N° 1907 - Proposition de loi de M. Guillaume Larrivé renforçant la lutte contre l'apologie du terrorisme sur internet



N° 1907

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 avril 2014.

PROPOSITION DE LOI

renforçant la lutte contre l’apologie du terrorisme sur internet,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

MM. Guillaume LARRIVÉ, Éric CIOTTI,
Philippe GOUJON et Olivier MARLEIX,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les menaces terroristes qui pèsent sur notre pays sont, hélas, une réalité. Elles font écho au désordre du monde. Elles mettent en péril les intérêts fondamentaux de notre nation.

Nous devons faire face à une nébuleuse qui additionne les menaces du crime organisé transnational et celles des hybrides, mi-gangsters mi-terroristes.

Nous savons que le premier danger vient des divers avatars du djihadisme, qui a frappé la France au cœur, au printemps 2012, à Toulouse et à Montauban.

Des esprits faibles sont endoctrinés, des réseaux renforcent leur puissance dévastatrice en diffusant leur propagande sur internet et en organisant des camps d’entraînement.

En Afghanistan, au Pakistan, dans le Sahel, en Syrie, des djihadistes recrutent leurs bras armés et forment de nouvelles légions. Nous ne sommes pas à l’abri.

Face à cette menace, il y a urgence à renforcer notre arsenal de prévention et de répression, dans le respect des libertés publiques, sur le fondement de la loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers et de la loi n° 2012-1432 du 21 décembre 2012 relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme.

Car la lutte contre le djihadisme nécessite, d’abord, une action opérationnelle, qui incombe au pouvoir exécutif et aux services compétents pour en connaître.

Mais l’évolution de la menace rend nécessaire, aussi, une adaptation de nos instruments juridiques, pour mieux combattre le djihadisme sur internet.

C’est l’objet de la présente proposition de loi.

Nous souhaitons, en premier lieu, permettre à l’autorité administrative de bloquer l’accès à des pages sur internet – quel qu’en soit le support, qu’il s’agisse de sites internet stricto sensu ou de réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter – faisant l’apologie du terrorisme. Le dispositif proposé s’inspire de celui adopté en matière de lutte contre la pédopornographie, validé par le Conseil constitutionnel dans sa décision DC 2011-625 du 10 mars 2011, relative à la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure du 14 mars 2011, dite LOPPSI II.

Nous proposons, en deuxième lieu, de créer un délit de consultation habituelle des sites faisant l’apologie du terrorisme, puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. Une telle consultation ne serait bien évidemment pas réprimée lorsqu’elle résulte de l’exercice normal d’une activité professionnelle, telle que le journalisme ou la recherche universitaire.

Il nous semble indispensable, en troisième lieu, de créer le régime juridique des « cyber-patrouilleurs », c’est-à-dire des officiers ou agents de police judiciaire intervenant sur internet afin de constater la commission du délit de consultation habituelle de sites faisant l’apologie du terrorisme, par des moyens appropriés (participation sous un pseudonyme à des échanges électroniques, mise en contact avec les personnes susceptibles d’être les auteurs de cette infraction, extraction des éléments de preuve et de données).

*

L’article 1er permet à l’autorité administrative d’établir une liste de sites faisant l’apologie du terrorisme et d’obliger les fournisseurs d’accès à en bloquer l’accès sans délai.

L’article 2 crée un délit permettant d’incriminer toute personne qui consultera de manière habituelle, et sans aucun motif légitime, des sites internet qui provoquent au terrorisme ou en font l’apologie et qui diffusent à cette fin des images d’actes de terrorismes d’atteinte à la vie. Aucune infraction ne sera commise, toutefois, si cette consultation résulte de l’exercice normal d’une profession ayant pour objet d’informer le public, intervient dans le cadre de recherches scientifiques ou est réalisée afin de servir de preuve en justice.

L’article 3 modifie les dispositions du code de procédure pénale afin que le délit créé par l’article précédent ne soit soumis qu’à certaines des règles de procédure concernant les actes de terrorisme, comme la compétence de la juridiction parisienne.

Afin de conserver la proportionnalité des mesures d’investigation avec la nature du délit, sont ainsi écartées les dispositions procédurales qui ne sont pas strictement nécessaires. Ainsi est-il prévu que ne seront pas applicables à ce délit les dispositions relatives à l’allongement à vingt ans du délai de prescription de l’action publique et des peines, celles relatives à la prolongation de la garde à vue au-delà de quarante-huit heures, et celles relatives aux perquisitions de nuit.

L’article 4 prévoit la possibilité d’effectuer des « cyber-patrouilles » aux fins de constater le délit prévu par l’article 2. Il s’agit de permettre aux autorités compétentes de procéder à des surveillances, des infiltrations, des sonorisations et des captations de données informatiques lors de l’enquête de flagrance ou de l’enquête préliminaire.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Le 7° du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est ainsi modifié :

1° Au troisième alinéa, après le mot : « humanité », sont insérés les mots : « , des crimes visés par les articles 421-1 à 421-2-2 du code pénal, » ;

2° Il est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque les nécessités de la lutte contre la diffusion d’images ou de représentations faisant l’apologie des actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal le justifient, l’autorité administrative notifie aux personnes mentionnées au 1 du présent I les adresses électroniques des services de communication au public en ligne contrevenant aux dispositions de cet article, auxquelles ces personnes doivent empêcher l’accès sans délai.

« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application de l’alinéa précédent. »

Article 2

Après l’article 421-2-4 du code pénal, il est inséré un article 421-2-4-1 ainsi rédigé :

« Art. 421-2-4-1. – Est puni de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende le fait de consulter de façon habituelle un service de communication au public en ligne mettant à disposition des messages, soit provoquant directement à des actes de terrorisme, soit faisant l’apologie de ces actes lorsque, à cette fin, ces messages comportent des images montrant la commission d’actes de terrorisme consistant en des atteintes volontaires à la vie.

« Le présent article n’est pas applicable lorsque la consultation résulte de l’exercice normal d’une profession ayant pour objet d’informer le public, intervient dans le cadre de recherches scientifiques ou est réalisée afin de servir de preuve en justice. »

Article 3

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° L’article 706-25-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions du présent article ne sont toutefois pas applicables au délit prévu par l’article 421-2-4 du code pénal. » ;

2° L’article 706-88 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables au délit prévu par l’article 421-2-4 du code pénal. » ;

3° La section 4 du titre XXV du livre IV est complétée par un article 706-94-1 ainsi rédigé :

« Art. 706-94-1. – Les dispositions de la présente section ne sont pas applicables au délit prévu par l’article 421-2-4 du code pénal. »

Article 4

Au premier alinéa de l’article 706-25-2, après le mot : « électronique, », sont insérés les mots : « , ainsi que l’infraction prévue et réprimée par l’article 421-2-4 du code pénal ».


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