N° 273 - Proposition de loi de M. Jean-Jacques Candelier tendant à la reconnaissance du génocide tzigane pendant la Seconde Guerre mondiale



N° 273

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 octobre 2012.

PROPOSITION DE LOI

tendant à la reconnaissance du génocide tzigane
pendant la Seconde Guerre mondiale,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Jean-Jacques CANDELIER, François ASENSI, Alain BOCQUET, Marie-George BUFFET, Patrice CARVALHO, Gaby CHARROUX, André CHASSAIGNE, Marc DOLEZ, Jacqueline FRAYSSE et Nicolas SANSU,

député-e-s.


EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi reprend fidèlement la proposition de loi n° 3714 déposée par M. Frédéric Dutoit, cosignée par les député-e-s communistes et républicains, enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 février 2007.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, les populations du voyage ont vécu l’enfer. D’octobre 1939 avec les premières déportations de Tziganes d’Autriche puis la création d’un camp d’internement de Tziganes à Leopoldkrom près de Salzbourg, au 27 février 1945 avec l’évacuation de mille femmes tziganes du camp de Ravensbrück, entre cinq cent mille et sept cent cinquante mille Tziganes sont morts, assassinés, le plus souvent gazés, par l’Allemagne hitlérienne. Trente mille Tziganes français ont été internés dans des camps en France.

Des dates dramatiques jalonnent les douleurs de cette communauté d’un million sept cent mille âmes en Europe. Des dates horribles, oubliées voire volontairement effacées de l’histoire, y compris en France.

Le 4 octobre 1940, le régime de Vichy autorise l’internement des « étrangers de race juive » et accède à la demande des autorités allemandes d’interner les Tziganes. En mars 1941, des expériences de méthodes de stérilisation de masse sont lancées sur « des femmes tziganes indignes de reproduire » dans les camps de Ravensbrück et d’Auschwitz. Après le massacre de communistes, de Juifs, de partisans et de Tziganes le 22 juin 1941, des Juifs et des Tziganes sont exécutés dans des camions à gaz à Kulmhof. Le 16 décembre 1942, un décret signé Himmler ordonne la déportation des Tziganes vers le camp d’Auschwitz, où, en mars 1943, mille sept cents Tziganes déportés de Bialystok sont gazés à leur arrivée, où le 25 mai mille Tziganes tchèques subiront le même funeste sort. En 1944, l’Allemagne nazie réalise des expériences d’inoculation de la tuberculose à Neuengamme, principalement sur des Tziganes ; dans la nuit du 31 juillet au 1er août, « la nuit des Gitans », quatre mille Tziganes sont gazés et brûlés dans le camp d’Auschwitz.

À l’automne 1945 s’est ouvert le procès de Nuremberg. Jusqu’à son verdict, le 1er octobre 1946, aucun Tzigane ne sera appelé à témoigner…

Il revient à la représentation nationale française de reconnaître, même soixante-huit ans après les premières exactions nazies, le génocide des Tziganes (« samudaripen ») ; ces Gitans, ces Manouches et ces Roms assassinés pour leur singularité : être des gens du voyage, des êtres aux modes de vie différents des autres. C’est le sens de l’article premier de la présente proposition de loi.

Ce peuple des gens du voyage a subi les pires atrocités que l’homme a pu inventer. Nous pensons ici aux stérilisations en masse des femmes tziganes, aux cinq cent mille enfants que le Reich a ainsi tués dans l’œuf avant d’être conçus. Nous pensons à la lettre Z tatouée sur les Tziganes des camps d’Auschwitz, au triangle noir des « a-sociaux » cousu sur leurs vêtements.

La France doit ouvrir les yeux sur ce génocide. Sans oublier ses propres responsabilités historiques, notamment les ordres du maréchal Pétain relatifs à l’internement des Tziganes dans des camps de concentration.

Elle doit, au titre de son propre devoir de mémoire, au titre de la reconnaissance par la Nation d’un deuxième génocide, après la Shoah, perpétré pendant la Seconde Guerre mondiale, commémorer cette triste page de l’histoire en hommage aux victimes tziganes des abominations nazies. C’est l’objet de l’article 2 de la présente proposition de loi.

Nous rappelons que le Parlement européen a, en juillet 1990, reconnu les peuples tziganes comme une ethnie européenne. Que l’Allemagne a, le 5 avril 1995, élevé une stèle à la mémoire de ces populations du voyage victimes de la barbarie hitlérienne. Que la Hongrie commémore chaque année, depuis 2001, le souvenir des Tziganes victimes de l’holocauste auxquels elle consacre un cours d’histoire dispensé à tous les adolescents.


PROPOSITION DE LOI

Article 1er

La France reconnaît publiquement le génocide tzigane perpétré par l’Allemagne nazie pendant la Seconde Guerre mondiale.

Article 2

La France commémore chaque année, le 5 avril, la mémoire des victimes du génocide tzigane de la Seconde Guerre mondiale.


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