N° 316 - Proposition de loi de Mme Valérie Boyer visant à instaurer un label PNNS pour les produits alimentaires permettant d'informer les consommateurs et d'encadrer la publicité sur les écrans enfants



N° 316

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 octobre 2012.

PROPOSITION DE LOI

visant à instaurer un label PNNS pour les produits alimentaires
permettant d’informer les consommateurs et d’encadrer
la publicité sur les écrans enfants,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Valérie BOYER, Jean-Claude BOUCHET, Jérôme CHARTIER, Jean-Pierre DECOOL, Jean-Claude GUIBAL, Isabelle LE CALLENNEC, Marc LE FUR, Véronique LOUWAGIE, Lionnel LUCA, Patrice MARTIN-LALANDE, Jean-Luc MOUDENC, Bernard PERRUT, Josette PONS, Fernand SIRÉ, Guy TEISSIER, Jean-Pierre VIGIER et Michel ZUMKELLER,

députés.


EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La France n’est plus épargnée par la pathologie de l’obésité qui constitue une menace pour notre système de protection sociale et une souffrance pour les personnes qui en sont victimes. L’obésité constitue aujourd’hui un des principaux défis de santé publique mondial. En France, un adulte sur deux est en surpoids et un sur six est obèse. La prévalence de la surcharge pondérale atteint 49,3 % des adultes (16,9 % pour l’obésité et 32,4 % pour le surpoids). Quant à l’obésité infantile, elle touche près d’un enfant sur cinq. Les raisons principales de l’obésité proviennent de l’accroissement d’un déséquilibre énergétique qui s’est installé dans les sociétés développées ou en voie de développement à cause du recul spectaculaire de l’activité physique et de la modification radicale des habitudes alimentaires avec une absorption accrue d’aliments et de boissons à haute densité énergétique et pauvres en nutriments associées à une consommation insuffisante de fruits et légumes.

Création du label PNNS

La perte des repères nutritionnels complique le choix du consommateur. Parmi les nombreux rayons des supermarchés, il n’est pas toujours aisé d’identifier les produits alimentaires adaptés aux besoins d’une alimentation équilibrée. Ceci est d’autant plus vrai pour les foyers défavorisés qui sont aussi les plus touchés par l’obésité. Afin de remédier au déficit d’information nutritionnelle, la présente proposition de loi vise à créer un logo « label PNNS » qui permettra aux consommateurs d’identifier facilement les produits alimentaires et boissons présentant une qualité nutritionnelle remarquable. Ce label doit aider le consommateur à faire des choix alimentaires équilibrés en lui indiquant par un logo immédiatement et visuellement identifiable les produits strictement nécessaires à un régime alimentaire équilibré. Sur le modèle de la clef verte suédoise, ce label sera attribué par arrêté du ministre chargé de la santé après avis de l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail aux produits alimentaires et boissons présentant les caractéristiques nutritionnelles adaptées aux besoins d’une alimentation équilibrée.

Le label PNNS, un outil permettant d’encadrer les messages publicitaires diffusés sur les écrans enfants

Le label PNNS peut également être un outil d’encadrement de la publicité sur les écrans enfants. Les enfants, prescripteurs des achats des parents, n’ont pas le discernement suffisant pour faire des choix alimentaires équilibrés. Or, actuellement la grande majorité des publicités alimentaires diffusées durant les écrans enfants encouragent la consommation d’aliments et de boissons à haute densité énergétique. Bien sûr, le lien entre publicité et obésité n’est pas directement établi, mais personne n’a prouvé le contraire. Les professionnels de santé et les scientifiques sont unanimes quant à l’impact de la publicité alimentaire surtout lorsqu’il s’agit d’enfants particulièrement perméables aux messages publicitaires et trop jeunes pour pouvoir lire les bandeaux « mangez, bougez ».

C’est la raison pour laquelle 23 associations et 17 sociétés savantes se prononcent pour le retrait de la publicité pour les produits trop gras, trop sucrés, trop salés des écrans enfants.

La France a souhaité privilégier une démarche partenariale en demandant aux chaînes de télévision et à l’industrie agroalimentaire de retirer volontairement leur publicité des programmes enfants. Malgré les efforts de la profession, trois gros annonceurs refusent de jouer le jeu et mettent en péril l’engagement volontaire des autres. L’autorégulation montre une nouvelle fois ses limites. Pour autant, le choix d’une interdiction pure et simple de toute publicité portant sur des produits alimentaires ou des boissons sur les écrans enfants n’est pas souhaitable. On déconseille bien la violence ou le sexe sur les écrans enfants, pourquoi ne pas encadrer la publicité pour les produits alimentaires dont on sait qu’il faut les consommer avec modération ?

Même s’il n’y a pas de bons ou de mauvais produits, il y a des produits meilleurs que d’autres. On pourrait parfaitement accepter leur promotion auprès des enfants sans diaboliser les autres. Ce ne sont pas les produits trop gras, trop sucrés, trop salés qui sont dangereux, c’est leur promotion télévisuelle auprès des enfants qui l’est.

Une telle démarche d’encadrement aurait l’avantage de protéger nos enfants de la promotion abusive de certains produits sans pénaliser le financement des chaînes de télévision.

C’est pourquoi la présente proposition de loi vise à mettre en place des mesures d’autorisation de la publicité sur les écrans enfants strictement limitées aux produits alimentaires et boissons qui ont obtenu le label PNNS.

Le label PNNS et le financement de l’éducation nutritionnelle

Depuis sa création en 2007, la taxe sur les messages publicitaires concernant les aliments manufacturés et les boissons sucrées qui est affectée à l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) pour financer ses actions de prévention a un rendement faible : 100 000 euros en 2007 et 30 000 euros pour les quatre premiers mois de 2008, selon les informations communiquées par le ministère de l’économie. C’est certainement parce que les annonceurs ont la possibilité de s’exonérer de cette taxe à condition de placer un bandeau d’information sanitaire sur leurs messages publicitaires (bandeau « manger, bouger »). En effet, l’industrie agroalimentaire fait figurer le bandeau nutritionnel sur toutes ses publicités. Il en résulte une disproportion considérable des moyens. Ainsi l’INPES consacre 5 millions d’euros par an pour financer ses campagnes de communication pendant que le secteur de production et de distribution alimentaire mobilise 2 milliards d’euros par an pour financer ses budgets publicitaires, soit 400 fois plus que l’INPES. Le rapport « Nouvelles approches de la prévention en santé publique : l’apport des sciences comportementales, cognitives et des neurosciences » remis le 16 mars 2010 à Nathalie Kosciusko-Morizet, Secrétaire d’État chargée de la Prospective et du Développement de l’économie numérique par le Centre d’analyse stratégique montre que le bandeau d’information sanitaire a un impact limité sur le consommateur. D’abord parce qu’étant présent dans tous les messages publicitaires, il devient paradoxalement invisible aux yeux du public. Ensuite parce que les marques minimisent sa visibilité ; le bandeau apparaît en même temps que la marque du produit et que le jingle… L’industrie agroalimentaire s’exonère donc de la taxe permettant de financer la prévention en diffusant un bandeau dont l’impact est limité.

Face à une telle incongruité, la présente proposition de loi vise à rendre obligatoire le paiement de la taxe affectée à la prévention pour l’ensemble des annonceurs et promoteurs de produits alimentaires ou boissons, à l’exception des produits ayant obtenu le label PNNS. Le label PNNS devient ainsi un indicateur efficace permettant de renforcer à la fois l’information sanitaire dans les messages publicitaires et le financement des actions d’information et d’éducation nutritionnelle. Enfin, nous proposons, dans un même souci d’information du consommateur, que les messages publicitaires portant sur les produits alimentaires et les boissons indiquent obligatoirement le contenu calorique du produit.

Tel est l’objet de la proposition de loi que je vous demande d’adopter.


PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Après l’article L. 112-9 du code de la consommation, il est inséré un article L. 112-9-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 112-9-1. – Un signe d’identification visuelle officiel, dénommé logo “label PNNS”, doit être apposé sur les produits alimentaires et boissons sucrées dont le ministre chargé de la santé fixe la liste par arrêté, après avis de l’agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, compte tenu de leurs caractéristiques nutritionnelles adaptées aux besoins d’une alimentation équilibrée. »

« Un décret en Conseil d’État fixe le modèle du logo officiel et ses modalités d’utilisation. »

Article 2

L’article L. 2133-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° À la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « peuvent déroger à cette obligation sous réserve du » sont remplacés par les mots : « sont assujettis au ».

2° Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les annonceurs et promoteurs ayant reçu le label PNNS visé par l’article L. 112-9-1 du code de la consommation sont exonérés du versement de cette contribution. »

Article 3

Après l’article L. 2133-1 du même code, il est inséré un article L. 2133-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 2133-2. – Seuls les messages publicitaires télévisés ou radiodiffusés portant sur des boissons et des produits alimentaires ayant reçu le label PNNS prévu à l’article L. 112-9-1 du code de la consommation peuvent être diffusés dans les quinze minutes qui précèdent et suivent les programmes qui sont qualifiés par le Conseil supérieur de l’audiovisuel d’émissions dont une partie importante du public est constituée d’enfants. »

Article 4

Au 1° de l’article 27 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, après le mot : « publicité », sont insérés les mots : « et l’indication dans les messages publicitaires pour les produits alimentaires transformés du contenu calorique des aliments ».


© Assemblée nationale