N° 2082 - Proposition de loi de M. Jean-Charles Taugourdeau visant à encadrer le droit de grève



N° 2082

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 juillet 2014.

PROPOSITION DE LOI

visant à encadrer le droit de grève,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Messieurs

Jean-Charles TAUGOURDEAU, Bernard ACCOYER, Marc LE FUR, Patrice MARTIN-LALANDE, Jean-Pierre DOOR, Yves FROMION, Élie ABOUD, Denis JACQUAT, Philippe Armand MARTIN, Lucien DEGAUCHY, Patrick BALKANY, Fernand SIRÉ, Jacques Alain BÉNISTI, Lionel TARDY, Paul SALEN, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Jean-Paul TUAIVA, Bernard BROCHAND, Alain MOYNE-BRESSAND, Édouard COURTIAL, Jean-Pierre DECOOL, Patrick HETZEL, Patrick LABAUNE, Philippe GOSSELIN, Yannick MOREAU, Alain CHRÉTIEN et Alain SUGUENOT,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le droit de grève est prévu dans tous les États. Au-delà de nos frontières ce droit reconnu peut être réglementé et encadré.

C’est le cas, par exemple, en Allemagne où le droit de grève est totalement encadré. La grève n’est légale que dans les cas où elle porte sur les conditions de travail définies dans les conventions d’entreprise ou de branche.

Par conséquent, toute grève de nature « politique » contre des lois discutées au Parlement ou projetées par le gouvernement ainsi que toute grève de « solidarité » sont illégales et peuvent être sanctionnées par une mesure de licenciement.

L’exercice du droit de grève est enserré dans des procédures extrêmement strictes. La grève ne peut intervenir qu’au moment et dans le cadre de la renégociation des conventions d’entreprise ou de branche entre les organisations syndicales et patronales et après un premier cycle infructueux de négociations.

Par ailleurs, le droit de grève est interdit aux fonctionnaires en Allemagne. Même lorsque les fonctionnaires de la Deutsche Bahn ont été passés sous statut privé, le droit de grève a continué à leur être interdit.

Cela explique qu’il n’y ait eu qu’à peine plus de 3 jours de grève en Allemagne en moyenne de 2001 à 2006, contre trente fois plus en France, où en 2008 plus de 1,8 million de journées de travail ont été perdues. Des chiffres de nature à faire rêver les usagers français des services publics.

En Espagne et en Grande-Bretagne, les grèves à caractère politique sont interdites, tandis que les grèves dites « de solidarité », consistant à cesser le travail en vue de soutenir une revendication professionnelle ou économique concernant des groupes autres que ceux qui sont en grève, font l’objet de réglementations très strictes.

De même, dans certains pays, la décision de faire la grève doit être votée à bulletin secret pour éviter les pressions sur les salariés.

Il n’y a qu’en France et en Italie qu’un syndicat peut, à lui seul, décider d’une grève et bloquer tout un pays.

Emmenés très souvent par des syndicats jusqu’au-boutistes pour lesquels toute « réforme » fait peur, les grévistes, forts de leur pouvoir de blocage de la société, n’hésitent pas à prendre en otage des millions de salariés, d’entreprises, de touristes fragilisant ainsi la compétitivité de la France mais aussi son image donc son attractivité économique.

Les grèves revêtent en France un caractère largement politique visant à déstabiliser un gouvernement, une majorité. Les syndicats allant même jusqu’à utiliser le « droit de retrait » dans la fonction publique de façon détournée pour faire grève illégalement sans préavis…

Les progrès réalisés en France quant à l’exercice du dialogue social et à la continuité du service public restent malheureusement bien fragiles : une procédure d’alerte à la RATP, instauration d’un service minimum est difficilement mis en place… etc.

Par ailleurs, il semble opportun de rappeler que la démocratie ne se fait pas dans la rue. Mais qu’en revanche, la démocratie s’exerce au nom du peuple par le biais des représentants qu’il a élus. Il est inconcevable de laisser perdurer des situations qui laisseraient croire que la règle serait devenue la démocratie horizontale, où la recherche de consensus est la norme. Mais où surtout le consensus est d’être d’accord avec la minorité, qui n’est d’accord avec personne !

Cette conception de la démocratie est en vérité un déni de démocratie que les représentants de la Nation doivent dénoncer.

C’est pourquoi, compte tenu, au surplus, des conséquences dramatiques, à tous les niveaux, des conflits sociaux français, il convient de mieux encadrer le droit de grève, particulièrement dans le service public, en le subordonnant strictement à la défense des conditions de travail.

Ces dispositions suppriment de facto les grèves dites « politiques » ou de « solidarité » en conditionnant les motifs du recours à la grève prévus au nouvel article à l’article L. 2511-1 du code du travail.

Ensuite, il est proposé, ce pour limiter l’appropriation d’un mouvement social par une poignée de grévistes et par conséquent de limiter les pressions sur les salariés, que le recours à la grève fasse l’objet d’un vote à bulletin secret et sous réserve que 50 % au moins des salariés de l’entreprise s’y déclarent favorables.

Cet encadrement, certes plus strict mais néanmoins nécessaire au bon fonctionnement des services publics, est en totale cohérence avec les évolutions récentes en la matière. En particulier, il vient compléter les règles déjà mises en place au niveau du service minimum adoptées par la précédente majorité.

Tels sont, Mesdames, Messieurs, les objectifs de la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’article L. 2511-1 du code du travail est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« L’exercice du droit de grève ne peut porter que sur les conditions de travail définies dans les protocoles d’accord, conventions d’entreprise ou de branche. » ;

2° Le dernier alinéa est supprimé.

Article 2

L’article L. 1114-6 du code des transports est ainsi modifié :

1° La première phrase est ainsi rédigée :

« Dès le dépôt de préavis de la grève, l’employeur décide d’une consultation ouverte aux salariés concernés par les motifs de la grève et portant sur l’opportunité de celle-ci. » ;

2° La dernière phrase est ainsi rédigée :

« Pour être légale, la grève doit être votée par un scrutin organisé à bulletin secret et sous réserve que 50 % au moins des salariés de l’entreprise s’y déclarent favorables. »


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