N° 1839 - Proposition de loi de Mme Barbara Pompili visant à interdire la mise en culture de plantes génétiquement modifiées



N° 1839

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 février 2014.

PROPOSITION DE LOI

visant à interdire la mise en culture de plantes
génétiquement modifiées
,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire,
à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Barbara POMPILI, François de RUGY, Brigitte ALLAIN, Danielle AUROI, Laurence ABEILLE, Éric ALAUZET, Isabelle ATTARD, Denis BAUPIN, Michèle BONNETON, Christophe CAVARD, Sergio CORONADO, François-Michel LAMBERT, Noël MAMÈRE, Véronique MASSONNEAU, Paul MOLAC, Jean-Louis ROUMEGAS et Eva SAS,

député-e-s.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi vise à interdire la mise en culture de plantes génétiquement modifiées sur le territoire national afin de garantir la santé de nos concitoyens et la préservation de l’environnement.

Alors que la Commission européenne est sur le point d’autoriser un nouvel organisme génétiquement modifié, le TC1507, et qu’en l’absence de clause de sauvegarde, le maïs MON810 pourra être semé prochainement sur le territoire français, il y a urgence à intervenir pour bannir du territoire français ces cultures de plantes génétiquement modifiées.

Cet épisode est une nouvelle illustration de l’influence sur la Commission européenne de quelques entreprises guidées par l’appât du gain immédiat et la rentabilité financière au mépris de l’expression citoyenne et de la prudence qu’appellent les incertitudes scientifiques sur les effets de la culture de plantes génétiquement modifiés sur l’homme et l’environnement.

L’enjeu est autant sanitaire et environnemental, socio-économique, que démocratique par la réaffirmation de la primauté du respect de la volonté des peuples européens.

Il est du devoir des représentations nationales et européennes de privilégier la protection de la santé de leurs concitoyens et de l’environnement par rapport à la recherche de bénéfices potentiellement néfastes à terme pour notre économie et notre modèle agricole. Or, actuellement, un État membre de l’Union européenne ne peut décider souverainement de ses préférences en matière de culture d’organismes génétiquement modifiés. Ainsi, depuis plusieurs années la France est obligée de faire preuve de désobéissance en interdisant le MON810.

Le Conseil des Ministres de l’environnement de décembre 2008 a demandé à l’unanimité la révision des lignes directrices de procédure de validation des organismes génétiquement modifiés, en tenant compte de leurs retombées environnementales. Depuis la situation est bloquée, aucune nouvelle donnée scientifique permettant de faire évoluer la position de l’Union européenne sur la culture des organismes génétiquement n’ayant été produite. Or, l’impact environnemental des organismes génétiquement modifiés est un enjeu majeur de leur évaluation.

Le retard pris dans cette évaluation est d’autant plus problématique que les semenciers poursuivent leurs développements techniques. Ces derniers visent principalement à introduire par biotechnologie moderne des gênes insecticides dans les plantes, qui deviennent de ce fait elle-même insecticides, ou encore à augmenter la tolérance à de puissants herbicides, préjudiciables aux équilibres naturels et aux capacités productives des systèmes agricoles. Ce constat ne fait que renforcer le besoin d’évaluations scientifiques indépendantes à court, moyen, et long termes pour permettre aux autorités de prendre des décisions sur des bases scientifiques fiables afin de garantir la santé des citoyens et la durabilité des systèmes de production agricoles et nourriciers.

En l’absence de nouvelles données scientifiques sur les effets des organismes génétiquement modifiés sur la santé et l’environnement, la position des citoyens et de leurs représentants, elle, est très claire : trois ans après qu’une pétition européenne contre les organismes génétiquement modifiés a recueilli plus d’un million de signatures, une écrasante majorité des citoyens européens reste opposée à la mise en culture des plantes génétiquement modifiés.

Le cas de la plante génétiquement modifiée Pioneer TC-1507, un maïs modifié pour délivrer son propre insecticide et survivre aux épandages massifs d’herbicides a donné très récemment l’occasion au Parlement européen et aux gouvernements européens d’exprimer leurs positions : le 16 janvier 2014 le Parlement européen a adopté une résolution s’opposant à la mise sur le marché de ce maïs et demandant à la Commission de ne pas proposer l’autorisation de nouvelles variétés d’organismes génétiquement modifiés, tant que les procédures d’évaluation n’auront pas été améliorées.

Le 11 février 2014, lors du Conseil des affaires générales de l’Union européenne, dix-neuf États membres se sont prononcés contre l’autorisation de mise en culture de ce même maïs. En l’absence de majorité qualifiée en faveur de l’autorisation ou du retrait de l’organisme génétiquement modifié, la décision finale revient à la Commission européenne, instance non élue par les citoyens européens. Alors que la défiance des Européens vis-à-vis de la classe politique va croissant sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne, le recours à une telle méthode sur un sujet aussi controversé que les organismes génétiquement modifiés constituerait un véritable camouflet pour la démocratie et les citoyens.

En France, la mutation de notre modèle agricole vers l’agro-écologie voulue par le Ministère de l’agriculture est enclenchée et se traduit par un projet de loi sur l’avenir de l’agriculture, l’alimentation et la forêt actuellement en discussion au Parlement. Celui-ci ouvre des perspectives historiques pour réorienter notre modèle agricole vers une agronomie du vingt et unième siècle. Cette transformation s’inscrit résolument dans le cadre de la souveraineté alimentaire, de pratiques agricoles nouvelles productives et respectueuses de l’environnement et des dynamiques humaines territoriales. La perspective de voir autoriser le recours à des modes de production potentiellement dévastateurs pour la biodiversité et les sols s’inscrivant dans une logique agro-industrielle peu pourvoyeuse d’emplois et peu valorisante pour les savoir-faire agricoles serait contradictoire.

La commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité le 12 février 2014 une série de conclusions rappelant le soutien des parlementaires français à un moratoire sur les mises en culture d’organismes génétiquement modifiés.

Nous devons persister dans cette voie au niveau national, et revoir les procédures d’autorisation au niveau européen.

Alors que la période des semis approche, en vertu du principe de précaution inscrit dans la Charte de l’Environnement de la Constitution et dans l’attente d’une nécessaire et désormais urgente révision des procédures européennes d’autorisation des organismes génétiquement modifiés, l’article unique de la présente proposition de loi vise à interdire la culture de plantes génétiquement modifiées sur le territoire national.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

I. – La mise en culture de plantes génétiquement modifiées pour délivrer un ou des insecticides ou résister à un ou des herbicides est interdite sur le territoire national.

II. – Le respect de l’interdiction de mise en culture prévue au I est contrôlé par les agents mentionnés à l’article L. 250-2 du code rural et de la pêche maritime. Ces agents disposent des pouvoirs prévus aux articles L. 250-5 et L. 250-6 du même code.

En cas de non-respect de cette interdiction, l’autorité administrative peut ordonner la destruction totale ou partielle des cultures.


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