N° 3152 - Projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention du 21 juillet 1959 entre la République française et la République fédérale d’Allemagne en vue d’éviter les doubles impositions et d’établir des règles d’assistance administrative et juridique réciproque en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, ainsi qu’en matière de contribution des patentes et de contributions foncières, modifiée par les avenants des 9 juin 1969, 28 septembre 1989 et 20 décembre 2001



N° 3152

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 octobre 2015.

PROJET DE LOI

autorisant l’approbation de l’avenant à la convention du 21 juillet 1959 entre la République française et la République fédérale d’Allemagne en vue d’éviter les doubles impositions et d’établir des règles d’assistance administrative et juridique réciproque en matière d’impôts sur le revenu
et sur la
fortune, ainsi qu’en matière de contribution des patentes
et de contributions foncières, modifiée par les avenants des 9 juin 1969,
28 septembre 1989 et 20 décembre 2001.

(Procédure accélérée)

(Renvoyé à la commission des affaires étrangères, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉ

au nom de M. Manuel VALLS,

Premier ministre,

par M. Laurent FABIUS,

ministre des affaires étrangères et du développement international.


EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Un avenant à la convention fiscale entre la France et l’Allemagne en vue d’éviter les doubles impositions et d’établir des règles d’assistance administrative et juridique réciproque en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune ainsi qu’en matière de contributions des patentes et de contributions foncières a été signé à Berlin le 31 mars 2015.

Ce texte permet de pérenniser le régime des travailleurs frontaliers et de résoudre les difficultés liées à l’imposition des pensions transfrontalières en contrepartie du versement de compensations financières par la France.

Il modernise également certains aspects de la convention actuelle conformément aux standards internationaux posés par le modèle de convention fiscale de l’organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), sous réserve des aménagements liés aux spécificités de la législation des deux États.

Les principales stipulations de l’avenant sont les suivantes.

L’article Ier précise le champ ainsi que la définition de certains termes de la convention.

Un nouveau paragraphe conforme au modèle de l’OCDE (1) est inséré à l’article 1er de la convention actuellement en vigueur. Il limite le champ de la convention aux seuls résidents des États contractants.

La notion de « résident d’un État contractant » est modifiée par l’insertion à l’article 2 de la convention actuellement en vigueur d’une stipulation indiquant la reconnaissance expresse de la résidence de chacun des deux États contractants ainsi que de leurs subdivisions politiques et de leurs collectivités territoriales.

Cette stipulation est identique à celle figurant au paragraphe 1 de l’article 4 du modèle OCDE relatif à la résidence.

Enfin, la définition du terme « autorités compétentes » est actualisée.

L’article II vise les modalités d’imposition des gains en capital.

Elles figuraient antérieurement aux articles 3, 4 et 7 de la convention selon la nature des biens aliénés.

L’article II de l’avenant crée désormais un article 7 unique dont la rédaction, très proche de celle de l’article 13 du modèle de l’OCDE, permet de définir les modalités d’imposition des gains en capital de toute nature.

Conformément à sa pratique habituelle, et selon le principe posé par l’OCDE, la rédaction du paragraphe 4 permet à la France d’appliquer sa législation pour l’imposition des plus-values de cessions de titres de sociétés à prépondérance immobilière non seulement lorsqu’elles résultent de l’aliénation d’actions mais aussi plus largement de parts ou autres droits dans tous types d’entités (notamment les sociétés de personnes, les fiducies ou les trusts).

Par ailleurs, le paragraphe 6 de l’article 7 introduit une clause autorisant la France et l’Allemagne à appliquer leur dispositif interne d’exit tax (2). Celle-ci stipule que, lorsqu’une personne résidente d’un État pendant une période minimale de cinq ans transfère sa résidence dans l’autre État et cède des titres d’une société établie dans le premier État, le second est autorisé à imposer éventuellement la fraction de la plus-value réalisée lorsque la personne résidait sur son territoire.

Les modalités de détermination de la plus-value imposable permettent d’éviter les doubles impositions et aboutissent à un partage d’imposition entre les deux États parties.

L’article III modifie l’article 4 de la convention relatif aux bénéfices d’entreprise.

Il ajoute à la rédaction existante une référence aux gains en capital visés aux paragraphes 1 et 4 de l’article 7.

Cet ajout permet de confirmer que les gains tirés, par une entreprise, de l’aliénation de biens immobiliers ou de droits dans des entités à prépondérance immobilière sont imposables dans l’État de situation des biens immobiliers, même en l’absence d’établissement stable de l’entreprise cédante dans celui-ci.

Il s’inspire du paragraphe 4 de l’article 7 du modèle de convention fiscale de l’OCDE.

L’article IV modifie l’article 9 de la convention relatif aux dividendes. Il stipule que l’imposition des distributions prélevées sur des bénéfices exonérés au profit d’investisseurs détenant plus de 10 % des droits par les véhicules d’investissements immobiliers, tels que les sociétés d’investissements immobiliers cotées (SIIC) ou les organismes de placements collectifs immobiliers (OPCI) prévus par la législation française, n’est pas limitée par les autres clauses de la convention afférentes aux dividendes.

Ces distributions peuvent être imposées sans restriction selon la législation nationale de l’État d’établissement du véhicule en question.

Cette stipulation vise à rapprocher l’imposition des distributions susmentionnées de celle des investissements directs dans l’immobilier et permet notamment l’application de la législation fiscale française afférente à ces véhicules (article 208 C du code général des impôts (3).

L’article V modifie l’article 12 de la convention relatif aux revenus des professions indépendantes. Il supprime de son champ d’application les revenus tirés de l’activité d’artiste, de sportif ou de mannequin qui font désormais l’objet d’un article spécifique, l’article 13 b.

L’article VI modifie l’article 13 de la convention relatif aux revenus des professions dépendantes et aux pensions privées. Les modalités d’imposition des sommes versées au titre des assurances sociales légales sont alignées sur celles des pensions privées, donc imposables exclusivement à la résidence.

L’article VII insère, après l’article 13 de la convention, un nouvel article 13 a relatif au paiement d’une compensation financière dans le cadre du régime des travailleurs frontaliers.

L’article 13 a prévoit ainsi le versement par l’État de résidence à celui d’activité d’une compensation financière égale à 1,5 % du montant des rémunérations brutes perçues par les travailleurs frontaliers.

Une révision quinquennale de ce taux est en outre prévue afin que la compensation financière n’excède pas 44 % de l’impôt sur le revenu recouvré au titre des rémunérations brutes annuelles perçues par les travailleurs frontaliers.

L’article VIII insère, après le nouvel article 13 a de la convention, un nouvel article 13 b relatif aux revenus des artistes, sportifs et mannequins. Il prévoit que les revenus versés à des personnes exerçant des activités artistiques, sportives ou de mannequinat, directement ou par l’intermédiaire d’un tiers, sont imposables dans l’État d’exercice de l’activité.

Il stipule toutefois qu’un État qui finance de manière prépondérante les activités d’artistes ou de sportifs conserve le droit d’imposer les revenus correspondants.

L’article IX insère un nouvel article 13 c relatif à la compensation financière à verser dans le cadre de la mise en œuvre du nouveau régime d’imposition des pensions versées au titre des assurances sociales légales.

Ainsi, cet article prévoit que l’État de résidence, en contrepartie du droit exclusif d’imposer ces revenus, devra verser à l’État de la source une compensation financière correspondant à l’impôt que ce dernier aurait prélevé en vertu de sa législation fiscale.

L’article X modifie l’article 14 de la convention relatif aux rémunérations et pensions publiques. Conformément au modèle de l’OCDE, il prévoit le principe de l’imposition exclusive des rémunérations et pensions publiques dans l’État de la source. L’imposition reste toutefois réservée à l’État de la résidence lorsque le bénéficiaire des rémunérations ou pensions possède sa nationalité sans avoir en même temps celle de l’État qui verse ces sommes.

L’article précise également en son paragraphe 3 que les services rendus par les hôpitaux, les jardins d’enfants, les écoles et les universités publics ne peuvent être regardés, dans le cadre de l’article 14, comme exercés à des fins lucratives. Les salaires et pensions versés à ce titre sont donc, s’ils remplissent les autres conditions, exclusivement imposables à la source.

L’article XI modifie l’article 15 de la convention relatif aux redevances. Il s’agit d’un amendement de coordination, supprimant la clause afférente aux gains en capital figurant actuellement à l’article 15, ceux-ci étant traités dans le nouvel article 7 de la convention.

L’article XII modifie l’article 20 de la convention relatif aux modalités d’élimination des doubles impositions, notamment afin de tenir compte des évolutions apportées par les précédents articles de l’avenant.

S’agissant des modalités d’élimination des doubles impositions prévues pour la France, le paragraphe 4 de l’article XII modifie l’alinéa a du paragraphe 2 de l’article 20 de la convention. Il prévoit que les revenus de source allemande à prendre en compte pour l’imposition des résidents de France ne sont pas seulement positifs.

Le paragraphe 5 de l’article XII modifie l’alinéa a du paragraphe 2 de l’article 20 afin d’éviter certaines situations de non-imposition contraires à l’objectif de la convention et de supprimer toute référence à l’avoir fiscal devenu obsolète.

Enfin, le paragraphe 6 de l’article XII modernise le b du 2 de l’article 20 de manière cohérente avec l’abrogation du régime du bénéfice mondial consolidé mais sans exclure la possibilité pour la France de prendre des mesures relatives à la territorialité de l’impôt sur les sociétés.

L’article XIII modifie l’article 21 de la convention relatif à la non-discrimination. Une clause permettant de traiter différemment les personnes morales en fonction de la résidence est introduite ainsi que des stipulations prévoyant la déduction des cotisations de retraite à un régime de l’autre État. Cette possibilité figure déjà dans la législation interne française.

L’article XIV substitue à l’article 23 de la convention relatif à l’assistance en matière de recouvrement le texte de la dernière version de l’article 27 du modèle de l’OCDE.

L’article XV modifie l’article 24 de la convention relatif aux membres des représentations diplomatiques et consulaires. Il s’agit d’un amendement de coordination destiné à tenir compte des évolutions apportées aux articles 3 et 7 de la convention par le présent avenant et à l’article 19 par un précédent avenant.

L’article XVI introduit un nouvel article 25 se substituant aux articles 25 et 25 a de la convention relatifs aux procédures amiables et à l’arbitrage. Ce nouvel article introduit une clause d’arbitrage obligatoire, conforme à l’article 25 du modèle de convention de l’OCDE qui permet aux contribuables d’avoir recours à cette procédure afin d’éliminer les doubles impositions que les autorités compétentes n’auraient pas pu éliminer par voie amiable dans un délai de trois ans.

Afin de préserver la voie amiable avant d’engager la procédure d’arbitrage, les Parties ont souhaité proroger de deux à trois ans le délai prévu au modèle de l’OCDE au-delà duquel cette dernière peut être demandée sur la base de la convention. Cette clause devrait permettre de garantir aux contribuables l’élimination effective de toutes les doubles impositions.

L’article XVII modifie le protocole à la convention et crée un nouveau paragraphe I qui comporte plusieurs précisions ou ajouts.

Le point 1 du I stipule que le bénéfice des avantages conventionnels au titre des revenus passifs (dividendes, intérêts et redevances) est accordé aux fonds de pension ainsi qu’aux autres organismes établis exclusivement aux fins de l’administration des prestations de retraites dont plus de 50 % des bénéficiaires, membres ou participants sont à la fin de l’exercice fiscal précédent des résidents de l’un des États contractants.

Le point 2 définit le terme « mannequin » figurant au nouvel article 13 b afférent aux artistes et sportifs.

Le point 3 fixe les modalités de détermination de la compensation financière versée entre la France et l’Allemagne, en contrepartie de leur renonciation réciproque à imposer à la source les pensions versées au titre des assurances sociales légales.

Le premier versement sera effectué par la France sur la base d’un solde de 16 millions d’euros au titre de l’année 2013, actualisé à raison d’une augmentation de 9,4 % par an pour atteindre la somme de 30 millions d’euros en 2020.

Ensuite, l’évolution du montant de la compensation fera l’objet de négociations entre les administrations par période de cinq ans en prenant en compte une liste non limitative de critères permettant de déterminer la perte fiscale pour chacun des États concernés. À défaut d’un accord, elle sera indexée au niveau de l’inflation.

L’article XVIII précise les modalités et la date d’entrée en vigueur de l’avenant et les dates de prise d’effet des stipulations conventionnelles pour les différents impôts.

Telles sont les principales observations qu’appelle l’avenant à la convention du 21 juillet 1959 entre la République française et la République fédérale d’Allemagne en vue d’éviter les doubles impositions et d’établir des règles d’assistance administrative et juridique réciproque en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, ainsi qu’en matière de contribution des patentes et de contributions foncières, modifiée par les avenants des 9 juin 1969, 28 septembre 1989 et 20 décembre 2001, signé à Berlin le 31 mars 2015. Comportant des dispositions de nature législative, cet avenant est soumis au Parlement en vertu de l’article 53 de la Constitution.


PROJET DE LOI

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre des affaires étrangères et du développement international,

Vu l’article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention du 21 juillet 1959 entre la République française et la République fédérale d’Allemagne en vue d’éviter les doubles impositions et d’établir des règles d’assistance administrative et juridique réciproque en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, ainsi qu’en matière de contribution des patentes et de contributions foncières, modifiée par les avenants des 9 juin 1969, 28 septembre 1989 et 20 décembre 2001, délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d’État, sera présenté à l’Assemblée nationale par le ministre des affaires étrangères et du développement international, qui sera chargé d’en exposer les motifs et d’en soutenir la discussion.

Article unique

Est autorisée l’approbation de l’avenant à la convention du 21 juillet 1959 entre la République française et la République fédérale d’Allemagne en vue d’éviter les doubles impositions et d’établir des règles d’assistance administrative et juridique réciproque en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, ainsi qu’en matière de contribution des patentes et de contributions foncières, modifiée par les avenants des 9 juin 1969, 28 septembre 1989 et 20 décembre 2001, signé à Berlin le 31 mars 2015, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Fait à Paris, le 21 octobre 2015.

Signé : Manuel VALLS

Par le Premier ministre :
Le ministre des affaires étrangères
et du développement international

Signé :
Laurent FABIUS

1 () http://www.oecd.org/fr/ctp/echange-de-renseignements-fiscaux/Convention_modifi%C3%A9e.pdf.

2 () En France, ce dispositif, issu de l'article 48 de la première loi de finances rectificative pour 2011 (n° 2011-900 du 29 juillet 2011), est prévu à l'article 167 bis du code général des impôts / http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000025075583&cidTexte=LEGITEXT000006069577

Il dispose que le transfert de domicile fiscal hors de France entraîne l'imposition immédiate à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux des plus-values latentes sur droits sociaux, valeurs, titres ou droits.

3 () http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006069577&idArticle=LEGIARTI000006303417&dateTexte=&categorieLien=cid


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