N° 2314 - Proposition de loi de M. Dominique Le Mèner visant à lutter contre l'obsolescence programmée



N° 2314

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 octobre 2014.

PROPOSITION DE LOI

visant à lutter contre l’obsolescence programmée,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Dominique LE MÈNER, Dino CINIERI, Jean-Sébastien VIALATTE, Patrice MARTIN-LALANDE, Xavier BRETON, Marc LAFFINEUR, Didier QUENTIN, Jérôme CHARTIER, Nicolas DHUICQ, Bernard DEBRÉ, Jean-Louis CHRIST, Alain LEBOEUF, Alain MARTY, Philippe GOSSELIN, Franck GILARD, Michel HEINRICH, Virginie DUBY-MULLER, Lionnel LUCA, Arlette GROSSKOST, Valérie LACROUTE, Marie-Louise FORT, Bernard PERRUT, Marie-Christine DALLOZ, Claude STURNI, Élie ABOUD, Alain SUGUENOT, Frédéric REISS, Jean-Pierre GORGES,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’urgence écologique doit toutes et tous nous interpeller et nous faire prendre conscience de la nécessité de changer nos habitudes de consommation. Les politiques publiques se doivent d’impulser de nouvelles pratiques, en phase avec les défis qui nous attendent, liés à l’augmentation de la population mondiale, l’épuisement et la finitude des ressources naturelles, l’accroissement de la production de déchets et la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre.

La pratique de l’obsolescence programmée, qui se définit comme « un stratagème par lequel un bien voit sa durée de vie sciemment réduite dès sa conception, limitant ainsi sa durée d’usage pour des raisons de modèle économique », vise en fait toutes les pratiques qui contraignent le consommateur à renouveler l’achat de biens courants, que ce soit pour un motif matériel, technologique ou esthétique.

Symbole d’une certaine dérive de notre société de consommation, elle porte en elle un triple préjudice : d’abord pour la nature, à travers la surexploitation des ressources non renouvelables ; ensuite pour l’environnement, du fait de l’accroissement de la quantité de déchets ; enfin pour le consommateur, car elle nuit fortement à son pouvoir d’achat.

Selon les spécialistes, on change de « smartphone » tous les 18 mois environ, un écran plasma se détériore au bout de 6 ans seulement, un réfrigérateur est censé durer 10 ans, soit 1 an de moins qu’en 1980, et les imprimantes sont programmées pour s’user au bout d’un certain nombre de copies imprimées. Autant d’exemples qui peuvent nous faire réfléchir à une autre logique de consommation.

Si elle profite évidemment aux entreprises qui mettent en place cette pratique dans leur processus de commercialisation, l’obsolescence programmée bénéficie surtout aux groupes internationaux dont l’essentiel de la production est délocalisé dans des pays à main d’œuvre bon marché, et donc peu pour notre pays. Cependant, la France devrait pouvoir tirer profit d’une solution alternative à cette pratique par le biais notamment de la réparation, vecteur de créations d’emplois non délocalisables.

Le Sénat belge a ainsi adopté, le 2 février 2012, une résolution visant à lutter contre ce que l’on peut également appeler la « désuétude planifiée ». Plus récemment, le Conseil économique et social européen a voté, le 17 octobre 2013 en séance plénière, un avis condamnant les pratiques d’obsolescence programmée. La France ne peut donc pas rester immobile face à cette prise de conscience générale.

C’est l’objectif de cette proposition de loi, qui vise à promouvoir un autre rapport à la consommation, plus adapté aux défis du XXIsiècle, dans le but d’une préservation des intérêts écologiques et du pouvoir d’achat des consommateurs.

L’article 1 vise à donner à cette pratique un cadre juridique clair en la définissant et en y appliquant des peines dissuasives.

L’article 2 instaure un allongement de la durée légale de conformité. Actuellement de 2 ans, celle-ci serait alors portée à 5 ans, ce qui ne serait pas excessivement contraignant pour les producteurs et permettrait au consommateur de gagner en pouvoir d’achat, grâce à un effet bénéfique sur la concurrence.

L’article 3 est lié au précédent puisqu’il permet un allongement de 6 mois à 1 an de la période pendant laquelle les défauts de conformité qui apparaissent à partir de la délivrance sont présumés exister au moment de celle-ci, sauf preuve contraire. Ainsi, le fabricant aura tout intérêt à produire des biens plus fiables étant donné qu’il aura la charge de la preuve de ce défaut de conformité.

L’article 4 traduit la logique voulue par ce texte. Il vise en effet à promouvoir la réparation des produits concernés. Cela permettrait aussi et surtout de favoriser ce secteur, source d’emplois non délocalisables. Cet article encourage donc la mise à disposition de pièces détachées, essentielles au fonctionnement des produits, dans un délai d’un mois et pendant une période de 10 ans.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Après la section 2 du chapitre III du titre Ier du livre II du code de la consommation, il est inséré une section II bis ainsi rédigée :


« Section II bis


« Obsolescence programmée

« Art. L. 213-4-1. – I. – L’obsolescence programmée se définit par tout stratagème par lequel un bien voit sa durée de vie sciemment réduite dès sa conception, limitant ainsi sa durée d’usage pour des raisons de modèle économique.

« II. – Les faits mentionnés au I sont punis d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 37 500 euros ou de l’une de ces deux peines. »

Article 2

L’article L. 211-12 du code de la consommation est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ce délai est porté à cinq ans à compter du 1er janvier 2016. »

Article 3

Le premier alinéa de l’article L. 211-7 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ce délai est porté à un an à compter du 1er janvier 2015. »

Article 4

I. – L’article L. 111-1 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette période ne peut être inférieure à dix ans à compter de la date de vente du bien ».

II. – Après la section 6 du chapitre Ier du titre Ier du livre II du même code, il est inséré une section 7 ainsi rédigée :


« Section 7


« Remplacement des pièces essentielles

« Art. L. 211-23. – Dans une période de dix ans à compter de la date de la vente du bien, les pièces indispensables à son utilisation sont disponibles sur le marché dans un délai d’un mois à compter de la demande effectuée par le consommateur.

« Art. L. 211-24. – Les fabricants rendent disponibles les notices de réparation des produits. »


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