N° 2681 - Proposition de loi de Mme Arlette Grosskost relative à la place du droit local alsacien-mosellan dans notre ordre juridique



N° 2681

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 mars 2015.

PROPOSITION DE LOI

relative à la place du droit local alsacien-mosellan
dans notre ordre juridique,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Arlette GROSSKOST,

députée.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La suppression de la clause de compétence générale pour les régions et les départements, pose la question du renforcement des compétences des régions et des départements en matière de soutien au droit local.

Les compétences pour abroger ou modifier le droit local alsacien-mosellan appartiennent au législateur ou au pouvoir réglementaire.

Loin de constituer une menace pour la République, l’expérience de la diversité normative de l’Alsace-Moselle pourrait constituer un modèle pour l’organisation territoriale de notre République et répondre aux attentes d’autres régions, qu’il s’agisse de la Bretagne, de l’Aquitaine ou du Languedoc-Roussillon et de Midi-Pyrénées.

Aujourd’hui, l’unité législative n’est plus considérée comme un corollaire de l’unité et de l’indivisibilité de la République.

Evalué à près de 5 % de la législation applicable en Alsace-Moselle, le droit local règlemente de multiples aspects de la vie des trois départements de l’Est et contribue à leur prospérité économique et à leur cohésion sociale.

Depuis la décision du 25 février 1982 du Conseil Constitutionnel, il est clairement admis que pour des motifs d’intérêt général des dispositions spécifiques peuvent être appliquées par le législateur dans certains territoires.

Au début des années 2000, dans le prolongement du rapport Mauroy-Raffarin, notre ancien collègue Pierre Méhaignerie, avait déjà porté ce débat de la territorialisation du droit avec sa proposition du 24 mars 2000 tendant à introduire dans la Constitution un droit à l’expérimentation pour les collectivités locales.

Certains des aspects de sa proposition ont d’ailleurs été repris dans la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République portée par Jean-Pierre Raffarin, avec l’article 72 alinéa 3 de la Constitution, qui ouvre une voie, certes étroite, à une diversification territoriale de la norme juridique.

La décision 2011-157 QPC du 5 août 2001 et la décision 2012-297 du Conseil Constitutionnel relatives au droit alsacien-mosellan ont pour leur part consacré récemment l’existence des règles particulières à certains territoires.

L’Alsace-Moselle, dont l’intégration dans la République n’est plus à démontrer en cette année de célébration du centenaire de la Grande Guerre, est depuis près d’un siècle un véritable laboratoire de la territorialisation du droit.

Si nous souhaitons réellement que les grandes régions créées par la loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 soient des régions innovantes, capables de porter des projets de soutenir des initiatives, de répondre aux attentes de leurs habitants et des entreprises, n’est-il pas cohérent d’envisager de manière plus concrète la territorialisation du droit dans le cadre de notre république ?

Les grandes régions sont un cadre et les compétences dont elles disposent et les moyens juridiques dont elles peuvent user seront, si nous avons le courage de l’envisager dans les textes à venir, les outils de leur réussite.

En premier lieu la loi peut affirmer la volonté du législateur de légitimer l’existence de ce droit local. Il peut reconnaître que le droit local correspond à une situation particulière des départements concernés dont la prise en compte est conforme au principe constitutionnel d’égalité.

En deuxième lieu, il peut reconnaître aux collectivités territoriales dont le ressort est concerné par le droit local la compétence d’apporter un soutien notamment financier aux activités de suivi, d’information et d’étude relatives au droit local. Il s’agit notamment d’éviter que la perte de la clause de compétence générale aboutisse à une limitation des possibilités de soutien apporté à la gestion du droit local pour les régions et les départements.

Enfin, la loi peut reconnaître à la ou aux régions concernées par le droit local la compétence de demander des adaptations législatives ou règlementaires selon des modalités comparables à celles attribuées à la collectivité territoriale corse.

Tels sont, Mesdames, Messieurs, les objectifs de la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Le titre II du livre IV du code général des collectivités territoriales est complété par un chapitre VII intitulé : « Droit local alsacien-mosellan » et comprenant un article L. 1427-1 ainsi rédigé :

« Le droit particulier aux départements de la Moselle, du Bas Rhin et du Haut Rhin prend en compte la situation particulière de ces départements du point de vue culturel, historique et géographique.

« Les collectivités territoriales ont compétence pour développer et financer des mesures concernant l’information, la documentation et les études relatives à ce droit particulier.

« Les régions sur le territoire desquelles ce droit local trouve application peuvent présenter des propositions tendant à modifier ou à adapter ces dispositions. Ces propositions sont adressées au Premier ministre et au représentant de l’État dans la région ».

Article 2

La charge par les collectivités territoriales est compensée par une majoration à due concurrence et la dotation globale de fonctionnement, corrélativement pour l’État par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


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