N° 533 - Proposition de loi de M. Jean-Jacques Candelier visant à interdire la réquisition des salariés grévistes par les pouvoirs publics



N° 533

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 décembre 2012.

PROPOSITION DE LOI

visant à interdire la réquisition
des salariés grévistes par les pouvoirs publics,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Jean-Jacques CANDELIER, François ASENSI, Alain BOCQUET, Marie-George BUFFET, Patrice CARVALHO, Gaby CHARROUX, André CHASSAIGNE, Marc DOLEZ, Jacqueline FRAYSSE et Nicolas SANSU,

député-e-s.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En octobre 2010, en pleine révolte contre la réforme régressive des retraites, le Gouvernement s’était appuyé sur l’article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales pour contraindre, par arrêté préfectoral, certains salariés en grève dans les dépôts pétroliers à reprendre le travail.

Outre le passage en force sur son projet de loi fortement réprouvé, l’exécutif répondit ainsi par une mesure autoritaire, faisant un usage très contestable d’une disposition introduite par simple amendement gouvernemental au projet de loi pour la sécurité intérieure de 2004, au nom du maintien de l’ordre et de la sécurité publique.

La Confédération générale du travail (CGT) dénonça une lecture trop permissive du droit débouchant sur une atteinte au droit de grève. En février 2011, elle a porté l’affaire devant l’Organisation internationale du travail (OIT).

Au terme d’un débat juridique subtil et complexe, autour notamment de la définition des services dits « essentiels » qui ouvrent droit à des réquisitions (santé, police, etc.), le Comité de liberté syndicale de l’OIT a adressé le 17 novembre 2011 une recommandation au Gouvernement. L’OIT demande « de privilégier à l’avenir, devant une situation de paralysie d’un service non essentiel mais qui justifierait l’imposition d’un service minimum de fonctionnement, la participation des organisations de travailleurs et d’employeurs concernées à cet exercice, et de ne pas recourir à l’imposition de la mesure par voie unilatérale ». Selon l’analyse du Comité, les installations pétrolières ou encore la production, le transport et la distribution de combustibles ne constituent pas des services essentiels au sens strict du terme, c’est-à-dire des services dont l’interruption met en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne et dans lesquels le droit de grève peut être restreint, voire interdit.

L’incertitude juridique qui résulte de cette recommandation appelle le Parlement à préciser la législation, d’autant que des questions de fond sont posées : peut-on mettre les effets d’une grève prolongée sur le même plan, par exemple, qu’une catastrophe sanitaire ? Une grève est-elle un trouble à l’ordre public ?

Les auteurs de la présente proposition de loi ne pensent pas. Une grève, aussi longue soit-elle, quels que soient ses effets, ne constitue pas un trouble, mais l’exercice d’une liberté constitutionnelle qu’il s’agit de conforter. Mis en œuvre normalement qu’à titre exceptionnel, « en cas d’urgence », le recours à la réquisition, si des conditions d’atteinte au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la salubrité publiques et si les moyens dont dispose le préfet ne permettent plus de poursuivre les objectifs pour lesquels il détient le pouvoir de police, ne doit plus pouvoir être utilisé pour entraver le droit de grève.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Le 4° de l’article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée : « L’exercice du droit de grève ne peut en aucun cas justifier une réquisition des grévistes. »


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