N° 684 - Proposition de loi de Mme Valérie Boyer visant à créer un dispositif d'enregistrement des indications géographiques pour les produits industriels



N° 684

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 février 2013.

PROPOSITION DE LOI

visant à créer un dispositif d’enregistrement
des indications géographiques pour les produits industriels,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Madame et Messieurs

Valérie BOYER, Lionnel LUCA, Guy GEOFFROY, Jean-Michel COUVE, Jean-Pierre DECOOL, Gérald DARMANIN, Xavier BRETON, David DOUILLET, Damien ABAD, Julien AUBERT, Olivier AUDIBERT-TROIN, Marcel BONNOT et Laurent FURST,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

A l’heure où la France est confrontée à une crise économique sans précédent, il est nécessaire d’agir afin d’assurer une croissance pérenne de son activité économique. Or, pour y parvenir, il apparaît indispensable de restaurer la confiance des consommateurs dans les produits du terroir français et d’assurer une meilleure protection des producteurs locaux.

Les consommateurs accordent une grande importance à la marque des produits qu’ils achètent. Ils associent une marque avec un certain nombre de qualités et de caractéristiques qui conditionnent en grande partie leur choix d’achat.

Or, sont fréquemment constatés des abus de la part de certains producteurs de produits industriels qui utilisent une indication géographique alors même que les produits ne présentent pas les caractéristiques que sont en droit d’attendre les consommateurs.

L’exemple du « savon de Marseille » est particulièrement révélateur de ces abus. En effet, les fabricants du savon de Marseille traditionnel réalisé avec 72 % d’huiles végétales et sans aucune graisse animale, ni parfum, ni colorant, sont confrontés à une concurrence déloyale de la part des industries du savon et du détergent.

Alors que l’article 3 de l’édit de Colbert du 5 octobre 1688 définit les conditions de fabrication du savon en Provence sans aucune graisse animale, que le décret de Napoléon Bonaparte du 22 décembre 1812 précise que la ville de Marseille possède une marque pour ses savons à l’huile d’olive constituée par un pentagone dans lequel apparaît, en son milieu, les mots « huile d’olive », le nom du fabricant et celui de la ville de Marseille, et que deux arrêts de la cour d’appel d’Aix-en-Provence – celui du 28 décembre 1927, confirmé par la Cour de cassation le 24 octobre 1928, et celui du 12 novembre 1928 – disposent que la dénomination savon de Marseille est connue du public, usitée dans le commerce et s’applique à un produit bien déterminé fabriqué avec un mélange d’huiles végétales contenant, après la fabrication, approximativement 62 % à 64 % d’acide gras et de résine, 8 % à 8,5 % d’alcalis combinés, 1,35 % d’alcali libre
– soude –, du chlorure de sodium et de la glycérine, 28 % à 29 % d’eau, certaines industries de savon et de détergent utilisent la dénomination « savon de Marseille » sur des savons composés de graisses animales et fabriqués en dehors de la région marseillaise.

Cette situation constitue non seulement une concurrence déloyale vis-à-vis des fabricants de l’authentique savon de Marseille, mais également une tromperie à l’égard des consommateurs. En effet, seule la recette traditionnelle du savon de Marseille lui confère des vertus hypoallergéniques et écologiques en raison de l’utilisation d’huiles végétales et de l’absence d’additifs, de parfums et de colorants qui le rendent biodégradable en moins de vingt-huit jours – méthode OCDE.

Ce type d’abus ne concerne pas exclusivement le cas du « savon de Marseille ». Partout en France, l’absence d’encadrement de l’indication géographique pour les produits industriels donne lieu à des abus et contribue à mettre en péril à la fois le savoir-faire français et l’information des consommateurs.

Dans ce contexte, la présente proposition de loi vise à créer un dispositif permettant l’enregistrement d’indications géographiques portant sur les produits industriels dont les caractéristiques seront strictement définies par décrets pris après une enquête publique et consultation des organisations ou groupements professionnels directement intéressés.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

La section 1 du chapitre V du titre Ier du livre Ier du code de la consommation est ainsi modifiée :

1° La sous-section 1 est complétée par un article L. 115-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 115-1-1. – Constitue une indication géographique la dénomination d’une région ou d’un lieu déterminé servant à désigner un produit, autre qu’agricole, forestier, alimentaire ou de la mer, qui en est originaire et qui possède une qualité déterminée, une réputation ou d’autres caractéristiques qui peuvent être attribuées à cette origine géographique et dont la production ou la transformation, l’élaboration ou la fabrication ont lieu dans l’aire géographique délimitée par le cahier des charges mentionné à l’article L. 115-2-1. » ;

2° Après l’article L. 115-2, il est inséré un article L. 115-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 115-2-1. – Un décret peut homologuer un cahier des charges dont le respect ouvre l’usage d’une indication géographique au bénéfice d’un produit, autre qu’agricole, forestier, alimentaire ou de la mer. Le cahier des charges indique le nom du produit, délimite l’aire géographique, définit la qualité, la réputation ou les autres caractéristiques qui peuvent être attribuées à cette origine géographique et précise les modalités de production, de transformation, d’élaboration ou de fabrication qui ont lieu dans cette aire géographique ainsi que les modalités de contrôle des produits. » ;

3° À l’article L. 115-3, au début, les mots : « Le décret prévu à l’article L. 115-2 peut » sont remplacés par les mots : « Les décrets prévus aux articles L. 115-2 et L. 115-2-1 peuvent » et, après le mot : « origine », sont insérés les mots : « ou de l’indication géographique » ;

4° L’article L. 115-4 est ainsi rédigé :

« Art. L. 115-4. – Les décrets prévus aux articles L. 115-2 et L. 115-2-1 sont pris après enquête publique et consultation des organisations ou groupements professionnels directement intéressés, dans des conditions et selon des modalités précisées par voie réglementaire. » ;

5° Aux 3° et 4° de l’article L. 115-16, après le mot : « origine », sont insérés les mots : « ou une indication géographique » ;

6° Aux 5° et 6° du même article L. 115-16, après le mot : « origine », sont insérés les mots : « ou d’une indication géographique » ;

7° Au 7° dudit article L. 115-16, après le mot : « origine », sont insérés les mots : « ou d’une indication géographique » et, après les mots : « l’appellation », sont insérés les mots : « ou de l’indication ».

Article 2

Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :

1° Le d de l’article L. 711-4 est complété par les mots : « ou une indication géographique protégée » ;

2° Le dernier alinéa de l’article L. 713-6 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« L’enregistrement d’une marque ne fait pas obstacle à l’utilisation d’un signe similaire comme appellation d’origine ou indication géographique définies aux articles L. 115-1 et L. 115-1-1 du code de la consommation.

« Toutefois, si ces utilisations portent atteinte à ses droits, le titulaire de l’enregistrement peut demander qu’elles soient limitées ou interdites. » ;

3° L’article L. 721-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 721-1. – Les règles relatives à la détermination des appellations d’origine et des indications géographiques sont fixées par les articles L. 115-1 et L. 115-1-1 du code de la consommation. » ;

4° L’article L. 712-4 est ainsi rédigé :

« Art. L. 712-4. – La personne qui présente la demande d’enregistrement de la marque doit informer toute collectivité territoriale concernée de l’utilisation de son nom ou de ses signes distinctifs, dans des conditions fixées par décret.

« Pendant le délai mentionné à l’article L. 712-3, opposition à la demande d’enregistrement peut être faite auprès du directeur de l’Institut national de la propriété industrielle par :

« 1° Une collectivité territoriale agissant au bénéfice du h de l’article L. 711-4 ;

« 2° Le propriétaire d’une marque enregistrée ou déposée antérieurement ou bénéficiant d’une date de priorité antérieure ou par le propriétaire d’une marque antérieure notoirement connue.

« Le bénéficiaire d’un droit exclusif d’exploitation dispose également du même droit. »

5° Après le mot : « origine », la fin du a de l’article L. 722-1 est ainsi rédigée :

« et les indications géographiques définies aux articles L. 115-1 et L. 115-1-1 du code de la consommation ; ».


© Assemblée nationale