N° 1527 - Proposition de loi de M. Jean-Christophe Lagarde relative aux contrôles d'identité



N° 1527

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 novembre 2013.

PROPOSITION DE LOI

relative aux contrôles d’identité,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Jean-Christophe LAGARDE,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’objet de la présente proposition de loi est de renforcer le lien de confiance entre nos concitoyens et les services de police et de gendarmerie. Pour ce faire, elle modifie les bases juridiques du contrôle d’identité, précisées dans l’article 78-2 du code de procédure pénale.

L’ambition de cette proposition de loi n’est pas de remettre en cause l’usage du contrôle d’identité, mais à la fois de prévenir les abus, souvent dénoncés avec force par les associations, et de fournir un outil statistique aux services de police qui ne disposent d’aucune donnée pertinente sur ce dispositif de contrôle.

Elle constitue de plus une concrétisation de l’engagement n° 30 du candidat François HOLLANDE qui stipulait : « Je lutterai contre le “délit de faciès” dans les contrôles d’identité par une procédure respectueuse des citoyens, et contre toute discrimination à l’embauche et au logement. Je combattrai en permanence le racisme et l’antisémitisme. ».

Aussi, face aux atermoiements de la majorité socialiste sur cette question et de l’abandon pur et simple de cette promesse par le gouvernement et le Président de la République, il convient aujourd’hui d’agir sur ce sujet.

Deux rapports permettent d’éclairer pour partie la réalité du contrôle d’identité dans la pratique.

Celui de l’Institut National des Études Démographiques (INED), en 2012, met en exergue les biais des forces de l’ordre, conscients ou inconscients, dans leur pratique du contrôle d’identité. Placés dans cinq emplacements de Paris, en 2007 et 2008, les enquêteurs de l’INED ont procédé à un relevé systématique des contrôles, en classant la personne contrôlée selon son origine ethnique apparente, leur âge, leur sexe, son apparence vestimentaire et la possession ou non de sacs. En constituant une typologie de la population de référence traversant ces cinq lieux, il leur a été possible de comparer la population disponible au contrôle et la population effectivement contrôlée. À titre d’exemple, les résultats de l’étude indiquent qu’une personne perçue comme « maghrébine » a jusqu’à 14 fois plus de chances d’être contrôlée qu’une personne « blanche », une personne « noire » 11 fois plus de chances. Une personne portant une tenue identifiée comme « jeune », de la même manière, aura jusqu’à 16 fois plus de chances d’être contrôlée qu’une personne en tenue « décontractée », une personne ne portant pas de sac a jusqu’à 17 fois plus de chances d’être contrôlée qu’une personne portant un grand sac.

Le rapport d’Human Rights Watch (La base de l’humiliation, les contrôles d’identité en France, 2012), de moindre ampleur statistique, se base sur les témoignages de personnes contrôlées recueillis par l’association. Il se concentre donc sur l’aspect relationnel entre les policiers et les citoyens, et conclut que cette relation se dégrade. Les policiers, soumis à la pression du chiffre, ont tendance à faire un usage très régulier du contrôle d’identité, tandis que les citoyens contrôlés entretiennent un sentiment d’injustice à l’encontre des policiers, qui sont une émanation de l’autorité de l’État. C’est ainsi toute la cohésion sociale et la relation aux institutions républicaine qui est menacée. Human Rights Watch préconise notamment un meilleur encadrement du contrôle d’identité, par le biais d’une modification de l’article 78-2 du code de procédure pénale, et l’introduction d’un procès-verbal de contrôle destiné à consigner par écrit les contrôles d’identité.

Cette proposition de loi a pour but de restaurer la confiance des citoyens à l’égard de la police et de la gendarmerie. En l’absence de tout outil statistique global, il est impossible de mesurer l’efficacité du contrôle d’identité, et en l’absence de cadre légal précis, son usage peut être perçu comme abusif. Cette proposition de loi modifie le code de procédure pénale en son article 78-2 et remplace les raisons « objectives » de soupçonner quelqu’un pour pouvoir procéder à un contrôle par les raisons « plausibles » de soupçonner. Elle instaure une attestation de contrôle d’identité, rendue anonyme avant d’être collectée par les services de police.

Remis à la suite de chaque contrôle, l’attestation de contrôle d’identité introduite par la présente proposition de loi porterait les mentions suivantes :

– l’identité de la personne contrôlée (visible uniquement sur l’exemplaire fourni à la personne contrôlée) ;

– le(s) motif(s) du contrôle ;

– le jour, le lieu, et l’heure du contrôle d’identité ;

– le matricule de l’agent ayant procédé au contrôle d’identité ;

– les suites données au contrôle d’identité ;

– les observations éventuelles de la personne ayant fait l’objet du contrôle.

Cette attestation permettra de répertorier les contrôles d’identité, leur fréquence et leur efficacité. Il pourra être utilisé, le cas échéant, devant les services de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) en cas de litige entre les services de police et une personne contrôlée, tant par l’agent accusé de contrôle abusif que par le citoyen qui s’en dit victime.

Cette proposition de loi est un instrument contribuant à l’amélioration des relations police-citoyens.

Il sera nécessaire d’engager à l’avenir une réforme ambitieuse de la loi et des pratiques, le contrôle d’identité étant utilisé aujourd’hui comme un outil standard de maintien de l’ordre. De nouveaux outils, plus performants, devront être mis à disposition des forces de police pour assurer leur rôle. La formation des policiers et gendarmes devra en outre être plus approfondie et mieux adaptée aux réalités du terrain.

Telles sont les principales orientations de la présente proposition de loi qu’il vous est demandé, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’article 78-2 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, le mot : « plausibles » est remplacé par les mots : « objectives et individualisées » ;

2° Après le cinquième alinéa, sont insérés sept alinéas ainsi rédigés :

« Les contrôles d’identité réalisés en application du présent article donnent lieu, à peine de nullité, à l’établissement d’un procès-verbal. Il doit mentionner :

« – l’identité de la personne contrôlée ;

« – le(s) motif(s) du contrôle ;

« – le jour, le lieu, et l’heure du contrôle d’identité ;

« – le matricule de l’agent ayant procédé au contrôle d’identité ;

« – l’aboutissement du contrôle d’identité ;

« – les observations éventuelles de la personne ayant fait l’objet du contrôle. »

Article 2

Un décret en Conseil d’État fixe les modalités de publicité de l’immatriculation des officiers de police judiciaire, des agents de police judiciaire et des agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux articles 20 et 21-1 du code de procédure pénale. Il fixe également les modalités de garantie de l’anonymat des personnes contrôlées. Enfin ce décret détermine les voies de recours administratifs, auprès de l’Inspection générale de la police nationale, ouvertes au bénéfice des personnes soumises à des contrôles d’identité non justifiés au sens de la présente loi.

La loi de finances de l’année détermine les indicateurs de performances pertinents pour mesurer l’évolution de la fréquence de ces recours.

Article 3

La présente loi est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles de Wallis et Futuna.


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