N° 2772 - Proposition de résolution européenne de M. Joaquim Pueyo sur la révision de la politique européenne de voisinage



No 2772

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 mai 2015

PROPOSITION DE RÉSOLUTION
EUROPÉENNE

sur la révision de la politique européenne de voisinage

(Renvoyée à la Commission des Affaires étrangères, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement)

PRÉSENTÉE,

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPEENNES,


par M. Joaquim Pueyo et Mme Marie-Louise Fort,

Rapporteurs,

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu les articles 8, 21 et 22 du Traité sur l’Union européenne (TUE),

Vu les articles 208 à 213 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE),

Vu la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen COM(2003) 104 du 11 mars 2003 : « L’Europe élargie – Voisinage : vers un nouveau cadre pour les relations avec nos voisins de l’Est et du Sud »,

Vu la communication conjointe de la Commission européenne et de la haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions COM(2011) 303 du 25 mai 2011 : « Une stratégie nouvelle à l’égard d’un voisinage en mutation »,

Vu le règlement (UE) nº 232/2014 du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2014 instituant un instrument européen de voisinage,

Vu le document de consultation conjoint de la Commission européenne et de la haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité JOIN(2015) 6 du 4 mars 2015 : « Vers une nouvelle politique européenne de voisinage »,

Considérant que la Politique européenne de voisinage souffre d’un certain flou conceptuel, de la tension perpétuelle entre valeurs politiques et intérêts économiques, de la modestie des crédits au regard des enjeux et de lourdeurs bureaucratiques,

Considérant que, après une décennie d’existence, elle ne s’est pas imposée comme antidote à la multiplicité de problèmes institutionnels, politiques, économiques, sociaux, environnementaux, migratoires et sécuritaires dont souffrent les pays de notre voisinage et dont l’Union européenne subit le contrecoup direct,

Considérant qu’elle constitue toutefois un vecteur permanent efficace pour faire avancer, à ses frontières, les valeurs politiques et économiques de l’Union européenne,

Considérant que la crise économique d’une ampleur inédite que celle-ci traverse depuis 2008 réduit ses marges de manœuvre budgétaires et lui donne obligation d’optimiser l’ensemble de ses politiques,

Considérant que les bouleversements politiques récents à nos frontières, dans le Maghreb, dans le Machrek, au Proche-Orient, en Europe orientale et dans le Caucase Sud, à l’origine de l’apparition ou de l’aggravation de plusieurs conflits violents, créent des zones de grande instabilité et sont source d’inquiétude pour l’Union européenne,

1. Estime que l’Union européenne doit s’investir pour penser une Politique européenne de voisinage renouvelée, adaptée au contexte géopolitique et répondant plus efficacement à l’enjeu identifié dès 2003, à savoir la constitution d’une zone de prospérité, de stabilité et de sécurité incluant l’Union européenne et les pays mitoyens ;

2. Prend acte de la consultation publique ouverte par la Commission européenne et la haute représentante, et salue la qualité de leur Livre vert, qui présente un état des lieux clairvoyant de la Politique européenne de voisinage et propose des orientations intéressantes sans fermer la porte à aucune piste de réflexion ;

3. Recommande :

a) que le périmètre géographique actuel de la Politique européenne de voisinage, dont la pertinence est avérée, soit conservé ;

b) que l’Union européenne approfondisse néanmoins, dans des domaines d’intérêt commun, les synergies politiques avec les « voisins des voisins », c’est-à-dire la Russie ainsi que les pays du golfe Persique, du Sahel et d’Asie centrale ;

c) que la distinction entre partenariat et élargissement soit clairement affirmée en toutes circonstances, sans pour autant fermer définitivement à certains pays du voisinage la perspective d’adhésion à l’Union européenne ;

d) que soit maintenue l’unicité de la stratégie de voisinage pour l’ensemble des pays des deux zones, à savoir le flanc méridional et le flanc oriental de l’Union européenne ;

e) que l’Union européenne et ses États membres adoptent une approche pragmatique de la conditionnalité, en misant sur la « spécialisation intelligente » pour mieux faire entendre ses messages relatifs à la question de la démocratie et des droits humains ;

f) qu’une plus grande différenciation politique, pays partenaire par pays partenaire, soit possible, en tenant compte non seulement de leurs performances mais aussi de leurs attentes, afin de tirer le meilleur parti des potentialités de coopération, notamment en enrichissant le contenu du statut avancé ;

g) que l’ensemble des instruments financiers mobilisés dans le cadre de la Politique européenne de voisinage soient relativement flexibles, afin de répondre au mieux aux besoins de chaque pays partenaire, notamment en cas de situation politique, économique ou sociale critique ;

h) que l’économie générale de l’Instrument européen de voisinage, outil de financement bien conçu combinant équilibre entre subventions accordées au titre d’actions bilatérales et régionales, valorisation des progrès réalisés par chaque pays et juste répartition des allocations entre les deux zones géographiques couvertes, ne soit pas pour autant réexaminée ;

i) que l’Union européenne accompagne mieux l’appareil d’État des pays partenaires dans la conduite de leurs réformes de bonne gouvernance, afin d’améliorer le taux d’exécution des crédits engagés ;

j) que la procédure contestée des plans d’action et des rapports annuels de suivi, qui n’a pas fait la preuve de son efficacité, soit revue, voire abandonnée ;

k) que la Commission européenne prenne des dispositions pour promouvoir l’appropriation de la Politique européenne de voisinage par les pays partenaires et leur société civile, y compris dans sa dimension approfondissement de la démocratie et des droits humains ;

l) que la Politique européenne de voisinage soit recentrée sur des priorités plus restreintes, susceptibles d’apporter des bénéfices aux deux parties, notamment sur les questions de l’emploi et du développement économique, des flux migratoires et de la mobilité, et de la gestion durable des ressources énergétiques ;

m) que le volet sécurité de la Politique européenne de voisinage soit renforcé, en s’appuyant sur une refondation de la réflexion stratégique.


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