N° 2420 - Proposition de loi de Mme Marie-Jo Zimmermann rétablissant une circonscription unique pour l'élection des représentants français au Parlement européen et supprimant le seuil de 5% pour la répartition des sièges



N° 2420

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 décembre 2014.

PROPOSITION DE LOI

rétablissant une circonscription unique pour l’élection
des représentants français au Parlement européen et supprimant le seuil de 5 % pour la répartition des sièges,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Marie-Jo ZIMMERMANN,

députée.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Alors que la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 disposait que le territoire de la République formait une circonscription unique pour l’élection des députés européens, la loi n° 2003-327 du 11 avril 2003 a découpé le territoire national en huit circonscriptions soi-disant, dans le but de rapprocher les élus des électeurs et de favoriser la participation électorale.

Ces objectifs n’ont pas été atteints. Les circonscriptions vastes et artificielles créées par la loi n’ont pas assuré une plus grande responsabilité des élus devant les électeurs. La plupart des citoyens ignorent quels sont les parlementaires européens représentant leur circonscription. Il faut admettre qu’une circonscription allant de Chartres au Puy-en-Velay (circonscription « Massif central-Centre ») ou de Cherbourg à Valenciennes (circonscription « Nord-Ouest ») ne peut guère avoir de signification pour le citoyen.

Loin de se renforcer, la participation aux élections européennes a diminué, passant de 46,8 % avant la réforme à 42,8 % à l’élection suivante (2004), puis à 40,6 % à l’élection de 2009.

Le découpage des circonscriptions n’est donc pas parvenu à donner aux parlementaires européens un ancrage territorial. Il s’est accompagné d’une baisse de la participation alors même que l’enjeu des élections européennes devenait plus important, le Parlement de Strasbourg ayant reçu des pouvoirs plus étendus.

En revanche, ce découpage a marqué un recul du pluralisme. Le seuil de 5 % des voix pour participer à la répartition des sièges, introduit sous le régime de la circonscription unique, a été théoriquement maintenu. Toutefois, la répartition des 74 sièges en huit circonscriptions fait qu’en pratique ce seuil est nettement plus élevé.

Répartition des sièges entre les circonscriptions :

- 10 sièges pour la circonscription du Nord-ouest, qui regroupe la Basse-Normandie, la Haute-Normandie, le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie ;

- 9 sièges pour la circonscription de l’Ouest, composée de la Bretagne, des Pays de la Loire et du Poitou-Charentes ;

– 9 sièges pour la circonscription de l’Est, soit les régions Alsace, Bourgogne, Champagne-Ardenne, Lorraine et Franche-Comté ;

- 10 sièges pour la circonscription Sud-Ouest, à savoir les régions Aquitaine, Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées ;

- 13 sièges pour la circonscription Sud-Est, soit les régions Corse, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Rhône-Alpes ;

- 5 sièges pour la circonscription Massif central–Centre, composée de l’Auvergne, du Limousin et du Centre ;

- 15 sièges pour la circonscription Île-de-France, qui correspond à cette région et aux Français établis hors de France ;

- 3 sièges pour la circonscription Outre-Mer, qui regroupe Saint-Pierre-et-Miquelon, la Guadeloupe, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, la Martinique, la Guyane, la Réunion, Mayotte, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis et Futuna.

La fixation d’un seuil de représentativité est un correctif majoritaire à la représentation proportionnelle. Il peut être justifié d’un point de vue démocratique, dès lors qu’il s’agit de dégager une majorité de gouvernement ou de gestion. Toutefois, ce n’est pas le cas du Parlement européen, lequel reflète la diversité politique européenne et ne procède pas d’une logique de majorité gouvernementale.

En conséquence, rien ne justifie d’appliquer aux élections européennes des règles conduisant à réduire le pluralisme de la représentation. C’est ce qu’a reconnu la Cour constitutionnelle allemande dans un arrêt rendu le 26 février dernier.

Jusqu’aux dernières élections européennes, en 2009, un seuil de 5 % s’appliquait en Allemagne pour participer à la répartition des sièges. Dans une décision rendue le 9 novembre 2011, la Cour de Karlsruhe a jugé ce seuil contraire à la loi fondamentale, car méconnaissant les principes d’égalité des citoyens devant la loi électorale et d’égalité de traitement des partis politiques.

Pour tenir compte de cet arrêt, le Parlement allemand a abaissé le seuil à 3 %. C’est ce nouveau seuil qui vient d’être censuré, la Cour ayant jugé en substance qu’une différenciation entre les suffrages, quelle qu’elle soit, ne pouvait se justifier que si elle était nécessaire à la formation d’une majorité de gouvernement, ce qui en l’occurrence n’était pas le cas.

Ce raisonnement s’appuie sur des principes démocratiques généraux dont on voit mal pourquoi ils ne s’appliqueraient pas au cas de la France.

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Ainsi, le découpage du territoire national en circonscriptions pour les élections européennes n’a atteint aucun de ses objectifs. Cette solution a éloigné la France du modèle généralement retenu en Europe puisque seuls l’Irlande, le Royaume-Uni et la Belgique ont un système analogue à celui de la France. De plus, chacun convient qu’une procédure harmonisée serait souhaitable.

Il convient donc de revenir à la circonscription nationale unique. Le Sénat s’est au demeurant déjà prononcé en ce sens en juin 2010. Par ailleurs, l’existence d’un seuil pour la répartition des sièges doit être supprimée car elle n’a aucune justification. Tel est le sens de la présente proposition de loi :

- L’article 1er supprime l’existence des circonscriptions et d’un seuil pour la répartition des sièges aux élections européennes ;

- L’article 2 rétablit une circonscription nationale unique ;

- L’article 3 abroge les dispositions précisant le découpage en circonscriptions et rétablit le plafond des dépenses électorales antérieur à ce découpage.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’article 3 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « , par circonscription, » sont supprimés ;

2° À la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « , dans la circonscription, » sont supprimés.

Article 2

L’article 4 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 précitée est ainsi rédigé :

« Art. 4. – Le territoire de la République forme une circonscription unique. »

Article 3

La loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 précitée est ainsi modifiée :

1° L’article 3-1 est abrogé ;

2° L’article 9 est ainsi modifié :

a) Les deux premières phrases du premier alinéa sont remplacées par une phrase ainsi rédigée :

« La déclaration de candidature résulte du dépôt au ministère de l’intérieur d’une liste comprenant autant de candidats qu’il y a de sièges à pourvoir. » ;

b) Le quatrième alinéa est supprimé ;

c) Le 2° devient le 1° et le 3° devient le 2° ;

3° L’article 19 est ainsi modifié :

a) Le troisième alinéa est supprimé ;

b) À la fin de la première phrase du quatrième alinéa, les mots : « dans au moins cinq circonscriptions » sont supprimés ;

4° Au I de l’article 19-1, le montant : « 1 150 000 euros » est remplacé par le montant : « 8 500 000 € » ;

5° Le II de l’article 19-1, l’article 24-1, le dernier alinéa de l’article 26 et l’article annexe sont abrogés.


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