N° 361 - Proposition de loi de M. Philippe Gosselin visant à instaurer le plancher minimum de charges sociales



N° 361

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 novembre 2012.

PROPOSITION DE LOI

visant à instaurer le plancher minimum de charges sociales,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Philippe GOSSELIN, Julien AUBERT, Alain CHRÉTIEN, Jean-Michel COUVE, Marc-Philippe DAUBRESSE, Jean-Pierre DECOOL, Sophie DION, Guy GEOFFROY, Claude GREFF, Guénhaël HUET, Marc LAFFINEUR, Jacques LAMBLIN, Marc LE FUR, Alain MARLEIX, Patrice MARTIN-LALANDE, Philippe MEUNIER, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Alain MOYNE-BRESSAND, Didier QUENTIN, Frédéric REISS, François SCELLIER, Thierry SOLÈRE, Lionel TARDY et Michel VOISIN,

députés.


EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 13 septembre dernier, la Cour des Comptes a rendu son rapport sur la Sécurité sociale avec un constat sans appel : « l’essentiel du chemin de redressement des comptes sociaux reste à faire ».En 2011, le déficit des comptes de la Sécurité sociale, tous régimes confondus, s’établit à 19,6 milliards d’euros. La Cour des Comptes prévoit en 2012 un déficit dégradé. Des solutions sont avancées dans son rapport, certaines compliquées, certaines en rupture avec le fonctionnement traditionnel de notre système.

En effet, historiquement appuyé sur le travail, le financement de la protection sociale est assis depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale sur les salaires à hauteur d’environ 70 %, dans le cadre d’une économie où la plupart des secteurs étaient de gros pourvoyeurs de main d’œuvre. D’une certaine façon, chaque produit vendu participait au financement de la protection sociale.

Aujourd’hui, compte tenu des mutations de l’économie française, asseoir les charges sociales sur la seule assiette des salaires apparaît en déphasage avec notre société moderne. En effet, avec l’automatisation des processus de production, de plus en plus de biens sont fabriqués sans intervention de l’homme. Leur production, souvent délocalisée, est de ce fait exempte de charges sociales. Seuls les produits à forte main d’œuvre, et de plus fabriqués en France, supporteraient donc le poids desdites charges !! Ce n’est pas tenable !

Alors même que la base salariée taxable diminue, le coût de la protection sociale a explosé pour atteindre 30 % du PIB, sous l’action conjuguée non seulement du vieillissement de la population mais aussi de la hausse du coût de soins à la sophistication croissante.

Bien sûr, une maîtrise des dépenses de santé est indispensable. Les gaspillages doivent être pourchassés, les fraudes découragées et la gestion de la protection sociale largement améliorée. Pour autant, au-delà même de ces économies indispensables sur l’existant, il faudra trouver de nouvelles recettes et pas seulement pour combler les déficits. En effet, dans les années à venir, nous devrons faire face à de nouvelles dépenses sociales, avec par exemple le financement de la dépendance. Ainsi, on estime d’ici à 2025 que le pourcentage du PIB consacré au social augmentera d’environ 6 points.

Au-delà des efforts individuels qui pourraient, le cas échéant, être demandés par le biais d’un système faisant une part plus grande à l’assurance privée, la solidarité nationale doit pouvoir s’organiser, pour les plus faibles notamment. Si les recettes de la sécurité sociale doivent augmenter, la crise actuelle pousse à trouver d’autres solutions qu’une simple augmentation de la CSG et des impôts qui risque de freiner la consommation, d’étrangler les entreprises et de compromettre à la fois l’emploi et la compétitivité de notre économie. De surcroît, une fois de plus, les classes moyennes seront affectées en tout premier lieu.

C’est pourquoi, je propose d’instaurer le plancher minimum de charges sociales (PMCS) qui serait de nature à répondre à ces enjeux.

Le dynamisme de l’économie libérale a permis jusqu’à présent de financer les progrès de la couverture sociale française. Sans création de richesse, il n’y a pas de partage. C’est dans cette continuité que souhaite s’inscrire cette proposition.

Le PMCS vise à augmenter les recettes de la sécurité sociale grâce à une contribution sur les produits faisant peu appel à l’humain, sous l’effet d’une automatisation accrue. Le progrès offre aujourd’hui une baisse des prix et pourrait demain, avec le PMCS, financer la protection sociale.

Certains pans de l’économie, dits à « hautes charges sociales », contribuent déjà largement à son financement, notamment dans les secteurs du bâtiment, de l’hôtellerie, de la restauration ou même de l’éducation. En revanche, d’autres secteurs d’activité, plus automatisés, peuvent être dits à « basses charges sociales ». Ces derniers pourraient supporter une nouvelle contribution, bien sûr concertée et très progressive, d’autant plus neutre que, dans ces secteurs, sous l’effet des avancées techniques et technologiques, les coûts de production tendent à diminuer.

Concrètement, le principe du PMCS est le suivant :

- Il s’applique sur le prix de vente de tout produit ou service, avant TVA. Si le poids des charges sociales dans ce prix est inférieur au plancher minimum de charges sociales, une contribution est prélevée afin d’atteindre le seuil fixé.

- Néanmoins, étant donné que plusieurs entreprises interviennent dans le processus de production, il ne faut pas qu’il soit cumulatif. Ainsi, pour effectuer le calcul, on applique le PMCS sur le prix de vente auquel on a préalablement soustrait le prix des achats nécessaires à la production.

Dans la pratique, cela revient à retirer du chiffre d’affaires hors taxe le prix des achats de l’entreprise, de calculer le pourcentage que représente dans ce chiffre le poids des charges sociales. Si celui-ci est inférieur au plancher minimum de charges sociales, un prélèvement est alors ajouté afin que la contribution de l’entreprise à la protection sociale atteigne ce seuil.

Le PMCS s’applique à tous les produits consommés en France, ce qui élargit l’assiette taxable et présente l’avantage de faire contribuer les produits importés au financement de la protection sociale.

La mise en place du PMCS se fera de manière progressive, sur une génération, soit 20 ans, grâce une augmentation annuelle du plancher. Des ajustements pourront être faits, au fur et à mesure des bilans et évaluations qui seront réalisés régulièrement.

Notre protection sociale est un des piliers de notre modèle et de l’excellence française. Elle est aussi un des fondements du Pacte Républicain.

Si, bien sûr, notre modèle doit s’adapter, prendre en compte la situation économique actuelle, les évolutions de la société, il est cependant impératif de le défendre et de lui assurer un financement durable. C’est précisément l’objet du PMCS qui vise à augmenter les recettes de notre système de protection sociale, afin de le pérenniser. Il s’agit surtout de faire face aux besoins sociaux qui sont si grands et permettre ainsi d’ouvrir de nouveaux chantiers, notamment celui de la dépendance.


PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Il est créé un plancher minimum de charges sociales dont l’ensemble des entreprises doit s’acquitter.

Article 2

Cette contribution est acquittée sur le prix de vente des produits avant application de la taxe sur la valeur ajoutée. Si le taux de charges sociales dans le chiffre d’affaires minoré des achats est inférieur au seuil appelé plancher minimum de charges sociales, une contribution est ajoutée afin d’atteindre celui-ci.

Article 3

Les recettes du plancher minimum de charges sociales sont collectées par les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales et affectées au financement de la protection sociale.

Article 4

Les modalités d’établissement, de calcul du plancher minimum de charges sociales, et de fixation de cette nouvelle cotisation sont déterminées par décret en Conseil d’État.


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