N° 2518 - Proposition de loi de M. Roger-Gérard Schwartzenberg visant à garantir le droit d'accès à la restauration scolaire



N° 2518

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 janvier 2015.

PROPOSITION DE LOI

visant à garantir le droit d’accès à la restauration scolaire,

(Renvoyé à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Roger-Gérard SCHWARTZENBERG,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Dans les années récentes, plusieurs communes ont refusé le droit d’accès aux cantines scolaires aux élèves dont au moins l’un des parents n’exerçait pas d’activité professionnelle. En estimant que celui-ci pouvait prendre en charge le repas de midi de son ou de ses enfants.

Ces communes invoquent généralement ou prétextent le nombre limité de places disponibles dans leurs cantines scolaires et l’insuffisance de moyens financiers pour agrandir ces locaux ou en construire de nouveaux. Au lieu d’agir concrètement pour faire face à une demande croissante. Au lieu d’aménager ces structures pour répondre effectivement aux besoins. Elles choisissent donc de ne pas accueillir la totalité des élèves dont les parents ont demandé l’inscription à la restauration scolaire et de restreindre l’accès à ce service public selon des critères discriminatoires.

Le plus souvent, ce refus d’accès concerne des élèves dont l’un des parents au moins est au chômage. Ce qui revient à discriminer, voire à stigmatiser des familles déjà en difficulté.

Ce problème devient d’une importance croissante avec la forte montée du chômage, qui atteint désormais un niveau très élevé. Fin novembre 2014, Pôle emploi a enregistré en métropole 3,49 millions de demandeurs d’emploi sans aucune activité. En incluant l’outre-mer, l’on compte 3,75 millions de chômeurs dans cette situation. Avec ceux ayant exercé une petite activité, le nombre s’élève à 5,48 millions en métropole et outre-mer.

Le plus souvent, les communes qui n’accueillent pas les enfants de chômeurs invoquent une prétendue disponibilité de ceux-ci. Pourtant, la recherche d’un emploi nécessite un investissement de temps. Pourtant, les chômeurs ont une obligation de disponibilité dans la recherche d’un travail, obligation qui conditionne leur inscription ou leur maintien sur les fichiers de Pôle emploi.

Certes, la restauration scolaire n’est pas une compétence obligatoire des communes (article L. 2321-2 du code général des collectivités territoriales) et a pour elles un caractère facultatif. Mais quand celles-ci en ont décidé la création, il s’agit alors d’un service public annexe au service public d’enseignement. Dès lors, la restauration scolaire est soumise au principe d’égalité, auquel le Conseil constitutionnel reconnaît une valeur constitutionnelle depuis 1973 et qui implique notamment l’égalité des usagers devant le service public.

De même, la jurisprudence administrative est constante à cet égard.

Ainsi, le 16 novembre 1993, le tribunal administratif de Versailles a jugé que « l’accès des élèves à la cantine scolaire ou leur maintien au sein de ce service ne peut être subordonné à la production par les parents de documents qui ne sont pas nécessaires à la bonne marche du service… L’exigence d’un tel document instaure, pour l’accès à la cantine scolaire, une discrimination entre les élèves suivant que leurs parents ont un emploi salarié ou non… La mesure attaquée porte ainsi atteinte au principe d’égalité entre les usagers du service public ».

La même position a été prise par le tribunal administratif de Marseille le 25 novembre 1995.

Le 23 octobre 2009, le Conseil d’État confirme cette jurisprudence, en statuant sur le rejet par le juge des référés du tribunal administratif de Lyon de la demande de fédérations de parents d’élèves tendant à la suspension de l’exécution de la délibération du 26 mars 2009 par laquelle le conseil municipal de la commune d’Oullins a modifié le règlement du service de la restauration scolaire.

Selon cette modification, seuls auraient pu déjeuner à la cantine tous les jours les enfants dont les deux parents travaillaient, les autres ne pouvant être accueillis qu’une fois par semaine, dans la limite des places disponibles.

Le Conseil d’État a suspendu l’exécution de la délibération par laquelle le conseil municipal de la commune d’Oullins avait ainsi modifié le règlement concernant l’accès des enfants au service de la restauration scolaire. En précisant dans l’un de ses considérants : « Cette délibération interdit illégalement l’accès au service public de la restauration scolaire à une partie des enfants scolarisés, en retenant au surplus un critère de discrimination sans rapport avec l’objet du service public en cause. »

Toutefois, malgré cette jurisprudence constante du juge administratif au cours des deux dernières décennies, les atteintes au principe d’égalité des usagers de la restauration scolaire se manifestent périodiquement dans plusieurs communes. Afin d’éviter cette situation, il importe que le législateur intervienne et inscrive dans la loi les principes posés clairement par le juge, pour assurer leur caractère obligatoire.

L’objet de la présente proposition de loi est donc de compléter le chapitre Ier du titre III « L’obligation scolaire, la gratuité et l’accueil des élèves des écoles maternelles et élémentaires » du code de l’éducation par un article instaurant un droit d’accès à la restauration scolaire, afin que tous les enfants scolarisés, sans distinction, puissent bénéficier de ce service lorsqu’il existe.

On ne peut admettre une discrimination, fondée sur la situation professionnelle des parents, qui séparerait les élèves les uns des autres au moment du déjeuner, qui mettrait à l’écart les plus défavorisés.

Le rôle de l’école n’est évidemment pas d’ajouter la difficulté à la difficulté, mais d’accueillir chacun et de garantir l’égalité républicaine.

De plus, dans notre pays, sixième puissance économique mondiale, 8 600 000 personnes, soit 14 % de la population, vivent sous le seuil de pauvreté, dont 2 700 000 enfants, c’est-à-dire un enfant sur cinq. Selon une enquête de l’UNICEF, avec la crise, la France comptait 440 000 enfants pauvres de plus en 2012 qu’en 2008. Pour ces enfants très démunis, le seul vrai repas de la journée est souvent le repas à la cantine scolaire.

On ne peut laisser des enfants de chômeurs à la porte des cantines scolaires et à l’écart de leurs camarades de classe. Cette discrimination ne peut être admise. La République, c’est avant tout la solidarité, la fraternité.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Le chapitre Ier du titre III du livre Ier du code de l’éducation est complété par un article L. 131-13 ainsi rédigé :

« Art. L. 131-13. – L’inscription à la cantine, lorsque ce service existe, est un droit pour tous les enfants scolarisés. Il ne peut être établi aucune discrimination selon la situation de leur famille.

« Ce droit concerne le repas du midi pour les jours scolaires. »

Article 2

Les charges qui pourraient résulter pour les communes de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Les charges qui pourraient résulter pour les organismes sociaux de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


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