N° 4568 - Rapport d'information de Mme Nathalie Chabanne et M. André Schneider déposé par la commission des affaires européennes sur la nouvelle organisation du marché de l'électricité, dans le cadre du quatrième paquet énergie




N° 4568

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 23 février 2017.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (1)

sur la nouvelle organisation du marché de l’électricité, dans le cadre
du quatrième paquet énergie

ET PRÉSENTÉ

PAR Mme Nathalie CHABANNE et M. André SCHNEIDER,

Députés

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(1) La composition de la commission figure au verso de la présente page.

La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Danielle AUROI, présidente ; M. Christophe CARESCHE, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Pierre LEQUILLER, vice-présidents ; M. Philip CORDERY, Mme Sandrine DOUCET, MM. Arnaud LEROY, André SCHNEIDER, secrétaires ; MM. Ibrahim ABOUBACAR, Kader ARIF, Philippe BIES, Jean-Luc BLEUNVEN, Alain BOCQUET, Jean-Jacques BRIDEY, Mmes Isabelle BRUNEAU, Nathalie CHABANNE, MM. Jacques CRESTA, Mme Seybah DAGOMA, MM. Yves DANIEL, Bernard DEFLESSELLES, William DUMAS, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FROMION, Hervé GAYMARD, Jean-Patrick GILLE, Mme Chantal GUITTET, MM. Razzy HAMMADI, Michel HERBILLON, Laurent KALINOWSKI, Marc LAFFINEUR, Charles de LA VERPILLIÈRE, Christophe LÉONARD, Jean LEONETTI, Mme Audrey LINKENHELD, MM. Lionnel LUCA, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MIGNON, Jacques MYARD, Rémi PAUVROS, Michel PIRON, Joaquim PUEYO, Didier QUENTIN, Arnaud RICHARD, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Jean-Louis ROUMEGAS, Rudy SALLES, Gilles SAVARY.

SOMMAIRE

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Pages

SYNTHÈSE DU RAPPORT 7

SUMMARY OF THE REPORT 9

INTRODUCTION 11

PREMIÈRE PARTIE : VINGT ANS DE LIBÉRALISATION DU MARCHÉ DE L’ÉNERGIE 13

I. LA LENTE MISE EN PLACE D’UNE POLITIQUE EUROPÉENNE DE L’ÉNERGIE 13

A. UNE COMPÉTENCE PARTAGÉE QUI DOIT COMPOSER AVEC L’INDÉPENDANCE ÉNERGÉTIQUE DES ÉTATS MEMBRES 13

B. LA LIBÉRALISATION DU MARCHÉ, PRIORITÉ DES TROIS PREMIERS PAQUETS ÉNERGIE 14

1. Premier paquet : libéraliser la demande pour stimuler la concurrence au niveau de l’offre 14

2. Deuxième paquet : ouvrir le marché à de nouveaux fournisseurs de gaz et d’électricité pour donner à tous les consommateurs une plus grande liberté de choix 15

3. Troisième paquet : poursuivre la libéralisation du marché grâce à la dissociation des activités, aux régulateurs, à la coopération transfrontalière et à la protection des consommateurs 15

II. VERS L’ACHÈVEMENT DU MARCHÉ INTÉRIEUR DE L’ÉNERGIE 16

A. UN ÉTAT DES LIEUX ENCOURAGEANT 16

1. Des infrastructures plus nombreuses mais toujours insuffisantes 16

2. Des règles de fonctionnement qui s’améliorent mais qui doivent encore évoluer 17

B. UN BILAN GLOBALEMENT POSITIF DU TROISIÈME PAQUET ÉNERGIE 19

1. Des progrès tangibles 19

2. Des obstacles persistants 20

3. Des évolutions récentes non prises en compte dans le troisième paquet énergie 20

a. Une importance croissante des énergies renouvelables 20

b. Une intervention croissante des États membres sur le marché 21

c. Un cadre réglementaire inadapté aux nouvelles fonctionnalités techniques 21

SECONDE PARTIE : UN QUATRIÈME PAQUET ÉNERGIE AMBITIEUX QUI VISE À LA MISE EN PLACE DE L’UNION DE L’ÉNERGIE MAIS QUI RISQUE D’ENTRAÎNER UNE TROP GRANDE RIGIDITÉ DANS L’ORGANISATION DU MARCHÉ DE L’ÉLECTRICITÉ 23

I. UN DOUBLE CONTEXTE QUI MULTIPLIE LES OBJECTIFS 23

A. L’UNION DE L’ÉNERGIE, UNE DES DIX PRIORITÉS DE LA COMMISSION JUNCKER 23

B. L’ACCORD DE PARIS, UN ENGAGEMENT FORT DE L’UNION EUROPÉENNE POUR LUTTER CONTRE LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE 24

C. LES TROIS GRANDS OBJECTIFS DU QUATRIÈME PAQUET 24

1. Primauté à l’efficacité énergétique 25

2. Reconquête de la première place mondiale dans le domaine des énergies renouvelables 25

3. Des mesures équitables pour le consommateur 25

II. UN PAQUET AMBITIEUX QUI PROPOSE DES MODIFICATIONS SUBSTANTIELLES POUR L’ENSEMBLE DU SECTEUR DE L’ÉNERGIE 26

A. HUIT PROPOSITIONS LÉGISLATIVES QUI VISENT À ÉTABLIR UN CADRE PROPICE À LA MISE EN œUVRE DE L’UNION DE L’ÉNERGIE 26

1. Un paquet quelque peu indigeste et tardivement traduit 26

2. Dix thématiques, trente-sept documents, huit propositions législatives 26

B. NOUVELLE ORGANISATION DU MARCHÉ DE L’ÉLECTRICITÉ : DES PROPOSITIONS GLOBALEMENT POSITIVES MAIS PARFOIS INTRUSIVES 28

1. Une nouvelle donne pour les consommateurs (proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les règles communes pour le marché intérieur de l’électricité (refonte)) 28

a. Une directive riche en mesures 28

b. Des mesures globalement positives mais dont certaines nécessitent d’être précisées ou ajustées 30

2. Un marché de l’électricité plus flexible et une coopération régionale renforcée (proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur le marché intérieur de l’électricité (refonte)) 34

a. Un règlement qui restructure l’ensemble du marché de l’électricité 34

b. Des mesures majoritairement adaptées à l’évolution du secteur 37

c. Une tendance intrusive qui bouscule parfois les principes de subsidiarité et de proportionnalité 38

3. L’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie (ACER), bientôt transformée en régulateur européen ? (proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil instituant une Agence de l’Union européenne pour la coopération des régulateurs de l’énergie (refonte)) 43

a. L’ACER, une agence créée par le troisième paquet énergie pour développer la coopération entre régulateurs nationaux 43

b. Les missions confiées à l’ACER : coordination, surveillance et conseil 44

c. Un bilan satisfaisant mais encore incomplet 45

d. L’objectif affiché du quatrième paquet énergie : adapter la surveillance réglementaire aux marchés régionaux 46

e. Une modification substantielle des compétences de l’ACER 46

f. Un glissement non-dit et non justifié vers l’instauration d’un régulateur européen 47

g. Un risque d’altération des équilibres au sein de l’ACER avec la fin de la majorité qualifiée 48

4. Une meilleure coordination européenne de la préparation aux risques dans le secteur de l’électricité (proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la préparation aux risques dans le secteur de l’électricité et abrogeant la directive 2005/89/CE) 49

CONCLUSION 51

TRAVAUX DE LA COMMISSION 53

ANNEXES 55

ANNEXE N° 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS 57

ANNEXE N° 2 : CONTENU DU QUATRIÈME PAQUET ÉNERGIE : « UNE ÉNERGIE PROPRE POUR TOUS LES EUROPÉENS » 59

SYNTHÈSE DU RAPPORT

Après avoir retracé la lente mise en place de la politique européenne de l’énergie au cours des vingt dernières années et constaté la nécessité d’adapter le cadre réglementaire, afin de favoriser les évolutions nécessaires du secteur pour lutter contre le changement climatique, vos rapporteurs ont procédé à l’examen des quatre textes (trois règlements et une directive) du quatrième paquet énergie relatifs à l’organisation du marché de l’électricité.

Il en ressort que les mesures proposées par la Commission européenne sont globalement positives. Elles visent à :

– rendre le marché de l’électricité plus flexible ;

– renforcer la coopération régionale ;

–  permettre au consommateur de jouer un rôle plus actif sur le marché ;

–  favoriser l’émergence d’un régulateur européen ;

– et instaurer des méthodes communes d’évaluation et de gestion des risques.

Vos rapporteurs estiment néanmoins que plusieurs propositions particulièrement détaillées dénotent une volonté de centralisation très marquée de la part de la Commission européenne et entraînent un niveau de prescription incompatible avec la nécessité du maintien des compétences des États membres dans ce domaine.

Ils préconisent par conséquent de suivre avec vigilance le cheminement législatif des textes concernés et de veiller à ce que certaines propositions soient modifiées ou aménagées, notamment la suppression des tarifs réglementés de vente, l’instauration de centres opérationnels régionaux et l’élargissement du rôle de l’ACER.

SUMMARY OF THE REPORT

After charting the gradual implementation of the European energy policy over the past twenty years and observing the need to adapt the regulatory framework, to promote the necessary developments in the sector to combat climate change, your rapporteurs have examined the four texts (three regulations and one directive) of the fourth energy package on the organisation of the electricity market.

The conclusion is that the measures proposed by the European Commission are globally positive. They aim to :

– Make the electricity market more flexible ;

– Strengthen regional cooperation ;

– Allow the consumer to play a more active role in the market ;

– Promote the emergence of a European regulator ;

– And introduce joint methods for the assessment and management of risks.

Your rapporteurs consider however that several particularly detailed proposals signal a highly pronounced desire for centralisation on the part of the European Commission and lead to a level of prescription incompatible with the need to maintain the competences of the Member States in this field.

They therefore recommend monitoring closely the legislative process of the texts in question and ensuring that some proposals are modified or adapted, especially the elimination of regulated electricity tariffs, the creation of regional operational centres and the broadening of ACER's role.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le 30 novembre 2016, la Commission européenne a présenté, dans le cadre de son quatrième paquet énergie intitulé « Une énergie propre pour tous les Européens », une série de mesures visant à accélérer à la fois la transition vers une énergie propre et la création de croissance et d’emplois. Cette nouvelle initiative de l’Union de l’énergie, qui s’inscrit dans le prolongement des trois premiers paquets énergie ayant permis la mise en place progressive d’une politique européenne de l’énergie au cours des vingt dernières années, ainsi que de l’accord de Paris de 2015 sur l’atténuation du changement climatique, répond donc à une double préoccupation, environnementale et économique. Les propositions de la Commission européenne sont conçues pour montrer que la transition vers l’énergie propre constitue le secteur de croissance de l’avenir.

Les huit propositions législatives contenues dans le quatrième paquet énergie portent sur l’efficacité énergétique, les énergies renouvelables, l’organisation du marché de l’électricité, la sécurité d’approvisionnement électrique et les règles de gouvernance de l’Union de l’énergie.

Les quatre textes plus spécifiquement examinés dans ce rapport concernent l’organisation du marché de l’électricité et la sécurité d’approvisionnement électrique. Ils témoignent de la volonté de la Commission européenne de finaliser l’intégration de ce marché en proposant la mise en place d’un cadre réglementaire adapté aux évolutions récentes qui ont grandement transformé le secteur : augmentation de la part des énergies renouvelables, développement de modes de production locaux, interconnexion croissante, etc.

Le projet de règlement sur le marché intérieur de l’électricité propose une refonte du règlement (CE) n° 714/2009 du 13 juillet 2009 sur les conditions d’accès au réseau pour les échanges transfrontaliers d’électricité. Grâce à ce règlement, la Commission européenne souhaite instaurer un cadre adapté à la plus grande flexibilité du marché de l’électricité et au renforcement nécessaire de la coopération régionale.

Le projet de directive concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité propose une refonte de la directive 2009/72/CE du 13 juillet 2009. Ce texte vise à placer le consommateur au cœur du marché en lui permettant d’être mieux informé, de pouvoir jouer un rôle plus actif sur le marché et de maîtriser davantage ses dépenses énergétiques.

Le projet de règlement instituant une Agence de l’Union européenne pour la coopération des régulateurs de l’énergie propose une refonte du règlement 713/2009 du 13 juillet 2009. Il prévoit un élargissement des missions confiées à l’ACER ainsi qu’un renforcement des pouvoirs réglementaires du directeur de l’agence, favorisant ainsi l’émergence d’un véritable régulateur européen.

Le projet de règlement sur la préparation aux risques dans le secteur de l’électricité remplace la directive 2005/89/CE qui prévoyait un cadre très large quant aux objectifs à atteindre par les États membres dans le domaine de la sécurité d’approvisionnement, mais présentait un intérêt limité sur le plan opérationnel. Afin de s’adapter à la réalité du marché interconnecté de l’électricité d’aujourd’hui, marqué par une probabilité croissante de situations de crise affectant plusieurs États membres simultanément, ce texte propose la mise en place de méthodes communes d’évaluation des risques, l’amélioration de la transparence entre les États membres lors de la phase de préparation et durant les crises et fixe comme objectif de pouvoir garantir la fourniture d’électricité sur les sites prioritaires pendant les crises.

Ces quatre textes ambitionnent de proposer un cadre réglementaire propice à l’achèvement du marché intérieur de l’électricité et adapté aux évolutions rendues nécessaires pour lutter contre le changement climatique. Si l’on peut porter une appréciation globalement positive à leur égard, on peut également relever le degré de précision extrême qui caractérise certaines mesures et s’interroger sur le bien-fondé de la volonté de centralisation très marquée que ce degré de précision dénote de la part de la Commission européenne.

PREMIÈRE PARTIE : VINGT ANS DE LIBÉRALISATION DU MARCHÉ DE L’ÉNERGIE

L’article 4 du TFUE indique que le secteur de l’énergie relève de la compétence partagée entre l’Union européenne et les États membres. L’Union européenne peut désormais adopter dans ce domaine des actes juridiquement contraignants. Mais elle peut également décider de ne pas exercer cette compétence et laisser le champ libre aux États membres.

L’article 194 précise les objectifs et les modalités de mise en œuvre de la politique européenne de l’énergie.

« 1. Dans le cadre de l’établissement ou du fonctionnement du marché intérieur et en tenant compte de l’exigence de préserver et d’améliorer l’environnement, la politique de l’Union dans le domaine de l’énergie vise, dans un esprit de solidarité entre les États membres :

a) à assurer le fonctionnement du marché de l’énergie ;

b) à assurer la sécurité de l’approvisionnement énergétique dans l’Union ;

c) à promouvoir l’efficacité énergétique et les économies d’énergie ainsi que le développement des énergies nouvelles et renouvelables ; et

d) à promouvoir l’interconnexion des réseaux énergétiques.

2. Sans préjudice de l’application d’autres dispositions des traités, le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, établissent les mesures nécessaires pour atteindre les objectifs visés au paragraphe 1. […] ».

La suite de cet article comporte deux restrictions. Tout d’abord, il est indiqué que la législation européenne ne peut affecter « le droit d’un État membre de déterminer les conditions d’exploitation de ses ressources énergétiques, son choix entre différentes sources d’énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique ». Les États membres ont donc jalousement veillé à préserver leur indépendance énergétique. D’autre part, il est prévu que les mesures « essentiellement de nature fiscale » ne peuvent être adoptées par le Conseil qu’à l’unanimité.

S’il a fallu attendre 2007 pour que soient posées les bases juridiques de la politique européenne de l’énergie, des mesures d’harmonisation et de libéralisation du secteur de l’énergie ont néanmoins été mises en œuvre depuis une vingtaine d’années.

Le premier ensemble législatif comprenait deux directives (la directive 96/92/CE (1) concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et la directive 98/30/CE concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel (2)) dont la logique était de libéraliser la demande, afin de stimuler la concurrence au niveau de l’offre.

La concurrence a été introduite de manière progressive. Certains clients, dits « éligibles », se sont vu accorder le droit de choisir leurs fournisseurs d’électricité ou de gaz tandis que d’autres, dits « captifs », devaient continuer de s’approvisionner auprès de leurs fournisseurs habituels.

La directive sur l’électricité de 1996 prévoyait trois étapes de libéralisation de la demande, sur une période de six années (1997-2003) :

– ouverture de 27 % du marché en février 1997 ;

– ouverture de 30 % du marché en février 2000 ;

– ouverture de 35 % du marché en février 2003.

La directive sur le gaz de 1998 prévoyait trois étapes de libéralisation de la demande, sur une période de huit années (2000-2008) :

– ouverture de 20 % du marché en août 2000 ;

– ouverture de 28 % du marché en août 2003 ;

– ouverture de 33 % du marché en août 2008.

Ces seuils minimaux d’ouverture ont très vite été largement dépassés par la plupart des États membres, encourageant la Commission européenne à proposer rapidement l’ouverture complète du marché de l’énergie.

En 2003, un deuxième ensemble législatif (comprenant les directives 2003/54/CE (3) concernant les règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et 2003/55/CE (4) concernant les règles communes pour le marché intérieur du gaz) autorisait de nouveaux fournisseurs de gaz et d’électricité à pénétrer sur le marché des États membres, et permettait aux consommateurs de choisir leur fournisseur de gaz et d’électricité.

Les deux directives de 2003 prévoyaient le calendrier suivant d’ouverture du marché :

– jusqu’au 1er juillet 2004, ouverture à tous les clients éligibles visés par la directive de 1996 ;

– à partir du 1er juillet 2004, ouverture à tous les clients non résidentiels ;

– à partir du 1er juillet 2007, ouverture à tous les clients.

En avril 2009, un troisième ensemble législatif (comprenant entre autres la directive sur l’électricité 2009/72/CE (5) et la directive sur le gaz 2009/73/CE (6)) destiné à poursuivre la libéralisation du marché intérieur de l’électricité et du gaz a été adopté. Il comprenait cinq points :

– la dissociation entre les fournisseurs d’énergie et les gestionnaires de réseaux.

Une séparation claire entre activités d’approvisionnement et de production, d’une part, et exploitation des réseaux, d’autre part, est exigée afin de promouvoir de façon non discriminatoire les investissements dans les infrastructures, un accès équitable au réseau pour les nouveaux entrants et la transparence du marché.

Désormais il existe trois modèles d’organisation possibles : la dissociation intégrale des structures de propriété (OU - « ownership unbundling »), le gestionnaire de réseau indépendant (ISO - « independent system operator » – chargé de la maintenance des réseaux, les biens demeurant la propriété de l’entreprise intégrée) ou le gestionnaire de réseau de transport indépendant (ITO - « independent transmission operator » – un système de règles détaillées garantissant l’autonomie, l’indépendance et les investissements nécessaires dans l’activité de transport) ;

– le renforcement des compétences et de l’indépendance des régulateurs nationaux ;

– la création de l’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie (ACER) ;

– le développement de la coopération transfrontalière entre les gestionnaires de réseau de transport (GRT) et les réseaux européens des gestionnaires de réseau de transport (REGRT) ;

– la libéralisation du marché de détail et une meilleure protection des consommateurs.

En octobre 2014, la Commission européenne a dressé l’état des lieux de l’intégration du marché intérieur de l’énergie (7). Le bilan est encourageant mais les réseaux sont toujours insuffisamment développés et la réglementation manque encore de transparence, de simplicité et de solidité.

Le programme énergétique européen pour la relance (PEER) de 2010 a permis la réalisation de plusieurs projets de capacité rebours en Europe centrale et orientale, améliorant grandement la sécurité d’approvisionnement du système gazier européen.

Depuis mai 2014, l’objectif d’interconnexion de l’Union européenne s’élève à 15 %, au lieu de 10 % précédemment. Une liste de plusieurs centaines de projets d’intérêt commun (PIC) devant être réalisés en urgence a été établie par la Commission européenne afin de renforcer l’intégration du marché. Les PIC peuvent bénéficier d’autorisations administratives plus rapides et peuvent obtenir un concours financier de l’Union européenne dans le cadre du mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE).

Le maillage des réseaux a été amélioré à de nombreux endroits : câblage électrique entre l’Estonie et la Finlande et entre le Royaume-Uni et l’Irlande, construction de terminaux de gaz naturel liquéfié (GNL) en Pologne et Lituanie, interconnexion électrique entre la Suède et la Lituanie, interconnexion gazière à la frontière en la Hongrie et la Slovaquie.

Malgré ces progrès, de nouvelles infrastructures sont encore nécessaires. Dans le secteur du gaz, il faut mettre fin à l’isolement des États baltes et diversifier les sources d’approvisionnement des États d’Europe centrale et du Sud-Est. Dans le secteur de l’électricité, il faut augmenter les capacités de transports en Allemagne, entre les États baltes, dans la péninsule ibérique, dans les régions de la mer baltique, de l’Irlande et du Royaume-Uni. Au niveau de la distribution de l’électricité, il faut investir dans la gestion intelligente du réseau, notamment grâce à la généralisation de compteurs intelligents.

La plupart des investissements nécessaires pour le développement des réseaux électriques ne pourra pas être financée par des fonds publics. Afin d’encourager les investissements sur fonds privés, il est indispensable de mettre en place un environnement réglementaire stable et prévisible.

La mise en place d’un cadre juridique harmonisé au niveau européen, prévue par le troisième paquet énergie, commence à prendre forme grâce à la coopération déployée à l’échelon européen par les administrations nationales, les autorités de régulation nationales (placées sous l’égide de l’agence de coopération des régulateurs de l’énergie – ACER) et les gestionnaires de réseau (associés au sein des réseaux européens des gestionnaires de réseau de transport – REGRT). Ces efforts de coopération permettent d’élaborer des règles européennes contraignantes, dénommées codes de réseau, destinées à assurer le fonctionnement pratique au jour le jour des marchés de gros du gaz et de l’électricité. Ces codes de réseau permettent de favoriser les échanges transfrontaliers.

Afin de permettre au marché de se développer au maximum, il est nécessaire que tous les acteurs puissent accéder aux infrastructures existantes sur une base non discriminatoire et à un tarif équitable. Pour cela, la priorité a été donnée à l’attribution des capacités et à la gestion de la congestion des réseaux, notamment au niveau des interconnexions. Cela a permis la mise en place de mécanismes de couplage du marché qui gèrent les flux transfrontaliers d’électricité de manière optimale en lissant les différences de prix au niveau régional (par exemple, des États baltes jusqu’à la péninsule ibérique).

Il faut ensuite faciliter les échanges à court terme et développer le marché des services auxiliaires afin de permettre la participation de nouveaux acteurs, notamment les producteurs d’énergie renouvelable. En effet, puisque les systèmes énergétiques doivent devenir plus souples pour intégrer les énergies solaire et éolienne, il est nécessaire de développer des marchés à court terme permettant aux acheteurs et aux vendeurs d’adapter leurs achats et ventes de gaz et d’électricité de manière continue et en temps réel au cours d’une même journée, de manière à pouvoir acheter à bref délai ou vendre des excédents imprévus. Cette évolution va engendrer une modification des interactions entre gestionnaires de réseaux de transport (GRT) et gestionnaires de réseaux de distribution (GRD) dont il faudra tenir compte.

Les marchés d’équilibrage transfrontaliers jouent un rôle essentiel pour le partage efficace des ressources entre les pays de manière à accroître la sécurité d’approvisionnement et à réduire les coûts pour l’ensemble du système. Dans le secteur du gaz, il a été adopté un code de réseau qui harmonise au niveau de l’Union européenne les responsabilités et les droits des différents acteurs et qui régit les échanges sur les marchés d’équilibrage. Dans le secteur de l’électricité, une série de règles minimales est en préparation pour unifier les multiples régimes d’équilibrage nationaux.

Les règles d’exploitation pour les réseaux de gaz et d’électricité sont en cours d’amélioration. Les protocoles d’interaction entre GRT sont en voie de normalisation tant dans des conditions normales d’exploitation qu’en cas de situation tendue ou même de situation d’urgence. Le but est de rendre ces interactions plus simples et plus solides de manière à garantir davantage de sécurité aux consommateurs.

D’autre part, la transparence du marché a été grandement améliorée grâce au renforcement de la surveillance réglementaire visant à garantir l’intégrité des marchés et à éviter les abus de marché (règlement (UE) n° 1227/2011 du 25 octobre 2011 concernant l’intégrité et la transparence du marché de gros de l’énergie) et grâce à la mise en place d’une plateforme centrale sur laquelle sont publiées depuis 2015 les données relatives aux marchés de l’électricité.

Toutefois, la Commission européenne estime que les règles de fonctionnement doivent encore être améliorées, et notamment qu’il est nécessaire d’adopter de nouveaux codes de réseau, règlementant au niveau européen les tarifs d’utilisation des réseaux. Il est en effet impératif que la composition des tarifs soit transparente afin que les utilisateurs des réseaux puissent être certains de payer un prix équitable dans tous les États membres. La question des tarifs d’utilisation des réseaux de gaz est en passe d’être réglée puisqu’un code de réseau sur les structures tarifaires harmonisées pour le transport du gaz est en cours de finalisation.

La Commission européenne pense qu’il est également très important d’améliorer la mise en œuvre des codes de réseau. Le troisième paquet énergie a confié aux REGRT une mission de contrôle d’application des codes de réseau mais, jusqu’à présent, ces derniers l’ont remplie avec réticence.

Enfin, le trafic des données étant amené à croître considérablement avec la généralisation des réseaux intelligents, il va falloir définir les processus précis de gestion des données afin que ces dernières puissent être mieux exploitées et que soient garantis le respect de la vie privée, la sécurité et un accès non discriminatoire.

Il apparaît que ces mesures ont permis de consolider la libéralisation du marché intérieur de l’énergie. La règle de dissociation a fortement contribué à limiter le verrouillage du marché et à stimuler la concurrence. Les marchés sont globalement moins concentrés et plus intégrés qu’en 2009. La suppression de certains obstacles aux échanges transfrontaliers et le développement de la coopération entre les GRT et les régulateurs ont abouti à un accroissement de la fluidité des marchés de l’électricité et à une augmentation significative des échanges transfrontaliers. Les marchés de gros sont devenus plus concurrentiels et les prix de gros ont baissé.

Concernant les marchés de détail, le troisième paquet énergie a permis d’améliorer la situation des consommateurs qui peuvent désormais profiter de la concurrence entre fournisseurs. Les changements de fournisseurs ont augmenté dans de nombreux États membres.

De plus, les consommateurs peuvent maintenant s’adresser à un guichet unique lorsqu’ils ont besoin d’informations ou lorsqu’ils souhaitent régler un contentieux avec un fournisseur.

Sur les marchés de gros, la coopération encore insuffisante entre opérateurs de marchés et régulateurs engendre une sous-utilisation des capacités d’interconnexion qui limite les échanges transfrontaliers.

Sur les marchés de détail, les prix sont très variables d’un État membre à un autre et ces variations ne s’expliquent pas par les règles du marché. Au cours des dernières années, les prix de détail ont continuellement augmenté en raison de la hausse notable de plusieurs composantes : redevances de réseaux, taxes, prélèvements. Ce contexte négatif explique sans doute le manque de motivation des consommateurs pour s’investir activement sur le marché de l’énergie. Il explique aussi le faible déploiement de produits innovants comme les contrats de fourniture d’énergie à tarification dynamique.

De plus, certains États membres pratiquent encore une politique de prix forfaitaire pour le gaz ou l’électricité, ce qui peut potentiellement créer d’importantes distorsions de marché.

L’achèvement du marché intérieur se trouve par ailleurs entravé par l’augmentation de la pauvreté énergétique et l’absence de solution claire pour y remédier.

La persistance de frais de résiliation de contrat constitue un obstacle financier important qui freine la mobilité concurrentielle des consommateurs.

Les consommateurs estiment toujours que leurs factures de gaz ou d’électricité manquent de clarté et d’informations. Il conviendrait d’y remédier afin de leur permettre de mieux cerner leur profil de consommateur et d’agir plus directement sur leur consommation.

La lutte contre les gaz à effet de serre a conduit à encourager le recours aux énergies renouvelables. Les caractéristiques des énergies renouvelables (variables, intermittentes, décentralisées) ont d’importantes répercussions sur le fonctionnement des réseaux et des marchés de l’électricité.

Une grande partie de l’électricité d’origine renouvelable est produite de manière décentralisée et injectée directement dans les réseaux de distribution. Or, l’organisation du marché de l’électricité telle que proposée dans le troisième paquet énergie reposait sur le schéma énergétique classique des dernières décennies, à savoir un modèle centralisé rassemblant de grosses usines à énergie fossile.

Dans la mesure où, du fait des incertitudes météorologiques, la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables ne peut être prévue que peu de temps avant sa production effective, les marchés de contrats à court terme seront amenés à jouer un rôle de plus en plus crucial.

La législation actuelle n’a pas réussi à supprimer les obstacles au marché primaire notamment à l’égard des systèmes indépendants de réponse à la demande.

Elle n’est pas non plus adaptée aux nouvelles possibilités techniques permettant d’exploiter de grandes quantités de données commerciales.

L’injection directe d’énergies renouvelables sur le réseau de distribution pourrait permettre aux GRD de diminuer notablement leurs investissements dans les réseaux, mais la législation actuelle les empêche de profiter pleinement de cette évolution.

SECONDE PARTIE : UN QUATRIÈME PAQUET ÉNERGIE AMBITIEUX QUI VISE À LA MISE EN PLACE DE L’UNION DE L’ÉNERGIE MAIS QUI RISQUE D’ENTRAÎNER UNE TROP GRANDE RIGIDITÉ DANS L’ORGANISATION DU MARCHÉ DE L’ÉLECTRICITÉ

En février 2015, la Commission européenne a présenté un « Cadre stratégique pour une Union de l’énergie résiliente, dotée d’une politique clairvoyante en matière de changement climatique »  (9) qui constitue l’une des dix priorités de la Commission européenne.

Dans sa séance de mars 2015, le Conseil européen a choisi de la faire reposer sur cinq piliers, hérités des politiques qui ont façonné l’Europe de l’énergie depuis une vingtaine d’années : la pleine intégration du marché européen de l’énergie, avec pour corollaire la construction de réseaux gaziers et électriques transfrontaliers ; la décarbonisation de l’économie ; l’efficacité énergétique comme moyen de modérer la demande ; la sécurité énergétique ; et enfin la recherche, l’innovation et la compétitivité.

L’Union de l’énergie est le principal vecteur d’une transition globale et complète vers une économie sobre en carbone dans l’Union européenne et c’est aussi la principale contribution de l’Union européenne à cette transition.

Le 1er février 2017, la Commission européenne a rendu public son deuxième rapport sur l’état d’avancement de l’Union de l’énergie (10) dans lequel elle constatait que l’année 2016 avait permis d’étoffer le cadre stratégique de l’Union de l’énergie grâce à la présentation de deux paquets de mesures – le paquet sur la sécurité gazière et le paquet « Une énergie propre pour tous les Européens » (quatrième paquet énergie). Une grande partie des propositions législatives nécessaires ayant désormais été présentée, la Commission européenne souhaite que l’année 2017 soit consacrée à leur mise en œuvre. À cet effet, M. Maros Sefcovic, vice-président chargé de l’Union de l’énergie, a prévu de se rendre au cours de cette année dans tous les États membres afin de stimuler la mise en œuvre rapide de l’Union de l’énergie tant au niveau national (pour que les plans nationaux sur l’énergie et le climat soient présentés avant la fin 2017) qu’au niveau local (pour aider au financement des projets urbains ou régionaux les plus novateurs).

Après avoir négocié l’accord de Paris lors de la Conférence de Paris sur le climat (COP21) de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques en décembre 2015, l’Union européenne l’a rapidement ratifié. Ce premier accord mondial sur l’atténuation du changement climatique a pu ainsi entrer en vigueur moins d’un an plus tard, le 4 novembre 2016.

Rappelant le rôle déterminant de l’Union européenne dans l’accord de Paris, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, déclarait le 4 octobre 2016 : «  L’accord de Paris est sans précédent et il n’aurait pas été possible sans l’Union européenne. Nous continuons de démontrer notre capacité à initier le changement et de prouver que, par son action concertée, l’Union européenne obtient des résultats ».

La mise en œuvre des engagements ambitieux pris par l’Union européenne en matière de lutte contre le changement climatique dans le cadre de cet accord dépend dans une large mesure de la réussite de la transition vers un système d’énergie propre, puisque les deux tiers des émissions de gaz à effet de serre résultent de la production et de l’utilisation d’énergie.

Le 30 novembre 2016, la Commission européenne a présenté un quatrième paquet énergie, intitulé « Une énergie propre pour tous les Européens ».

Les mesures contenues dans le quatrième paquet visent à accélérer, modifier et consolider la transition de l’économie de l’Union européenne vers une énergie propre et, ce faisant, à créer des emplois et générer de la croissance dans de nouveaux secteurs économiques et de nouveaux modèles d’entreprise.

Les propositions législatives concernent l’efficacité énergétique, les énergies renouvelables, l’organisation du marché de l’électricité, la sécurité de l’approvisionnement et les règles de gouvernance de l’Union de l’énergie. Les mesures de facilitation englobent des initiatives visant à encourager l’innovation en faveur d’une énergie propre, accélérer la rénovation des bâtiments, favoriser les investissements publics et privés, promouvoir les initiatives de l’industrie en faveur de la compétitivité, atténuer l’impact sociétal de la transition vers une énergie propre et aider les pays tiers à atteindre leurs objectifs stratégiques.

Le quatrième paquet poursuit trois grands objectifs : privilégier l’efficacité énergétique, parvenir au premier rang mondial dans le domaine des énergies renouvelables et adopter des mesures équitables pour le consommateur.

Les investissements de l’Union européenne dans les énergies renouvelables sont en baisse. Ils ne représentent plus que 18 % des investissements mondiaux. Néanmoins, l’Europe reste un acteur mondial de premier plan puisque 43 % des éoliennes installées dans le monde sont produites par quelques grands fabricants européens et que plus de 85% de la valeur ajoutée liée à l’installation de panneaux solaires est produite en Europe. Les politiques européennes ambitieuses ont entrainé la baisse des coûts des technologies éoliennes et solaires et l’Union européenne souhaite reconquérir la première place mondiale dans le domaine des énergies renouvelables. L’enjeu est de taille en termes d’emplois puisque plus d’un million de personnes travaillent déjà dans ce secteur et aussi en termes de revenus puisque, entre 2005 et 2013, le chiffre d’affaires du secteur de l’énergie éolienne en Europe a été multiplié par huit et les recettes estimées à 48 milliards d’euros.

Le paquet « Une énergie propre pour tous les Européens » rassemble trente-sept textes de nature différente et d’importance variable. Même si l’on peut comprendre la volonté de la Commission européenne de présenter en une seule fois l’ensemble des mesures permettant la mise en œuvre de l’Union de l’énergie, ce contenu imposant et foisonnant ne facilite pas l’analyse des propositions formulées par la Commission européenne et la cohérence d’ensemble a du mal à émerger.

L’indisponibilité d’une traduction en français complique encore davantage la tâche. Même si l’on ne peut qu’approuver la volonté politique de la Commission Juncker de mettre en place l’Union de l’énergie le plus vite possible, il est regrettable qu’un paquet législatif ayant vocation à être rapidement adopté ne soit disponible en français que deux mois après sa présentation. Nous le savons bien, certaines nuances sont fondamentales et nécessitent d’être traduites de manière très précise si l’on veut éviter de courir le risque de procéder à une analyse faussée. Malheureusement, les contraintes de calendrier (examen rapide du paquet au Parlement européen et élections législatives en France) ne nous ont pas permis d’attendre la publication des traductions françaises. C’est une situation que nous regrettons vivement.

Le périmètre du paquet « Une énergie propre pour tous les Européens » est très vaste (voir annexe II). Il se décline autour de dix axes :

– marché de l’électricité et consommateurs ;

– efficacité énergétique ;

– performance énergétique des bâtiments ;

– écoconception ;

– énergies renouvelables ;

– gouvernance de l’Union de l’énergie ;

– prix et coût de l’énergie ;

– financement du secteur de l’énergie ;

– innovation ;

– transports.

Les trente-sept textes rassemblés dans le paquet sont de nature et d’importance très variables : nouveaux règlements soumis à la procédure de codécision (Parlement européen et Conseil de l’Union), révisions ou refontes de règlements et directives soumis à la même procédure de codécision, règlements élaborés en comitologie, lignes directrices, décisions, études d’impact, rapports d’évaluation, enquêtes sectorielles, recueil de bonnes pratiques, communications et contrôle d’adéquation de la législation européenne.

Parmi ces trente-sept textes figurent huit propositions législatives majeures, soumises à la procédure de codécision (Parlement européen et Conseil de l’Union), qui constituent l’épine dorsale du quatrième paquet et que le vice-président Maros Sefcovic souhaite voir adoptées très rapidement, d’ici le mois d’octobre 2017 (11). Il s’agit des textes suivants :

– règlement du Parlement et du Conseil sur le marché intérieur de l’électricité (refonte) ;

– directive du Parlement européen et du Conseil concernant les règles communes pour le marché intérieur de l’électricité (refonte) ;

– règlement du Parlement et du Conseil instituant une Agence de l’Union européenne pour la coopération des régulateurs de l’énergie (refonte) ;

– règlement sur la gestion des risques dans le secteur de l’électricité (nouveau) ;

– directive sur l’efficacité énergétique (refonte) ;

– directive sur la performance énergétique des bâtiments (refonte) ;

– directive sur les énergies renouvelables (refonte) ;

– règlement sur la gouvernance de l’Union de l’énergie (nouveau).

(12)

– Il fixe des règles visant à l’établissement de factures plus claires.

– Il prévoit l’obligation de mettre au moins un comparateur de prix homologué par État membre à la disposition des consommateurs.

– Il garantit le droit pour le consommateur de choisir et changer librement de fournisseur ou d’agrégateur.

– Il instaure le droit de se voir systématiquement proposer au moins un contrat à prix dynamique.

– Il garantit aux consommateurs de pouvoir, s’ils le souhaitent, participer à la modulation de la demande.

– Il renforce le droit à l’autoproduction et à l’autoconsommation.

– Il permet à chaque consommateur d’exiger un compteur intelligent équipé d’un ensemble de fonctionnalités minimales.

– Il améliore la règlementation existante sur la possibilité qu’ont les consommateurs de partager les données relatives à leur consommation avec les fournisseurs et les prestataires de services, en instaurant un format de données européen commun.

– Il demande aux États membres de traiter la pauvreté énergétique.

– Il impose aux États membres de définir des cadres pour la modulation de la demande et pour les agrégateurs indépendants.

– Il définit un cadre pour les communautés énergétiques locales pouvant s’impliquer dans des services locaux de production, de distribution, d’agrégation, de stockage, d’approvisionnement ou d’amélioration de l’efficacité énergétique.

– Il précise diverses dispositions existantes concernant les compteurs intelligents, les guichets uniques, les droits au règlement extrajudiciaire des litiges, le service universel et les consommateurs vulnérables.

L’article 5 de la directive semble exiger la fin des tarifs réglementés de vente.

La France a déjà procédé l’année dernière à cette suppression pour les clients professionnels. La Commission de régulation de l’énergie (CRE) a dû faire preuve d’une grande vigilance à propos des conditions transitoires qui n’avaient pas été complètement organisées par le législateur. Il restait notamment des problèmes à régler avec les « clients inertes » (clients dont les contrats étaient tombés et qui n’agissaient pas pour souscrire à une offre de marché). La question de savoir si ces clients pouvaient bénéficier d’une offre transitoire avec des tarifs majorés s’est posée. Il a fallu distribuer ce portefeuille de clients passifs par appels d’offres à des fournisseurs et la CRE a été chargée de la mise en œuvre de ces appels d’offres.

Si le quatrième paquet envisage réellement la suppression complète des tarifs réglementés de vente, non plus seulement pour les 400 000 clients professionnels mais pour 33 millions de clients particuliers, il sera important que les problèmes de transition - particulièrement complexes - fassent l’objet d’une réflexion préalable.

De toute façon, même s’il s’avérait que les mesures du quatrième paquet n’exigeaient pas la fin des tarifs réglementés de vente pour les particuliers, le contexte actuel semble assez peu favorable à leur maintien. Il y a actuellement un contentieux sur les tarifs réglementés de vente de gaz. Le conseil d’État qui les conteste, a renvoyé à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) la question de leur conformité au droit européen. La CJUE a rappelé quelques principes généraux, notamment le fait que si ces tarifs existent, ils doivent être proposés sans discrimination par l’ensemble des fournisseurs, ce qui n’est pas le cas dans le régime français. Pour le reste, la CJUE a renvoyé la question au Conseil d’État. Cette question pourrait donc être tranchée par le Conseil d’État dans les prochains mois dans le sens de l’illégalité du régime actuel, entraînant la suppression des tarifs réglementés de vente.

Pour le Secrétariat général des affaires européennes, tout comme pour la Direction générale de l’énergie et du climat (Ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer), la suppression totale des tarifs réglementés de vente n’est pas souhaitable. La France est historiquement attachée à ces tarifs. De plus, comme ils n’existent plus que pour les particuliers, l’État français estime qu’ils ne constituent pas une entrave à la concurrence. Les particuliers peuvent souscrire à d’autres tarifs moins chers. Mais la France est assez isolée sur cette question et il est probable que les autres États membres ne lui apporteront pas leur soutien.

L’article 11 de la directive impose aux fournisseurs l’obligation de proposer au moins un contrat de prix dynamique à leurs clients. Cette mesure repose sur l’idée que les prix des marchés de gros doivent pouvoir être répercutés directement sur le consommateur. On ne peut s’empêcher de relever que l’instauration de cette nouvelle contrainte dans la structure de l’offre est assez contradictoire avec l’idée générale de limiter la réglementation sur les prix. Cette mesure permettra au client de souscrire un contrat qui l’exposera directement à des variations de prix potentiellement très fortes puisque, parallèlement, la Commission européenne propose de supprimer tous les plafonds existants sur les marchés de gros.

Si ces mesures étaient mises en œuvre, il faudrait absolument se poser la question de la protection du consommateur de la même façon que l’on se pose la question de la protection de l’actionnaire individuel sur les marchés financiers.

L’effacement est un renoncement à consommer intervenant aux moments où l’électricité coûte le plus cher.

En France, la participation de l’effacement aux différents mécanismes et marchés de l’électricité a commencé à être mise en œuvre en 2003 sur le segment des plus grands consommateurs. Le dispositif s’est progressivement étoffé et permet aujourd’hui à tous les consommateurs de valoriser leurs effacements sur les marchés de l’énergie et de la capacité, soit directement (gros industriel par exemple) ou via un opérateur d’effacement :

– pour la composante capacité, les effacements peuvent être valorisés sur le mécanisme de capacité ainsi que dans les appels d’offres du gestionnaire du réseau de transport (RTE) ;

– pour la composante énergie, l’énergie non consommée peut être revendue sur les marchés de l’énergie ;

– le bien-fondé du versement de l’opérateur d’effacement au fournisseur repose sur une idée simple : ce qui est revendu doit avoir été acheté.

Le cadre juridique français a organisé la possibilité, pour les opérateurs d’effacement, de participer au marché de l’énergie en contractualisant directement avec les clients, sans passer par leur fournisseur : l’opérateur d’effacement peut donc revendre, pour le compte d’un consommateur, la quantité d’énergie auquel ce dernier renonce. En pratique, l’opérateur d’effacement peut revendre cette quantité d’énergie, car le fournisseur a alors l’obligation d’approvisionner non plus le client qui s’est effacé, mais l’opérateur d’effacement. Il a été décidé que, en contrepartie de cette obligation d’approvisionnement, l’opérateur d’effacement doit effectuer un « versement » réglementé au fournisseur.

Ce versement doit permettre au fournisseur de couvrir son coût d’approvisionnement étant donné qu’il doit honorer les mêmes quantités auprès de l’opérateur d’effacement que si son client avait consommé.

En l’absence de versement, l’opérateur d’effacement pourrait revendre de l’énergie sur la bourse de l’électricité sans l’avoir payée. Certains acteurs ont fait valoir qu’une telle situation permettrait à l’opérateur d’effacement de bénéficier d’un « enrichissement sans cause ».

La Commission de régulation de l’énergie a confirmé le principe du versement de l’opérateur d’effacement au fournisseur des sites effacés. Saisis de différents recours sur le dispositif, le Conseil constitutionnel, le Conseil d’État et l’Autorité de la concurrence se sont prononcés, chacun dans leur champ de compétences, pour confirmer la légalité du mécanisme de versement aux fournisseurs, en le rattachant à la garantie du droit de propriété.

L’article 17 de la directive proposée par la Commission européenne risque de remettre en cause ce cadre juridique.

Constatant que très peu de pays disposaient de cadres de régulation permettant la participation de l’effacement aux différents marchés de l’énergie, la Commission demande aux États membres de mettre en place des dispositifs favorisant la participation des opérateurs d’effacement. Elle introduit dans sa proposition de directive un certain nombre de principes que ces dispositifs devront respecter.

Parmi ces principes, la Commission indique (i) que les opérateurs d’effacement, ou agrégateurs, ne devront pas avoir à payer de compensation aux fournisseurs ou aux producteurs et (ii) que des paiements peuvent exceptionnellement être autorisés s’ils sont limités aux situations dans lesquelles les opérateurs d’effacement occasionnent des coûts de déséquilibre.

Bien qu’une clarification de ces dispositions soit nécessaire, elles semblent à ce stade incompatibles avec le modèle de participation de l’effacement aux marchés de l’énergie mis en œuvre en France.

L’article 36 de la directive prévoit que les distributeurs d’électricité ne seront habilités à posséder, développer et opérer des infrastructures de stockage qu’à la condition qu’aucun autre acteur ne se soit manifesté suite à un appel d’offres transparent et contestable, après évaluation et autorisation de l’autorité nationale de régulation, avec une concession remise en cause tous les cinq ans et si ces infrastructures sont nécessaires aux distributeurs pour remplir leurs obligations.

Ce dispositif dérogatoire engendre donc des limites très strictes au stockage. Il empêche le recours au stockage comme alternative à un investissement sur le réseau.

Il serait préférable de mettre en place un cadre réglementaire plus équilibré permettant à davantage d’acteurs d’investir dans des infrastructures de stockage.

Plus largement, si l’on souhaite faire émerger un champion européen du stockage capable de concurrencer les acteurs asiatiques et américains, il faudra sans doute mettre en place un cadre réglementaire moins restrictif et plus à même de favoriser le développement du stockage en Europe.

(13)

– Il fixe les principes qui devront présider à l’élaboration du processus d’évaluation - coordonné au niveau européen – de l’adéquation des ressources afin de déterminer les besoins relatifs aux mécanismes de capacité.

– Il précise comment et à quelles conditions des mécanismes de capacité peuvent être introduits d’une manière compatible avec le marché.

– Il clarifie les règles régissant la participation des capacités situées dans un autre État membre et l’utilisation de l’interconnexion.

– Il établit comment les centres opérationnels régionaux, les GRT, le REGRT Électricité et les régulateurs nationaux (par l’intermédiaire de l’ACER) seront associés à l’élaboration de paramètres techniques pour la participation de capacités implantées dans d’autres États membres, ainsi que les règles opérationnelles de leur participation.

– Il énonce les tâches et fonctions du REGRT Électricité et les missions de surveillance de l’ACER à cet égard.

– Il définit la mission des centres opérationnels régionaux.

– Il définit les régions d’exploitation du réseau couvertes par chaque centre opérationnel régional.

– Il précise les fonctions de coordination remplies par les centres opérationnels régionaux.

– Il fixe les arrangements pratiques et modalités d’organisation des centres opérationnels régionaux.

– Il fixe les exigences en matière de consultations et les exigences et procédures pour l’adoption des décisions et recommandations et pour leur révision.

– Il précise la composition et les responsabilités du conseil d’administration des centres opérationnels régionaux.

– Il incorpore des règles relatives au raccordement d’unités de cogénération, qui figuraient auparavant dans la directive 2012/21/UE de Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 relative à l’efficacité énergétique.

– Il éclaircit la nature juridique des codes de réseau et des lignes directrices.

– Il précise leurs conditions d’adoption.

– Il étend leur contenu éventuel à des domaines tels que les structures tarifaires de distribution ; les règles régissant la prestation de services auxiliaires non liés à la fréquence ; la modulation de la demande, le stockage de l’énergie et les règles de réduction de la demande ; les règles en matière de cybersécurité ; les règles relatives aux centres opérationnels régionaux ; la réduction de la production et le redéploiement de la production et de la demande.

– Il simplifie et rationalise la procédure d’élaboration des codes de réseau pour l’électricité.

– Il permet aux régulateurs nationaux de statuer, au sein de l’ACER, sur des questions concernant la mise en œuvre des codes de réseau et des lignes directrices.

– Il associe l’entité européenne des GRD et d’autres parties prenantes à la procédure d’élaboration de propositions de codes de réseau pour l’électricité.

En prenant en compte les gestionnaires de réseau de distribution, le règlement accompagne une évolution indéniable.

En effet, pour ne prendre que l’exemple de la France, 95 % des énergies renouvelables sont injectées dans le réseau au niveau de la distribution. La chaine de valeur s’est déplacée vers la distribution qui représente désormais 2/3 des investissements (150 M€ pour les investissements de transport, 450 M€ pour les investissements de distribution).

Les GRD accueillent très favorablement la proposition de la Commission européenne de constituer une entité européenne qui les rassemblerait même si concrètement une telle entité risque d’être assez compliquée à mettre en place étant donné l’hétérogénéité du secteur. Il y a 2 600 distributeurs en Europe mais seulement 218 comptent plus de 100 000 clients.

L’article 16 de la proposition de règlement prévoit d’harmoniser au niveau européen la méthodologie de calcul des tarifs avec une convergence – impulsée par l’ACER – entre les méthodes de calcul pour les tarifs du transport et de la distribution d’électricité.

Les principes énoncés par la Commission européenne sont positifs. Les tarifs devront être fondés sur les coûts, ce qui permettra, d’un côté, une augmentation de la part « puissance » et, d’un autre côté, l’émergence d’un signal tarifaire clair qui devrait être favorable à l’investissement.

Une hausse de la part « puissance » est perçue dans de nombreux États membres comme allant dans le sens d’une meilleure tarification des services rendus par le réseau. Tous les tarifs de distribution européens sont en cours de rééquilibrage. Il en est de même aux États-Unis.

En France, le tarif d’utilisation du réseau qui représente le tiers de la facture du consommateur final, est l’un des moins élevé d’Europe (inférieur de près de 20 % à celui pratiqué en Allemagne) car son mode de calcul n’intègre que faiblement les véritables coûts du réseau. ENEDIS (qui assure la gestion de 95 % du réseau de distribution d’électricité en France) nous a indiqué que ce rééquilibrage du tarif n’entraînerait pas nécessairement une hausse de la facture, précisant que les perdants seraient essentiellement les résidences secondaires et les services généraux des immeubles.

Il faudra veiller à maintenir un niveau de rémunération des distributeurs compatible avec les frais engendrés par les changements rendus nécessaires du fait de la transition énergétique.

En France, la tarification du réseau met en place des mécanismes de solidarité entre les consommateurs. C’est notamment le cas entre les zones urbaines et les zones rurales. Ce tarif identique sur l’ensemble du territoire est un outil important d’aménagement du territoire en faveur des zones rurales. Il faudra veiller à ce que l’harmonisation des tarifs de distribution ne remette pas en cause la péréquation tarifaire française.

Alors que le mécanisme de capacité français est entré en vigueur le 1er janvier 2017 pour une période de dix ans, la Commission européenne propose de conditionner l’approbation des mécanismes de capacité à une évaluation européenne remise en cause tous les ans. On peut craindre qu’une analyse des risques faite au niveau européen ne soit jamais suffisamment précise. Certains pays sont soumis à des risques qui n’existent pas ailleurs (hydraulicité, pointes de froid, etc.). Modéliser tous les risques à l’échelle des vingt-huit pays s’avèrerait sans doute extrêmement compliqué.

Cette remise en cause des mécanismes de capacité témoigne d’une grande différence d’appréciation entre les différentes directions générales de la Commission européenne. La Direction générale de l’énergie veut que les mécanismes de capacité s’appuient sur une base européenne avec une répartition régionale tandis que la direction générale de la concurrence (qui a validé le mécanisme de capacité français) reconnaît que le cadre national peut être justifié. Il serait souhaitable que la Commission européenne tranche entre ces deux orientations afin de mettre fin à une valse-hésitation déstabilisatrice en termes de d’investissement et de sécurité d’approvisionnement.

Les mesures contenues dans le quatrième paquet instaurent des prérequis très exigeants pour les mécanismes de capacité. L’Union française de l’électricité (UFE) (14) estime qu’il s’agit d’une sur-régulation qui remet en cause le principe de subsidiarité. Elle constate que la Commission européenne est moins exigeante pour l’utilisation de réserves stratégiques alors qu’il s’agit d’une pratique qui génère bien plus de distorsions.

L’UFE souligne que la remise en cause des mécanismes de capacité, qui intervient simultanément avec la proposition de suppression des plafonds de prix dans les bourses d’électricité, est révélatrice de la philosophie de la Commission européenne qui estime que la liberté des prix suffit à régler les problèmes d’investissement et à garantir la sécurité d’approvisionnement. La Commission européenne pense en effet depuis longtemps que des prix totalement libres suffiraient à eux-seuls à inciter certains investisseurs à financer des projets très coûteux car ils auraient la certitude de rentabiliser leur investissement lors des pointes. Cela rendrait inutile la mise en place de mécanismes de capacité. Cette analyse semble assez théorique. Existe-t-il vraiment des investisseurs capables de financer des projets aussi risqués ? On peut légitiment s’interroger. Dans tous les pays, y compris aux États-Unis, des mécanismes de capacité ou des réserves stratégiques sont mis en place pour compléter le marché de l’énergie.

Inquiétude face à la création des centres opérationnels régionaux (Regional Operation Centres – ROC)

Acteurs centraux de la construction de l’Europe de l’électricité, les gestionnaires de réseau de transport ont pris l’initiative de créer des centres régionaux de sécurité (« Regional Security Centres » - RSC) qui ont fait la preuve de leur efficacité.

Le premier RSC, CORESO, a été créé en 2008 par RTE et le belge ELIA, rejoints par leurs homologues britannique, italien, portugais, espagnol, ainsi que l’un des quatre GRT allemands. CORESO est une compagnie indépendante basée à Bruxelles, dont les actionnaires sont aujourd’hui les gestionnaires de réseau de transport d’électricité, et dans laquelle des ingénieurs de différentes nationalités travaillent ensemble.

Depuis 2008, à l’initiative des GRT et sur une base volontaire, de nombreuses initiatives ont permis d’élargir le périmètre des missions confiées à CORESO. Elle fournit désormais des services aux gestionnaires de réseau de transport leur permettant, d’une part, d’avoir une vision des flux électriques au-delà de leurs frontières et, d’autre part, de réaliser certaines missions pour lesquelles une approche régionale est pertinente.

Le REGRT Électricité, l’association rassemblant les quarante et un GRT européens, a favorisé la création d’autres structures similaires à CORESO. D’ici 2018, cinq autres RSC couvriront l’espace pan-européen. D’ici 2019, ils assureront les cinq fonctions identifiées comme essentielles à la bonne exploitation du système, qui pourront être étendues par la suite.

La législation européenne, à travers les codes de réseaux en cours d’adoption, consacre cette dynamique.

L’approche volontariste de la coopération régionale, initiée par les GRT, s’étend à un champ désormais très large : calculs de capacité, analyses de sécurité, gestion des indisponibilités d’ouvrages, modèle commun de réseau et études d’adéquation sont les cinq services clés qui seront déployés dans toute l’Europe. Seuls les centres régionaux seront en mesure d’effectuer des calculs d’optimisation des capacités d’interconnexion ou la mise en place de parades résolvant les contraintes transfrontalières.

Le règlement propose d’évoluer vers un autre modèle, celui des ROC. En France, cette évolution suscite des interrogations de la part de la Direction générale de l’énergie et du climat (Ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer) et de fortes réserves de la part de RTE qui s’inquiète des conséquences sur l’indépendance énergétique nationale et sur la bonne gestion du système électrique en coordination avec les autres pays européens.

• La création des ROC ouvrirait la voie au démantèlement des gestionnaires des réseaux de transport nationaux, ce qui pose des questions d’indépendance énergétique.

Un gestionnaire de réseau de transport remplit deux missions principales : la gestion de l’infrastructure physique d’une part, et l’exploitation du système d’autre part. La création des ROC témoigne de la volonté, exprimée expressément par la Commission européenne dans l’étude d’impact, d’imposer une dissociation entre gestionnaires des infrastructures et exploitants du système et de confier à terme la mission d’exploitation du système électrique à un ou plusieurs opérateurs européens en lieu et place des GRT.

La mission d’exploiter le système électrique est hautement stratégique et on peut craindre que de confier cette mission à un opérateur européen indépendant serait synonyme, pour la France, d’une perte de la maîtrise de ses conditions d’approvisionnement en électricité.

Évoluer vers le modèle ISO (« Independent System Operator ») pose par ailleurs la question de la pérennité de l’entreprise publique qu’est RTE, du maintien de plusieurs centaines d’emplois sur le territoire national ainsi que du maintien de la qualité des services rendus.

• De plus, un tel démantèlement ne serait pas pertinent dans un contexte de transition énergétique.

Le réseau électrique doit s’adapter pour intégrer des usages de plus en plus flexibles (énergies renouvelables intermittentes, stockage, etc.), selon un rythme de déploiement de plus en plus rapide.

RTE soutient que c’est l’évolution conjointe de l’infrastructure, grâce à la numérisation du réseau, et des méthodes d’exploitation, qui lui permettra de répondre à ce défi. Par exemple, prendre en compte les données météos dans les régions exposées aux vents forts comme la Picardie, grâce à l’installation de capteurs reliés à de la fibre optique, permettra d’absorber les pics de production éoliens.

Séparer les fonctions d’exploitation et de gestion de l’infrastructure de réseau ne permettrait pas d’innover pour développer le réseau de demain. Il est ainsi reconnu que l’introduction d’ISO aux États-Unis a freiné l’innovation.

• Les nouvelles structures créées seraient placées sous le contrôle de l’ACER et des régulateurs nationaux.

Non seulement l’ACER et les régulateurs nationaux joueraient vis-à-vis des ROC un rôle de régulateur, puisqu’ils pourraient leur imposer des décisions, mais ils seraient également présents à leur conseil d’administration et en approuveraient les statuts et le budget. Les GRT, et par là même leurs tutelles nationales, perdraient ainsi leur pouvoir dans la gestion et la gouvernance des ROC.

• En disposant de la possibilité d’imposer leurs décisions aux GRT, les ROC auraient un impact direct sur l’alimentation électrique des consommateurs français, sans qu’ils ne soient responsables devant une quelconque autorité nationale, ce qui serait à nos yeux tout à fait inacceptable.

Aujourd’hui, les gestionnaires de réseau de transport sont pleinement responsables devant leurs États membres de l’équilibre entre l’offre et la demande en temps réel. Derrière cette responsabilité, il y a des choix en termes de sécurité d’approvisionnement, qualité de l’électricité délivrée et de gestion des contraintes d’alimentation. En situation de crise, c’est également le GRT qui définit les mesures exceptionnelles qui peuvent être mises en œuvre (appel aux comportements économes, activation de l’interruptibilité, baisse de la tension de 5 %, et, en dernier ressort, délestages ciblés), dans un dialogue permanent avec les services de l’État.

En donnant un caractère contraignant aux prescriptions des ROC, les gestionnaires de réseau de transport se trouveraient démunis de toute latitude pour préparer l’exploitation en temps réel, et devraient endosser les conséquences de décisions prises par une autre entité.

Il convient de rappeler que la sécurité énergétique, aux termes du Traité (article 194 TFUE), est une compétence partagée de l’Union européenne et des États membres. Ces derniers sont responsables devant leurs citoyens de la sécurité d’approvisionnement en électricité, et la délèguent au gestionnaire de réseau de transport.

• Un seul opérateur aurait la charge de l’ensemble du réseau de transport de l’Europe continentale, un périmètre beaucoup trop large.

La Commission européenne souhaite que le champ géographique de compétence des ROC soit celui des régions de calcul des capacités d’interconnexion. Or, à terme, l’ensemble de l’Europe continentale devrait être rassemblé dans une seule et même région. Cela signifierait donc qu’un seul ROC serait chargé d’un réseau couvert aujourd’hui par vingt-cinq GRT, du Portugal à la Pologne, de la France à la Bulgarie.

Cette solution présente des difficultés techniques. Chaque pays européen a construit son propre réseau, dont les caractéristiques techniques sont très différentes (matériels, maillage, etc.). L’exploitation de chaque réseau nécessite donc une expertise particulière, ainsi qu’une connaissance des matériaux et des procédures nationales. De plus, le réseau européen est complexe et très maillé, le rendant difficile à piloter d’une façon centralisée. Le maintien d’une exploitation s’appuyant sur des orientations formulées au niveau régional par un RSC et sur une responsabilité de décision à la maille nationale nous semble préférable.

D’autre part, l’expérience montre que la prise en compte des contraintes réseau d’un trop grand nombre de pays à la fois dans les mécanismes de couplage des marchés conduit à réduire les volumes d’électricité échangés. Un tel choix serait donc défavorable au consommateur européen.

À travers le débat sur les ROC, c’est en réalité de l’harmonisation des règles de sécurité d’approvisionnement à l’échelle européenne dont il est question.

La Commission européenne veut imposer des transferts de responsabilité à des entités régionales, au détriment d’acteurs nationaux.

Aujourd’hui, les obstacles à l’harmonisation sont de deux ordres.

Ils résident d’une part dans des choix nationaux différents s’agissant des critères de sécurité d’approvisionnement :

- Quel est le niveau de risque que les autorités des États membres acceptent de faire supporter aux consommateurs nationaux ?

- Quels en sont les coûts associés ? Reposent-ils exclusivement sur les consommateurs nationaux ou bien sont-ils partagés entre les États membres ?

Ils résident d’autre part dans une vision encore nationale des gestions des situations de pénurie. Le cadre juridique et économique des marchés européens de l’énergie couvre le fonctionnement « normal » du marché. Il est également robuste en cas de pénuries localisées : si une seule zone fait face à une pénurie, elle peut importer depuis les zones avoisinantes pour couvrir son déséquilibre. Cependant, il ne prévoit rien dans le cas des situations de pénurie généralisée.

Aujourd’hui, les GRT appliquent des principes qui ont été avalisés par leurs autorités de tutelle. Demain, si les ROC étaient chargés de responsabilités opérationnelles en lieu et place des GRT, les critères de choix qu’ils suivraient devraient avoir été exposés précisément et faire l’objet d’un accord entre les États membres, faute de quoi leurs décisions seraient susceptibles de contestations de la part de ces derniers.

Les codes de réseau européens visent justement à évoluer vers une harmonisation de l’évaluation des critères de sécurité d’exploitation et de coordination des situations de crise. Leur pleine application constituera une étape importante, permettant dans le futur des coopérations renforcées entre GRT et États membres.

Il semble donc qu’une fois les règles posées de façon transparente et concertée entre les États membres, la création des ROC s’avérera inutile. D’autant que les GRT européens sont prêts à accentuer leurs efforts vers l’intégration des systèmes électriques nationaux en étendant progressivement la liste des services rendus par des entités régionales. Le modèle des RSC proposé par le REGRT Électricité permet une évolution dynamique de la coopération entre GRT, à mesure que la valeur ajoutée de nouvelles fonctions est identifiée.

(15)

La Commission européenne a décidé de développer la surveillance réglementaire et la coopération entre les régulateurs nationaux, en proposant dans son troisième paquet énergie, adopté le 13 juillet 2009, la création d’une agence de coopération des régulateurs de l’énergie.

L’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie (Agency for the Cooperation of Energy Regulators - ACER) est un organisme communautaire doté de la personnalité juridique, institué par le règlement (CE) n° 713/2009 (16) et mis en place en 2010. L’ACER est opérationnelle depuis le 3 mars 2011.

L’objectif de l’ACER est d’aider les autorités de régulation nationales à exercer et coordonner leurs tâches réglementaires au niveau communautaire et, si nécessaire, à compléter leurs actions. Elle joue un rôle-clé dans l’intégration des marchés de l’électricité et du gaz naturel.

L’ACER est une agence de coopération qui n’exerce actuellement qu’une seule compétence propre, la collecte des données pour le marché de gros.

Ses autres compétences consistent à :

– élaborer et soumettre à la Commission européenne des orientations-cadres non contraignantes ;

– participer à l’élaboration de codes de réseau européens de l’électricité et du gaz naturel conformes aux orientations-cadres ;

– prendre des décisions individuelles contraignantes sur les modalités et les conditions d’accès et de sécurité opérationnelle des infrastructures transfrontalières lorsque les autorités de régulation nationales ne parviennent pas à trouver un accord ou demandent conjointement l’intervention de l’ACER ;

– prendre une décision sur des dérogations, si l’infrastructure concernée se situe sur le territoire de plus d’un État membre, lorsque les autorités de régulation nationales ne parviennent pas à trouver un accord ou demandent conjointement l’intervention de l’ACER ;

– émettre des avis à l’intention du Réseau européen des gestionnaires de réseaux de transport de gaz (REGRT Gaz) et du Réseau européen des gestionnaires de réseaux de transport pour l’électricité (REGRT Électricité), notamment sur les codes de réseau, et sur le projet de plan de développement du réseau dans l’ensemble de la Communauté ;

– surveiller l’exécution des tâches des REGRT ;

– surveiller la coopération régionale des REGRT ;

– conseiller les institutions européennes sur les questions relatives aux marchés intérieurs de l’électricité et du gaz naturel ;

– surveiller, en coopération avec la Commission européenne, les États membres et les autorités de régulation nationales, les marchés intérieurs de l’électricité et du gaz naturel, notamment les prix de détail de l’électricité et du gaz naturel, l’accès au réseau, y compris l’accès à l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables, et le respect des droits des consommateurs.

Les régulateurs européens ont mis en place, sur la base du volontariat, des coopérations fortes au sein de l’ACER et au sein du Conseil européen des régulateurs de l’énergie (CEER) qui leur ont permis de réaliser des progrès notables en matière d’harmonisation des règles de fonctionnement des marchés et d’optimisation de l’utilisation des infrastructures transfrontalières.

Néanmoins, de nombreuses mesures du troisième paquet concernant l’harmonisation des conditions d’exploitation des infrastructures électriques européennes n’ont pas encore été mises en place.

– Les codes de réseau ont été élaborés et approuvés mais pas encore mis en œuvre.

– Certaines mesures font toujours l’objet de négociations, notamment celles relatives à l’intégration des marchés d’ajustement. Le projet de ligne directrice actuellement en cours de négociation propose un mécanisme reposant sur la généralisation du recours à des produits standard d’équilibrage afin de permettre l’intégration de ces marchés sans imposer une uniformisation complète des différents modèles d’équilibrage existants actuellement dans les États membres.

– La ligne directrice relative à l’exploitation du système électrique, qui doit entrer en vigueur cette année, prévoit des dispositions permettant de formaliser, d’harmoniser et de renforcer les missions exercées par des centres régionaux de coordination qui existent déjà, les coordinateurs régionaux de sécurité (Regional Security Coordinators – RSC). Cette ligne directrice impose d’ores et déjà que les zones géographiques couvertes par ces centres soient cohérentes avec les régions de calcul de capacité, ou, si cela s’avère impossible, que les missions de ces centres soient réparties de manière cohérente de manière à optimiser les capacités d’interconnexion allouées au marché. Il semble donc qu’un cadre adapté à l’exploitation régionalisée du système électrique soit sur le point d’être mis en place. Mais, avant même que ce dispositif ait pu fonctionner, la Commission européenne souhaite instaurer un nouveau cadre en proposant l’établissement par les gestionnaires de réseaux de transport de centres régionaux de coordination opérationnelle (Regional Operation Centres – ROC). Ce brusque changement de cadre nous semble non seulement précipité mais sans doute aussi inutile, comme indiqué précédemment.

Il s’avère donc impossible d’établir un bilan complet de l’action de l’ACER et par conséquent nous nous interrogeons sur l’opportunité de proposer dès maintenant une modification substantielle de ses règles de fonctionnement. Ne serait-il pas plus pertinent de réfléchir à d’éventuelles modifications après - et non avant - la mise en œuvre des règles proposées et sur la base d’un retour d’expérience plutôt que de s’engager dès à présent dans une démarche qui pourrait s’avérer inutile et déstabilisatrice ?

La Commission européenne estime que les nouvelles réalités du marché de l’énergie rendent nécessaire l’adaptation de la surveillance réglementaire. Actuellement, toutes les principales décisions réglementaires sont prises par les régulateurs nationaux, y compris lorsqu’une solution régionale s’avère nécessaire. L’ACER joue donc un rôle limité, celui d’une enceinte de coordination pour des régulateurs nationaux qui peuvent avoir des intérêts divergents. Elle remplit essentiellement des missions de coordination, de conseil et de suivi.

Il n’existe pas de procédures de prise de décision régionale au niveau de la régulation alors que, parallèlement, la coopération au-delà des frontières se développe et que les acteurs du secteur de l’énergie décident de certaines questions concernant l’exploitation du réseau ou le négoce de l’électricité à la majorité qualifiée au niveau régional, voire au niveau de l’Union européenne. La Commission européenne y voit un signe de fragmentation de la surveillance règlementaire et pense que cela entraîne un risque de décisions divergentes et de retards inutiles.

Afin de contribuer à des prises de décision plus efficaces et plus rapides sur les questions transfrontalières, qui requièrent une décision coordonnée au niveau régional, la Commission européenne préconise un renforcement des pouvoirs de l’ACER, renforcement qui, selon elle, ne diminuerait en rien le rôle des régulateurs nationaux dans la mesure où ces derniers continueraient à se prononcer sur les questions transfrontalières par un vote.

La bonne coopération des régulateurs nationaux au sein de l’ACER, qui s’appuie largement sur les compétences et les ressources de ces derniers, est un facteur clef pour que celle-ci puisse mener à bien ses missions. Le régulateur français, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) souhaite voir davantage valorisée cette logique de complémentarité entre les différents régulateurs.

Or, les propositions contenues dans le quatrième paquet énergie prévoient une augmentation substantielle des pouvoirs confiées à l’ACER et aux régulateurs nationaux.

Concernant les régulateurs nationaux, il ne faudrait pas que ces propositions se traduisent par un accroissement injustifié ou disproportionné de leurs missions car les moyens qui leur sont alloués ayant été fixés sur la base des missions listées dans le troisième paquet, ils s’avéreraient alors insuffisants.

Concernant l’ACER, les propositions du quatrième paquet énergie lui attribuent davantage de responsabilités dans l’élaboration et la présentation de la proposition finale des codes de réseau à la Commission européenne.

Elles lui attribuent également de nouvelles tâches concernant :

– la coordination de certaines fonctions liées aux futurs centres opérationnels régionaux (ROC) que la Commission européenne veut instaurer ;

– la surveillance des opérateurs désignés du marché de l’électricité (nominated electricity market operator – NEMO), comme par exemple les plateformes boursières du type EPEX SPOT ;

– l’approbation des méthodes et propositions relatives à l’adéquation de la production et à la préparation aux risques.

Les mutations du secteur de l’électricité ne pourront se concrétiser de manière positive que si ledit secteur bénéficie d’un cadre institutionnel et réglementaire lisible, prévisible et fonctionnel. De plus, il est impératif de veiller à ce que celui-ci reste suffisamment flexible pour s’adapter aux évolutions du marché et tirer parti des retours d’expérience tout en offrant un environnement propice à l’innovation.

Actuellement de nombreuses thématiques sont traitées par les différents acteurs, dont l’ACER, de manière relativement souple afin de pouvoir s’adapter à l’évolution rapide du secteur. Il ne faudrait pas que cette soft law soit déstabilisée par la volonté de la Commission européenne de légiférer de manière trop rigide jusque dans les détails.

Les mesures du quatrième paquet énergie relatives à la gouvernance de l’ACER dénotent une volonté de la part de la Commission européenne de centraliser la prise de décision sans pour autant transférer la responsabilité finale ni instaurer des garde-fous qui permettraient de maintenir un équilibre institutionnel.

– La dé-corrélation entre prise de décision centralisée au niveau européen et responsabilité maintenue au niveau national, proposée par la Commission européenne, pose la question de l’équilibre entre pouvoir et responsabilité. Les gestionnaires de réseaux de transport sont responsables en cas de black-out et ils sont les seuls à connaître les spécificités de leurs réseaux. Il ne faudrait pas que la Commission européenne légifère trop dans le détail et adopte un niveau de prescription trop élevé car cela aboutirait à gripper le système alors que ce dernier fonctionne très bien.

– L’absence de garde-fous permettant de maintenir un équilibre institutionnel risque d’entraîner une transformation déséquilibrée de l’ACER. Cette dernière ne serait plus une agence de coordination mais une agence de régulation, agissant de manière centralisatrice sans disposer des contrepoids indispensables. Cette orientation ne satisfait pas la CRE, ni vos rapporteurs.

En proposant d’étendre les pouvoirs de l’Agence, la Commission européenne répond en partie aux vœux formulés par les régulateurs. C’est le cas, par exemple, lorsqu’elle propose d’habiliter l’ACER à prendre des décisions qui requièrent à ce jour de passer par vingt-huit processus décisionnels nationaux différents. Cette évolution semble souhaitable car elle permettra une prise de décision plus rapide et uniforme au niveau européen.

La Commission européenne estime que le processus de vote actuel au sein du Conseil des Régulateurs a conduit à faire échouer ou à retarder la progression du marché intérieur. Cette analyse n’est pas partagée par la CRE qui pense que l’exemple du code de réseau relatif à l’harmonisation des structures des tarifs d’utilisation des réseaux de gaz sur lequel se fonde la Commission européenne pour critiquer le système de vote de l’ACER montre au contraire que les mécanismes de contrepoids prévus par le troisième paquet énergie fonctionnent correctement.

Le passage à un vote à la majorité simple diminuerait le poids des grands pays, comme la France, au sein du Conseil des Régulateurs et permettrait qu’une décision soit adoptée quand bien même un ensemble de régulateurs représentant plus de 80 % de la population européenne s’y opposerait, ce qui ne peut pas être considéré comme un mode de fonctionnement satisfaisant.

En conclusion, il nous semble donc important d’appeler à la vigilance sur quelques points. Il faudra veiller à ce que :

– les nouveaux pouvoirs alloués à l’ACER ne soient pas trop intrusifs à l’égard du fonctionnement du marché : coordination des ROC ; surveillance des NEMO ; validation des critères de défaillances ;

– les pouvoirs réglementaires de l’ACER ne soient pas centralisés dans les mains du seul directeur, sans contrepoids du Conseil des régulateurs ;

– le système de vote ne soit pas potentiellement défavorable à une forte majorité de la population européenne.

(17)

L’évaluation des cadres juridiques nationaux et des pratiques actuelles en matière de préparation aux risques dans le secteur de l’électricité a abouti aux constats suivants :

– les États membres évaluent des risques différents ;

– les États membres adoptent des séries de mesures de prévention et de gestion des situations de crise qui diffèrent et qui sont déclenchées à des moments différents ;

– les rôles et les responsabilités diffèrent ;

– il n’existe pas de vision commune de ce qui constitue une situation de crise ;

– le partage d’informations et la transparence sont très limités en ce qui concerne la manière dont les États membres se préparent et font face aux situations de crise.

Cette situation découle d’un vide réglementaire. Le cadre juridique actuel (directives 2005/89//CE (18) et 2009/72/CE (19)) se borne à fixer des objectifs généraux en matière de sécurité d’approvisionnement et laisse aux États membres le soin de décider comment les atteindre. Il n’est plus adapté à la réalité du marché interconnecté de l’électricité d’aujourd’hui, marqué par une probabilité croissante de situations de crise affectant plusieurs États membres simultanément.

La proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la préparation aux risques dans le secteur de l’électricité et abrogeant la directive 2005/89/CE détermine ce que les États membres devraient faire afin de prévenir et de gérer les situations de crise et comment ils devraient coopérer à cet effet, notamment en proposant des méthodes communes d’évaluation des risques, en améliorant la comparabilité et la transparence au cours de la phase de préparation et durant les crises et en garantissant que l’électricité continuera à être disponible là où elle est le plus nécessaire pendant les périodes de crise. Elle prévoit également un cadre permettant un suivi plus systématique des questions de sécurité d’approvisionnement par l’intermédiaire du groupe de coordination pour l’électricité.

Le projet de règlement confie à l’ « ECG » (Electricity Coordination Group (20)) les tâches suivantes : définir des évaluations communes de sécurité d’alimentation ; réaliser des scénarios de crises régionaux ; partager entre États membres des plans de préparation des risques. Ces mesures permettront de gérer de façon plus juste et efficace les situations de pénuries régionales et les incidents de grande ampleur.

CONCLUSION

Au terme de cet examen partiel du quatrième paquet énergie, plusieurs remarques s’imposent.

Si l’on ne peut qu’approuver le volontarisme marqué de la Commission européenne à l’égard de l’Union de l’énergie, le calendrier d’examen du quatrième paquet énergie extrêmement contraint qui en découle contribue à donner une impression de précipitation peu propice à la concertation.

Cela est d’autant plus regrettable que ce paquet est particulièrement ambitieux. De plus, des retards de traduction ont considérablement réduit la possibilité pour les parlementaires français d’examiner correctement ce corpus législatif majeur.

Le quatrième paquet énergie est en voie d’examen et plusieurs dimensions doivent en être précisées et ajustées pour respecter au mieux les compétences des États membres, notamment à l’égard du marché de l’électricité, objet de ce rapport.

Il conviendra donc suivre avec vigilance le cheminement législatif des différents textes et de veiller à ce que certaines propositions soient modifiées ou aménagées, notamment la suppression des tarifs réglementés de vente, l’instauration de centres opérationnels régionaux et l’élargissement du rôle de l’ACER.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 22 février 2017, sous la présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé des rapporteurs a été suivi d’un débat.

« M. Jacques Myard. La question de la coordination de la circulation de l’électricité dans l’Union européenne est primordiale car la sécurité d’approvisionnement en dépend, mais elle doit être traitée de manière à permettre le maintien des compétences des États membres dans le domaine de l’énergie. Je dis donc oui à la coordination, oui à la sécurité d’approvisionnement, mais non à une « usine à gaz » pour le secteur de l’électricité !

M. Yves Daniel. La question de la diminution de la consommation d’électricité est aussi primordiale car, comme le rappelle souvent la Commission européenne, « l’énergie la moins chère et la plus sûre est celle que l’on ne consomme pas ». Comment cette nécessité est-elle prise en compte dans le quatrième paquet énergie ?

Mme Nathalie Chabanne, co-rapporteure. Nous partageons tous la conviction que le renforcement nécessaire de la coordination en matière de sécurité énergétique ne doit pas se faire au détriment de la liberté et des compétences des États membres.

La question de l’efficacité énergétique figure en tête des priorités du quatrième paquet énergie, notamment dans le secteur de l’électricité pour lequel des mesures favorisant l’effacement sont proposées.

M. André Schneider, co-rapporteur. Le quatrième paquet énergie vise également à améliorer la situation des consommateurs.

M. Jacques Myard. Il faut effectivement que les consommateurs tirent avantage des mesures contenues dans le quatrième paquet énergie mais il faut aussi veiller à ce que les acteurs du secteur puissent continuer à investir.

La présidente Danielle Auroi. La présidence maltaise a décidé d’accorder une place prioritaire au quatrième paquet énergie, ce dont on peut se réjouir. Je vous propose à présent d’approuver la publication du rapport.

Compte-tenu de ce qui précède, la Commission a approuvé les propositions d’acte ci-dessous :

COM(2016) 862 final – E 11749 : Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la préparation aux risques dans le secteur de l'électricité et abrogeant la directive 2005/89/CE

COM(2016) 863 final – E 11759 : Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil instituant une Agence de l'Union européenne pour la coopération des régulateurs de l'énergie (refonte)

COM(2016) 861 final – E 11885 : Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur le marché intérieur de l'électricité (refonte)

COM(2016) 864 final – E 11886 : Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité (refonte)

Puis la Commission a approuvé à l’unanimité la publication du rapport.

ANNEXES

ANNEXE N° 1 :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS

– M. Thomas PELLERIN-CARLIN, chercheur – Politique européenne de l’énergie

ANNEXE N° 2 :
CONTENU DU QUATRIÈME PAQUET ÉNERGIE : « UNE ÉNERGIE PROPRE POUR TOUS LES EUROPÉENS »

● Communication « Une énergie propre pour tous les Européens »

Marché de l’électricité et consommateurs

● Projet de règlement révisé sur le marché intérieur de l’électricité – Annexe1 – Annexe 2.

● Projet de directive révisée sur les règles communes du marché intérieur de l’électricité – Annexes 1 à 4.

● Projet de règlement révisé sur l’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie (ACER) – Annexe.

● Projet de nouveau règlement sur la gestion des risques dans le secteur de l’électricité – Annexe.

● Étude d’impact sur les règles révisées régissant le marché de l’électricité, la gestion des risques et l’ACER – Annexes.

● Rapports d’évaluation : 1. Cadre règlementaire de l’Union européenne concernant l’organisation du marché de l’électricité et la protection des consommateurs dans les secteurs du gaz et de l’électricité – Règles sur les mesures de sauvegarde de l’approvisionnement et les investissements en matière d’infrastructures. 2. Résumé analytique des rapports d’évaluation.

● Enquête sectorielle sur les mécanismes de capacité – Rapport.

● Enquête sectorielle sur les mécanismes de capacité – Document de travail.

Directive sur l’efficacité énergétique

● Projet de directive révisée sur l’efficacité énergétique – Annexe.

● Rapport d’évaluation sur le cadre de l’Union européenne en matière de comptage et de facturation de la consommation d’énergie – Résumé analytique.

● Rapport d’évaluation sur les articles 6 et 7 de la directive sur l’efficacité énergétique – Résumé analytique.

● Recueil des bonnes pratiques en matière d’efficacité énergétique – 1ère – 2ème – 3ème et 4ème parties.

● Étude d’impact sur la directive révisée sur l’efficacité énergétique - 1ère – 2ème – 3ème parties – Résumé analytique.

Performance énergétique des bâtiments

● Projet de directive révisée sur la performance énergétique des bâtiments – Annexe.

● Rapport d’évaluation sur la directive sur la performance énergétique des bâtiments – Résumé analytique.

● Étude d’impact sur la directive révisée sur la performance énergétique des bâtiments – Résumé analytique.

Écoconception

● Communication sur le plan de travail 2016-2019 relatif à l’écoconception.

● Règlement sur les exigences en matière d’écoconception pour les systèmes de chauffage et de refroidissement – Annexes 1 à 5.

● Étude d’impact sur le règlement sur les exigences en matière d’écoconception pour les systèmes de chauffage et de refroidissement – Résumé analytique.

● Règlement sur les tolérances admises dans les procédures de vérification en matière d’écoconception. – Annexes 1-25.

● Règlement sur les tolérances admises dans les procédures de vérification en matière de labellisation énergétique – Annexes 1-15.

● Lignes directrices relatives aux mesures d’autorégulation en matière d’écoconception dans le secteur de l’industrie – Annexe.

● Décision relative à la standardisation en matière d’écoconception et de labellisation énergétique pour les chaudières à combustible solide. Annexes 1-2.

● Décision relative à la standardisation en matière d’écoconception et de labellisation énergétique pour les radiateurs. Annexe.

Énergies renouvelables et bioénergie durable

● Projet de directive révisée sur les énergies renouvelables – Annexes 1-12.

● Rapport d’évaluation sur la directive sur les énergies renouvelables – Résumé analytique.

● Étude d’impact sur la directive révisée sur les énergies renouvelables : bioénergie durable.

● Résumé analytique de l’étude d’impact – 1ère partie – 2ème partie Bioénergie durable.

Gouvernance

● Projet de règlement sur la gouvernance de l’Union de l’énergie – Annexes 1-11.

● Étude d’impact sur la gouvernance de l’Union de l’énergie – Résumé analytique.

● Contrôle d’adéquation de la législation européenne en matière d’énergie – Résumé analytique.

Prix et coûts de l’énergie

● Rapport sur les prix et coûts en Europe.

● Rapport sur les prix et coûts en Europe – Document de travail.

Financement du secteur de l’énergie

● Rapport sur la mise en œuvre du Programme énergétique européen pour la relance (PEER) et Fonds européen pour l’efficacité énergétique – Annexe.

Innovation

● Communication « Accélérer l’innovation dans les domaines des énergies propres ».

Transports

● Communication « Stratégie européenne pour des systèmes de transport coopératifs intelligents ».

1 () http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:31996L0092:FR:HTML

2 () http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:31998L0030:FR:HTML

3 () http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:32003L0054:FR:HTML

4 () http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:32003L0055:FR:HTML

5 () http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2009:211:0055:0093:fr:PDF

6 () http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2009:211:0094:0136:fr:PDF

7 () http://eur-lex.europa.eu/legal-content/fr/TXT/PDF/?uri=CELEX:52014DC0634&rid=1

8 () https://ec.europa.eu/transparency/regdoc/rep/1/2016/FR/COM-2016-863-F1-FR-MAIN-PART-1.PDF

9 () http://eur-lex.europa.eu/resource.html?uri=cellar:1bd46c90-bdd4-11e4-bbe1-01aa75ed71a1.0003.03/DOC_1&format=PDF

10 () https://ec.europa.eu/commission/2014-2019/sefcovic/announcements/presentation-2nd-state-energy-union-report-european-parliament_en

11 () https://ec.europa.eu/commission/2014-2019/sefcovic/announcements/presentation-2nd-state-energy-union-report-european-parliament_en

12 () http://ec.europa.eu/energy/sites/ener/files/documents/1_en_act_part1_v7_864.pdf

13 () http://ec.europa.eu/energy/sites/ener/files/documents/1_en_act_part1_v9.pdf

14 () L’UFE est l’association professionnelle du secteur de l’électricité. Elle représente les employeurs du secteur au sein de la branche des industries électriques et gazières. Les adhérents de l’UFE sont : Compagnie nationale du Rhône - CNR, Réseau de transport d’électricité – RTE, EDF, Syndicat professionnel des entreprises locales d’énergie – ELE, Syndicat des énergies renouvelables – SER, ENEDIS, ENGIE INEO, France Hydro Électricité, ENGIE, UNIPER, Direct Énergie, Dalkia, Union nationale des entreprises locales d’électricité et de gaz – UNELEG, ENGIE COFELY, IDEX, EDF Énergies nouvelles, Energy Pool.

15 () http://eur-lex.europa.eu/resource.html?uri=cellar:2f0ae213-b7b3-11e6-9e3c-01aa75ed71a1.0023.02/DOC_1&format=PDF

16 () http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2009:211:0001:0014:FR:PDF

17 () http://eur-lex.europa.eu/resource.html?uri=cellar:1d8d2670-b7b2-11e6-9e3c-01aa75ed71a1.0024.02/DOC_1&format=PDF

18 () http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2006:033:0022:0027:FR:PDF

19 () http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2009:211:0055:0093:fr:PDF

20 () L’« Electricity Coordination Group » (ECG) est une instance composée de représentants des États membre, des régulateurs nationaux, de l’ACER et du REGRT Électricité. Elle a pour but de favoriser l’échange sur les sujets de coordination des politiques nationales en matière d’électricité et la sécurité d’approvisionnement du système électrique européen. Elle peut être consultée par la Commission européenne.