N° 787 - Proposition de loi de Mme Laure de La Raudière visant à mieux identifier les infractions de prêt de main-d'oeuvre illicite et de délit de marchandage



N° 787

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 mars 2013.

PROPOSITION DE LOI

visant à mieux identifier les infractions de prêt
de main-d’œuvre illicite et de
délit de marchandage,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Laure de LA RAUDIÈRE,

députée.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’objet de cette proposition de loi est de modifier ensemble les articles L. 8231-1 et L. 8241-1 du code du travail afin de permettre de mieux identifier les infractions en cas de prêt de main-d’œuvre illicite et de délit de marchandage. L’imprécision juridique de ces deux notions a pour conséquence de faire peser un risque pénal sur chaque chef d’entreprise de services, alors même qu’aucune infraction n’est commise.

Cette proposition de loi a pour but de contribuer à libérer l’économie des entreprises prestataires de services, tout en renforçant la protection des salariés et des employeurs en définissant plus précisément les situations illicites justifiant une sanction.

Le prêt de main-d’œuvre illicite est actuellement défini comme étant toute opération à but lucratif ayant pour seul objet le prêt de salarié.

Le délit de marchandage est actuellement défini comme toute opération à but lucratif de fourniture de main-d’œuvre qui a pour conséquence de causer un préjudice au salarié qu’elle concerne ou d’éluder l’application de dispositions légales ou conventionnelles.

Toutes les entreprises prestataires de services (forces de vente, nettoyage, accueil, gardiennage, informatique, maintenance, sous-traitance en général) sont amenées à mettre à disposition leur personnel auprès d’une société cliente. L’inspecteur du travail, les syndicats, le personnel peuvent, sur le fondement des articles précités, saisir le juge pénal pour que l’entreprise prestataire de service et l’entreprise cliente soient condamnées pour les délits de marchandage et/ou de prêt de main-d’œuvre illicite.

L’imprécision actuelle des articles L. 8231-1 et L. 8241-1 du code du travail ne permet pas une application prenant en compte l’évolution et la complexité accrue des tâches développées par les entreprises prestataires de services.

La généralité et l’imprécision du contenu de ces articles sont à l’origine de nombreux contentieux à l’occasion desquels des sous-traitants ou prestataires de services ont été soit condamnés pénalement, civilement, soit au contraire relaxés après de longues et injustes poursuites.

Cette situation fait peser un risque anormal sur l’entrepreneur prestataire de services, ce qui justifie de donner une définition des éléments constitutifs du prêt de main-d’œuvre illicite, tout en préservant la possibilité pour le salarié de poursuivre pénalement l’employeur, lorsqu’une infraction est réellement commise.

Dans cet esprit, il convient de préciser les éléments constitutifs du prêt de main-d’œuvre illicite et de limiter le délit de marchandage à l’infraction de ce prêt de main-d’œuvre illicite ainsi précisée qui entraîne pour les salariés un préjudice particulier.

À titre d’exemple, un prestataire de services pourra être condamné conjointement avec le donneur d’ordre pour l’infraction relative au délit de prêt de main-d’œuvre illicite alors même que cette entreprise bénéficie d’un savoir spécifique et qu’elle encadre ses salariés dans l’exercice d’une mission bien définie contractuellement. En effet, le simple fait que les salariés mis à disposition tentent d’opérer une confusion et invoquent des faits isolés que l’on peut qualifier de dérapages, peut aboutir à une condamnation du chef d’entreprise devant une juridiction répressive compte tenu du caractère imprécis de l’infraction.

Une illustration tout aussi pertinente, relève du fait que les salariés du prestataire de services peuvent alors même que l’opération de prêt de main-d’œuvre est licite, obtenir la condamnation de leur employeur pour délit de marchandage. Il suffit tout simplement que les intéressés démontrent qu’ils bénéficient de moins d’avantages que ceux des salariés du donneur d’ordres pour arriver à obtenir cette condamnation alors même que leur situation est différente et que leur employeur applique l’ensemble des dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles.

Par ailleurs, l’objet de cette proposition de loi est aussi de faire correspondre les textes de loi avec la jurisprudence actuelle qui, au fil des années, a heureusement défini les situations où des prestations de service ne relevaient pas de ces infractions.

L’article 1er propose de lier le délit de marchandage à la réalisation du prêt de main-d’œuvre illicite, dès lors que celui-ci entraîne un préjudice particulier pour le salarié c’est-à-dire s’il a pour objet et effet d’éluder l’application de dispositions légales ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif.

L’article 2 propose donc de mieux définir le prêt de main-d’œuvre illicite en précisant les conditions dans lesquelles il est constitué : il est désormais caractérisé par l’abandon général de la direction du personnel et de la conduite de l’exécution de la prestation au profit de la société utilisatrice. Est exclue de son périmètre la prestation de service impliquant la mise à disposition de personnel et exécutée sous la responsabilité du prestataire de service.

Tels sont les motifs pour lesquels il vous est demandé de bien vouloir adopter les dispositions suivantes.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’article L. 8231-1 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 8231-1. – Constitue le délit de marchandage l’opération constitutive d’un prêt illicite de main-d’œuvre qui a pour finalité et conséquence de causer un préjudice au salarié qu’il concerne ou d’éluder l’application de dispositions légales ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail. »

Article 2

Les cinq premiers alinéas de l’article L. 8241-1 du même code sont remplacés par six alinéas ainsi rédigés :

« L’opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’œuvre est interdite.

« Constitue un prêt de main-d’œuvre illicite au sens du présent article toute mise à disposition de personnel à but lucratif impliquant l’abandon général au profit de la société utilisatrice de la direction du personnel et de la conduite de l’exécution de la prestation.

« Toutefois, ces dispositions ne s’appliquent pas aux opérations réalisées dans le cadre :

« 1° Des dispositions du présent code relatives au travail temporaire, au portage salarial, aux entreprises de travail à temps partagé et à l’exploitation d’une agence de mannequins lorsque celle-ci est exercée par une personne titulaire de la licence d’agence de mannequins ;

« 2° Des dispositions de l’article L. 222-3 du code du sport ;

« 3° De prestations de services entraînant la mise à disposition de personnel et exécutées sous la responsabilité du prestataire employeur. »


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