N° 957 - Proposition de loi de M. Guy Teissier tendant à préciser les modalités d'exercice du droit de grève et à favoriser une application effective du principe de continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs



N° 957

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 avril 2013.

PROPOSITION DE LOI

tendant à préciser les modalités d’exercice du droit de grève
et à favoriser une application effective
du principe de continuité du service public
dans les transports terrestres réguliers de voyageurs,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à défaut
de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Guy TEISSIER, Damien ABAD, Philippe Armand MARTIN, Julien AUBERT, Patrick BALKANY, Jean-Claude BOUCHET, Valérie BOYER, Bernard BROCHAND, Alain CHRÉTIEN, Olivier DASSAULT, Marc-Philippe DAUBRESSE, François de MAZIÈRES, Jean-Pierre DECOOL, Dominique DORD, Laurent FURST, Franck GILARD, Georges GINESTA, Jean-Jacques GUILLET, Michel HEINRICH, Patrick HETZEL, Philippe HOUILLON, Valérie LACROUTE, Geneviève LEVY, Véronique LOUWAGIE, Lionnel LUCA, Franck MARLIN, Jean-Claude MATHIS, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Alain MOYNE-BRESSAND, Josette PONS, Jean-Luc REITZER, François SCELLIER, Fernand SIRÉ, Éric STRAUMANN, Jean-Marie TETART, Dominique TIAN, Patrice VERCHÈRE, Michel VOISIN, Laurent WAUQUIEZ et Michel SORDI,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La loi n° 2007-1224 du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs organise la nécessaire conciliation entre continuité du service public et exercice du droit de grève, tous deux garantis par la Constitution.

La loi de 2007 améliore ainsi la prévention des conflits, en développant le dialogue social et en mettant en œuvre une procédure obligatoire de négociation préalable à tout dépôt d’un préavis de grève. En outre, elle oblige à organiser le service public de transport en cas de perturbation et crée un droit à l’information « gratuite, fiable et précise » pour les voyageurs, en cas de conflit.

Aux termes de cette loi et de l’accord de branche signé en décembre 2007 auquel elle renvoie, sont notamment ajoutés à l’obligation du préavis de cinq jours francs une obligation de négociation préalable de huit jours francs maximum – un délai de treize jours au total est donc désormais nécessaire entre la demande de concertation déposée par une organisation syndicale et le possible début d’une grève –, ainsi qu’une obligation pour chaque gréviste de déclarer son intention de se joindre au mouvement 48 h avant leur participation effective.

Par la suite, en mars 2012, ces dispositions ont été complétées pour imposer aux salariés renonçant à la grève ou la cessant, d’en informer leur employeur 24 h avant l’heure de la reprise.

Toutefois, on constate que dans la pratique de nombreuses difficultés se posent et constituent de manière récurrente un frein à la mise en œuvre du principe de continuité du service public, notamment dans les transports terrestres réguliers de voyageurs. En effet, certains vides juridiques laissés par le dispositif existant permettent une forme de « détournement » de la procédure d’exercice du droit de grève : un modèle de préavis longue durée prévoyant des fourchettes pouvant être excessivement larges (parfois plusieurs mois) est déposé et sous la couverture duquel les salariés peuvent cesser le travail à n’importe quel moment et dans n’importe quelle condition, en exerçant leur droit individuel de grève.

Ainsi, un préavis de grève peut être déposé du 1er janvier au 1er décembre et la grève peut, dans la pratique, avoir lieu à n’importe quel moment de cette période. Il en ressort qu’à la durée anormalement longue du mouvement annoncé et à l’incertitude concernant les dates effectives auxquelles les salariés se mettront réellement en grève, s’ajoute dans cette nouvelle forme de préavis une incertitude quant au début du mouvement.

Par ailleurs, l’incertitude touche également les modalités d’exercice individuel du droit de grève, puisque les déclarations d’intention remplies par les agents concernent des arrêts de travail pouvant durer une journée entière et qui peuvent intervenir en début, milieu ou fin de service, ne sont parfois pas suivies d’effet.

Dans ces conditions, il est extrêmement difficile de savoir quels seront les agents présents pour assurer le service et par conséquent, de mettre en place le plan de prévisibilité exigé par la loi, avec les moyens disponibles et d’assurer une véritable information des usagers du service public.

Ainsi, au regard de ce qui précède, cette proposition de loi s’articule autour de trois axes principaux.

En premier lieu, elle instaure une durée maximale de deux mois, au cours de laquelle les salariés des transports terrestres sont autorisés à exercer leur droit de grève. Cette disposition vise ainsi à prohiber les préavis de grève s’étalant sur plusieurs mois, qui ouvrent droit à des mouvements sans discontinuité.

En deuxième lieu, est portée au code du travail la précision selon laquelle un mouvement de grève doit porter sur un objet précis, afin d’éviter les préavis génériques susceptibles de donner lieu à des grèves discontinues.

En troisième et dernier lieu, cette proposition de loi introduit une durée minimale des arrêts de travail, afin que le droit de grève s’exerce sur des périodes d’au moins une demi-journée, évitant ainsi les grèves perlées paralysantes pour l’activité de transports terrestres.

Ce changement de dispositif législatif a pour but de mettre fin aux détournements des procédures d’exercice du droit de grève et à favoriser une application effective du principe de continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Au début de l’article L. 1324-7 du code des transports, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Afin d’assurer la continuité des services publics de transport terrestre régulier visés à l’article L. 1324-1, la durée du droit de grève des salariés relevant des catégories d’agents mentionnés dans l’accord collectif ou le plan de prévisibilité prévus à l’article L. 1222-7 est limitée à une période de deux mois.

« En conséquence, le délai minimum entre le dépôt de deux préavis de grève prévus à l’article L. 2512-2 du code du travail successifs est fixé à trois mois. »

Article 2

Le premier alinéa de l’article L. 2512-2 du code du travail est remplacé par les trois alinéas suivants :

« Lorsque les personnels mentionnés à l’article L. 2512-1 exercent le droit de grève, la cessation concertée du travail est précédée d’un préavis portant sur un objet déterminé avec précision.

« En l’absence d’exercice effectif du droit de grève à compter de la date fixée dans le préavis, celle-ci est privée d’effet.

« La fin de la cessation concertée entraîne automatiquement la fin de la grève ».

Article 3

L’article L. 2512-3 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Sont interdits les arrêts de travail d’une durée inférieure à la demi-journée. »


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