N° 772 - Proposition de loi constitutionnelle de M. Marc Le Fur visant à supprimer le Conseil économique, social et environnemental



N° 772

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er mars 2013.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

visant à supprimer le Conseil économique,
social
et environnemental,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Marc LE FUR, Hervé MARITON, Franck GILARD, Julien AUBERT, Sylvain BERRIOS, Véronique BESSE, Étienne BLANC, Gilles BOURDOULEIX, Guillaume CHEVROLLIER, Dino CINIERI, Philippe COCHET, Marie-Christine DALLOZ, David DOUILLET, Nicolas DHUICQ, Lucien DEGAUCHY, Yves FROMION, Laurent FURST, Bernard GÉRARD, Georges GINESTA, Charles-Ange GINESY, Jean-Pierre GORGES, Philippe LE RAY, Lionnel LUCA, Véronique LOUWAGIE, Alain MARC, Jean-Claude MATHIS, Damien MESLOT, Philippe MEUNIER, Jean-Claude MIGNON, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Yves NICOLIN, Claudine SCHMID, Alain SUGUENOT, Jean-Charles TAUGOURDEAU, Dominique TIAN, Michel TERROT et Jean-Marie TETART,

députés.


EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’alinéa 3 de l’article 69 de la Constitution, issue de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, dispose que « Le Conseil économique, social et environnemental peut être saisi par voie de pétition dans les conditions fixées par une loi organique. Après examen de la pétition, il fait connaître au Gouvernement et au Parlement les suites qu’il propose d’y donner. ».

L’article 5 de la loi organique du 28 juin 2010 dispose quant à lui que « Le Conseil économique, social et environnemental peut être saisi par voie de pétition de toute question à caractère économique, social ou environnemental. »

Cet article 5 de la loi organique du 28 juin 2010 prévoit en outre, les conditions de recevabilité d’une saisine par voie de pétition. Selon ce texte, la demande doit, d’abord, être rédigée en français, établie par écrit, présentée dans les mêmes termes par au moins 500 000 personnes majeures de nationalité française ou résidant régulièrement en France et comporter les nom, prénom, adresse de chaque pétitionnaire et être signée.

Le collectif « La manif’ pour tous » a déposé le 15 février 2013, la première pétition de saisine depuis le vote des lois constitutionnelle et organique de 2008 et 2010. Signée par 700 000 personnes, cette pétition relative au projet de loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe remplissait parfaitement les conditions fixées par le Constituant et le législateur organique.

Or, le mardi 26 février 2013, le Bureau du Conseil économique, social et environnemental a estimé cette pétition irrecevable.

Selon les responsables du Palais d’Iéna, « la saisine du CESE pour avis sur un projet de loi relève exclusivement du premier ministre, celle-ci ne saurait ainsi être autorisé par voie citoyenne. ». La presse relève même, qu’avant de se prononcer le Président de cette assemblée consultative a sollicité l’avis du Premier Ministre sur le bien-fondé de la pétition !(1)

Les travaux préparatoires de la loi organique du 28 juin 2010 sont portant formels. Lors de la présentation de ce texte devant la représentation nationale, le ministre chargé des relations avec le Parlement précisait ainsi que « Le projet de loi organique définit également les conditions d’exercice du droit de pétition. Le Gouvernement a souhaité ne pas enfermer la saisine du Conseil économique, social et environnemental dans un cadre trop strict. »

De même, dans sa décision n° 2010-608 DC du 24 juin 2010 relative à la loi organique relative au C.E.S.E., la juge constitutionnel considérait-il que l’article 5 de la loi fixait « des conditions très souples »

Enfin le Président émérite de l’association internationale de droit constitutionnel Didier Maus a estimé à propos de l’application du libellé de l’article 5 de la loi organique de 2010 que « cette formule est plus large que celle de l’article 11 de la Constitution ».

Le Professeur Maus ajoute d’ailleurs qu’« au cours des dernières années, le Cese a fréquemment traité des thèmes qui relèvent plus des questions de sociétés que des questions sociales au sens traditionnel de l’expression : le suicide, les inégalités à l’école, l’éducation civique ou l’adoption »

Le constitutionnaliste ajoute que « certes aucun de » ces « thèmes évoqués n’est aussi brûlant que celui du mariage entre personnes du même sexe, mais une interprétation large des missions du Cese devrait permettre à son bureau, par ailleurs si soucieux d’ancrer le Conseil dans le débat nationale, de statuer dans le sens de la recevabilité ».(2)

C’est pourquoi, il y a lieu de s’interroger sur la pertinence d’une instance consultative qui refuse d’user des prérogatives qui lui confère le texte suprême, faisant ainsi preuve d’incompétence négative, et dont l’activité, en dehors de la publication de rapports et de l’organisation de colloque est pour le moins réduite.

Depuis son renouvellement en 2010, le CESE n’a en effet été saisi qu’à 11 reprises par le Gouvernement, soit une moyenne de trois saisine par an !), et de fait sa principale activité est l’organisation de colloques (475 en trois ans !).

Doté d’un budget de 38 millions d’euros par an comportant 233 membres issus de la société civile dont la rémunération brute mensuelle s’élève à 3 768 euros et les primes brutes de séance de section à 289,59 euros par séance, cette instance consultative n’apporte en réalité rien au débat public.

Comme le constate la Cour des Comptes dans sa note d’exécution budgétaire de mai 2012 : « de même, le passage de 10 auditions de parlementaires en 2009 à 14 en 2011 parait trop peu à 14 en 2011 parait trop peu significatif pour indiquer une meilleure visibilité du CESE dans le débat public ».

Au moment où l’État s’est engagé les instances consultatives inutiles, il semble donc logique de supprimer une instance consultative onéreuse qui refuse d’assurer les pouvoirs que le constituant et le législateur organique lui ont conféré afin de revaloriser son rôle.

Tels sont Mesdames et Messieurs, les motifs de la présente proposition de loi constitutionnelle


PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Article unique

Le Titre XI de la Constitution du 4 octobre 1958 est abrogé.

1 () Le Figaro.fr du 27 février 2013 : « Mariage gay : quand le Cese sollicitait l’avis de Matignon » – Le Figaro du 28 février 2013 : « Mariage gay : le Cese pris en défaut d’indépendance ».

2 () Le Figaro du 20 février 2013 – Page Idées et Opinions – Didier Maus : « Pétition, Conseil économique et Constitution ».


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