N° 2033 - Proposition de loi constitutionnelle de M. Éric Woerth visant à retirer le principe de précaution du bloc de constitutionnalité



N° 2033

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 juin 2014.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

visant à retirer le principe de précaution
du bloc de constitutionnalité,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Éric WOERTH, Damien ABAD, Bernard ACCOYER, Yves ALBARELLO, Benoist APPARU, Julien AUBERT, Olivier AUDIBERT-TROIN, Jean-Pierre BARBIER, Sylvain BERRIOS, Jacques Alain BÉNISTI, Étienne BLANC, Marcel BONNOT, Valérie BOYER, Philippe BRIAND, Bernard BROCHAND, Olivier CARRÉ, Gilles CARREZ, Luc CHATEL, Gérard CHERPION, Guillaume CHEVROLLIER, Alain CHRÉTIEN, Dino CINIERI, Éric CIOTTI, Philippe COCHET, Édouard COURTIAL, Jean-Michel COUVE, Marie-Christine DALLOZ, Olivier DASSAULT, Marc-Philippe DAUBRESSE, Bernard DEBRÉ, Rémi DELATTE, Jean-Pierre DECOOL, Patrick DEVEDJIAN, Nicolas DHUICQ, Sophie DION, Jean-Pierre DOOR, Marianne DUBOIS, Virginie DUBY-MULLER, Daniel FASQUELLE, François FILLON, Marie-Louise FORT, Yves FOULON, Marc FRANCINA, Yves FROMION, Laurent FURST, Hervé GAYMARD, Annie GENEVARD, Bernard GÉRARD, Claude GOASGUEN, Jean-Pierre GORGES, Philippe GOSSELIN, Claude GREFF, Anne GROMMERCH, Arlette GROSSKOST, Henri GUAINO, Françoise GUÉGOT, Jean-Claude GUIBAL, Jean-Jacques GUILLET, Michel HEINRICH, Patrick HETZEL, Philippe HOUILLON, Guénhaël HUET, Denis JACQUAT, Christian KERT, Jacques LAMBLIN, Laure de LA RAUDIÈRE, Charles de LA VERPILLIÈRE, Guillaume LARRIVÉ, Thierry LAZARO, Alain LEBOEUF, Isabelle LE CALLENNEC, Frédéric LEFEBVRE, Marc LE FUR, Pierre LELLOUCHE, Bruno LE MAIRE, Philippe LE RAY, Céleste LETT, Véronique LOUWAGIE, Gilles LURTON, Dominique NACHURY, Yves NICOLIN, Jean-François MANCEL, Laurent MARCANGELI, Thierry MARIANI, Alain MARLEIX, Alain MARSAUD, Jean-Claude MATHIS, Jean-Claude MIGNON, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Alain MOYNE-BRESSAND, Jacques MYARD, Jacques PÉLISSARD, Bernard PERRUT, Jean-Frédéric POISSON, Bérengère POLETTI, Axel PONIATOWSKI, Josette PONS, Frédéric REISS, Jean-Luc REITZER, Arnaud ROBINET, Sophie ROHFRITSCH, Paul SALEN, François SCELLIER, Claudine SCHMID, Fernand SIRÉ, Thierry SOLÈRE, Éric STRAUMANN, Claude STURNI, Alain SUGUENOT, Jean-Charles TAUGOURDEAU, Guy TEISSIER, Michel TERROT, Jean-Marie TETART, Dominique TIAN, François VANNSON, Catherine VAUTRIN, Patrice VERCHÈRE, Jean-Sébastien VIALATTE, Philippe VITEL, Michel VOISIN et Laurent WAUQUIEZ,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Dans un contexte de crise majeure de crédibilité de la parole publique renforcé par l’immobilisme du Gouvernement, il est nécessaire d’envoyer aux Français en général et aux entreprises en particulier un signal fort en faveur de la croissance et de la compétitivité. Il en va de l’avenir de notre pacte républicain et de l’avenir de notre puissance économique.

Puisque nous ne pouvons nous contenter des effets d’annonce des multiples « pactes » gouvernementaux, nous devons proposer des mesures aussi dynamiques que symboliques pour renouer avec la confiance et la croissance.

Cette proposition de loi constitutionnelle visant à ôter au principe de précaution sa portée constitutionnelle s’inscrit dans cet objectif et répond à une attente forte et généralisée exprimée dans la société notamment par nombre de chercheurs dont le travail se voit confronté à un climat de défiance croissante envers le progrès et la science. Le principe de précaution s’est transformé au fil du temps en principe d’inaction.

Le « ras-le-bol » des chercheurs s’illustre une fois de plus par la parution d’une tribune cosignée par douze patrons d’organismes publics tels que le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), la Conférence des présidents d’universités ou l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et qui manifestent ainsi leur solidarité envers l’Institut national de la recherche agronomique (Inra). Le 14 mai dernier, la Cour d’appel de Colmar a relaxé cinquante-quatre faucheurs volontaires qui, en 2010, avaient détruit un essai en plein champ de pieds de vigne transgéniques cultivés par l’Institut. Cette décision qui a ébranlé le monde la recherche scientifique envoie un signal négatif aux chercheurs qui voient leurs travaux bien que menés en toute transparence et dans le respect des consignes être menacés de destruction en pleine phase d’expérimentation. Ce climat de défiance alimenté par les dérives d’un principe de précaution mal défini et juridiquement aléatoire invite les chercheurs à renoncer à expérimenter, à innover et donc à prendre des risques mesurés dans l’intérêt général afin que soit amélioré notre avenir commun. C’est pour répondre à cet objectif que ces chercheurs plaident aujourd’hui pour un débat public et des garanties pour leurs travaux futurs. C’est dans cette même logique d’ouverture et de stabilité en faveur du progrès et de l’innovation nécessaires à notre compétitivité et à notre croissance que je formule cette proposition de loi constitutionnelle.

Le principe de précaution est formulé pour la première fois dans la Déclaration de Rio en 1992. En France, c’est la loi Barnier de 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement qui inscrit ce principe dans notre droit interne. Il s’agit alors d’un principe « selon lequel l’absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l’adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l’environnement à un coût économiquement acceptable ».1 Ainsi, la France ajoute à la définition initiale de Rio les notions de « mesures proportionnée » et de « coût économiquement acceptable ». En 2004, le Parlement réuni en Congrès intègre la Charte de l’Environnement au bloc de constitutionnalité.2 Cette Charte qui reconnait les droits et les devoirs fondamentaux relatifs à la protection de l’environnement énonce notamment le principe de précaution et en modifie la formulation dans son article 5 : « Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. »3 Par cet acte de constitutionnalisation, le principe de précaution se place au niveau le plus élevé de la hiérarchie des normes juridiques.

Soucieuse de protéger nos concitoyens sans entraver le progrès, et ayant en mémoire ces tragédies que furent le sang contaminé, l’encéphalopathie spongiforme bovine ou l’amiante, la France s’est donc emparée du principe de précaution jusqu’à l’inscrire dans son bloc de constitutionnalité. Mais ce qui put apparaître en 2005 comme une indéniable avancée est aujourd’hui un frein juridique à l’innovation.

Le principe de précaution devait être un principe d’action dont l’objectif était de restaurer la confiance dans le progrès tout en anticipant les risques, mais neuf ans plus tard et dans un contexte économique et social bien différent, il apparaît nécessaire et même urgent d’oser discuter des mesures qu’il convient de prendre pour soutenir l’innovation, renforcer notre compétitivité et restaurer la confiance dans le progrès. Objectifs qu’un principe de précaution constitutionnalisé a finalement conduit à dégrader.

En effet, ce placement au sommet de la hiérarchie des normes juridiques peut être considéré comme contre-productif car ne répondant finalement « ni aux craintes des uns, ni aux attentes des autres » comme le soulignait l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) dès 2009.4

Bien des découvertes comme la pénicilline sont dues au hasard ou à une erreur humaine et ont parfois eu lieu dans un cadre de recherche consacré à un tout autre sujet. Elles nous invitent à relativiser tout excès de règlementation pour ne pas entraver le progrès et l’innovation. Le rapport de l’OPECST de 2009 cite d’ailleurs bien d’autres exemples où le progrès suscite crainte et peur car sa quête exige une prise de risque dont il est difficile de mesurer la dimension a priori.

Prenons pour exemples les médicaments fabriqués par introduction d’un gène étranger dans le génome de bactéries et de plantes ou encore les vaccins dont le principe même représente un risque puisqu’il est question d’inoculer un agent extérieur pour créer une réaction immunitaire. Le docteur en médecine Maurice Tubiana soulignait d’ailleurs lors de son audition par Jean-Claude Etienne et Claude Birraux, que « le principe de précaution a renforcé les craintes devant la technologie comme le montrent les sondages, il a accentué les réticences envers la science et a fait ombrage à la rationalité. » et il ajoutait que ce principe n’a pas permis de rassurer mais, au contraire, d’accentué les peurs, avant de conclure que « la peur de risques hypothétiques a éclipsé celle des risques réels. » Le risque, la prise de risque, doit être revalorisé tout en étant mesuré.

L’introduction du principe de précaution dans le bloc de constitutionnalité par l’adoption de la Charte de l’environnement a donc suscité et continue d’alimenter une vive controverse qui ne peut être minimisée dans un contexte économique et social qui exige de réformer la France avec courage et ambition.

À cette fin, il est donc nécessaire de tenir compte des avis des uns et des autres et de prendre les mesures permettant d’éviter tout dommage irréversible pour l’environnement tout en soutenant la recherche scientifique, l’initiative économique et l’innovation technologique.

Notre objectif est d’affirmer notre volonté de permettre le dialogue en faveur d’un principe essentiel auquel il est nécessaire de donner une définition consensuelle et équilibrée afin d’en faire un principe d’action et non un principe d’entrave au progrès et à la croissance qu’il est censé soutenir.

Partageant cet objectif, de nombreuses voix issues de sensibilités politiques diverses se sont exprimées en faveur d’un principe de précaution mieux défini, mieux encadré et plus ouvert afin d’éviter les abus et de lui rendre ses lettres de noblesse.

Dès 2010, dans le cadre des travaux menés par le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) les députés Alain Gest (UMP) et Philippe Tourtelier (PS) rendent un rapport sur l’évaluation de la mise en œuvre de l’article 5 de la Charte de l’environnement relatif à l’application du principe de précaution.5 Les rapporteurs constatent une tendance à élargir l’usage du principe pour l’ensemble des procédés technologiques (même lorsqu’ils sont déjà massivement utilisés comme les nanomatériaux, la téléphonie mobile ou les biotechnologies) et aboutissent à la conclusion que le caractère imprécis de la définition du principe de précaution et l’usage abusif de ce concept juridique pose de nombreux problèmes et représente un risque pour la recherche et le développement des entreprises. Les rapporteurs défendent alors la nécessité d’un « texte de précision » afin d’insister sur le caractère provisoire des mesures de précaution dans le but de ne pas survaloriser le doute et ainsi bloquer l’innovation et le progrès scientifique. Ce rapport aux propositions consensuelles débouche sur une résolution sur la mise en œuvre du principe de précaution. Elle s’inquiétait alors d’une application d’un principe de précaution laissée à la responsabilité de la jurisprudence et par conséquent préconisait, afin d’éviter les contradictions et de donner plus de cohérence au principe, la mise en place d’une procédure d’identification de l’émergence de nouveaux risques pour l’environnement, la santé publique et la sécurité alimentaire. Elle prônait aussi le débat public ouvert et contradictoire afin d’évaluer le risque pour prendre ensuite les mesures proportionnées et provisoires et ce, en promouvant la recherche scientifique permettant de mieux cerné le risque. Cette résolution votée à l’unanimité le 1er février 2012 est restée au stade de la « petite loi ».

Le 5 novembre 2012, sous la présidence de François Hollande, le « pacte pour la compétitivité de l’industrie française » remis par Louis Gallois souligne que non seulement la curiosité dans notre pays s’estompe, mais, plus grave, « la notion même de progrès technique est trop souvent remise en cause à travers une interprétation extensive – sinon abusive – du principe de précaution et une description unilatérale des risques du progrès, et non plus de ses potentialités. »6 De plus, dans un rapport de la commission « Innovation 2030 » remis à François Hollande en octobre dernier, c’est au tour d’Anne Lauvergeon de prôner la création d’un « principe d’innovation » comme pendant du principe de précaution. Cette proposition se justifie entre autres par les problématiques liées à l’exploration du gaz de schiste. En effet, son interdiction au nom du principe de précaution ne permet pas de repérer les gisements ni même d’imaginer des méthodes d’exploration autres que la fracturation hydraulique, ainsi la recherche elle-même est entravée par l’incantation du principe. Six ans plus tôt, Jacques Attali dans son rapport sur la libération de la croissance française avait aussi indiqué que « dans la réalité française, le principe de précaution conduit à des décisions qui sont pénalisantes pour les industriels et, de manière générale, pour l’investissement à long terme ».

D’ailleurs lors d’une allocution en juillet 2013, l’ancien Président de la République Nicolas Sarkozy dénonce un principe de précaution « détourné comme un principe qui interdit ».

Sur les bancs du groupe UMP à l’Assemblée nationale, l’ancien Premier ministre François Fillon se définit comme un « positiviste qui croît en la science, la technologie et le progrès » et s’inquiète de voir cette France qui ne va plus au bout de ses rêves, progressivement se « détourner du progrès et de sa confiance en la science [pour] adhérer à une idéologie de la précaution et du risque zéro. »7 Il prône également la suppression du principe de précaution et sa substitution par un principe de responsabilité.

Rejoignant cette logique et témoignant de cette volonté, Damien Abad et les députés UMP membres des Cadets-Bourbon ont déposé au mois de novembre 2013 une proposition de loi visant à équilibrer le principe de précaution avec le principe d’innovation.8

De plus, l’association « Génération Entreprise-Entrepreneurs Associés » présidée par Olivier Dassault, qui rassemble plus de 130 parlementaires et dont le livre blanc a été remis à Jean-François Copé en décembre 2013, fait sienne ma proposition de loi visant à ôter au principe de précaution sa portée constitutionnelle9 en inscrivant comme proposition n° 17 la suppression du principe de précaution de la Constitution et son remplacement par un principe de responsabilité. L’objectif affiché étant de permettre à la France de retrouver « le chemin du progrès et continuer d’éclairer le monde de ses découvertes et de ses innovations. »

Le 3 décembre 2013, Jean Bizet, sénateur de la Manche, a déposé une proposition de loi constitutionnelle visant à modifier la Charte de l’environnement pour exprimer plus clairement que le principe de précaution est aussi un principe d’innovation. Cette dernière a rassemblé plus d’une cinquantaine de cosignataires.10

Plusieurs élus de l’UDI ont aussi eu l’occasion de s’exprimer sur les dérives du principe de précaution. Ainsi en janvier 2013, dans le cadre des débats parlementaires relatifs à la proposition de loi portant création d’une Haute autorité chargée du contrôle et de la régulation des normes applicables aux collectivités locales, la sénatrice UDI-UC de l’Orne Nathalie Goulet constatait qu’aujourd’hui « le fameux principe de précaution se transforme à tel point en cauchemar pour nos collectivités que, parfois, on a du mal à établir une hiérarchie entre les normes qui relèvent de la nécessité et celles qui sont superflues, sans parler de celles qui sont obsolètes. »11 Le droit français cohérent, intelligible et précis souffre désormais d’une complexité asphyxiante pour l’économie et l’action publique et le principe de précaution en porte sa part de responsabilité. Autre exemple, en mai 2014 lors de la discussion sur la proposition de loi relative à l’interdiction de la mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié, Jean-Jacques Lasserre, sénateur UDI-UC des Pyrénées-Atlantiques, s’inquiète d’une France qui se prive du progrès et de la recherche tandis que de nombreux pays d’Europe et de par le monde ont une attitude diamétralement opposée. Il réaffirme que « le principe de précaution n’est pas et ne doit pas être synonyme de stagnation ! » et indique que « la mesure du risque doit être, et peut être encore mieux appréhendée »12 afin de ne pas se contenter d’une prohibition systématique.

Cette volonté politique est donc partagée par nombre de nos collègues et est particulièrement consensuelle dans les rangs de l’UMP. Elle est aujourd’hui soutenue par les rapports de nombreux acteurs de la société civile et d’institutions comme celui du CESE de décembre 2013 pour lequel le principe de précaution peut être considéré comme un « élément moteur de l’innovation […] lorsque que les conditions de sa juste application sont réunis. »13

C’est donc au nom de cet objectif commun que nous devons préciser le principe de précaution non pour s’en détourner mais pour le renforcer et l’adapter au contexte économique et social afin qu’il n’entrave pas l’innovation. C’est pourquoi il est urgent de rendre au législateur le pouvoir de le définir, pouvoir dont nous prive la constitutionnalisation du principe. La sacralisation du principe de précaution par son inscription dans la Constitution ne permet plus au législateur de remplir sereinement ses fonctions de maître d’œuvre, car elle fige un principe qui aurait dû être dynamique, qui aurait dû être un principe d’action.

En ôtant au principe de précaution sa portée constitutionnelle, ce ne sont pas l’existence ni l’utilité de ce dernier qui est remis en cause mais son positionnement dans la hiérarchie des normes en droit français. Le principe de précaution reste d’ailleurs un dispositif juridique à part entière.14

En ôtant au principe de précaution sa portée constitutionnelle, on ne met donc pas un terme au principe mais on donne au Parlement, à la représentation de nationale l’occasion de mieux le définir et ainsi de le renforcer et de le rendre plus incontestable qu’il ne l’est.

C’est pourquoi j’avais déposé en juillet 2013 une première version de cette proposition de loi constitutionnelle, version qui avait alors recueillie près de 90 cosignataires. Cette nouvelle version a l’exposé des motifs reformulé et densifié à partir des remarques qui m’ont été adressées, veut incarner notre volonté commune.

Parce qu’il est nécessaire de soutenir la compétitivité et le progrès en donnant aux entreprises qui investissent dans la R & D et qui investissent dans notre pays une stabilité et une sécurité réglementaire, parce qu’il est urgent de donner un signal fort pour renouer avec la confiance et redonner aux Français l’espoir en l’avenir, il nous faut encourager une société qui ose et une société qui innove. Il faut revaloriser la prise de risque pour que la France prenne des risques dont le risque de réussir.

En déposant cette proposition de loi constitutionnelle, j’invite à ouvrir le débat, à redonner la parole aux Français et à leurs représentants, car comme le rappelle Louis Gallois, « le principe de précaution doit servir à la prévention ou à la réduction des risques, non à paralyser la recherche ; il doit, au contraire, la stimuler ».15

Tel est l’objectif de cette proposition de loi constitutionnelle.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Article unique

Le seizième alinéa de l’article 2 de la loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l’environnement est supprimé.

1  Loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement.

2  Loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005, loi constitutionnelle relative à la Charte de l’environnement.

3  Idem.

4  « Le principe de précaution : quatre ans après sa constitutionnalisation », rapport du député Claude BIRRAUX et du sénateur Jean-Claude ETIENNE fait au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques en octobre 2009.

5  Rapport d’information d’Alain Gest et Philippe Tourtelier fait au nom du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l’évaluation de la mise en œuvre de l’article 5 de la charte de l’environnement relatif à l’application du principe de précaution, 8 juillet 2010.

6  Voir la page 39 du pacte pour la compétitivité de l’industrie française concernant la situation de l’économie française et la compétitivité de ses différents secteurs d’activité, novembre 2012.

7  Dans un entretien exclusif accordé à Paris Match (27 août 2013).

8  Proposition de loi constitutionnelle de M. Damien ABAD et plusieurs de ses collègues visant à équilibrer le principe de précaution avec le principe d’innovation, n° 1580, déposée le 26 novembre 2013.

9  Proposition de loi constitutionnelle d’Éric WOERTH et de plusieurs de ses collègues visant à ôter au principe de précaution sa portée constitutionnelle, n° 1242, déposée le 10 juillet 2013.

10  Proposition de loi constitutionnelle visant à modifier la Charte de l’environnement pour exprimer plus clairement que le principe de précaution est aussi un principe d’innovation de M. Jean BIZET et plusieurs de ses collègues, déposé au Sénat le 3 décembre 2013.

11  Intervention en séance du 28 janvier 2013.

12  Intervention en séance du 5 mai 2014.

13  « Principe de précaution et dynamique d’innovation », étude du Conseil économique, social et environnemental présentée par Alain Feretti, rapporteur au nom de la délégation à la prospective et à l’évaluation des politiques publiques (décembre 2013).

14  Rappelons que la notion est inscrite dans le code l’environnement par la Loi Barnier (1995) et que le principe existe dans le Traité de Maastricht (1992) ainsi que dans l’article 15 de la « Déclaration de Rio ».

15  Voir page 39 du Pacte pour la compétitivité de l’industrie française, novembre 2012.


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