N° 1363 - Proposition de loi constitutionnelle de M. Paul Salen visant à rendre constitutionnel le principe d'indisponibilité du corps humain



N° 1363

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 septembre 2013.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

visant à rendre constitutionnel le principe d’indisponibilité
du corps humain,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Paul SALEN, Jacques Alain BÉNISTI, Valérie BOYER, Jean-Pierre DECOOL, Dominique DORD, Daniel FASQUELLE, Arlette GROSSKOST, Valérie LACROUTE, Véronique LOUWAGIE, Lionnel LUCA, Thierry MARIANI, Olivier MARLEIX, Philippe Armand MARTIN, Jacques MYARD, Bernard PERRUT, Guy TEISSIER et Jean-Pierre VIGIER,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La loi de bioéthique du 29 juillet 1994 a inscrit, dans notre édifice légal, le principe du respect du corps humain. L’article 16-1 du code civil dispose donc :

« Chacun a droit au respect de son corps. Le corps humain est inviolable. Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l’objet d’un droit patrimonial. »

Ainsi se trouve défini le principe d’indisponibilité du corps humain qui pose des limites à la libre disposition de soi. Le corps humain, ou ses dérivés, n’est pas une marchandise et ne peut donc pas faire l’objet d’un contrat ou d’une convention entre qui que ce soit donnant lieu ou pas à une transaction financière.

Cependant, ce principe n’est pas absolu, puisque notre droit reconnaît la validité exceptionnelle de certains actes de disposition. Toutefois, s’agissant d’exceptions, elles doivent obéir à des conditions strictes de validité. Ainsi, s’il est possible de céder son sang ou un rein, il n’est pas possible de le faire à n’importe quelle condition. La cession doit notamment être gratuite, anonyme et accomplie dans l’intérêt thérapeutique d’autrui.

Le corps humain et ses dérivés ne sont donc pas une marchandise, comme l’analyse le Comité Consultatif National d’Éthique dans son avis du 13 décembre 1990 :

« Dire que le corps humain est hors commerce ou encore hors marché, c’est formuler deux propositions complémentaires : d’une part, le corps de l’homme, ou l’un de ses éléments ne peuvent être l’objet d’un contrat, d’autre part, il ne peut être négocié par quiconque. »

Ce que la Cour de Cassation (Cour de Cassation – Assemblée Plénière – 31 mai 1991, pourvoi n° 90-20.105), évoquant la gestation pour autrui, a confirmé :

« Attendu que, la convention par laquelle une femme s’engage, fût-ce à titre gratuit, à concevoir et à porter un enfant pour l’abandonner à sa naissance contrevient tant au principe d’ordre public de l’indisponibilité du corps humain qu’à celui de l’indisponibilité de l’état des personnes. »

Conformément aux dispositions de l’article 16-5 du code civil :

« Les conventions ayant pour effet de conférer une valeur patrimoniale au corps humain, à ses éléments ou à ses produits sont nulles. »

Ainsi la gestation pour autrui se trouve donc être interdite en France par l’application du principe d’indisponibilité du corps humain. Cependant ce principe n’est nullement protégé au niveau constitutionnel quand bien même il fait partie intégrante des grands principes de notre droit civil.

Pour autant, la loi de bioéthique marque aussi une évolution comme le relève le philosophe Corinne Pelluchon :

« (…) le principe d’indisponibilité du corps humain qui suppose que “je ne dispose pas de mon corps” est suspendu dans le droit français, puisque le don des produits et éléments corporels est autorisé. Il a été remplacé, dans la loi du 29 juillet 1994, par celui de non-patrimonialité, qui interdit de vendre son corps et s’inscrit dans la philosophie autorisant, dans les limites fixées par la loi, le don gratuit de son sang, de ses organes et de ses gamètes. »

Le principe de non-patrimonialité apporte donc une souplesse indispensable et conforme à l’article 16-3 alinéa 1 du code civil qui dispose :

« Il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité médicale pour la personne, ou à titre exceptionnel dans l’intérêt thérapeutique d’autrui. »

Cette souplesse doit être garantie, mais le principe absolu demeure celui de l’indisponibilité du corps humain qui lui ne bénéficie pas d’une garantie juridique.

L’objet de cette proposition de loi constitutionnelle vise donc à inscrire, dans notre loi fondamentale, le principe d’indisponibilité du corps humain afin qu’il puisse bénéficier de la plus haute protection juridique.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Article unique

L’article premier de la Constitution de la République française est complété par un nouvel alinéa ainsi rédigé :

« La République française garantit le respect des grands principes applicables à la protection de la dignité humaine au premier rang desquels on compte la protection du corps humain et l’impossibilité d’en faire, lui ou les produits qui en sont dérivés, l’objet de transactions financières ou non. »


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