil du 25 juin 2002 et du 23 septembre 2002 modifiant l’acte portant élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct, annexé à la décision 76/787/CECA, CEE, Euratom (2002/772/CE, Euratom),

Vu la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen,

Vu la loi n° 2003-327 du 11 avril 2003 relative à l’élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu’à l’aide publique aux partis politiques,

Considérant que l’adoption de règles électorales uniformes dans tous les États de l’Union pour les élections européennes, telle que prévue par l’article 223 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, est nécessaire pour créer un véritable espace public européen et renforcer la légitimité démocratique du Parlement européen ;

1. Est favorable à la création d’une circonscription électorale transnationale, dans laquelle les listes seraient emmenées par le candidat ou la candidate de chaque famille politique à la présidence de la Commission européenne ;

2. Est favorable au renforcement de la visibilité des noms et des emblèmes des partis politiques européens sur les bulletins de vote lors des élections européennes, mais souhaite que ces dispositions restent souples ;

3. Souhaite que le délai pour l’établissement des listes des candidats soit harmonisé au niveau européen mais considère que le délai de douze semaines proposé par le Parlement européen est trop long et propose de raccourcir ce délai à huit semaines ;

4. Se félicite de la volonté du Parlement européen de consacrer le principe de parité pour la constitution des listes de candidats aux élections européennes ;

5. S’interroge sur la nécessité d’introduire des seuils électoraux obligatoires, qui pourraient porter atteinte à la représentativité du scrutin et au pluralisme politique du Parlement européen ;

6. Juge insuffisamment claire la disposition proposée par le Parlement européen selon laquelle les partis politiques sélectionnent leurs candidats aux élections européennes en respectant les procédures démocratiques et la transparence et considère qu’ainsi rédigée, cette disposition pourrait porter atteinte à la liberté d’action des partis politiques telle que consacrée par l’article 4 de la Constitution du 4 octobre 1958 ;

7. Estime qu’il est indispensable de garantir le droit de vote aux élections européennes aux citoyens européens ne résidant pas dans leur État membre ;

8. Est favorable à la mise en place d’un délai harmonisé dans toute l’Union européenne pour l’établissement des listes électorales, mais suggère que ce délai soit fixé à quatre semaines plutôt que huit semaines ;

9. Souhaite l’harmonisation du jour du vote pour les élections européennes dans tous les États membres de l’Union ;

10. Salue la proposition de mettre en place une autorité de contact chargée d’échanger avec ses homologues des autres États membres des données sur les citoyens de l’Union qui ne sont pas ressortissants de l’Etat membre dans lequel ils résident, afin de fiabiliser les listes électorales, et souligne que toutes les garanties nécessaires devront être mises en place afin de garantir le respect par cette autorité de contact de la protection des données personnelles ;

11. Souhaite qu’une réflexion soit engagée à l’Assemblée nationale sur une réforme de l’organisation des élections au Parlement européen, notamment dans le cadre de la nouvelle délimitation des régions ;

12. Considère qu’il est primordial de renforcer le traitement médiatique accordé par les chaines publiques nationales de télévision et de radio à l’actualité électorale européenne, et notamment la diffusion des débats ayant lieu au niveau supranational.

AMENDEMENTS EXAMINES PAR LA COMMISSION

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPEENNES

Proposition de résolution européenne sur la réforme de la loi électorale européenne

 

AMENDEMENT

No 1

présenté par

Philip CORDERY et les membres du groupe SRC

----------

ARTICLE UNIQUE

A l’alinéa 1, remplacer « favorable » par « défavorable ».

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cette circonscription qui serait connexe à celle des Etats ne concernerait que 8% des députés européens. Cela supposerait la mise en place d’un double vote : un vote pour les représentants nationaux, un vote pour les députés issus de la circonscription transnationale. Outre le fait que cela ne garantirait pas une meilleure visibilité, la création d’un tel dispositif aurait l’inconvénient de créer deux catégories de députés.

Par ailleurs, la circonscription transnationale concourrait, du fait de sa taille, à l’éloignement des électeurs vis-à-vis de leur député.

   

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPEENNES

Proposition de résolution européenne sur la réforme de la loi électorale européenne

 

AMENDEMENT

No 2

présenté par

Philip CORDERY et les membres du groupe SRC

----------

ARTICLE UNIQUE

A l’alinéa 2, supprimer les mots « mais souhaite que le dispositif reste souple. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Au lieu de créer une circonscription transnationale, il conviendrait plutôt d’européaniser en privilégiant justement l’inscription des logos des partis politiques européens sur les bulletins de vote. Il faut donc renforcer ce dispositif et permettre une véritable harmonisation sur ce point.

   

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPEENNES

Proposition de résolution européenne sur la réforme de la loi électorale européenne

 

AMENDEMENT

No 3

présenté par

Philip CORDERY et les membres du groupe SRC

 
 

----------

ARTICLE UNIQUE

Réécrire l’alinéa 4 comme suit : « Estime nécessaire, au-delà du principe de parité proposé par le Parlement européen, que soit mis en œuvre une alternance stricte femmes hommes sur les listes de candidats aux élections européennes. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Alors que la proposition du Parlement européen, de même que la PPRE, ne concernent qu’une parité des listes, le groupe SRC est en faveur d’une parité des élus en reprenant la loi française qui stipule que doit être mis en place « une alternance stricte femmes hommes sur les listes. »

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPEENNES

Proposition de résolution européenne sur la réforme de la loi électorale européenne

 

AMENDEMENT

No 4

présenté par

Philip CORDERY et les membres du groupe SRC

----------

ARTICLE UNIQUE

Réécrire l’alinéa 5 comme suit : « Est favorable à l’introduction des seuils électoraux obligatoires ».

EXPOSÉ SOMMAIRE

La proposition du Parlement européen propose des seuils électoraux de 3% à 5% pour être élu. C’est déjà le cas dans la plupart des Etats. Cependant, la Cour de Karlsruhe a annulé en 2014 un tel dispositif en Allemagne au motif que ce n’était pas une obligation européenne, entrainant de facto l’entrée au Parlement européen d’un député néo-nazi. Le groupe SRC est favorable à cette mesure.

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPEENNES

Proposition de résolution européenne sur la réforme de la loi électorale européenne

 

AMENDEMENT

No 5

présenté par

Philip CORDERY et les membres du groupe SRC

----------

ARTICLE UNIQUE

Réécrire l’alinéa 9 comme suit : « Soutien la position du Parlement européen laissant une certaine latitude aux Etats pour décider du jour de vote, dans le plein respect des habitudes institutionnelles nationales ».

EXPOSÉ SOMMAIRE

Alors que la proposition du Parlement européen n’en fait pas la mention expresse, la PPRE introduit le principe d’un jour unique de vote pour toute l’Union européenne. Le Groupe SRC est contre une telle mesure, car une modification des habitudes de vote nationales (par exemple, jeudi au Royaume-Uni, dimanche en France) ne concourrait pas à une amélioration de la participation. Elle aurait même l’effet inverse.

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPEENNES

Proposition de résolution européenne sur la réforme de la loi électorale européenne

 

AMENDEMENT

No 6

présenté par

Pierre Lequiller

----------

ARTICLE UNIQUE

Suppression de l’alinéa 1.

EXPOSÉ SOMMAIRE

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPEENNES

Proposition de résolution européenne sur la réforme de la loi électorale européenne

 

AMENDEMENT

No 7

présenté par

Pierre Lequiller

----------

ARTICLE UNIQUE

Suppression de l’alinéa 3.

EXPOSÉ SOMMAIRE

PROPOSITION DE RESOLUTION EUROPEENNE ADOPTEE

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu l’article 223 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu la proposition de réforme de la loi électorale de l’Union européenne transmise par le Parlement européen (n° E 10797),

Vu la résolution du Parlement européen du 11 novembre 2015 sur la réforme de la loi électorale de l’Union européenne (2015/2035(INL)),

Vu la proposition de décision du Conseil adoptant les dispositions modifiant l’acte portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct,

Vu la décision du Conseil du 25 juin 2002 et du 23 septembre 2002 modifiant l’acte portant élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct, annexé à la décision 76/787/CECA, CEE, Euratom (2002/772/CE, Euratom),

Vu la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen,

Vu la loi n° 2003-327 du 11 avril 2003 relative à l’élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu’à l’aide publique aux partis politiques,

Considérant que l’adoption de règles électorales uniformes dans tous les États de l’Union pour les élections européennes, telle que prévue par l’article 223 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, est nécessaire pour créer un véritable espace public européen et renforcer la légitimité démocratique du Parlement européen ;

1. Est défavorable à la création d’une circonscription électorale transnationale, dans laquelle les listes seraient emmenées par le candidat ou la candidate de chaque famille politique à la présidence de la Commission européenne ; 2. Est favorable au renforcement de la visibilité des noms et des emblèmes des partis politiques européens sur les bulletins de vote lors des élections européennes ;

3. Souhaite que le délai pour l’établissement des listes des candidats soit harmonisé au niveau européen mais considère que le délai de douze semaines proposé par le Parlement européen est trop long et propose de raccourcir ce délai à huit semaines ;

4. Estime nécessaire, au-delà du principe de parité proposé par le Parlement européen, que soit mise en œuvre une alternance stricte entre hommes et femmes sur les listes de candidats aux élections européennes ;

5. Est favorable à l’introduction de seuils électoraux obligatoires ;

6. Juge insuffisamment claire la disposition proposée par le Parlement européen selon laquelle les partis politiques sélectionnent leurs candidats aux élections européennes en respectant les procédures démocratiques et la transparence et considère qu’ainsi rédigée, cette disposition pourrait porter atteinte à la liberté d’action des partis politiques telle que consacrée par l’article 4 de la Constitution du 4 octobre 1958 ;

7. Estime qu’il est indispensable de garantir le droit de vote aux élections européennes aux citoyens européens ne résidant pas dans leur État membre ;

8. Est favorable à la mise en place d’un délai harmonisé dans toute l’Union européenne pour l’établissement des listes électorales, mais suggère que ce délai soit fixé à quatre semaines plutôt que huit semaines ;

9. Soutient la position du Parlement européen laissant une certaine latitude aux Etats membres pour décider du jour du vote pour les élections européennes, dans le plein respect des habitudes institutionnelles nationales ;

10. Salue la proposition de mettre en place une autorité de contact chargée d’échanger avec ses homologues des autres États membres des données sur les citoyens de l’Union qui ne sont pas ressortissants de l’Etat membre dans lequel ils résident, afin de fiabiliser les listes électorales, et souligne que toutes les garanties nécessaires devront être mises en place afin de garantir le respect par cette autorité de contact de la protection des données personnelles ;

11. Souhaite qu’une réflexion soit engagée à l’Assemblée nationale sur une réforme de l’organisation des élections au Parlement européen, notamment dans le cadre de la nouvelle délimitation des régions ;

12. Considère qu’il est primordial de renforcer le traitement médiatique accordé par les chaines publiques nationales de télévision et de radio à l’actualité électorale européenne, et notamment la diffusion des débats ayant lieu au niveau supranational.

ANNEXES

ANNEXE N° 1 :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS

Secrétariat général des affaires européennes

Mme Juliette CLAVIERE, conseillère auprès du secrétaire général

M. Claude CHRISTOPHE, adjoint au Chef de Secteur Parlements

Ministère des affaires étrangères

M. Nicolas THIRIET, Sous-directeur des politiques internes et des questions institutionnelles

Ministère de l’intérieur

Mme Sylvie CALVES, chef du bureau des élections et des études politiques, direction de la modernisation et de l’action territoriale

M. Augustin CELLARD, adjoint au chef du bureau des élections et des études politiques

ANNEXE N° 2 :
LETTRE DES PARLEMENTS NATIONAUX AU PRÉSIDENT DU PARLEMENT EUROPÉEN

ANNEXE 3 : RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU PARLEMENT EUROPÉEN

ANNEXE 4 : LES ÉLECTIONS EUROPÉENNES DANS CHAQUE ÉTAT MEMBRE

 

Circonscriptions

Vote préférentiel

Seuil

Droit de vote

Candidature

Jours de scrutin

ALLEMAGNE

circonscription nationale unique – mais les députés sont élus soit sur une liste de Land soit sur une liste fédérale

 

non

 

non (depuis les élections européennes de 2014, 5% avant)

âge: 18 ans

- citoyens de l’UE inscrits ;

- tout ressortissant de l’UE résidant en Allemagne ou dans l’UE depuis au moins 3 mois, inscrit sur les listes électorales

 

âge: 18 ans

- citoyens de l’UE inscrits

 

dimanche

AUTRICHE

circonscription nationale unique

oui

 

4 %

âge: 16 ans

- citoyens de l’UE inscrits

 

âge: 18 ans

- citoyens de l’UE inscrits

 

dimanche

BELGIQUE

trois collèges électoraux linguistiques (néerlandais, français, allemand); et quatre circonscriptions régionales:

1. Flandre (collège électoral néerlandais),

2. Wallonie (collège électoral français),

3. Bruxelles-Hal-Vilvorde (BHV) (collège électoral néerlandais ou français),

4. 2 cantons (collège électoral allemand)

oui

non

âge: 18 ans

- citoyens de l’UE inscrits

- ressortissants belges résidant dans d’autres États membres (les ressortissants belges résidant hors de l’UE ne peuvent pas voter aux élections au PE);

- vote obligatoire: la non-participation aux élections entraîne le paiement d’une amende

 

âge: 21 ans

- citoyens de l’UE inscrits

- les citoyens doivent parler la langue du collège électoral

 

dimanche

BULGARIE

circonscription nationale unique

oui

non

âge: 18 ans

- citoyens de l’UE résidant depuis 3 mois en Bulgarie ou citoyens bulgares résidant dans un autre État membre

 

âge: 21 ans

- citoyens de l’UE résidant depuis 2 ans en Bulgarie ou citoyens bulgares résidant dans un autre État membre de l’UE

dimanche

CHYPRE

circonscription nationale unique

 

non

 

1,8%

âge: 18 ans

- les citoyens de Chypre et de l’UE résidant à Chypre 6 mois avant les élections;

- liste électorale spéciale;

- vote obligatoire (mais sans imposition de sanctions)

âge: 25 ans

 

 

dimanche

CROATIE

Circonscription nationale unique

Oui

5%

Age : 18 ans

18 ans

dimanche

DANEMARK

circonscription nationale unique

 

non

 

non

âge: 18 ans

- citoyens danois résidant de façon permanente dans l’UE;

- citoyens de l’UE inscrits

âge: 18 ans

- toute personne jouissant du droit de vote aux élections du PE;

 

 

dimanche

ESPAGNE

circonscription nationale unique

 

non

 

non

âge: 18 ans

- citoyens de l’UE inscrits

 

âge: 18 ans

- citoyens de l’UE inscrits

 

dimanche

ESTONIE

circonscription nationale unique

 

non

 

 

âge: 18 ans

 

âge: 21 ans

 

dimanche

FINLANDE

circonscription nationale unique

 

oui

 

non

âge: 18 ans

- citoyens de l’UE inscrits

 

âge: 18 ans

- citoyens de l’UE inscrits

 

dimanche

FRANCE

huit circonscriptions régionales

 

non

 

5 %

âge: 18 ans

- citoyens de l’UE inscrits

 

âge: 23 ans

- citoyens de l’UE inscrits

 

dimanche

GRÈCE

circonscription nationale unique

non

3 %

âge: 18 ans

Vote obligatoire

âge: 21 ans

 

dimanche

HONGRIE

circonscription nationale unique

 

non

 

5 %

âge: 18 ans

- citoyens de l’UE inscrits

 

âge: 18 ans

- tous les électeurs ont le droit de se présenter aux élections sur les listes de parti

dimanche

IRLANDE

quatre circonscriptions régionales

 

oui (vote transférable unique : l’électeur classe par ordre de préférence les candidats de la liste. Un candidat est élu dès qu’il atteint le quota, les votes supplémentaires qu’il a recueillis sont redistribués à la proportionnelle parmi les candidats restants) 

non

âge: 18 ans

 

âge: 21 ans

 

vendredi

ITALIE

cinq circonscriptions régionales

 

 

oui – et les votes peuvent être transférés d’une circonscription à une autre

 

4%

 

 

âge: 18 ans

- citoyens de l’UE inscrits;

- les citoyens italiens résidant dans d’autres États de l’UE peuvent voter dans les consulats d’Italie ou par correspondance; les citoyens italiens résidant hors de l’UE peuvent retourner voter en Italie;

âge: 25 ans

- citoyens de l’UE inscrits

 

samedi / dimanche

LETTONIE

circonscription nationale unique

 

non

 

non

âge: 18 ans

 

âge: 21 ans

 

 

samedi

LITUANIE

circonscription nationale unique

oui

 

5 %

âge: 18 ans

 

âge: 21 ans

 

dimanche

LUXEMBOURG

circonscription nationale unique

 

oui – les électeurs peuvent exprimer 6 votes

 

non

âge: 18 ans

- citoyens de l’UE résidant depuis 5 ans;

- vote obligatoire

 

âge: 18 ans

- citoyens de l’UE résidant depuis 5 ans

dimanche

MALTE

circonscription nationale unique

 

oui (un candidat est élu dès qu’il atteint le quota, les votes supplémentaires qu’il a recueillis sont redistribués à la proportionnelle parmi les candidats restants) 

non

 

âge: 18 ans

 

âge: 18 ans

 

samedi

PAYS-BAS

circonscription nationale unique 

oui

non

âge: 18 ans

- citoyens de l’UE inscrits 

âge: 18 ans

- citoyens de l’UE inscrits 

jeudi

POLOGNE

treize circonscriptions régionales

 

non

 

5 % (au niveau de chaque circonscription)

âge: 18 ans

- citoyens de l’UE inscrits

 

âge: 21 ans

- citoyens de l’UE résidant depuis 5 ans

 

dimanche

PORTUGAL

circonscription nationale unique

 

non

 

non

âge: 18 ans

 

âge: 18 ans

 

dimanche

RÉPUBLIQUE TCHÈQUE

circonscription nationale unique

oui: chaque électeur vote 2 fois. Pour être élu, il faut recueillir 5 % des votes exprimés pour son parti politique

5 %

âge: 18 ans

- citoyens de l’UE résidant en République Tchèque depuis au moins 45 jours.

 

 

âge: 21 ans

- citoyens de l’UE résidant depuis plus de 45 jours.

 

 

vendredi et samedi

ROUMANIE

circonscription nationale unique

 

non

 

5 %

âge: 18 ans

- citoyens de l’UE inscrits

âge: 23 ans

- citoyens de l’UE inscrits

dimanche

ROYAUME-UNI

douze circonscriptions régionales

 

 

Grande-Bretagne: non

 

Irlande du Nord: oui

non

âge: 18 ans

- citoyens de l’UE inscrits résidant depuis 1 an

 

âge: 21 ans

- citoyens de l’UE inscrits résidant depuis 1 an

jeudi

 

 

SLOVAQUIE

circonscription nationale unique

 

oui

 

5 %

âge: 18 ans

- les citoyens de l’UE résidents inscrits et présents le jour des élections

âge: 21 ans

- citoyens de l’UE inscrits

 

samedi

SLOVÉNIE

circonscription nationale unique

 

oui

 

non

âge: 18 ans

âge: 18 ans

 

dimanche

SUÈDE

circonscription nationale unique

 

oui

 

les partis doivent obtenir 4 %; les candidats 5 % du nombre total de votes exprimés en faveur de leur parti

âge: 18 ans

- citoyens de l’UE inscrits

 

âge: 18 ans

- toutes les personnes ayant le droit de vote peuvent se présenter aux élections

 

dimanche

1 () La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

2 () Résolution du 15 juillet 1998 sur l'élaboration d'un projet de procédure électorale comprenant des principes communs pour l'élection des députés au Parlement européen.

3 () Décision du Conseil du 25 juin 2002 et du 23 septembre 2002 modifiant l'acte portant élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct, annexé à la décision 76/787/CECA, CEE, Euratom (2002/772/CE, Euratom).

4 () Cette méthode donne la possibilité à l'électeur de transférer son vote sur un autre candidat si le candidat de son premier choix n'a plus besoin de sa voix lorsque son bulletin est examiné (c'est à dire s'il est déjà élu ou éliminé du compte), l’électeur ayant la possibilité de voter pour tous les candidats en les classant par ordre de préférence.

5 () Avec l’adoption de l’ « European Parliamentary Elections Act » de 1999.

6 () En France, depuis la loi organique n°2000-294 du 5 avril 2000.

7 () Une dérogation a été accordée à l’Irlande et au Royaume-Uni, permettant aux parlementaires nationaux de continuer à cumuler leur mandat avec celui de membre du Parlement européen jusqu’en 2009.

8 () Rapport d’Andrew Duff du 28 avril 2011 sur la proposition de modification de l'acte du 20 septembre 1976 portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct (2009/2134(INI))

9 () Deuxième rapport d’Andrew Duff du 2 février 2012 sur la proposition de modification de l'Acte du 20 septembre 1976 portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct.

10 () Résolution du Parlement européen du 4 juillet 2013 sur l'amélioration des modalités pratiques d'organisation des élections européennes de 2014 (2013/2102(INI)).

11 () Des visages sur des clivages : les élections européennes de mai 2014, étude de Yves Bertoncini et Thierry Chopin pour l’Institut Delors, 25 avril 2014.

12 () Conseil d'État, 3 / 5 SSR, du 30 novembre 1998, 195128.

13 () Ainsi, Martin Sonneborn, ancien rédacteur en chef du magazine satirique « Titanic » et membre de Die Partie (Parti pour le travail, l’État de droit, la protection des animaux, l’élitisme et l’initiative démocratique) a été élu député au Parlement européen en récoltant 0,6 % des suffrages. Son programme proposait, entre autres, l’introduction d’un quota de paresseux « pour une existence relaxée aussi dans le nord de l’Europe », l’abolition de l’heure d’été, la construction de murs autour de la Suisse, le plafonnement des salaires des dirigeants à 25 000 fois le salaire d’un travailleur ordinaire...

14 () Source : Privation du droit de vote pour les citoyens de l'Union résidant à l'étranger, Service de recherche du Parlement européen, juin 2015.

15 () Sauf en cas d'intention de retourner au Danemark dans les deux ans qui suivent le départ.

16 () Les citoyens maltais perdent leur droit de vote s’ils n’ont pas résidé dans le pays pendant une durée d’au moins six mois au cours des dix-huit mois précédant immédiatement leur inscription sur les listes électorales nationales.

17 () Les citoyens britanniques perdent le droit de participer aux élections parlementaires nationales s’ils n’ont pas été inscrits dans une section de vote au Royaume-Uni au cours des 15 dernières années.

18

19

() Rapport du Parlement européen en 2010 sur la citoyenneté de l'Union : «Lever les obstacles à l'exercice des droits des citoyens de l'Union», 27.10.2010, COM(2010) 603 final ; Rapport du Parlement européen 2013 sur la citoyenneté de l'Union «Citoyens de l'Union: vos droits, votre avenir», 8.5.2013, COM(2013) 269 final.

Communication de la Commission relative aux conséquences de la privation du droit de vote pour les citoyens de l'Union exerçant leur droit de libre circulation, 29.1.2014, COM(2014) 33 final.

20

() Un projet contesté par un tiers des parlements (chaque assemblée de parlement bicaméral possède une voix, tandis que les parlements monocaméraux en possèdent deux) doit être réexaminé par la Commission, ou, dans le cas présent, par le Parlement européen (c’est le « carton jaune »). Une proposition dénoncée par la moitié des assemblées peut être rejetée, en première lecture et à la majorité simple, par le Parlement européen ou par le Conseil (c’est le « carton orange »).

21

() Décision du Conseil européen, du 28 juin 2013, fixant le nombre et la répartition des représentants au Parlement européen élus dans chaque État membre pour la législature 2014-2019((2013/312/UE)).