N° 1259 - Proposition de loi de M. Pierre Morange relative à la transparence financière des associations percevant des subventions publiques



N° 1259

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 juillet 2013.

PROPOSITION DE LOI

relative à la transparence financière des associations percevant des subventions publiques,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Madame et Messieurs

Pierre MORANGE, Patrick HETZEL, Michel HEINRICH, Yannick MOREAU, Claude STURNI, Patrick DEVEDJIAN, Jean-Jacques GUILLET, Marie-Christine DALLOZ, Michel VOISIN, Alain MARC, Alain MOYNE-BRESSAND, Bernard PERRUT, Marc LE FUR, Lionnel LUCA, Philippe VITEL, Jean-Pierre VIGIER, Fernand SIRÉ, Didier QUENTIN et Jean-Pierre DOOR,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

34 milliards d’euros de subventions sont accordées chaque année par l’État et les collectivités locales à 250 000 associations (Action sociale des administrations, festivals culturels, clubs sportifs, défense des minorités, parmi d’autres). L’État, selon le centre d’économie de la Sorbonne, distribue 22,5 % de cette somme, les communes 26 %, les départements 22,5 %, les régions 11 %, les organismes sociaux et l’Europe 18 %. Les subventions varient en dotation : l’Académie de billard de Palavas-les-Flots toucherait 2 000 euros de subventions tandis que l’Association nationale de formation professionnelle des adultes (Afpa) recevrait près de 226 millions d’euros de l’État. « Une aberration juridique », précise Viviane Tchernonog, chercheuse au CNRS spécialisée en associations. Elle rajoute : « si 80 % des associations ne reçoivent aucune subvention, seulement 7 % des associations reçoivent 70 % des subventions publiques ».

Et selon une enquête du CNRS, ces subventions publiques, uniquement, à l’exclusion des financements contractuels, des ventes de prestations ou prix de journées provenant d’organismes publics classés dans la catégorie recettes d’activité, seraient la source de 20 % du budget des associations sans salariés, et de près de 40 % du budget des associations employeurs.

La publication des comptes annuels et du rapport du commissaire aux comptes est obligatoire pour les associations et les fondations, lorsque le montant total des dons et/ou des subventions au cours de l’exercice comptable atteint 153 000 €. La publication des comptes annuels des fonds de dotation est également obligatoire. Ainsi, chaque compte annuel doit être composé d’un bilan, d’un compte de résultat et d’une annexe. La transmission se fait par voie électronique à la direction des Journaux Officiels, « dans les trois mois à compter de l’approbation des comptes par l’organe délibérant statutaire. Ces documents sont publiés sous forme électronique par la direction des Journaux Officiels, dans des conditions de nature à garantir leur authenticité et leur accessibilité gratuite » au public selon l’article 1 du décret n° 2009-540 du 14 mai 2009 portant sur les obligations des associations et des fondations relatives à la publicité de leurs comptes annuels. Ce décret est codifié à l’article 612-4 du code de commerce.

Pour tout intéressé, et à condition de savoir conduire une petite analyse financière, les documents comptables publiés par les associations doivent permettre de porter un jugement sur la qualité de la gestion (équilibre du compte de résultat, maîtrise des charges), sur l’évolution des recettes en regard de celles de l’activité (situation de sur-financement ou de sous-financement) et sur la solidité de la structure financière (solvabilité, endettement, trésorerie).

Cet impératif n’est donc pas sans utilité : d’une part, pour un contrôle citoyen de l’utilisation des fonds publics alloués aux associations loi 1901 ; d’autre part, pour une légitimité future des associations lors de la revendication répétée desdites subventions.

Or, depuis l’entrée en vigueur du décret, la transparence financière des associations concernées n’a jamais été respectée.

Ces sommes n’étant pas négligeables à l’heure des restrictions budgétaires, ce manquement à la transparence est inquiétant. Il est important de préciser qu’aucune sanction pénale n’est prévue, en cas d’irrégularité et non-respect de cette obligation de publication des comptes.

Par conséquent, la transparence de l’utilisation de l’argent public étant un enjeu démocratique de premier plan, il est essentiel que toutes les associations bénéficiant d’une subvention d’un montant supérieur à un certain seuil soient obligées de publier chaque année leurs comptes. Par souci de lisibilité, il paraît judicieux de fixer, dans la loi, ce seuil à 23 000 euros, montant à partir duquel les associations doivent conclure des conventions pluriannuelles d’objectifs (article 1er).

S’agissant des sanctions, il semble opportun de s’inspirer du dispositif de sanction administrative existant en matière de lutte contre le travail illégal et, partant, de prévoir qu’il revient à l’association demandant la subvention d’apporter la preuve qu’elle a bien procédé à la publication de ses comptes dans le délai de trois mois suivant leur approbation par son organe délibérant. En l’absence de production d’une telle preuve, l’autorité administrative aura la faculté de refuser l’octroi de nouvelles subventions pour une durée maximale de cinq ans et d’exiger le remboursement des subventions perçues au cours des douze derniers mois (article 2).

Tel est le sens de la présente proposition de loi que nous vous demandons, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 612-4 du code de commerce, les mots : « un seuil fixé par décret » sont remplacés par le montant : « 23 000 euros ».

Article 2

Après l’article L. 612-4 du code de commerce, il est inséré un article L. 612-4-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 612-4-1. – Toute association sollicitant une subvention de l’autorité administrative ou d’un établissement public à caractère industriel et commercial doit produire la preuve qu’elle a procédé à la publication de ses comptes annuels et du rapport du commissaire aux comptes conformément à l’article L. 612-4.

« En cas de défaut de publication des documents mentionnés au premier alinéa, l’autorité administrative ou l’établissement public peut, eu égard à la gravité du manquement constaté et au montant de la subvention sollicitée, refuser d’accorder, pendant une durée maximale de cinq ans, des subventions à l’association concernée.

« L’autorité administrative ou l’établissement public peut également demander le remboursement de tout ou partie des subventions perçues par l’association au cours des douze derniers mois précédant le constat de défaut de publication de ses comptes annuels et du rapport du commissaire aux comptes. »


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