N° 855 - Proposition de loi de M. Dino Cinieri tendant à favoriser le retour des exilés fiscaux et à renforcer la compétitivité des entreprises



N° 855

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 mars 2013.

PROPOSITION DE LOI

tendant à favoriser le retour des exilés fiscaux
et à renforcer la compétitivité des entreprises,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire,
à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Dino CINIERI, Julien AUBERT, Valérie BOYER, Alain CHRÉTIEN, Lucien DEGAUCHY, Nicolas DHUICQ, Yves FOULON, Laurent FURST, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Annie GENEVARD, Arlette GROSSKOST, Michel HEINRICH, Lionnel LUCA, Jean-Luc MOUDENC, Alain MOYNE-BRESSAND, Dominique NACHURY, Josette PONS, Paul SALEN, Alain SUGUENOT et Jean-Pierre VIGIER,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Au début de l’année 2009, le gouvernement italien a décidé, sous l’impulsion de Sylvio Berlusconi, de mettre en place un dispositif d’amnistie fiscale afin de permettre aux contribuables italiens de rapatrier les capitaux placés à l’étranger, le plus souvent à l’insu du fisc, moyennant le paiement d’une amende forfaitaire dont le taux a été fixé dans un premier temps à 5 % avant d’être remonté à 7 %.

L’objectif de cette amnistie fiscale – la troisième dans ce pays depuis 2001 – était de faire revenir en Italie les capitaux expatriés, dont une partie significative est déposée en Suisse, notamment par des entrepreneurs localisés au nord de l’Italie.

Certains partis politiques de la gauche italienne ont critiqué ce dispositif, accusant le gouvernement de récompenser les comportements immoraux. Ce dernier, confronté à un important recul du PIB en pleine crise économique, a néanmoins décidé de maintenir son projet, tout en accentuant sa lutte contre les paradis fiscaux avec ses partenaires du G20.

La lutte contre les paradis fiscaux fut en effet une des priorités du G20 qui s’est tenu à Londres le 2 avril 2009.

Le principal reproche fait aux paradis fiscaux est d’être en partie responsables de la crise financière actuelle. Car en hébergeant des sociétés ad hoc destinées à détenir des opérations provenant des bilans de certains établissements financiers ou à permettre l’évasion fiscale, les centres off-shore empêchent la surveillance des régulateurs et accentuent par conséquent le risque systémique.

Lors du forum de Londres, les États présents ont mis l’accent sur leur manque à gagner fiscal dans une période où les recettes diminuent et les dépenses augmentent. C’est donc dans cet esprit que le G20 a sommé les paradis fiscaux à plus de transparence afin d’inciter les détenteurs d’actifs financiers soustraits au fisc de les rapatrier dans leur pays d’origine afin qu’ils y subissent l’impôt normalement dû.

En créant une cellule d’accueil pour les contribuables désireux de régulariser leur situation fiscale, l’administration fiscale française a opté pour une gestion au cas par cas en négociant pour attirer le maximum de capitaux. Ainsi, lors de leur retour en France, ces contribuables ont été taxés à l’impôt sur le revenu, à l’ISF et aux droits de succession dans la limite de la prescription légale, plus des intérêts de retard (4,80 % par an) et surtout des pénalités qui pouvaient représenter jusqu’à 80 % des sommes rapatriées, mais qui restaient bien heureusement négociables.

Certains pensaient qu’une loi d’amnistie aurait été préférable car la régularisation au cas par cas n’a finalement attiré que peu de capitaux en France. Ce dispositif a pris fin en décembre 2009, et à peine 3 000 dossiers auraient été examinés et moins de 700 millions d’euros récupérés.

Le bilan du dispositif italien, qui a pris fin en avril 2010, a été quant à lui très positif : plus de 104 milliards d’euros ont été régularisés ou rapatriés en quelques mois. Cela correspond à 5,6 milliards d’euros de recettes fiscales supplémentaires pour l’État italien.

Le gouvernement belge a également mis en place une amnistie fiscale sur le modèle italien avec une amende forfaitaire au taux variable (9 % abaissé à 6 % lorsque les capitaux rapatriés sont placés dans des actions de PME ou dans des projets immobiliers). Plus de 14,6 milliards d’euros auraient été récupérés sur les six premiers mois de l’année 2010...

Selon certaines estimations, la fraude fiscale en France atteint chaque année une quarantaine de milliards d’euros et le montant des seuls avoirs français placés en Suisse atteindrait près de 45 milliards d’euros. Les experts estiment que la mise en place d’un dispositif d’amnistie fiscale sur le modèle italien pourrait permettre de rapatrier en quelques mois 130 à 150 milliards d’euros, avec à la clef des recettes fiscales qui pourraient atteindre 8 à 10 milliards d’euros.

À l’heure où le gouvernement français cherche de nouvelles recettes fiscales, il est urgent d’imaginer des mesures fortes afin de rapatrier les capitaux indispensables à la relance de notre économie.

Le niveau de la taxe forfaitaire liée au dispositif d’amnistie fiscale sur les capitaux rapatriés doit être raisonnable, et l’article 1er propose de le fixer à 5 %. Une cellule spécialisée analysera l’origine des fonds rapatriés et détectera les éventuels blanchiments d’argent qui doivent, bien évidemment, être exclus de ce dispositif.

Faire revenir en France les capitaux est important, mais il faut ensuite qu’ils y restent ! C’est pourquoi l’article 2 crée une franchise d’impôt pour les capitaux rapatriés investis dans la création ou la reprise d’entreprises françaises.

Enfin, alors que chaque jour on dénombre 1 500 chômeurs supplémentaires dans le secteur des services, l’article 3 propose d’exonérer de cotisations sociales, patronales et salariales, pendant trois ans toute entreprise de moins de 10 salariés qui embaucherait un nouveau salarié en CDI. Ce dispositif concernerait également les particuliers employeurs.

Tel est l’objet de la proposition de loi que nous vous prions, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

I. – Après l’article 1755 du code général des impôts, est inséré un article 1755 bis ainsi rédigé :

« Art. 1755 bis. – I. – Les majorations fiscales, de quelque nature qu’elles soient, ne sont pas applicables aux contribuables qui auront fait parvenir à l’administration fiscale, dans les six mois à compter de la promulgation de la loi n°            du             tendant à favoriser le retour des exilés fiscaux et à renforcer la compétitivité des entreprises, par lettre recommandée, une déclaration détaillée de toute somme, titre ou valeur provenant de l’étranger par l’intermédiaire de comptes non déclarés. Cette disposition n’est pas applicable aux sommes, titres ou valeurs issus d’activités illicites.

« Les contribuables mentionnés au premier alinéa sont soumis à une amende forfaitaire égale à 5 % du montant total de ces sommes, titres et valeurs. Les revenus de ces sommes, titres et valeurs sont imposables au titre de l’année de la promulgation de la loi n°            du             tendant à favoriser le retour des exilés fiscaux et à renforcer la compétitivité des entreprises.

« La cellule de renseignement financier nationale mentionnée à l’article L. 561-23 du code monétaire et financier recueille, analyse et exploite tout renseignement propre à établir l’origine des sommes, titres ou valeurs ayant fait l’objet d’une déclaration mentionnée au premier alinéa. Elle constate, le cas échéant, la nature illicite des activités dont ces sommes, titres ou valeurs sont issus.

« II. – Le bénéfice de cette mesure est subordonné à la double condition :

« a) Que la détention de ces sommes, titres ou valeurs sur des comptes non déclarés n’ait pas motivé, antérieurement à la date d’expédition de la lettre recommandée mentionnée au I, l’engagement d’une procédure administrative ou judiciaire, ou d’une proposition de rectification ;

« b) Que l’impôt en principal soit acquitté dans les nouveaux délais impartis. »

II. – L’article L. 561-23 du code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa du II, après la référence : « L. 561-15 », sont insérés les mots : « du présent code et à l’article 1755 bis du code général des impôts » ;

2° Au deuxième alinéa du II, après la référence : « L. 561-15 », sont insérés les mots : « du présent code ou à l’article 1755 bis du code général des impôts ».

Article 2

Après l’article 1755 bis du code général des impôts, est inséré un article 1755 ter ainsi rédigé :

« Art. 1755 ter. – I. – Par dérogation au deuxième alinéa de l’article 1755 bis, l’amende forfaitaire est réduite du montant des sommes, titres et valeur mentionnés au même alinéa, investi dans l’acquisition d’une fraction du capital d’une société faisant l’objet d’une opération de reprise au sens de l’article 199 terdecies–0 B.

« La réduction de l’amende mentionnée au premier alinéa s’applique lorsque les conditions suivantes sont remplies :

« a) L’acquéreur prend l’engagement de conserver les titres de la société reprise jusqu’au 31 décembre de la cinquième année suivant celle de l’acquisition ;

« b) Les parts ou actions acquises dans le cadre de l’opération de reprise mentionnée au premier alinéa confèrent à l’acquéreur 25 % au moins des droits de vote et des droits dans les bénéfices sociaux de la société reprise ;

« c) La société reprise a son siège social sur le territoire français, et est soumise à l’impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ;

« d) La société reprise exerce une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, à l’exception de la gestion du patrimoine mobilier ou immobilier du détenteur.

« La réduction de l’amende mentionnée au premier alinéa du présent I ne peut pas concerner l’investissement dans des titres figurant dans un plan d’épargne en actions défini à l’article 163 quinquies D ou dans un plan d’épargne salariale prévu au titre III du livre III de la troisième partie du code du travail.

« II. – Par dérogation au deuxième alinéa de l’article 1755 bis du présent code, l’amende forfaitaire est réduite du montant des sommes, titres ou valeurs mentionnés au même alinéa, investi dans la souscription au capital d’une société nouvelle, définie au 2° quater de l’article 83, exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale ou libérale. Cette souscription doit intervenir l’année de la création de la société ou au cours des deux années suivantes.

« Les actions souscrites doivent obligatoirement revêtir la forme nominative.

« Le bénéfice de la réduction de l’amende est subordonné au dépôt des titres chez un intermédiaire agréé.

« Si les actions ou les parts sociales souscrites sont cédées avant l’expiration d’un délai de cinq ans à compter de leur souscription, la totalité des sommes investies est soumise à l’amende forfaitaire mentionnée au premier alinéa du présent II. »

Article 3

Après l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, est inséré un article L. 241-14 ainsi rédigé :

« Art. L. 241-14. – Par dérogation aux dispositions en vigueur, dans les entreprises employant moins de dix salariés au 31 décembre précédant la date de conclusion du contrat, l’embauche en contrat à durée indéterminée d’un salarié ouvre droit, pour une période de trois ans à compter de la date de conclusion du contrat, à l’exonération des cotisations sociales patronales et salariales d’origine légale et conventionnelle. »

Article 4

Les pertes de recettes qui pourraient résulter pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Les pertes de recettes qui pourraient résulter pour les organismes de sécurité sociale de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


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