N° 3712 - Rapport d'information de Mme Marietta Karamanli et M. Hervé Gaymard déposé par la commission des affaires européennes sur la protection du droit d'auteur dans l'Union européenne




N° 3712

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 3 mai 2016.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

sur la protection du droit d’auteur dans l’Union européenne,

ET PRÉSENTÉ

PAR MME Marietta KARAMANLI et M. Hervé GAYMARD,

Députés

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(1) La composition de la commission figure au verso de la présente page.

(La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Danielle AUROI, présidente ; M. Christophe CARESCHE, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Pierre LEQUILLER, vice-présidents ; M. Philip CORDERY, Mme Sandrine DOUCET, MM. Arnaud LEROY, André SCHNEIDER, secrétaires ; MM. Ibrahim ABOUBACAR, Kader ARIF, Philippe BIES, Jean-Luc BLEUNVEN, Alain BOCQUET, Jean-Jacques BRIDEY, Mmes Isabelle BRUNEAU, Nathalie CHABANNE, MM. Jacques CRESTA, Mme Seybah DAGOMA, MM. Yves DANIEL, Bernard DEFLESSELLES, William DUMAS, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FROMION, Hervé GAYMARD, Jean-Patrick GILLE, Mme Chantal GUITTET, MM. Razzy HAMMADI, Michel HERBILLON, Laurent KALINOWSKI, Marc LAFFINEUR, Charles de LA VERPILLIÈRE, Christophe LÉONARD, Jean LEONETTI, Mme Audrey LINKENHELD, MM. Lionnel LUCA, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MIGNON, Jacques MYARD, Rémi PAUVROS, Michel PIRON, Joaquim PUEYO, Didier QUENTIN, Arnaud RICHARD, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Jean-Louis ROUMEGAS, Rudy SALLES, Gilles SAVARY)

SOMMAIRE

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Pages

I. LE CADRE JURIDIQUE EUROPÉEN QUI PROTÈGE LES DROITS D’AUTEUR EST ÉQUILIBRÉ ET NE NÉCESSITE PAS DE RÉFORME GLOBALE 11

A. LES DROITS D’AUTEUR SONT INSCRITS DANS UN CADRE CLAIR ASSORTI D’EXCEPTIONS JUSTIFIÉES ET ENCADRÉES 11

1. La directive 2001/29 dite « Société de l’information » constitue le principal texte en la matière 11

a. Les droits d’auteur : un large monopole destiné à protéger les créateurs 11

b. Les exceptions et leurs justifications 12

2. Le cadre juridique a fait l’objet de renouvellements à la marge 14

a. Les directives sectorielles 14

b. Le droit français actuel est largement issu de la transposition des textes européens 16

B. L’ÉVOLUTION TECHNOLOGIQUE ET LES NOUVEAUX MODES DE CONSOMMATION CULTURELLE BÉNÉFICIENT AUJOURD’HUI D’UNE CERTAINE SOUPLESSE JURIDIQUE 17

1. L’apparition d’usages et de modes de distribution des contenus culturels inconnus au début des années 2000… 17

2. … pourraient poursuivre leur croissance dans le cadre juridique actuel 19

II. DANS LE CADRE DE LA STRATÉGIE POUR UN MARCHÉ UNIQUE, LA COMMISSION PROPOSE UN PROGRAMME DE TRAVAIL PLUS ÉQUILIBRÉ QUE NE LE LAISSAIENT CRAINDRE LES PREMIERS TEXTES 21

A. LES TRAVAUX DU PARLEMENT EUROPÉEN ONT ABOUTI À UNE POSITION FINALEMENT COMPATIBLE AVEC LES POSITIONS FRANÇAISES 21

1. Les propositions du rapport Reda ont heurté de nombreux acteurs de la chaîne de valeur culturelle 21

2. Les « lignes rouges » des autorités françaises et de nombreux États membres ont pesé dans le compromis final 23

B. LA STRATÉGIE DE LA COMMISSION EST PLUS RESPECTUEUSE DES AUTEURS MAIS SOULÈVE TOUJOURS QUELQUES QUESTIONS 23

1. Des propositions d’action en faveur d’une plus grande circulation des œuvres à court et moyen terme 24

a. La portabilité transfrontière des contenus demeure temporaire 24

b. L’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins 25

c. La mise en œuvre effective des droits d’auteur 26

2. Les adaptations proposées par la Commission ne sont pas toutes acceptables en l’état 27

a. Des modifications bienvenues et nécessaires 27

i. L’exception pour les bibliothèques 27

ii. L’exception pour les personnes aveugles ou déficientes visuelles 29

iii. La fouille de textes et de données 29

b. Des points qui demeurent flous ou problématiques 30

i. La « liberté de panorama » 30

ii. La question du libre accès 30

iii. La préservation de la copie privée 31

c. La question de la responsabilité des hébergeurs demeure irrésolue 32

III. UNE RÉFORME DU CADRE JURIDIQUE DES DROITS D’AUTEUR DOIT ÊTRE L’OCCASION DE REDÉFINIR L’ÉQUILIBRE DE LA CHAÎNE DE VALEUR CULTURELLE, RÉAFFIRMER LA VALEUR INESTIMABLE DE LA DIVERSITÉ CULTURELLE ET D’INNOVER POUR LE RESPECT DE L’INTÉGRITÉ DES œUVRES 37

A. ACCORDER AUX AUTEURS UNE PLUS GRANDE VALORISATION DE LEURS CRÉATIONS 37

1. Le partage de la valeur au sein de la chaîne culturelle 37

2. De nouveaux droits voisins ? 39

B. LA DIVERSITÉ CULTURELLE CONSACRÉE PAR DIFFÉRENTS TEXTES JURIDIQUES EST UNE RICHESSE EUROPÉENNE ET UN LEVIER DE CROISSANCE 39

1. L’affirmation de la diversité culturelle aux échelles internationale, européenne et nationale 39

2. La valeur économique de la territorialité des œuvres… 40

a. Des études récentes confirment le poids économique des domaines culturels 40

b. Le financement de la création en France se fonde sur la territorialité des droits 41

c. Les solutions contractuelles 42

3. …impose qu’on n’en limite la portée qu’à la marge et en vertu de l’intérêt général dûment justifié 43

C. LA LUTTE CONTRE LA CONTREFAÇON EST LA SEULE MANIÈRE D’ASSURER L’EFFECTIVITÉ DES DROITS D’AUTEUR ET DOIT ÊTRE UNE PRIORITÉ 44

1. Adapter le régime de responsabilité des hébergeurs de contenu 44

2. Associer les acteurs autour des nouvelles technologies disponibles 46

TRAVAUX DE LA COMMISSION 49

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE 55

MOTION FOR A EUROPEAN RESOLUTION 59

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS 63

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La diversité culturelle est l’un des biens les plus précieux de l’humanité. Sa valeur a été reconnue par l’Unesco, dans sa Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, signée à Paris le 20 octobre 2005.

Le continent européen a la chance de bénéficier d’une très grande variété de modes d’expression culturelle, préservée notamment par les droits protégeant les œuvres et leurs auteurs. La protection de la création doit permettre à la fois d’assurer une juste rémunération pour les artistes et ayants droit et de contribuer à la permanence du geste créateur au fil du temps et des générations.

La protection des œuvres ne doit certes pas s’effectuer au détriment de leur circulation et de l’accès du plus grand nombre aux productions artistiques et culturelles. Il convient de trouver un équilibre qui puisse satisfaire consommateurs et producteurs dans les différentes filières de ce vaste domaine. C’est à cet équilibre qu’est parvenue la directive 2001/29, dite « Société de l’information », à la fois dans le monde analogique et dans le monde numérique, alors naissant.

Quinze ans après, vos rapporteurs estiment qu’il n’est pas utile, voire néfaste, de bouleverser cet équilibre en modifiant la directive. Celle-ci n’a nullement empêché la circulation des œuvres dans le monde numérique, et ne constitue pas un obstacle à la construction d’un grand marché unique numérique, au sens où l’entend la Commission européenne.

Il existe des exceptions au droit d’auteur qui relèvent d’une adaptation nécessaire aux nouveaux modes de consommation culturelle, ou qui viennent compléter des dispositifs justifiés par des besoins spécifiques et identifiés. L’extension de l’exception pour les personnes aveugles ou déficientes visuellement relève, pour vos rapporteurs, d’une avancée qui n’est pas négligeable. L’adaptation du prêt des bibliothèques dans le contexte du « livre numérique » ou l’autorisation de la « fouille de textes et de données », à condition d’être strictement encadrées, méritent d’être étudiées attentivement.

Il en va tout autrement de l’idée d’une harmonisation obligatoire des exceptions à tous les États membres de l’Union européenne. La flexibilité nationale en la matière est une condition sine qua non du développement d’un environnement stable pour les créateurs et propice à la création. De la même manière, vos rapporteurs se félicitent de la proposition d’un règlement en faveur de la portabilité transfrontière des contenus, qui permettra aux usagers de profiter, où qu’ils soient dans le territoire de l’Union, des programmes auxquels ils ont souscrit dans leur État de résidence habituelle. Mais ils insistent sur l’idée que cette portabilité doit être considérée comme strictement temporaire, et que cette temporalité doit faire l’objet d’une définition précise, sans quoi le règlement porterait une atteinte disproportionnée au principe de territorialité des droits, qui est la base du système de financement de la création, notamment en France.

Le programme de travail de la Commission, qui doit notamment aboutir en septembre à un « paquet » droits d’auteur dont les contours restent à préciser, est beaucoup plus équilibré que ne le laissaient craindre dans un premier temps les travaux du Parlement européen, et en particulier le rapport de Mme Julia Reda. Vos rapporteurs estiment toutefois que ce programme gagnerait à intégrer des problématiques qui demeurent annexes, pour le moment.

L’ouverture d’un débat sur la révision de la directive « société de l’information » pourrait s’accompagner, s’il doit avoir lieu, d’un débat sur la directive 2000/31/CE, dite « commerce électronique ». L’attention de vos rapporteurs se porte sur deux points en particulier. Tout d’abord, le statut des hébergeurs de contenu, qui ne peuvent être tenus responsables à raison des contenus hébergés de manière passive, pourrait être utilement revu. Vos rapporteurs estiment en effet que des plateformes de distribution de contenus culturels ont émergé et connaissent un modèle économique qui n’était pas envisagé lors de la rédaction de la directive. De plus, vos rapporteurs s’interrogent sur les déséquilibres induits par ce modèle économique, au détriment des auteurs, dans la nouvelle chaîne de valeur culturelle et appellent à envisager toutes les modalités pour réduire l’écart de rémunération entre ces nouveaux distributeurs et les créateurs.

Enfin, vos rapporteurs estiment que la protection des droits d’auteur n’a de sens que si le piratage et la contrefaçon, qui en sont les principales exceptions de facto, sont combattus efficacement. Pour cela, ils souhaitent, à défaut d’une révision réglementaire, la mise en place d’instruments de droit souple et soutiennent la Commission européenne dans sa démarche visant à tarir les sources de financement des acteurs qui profitent du téléchargement illégal.

La vigilance de notre Commission doit rester active en ces matières. L’objectif d’un continent connecté où puissent circuler librement des œuvres artistiques et culturelles ne peut se faire au détriment de la diversité culturelle, protégée par le Traité de Lisbonne. A contrario, l’objectif que s’est fixé, à terme, la Commission, d’un droit d’auteur unifié à l’échelle européenne, est gros d’un risque d’uniformisation culturelle, ce qui constituerait une perte irrémédiable pour nous et pour les générations à venir.

C’est pourquoi la proposition de résolution qui est soumise à votre examen s’attache à limiter les effets d’une réforme trop poussée du cadre juridique actuel des droits d’auteur et invite à progresser vers une plus juste rémunération des créateurs.

Le cadre juridique qui s’applique aux droits d’auteur ressort d’un texte principal qui synthétise le droit et les protections qu’il convient d’accorder aux œuvres, complété par diverses directives sectorielles.

La directive 2001/29/CE (1) sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information, dite « Société de l’information », constitue la base de la protection des droits d’auteur en droit européen. Elle reprend en grande partie les traités OMPI (Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle) du 20 décembre 1996. Elle instaure une protection synthétique de la création, avant de présenter une liste analytique des exceptions au droit d’auteur.

En premier lieu, la directive 2001/29/CE retient une approche synthétique du monopole, ainsi que l’explique M. Sirinelli dans son rapport consacré à l’opportunité de réviser la directive « Société de l’information » (2), en distinguant en ses articles 2, 3 et 4 les droits de reproduction, de communication au public et de distribution. Par une acception volontairement large, ces droits prévoient respectivement :

- l’autorisation ou l’interdiction pour les auteurs, de la reproduction directe ou indirecte, provisoire ou permanente, par quelque moyen et sous quelque forme que ce soit, de leurs œuvres (3) ;

- le droit exclusif pour les auteurs d’autoriser ou d’interdire toute communication au public de leurs œuvres, par fil ou sans fil, y compris la mise à la disposition du public de leurs œuvres de manière que chacun puisse y avoir accès de l'endroit et au moment qu'il choisit individuellement (4) ;

- le droit exclusif pour les auteurs d'autoriser ou d'interdire toute forme de distribution au public, par la vente ou autrement, de l'original de leurs œuvres ou de copies de celles-ci. (5)

Les avantages de cette approche synthétique sont nombreux, puisqu’elle permet de dessiner un large contour du monopole et de limiter d’autant les exceptions.

Elle a toutefois laissé une marge de manœuvre importante aux juges, notamment de la CJUE (Cour de Justice de l’Union Européenne), dont la jurisprudence en la matière a pu être discutée. Ainsi, l’utilisation du concept de « public nouveau » dans un arrêt récent (6), dans le cadre de la fourniture d’un contenu par un lien hypertexte, a été fortement critiquée par l’Association Littéraire et Artistique Internationale, dans une résolution adoptée en septembre 2014. Selon l’association, la nécessité d’un public nouveau pour mettre en œuvre le droit exclusif de communication au public entraîne son épuisement injustifié, et ce critère va à l’encontre de la directive « Société de l’Information » et des traités internationaux en la matière (7). Il résulte de cette décision et d’autres interprétations que l’équilibre délicat de ces droits pourrait appeler à une clarification, ainsi que l’expliquait M. Sirinelli lors de son audition par vos rapporteurs. La question de la mise à disposition d’œuvres au public aux fins de téléchargement, qui a fait l’objet d’un arrêt récent (8), et plus largement de l’extension de l’épuisement des droits au numérique, est actuellement pendante (9).

Il ne paraît toutefois pas souhaitable de préciser la notion de monopole. En effet, une définition plus précise qui aurait le mérite de la clarification, risquerait d’amoindrir la souplesse que permet la formulation actuelle.

Les craintes liées à l’harmonisation obligatoire des exceptions à l’échelle européenne ou leur extension s’expliquent de la même manière. Les exceptions sont fondées en droit sur ce qu’il est convenu d’appeler le « triple test ». En vertu des conditions précises et délimitées, les exceptions ne doivent pas porter atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre ou autre objet protégé, ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du droit. Celles-ci ne devraient être applicables que dans certains cas spéciaux, qui répondent à des besoins spécifiques.

Là aussi, le texte de la directive « Société de l’Information » a atteint un équilibre appréciable, en instituant vingt et une exceptions au monopole d’exploitation, dont vingt facultatives pour les États membres (10).

Les autres exceptions facultatives incluent l’exception d’utilisation à des fins d'enseignement ou de recherche scientifique, au bénéfice d'établissements publics tels que les bibliothèques et les archives, l’exception de copie privée, l’exception de parodie, de citation ou encore l’exception pour l’accès des personnes handicapées aux œuvres (11).

Le balancement entre exceptions facultatives et droit synthétique est particulièrement important dans l’optique de la bonne application du droit d’auteur. La logique inverse serait en effet celle du « fair use » américain, qui est beaucoup plus nuisible aux créateurs.

Le « fair use »

Le « fair use » a été introduit récemment en droit par le législateur américain (12) et dispose que « l’usage loyal d’une œuvre protégée, y compris par reproduction sous forme d’exemplaires ou de phonogrammes ou par tous autres moyens prévus aux termes de ces dispositions, à des fins telles que de critique, de commentaire, de compte rendu d’actualité, d’enseignement (y compris la reproduction en de multiples exemplaires pour l’utilisation en classe), de formation ou de recherche, ne constitue pas une atteinte au droit d’auteur. Afin de déterminer si l’usage d’une œuvre dans un cas déterminé est loyal, les facteurs suivants doivent notamment être pris en considération :

1) le but et le caractère de l’usage, et notamment la nature commerciale ou non de celui-ci ou sa destination à des fins éducatives et non lucratives ;

2) la nature de l’œuvre protégée ;

3) le volume et l’importance de la partie utilisée par rapport à l’ensemble de l’œuvre protégée ; et

4) l’incidence de l’usage sur le marché potentiel de l’œuvre protégée ou sur sa valeur. »

Les avantages du « fair use » tiennent au fait qu’il encourage la circulation des œuvres et doit permettre d’éviter un dommage économique trop grand pour les auteurs.

Les principales critiques adressées, et notamment par les autorités françaises, à ce système, s’attachent à son caractère imprévisible, et potentiellement défavorable à la création. L’insécurité juridique inhérente à ce dispositif vient de ce qu’un usage inapproprié des œuvres et susceptible d’entraîner des dommages importants pour les auteurs ne peut être condamné qu’a posteriori.

La preuve du caractère potentiellement nocif pour la création du « fair use » a été notamment apportée au Royaume-Uni par un rapport indépendant, qui a prôné le recours au système d’exceptions tel qu’il s’applique dans l’Union européenne, plutôt que le système américain. (13)

Il paraît donc important à vos rapporteurs de maintenir cet équilibre protecteur envers les artistes mais compatible avec une circulation adaptée des œuvres, et de veiller à ne pas multiplier les exceptions de telle sorte que le droit d’auteur se réduirait à « peau de chagrin ».

La question des droits d’auteur ne se réduit toutefois pas uniquement aux droits de communication, de reproduction et de distribution. Plusieurs textes européens ont complété le cadre juridique. Le droit européen applicable à la création et la distribution culturelles est un ensemble de dix directives. À ce titre, on peut notamment citer :

- la directive « satellite et câble » du 27 septembre 1993, relative à la coordination de certaines règles du droit d’auteur et des droits voisins applicables à la radiodiffusion par satellite et à la retransmission par câble, qui vise à faciliter la diffusion transfrontalière de programmes audiovisuels. Elle a notamment édicté :

o l’institution d’un droit unitaire de communication par satellite ;

o la mise en place d’un régime obligatoire de gestion collective des droits de retransmission par câble.

o les artistes-interprètes et producteurs bénéficient, dans le domaine musical, d’une durée de protection qui a été étendue de 50 à 70 ans en 2011 ;

o les producteurs de vidéogrammes et entreprises de communication audiovisuelle bénéficient d’une durée de protection qui demeure de 50 ans.

- la directive du 25 octobre 2012 sur certaines utilisations autorisées des œuvres orphelines, transposée en droit français en février 2015 (15), permettant à certains organismes, tels que les bibliothèques, de numériser et de mettre à la disposition du public des œuvres (livres, journaux, œuvres cinéma et audiovisuelles, etc.) appartenant à leurs collections et considérées comme orphelines, à savoir dont les ayants droit sont difficiles ou impossibles à identifier.

- la directive du 26 février 2014 relative à la gestion collective des droits et l’octroi de licences multi-territoriales pour l’utilisation des œuvres de musique en ligne. Cette directive a pour objectif de faciliter l’octroi de licences multi-territoriales par les organismes de gestion collective des droits d’auteur pour l’utilisation de la musique sur internet.

La directive 2001/29 a été transposée en droit français par la loi du 1er août 2006 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information (DADVSI), reprenant en son article 1er le monopole synthétique de l’auteur (16). Trois principales exceptions ont été reprises en droit français. Outre l’exception obligatoire mentionnée plus haut, une exception générale de communication, par des institutions publiques dédiées telles que les bibliothèques et musées, à un public souffrant de déficiences physiques ou mentales, a été reprise par le législateur national. Enfin, il existe également une exception d’exploitation d’une base de données, strictement encadrée. (17)

En ce qui concerne la durée de protection des droits d’auteur et droits voisins, l’état du droit a été modifié à plusieurs reprises en fonction de la transposition des différentes directives. Les droits d’auteur sont protégés pendant toute la vie de l’auteur, et 70 ans après son décès. Les droits voisins, quant à eux, ont été fixés à 50 ans à compter de l’interprétation par la loi DADVSI. Toutefois, la transposition de la directive 2011/77/UE dans une loi du 20 février 2015 (18), prenant en compte l’allongement de la durée de vie des artistes, a étendu la protection de ces droits, dans certains cas spécifiques (19). Il a en effet été introduit une différence entre interprétation fixée dans un vidéogramme, protégée pour cinquante ans, et une interprétation fixée dans un phonogramme, protégée pour 70 ans. Ce décalage pose d’ailleurs question, puisque nombre de professionnels souhaitent une harmonisation des durées de protection, sans que celle-ci se fasse par une réduction de la durée des droits.

Vos rapporteurs soulignent par ailleurs leur attachement à ce qu’aucune harmonisation ne vienne diminuer la durée des droits d’auteur, aujourd’hui définie de manière adéquate.

Enfin, la transposition de la directive relative aux œuvres orphelines a entraîné également une modification du droit existant. Si le concept d’œuvre orpheline était déjà connu avant et défini à l’article L 113-10 du Code de la propriété intellectuelle (20), les principales règles applicables à ces œuvres, notamment en matière de communication, de recherche et de finalité de l’utilisation, découlent de la loi de transposition du 20 février 2015 (21).

Les modifications du cadre juridique applicable aux droits d’auteur se sont faites, depuis la loi DADVSI, progressivement. Toutefois, les évolutions des modes de consommation culturelle ont poussé la Commission à envisager une réforme globale, destinée à supprimer tout obstacle injustifié à la libre circulation des œuvres sur le continent européen.

Dans sa communication « Vers un cadre moderne et plus européen pour le droit d’auteur » du 9 décembre 2015, la Commission européenne insiste sur les changements dans la consommation et l’intermédiation culturelle qui sont intervenus depuis la mise en place de la directive 2001/29. Ainsi, l’internet est devenu, en une dizaine d’années seulement, l’un des principaux canaux de distribution des œuvres de l’esprit. En 2014, 49 % des internautes de l’Union ont écouté de la musique, visionné des vidéos ou joué à des jeux en ligne (22).

De fait, de nombreuses études montrent l’impact des nouvelles technologies sur les modes de consommation, mais aussi de production culturelle. Ainsi, pour ce qui est de la musique, les études mentionnées dans le rapport de Christian Phéline sur le partage de la valeur à l’heure du numérique (23) montrent que le marché de la musique enregistrée représentait 490 millions d’euros en 2012. Les utilisations numériques de la musique représentaient le quart de ce montant. À l’intérieur de cette portion, les données issues du SNEP (Syndicat National de l'édition Phonographique) permettent de tracer la typologie suivante :

Structure du marché de gros numérique

Marché de gros numérique (M€ HT, %)

2011

2012

Évolution 2011-2012 (%)

Téléchargement Internet

56,4

45,1%

63,0

50,4%

+ 11,8%

Téléphonie mobile

14,4

11,5%

9,5

7,6%

- 34,1%

Revenus des abonnements

25,9

20,7%

35,4

28 ,3%

+ 36,6%

Revenus du streaming

13,9

11,1%

17,1

13,7%

+ 22,9%

Total

110,6

88,5%

125,0

100,0%

+ 13,0%

Le constat est susceptible d’être partagé dans toute l’Europe. Les échanges et les achats en ligne ont crû de façon exponentielle au cours des dernières années. Selon les données communiquées par Eurostat, au sein de l’Union européenne, 38 % des particuliers ont commandé des biens ou services sur Internet en 2013, alors qu’ils n’étaient qu’une petite minorité en 2002. Ce pourcentage atteint 44 % en France et 71 % au Royaume-Uni (24).

La chaîne de création culturelle a été également modifiée profondément, puisque des prestataires puissants se sont imposés en son sein. En ce qui concerne la diffusion de contenus culturels, des sites de partage de vidéos comme Youtube et Dailymotion, des services d’écoute à la demande en « streaming », tels que Itunes, Deezer ou Spotify, ont modifié profondément le partage de la rémunération issue des œuvres culturelles. Les personnes auditionnées (25) ont insisté sur le fait que les plateformes tirent leur croissance des nouveaux modèles d’écoute. Spotify, par exemple, bénéficie d’un marché suédois où 90 % du secteur de la musique est occupé par le « streaming ». À l’inverse, les ventes sur le marché physique de la musique auraient chuté d’environ 65 %. L’apparition d’une nouvelle chaîne de valeurs peut être modélisée ainsi :

:\Pauline BAUGUIL_HAMBURGER\droitauteur - oct2015\Tableaux et schémas pour rapport\02-economie-de-la-culture 15.jpg

Source : Rapport IGF/IGAC « L’apport de la culture à l’économie en France », décembre 2013

L’émergence disruptive de ces nouveaux acteurs en très peu de temps a certes modifié profondément l’écosystème de la production culturelle, mais constitue également la preuve que le cadre juridique actuel n’empêche pas la présence d’acteurs culturels majeurs à l’échelle de l’Europe, ni l’adaptation des modes de consommation culturelle dans tous les États membres.

Ainsi que l’expliquait le professeur Sirinelli dans son audition, la majorité des personnes auditionnées dans le cadre de son rapport sur la révision de la directive 2001/29 ne souhaitait pas une remise en cause de l’existant, pour éviter une logique de moins-disant. De la même manière, les représentantes d’Arte France (26) auditionnées par vos rapporteurs, ont considéré que « la révision de la directive 2001/29 revenait à modifier les seules dispositions qui ne posaient pas problème », tandis que les sociétés représentant les ayants droit y sont très majoritairement hostiles.

Les autorités françaises ont par ailleurs demandé à plusieurs reprises que les initiatives en faveur d’une remise en cause du droit d’auteur s’appuient sur des études d’impact précises qui prouvent leur compatibilité avec l’intérêt général, le maintien des conditions de la création en Europe et l’absence de solutions alternatives, notamment contractuelles. Vos rapporteurs estiment qu’il n’est pas prouvé à l’heure actuelle que le cadre juridique des droits d’auteur constitue un obstacle au développement du marché unique numérique.

La nouvelle Commission européenne a toutefois fait de la révision du cadre du droit d’auteur l’un des axes fondamentaux pour la mise en place d’un Marché Unique Numérique et a engagé des réflexions pour aboutir in fine à un code européen unique à long terme, ainsi que l’indique sa communication en date du 9 décembre 2015.

Si la réforme du droit d’auteur fait partie du programme de travail de cette Commission (27), mais également de la dernière, qui souhaitait enclencher un débat avant de le reporter (28), le Parlement européen s’est également saisi de la question. La commission chargée des affaires juridiques du Parlement européen a, d’une part, mis en place, le 11 novembre 2014, un groupe de travail sur le droit d’auteur dont Jean-Marie Cavada était le coordinateur, et, d’autre part, confié à Julia Reda (députée du parti pirate allemand) un rapport sur la mise en œuvre de la directive 2001/29 (29). Ce rapport a suscité une très forte controverse. Ses propositions initiales marquaient en effet une rupture forte avec les positions françaises traditionnelles.

Les principales propositions du « rapport Reda »

Jugeant que la directive « Infosoc » n’a pas permis une harmonisation suffisante du droit d’auteur au sein de l’Union, qu’elle n’est plus adaptée aux évolutions de l’économie numérique – notamment à la « convergence des médias » –, qu’elle est source d’insécurité juridique et qu’elle introduit un déséquilibre entre la protection du droit d’auteur et celle des intérêts du public, la rapporteure Julia Reda a proposé à titre principal :

– de créer un titre européen unique du droit d’auteur, qui s’appliquerait directement dans tous les États et s’opposerait au principe de la territorialité ;

– de supprimer les barrières à l’utilisation des contenus du secteur public, en exemptant les œuvres produites par le secteur public de la protection du droit d’auteur, et de réduire les barrières à la réutilisation des informations issues du secteur public ;

– d’harmoniser la durée de protection du droit d’auteur sur le fondement de la Convention de Berne de 1986, soit 50 ans après la mort de l’auteur ;

– de rendre obligatoire toutes les exceptions prévues dans la directive ;

– d’introduire la possibilité d’une souplesse dans l’interprétation des exceptions dans certains cas, selon une logique qui se rapproche du système de « fair use » en vigueur aux États-Unis.

Lors de la discussion des 600 amendements déposés sur ce texte, ont également été évoqués :

– la libéralisation du lien internet, qui ne ferait pas l’objet d’un droit exclusif : le projet de rapport estime qu’il ne faut pas soumettre la référence à des œuvres par le biais d’un hyperlien aux droits exclusifs dans la mesure où celle-ci « ne forme pas une communication à un nouveau public » (conformément à la jurisprudence de la CJUE, affaire C-348/13), mentionnée plus haut ;

– la reconnaissance du « droit de panorama », c’est-à-dire l’utilisation de photographies, séquences vidéo ou autres images d’œuvres qui se trouvent en permanence dans des lieux publics. La représentation des bâtiments et des sculptures publics serait ainsi exempte de la protection du droit d’auteur ;

– une meilleure protection de l’exception de caricature, de parodie et de pastiche ;

– l’autorisation du « text mining » et du « data mining », c’est-à-dire la possibilité d’utiliser, dès lors que la permission de lire une œuvre est acquise, les techniques analytiques automatisées des textes et des données que sont le « text mining » (fouille de texte) et le « data mining » (fouille de données) ;

– l’élargissement de l’exception aux fins d’éducation et de recherche à l’enseignement non formel ;

– la reconnaissance du droit au prêt de livres numérisés par les bibliothèques ;

– le renforcement de l’harmonisation de l’exception pour copie privée : le projet de rapport prônait d’adopter des « critères harmonisés en ce qui concerne la définition du préjudice causé aux titulaires de droits à l’égard des reproductions effectuées par une personne physique pour un usage privé et de mesures de transparence harmonisées concernant les redevances pour copie privée mises en place dans certains États membres » ;

– l’interdiction adressée aux États membres d’introduire des licences légales destinées à compenser aux titulaires de droits le préjudice causé par des actes permis par une exception.

Ces propositions, et notamment les questions-clé de l’harmonisation et de l’extension des exceptions, de la réduction de la durée des droits d’auteur ou encore de la création d’un titre européen des droits d’auteur, ont suscité de très fortes inquiétudes chez les ayants droit et chez les États membres les plus attachés au système actuel, dont la France.

Le rapport a été largement amendé lors de son passage en commission des affaires juridiques. Les autorités françaises ont défini les points qui leur paraissaient les plus inquiétants, à savoir la « norme flexible en matière d’exception », la proposition de rendre obligatoire l’ensemble des exceptions ou la proposition de titre européen du droit d’auteur.

Ces inquiétudes étaient partagées avec d’autres pays. Ainsi, la déclaration conjointe des ministres français et italien de la Culture du 9 avril 2015 insiste sur leur attachement à la territorialité des droits, aux solutions contractuelles et à la nécessité d’assortir toute nouvelle exception d’une justification, par des preuves avérées, qu’elle répond à des besoins précis. De la même manière, une déclaration commune franco-allemande sur le droit d’auteur du 31 mars 2015 défend le principe de la copie privée et de la territorialité des droits pour assurer l’avenir de la création en Europe. Ces différentes positions ont abouti à une réévaluation de la position du législateur européen, telle qu’elle apparaît désormais dans son programme de travail pour l’année 2016.

Dans sa communication pour une « Stratégie pour un marché unique numérique », en date du 6 mai 2015, la Commission reprend une partie des orientations politiques de Jean-Claude Juncker, appelant « à avoir le courage de briser les barrières nationales en matière de droit d'auteur (30) ». Son programme est toutefois plus équilibré que ne pouvaient le craindre les ayants droit. Après avoir reconnu que le droit d’auteur est un fondement de la créativité et de l’industrie culturelle en Europe, la Commission s’est fixé comme objectifs prioritaires d’améliorer la portabilité transfrontière des contenus, de clarifier le cadre juridique s’appliquant à l'exploration de textes et de données, mais aussi de « clarifier les règles applicables aux activités des intermédiaires en ligne en ce qui concerne les œuvres protégées par le droit d'auteur, compte tenu, notamment, de la participation croissante de ces intermédiaires à la distribution du contenu » et de réfléchir à des « mesures visant à préserver une juste rémunération des créateurs pour continuer à encourager la production de contenu ».

Le Conseil européen des 25 et 26 juin 2015 a validé ce programme dans ses conclusions relatives au marché unique numérique, encourageant notamment la Commission à « lever les derniers obstacles à la libre circulation des biens et services vendus en ligne et s'attaquer aux discriminations injustifiées fondées sur la localisation géographique » et « garantir la portabilité du contenu en ligne protégé par le droit d'auteur et faciliter son accessibilité transfrontière, tout en assurant un niveau élevé de protection des droits de propriété intellectuelle et en tenant compte de la diversité culturelle, et aider les industries créatives à prospérer dans un contexte numérique ».

Ces propositions se sont concrétisées en 2016, via la communication « Vers un cadre moderne et plus européen pour le droit d’auteur », par des actions à court et moyen terme.

La première proposition consiste en un règlement sur la portabilité de l’accès aux œuvres, qui a été examinée à l’occasion de deux groupes de travail au Conseil. Cette première étape, vers l’objectif ultime de la Commission d’un accès transfrontière complet à tous les types de contenu dans toute l’Europe, doit permettre aux utilisateurs ayant acheté des contenus, ou s’y étant abonné dans leur pays d’origine, de pouvoir continuer à y accéder lorsqu’ils se trouvent temporairement dans un autre État membre.

La Commission souhaite en outre :

- réexaminer la directive « câble et satellite » (31) pour améliorer la distribution transfrontière en ligne de programmes de radio et de télévision ;

- encourager les détenteurs de droits et les distributeurs à trouver un accord sur des licences permettant un accès transfrontière aux contenus, y compris en réponse aux demandes provenant d’autres États membres.

La question du caractère temporaire de la portabilité des contenus est cruciale. Ce point a ainsi été confirmé par le commissaire Oettinger lors du Conseil Compétitivité du 29 février 2016. Les autorités françaises tiennent en effet à ce qu’on ne puisse pas remettre en cause la territorialité des droits, qui est l’un des piliers du financement culturel en France.

À ce stade, aucun État membre ne s’oppose vraiment à ce règlement, qui facilite la circulation des contenus sans qu’une nouvelle exception formelle ne soit créée. Il convient toutefois, pour vos rapporteurs, d’être attentif à certains points, à savoir :

- s’assurer du caractère temporaire de la portabilité. À ce titre, il est possible de prévoir un contrôle obligatoire à la charge des fournisseurs de service ;

- articuler le règlement avec les solutions contractuelles existantes dès lors qu’elles assurent la portabilité dans l’ensemble de l’Union européenne ;

- préciser la durée de portabilité des œuvres, de telle sorte qu’elle soit effectivement utilisée par les citoyens tout en évitant de constituer une nouvelle exception de facto.

La question de l’harmonisation des exceptions est l’un des principaux nœuds du débat. Alors que le rapport Reda considérait qu’il était possible d’aller jusqu’à un « droit d’auteur européen » unique, les autorités françaises ont réaffirmé à plusieurs reprises leur opposition à cette harmonisation. C’est précisément en vertu des flexibilités apportées par le caractère facultatif de ces exceptions qu’il est possible pour chaque État membre d’adapter sa législation à ses propres problématiques.

La Commission a circonscrit les harmonisations possibles, dans sa communication, à un nombre de secteurs limité. Prenant appui sur des évolutions telles que celle des cours en ligne (32), la Commission souhaite proposer des mesures d’harmonisation dans six domaines précis :

- la mise en œuvre du traité de Marrakech, signé au nom de l’UE le 30 avril 2014, qui vise à faciliter l’accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées ;

- la possibilité pour les organismes de recherche d’intérêt public d’appliquer les techniques de TDM (Text and Data Mining, fouille de textes et de données) aux contenus auxquels ils ont légalement accès, avec une sécurité juridique totale, à des fins de recherche scientifique ;

- la clarification du champ d’application de l’exception de l’Union à des fins d’illustration dans le cadre de l’enseignement et son application aux utilisations numériques et à l’apprentissage en ligne ;

- la fourniture d’un espace officiel aux activités de conservation des institutions de sauvegarde du patrimoine culturel, en tenant compte de l’utilisation des technologies numériques pour la conservation et des besoins propres aux œuvres numérisées ou créées en format numérique ;

- la possibilité de consulter à distance, sur des réseaux électroniques fermés, des ouvrages conservés dans les bibliothèques universitaires et de recherche et d’autres établissements analogues pour les activités de recherche et des études privées ;

- la clarification de l’actuelle exception de l’Union permettant l’utilisation d’ouvrages conçus pour être installés à demeure dans l’espace public (la « liberté de panorama »), afin de prendre en considération les nouveaux canaux de diffusion.

L’ensemble de ces propositions vise avant tout à harmoniser les exceptions au niveau européen, tout en ménageant la marge de manœuvre qui revient aux États membres en vertu de la directive « Société de l’Information ». L’objectif de la Commission demeure toutefois celui d’une « vision de long terme », qui serait « l’harmonisation complète du droit d’auteur dans l’UE, sous la forme d’un code unique du droit d’auteur et d’un titre de droit d’auteur unifié » (33). Cette vision prend néanmoins désormais en compte l’ensemble des acteurs de la production et de la distribution culturelle, et associe une éventuelle extension des exceptions avec une meilleure protection effective des ayants droit.

La Commission a pris en compte les revendications des ayants droit relatives aux changements dans la nouvelle chaîne de valeurs culturelle et la nécessité de lutter contre le détournement des droits par le piratage. À ce titre, elle introduit deux séries de propositions :

- après une réflexion menée sur le statut des plateformes numériques, la Commission souhaite présenter des mesures destinées à « garantir que les acteurs qui contribuent à produire cette valeur ont la possibilité d’exercer pleinement leurs droits ». Pour cela, elle souhaite examiner la possibilité d’une meilleure définition des droits de « communication au public » et de « mise à disposition » pour les préciser et éviter la multiplication des solutions jurisprudentielles en la matière. Par ailleurs, elle compte poser la question des agrégateurs d’information (34), qui font l’objet de législations récentes en Allemagne (35) et en Espagne (36). Le but de ces différentes dispositions est de renforcer la sécurité juridique, la transparence et l’équilibre du système qui régit la rémunération des auteurs et des artistes interprètes en Europe ;

- poursuivre l’approche dite « follow the money », qui vise à priver les auteurs d’infractions commerciales de revenus (provenant, par exemple, des paiements effectués par les consommateurs ou de la publicité) que leur procurent leurs activités illégales et, partant, exercer un effet dissuasif. La proposition demeure circonscrite à une approche d’autorégulation, pour des accords entre les parties concernées, à l’instar de la Charte des bonnes pratiques signée le 23 mars 2015 avec les acteurs de la publicité en ligne (37).

Avec ces propositions, la Commission paraît s’adapter à la nécessité de préserver le modèle de financement fondé sur la territorialité des droits et l’encadrement des exceptions, tout en favorisant la circulation des œuvres et en travaillant à la protection effective des droits.

Les propositions de la Commission rejoignent des revendications de longue date, qui ont été relayées dans les auditions qu’ont menées vos rapporteurs, notamment pour ce qui est de la clarification ou du soutien à certaines exceptions.

En ce qui concerne les bibliothèques, la consultation à distance dans un circuit fermé de livres numériques fait partie de demandes pérennes des associations de bibliothécaires. Ainsi, le rapport de l’IFLA (38), International Federation of Library Association, préconise notamment que les ouvrages puissent être lisibles sur tous les appareils de lecture numérique couramment disponibles et que les bibliothèques disposent du droit de copier une partie de l’œuvre ou de reformater l’œuvre à des fins de conservation si elle a été acquise pour un accès permanent.

Ces arguments ont également été repris par l’interprofession du livre en France, et ont abouti à un protocole le 8 décembre 2014 signé par les représentants et ayants droit et l’Association des Bibliothécaires de France sur le Prêt Numérique en bibliothèque (PNB).

Recommandations de l’interprofession du livre et du Ministère de la Culture et de la Communication pour une diffusion du livre numérique par les bibliothèques publiques

- Donner accès aux bibliothèques publiques à l’intégralité de la production éditoriale numérique. Dans la limite des droits cédés par les auteurs à leurs éditeurs, le catalogue proposé aux collectivités territoriales pour leurs bibliothèques doit être identique à celui proposé aux particuliers.

- Assurer l’interopérabilité des catalogues proposés aux bibliothèques publiques. Dans le contexte d’une pluralité d’offres de livres numériques proposées aux bibliothèques, le travail d’interopérabilité qui a été mené au bénéfice des libraires pour leur permettre d’avoir accès de façon homogène à l’ensemble de l’offre numérique des éditeurs doit être mené au bénéfice des bibliothèques.

- Développer, pour les usagers des bibliothèques publiques, la possibilité de consulter sur place et d’accéder à distance à l’offre de livres numériques de leur bibliothèque. La consultation des livres numériques sur place, dans la bibliothèque, doit être assurée, afin notamment de permettre aux bibliothécaires de développer leurs actions de médiation. Le prêt de livres numériques à distance implique des modalités d’accès contrôlées pour les usagers, quel que soit le dispositif mis en œuvre, téléchargement ou lecture en ligne.

- Reconnaître que les systèmes de gestion des droits numériques sont légitimes pour réguler les usages des livres numériques en bibliothèque publique, mais qu’ils ne doivent pas rendre l’accès aux œuvres moins aisé. Les systèmes de gestion des droits numériques contribuent à la protection du droit d’auteur et permettent de gérer le service de prêt numérique. Pour autant, le recours à des systèmes de gestion de droits ne doit pas rendre totalement impossibles les usages autorisés par la loi pour les bibliothèques et leur public. La conception de systèmes de gestion et de protection des droits numériques permettant une interopérabilité maximale et un accès aux œuvres le plus aisé possible doit être encouragée et leur adoption privilégiée.

- Rémunérer équitablement les auteurs et favoriser le maintien des conditions de la création éditoriale. Le développement de la lecture publique numérique se fait dans le respect de l’équilibre de la chaîne économique du livre, condition de la diversité éditoriale et du financement de la création. Le contrat d’édition prévoit la rémunération des auteurs pour tous les revenus directs ou indirects provenant de l’exploitation de leurs œuvres. La mise à disposition de livres numériques par les bibliothèques doit donner lieu, au regard de ce principe, à une rémunération juste et équitable des auteurs de textes et d’images.

Toutefois, les associations de bibliothécaires, notamment au sein d’EBLIDA (Bureau européen des associations de bibliothèques, de l'information et de la documentation) continuent à militer pour un accès plus large au livre numérique. À l’inverse, Pascal Rocard de la SACD (Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques) a insisté, lors de son audition, sur l’intérêt que présente le maintien de la situation actuelle pour préserver le modèle économique actuel des éditeurs, et les autorités françaises ne souhaitent pas introduire une exception large sur le prêt de livres numériques. Au regard de ces éléments, vos rapporteurs soulignent que les évolutions technologiques telles que le « livre numérique » doivent favoriser l’accès de tous à la lecture, sans pour autant menacer le modèle économique actuel des éditeurs. S’il convient de s’assurer que les formats utilisés ne sont pas la cible d’un piratage excessif et que les conditions de prêt ne vont pas à l’encontre du droit des auteurs, la disponibilité des contenus sur un format numérique, dans un circuit fermé, constitue une exception acceptable au droit d’auteur.

La question de l’exception pour les personnes handicapées fait déjà l’objet d’un cadre précis dans le droit français, mais la Commission propose d’instaurer une exception complémentaire en faveur des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d'autres difficultés de lecture des textes imprimés. Elle a ainsi signé le traité de Marrakech, adopté le 27 juin 2013 et administré depuis par l’OMPI. La transposition de cette exception est largement encouragée par vos rapporteurs.

Cette technique, utilisée dans le domaine de la recherche, permet de traiter des masses importantes de documents par un traitement informatisé pour en ressortir des éléments pertinents, notamment dans le cadre de la recherche. Elle est déjà utilisée au Royaume-Uni ou au Japon. L’instauration d’une exception à cette fin a été soutenue pendant les auditions, notamment par les représentants du Conseil National du Numérique ainsi que ceux de la Quadrature du Net. La position du Ministère de la Culture est plutôt de veiller à ce que cette exception soit strictement limitée aux activités de recherche, n’entraîne aucune activité commerciale et respecte le « triple test ». À ce titre, une mission a été confiée par Mme la Ministre de la Culture et de la Communication et M. le Secrétaire d’État chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche à Charles Huot pour faciliter le recours à la fouille et l’exploration de textes et de données. Elle doit aboutir à un accord entre les acteurs intéressés, en particulier la communauté de la recherche publique et les éditeurs scientifiques, qui doit permettre aux chercheurs français de pouvoir rivaliser avec leurs homologues étrangers tout en apportant les garanties appropriées contre les risques de contrefaçon. La position de vos rapporteurs est proche de celle des autorités françaises. La fouille de texte et de données, légitime dans le contexte de la recherche scientifique, et dont les enjeux stratégiques sont majeurs, ne doit pas se transformer en un droit de reproduction déguisé.

Ces différents points font l’objet d’un équilibre appréciable et ces exceptions, si elles sont attentivement mises en œuvre, pourraient favoriser la circulation des œuvres et la recherche publique.

La Commission européenne souhaite clarifier la position européenne sur la « liberté de panorama », qui est accordée dans de nombreux États membres, à commencer par l’Allemagne où elle a été instaurée par une loi datant de 1876. La situation française est toutefois particulière, puisqu’elle fait l’objet actuellement de débats dans le cadre du Projet de Loi pour une République Numérique. De plus, la Commission ne souhaite pas se prononcer avant la fin de la consultation publique lancée à ce propos, jusqu’à mi-juin 2016. Cette liberté, soutenue par le Conseil National du Numérique, pourrait certes éviter un fort risque de contentieux, comme l’a mentionné dans son audition la juriste Nathalie Martial-Braz, mais pose la question de la limite entre utilisation marchande et non-marchande de clichés pris dans l’espace public.

Vos rapporteurs estiment dès lors que si la « liberté de panorama » venait à être reconnue en droit français, cette exception au droit d’auteur devrait faire l’objet d’une définition stricte, évitant tout risque d’insécurité juridique.

La question du « libre accès » n’est pas traitée en tant que telle dans la communication de la Commission, mais il est possible que soit envisagée une telle exception. Celle-ci consisterait en une libération des droits anticipée de la version acceptée par l’éditeur pour favoriser un accès en ligne gratuit plus précoce en matière scientifique sur décision de l’auteur, après un délai déterminé par la loi. Cette question a fait l’objet d’un groupe de travail de préparation du Projet de loi pour une République Numérique, qui a abouti à une proposition d’un accès libre à des articles édités au bout de vingt-quatre mois pour des publications des sciences humaines et sociales, et de douze mois pour les publications scientifiques.

Cette question a fait l’objet d’opinions contradictoires parmi les personnes auditionnées. Tandis que certains ont adopté le point de vue des éditeurs, pour lesquels un raccourcissement trop important met en danger le modèle économique de l’édition scientifique, d’autres ont insisté sur le fait que les universitaires pouvaient être en faveur d'un libre accès qui leur permette d’accéder plus facilement aux travaux de leurs collègues et d’augmenter plus facilement leur notoriété, la rémunération pour leurs articles étant souvent accessoires, voire nulle. Vos rapporteurs insistent sur le fait qu’il convient de distinguer entre les travaux financés dans le cadre de la recherche publique, qui devraient se soumettre au principe du libre-accès, et les travaux financés par des fonds privés.

Votre co-rapporteur Marietta Karamanli, dans la lignée de travaux précédents (39), souhaite que les chercheurs puissent être rémunérés pour leurs travaux et voir leurs droits d’auteur mis en application, selon deux modalités. Les travaux financés par la recherche publique doivent pouvoir être mis en circulation le plus rapidement possible, afin que leurs auteurs puissent bénéficier des retombées en termes de notoriété et de citations de leurs articles et que d’autres chercheurs, selon un modèle collaboratif, puissent bénéficier des avancées de leurs collègues. Le modèle de l’open access green (« voie verte »), tel que présenté par le Projet de Loi numérique (40), permet aux chercheurs d’archiver eux-mêmes le résultat de leurs recherches en ligne. En cela, votre co-rapporteur suit notamment les recommandations de la commission européenne du 17 juillet 2012 (41).

La France et d’autres États membre, dont l’Allemagne, défendent le système de la copie privée, compte tenu de sa contribution essentielle à la rémunération des ayants droit. Au titre de la « loi Lang (42) » de 1985 qui a créé la rémunération pour copie privée, le principe est le suivant. Cette exception au droit d’auteur implique que lors de l’achat d’un support de stockage, une partie du prix payé par le consommateur rémunère les créateurs, les auteurs, les éditeurs, les artistes-interprètes et les producteurs. En échange, les consommateurs peuvent reproduire les œuvres dans un cadre strictement privé, le plus souvent familial. Plus précisément, la rémunération pour copie privée des phonogrammes bénéficie, pour moitié, aux auteurs, pour un quart, aux artistes-interprètes et, pour un quart, aux producteurs. La rémunération pour copie privée des vidéogrammes, quant à elle, bénéficie à parts égales aux auteurs, aux artistes-interprètes et aux producteurs (43). Il est prévu par ailleurs que 25 % des sommes collectées soient utilisées pour des actions d’aide à la création, à la diffusion, au spectacle vivant et à la formation d’artistes et d’auteurs. Assurées par les sociétés de perception et de répartition des droits, ces actions culturelles représentent près de 50 millions d’euros par an et plus de 5 000 initiatives soutenues sur tout le territoire français.

En Europe, ce principe est largement répandu puisque vingt-six États ont introduit une exception pour copie privée. Seuls l’Irlande et le Royaume-Uni n’ont pas prévu ce dispositif.

La question est toutefois délicate dans le domaine numérique. L’extension de la redevance pour la copie privée au « cloud » fait l’objet de débats dans le cadre du Projet de Loi pour une République Numérique. La Commission, dans sa communication, déclare vouloir, malgré l’importante jurisprudence de la CJUE qui a fixé en partie le cadre européen de la copie privée, intervenir « pour assurer une plus grande clarté, mettre un terme aux principales distorsions » et s’assurer « que, lorsque les États membres imposent des redevances pour copie privée et reprographie à titre d’indemnisation des titulaires de droits, leurs différents systèmes fonctionnent de manière satisfaisante dans le marché unique et ne fassent pas obstacle à la libre circulation des biens et des services (44). » À l’occasion du Conseil des ministres franco-allemand du 7 avril 2016, les gouvernements des deux pays ont souhaité continuer à « accorder une attention particulière à la viabilité des règles sur les exceptions et la rémunération pour copie privée, y compris la distribution des revenus aux détenteurs de droits. »

Vos rapporteurs estiment que le système de copie privé est vertueux et garantit efficacement la rémunération des auteurs. Sa modification, pour l’adapter à l’échelle européenne, n’est donc pas souhaitable.

À l’instar du professeur Sirinelli dans son rapport (45), vos rapporteurs estiment qu’il n’est pas possible de limiter le débat sur la rémunération de la création à la seule question des droits d’auteur et à la révision de la seule directive 2001/29. La directive « sur le commerce électronique » (46) instaure en ses articles de 12 à 15 un régime favorable pour les hébergeurs de contenu, tels que Google, Facebook ou Youtube, qui leur confère un statut général d’irresponsabilité à raison des contenus hébergés de manière « passive ».

La définition du statut d’hébergeurs par le directive « commerce électronique »

Article 12 Simple transport ("Mere conduit")

1. Les États membres veillent à ce que, en cas de fourniture d'un service de la société de l'information consistant à transmettre, sur un réseau de communication, des informations fournies par le destinataire du service ou à fournir un accès au réseau de communication, le prestataire de services ne soit pas responsable des informations transmises, à condition que le prestataire :

a) ne soit pas à l'origine de la transmission ;

b) ne sélectionne pas le destinataire de la transmission et

c) ne sélectionne et ne modifie pas les informations faisant l'objet de la transmission.

2. Les activités de transmission et de fourniture d'accès visées au paragraphe 1 englobent le stockage automatique, intermédiaire et transitoire des informations transmises, pour autant que ce stockage serve exclusivement à l'exécution de la transmission sur le réseau de communication et que sa durée n'excède pas le temps raisonnablement nécessaire à la transmission.

3. Le présent article n'affecte pas la possibilité, pour une juridiction ou une autorité administrative, conformément aux systèmes juridiques des États membres, d'exiger du prestataire qu'il mette un terme à une violation ou qu'il prévienne une violation.

Article 13 Forme de stockage dite "caching"

1. Les États membre veillent à ce que, en cas de fourniture d'un service de la société de l'information consistant à transmettre, sur un réseau de communication, des informations fournies par un destinataire du service, le prestataire ne soit pas responsable au titre du stockage automatique, intermédiaire et temporaire de cette information fait dans le seul but de rendre plus efficace la transmission ultérieure de l'information à la demande d'autres destinataires du service, à condition que :

a) le prestataire ne modifie pas l'information ;

b) le prestataire se conforme aux conditions d'accès à l'information ;

c) le prestataire se conforme aux règles concernant la mise à jour de l'information, indiquées d'une manière largement reconnue et utilisées par les entreprises ;

d) le prestataire n'entrave pas l'utilisation licite de la technologie, largement reconnue et utilisée par l'industrie, dans le but d'obtenir des données sur l'utilisation de l'information

et

e) le prestataire agisse promptement pour retirer l'information qu'il a stockée ou pour en rendre l'accès impossible dès qu'il a effectivement connaissance du fait que l'information à l'origine de la transmission a été retirée du réseau ou du fait que l'accès à l'information a été rendu impossible, ou du fait qu'un tribunal ou une autorité administrative a ordonné de retirer l'information ou d'en rendre l'accès impossible.

2. Le présent article n'affecte pas la possibilité, pour une juridiction ou une autorité administrative, conformément aux systèmes juridiques des États membres, d'exiger du prestataire qu'il mette fin à une violation ou qu'il prévienne une violation.

Article 14 Hébergement

1. Les États membres veillent à ce que, en cas de fourniture d'un service de la société de l'information consistant à stocker des informations fournies par un destinataire du service, le prestataire ne soit pas responsable des informations stockées à la demande d'un destinataire du service à condition que :

a) le prestataire n'ait pas effectivement connaissance de l'activité ou de l'information illicites et, en ce qui concerne une demande en dommages et intérêts, n'ait pas connaissance de faits ou de circonstances selon lesquels l'activité ou l'information illicite est apparente ou

b) le prestataire, dès le moment où il a de telles connaissances, agisse promptement pour retirer les informations ou rendre l'accès à celles-ci impossible.

2. Le paragraphe 1 ne s'applique pas lorsque le destinataire du service agit sous l'autorité ou le contrôle du prestataire.

3. Le présent article n'affecte pas la possibilité, pour une juridiction ou une autorité administrative, conformément aux systèmes juridiques des États membres, d'exiger du prestataire qu'il mette un terme à une violation ou qu'il prévienne une violation et n'affecte pas non plus la possibilité, pour les États membres, d'instaurer des procédures régissant le retrait de ces informations ou les actions pour en rendre l'accès impossible.

Article 15 Absence d'obligation générale en matière de surveillance

1. Les États membres ne doivent pas imposer aux prestataires, pour la fourniture des services visée aux articles 12, 13 et 14, une obligation générale de surveiller les informations qu'ils transmettent ou stockent, ou une obligation générale de rechercher activement des faits ou des circonstances révélant des activités illicites.

2. Les États membres peuvent instaurer, pour les prestataires de services de la société de l'information, l'obligation d'informer promptement les autorités publiques compétentes d'activités illicites alléguées qu'exerceraient les destinataires de leurs services ou d'informations illicites alléguées que ces derniers fourniraient ou de communiquer aux autorités compétentes, à leur demande, les informations permettant d'identifier les destinataires de leurs services avec lesquels ils ont conclu un accord d'hébergement.

Toutefois, ainsi que l’indique le considérant 42 de cette directive, les dérogations en matière de responsabilité qu’elle prévoit « ne couvrent que les cas où l’activité du prestataire de services dans le cadre de la société de l’information est limitée au processus technique d’exploitation et de fourniture d’un accès à un réseau de communication sur lequel les informations fournies sont transmises ou stockées temporairement (…) Cette activité revêt un caractère purement technique, automatique et passif qui implique que le prestataire de services de la société de l’information n’a pas la connaissance ni le contrôle des informations transmises ou stockées. »

La question qui se pose aujourd’hui revient à savoir si les hébergeurs de contenu ont toujours un caractère passif, ou si leurs activités n’appellent pas aujourd’hui une nouvelle définition. Il semble en effet difficile de qualifier de passifs des prestataires qui s’appuient sur les données qu’ils hébergent pour orienter l’internaute, classer les informations, voire générer des revenus par la vente d’espaces publicitaires ou de données des utilisateurs. Cette question est très large et dépasse le cadre de ce rapport, d’autant plus qu’elle a fait l’objet, lors des auditions d’avis très contrastés sur l’opportunité de rouvrir le débat sur la directive. Les opinions s’opposent en effet entre, d’un côté, les partisans du statu quo qui insistent sur le fait que la directive a permis l’émergence d’hébergeurs de contenu d’une taille critique, et ceux qui souhaitent que les plateformes participent pleinement de l’effectivité des droits d’auteur, et ce, par une meilleure répartition de la valeur entre les différents acteurs de la création et un régime de responsabilité à raison des contenus hébergés. Vos rapporteurs rejoignent des préoccupations exprimées à plusieurs reprises récemment (47).

La situation des auteurs peut être à l’heure actuelle très défavorable. En marge d’un colloque tenu à Cannes en mai 2015 (48), le compositeur Max Richter a montré que l’artiste était privé d’une grande partie de la valeur de ses créations. La précarité de certaines situations a entraîné des réclamations quant à la répartition des revenus au sein de la chaîne de valeurs. C’est d’ailleurs l’un des principaux points exposés par le ministre de la Culture et de la Communication dans ses déclarations communes avec ses homologues allemands et italiens. La question du « value gap », notamment depuis l’irruption des nouveaux acteurs majeurs de la distribution des contenus culturels que sont les GAFA (49), se pose, et la Commission semble avoir décidé de faire en sorte que les revenus soient plus équitablement distribués.

Vos rapporteurs estiment que le partage de la valeur ne doit plus se faire au détriment de la création, mais doit permettre aux artistes, dans le domaine numérique comme dans le domaine analogique, de pouvoir vivre de leurs œuvres et qu’ils puissent toucher à ce titre une rémunération appropriée. On ne peut parler à ce titre, tel que cela a pu être évoqué dans les réflexions qui ont suivi le rapport Reda, de compensation. La rémunération des auteurs n’est pas seulement un retour sur investissement qui justifie leur travail, elle garantit aussi la possibilité de futures créations.

La question d’un meilleur partage des rémunérations entre éditeurs et plateformes se pose. En premier lieu, la rémunération des ayants droit semble très hétérogène en fonction des différentes plateformes, selon ce qui ressort des auditions. En effet, la part du chiffre d’affaires reversée aux artistes varierait de 6 % à 60 %. De plus, les plateformes domiciliées dans un autre pays que la France ne sont pas soumises à des obligations de financement de la création, telles que les imposent le décret no 2010-1379 du 12 novembre 2010 relatif aux services de médias audiovisuels. Une plateforme comme Netflix, domiciliée aux Pays-Bas, n’a aucune obligation de contribuer au développement d’œuvres cinématographiques européennes, en langue française ou d’autres quotas d’œuvres du même type.

Dans le cadre de la consultation lancée par la Commission européenne sur la directive (50) relative aux services et médias audiovisuels, certains acteurs ont fait entendre leurs voix pour que les hébergeurs soient soumis aux mêmes obligations que les distributeurs de services de médias audiovisuels.

Ainsi que l’indiquait Mme Nathalie Martial-Braz (51), les hébergeurs qui ne paient pas de droits d’auteur sur leur contenu constituent un enjeu juridique et économique important. La part de la valeur captée par les prestataires de services de communication en ligne a crû de manière exponentielle pour certains acteurs, tels que les GAFA. Selon des études récentes, les GAFA couvrent 51 % du parcours digital des internautes en 2014, mais représentent également 300 milliards d’euros de chiffre d’affaires cumulé et une clientèle équivalente à 50 % de la population connectée (52). Si ces nouveaux entrants ont gagné des parts de marché, c’est non seulement au détriment des éditeurs traditionnels, mais aussi des distributeurs, qui participent au financement de la création française et européenne. Ainsi, les chaînes de télévision demeurent chaque année les principaux financeurs de la création cinématographique française, avec un apport en 2012 de 340,57 millions d’euros, soit 32 % du financement total (53). Or, ainsi que l’a expliqué Mme Anne Flamant lors de son audition, les budgets alloués à la création par les acteurs traditionnels, Canal Plus étant le contributeur le plus important, ont tendance à stagner, voire à régresser récemment, dans un contexte économique difficile.

Si l’idée d’une taxe sur les appareils connectés issue du rapport Lescure n’a pas été retenue (54), les autorités françaises souhaitent notamment de faire davantage participer les nouveaux acteurs de la chaîne culturelle au financement de la création, ou du moins à les faire promouvoir avant tout des œuvres européennes. Le partage de la valeur au sein de la nouvelle chaîne culturelle doit être régulé, sans quoi les incitations à la création pourraient progressivement disparaître. Vos rapporteurs estiment qu’il serait intéressant d’étudier dans quelle mesure les plateformes de vidéo à la demande, par exemple, pourraient être soumises à des obligations proches de celles qui incombent aux acteurs actuels du financement du cinéma (chaînes de télévision payantes et gratuites, …) en matière de contribution à la création.

En reprenant la question abordée par l’Allemagne et l’Espagne concernant les agrégateurs d’actualité, la Commission s’est inscrite dans un débat à forts enjeux économiques. L’instauration d’un droit voisin numérique pour les éditeurs de presse dans la loi espagnole a entraîné le départ de Google News du pays. Le gouvernement français a, quant à lui, conclu un accord avec Google, avec la médiation du conseiller référendaire à la Cour des Comptes Marc Schwarz, en janvier 2013. Selon les termes de cet accord, un fonds de 60 millions d’euros, entièrement alimenté par Google, a été créé, pour aider à la transition numérique de la presse française, en finançant des projets innovants, sur trois à cinq ans. C’est donc une solution contractuelle qui a été préférée à l’instauration d’un nouveau droit voisin.

Dans le cadre de l’examen du rapport Reda au Parlement, les autorités françaises ont poussé les amendements visant à « conserver un journalisme de qualité ». Vos rapporteurs, favorables à ce que les droits voisins des éditeurs de presse soient reconnus à leur juste valeur, sont conscients que le débat est plus large, et seront particulièrement attentifs aux évolutions de la réglementation en matière de droit à la communication au public.

À l’occasion du colloque en marge du festival de Cannes de mai 2015, l’attachement de la France au principe de diversité culturelle a été largement rappelé. Ce principe, qui a fait l’objet d’une proposition de résolution de notre Commission en mai 2013 (55), sur le rapport de Mme Danielle Auroi, dans le contexte de l’ouverture des négociations sur le PTCI (56), est consacré à l’échelle internationale et européenne, depuis le début des années 2000.

C’est en effet le principe fondateur de la Déclaration universelle sur la diversité culturelle de l’Unesco, du 2 novembre 2001, qui affirme, en son article premier, que, « source d’échanges, d'innovation et de créativité, la diversité culturelle est, pour le genre humain, aussi nécessaire que l'est la biodiversité dans l'ordre du vivant. »

Cette déclaration fut suivie d’une Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, signée à Paris le 20 octobre 2005 et entrée en vigueur en 2007. Celle-ci s’assigne notamment comme objectifs de protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles, de réaffirmer le droit souverain des États de conserver, d’adopter et de mettre en œuvre les politiques et mesures qu’ils jugent appropriées pour la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles sur leur territoire.

Ce principe fondateur de diversité culturelle a été repris dans le corpus juridique européen, notamment à l’article 3 du Traité de Lisbonne, qui dispose que l’Union « respecte la richesse de sa diversité culturelle et linguistique, et veille à la sauvegarde et au développement du patrimoine culturel européen. » Cet objectif, qui prend notamment la forme d’actions de soutien par le Fonds Europe Créative, peut utilement être rappelé en ce qui concerne les droits d’auteur. C’est ce qu’ont fait la France et l’Allemagne à l’occasion du Conseil des ministres franco-allemand du 7 avril 2016, où les autorités des deux États membres ont déclaré « accorder une attention particulière à l'avenir de la diversité culturelle. »

En effet, ainsi que l’ont rappelé les députés européens, à l’appui des positions françaises, le système de droits d’auteur contribue à préserver le financement de la création et la diversité culturelle. Celle-ci s’opère dans l’espace, mais aussi dans le temps. Certains représentants des ayants droit auditionnés ont rappelé que seule une rémunération équitable des créateurs permet d’éviter une uniformisation des contenus, au profit des grands distributeurs privés, le plus souvent américains. Cette diversité culturelle est d’autant mieux mise en œuvre grâce à la territorialité des droits.

Le rapport de Julia Reda dénonçait certains principes du droit d’auteur au motif qu’ils constituaient des barrières empêchant l’émergence d’industries culturelles dynamiques. Cependant, des études récentes démontrent le poids que les industries culturelles représentent, notamment en France. Nous en citerons deux qui semblent particulièrement représentatives à vos rapporteurs.

Le rapport de M. Serge Kancel, de décembre 2013, intitulé « L’apport de la culture à l’économie en France », co-écrit par l’Inspection Générale des Finances et l’Inspection Générale des Affaires Culturelles, démontre que les activités culturelles directes et indirectes contribuent pour 3,2 % à la richesse nationale et emploient 670 000 personnes en France. La valeur ajoutée culturelle s’élevait en 2011 à 57,8 milliards d’euros, et deux secteurs participent à hauteur d’un tiers à cette valeur : le spectacle vivant (8,8 milliards d’euros de valeur ajoutée) et le patrimoine muséal et monumental (8,1 milliards d’euros de valeur ajoutée). La valeur ajoutée des activités culturelles, et donc des industries qui en sont les productrices, est équivalente, en suivant la méthodologie propre au rapport, à celle de l’agriculture et des industries alimentaires, et représente sept fois la valeur ajoutée de l’industrie automobile.

De plus, l’analyse sectorielle de quatre secteurs culturels (mode, cinéma, audiovisuel et industrie vidéoludique) prouve que, malgré les défis structurels que pose l’apparition disruptive du numérique, le système actuel de financement de la création permet de protéger des industries naissantes, avec un fort potentiel de développement. Les éditeurs français les plus importants de jeux vidéo, qui concentrent l’essentiel de l’activité économique liée à l’édition, tels que Ubisoft, Activision Blizzard France ou Gameloft, ont bénéficié de cet environnement protecteur.

À l’échelle de l’Europe, d’autre part, une étude du cabinet Ernst & Young (57) estime l’impact de la création culturelle à hauteur de 4,2 % du PIB européen. Le secteur emploie plus de 7 millions de travailleurs dans toute l’Union européenne, et notamment 1,2 million dans le secteur musical, 646 000 dans le secteur des livres, 641 000 dans le secteur cinématographique et 603 500 dans le secteur audiovisuel. Ce système continental s’appuie sur le principe de territorialité dans les différents États membres, et notamment en France.

L’attachement français au principe de territorialité a été répété à de nombreuses reprises à la suite du rapport Reda mais aussi lors de l’examen du règlement sur la portabilité temporaire des contenus. Il est au fondement du système de financement de la création, notamment dans le domaine du cinéma, où les licences territoriales de droits fondent en grande partie l’économie de l’ensemble de la filière.

Notre Commission a été attentive à cette question, en témoigne la proposition de résolution européenne de votre co-rapporteur Marietta Karamanli et M. Rudy Salles relative au projet de communication de la Commission européenne sur les aides d’État en faveur des aides cinématographiques et autres œuvres audiovisuelles du 30 avril 2013. Nous avions alors exprimé notre volonté d’affirmer la territorialisation des aides au cinéma, face à l’éventualité d’un dumping fiscal et social, entraînant la délocalisation des lieux de tournage pour des raisons autres qu’esthétiques. René Bonnell insiste également, dans son rapport, sur la nécessité d’une territorialisation des aides plutôt qu’une « concurrence sans entrave entre prestataires et de libre circulation des compétences au sein de l’Europe, principes si mal adaptés à l’essence des activités culturelles (58). » En effet, tant en matière d’aides financières à la création qu’en matière de droits d’auteur, les États membres de l’Union européenne ne sont pas en concurrence les uns avec les autres mais avec des géants économiques issus de pays tiers.

Des études commandées par la Commission elles-mêmes attestent que, contrairement à l’opinion selon laquelle la territorialité des droits élève inutilement les coûts de transaction pour l’exploitation multi-territoriale des droits, les modifications du cadre juridique actuel peuvent entraîner une augmentation de certains de ces coûts de transaction et une baisse des incitations à investir dans les domaines musicaux et audiovisuels (59).

Dans le cadre des auditions menées par vos rapporteurs, les représentants du CNC (Centre National du Cinéma et de l’Image Animée) (60) ont insisté sur l’importance de la territorialité, mais ont suggéré une solution médiane, qui consisterait en un abandon de la territorialité à l’issue d’une durée de 5 ans ou si le producteur ne fait pas usage de ses droits. Mme Anne Flamant, quant à elle, a insisté sur le fait que la territorialité était au fondement du système de crédit auquel la banque Neuflize, qu’elle représentait, participait activement.

De la même manière, le blocage géographique des données, contrairement aux réflexions initiales de la Commission, n’est pas à supprimer en toutes circonstances. Pour ce qui est du cinéma notamment, ce principe peut être justifié, et le Parlement européen, dans une récente résolution (61), n’appelle plus qu’à éviter les « blocages géographiques injustifiés », tout en soulignant que « le principe de territorialité est un élément essentiel du système du droit d'auteur étant donné l'importance des licences territoriales dans l'Union ».

Le respect de la territorialité des droits et la nécessité de faire circuler les œuvres dans toute l’Union européenne, pour en faire profiter de la manière la plus équitable et la plus simple possible les citoyens des différents États membres, pourraient se concilier dans le cadre du système de licences. Les contrats qui lient auteurs et intermédiaires, qu’ils soient nationaux ou multinationaux, paraissent aujourd’hui des alternatives utiles par rapport à l’extension des exceptions, mais également des instruments efficaces. M. Pascal Nègre, ancien président d’Universal Music France, dans son audition, a rappelé que des licences européennes ou mondiales, dans le domaine de la musique, étaient devenues « monnaie courante ».

Consciente des enjeux associés à la problématique des licences, la Commission a initié une consultation publique, annoncée dans une communication sur le contenu dans le marché unique numérique du 18 décembre 2012 (62), intitulée « Licences for Europe », dont le but était de trouver des solutions pratiques, notamment des régimes de licences innovants, dans le cadre législatif existant. Les résultats de cette consultation publique ont été limités, d’autant plus que certaines catégories particulières d’utilisateurs, tels que les chercheurs et représentants des bibliothèques, ont quitté les groupes de travail avant la fin des travaux. Des demandes importantes en faveur de l’interopérabilité des contenus et la mise en place de licences pan-européennes peuvent néanmoins transparaître à l’issue de cette consultation.

Ce travail s’est traduit par la directive 2014/26/UE (63), qui a pour but de permettre aux fournisseurs de service d’obtenir plus facilement des licences des sociétés de gestion collective des droits d'auteur opérant au niveau européen. Les organismes de gestion collective, qui font face à de nombreuses difficultés pour gérer les droits d’auteur dans un cadre numérique, font de plus l’objet de réflexions au niveau européen. Les résultats d’une étude relative aux secteurs audiovisuel et musical, dont les résultats ont été publiés en 2015, font ressortir principalement un manque de transparence des modalités de rémunération dans les contrats des auteurs et des artistes interprètes en ce qui concerne les droits transférés, notamment les contenus exploités sous une forme numérique.

Ces réflexions amènent vos rapporteurs à estimer que l’adaptation des organismes de gestion collective au contexte numérique, en matière de gouvernance, de transparence et d’efficacité, peut constituer l’une des meilleures solutions, notamment pour les questions de « livre numérique » ou de portabilité des contenus grâce à des licences pan-européennes.

Dans différentes interventions, le commissaire à l’économie digitale Günther H. Oettinger a indiqué que la Commission européenne devait accepter des exceptions au principe du marché unique numérique. Les autorités françaises ont toujours affirmé leur opposition à la prolifération des exceptions. Vos rapporteurs, demandent à ce que les exceptions au droit d’auteur demeurent strictement encadrées. Une nouvelle exception ou une exception obligatoire ne devrait être instaurée que lorsque des études d’impact sérieuses et documentées ont permis d’identifier des besoins précis et spécifiques, qui justifient l’intervention du législateur européen et ne permettent pas de faire usage de solutions alternatives, telles que les licences et solutions contractuelles en général.

La lutte contre le piratage, qu’il prenne la forme de téléchargements ou, plus récemment, du « streaming », est une donnée fondamentale pour mettre en œuvre effectivement les droits d’auteur. Il s’agit là en effet des deux formes les plus courantes de détournement des œuvres sans payer lesdits droits. Tandis que par le « streaming », l’internaute bénéficie d’un simple visionnage des contenus stockés sur le site, le téléchargement direct consiste dans le transfert de ces contenus de manière durable du site vers l’ordinateur. Certaines personnes auditionnées (64) ont pu parler à ce titre de l’exception illégale qui remettait le plus en cause le monopole d’exploitation et la rémunération adéquate des auteurs. La nocivité de ces téléchargements a largement été évoquée, et il a été mentionné que les deux pays européens ayant mis en place les systèmes législatifs les plus contraignants en la matière, à savoir la France et la Suède, ont également été les pays où les deux plateformes légales les plus puissantes dans le domaine musical (Deezer et Spotify) ont pu naître.

Le régime spécifique de responsabilité limitée dont jouissent à l’heure actuelle les hébergeurs, y compris les plateformes qui font un usage commercial des contenus qu’elles hébergent, pose de nombreuses questions, dont les personnes auditionnées par vos rapporteurs se sont fait les relais. Si de nombreux ayants droit ont demandé à ce que soit revue la directive « commerce électronique », M. Sirinelli a indiqué qu’une solution intermédiaire pourrait être de faire en sorte que le statut des prestataires techniques ne s’applique pas au droit d’auteur. Il s’appuyait notamment sur les propositions de son rapport, à savoir créer un système de compensation équitable pour les titulaires de droits d’auteur ou de droits voisins, ou infléchir, dans le cadre de la révision de la directive « Société de l’information », certains des effets des régimes d'irresponsabilité conditionnée au sein de la propriété littéraire et artistique (65).

À l’inverse, d’autres personnes auditionnées, représentant des plateformes ou des citoyens et utilisateurs d’internet, n’approuvaient pas la remise en cause de la directive « commerce électronique », qui a fait ses preuves et a permis l’émergence des modes de consommation culturelle tels que les citoyens européens les connaissent aujourd’hui. La question d’une nouvelle définition du statut de responsabilité des hébergeurs a également fait l’objet d’études récentes des pouvoirs publics, dont deux se sont attachées à évaluer ce que représenteraient des avancées en la matière.

Dans son étude annuelle consacrée à la question des droits fondamentaux dans la sphère numérique, le Conseil d’État (66) préconise, dans la proposition 3, la création d’une nouvelle catégorie juridique de « prestataires intermédiaires », distincte de celle des hébergeurs, intitulée « plateforme », qui recouvrerait « l’ensemble des acteurs usuellement considérés aujourd’hui comme des plateformes : moteurs de recherche, réseaux sociaux, sites de partage de contenus (vidéos, musique, photos, documents, etc.), places de marché, magasins d’applications, agrégateurs de contenus ou comparateurs de prix. » Le but de cette nouvelle définition est d’intégrer le développement des plateformes et leurs nouveaux rôles actifs en matière de référencement, de présentation et de classement des informations.

De la même manière, le rapport au Sénat de MM. Yung et Béteille (67) proposait un statut hybride de l’éditeur de services, soit un hébergeur qui se caractériserait par des avantages économiques directs issus de la consultation des contenus hébergés. Il découlerait de ce statut un régime de responsabilité intermédiaire, comprenant :

- une obligation d'identification des personnes qui ont créé un contenu hébergé ;

- une obligation de mettre en place les moyens, conformes à l’état de l’art, de surveillance des informations qu'il transmet ou stocke, et de recherche des faits ou des circonstances révélant des activités illicites ;

- une possibilité d’être tenu civilement ou pénalement responsable si l’hébergeur a connaissance d'activités ou d'information manifestement illicites et qu'il n'agit pas promptement pour retirer ces informations ou en rendre l'accès impossible.

Dans les travaux qui ont suivi la publication du rapport Reda, la Commission des Affaires culturelles a émis, outre les fortes réserves concernant le rapport lui-même, l’envie que soit abordée la question de la révision de la directive « commerce électronique ».

Ces réflexions sont partagées à l’échelle européenne, puisque lors du Conseil des ministres franco-allemand du 7 avril 2016, les deux pays ont réitéré « l’importance d’une régulation adaptée des plateformes au niveau européen » et demandé « à cet effet à la Commission de présenter des propositions concrètes, sur la base des résultats de la consultation en cours. » Par ailleurs, la Commission européenne a émis le souhait de traiter du problème des plateformes à travers un véhicule séparé, qu’il s’agisse d’un règlement ou d’une directive.

Dès lors, vos rapporteurs seront attentifs à ce que la révision du statut des plateformes renforce à la fois leur responsabilité en cas d’hébergement de contenu illégal et à ce que les obligations d’agir promptement dès lors que ces contenus sont identifiés soient dûment respectées. Ces orientations, de la même manière que celles qui sont exposées plus haut en matière de partage de la valeur, visent à permettre aux auteurs de vivre de leur création. À défaut d’un débat global sur le statut des hébergeurs, vos rapporteurs sont favorables à toute solution qui permettra d’atténuer les conséquences néfastes du statut actuel sur la rémunération des auteurs.

La lutte contre le piratage est tout à fait cruciale pour vos rapporteurs, et cette opinion est partagée par l’ensemble des personnes auditionnées. Les autorités européennes sont également sensibles à la question de la lutte contre la contrefaçon et l’abus des contenus culturels. Toutefois, le mode d’intervention des autorités européennes demeure encore flou. Une révision de la directive IPRED (68), dont l’article 3 instaure une obligation générale pour les États membres de prévoir « les mesures, procédures et réparations nécessaires pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle » pourrait être utilement mise en œuvre pour assurer une défense plus efficace des droits d’auteur. Certains États européens se signalent d’ailleurs par une solution plus répressive que ce qui existe en France. Ainsi, en Allemagne, la mise en demeure du propriétaire d’une ligne internet par laquelle a été effectué un téléchargement illégal s’accompagne d’une somme à payer pour les frais de procédure (69). L’Union européenne a un rôle à jouer dans la promotion de solutions réglementaires ou techniques contre le détournement des droits d’auteur.

Il existe ainsi des dispositifs s’appuyant sur de nouveaux outils technologiques, tels que le système « notice and take down », que plusieurs personnes auditionnées ont mentionnés. Cette pratique, fondée sur un système d’empreintes associées aux contenus, permet, après une première notification avertissant un hébergeur de la présence d’une œuvre illicite sur son serveur et l’identification de l’œuvre en question, de prendre des mesures afin d'éviter qu'un fichier reproduisant la même œuvre ne puisse être à nouveau posté par un internaute sur le site. Il existe plusieurs procédés techniques permettant de reconnaître et de bannir des contenus illicites, tels que le « content ID » mis en place par Youtube pour les images animées. L’audition de M. de Martino, président de l’Association des services internet communautaires (ASIC) et secrétaire général de Dailymotion, a permis de confirmer l’intérêt que pouvait présenter cette technique à la fois pour les plateformes et pour les auteurs, afin de lutter efficacement contre la contrefaçon et assurer une mise en œuvre effective des droits d’auteur.

La méthode de l’empreinte digitale chez Dailymotion

L’empreinte digitale se fonde sur l’existence au sein de chaque image d’un code assimilable à un ADN. Lors du téléchargement d’un contenu sur la plateforme Dailymotion, l’entreprise compare l’empreinte digitale du contenu ajouté à sa base de données regroupant les empreintes digitales des œuvres protégées par le droit d’auteur. En cas de correspondance, la règle définie par l’ayant droit est appliquée au contenu ajouté :

- Soit l’ayant droit ne souhaite pas monétiser ce contenu et le laisse gratuitement sur la plateforme ;

- Soit l’ayant droit accepte de laisser le contenu sur la plateforme en échange d’une rémunération, dans ce cas, l’entreprise Dailymotion partage avec cet ayant droit la moitié des recettes générées par le contenu ajouté ;

- Soit l’ayant droit refuse la présence de ce contenu sur la plateforme qui procède à son retrait.

En cas de retrait, l’entreprise applique la règle du « Take down and stay down ». Lors du retrait du contenu protégé, Dailymotion enregistre l’empreinte digitale du contenu contrevenant au droit d’auteur, car non autorisé par l’ayant droit, dans sa base d’empreintes digitales. Ainsi en cas d’ajout ultérieur de ce contenu sur la plateforme, ce dernier sera automatiquement retiré de la plateforme. La méthode de l’empreinte digitale s’applique uniquement aux contenus générés par les utilisateurs.

Cette technique n’est toutefois pas sans créer de potentiels contentieux juridiques. Ainsi, la Cour de cassation a sanctionné la décision d'une cour d'appel imposant cette procédure (70), appelant à faire respecter l’idée que les plateformes ne sont pas soumises « à une obligation générale de surveillance des images qu'elles stockent et de recherche des mises en ligne illicites ». D’autre part, ce dispositif pose également des problèmes techniques soulignés par les personnes auditionnées. Outre le coût que représente cette méthode pour les plateformes (1 million d’euros par an pour Dailymotion), l’utilisation d’un algorithme peut se prêter parfois difficilement aux subtilités des exceptions au droit d’auteur. L’exception de parodie, par exemple, ne peut être mise en œuvre dès lors qu’elle repose sur un fort parallélisme avec l’œuvre originale.

Dans le cadre d’une charte de bonne conduite à l’échelle européenne, vos rapporteurs encouragent toutefois l’utilisation de cet outil par les plateformes, dès lors qu’il permet une rémunération équitable et effective des ayants droit.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 3 mai 2016, sous la présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé du rapporteur a été suivi d’un débat.

« M. Christophe Premat. Nous avons eu l’occasion avec mes collègues Sandrine Doucet et William Dumas, en commission des Affaires culturelles, d’aborder la question des droits d’auteur à de nombreuses reprises. La première occasion a été celle de la transcription de la directive européenne des droits voisins. À ce titre, il y a un retard de transcription de directive européenne assez impressionnant. Nous avons reparlé de ces sujets lors de l’examen Projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, et notamment ses articles 4 et 6 portant sur la question de rémunération équitable, pour les artistes-interprètes.

Ma première question porte sur la redéfinition de la chaîne de valeur – qui va de la création à la diffusion en incluant ceux qui interprètent l’œuvre – fait qu’on a une complexité dans la répartition des droits. Est-on suffisamment au fait sur la redéfinition de la chaîne de valeur ? La directive est en effet très liée à la directive « commerce électronique » et c’est aussi par l’égalité face au numérique qu’il est possible d’avoir un accès équitable aux droits d’auteur.

Ma deuxième question porte sur la « licence globale ». Vous avez rappelé que vous n’étiez pas favorable à un Code unique européen des droits d’auteur. Le système de licence globale porte néanmoins une réflexion complexe et intéressante sur la redistribution de la valeur. Quel est ici votre avis ? Ce sont les directives européennes qui permettent d’avancer en la matière.

Enfin, la volatilité de la connaissance a été pointée lors du débat sur le numérique. Je prendrais l’exemple de la plateforme européenne néerlandaise Elsevier, qui commercialise le produit des chercheurs, et donc celui du domaine public. Ce sont des articles financés par nos impôts. Pensez-vous qu’il faudrait restreindre ce système ? Votre rapport est au carrefour de différents projets législatifs, mais s’intègre pleinement dans des réflexions européennes.

La Présidente Danielle Auroi. Ce rapport est très technique et très précis. Concernant la philosophie plus générale de la résolution, j’ai l’impression que les enjeux liés à la révolution numérique étaient moins présents que le reste, alors que le rapport de Julia Reda est un des cœurs du sujet.

En revanche plusieurs de vos propositions semblent aller tout à fait dans le bon sens et ouvrent même des horizons. Il en va ainsi de la prise en compte du traité de Marrakech dans la réforme des droits d’auteur ou bien le développement de la lecture numérique en bibliothèque ou à distance. C’est donc un sujet qui mérite d’être approfondi.

Je reste très attachée au respect du droit d’auteur, et lorsqu’il a fallu en urgence défendre l’exception culturelle européenne, nous nous étions beaucoup mobilisés sur le sujet au sein de cette commission.

Il serait opportun de se saisir du projet de loi numérique et des textes européens pour observer de plus près le statut français et également examiner si de nouvelles dispositions ne permettraient pas de pallier un certain nombre d’inégalités pointées par plusieurs études.

Concernant la liberté de panorama par exemple, il parait un peu anticipé de se positionner a priori sur une position qui n’a pas encore été adoptée dans le cadre du débat sur la loi numérique, et qui peut donc encore évoluer. À propos du système actuel de copie privée, le rapport de M. Rogemont à la Commission des affaires culturelles avait pointé de nombreux dysfonctionnements.

Le fait que notre commission s’empare du sujet est une bonne chose, car c’est un sujet profondément européen. La commission des Affaires culturelles, qui s’emparera certainement de ce sujet, pourra nous apporter des précisions sur des aspects plus techniques, et finalement permettra de retravailler la question. Pour le moment je me cantonne à titre personnel et pour mon groupe à une position de sagesse.

M. Pierre Lequiller. La Commission européenne peut-elle préciser son point de vue sur la problématique de la liberté de panorama, la question du libre accès, la préservation de la copie privée ?

M. Hervé Gaymard, co-rapporteur. La question du numérique appliqué à la production scientifique appelle les remarques suivantes. Lorsque l’on interroge les scientifiques, des sciences dures ou des sciences humaines, un certain nombre nous répondent ainsi : « je ne suis pas forcément attaché au droit d’auteur car j’ai été payé pour ça dans le cadre de mes recherches ». C’est notamment le cas pour les chercheurs payés par l’argent public. Ils disent également : « je souhaite au maximum diffuser mon œuvre, dans une stratégie de notoriété ». Les plus mercantiles disent « off the record » : « mon argent je le gagnerai en faisant des conférences, et pas par les modestes droits d’auteur que je pourrais retirer », ce qui est la position de Jacques Attali, par exemple. Cependant, un certain nombre d’auteurs, aussi modestes fussent-ils, doivent compter sur leurs droits d’auteur pour être rémunérés par leurs créations intellectuelles.

C’est un véritable sujet, puisque l’on ne retrouve pas cette question dans les autres compartiments du jeu des œuvres de l’esprit. Dans ce domaine, il est vrai que des éditeurs scientifiques comme Elsevier ou Brill par exemple, ont acquis au fil du temps une forme de quasi-monopole de fait sur la diffusion de l’information scientifique et de la recherche. Cela n’est pas sans poser des problèmes aux auteurs, mais également aux bibliothèques. Le prix des abonnements numériques augmente. Les bibliothèques publiques -j’ai interrogés leurs gestionnaires- vous disent que les prix des abonnements ont grimpé alors qu’ils devraient être moins chers, puisque c’est du numérique. Nous avons là un véritable cas d’école, où, d’un point de vue irénique, se crée une diffusion formidable du savoir scientifique, tandis qu’en réalité il y a une partie de la rente qui est doublement captée par un diffuseur, d’abord parce que l’auteur n’a plus de droit, et ensuite parce que ces fichiers et ces revues sont achetés par des institutions publiques, payées par des contribuables, à des prix dirimants.

Je voudrais maintenant évoquer la question de la licence globale. Nous sommes conscients que c’est une question compliquée, et qu’elle ne peut pas être appliquée de la même façon dans tous les secteurs. Dans le cinéma et les séries télévisées en général, les œuvres sont préfinancées. Il est donc relativement facile de mettre en place une licence globale, puisque les acteurs sont souvent payés une fois que le film a été préfinancé, et ne touchent plus de royalties par la suite. Cette situation spécifique diffère du domaine de l’écrit.

Dans ce domaine, les auteurs peuvent avoir un à-valoir plus ou moins élevé selon leur notoriété, mais ils jouissent également par la suite de droits d’auteur pendant 70 ans, à chaque fois qu’un livre est vendu. Il en va de même pour les ayants droit après le décès. La licence globale semble relativement facile à faire et praticable dans le domaine audiovisuel, les œuvres diffusées étant préfinancées et « amorties » soit par le passage à la télévision soit grâce au système d’aides publiques à la création, comme c’est le cas en France avec le CNC, soit par les recettes en exploitation dans les salles, grâce aux fenêtres sur la diffusion publique des œuvres possibles une fois leur sortie en salle. En revanche, pour le livre c’est une autre paire de manches. Je pense que c’est très compliqué, comme le montre le rapport Sirinelli.

M. Razzy Hammadi. Les éléments évoqués tentent d’aborder les nouvelles pratiques, les nouvelles formes d’usage et je suis heureux d’entendre mon collègue Hervé Gaymard revenir sur les nouveaux modes de diffusion et de production. La question que je voudrais poser aux rapporteurs est de deux ordres.

La première relève de la rigidité du cadre juridique et des conventions internationales, que vous abordez notamment à propos des enjeux transfrontaliers, face aux évolutions de la diffusion, à l’évolution du financement et sa rapidité, ainsi que l’évolution des cadres contractuels. Aujourd’hui, des productions sont diffusées à partir du moment où elles sont financées, comme cela a déjà été évoqué. Certaines productions sont diffusées obtiennent un financement proportionnel à leur réception. Aujourd’hui, le cadre du droit d’auteur ne prend pas cela en compte. Cette évolution est liée à la nature même du marché. Qui aurait imaginé par exemple l’explosion du marché de l’impression ou de la lithographie numérotée telle qu’elle apparaît aujourd’hui, dans un marché mondial ? La licence globale est un parfait exemple de ce décalage. Un certain nombre de responsables de majors, dans le domaine de la musique, il y a quelques années, étaient vent debout contre la licence globale. Pour eux, aujourd’hui, le débat est dépassé. Ils gagnent bien plus d’argent avec la diffusion sur les plateformes en ligne que par la vente du produit lui-même. Comment abordez-vous cette distinction qui existe entre la rapidité des modes d’évolution de diffusion et de financement et la rigidité des cadres juridiques ?

Deuxièmement, les droits d’auteur dans le domaine de la musique, et notamment de la musique électronique, illustrent ce problème. Par définition, elle est jouée sur scène, avec des disques ou des données numériques. Aujourd’hui, la Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique (SACEM) est inadaptée pour prendre en compte les droits d’auteur dans ce domaine. De ce point de vue-là, des plateformes de droit d’auteur à l’échelle mondiale émergent ex nihilo. Elles s’appuient sur du droit international, défendent et référencent les droits d’auteur, et leur référencement est plus efficace que celui dont nous héritons.

M. Marc Laffineur. Avez-vous l’impression que tous les pays d’Europe ont la même volonté de lutter contre la contrefaçon ? Dans l’élaboration d’un précédent rapport nous n’avions pas eu l’impression que tous les États membres étaient sur la même ligne.

Mme Marietta Karamanli, co-rapporteure. Nous partageons plusieurs constats dans vos interventions. Nous n’avons pas toutes les réponses, car elles se construisent beaucoup plus au niveau de la Commission européenne et des autres États membres.

Toutefois, concernant la redéfinition de la chaîne de valeur, nous insistons dans la résolution pour faire en sorte qu’il y ait un meilleur partage de la rémunération, avec une contribution plus forte des plateformes. Ce débat doit avancer au niveau de la Commission européenne. La question du statut des hébergeurs se pose également. Comme l’indique notre rapport, il faudrait plutôt revoir la question du statut des hébergeurs dans la directive de 2000/29/CE plutôt que celui des droits d’auteur.

Je suis également attentive à la question des nouvelles utilisations et des nouveaux outils qui permettent l’accès à la connaissance et aux créations. Il faut assurer les droits d’auteur, mais d’un autre côté, en matière de publications scientifiques, nous contribuons en tant que contribuables mais également en tant que pouvoir public. Si nous finançons la recherche, on constate un certain blocage au niveau des éditeurs, qui peuvent décider du jour au lendemain de ne pas publier certains travaux pour de multiples raisons. Quand nous avons auditionné des éditeurs, nous avons senti que, sous la pression, ils seront amenés à s’adapter.

Cette résolution est une première étape, un premier point, en attendant le positionnement des instances européennes en septembre, ce qui nous donnera une deuxième occasion de revenir sur le sujet. Nous avons donc voulu envoyer un signal à la Commission européenne et rappeler plusieurs sujets avant que celles-ci ne communiquent définitivement sur le sujet.

Concernant la contrefaçon, je pense que tous les moyens ne sont pas mis en œuvre pour lutter contre ce fléau. Nous appelons la Commission européenne à se saisir de ce problème et ce, par tous les moyens possibles. Quand on s’attaque au piratage, on assure mieux l’accès aux œuvres, le droit d’auteur.

M. Hervé Gaymard, co-rapporteur. En ce qui concerne la contrefaçon et le téléchargement illégal, je n’ai pas de vision panoramique en la matière, mais pour ce que je connais de l’Allemagne, les autorités peuvent être beaucoup plus strictes. Je pense que la situation est très hétérogène selon les pays européens.

Je souhaite revenir sur la question de la licence globale. Je pense que la situation est vraiment très différente entre la musique, les images et l’écrit. Nous ne pouvons pas globaliser les différentes situations. D’abord, ce ne sont pas les mêmes supports. Ensuite, les différentes industries culturelles ne sont pas dans la même situation. L’industrie du disque a été sinistrée par le couple « MP3 IPod », ce qui est moins le cas pour le cinéma et pour le livre. Nous ne pouvons pas raisonner pour tous les compartiments du jeu de la même manière.

En France, il y a eu un accord entre les éditeurs et les auteurs qui s’apparente à une licence globale. C’est ce qui se passe pour le site de bandes-dessinées comme Izneo, qui présente une offre légale, attractive, mais ce n’est pas un franc succès, sans qu’il y ait pour autant un problème de piratage

Ce qui est passionnant dans ces évolutions, c’est que c’est souvent contre-intuitif, les prévisions ne se vérifient souvent pas. Nous devons donc rester tous vigilants et humbles.

La Présidente Danielle Auroi. Je soumets la résolution au vote. Au vu des arguments exposés, je passe de l’abstention à un vote favorable.

La Commission a adopté, à l’unanimité, la proposition de résolution ci-après. »

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

Article unique

L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu l’article 167 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne,

Vu la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information,

Vu la directive 2006/116/CE du 12 décembre 2006 relative à la durée de protection du droit d’auteur et de certains droits voisins, modifiée par la directive 2011/77/UE du 27 septembre 2011,

Vu la directive 2012/28/UE du 25 octobre 2012 sur certaines utilisations autorisées des œuvres orphelines,

Vu la directive 2014/26/UE du 26 février 2014 concernant la gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins et l’octroi de licences multiterritoriales de droits sur des œuvres musicales en vue de leur utilisation en ligne dans le marché intérieur,

Vu la communication de la Commission européenne du 6 mai 2015 au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions : « Stratégie pour un marché unique numérique en Europe » COM(2015) 192 final,

Vu la communication de la Commission européenne du 9 décembre 2015 au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions : « Vers un cadre moderne et plus européen pour le droit d'auteur » COM(2015) 626 final,

Considérant que l’Union européenne, en vertu de l’article 167 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, s’attache à préserver la diversité culturelle et à valoriser la création artistique et culturelle, tout en contribuant à améliorer la diffusion des œuvres dans tous les États membres,

Considérant que la Commission européenne a annoncé un programme de réforme du cadre juridique actuel des droits d’auteur, qui consiste en une proposition de règlement sur la portabilité de l’accès aux œuvres et une proposition de directive pour adapter les exceptions aux environnements numérique et transfrontière,

Considérant que l’objectif poursuivi par la Commission européenne, à savoir l’instauration d’un marché unique numérique, est légitime, mais ne saurait aboutir à l’uniformisation des modes de protection des droits d’auteur dans toute l’Union européenne, et doit se faire dans le cadre d’un strict respect du principe de subsidiarité,

Considérant que l’Union européenne dispose d'une compétence pour mener des actions pour appuyer, coordonner ou compléter l'action des États membres dans le domaine culturel, et que, en vertu de l’article 167 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne, les actes juridiquement contraignants que la Commission propose ne doivent pas nécessiter une harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des États membres,

Considérant que le caractère actuellement facultatif des exceptions au droit d’auteur, en droit européen, confère aux États membres une souplesse suffisamment grande pour protéger les créateurs et assurer la circulation des œuvres,

Considérant, en particulier, que le principe de territorialité, sur lequel se fonde le modèle de financement de nombreuses filières culturelles, et notamment les secteurs audiovisuels et cinématographiques, doit être préservé,

Considérant que l’émergence de plateformes actives dans le classement, le référencement et la présentation des contenus implique de redéfinir le régime de responsabilité des hébergeurs tel qu’il est défini par la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000,

Considérant, par ailleurs, que l’irruption de ces plateformes de distribution des contenus numériques a perturbé la chaîne de valeur culturelle traditionnelle, au détriment des auteurs et des éditeurs,

Considérant que la lutte contre le piratage et la contrefaçon doivent être une priorité pour assurer une mise en œuvre effective des droits d’auteur et une juste rémunération pour les créateurs,

1. Prend acte de la volonté de la Commission européenne d’engager une large réforme des droits d’auteur dans le cadre de l’instauration d’un marché unique numérique ;

2. S’inquiète d’une éventuelle prolifération des exceptions obligatoires aux droits d’auteur, susceptible de restreindre le potentiel d’adaptation des États membres ;

3. Rappelle qu’elle est attachée au maintien de la durée de protection des droits d’auteur en vigueur actuellement ;

4. Demande :

– le respect du principe de territorialité des droits et, partant, une définition précise et adéquate de la durée de portabilité transfrontière des contenus culturels ;

– la valorisation des solutions contractuelles transfrontières existantes ;

– la prise en compte de la nécessité, dans le cadre de l’exception pour le livre numérique, de garantir la viabilité économique de l’édition tout en favorisant le développement de la lecture numérique en bibliothèque et à distance, sur des réseaux électroniques fermés ;

– la prise en compte de la position française en matière de « liberté de panorama » (l’utilisation de photographies, séquences vidéo ou autres images d’œuvres qui se trouvent en permanence dans des lieux publics), telle qu’elle sera définie dans la loi pour une République Numérique ;

– l’amélioration de la libre diffusion des résultats de la recherche publique, dans le cadre d’un libre-accès en « voie verte » (dépôt des copies en archives avec un accès ouvert au public), système qui garantit les droits des chercheurs scientifiques et des organismes de recherche tout en permettant l’accessibilité des autres chercheurs aux publications ;

– l’ouverture de réflexions destinées à redéfinir le statut et les responsabilités des hébergeurs, au sein de la directive « commerce électronique » ;

– le respect du système actuel de copie privée ;

5. Souhaite la prise en compte du traité de Marrakech, signé le 30 avril 2014, dans la réforme des droits d’auteur, et donc la création d’une exception visant à faciliter l’accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées ;

6. Souhaite aboutir à un meilleur partage de la rémunération au sein de la chaîne de valeur culturelle, par une plus grande contribution des plateformes qui tirent un profit de la distribution des contenus en ligne ;

7. Appelle la Commission européenne à employer tous les moyens à sa disposition pour lutter contre le piratage et la contrefaçon et invite à l’adoption d’une charte de bonnes pratiques pour développer l’usage d’outils technologiques intelligents, destinés à empêcher l’usurpation des droits d’auteur dans l’environnement numérique.

MOTION FOR A EUROPEAN RESOLUTION

On the protection of copyright in the European Union

Single article

The National Assembly,

In the light of Article 88-4 of the Constitution,

In the light of Article 167 of the Treaty on the Functioning of the European Union,

In the light of the directive 2001/29/EC of 22 May 2001 on the harmonisation of certain aspects of copyright and related rights in the information society,

In the light of the directive 2006/116/EC of 12 December 2006 on the term of the protection of copyright and certain related rights, amended by directive 2011/77/EU of 27 September 2011,

In the light of the directive 2012/28/EU of 25 October 2012 on certain permitted uses of orphan works,

In the light of the directive 2014/26/EU of 26 February 2014 on collective management of copyright and related rights and multi-territorial licensing of rights in musical works for online use in the internal market,

In the light of the communication of the European Commission of 6 May 2015 to the European Parliament, the Council, the European Economic and Social Committee and the Committee of the Regions : 'A digital single market strategy for Europe' COM(2015) 192 final,

In the light of the communication of the European Commission of 9 December 2015 to the European Parliament, the Council, the European Economic and Social Committee and the Committee of the Regions : 'Towards a modern, more European copyright framework' COM(2015) 626 final,

Considering that, pursuant to Article 167 of the Treaty on the Functioning of the European Union, the European Union is committed to preserving cultural diversity and bringing artistic and cultural diversity to the fore, while contributing to improving the dissemination of works in all the Member States,

Considering that the European Union has announced a reform programme of the current legal framework of copyright across the European Union, which consists in a proposal for a regulation on the portability of access to works and a proposal for a directive to adapt exceptions to digital and cross-border environments,

Considering that the goal pursued by the European Commission, namely the establishment of a Single Market, is legitimate, but should not lead to the standardisation of the conditions of protection of copyright, and must take place in the framework of strict compliance with the principle of subsidiarity,

Considering that the European Union has competence to take action to support, coordinate or complete the action of Member States in the cultural field and that, pursuant to Article 167 of the Treaty on the Functioning of the European Union, legally binding acts proposed by the Commission must not require a harmonisation of the laws and regulations of the Member States,

Considering that the currently optional nature of exceptions to copyright, in European law, grants the Member States sufficiently broad flexibility to protect creators and ensure the circulation of works,

Considering that, in particular, the principle of territoriality must be preserved, on which the funding model of many cultural sectors is based, especially the audiovisual and cinematographic sectors,

Considering that the emergence of these platforms active in classification, indexing and presentation of contents implies redefining the liability regime of hosting service providers as defined by directive 2000/31/EC of 8 June 2000,

Considering, moreover, that the emergence of platforms in online content distribution has disrupted the traditional cultural value chain, to the detriment of authors and publishers,

Considering that the fight against piracy and counterfeiting must be prioritised to ensure effective enforcement of copyright and fair compensation for creators,

1. Takes note of the determination of the European Commission to start a broad reform of copyright as part of the establishment of the digital single market ;

2. Is concerned over a possible proliferation of mandatory exceptions to copyright that may restrict the Member States' potential for adaptation ;

3. Recalls that it is committed to maintaining the term of copyright protection currently in force ;

4. Calls for :

– Respect for the principle of territoriality of rights and, therefore, a precise and suitable definition of the term of cross-border portability of cultural content ;

– Building on the existing cross-border contractual solutions ;

– Taking into account of the need, as part of the digital book exception, to guarantee the economic viability of publishing while promoting the development of digital reading in libraries , in closed electronic networks ;

– Taking into account of the French position on the exception for panorama (uploading of photographs, video sequences or other images of works of art permanently located in public places), as it will be defined in the Act for a Digital Republic ;

– Improvement of open dissemination of public research results through green Open Access (filing of copies in repositories with open access to the public), which system guarantees the rights of scientific researchers and research bodies while allowing other researchers to access their publications ;

– Opening of debates on a redefinition of the status and liability of hosting service providers, as part of the 'e-commerce directive' ;

– Respect for the present private copy system ;

5. Desires that the Marrakech Treaty, signed on 30 April 2014, be taken into account in the copyright reform, and therefore desires that an exception be created to facilitate access of the blind, visually impaired and persons having other difficulties in reading the texts of published works ;

6. Wishes to reach a better sharing of compensation in the cultural value chain, by means of a greater contribution of the platforms making a profit from the distribution of online content ;

7. Calls on the European Commission to employ all the means available to it to combat piracy and counterfeiting and urges the adoption of a charter of good practices to develop the use of intelligent technological tools to prevent copyright theft in the digital environment.

ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS

Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne :

– M. Florian Blazy, conseiller juridique ;

– Mme Brigitte Favarel, conseillère adjointe juridique.

Parlement européen :

– M. Jean-Marie Cavada, député européen (FR - groupe Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe), coordinateur du groupe de travail de la commission des affaires juridiques sur le droit d'auteur et rapporteur fictif sur la mise en œuvre de la directive 2001/29/CE sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information ;

– M. Julia Reda, députée européenne (DE - groupe des Verts/Alliance libre européenne), rapporteur sur la mise en œuvre de la directive 2001/29/CE sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information.

Commission européenne :

– M. Eric Mamer, directeur de cabinet adjoint du Commissaire à l'économie et la société numériques ;

– M. Günther Oettinger.

Société des Auteurs Audiovisuels :

– Mme Cécile Despringre, directrice ;

– Mme Mélanie Amilhat, juriste.

SACEM :

– Mme Héloïse Fontanel, responsable Affaires européennes ;

– M. Blaise Mistler, relations institutionnelles.

La Quadrature du Net :

– Mme Agnès de Cornulier, coordinatrice juridique ;

– Mme Adrienne Charmet, coordinatrice des campagnes.

Syndicat national de l’édition :

– M. Vincent Montagne, président ;

– Mme Christine de Mazières, directrice générale.

UFC QUE CHOISIR :

– Mme Karine de Crescenzo ;

– M. Antoine Autier.

Canal plus :

– M. Jean-Christophe Thiery, président du directoire de Canal ;

– M. Maxime Saada, directeur général.

Autres personnalités :

– Mme Catherine Trautmann, coprésidente du Haut Conseil culturel franco-allemand, et de Mme Doris Pack, co-secrétaire générale du Haut Conseil, sur l’avenir des droits d’auteur dans l’Union européenne ;

– Mme Liza Bellulo, conseillère juridique au Secrétariat Général des Affaires Européennes et M. Joris Dumazer, adjoint ;

– Mme Véronique Cayla, présidente d’Arte France et Mme Anne Durupty, Directrice Générale d’Arte France ;

– Mme Anne Flamant, directeur du pôle Cinéma & Audiovisuel, Banque Neuflize OBC, direction de la Clientèle Privée et Entreprises ;

– Mme Alexandra Laferrière, directrice des relations institutionnelles, Google France et M. Benoît Tabaka, directeur des politiques publiques de Google France ;

– Mme Nathalie Martial-Braz, professeur de droit privé, Université Paris-Descartes ;

– M. Giuseppe de Martino, président de l’Association des services internet communautaires (ASIC) et secrétaire général de Dailymotion ;

– M. Lionel Maurel, membre du collège d’orientation stratégique de la Quadrature du Net ;

– M. Pascal Nègre, ancien président d’Universal Music France ;

– M. Alban de Nervaux, chef de service au service des affaires juridiques et internationales du ministère de la culture et de la communication ;

– M. Ludovic Pouilly, président du Syndicat des Éditeurs de services de musique en ligne et directeur des relations Labels et industrie de Deezer ;

– M. Pascal Rogard, directeur général de la SACD, Société des Auteurs et des Compositeurs Dramatiques ;

– M. Pierre Sirinelli, professeur à Paris I, membre du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) ;

– M. Christophe Tardieu, directeur général délégué du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) et M. Pierre-Emmanuel Lecerf, directeur des affaires européennes et internationales du CNC ;

– M. Jean-Noël Tronc, directeur général de la SACEM, Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique.

1 () Directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information

2 () Rapport de M. Pierre Sirinelli de la mission sur la révision de la directive 2001/29/CE sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, au CSPLA (Conseil Supérieur de la Propriété Intellectuelle et Artistique)

3 () Article 2 de la directive « Société de l’information »

4 () Article 3 de la directive « Société de l’information »

5 () Article 4 de la directive « Société de l’information »

6 () Arrêt de la CJUE du 13 février 2014, C-466/12 - Nils Svensson et autres contre Retriever Sverige AB

7 () ALAI, 15 septembre 2013, Rapport relatif à la mise à la disposition du public et à la communication au public dans l’environnement Internet – avec l’accent sur les techniques d’établissement de liens sur Internet

8 () Arrêt de la CJUE du 3 juillet 2012, UsedSoft c/Oracle

9 () Rapport de la commission consacrée à la seconde vie des biens culturels numériques, présidée par Mme Joëlle Farchy et Mme Josée-Anne Bénazéraf, remis au Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique le 26 mai 2015

10 () La seule exception obligatoire est l’exception au droit de reproduction s’agissant des actes de reproduction provisoire, qui n’ont pour unique objet que de permettre l'utilisation licite d'une œuvre ou sa transmission entre tiers par la voie d'un réseau faisant appel à un intermédiaire. Cette reproduction provisoire, qui ne peut porter que sur des œuvres autres que les logiciels et les bases de données, vise notamment certaines catégories de « caches » des serveurs des fournisseurs d'accès et de certaines copies techniques effectuées par les utilisateurs d'ordinateurs en vue d'un accès plus rapide aux sites Internet.

11 () Ces exceptions figurent également à l’article L 122-5 du Code de la propriété intellectuelle (CPI).

12 () Article 107 de la loi de 1976 (17 U.S.C. sec. 107), dite Copyright Act

13 () Pr. Ian Hargreaves , Digital opportunity : review of intellectual property and growth, 18 mai 2011

14 () Les droits voisins se rapprochent des droits d’auteur, mais protègent :

- l'artiste-interprète ou exécutant, soit la personne qui représente, chante, récite, déclame, joue ou exécute de toute autre manière une œuvre littéraire ou artistique, un numéro de variétés, de cirque ou de marionnettes, selon l’article L212-1 du Code de propriété intellectuelle ;

- le producteur de phonogrammes, soit la personne, physique ou morale, qui a l'initiative et la responsabilité de la première fixation d'une séquence de son, selon l’article L213-1 du Code de propriété intellectuelle ;

- le producteur de vidéogrammes est la personne, physique ou morale, qui a l'initiative et la responsabilité de la première fixation d'une séquence d'images sonorisée ou non, selon l’article L215-1 du Code de propriété intellectuelle ;

- les entreprises de communication audiovisuelle les organismes qui exploitent un service de communication audiovisuelle au sens de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, selon l’article L215-1 du Code de propriété intellectuelle.

Ces derniers ont un droit à une rémunération au titre de la reproduction œuvres.

15 () Loi no 2015-195 du 20 février 2015 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de la propriété littéraire et artistique et du patrimoine culturel

16 () Article 1 : « L’auteur est libre de choisir le mode de rémunération et de diffusion de ses œuvres ou de les mettre gratuitement à la disposition du public ».

17 () Article L342-3 du Code de propriété intellectuelle : « Lorsqu'une base de données est mise à la disposition du public par le titulaire des droits, celui-ci ne peut interdire :

1° L'extraction ou la réutilisation d'une partie non substantielle, appréciée de façon qualitative ou quantitative, du contenu de la base, par la personne qui y a licitement accès ;

2° L'extraction à des fins privées d'une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu d'une base de données non électronique sous réserve du respect des droits d'auteur ou des droits voisins sur les œuvres ou éléments incorporés dans la base ;

18 () Loi no 2015-195 du 20 février 2015 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de la propriété littéraire et artistique et du patrimoine culturel

19 () Article L 211-4 du Code de propriété intellectuelle.

20 () « L’œuvre orpheline est une œuvre protégée et divulguée, dont le titulaire des droits ne peut pas être identifié ou retrouvé, malgré des recherches diligentes, avérées et sérieuses »

21 () Articles L135-1 à 135-7 du Code de propriété intellectuelle

22 () Eurostat, Enquête communautaire sur l’utilisation des TIC par les ménages et les particuliers, 2014.

23 () Rapport de Christian Phéline à Madame la Ministre de la Culture et de la Communication, Musique en ligne et partage de la valeur, Etat des lieux, Voies de négociation et rôles de la Loi, Novembre 2013

24 () Eurostat, Enquête communautaire sur l’utilisation des TIC par les ménages et les particuliers, 2014

25 () Et notamment M. Pascal Nègre

26 () Mme Véronique Cayla, Présidente et Mme Anne Durupty, Directrice Générale

27 () Lettre de mission de Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, à Günther Oettinger, commissaire à l’économie numérique

28 () Communication de la Commission européenne »  Vers un marché unique des droits de propriété intellectuelle : doper la créativité et l'innovation pour permettre à l'Europe de créer de la croissance économique, des emplois de qualité et des produits et services de premier choix » du 24 mai 2011, COM(2011) 287 final

29 () Rapport sur la mise en œuvre de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information

30 () Extrait des orientations politiques pour la prochaine Commission européenne - « Un nouvel élan pour l'Europe : mon programme pour l'emploi, la croissance, l'équité et le changement démocratique » (15 juillet 2014).

31 () Directive « satellite et câble » du 27 septembre 1993, relative à la coordination de certaines règles du droit d’auteur et des droits voisins applicables à la radiodiffusion par satellite et à la retransmission par câble.

32 () La Commission cite, à ce titre, une enquête réalisée en 2013 concernant l’enseignement supérieur, selon laquelle 82 % des établissements ont indiqué qu’ils proposaient des cours en ligne et 40 % ont estimé que la moitié au moins de leurs étudiants pratiquaient l’apprentissage en ligne (European Universities Association, « E-learning in European Higher Education Institutions », novembre 2014).

33 () Communication de la Commission « Vers un cadre moderne et plus européen pour le droit d'auteur » COM(2015) 626 final

34 () Les agrégateurs d’information, tels que Google News ou Yahoo News, permettent de rassembler des informations à destination des internautes à partir des sites proposant des contenus, principalement des sites d’actualité.

35 () Loi votée par le Bundestag le 1er mars 2013.

36 () Loi 21/2014, du 4 novembre 2014.

37 () Charte des bonnes pratiques dans la publicité en ligne pour le respect du droit d’auteur et des droits voisins, signée notamment, pour les acteurs de la communication digitale, par Interactive Advertising Bureau ; pour les régies, le Syndicat des régies internet (SRI),et pour les annonceurs, l’Union des annonceurs.

38 () IFLA Principles for Library eLending, avril 2013.

39 () Rapport d’information déposé par la commission des affaires européennes portant observations sur le projet de loi pour une République numérique

40 () Article 17

41 () Commission européenne, Recommandation relative à l’accès aux informations scientifiques et à leur conservation

42 () Loi no 85-660 du 3 juillet 1985 relative aux droits d'auteur et aux droits des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et des entreprises de communication audiovisuelle.

43 () Article L 311-7 du Code de propriété intellectuelle.

44 () Communication de la Commission « Vers un cadre moderne et plus européen pour le droit d'auteur » COM(2015) 626 final.

45 () Rapport de M. Pierre Sirinelli de la mission sur la révision de la directive 2001/29/CE sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, au CSPLA (Conseil supérieur de la propriété intellectuelle et artistique).

46 () Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur.

47 () Rapport de MM. Laurent Béteille et Richard Yung du 9 février 2011 au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale sur l’évaluation de la loi no 2007-1544 du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon.

48 () Colloque sur le droit d’auteur organisé par le ministère de la Culture et de la Communication à Cannes le 17 mai 2015.

49 () Acronyme visant les entreprises du numérique Google, Amazon, Facebook et Apple.

50 () Directive 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 10 mars 2010 visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels.

51 () Professeur agrégée des Universités, Spécialité Droit civil.

52 () Fabernovel, GAFAnomics : new economy, new rules, Réalisation d’une étude pour analyser et expliquer le succès des GAFA, octobre 2014

53 () Rapport de l’inspection générale des finances et de l’inspection générale des affaires culturelles, L’apport de la culture à l’économie en France, décembre 2013, partie II, p. 29.

54 () Pierre Lescure, Mission « Acte II de l’exception culturelle, Contribution aux politiques culturelles à l’ère numérique »

55 () Proposition de résolution européenne relative au respect de l’exception culturelle, no 875, déposée le 29 mars 2013

56 () Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement

57 () Ernst and Young, »  Creating Growth. Measuring culturel and creative markets in the EU », décembre 2014

58 () René Bonnell, Le financement de la production et de la distribution cinématographiques à l’heure du numérique, décembre 2013.

59 () Charles River Associates, Economic Analysis of the Territoriality of the Making Available Right in the EU, mars 2014.

60 () M. Christophe Tardieu, Directeur général délégué du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) et M. Pierre-Emmanuel Lecerf, Directeur des affaires européennes et internationales du CNC.

61 () Résolution du Parlement européen du 19 janvier 2016 "Vers un acte sur le marché unique numérique" (2015/2147(INI).)

62 () Communication de la Commission sur le contenu dans le marché unique numérique, COM(2012) 789 final.

63 () Directive 2014/26/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 concernant la gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins et l’octroi de licences multiterritoriales de droits sur des œuvres musicales en vue de leur utilisation en ligne dans le marché intérieur.

64 () Notamment Pascal Rogard, SACD.

65 () Rapport de M. Pierre Sirinelli de la mission sur la révision de la directive 2001/29/CE sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, au CSPLA (Conseil supérieur de la propriété intellectuelle et artistique).

66 () Conseil d’Etat, Étude annuelle 2014 - Le numérique et les droits fondamentaux, 9 septembre 2014.

67 () Rapport de MM. Laurent Béteille et Richard Yung du 9 février 2011 au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale sur l’évaluation de la loi no 2007-1544 du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon.

68 () Directive 2004/48/CE du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle.

69 () Paragraphe 97 a III Urheberrechtsgesetz (loi allemande sur le droit d’auteur)

70 () Cass. 1ère civ., 12 juillet 2012, Société Google France c/ société Bac Films, no 11-13.666.