N° 2715 - Proposition de loi de M. Michel Lesage visant à la mise en œuvre effective du droit humain à l'eau potable et à l'assainissement



N° 2715 (rectifié)

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 avril 2015.

PROPOSITION DE LOI

visant à la mise en œuvre effective du droit humain à l’eau potable et à l’assainissement,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire,
à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Michel LESAGE, Jean GLAVANY, Jean-Paul CHANTEGUET, Marie-George BUFFET, François-Michel LAMBERT, Bertrand PANCHER, Stéphane SAINT-ANDRÉ,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi instituant le droit à l’eau comme un droit fondamental des citoyens constitue l’aboutissement d’une réflexion menée depuis près de deux ans par de nombreuses associations et organisations non gouvernementales humanitaires, caritatives et environnementales, regroupées au sein d’une plateforme coordonnée par la fondation France Libertés et la Coalition Eau. Tous les principaux acteurs de l’eau ont également été associés à la réflexion.

Ceci explique que cette proposition de loi soit aujourd’hui signée par plusieurs parlementaires, dans le cadre d’une démarche transpartisane. Elle vise notamment à reconnaître le droit de l’homme à l’eau, à permettre que les personnes les plus vulnérables non raccordées au réseau aient accès aux équipements sanitaires indispensables et à mettre en place une aide préventive pour l’eau pour les ménages en situation de précarité.

L’indispensable reconnaissance du droit de l’homme à l’eau

L’ensemble des acteurs sociaux, syndicaux, associatifs et politiques sont aujourd’hui unanimes pour constater que le droit d’accès à l’eau, s’il bénéficie d’une reconnaissance de principe dans plusieurs textes, n’est pas véritablement effectif.

La question de la reconnaissance et de la mise en œuvre du droit à l’eau caractérise la capacité de nos sociétés à répondre aux besoins élémentaires des populations. Le droit à l’eau traduit deux exigences, celle que chaque être humain dispose de suffisamment d’eau pour satisfaire ses besoins fondamentaux et celle de la réalisation d’un équipement garantissant à chacun l’hygiène, la santé, la salubrité et la dignité.

L’article L. 210-1 du code de l’environnement, issu de l’article 1er de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques, dite « LEMA », prévoit aujourd’hui que « chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d’accéder à l’eau potable, dans des conditions économiquement acceptables par tous ». Le droit à l’eau au sens de la Résolution de l’Assemblée générale des Nations-unies du 28 juillet 2010 n’est pas encore formellement reconnu en France comme un droit de l’homme.

Si l’eau potable coule aujourd’hui, à tout moment, au robinet de 99 % des logements équipés avec accès au service, la situation n’est en revanche pas satisfaisante pour les plus démunis –car l’eau a un coût, donc un prix– et pour les personnes qui n’ont pas d’accès direct à l’eau ou vivent dans des habitats précaires.

Si la facture d’eau et d’assainissement représente 1,25 % du revenu disponible moyen d’un ménage, près d’un million de ménages n’ont accès à l’eau qu’à un prix considéré comme excessif par rapport à leur revenu et un consensus existe pour considérer que le prix de l’eau est inabordable lorsque cette facture dépasse 3 % des revenus effectifs du ménage (1).

Par ailleurs, des centaines de milliers de personnes n’ont pas un accès direct ou permanent à l’eau potable ou ont un assainissement très insuffisant (habitats précaires, SDF…). La question des personnes non raccordées aux réseaux reste souvent posée.

Or la France est tenue d’inscrire le droit à l’eau dans son droit interne.

Au plan international, une résolution de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations-unies en date du 28 juillet 2010 a reconnu « que le droit à l’eau potable et à l’assainissement est un droit fondamental, essentiel à la pleine jouissance de la vie et à l’exercice de tous les droits de l’homme ».

La France a pris de nombreux engagements internationaux en matière de droits à l’eau potable et à l’assainissement avec la ratification du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Charte sociale européenne révisée, le Protocole « Eau et santé », dit de Londres, à la Convention d’Helsinki de 1992 et la Convention européenne des droits de l’Homme.

De plus, elle s’est engagée à de nombreuses reprises à adopter des dispositions législatives pour que ces engagements internationaux soient transcrits dans le droit interne pour qu’ils deviennent effectifs.

Il devient donc nécessaire et urgent d’inscrire enfin ces engagements dans le droit français, notamment par la mise à disposition d’équipements sanitaires et par la fourniture d’aides préventives pour l’eau.

La mise en œuvre par les collectivités territoriales d’équipements sanitaires pour les personnes les plus vulnérables non raccordées
au réseau

L’article 2 de la présente proposition de loi prévoit l’obligation, pour toutes les communes, d’installer et d’entretenir des points d’eau potable d’accès public gratuit et non discriminatoire.

Pour les communes de plus de 3 500 habitants, cet article prévoit des toilettes publiques gratuites et, pour celles de plus de 15 000 habitants, des douches publiques gratuites pour les personnes vulnérables avec possibilité de leur donner accès à des douches existantes utilisées par le public.

Ces dispositions nouvelles sont largement approuvées par de nombreux acteurs, car elles répondent à un véritable besoin pour les personnes non raccordées au réseau.

Outre l’aspect économique, l’absence d’accès physique à l’eau reste une réalité pour certaines catégories de la population, principalement les personnes ne disposant pas d’un domicile fixe (personnes sans abri, habitat mobile, gens du voyage…).

Dans son rapport de 2010, intitulé « L’eau et son droit », le Conseil d’État recommandait déjà d’obliger les communes à rouvrir des points d’eau collectifs, accessibles aux sans-abri.

Aujourd’hui de nombreuses associations font le constat de l’absence de points d’eau ou de toilettes publiques dans certaines villes de France.

En 2012, à l’initiative du Comité national de l’eau, le ministère chargé de l’écologie, en partenariat avec l’Association des maires de France, a publié un guide de bonnes pratiques pour favoriser l’accès à l’eau potable et à l’assainissement pour les plus démunis : réouvertures des fontaines publiques, installation de points d’eau, maintien de l’accès à l’eau dans les squats, ouverture de bains douches, installation des toilettes publiques, douches ambulantes…

La création et le financement d’une aide préventive pour l’eau pour les personnes en situation de précarité

a) Les réponses apportées jusqu’à présent par le législateur ont porté essentiellement sur le traitement curatif, à travers la prise en charge des impayés par les centres communaux d’action sociale (CCAS) ou les fonds de solidarité pour le logement (FSL) institués par la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement (et qui relèvent désormais des conseils généraux depuis la loi n° 2004-809 du 13 août 2004).

Or l’outil FSL rencontre aujourd’hui plusieurs limites :

– Un caractère inégalitaire : dans un quart environ des départements français, il n’y a pas de volet « Eau » du FSL et, dans ceux qui le possèdent il n’y pas toujours réellement de « versement eau ».

Quand les volets « Eau » des FSL sont abondés, les montants disponibles pour faire face aux impayés sont parfois insuffisants, alors même que nombre de foyers en difficulté n’osent pas faire de demande ;

– Une gestion lourde : pour 2,5 millions d’euros d’abandon de créance, les coûts de gestion seraient supérieurs à 2 millions d’euros. La lourdeur de cette prise en charge a posteriori ne permet pas d’apporter des réponses rapides et pérennes et comporte un surcoût important (poursuite des impayés, etc.).

– Une relative inefficacité : les dépenses pour l’eau supportées par le FSL sont faibles, elles représentent environ 10 millions d’euros – contre 60 millions d’euros pour l’énergie.

Plus de 50 % des personnes qui pourraient y prétendre ne font pas la demande. Sur 500 000 ménages bénéficiant d’un échéancier de paiement pour l’eau, seulement 70 000 sont aidées par les FSL.

De plus, une grande majorité des personnes les plus démunies vivent en habitat collectif et, dans une grande majorité des cas, il n’existe pas de facturation individuelle de l’eau potable. Cette dernière est intégrée dans les charges locatives ou de copropriété et n’est individualisée que dans une minorité de cas. La saisine du FSL est donc difficile dans ce cas, car la personne n’a pas de facture d’eau impayée ;

– Un caractère stigmatisant : la procédure de demande est souvent considérée comme humiliante pour les ayant droits ;

– Une solidarité défaillante : la solidarité nationale, qui devrait primer en ce domaine, n’existe pas et, dans les faits, de nombreuses associations caritatives interviennent de plus en plus dans les situations les plus dramatiques. L’exposé des motifs de la proposition de loi présentée en 2010 par notre ancien collègue André Flajolet soulignait déjà que l’intervention du FSL, « nécessaire pour apporter une réponse aux situations les plus complexes ou aux accidents de la vie, ne permet pas d’assurer une mise en œuvre complète et équitable pour ce droit d’accès à l’eau au niveau national ».

En définitive, les systèmes d’aides, qui ont bien sûr le mérite d’exister, demeurent ponctuels, limités et s’inscrivent dans une logique uniquement curative de soutien aux seuls impayés et toujours sur seule demande de l’usager. Facultatifs au niveau municipal, ces mécanismes demeurent soumis au bon vouloir des autorités locales. Un système de soutien préventif à la facture d’eau est donc devenu nécessaire.

b) La création d’une aide préventive pour l’eau a souvent été souhaitée, mais jamais mise en œuvre au plan national.

En France, la distribution d’aides préventives pour l’eau ou « allocation de solidarité pour l’eau » venant en complément des aides curatives destinées à couvrir les impayés d’eau, est un objectif qui fait consensus mais qui, malgré plusieurs tentatives, n’a pas pu pour le moment se concrétiser dans la loi. Il faut ainsi citer, parmi les initiatives récentes, l’article 30 du projet de loi portant réforme de la politique de l’eau (adopté en première lecture par l’Assemblée nationale en 2002, non repris par la loi sur l’eau et les milieux aquatiques de 2006), la proposition de loi n° 2973 (novembre 2010) de notre ancien collègue André Flajolet (inspiré notamment des travaux du Comité national de l’eau et de plusieurs études de l’Observatoire des usagers de l’agglomération Île-de-France [OBUSASS]), la proposition de loi n° 121 de notre collègue Marie-George Buffet (2009 et 2012), la proposition de loi n° 296 (janvier 2013) de notre collègue sénateur Philippe Kaltenbach ou encore le projet présenté par l’Académie de l’Eau (avril 2013).

Il convient également de rappeler que le Sénat avait adopté à l’unanimité, en décembre 2011, un article 16 bis C nouveau dans le projet de loi de finances rectificatif pour 2011, aux termes duquel l’aide préventive pour l’eau était financée par une contribution de 1 % sur les recettes des services d’eau et d’assainissement.

Répondant à la demande, émanant tant de l’opposition que de nombreux députés de la majorité de l’époque, de créer un volet préventif pour l’aide à l’eau, la ministre Nathalie Kosciusko-Morizet déclarait le 1er décembre 2010 à l’Assemblée nationale : « Je le redis solennellement : nous sommes déterminés à ajouter un volet préventif au volet curatif… construit sur un schéma de type allocation APL ».

Saisi en février 2011 par les ministres Nathalie Kosciusko-Morizet et Roselyne Bachelot, le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) publia quelques mois plus tard une étude intitulée « Accès à l’eau et l’assainissement dans des conditions acceptables par tous ». Le rapport confié à Isabelle Monteils et Pierre Rathouis concluait « qu’il est indispensable que, parmi les services de première nécessité, l’eau est le plus essentiel, la coupure d’eau rendant les conditions de vie totalement inacceptables….. C’est pourquoi il est indispensable de mettre en place une véritable action préventive ».

En 2012, le candidat François Hollande a apporté son soutien à la tarification progressive « afin de garantir l’accès de tous à ces biens essentiels » (engagement n° 42).

Puis la loi n° 2013-312 du 15 avril 2013, dite « loi Brottes », a apporté les instruments juridiques nécessaires aux municipalités qui souhaitaient mener des actions dans ce domaine (tarification sociale, financement des aides préventives pour les usagers…).

La responsabilité de mise en œuvre incombe aux collectivités concernées et plusieurs sont dans une phase d’expérimentation mais elles demeurent encore peu nombreuses. Des mécanismes d’aide préventive ont été mis en place dans une cinquantaine de collectivités.

Pour que le droit à l’eau soit un droit de l’homme pour tous, quel que soit son territoire de vie et afin qu’il ne soit pas soumis au seul bon vouloir des municipalités, « le moment est venu d’adopter au plan national les mesures qui permettront de garantir le financement des aides pour l’eau de sorte que le droit à l’eau ne se résume pas à un rêve pour des millions de Français démunis » (Henri Smets, Les aides pour les dépenses d’eau des ménages, Paris, Johanet, 2014, p. 16).

c) La proposition de loi instaure le principe d’un encadrement du taux d’effort maximal, en fixant un seuil de 3 % du revenu des ménages que la facture d’eau et d’assainissement ne doit pas dépasser. Ceci concerne tout particulièrement les personnes sans emploi, les personnes seules, les retraités et les abonnés en milieu rural.

Cet objectif de 3 % correspond aux pratiques observées en Europe occidentale et fait consensus au niveau de l’OCDE et en France.

Il a aussi été retenu par le Programme des Nations-Unies pour le Développement (2006), par le Comité national de l’eau, par les propositions de loi Flageolet et Buffet précitées et par le CGEDD dans son rapport de 2011 précité. Il a été soutenu dès 2009 par la Coalition Eau, l’OBUSASS et de nombreuses ONG et associations (CNL, CLCV, UNAF, Fondation Abbé Pierre…).

Le principe de l’aide préventive doit être simple dans sa mise en œuvre pour qu’il puisse être réellement appliqué. Aussi la loi doit retenir des critères simples d’éligibilité comme le fait d’être bénéficiaire du RSA-socle ou de la CMU-C. Une gestion individualisée par rapport aux revenus de chaque ménage se heurtera à des problèmes de moyens et de coût de mise en œuvre.

Il est considéré qu’en France environ un million de ménages (sur 28 millions, soit 3 % des ménages) dépassent le seuil de 3 %. Notons que ce seuil de 3 % des revenus est dépassé par tous les allocataires du RSA-socle (dès lors que le prix de l’eau est supérieur à la moyenne nationale).

En France métropolitaine, en 2013, 1,3 million de personnes sont allocataires du RSA-socle (soit un revenu de 499 € par mois pour une personne seule et 748 € pour un couple en 2014).

d) L’hypothèse de limiter la charge de la facture d’eau du niveau maximum de 3 % du revenu, implique au plan national la mobilisation d’un montant annuel de 50 millions d’euros.

Le calcul se fonde sur les travaux menés par Henri Smets et sur les données de l’OBUSASS à partir des chiffres suivants :

– L’allocation de solidarité est attribuée à environ 830 000 ménages qui paient l’eau à un prix supérieur à la moyenne nationale (4 €/m3) et ont de faibles revenus. Il s’agit d’une partie des 2 millions de ménages qui ont des revenus inférieurs au plafond de la CMU-C (2) ;

– L’allocation moyenne est de l’ordre de 60 € par an par ménage bénéficiaire.

Le montant total des allocations de 50 millions d’euros est une mesure de solidarité qu’il ne doit pas être difficile d’assumer, car elle ne représente que 0,5 % des dépenses hors taxe pour les services publics d’eau et d’assainissement, 0,80 € par personne et par an (ou 1,8 € par ménage et par an) ou encore 1,35 c€/m3 d’eau.

e) Le financement de la mise en œuvre de l’aide préventive par la taxe sur les eaux embouteillées est le mécanisme privilégié par la présente proposition de loi, pour les raisons suivantes :

– Une telle taxe existe déjà et il n’y a donc pas de création d’une taxe nouvelle : cette taxe, au taux de 5,4 €/m3 (soit 0,5 c€/L), rapporte aujourd’hui 52 millions d’euros ;

– Sur le principe, il n’est pas anormal de faire contribuer l’eau en bouteille à la solidarité en France. L’eau en bouteille n’est pas un produit de première nécessité et celle-ci pose, au contraire, des questions d’ordre social et de pouvoir d’achat par son coût (120 fois plus chère que l’eau du robinet en moyenne), d’ordre environnemental (fabrication des bouteilles à base de pétrole, transport, etc.) ;

– Actuellement, les producteurs d’eau en bouteille paient une redevance pour prélèvement très faible aux agences de l’eau (de l’ordre de 0,01 c€ par litre prélevé) et ils bénéficient donc d’un accès quasi-gratuit à une ressource naturelle qui, selon l’article L. 210-1 du code de l’environnement, « fait partie du patrimoine commun de la nation » ;

– Elle est perçue au niveau du territoire national par les douanes (donc pas de frais de perception supplémentaires) ;

– La mise en œuvre sera simple et lisible : une contribution de solidarité de l’ordre de 0,5 c€ par litre d’eau vendu en France, et donc une ressource d’environ 50 millions d’euros.

– Cette contribution fera l’objet d’un affichage sur chaque bouteille d’eau à hauteur de 1 c€, sachant que 5,5 milliards de bouteilles d’eau sont vendues en France chaque année ;

– La contribution ne conduit pas à une augmentation du prix de l’eau du robinet et n’impacte donc pas la facture d’eau ;

– Le financement pour la mise en œuvre de l’allocation forfaitaire d’eau se trouve ainsi assuré : en France, 9,7 milliards de litres d’eau embouteillée (minérale ou de source) sont consommés par an, soit en moyenne 150 litres par habitant et par an. Une taxe de 0,5 c€ par litre rapporterait donc 48 millions d’euros par an.

Le financement (d’au moins une partie) du budget nécessaire pour mettre en œuvre le droit d’accès à l’eau par une augmentation de la taxe sur les eaux vendues en bouteille apparaît donc comme une bonne solution, sans pour autant abandonner le financement par d’autres moyens et notamment par les budgets des services publics de l’eau et de l’assainissement ou les budgets généraux des collectivités locales.

Les modalités d’information, de participation et de suivi de la mise en œuvre du droit à l’eau

Il est demandé aux communes de s’impliquer dans la mise en œuvre du droit à l’eau en organisant en leur sein un premier débat sur le sujet au cours des trois premières années de chaque mandature.

Celui-ci portera en particulier sur les enjeux liés à la tarification à une ou plusieurs tranches avec la possibilité d’une première tranche de consommation gratuite ou à prix réduit.

Il reposera sur un rapport comprenant un état des lieux (type d’habitat, collectif, individuel, typologie des consommations et des usages de l’eau données sur la pauvreté, aides du FSL, du CCAS, …) et les actions menées (FSL, aides préventives, mobilisation des partenaires, dispositifs d’accompagnement pédagogique et de participation des citoyens, accès à l’eau des populations qui ne sont pas raccordées au réseau…)

Le Comité national de l’eau sera, quant à lui, chargé de remettre un rapport triennal au Premier ministre sur la mise en œuvre du droit de l’eau, notamment en ce qui concerne les populations qui ne disposent pas d’un accès permanent et continu à l’eau potable. Ce rapport permettra d’assurer le suivi de la mise en œuvre effective de la proposition de loi.

Dispositions additionnelles

La création d’un fonds de solidarité pour le droit à l’eau par une disposition du code de la santé publique conduit à modifier légèrement le code de la construction et de l’habitation pour assurer la cohérence entre ces deux codes.

Vu le rôle important du fonds de solidarité pour le logement en matière de dettes d’eau, une disposition clarifie l’obligation de créer dans chaque département un volet eau dont le financement est précisé.

En matière d’aide préventive pour l’eau, les collectivités locales seraient autorisées à contribuer aux mesures sociales des services d’eau et d’assainissement.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Droit de l’homme à l’eau

Après le chapitre III du titre Ier du livre III de la première partie du code de la santé publique, il est inséré un chapitre IV ainsi rédigé :

« Chapitre IV

« Droit de l’homme à l’eau

« Art. L. 1314-1. - Le droit à l’eau potable et à l’assainissement est un droit de l’homme garanti par l’État.

« Il comprend le droit, pour chaque personne :

« 1° De disposer chaque jour d’une quantité suffisante d’eau potable pour répondre à ses besoins élémentaires ;

« 2° De disposer ou d’accéder aux équipements lui permettant d’assurer son hygiène, son intimité et sa dignité ;

« 3° D’utiliser les services et réseaux d’assainissement dans des conditions compatibles avec ses ressources.

« L’État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics concourent, dans le cadre de leurs compétences, à la mise en œuvre du droit à l’eau potable et à l’assainissement dans des conditions fixées par décret. »

Article 2

Après l’article L. 1314-1 du même code, il est inséré un article L. 1314-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 1314-2. – Les collectivités territoriales ou les établissements publics de coopération intercommunale responsables de l’eau potable et de l’assainissement prennent les mesures nécessaires pour satisfaire les besoins élémentaires en eau potable et assainissement des populations résidant sur leur territoire qui sont sans branchement à l’eau potable.

« En vue de mettre en œuvre le droit de vivre dans un environnement équilibré, d’assurer la salubrité publique et la dignité de tous, les collectivités installent et entretiennent des points d’eau potable sur leur territoire et destinés à l’accès public, gratuit et non discriminatoire à l’eau potable.

« Les collectivités de plus de 3 500 habitants installent et entretiennent des toilettes publiques gratuites accessibles à toute personne.

« Les collectivités de plus de 15 000 habitants installent et entretiennent des douches publiques gratuites pour les personnes vulnérables. Elles adoptent, le cas échéant, des dispositions pour donner à ces personnes accès à des douches existantes et à des laveries utilisées par le public.

« Les dispositions de mise en œuvre doivent être prises dans un délai de cinq ans. Les collectivités font appel, le cas échéant, à des équipements sanitaires existant dans des bâtiments et équipements communaux ou subventionnés par la collectivité, elles peuvent bénéficier de subventions pour la création de nouveaux équipements sanitaires, en particulier des subventions des agences de l’eau.

Article 3

Après l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un article L. 115-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 115-3-1. – Toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières, au regard notamment de son patrimoine, de l’insuffisance de ses ressources ou de ses conditions d’existence, a droit à une aide préventive de la collectivité pour disposer de l’eau potable nécessaire à ses besoins élémentaires, sans préjudice des dispositions sur l’aide curative résultant de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990.

« Sont considérées comme éprouvant des difficultés particulières au sens de cet article, les personnes ou familles dont les dépenses forfaitaires d’eau potable pour les besoins élémentaires dépassent 3 % de leurs ressources disponibles, lorsque la consommation d’eau est de 50 m3 par an par unité de consommation.

« Par dépenses forfaitaires d’eau, on entend les dépenses d’eau potable et d’assainissement collectif pour satisfaire les besoins élémentaires en eau potable et assainissement d’un ménage, toutes taxes, redevances et contributions comprises.

« Par ressources disponibles des ménages, on entend les ressources des ménages telles que définies à l’article 5 du décret n° 2005-212 du 2 mars 2005 relatif aux fonds départementaux de solidarité pour le logement. »

« Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application de cet article. »

Article 4

Après l’article L. 115-3-1 du même code, il est inséré un article L. 115-3-2 ainsi rédigé :

« ArtL. 115-3-2. – Les ménages dont les ressources sont inférieures ou égales au Revenu de solidarité active socle reçoivent directement ou indirectement par les services des caisses d’allocations familiales une allocation forfaitaire d’eau et les ménages dont les ressources sont comprises entre ce montant et le plafond de ressources donnant droit à la Couverture maladie universelle complémentaire la moitié de cette allocation.

« Le montant de l’allocation forfaitaire d’eau est exprimé en fonction du Revenu de solidarité active socle et est fixé par décret en Conseil d’État compte tenu de l’article L. 115-3-1 du code de l’action sociale et des familles.

« Les services des caisses d’allocations familiales organisent la distribution des allocations forfaitaires avec le concours des services compétents de l’État et des collectivités territoriales dans le cadre de leurs compétences et selon les modalités prévues par l’article 28 de la loi n° 2013-312 du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes. Dans ce but, ils transmettent, si nécessaire, les fichiers indispensables à l’organisme chargé de la distribution des allocations forfaitaires.

« Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application de cet article, notamment le prix moyen de l’eau en dessous duquel aucune allocation forfaitaire n’est attribuée et le prix moyen de l’eau au-dessus duquel l’allocation forfaitaire est doublée. Par prix moyen de l’eau, on entend le rapport entre le montant des dépenses forfaitaires d’eau d’un couple et le volume de la consommation forfaitaire d’eau correspondante. »

Article 5

Après l’article L. 1314-2 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1314-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 1314-3. – Un fonds de solidarité du droit à l’eau est institué au sein du Fonds national d’aide au logement afin de favoriser la mise en œuvre du droit à l’eau tel que défini par l’article L 1314-1.

« Les recettes du fonds de solidarité sont constituées par une contribution de 0,5 centime d’euro par litre d’eau embouteillée vendue en France. Ces recettes ne peuvent être utilisées que pour la mise en œuvre du droit à l’eau.

« Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article. »

Article 6

I. – Le code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :

1° Après le deuxième alinéa de l’article L. 351-6, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Il finance les allocations forfaitaires d’eau prévues par l’article L. 115-3-3 du code de l’action sociale et des familles ainsi que les dépenses de gestion y afférentes. » 

2° L’article L. 351-7 est ainsi modifié :

a) Au début du premier alinéa, sont ajoutés les mots : « Pour le financement des dépenses prévues aux deux premiers alinéas de l’article L. 351-6 du présent code, » ;

b) Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour le financement des dépenses prévues au troisième alinéa de l’article L. 351-6 du présent code, les recettes du fonds national d’aide au logement sont constituées par le produit de la contribution sur les eaux embouteillées mentionnée à l’article L. 1313-2 du code de la santé publique. »

II. – Après le troisième alinéa de l’article 6 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Chaque fonds de solidarité pour le logement crée un volet eau destiné à financer les aides curatives pour l’eau ; les versements, destinés à ce volet, des distributeurs d’eau et des organismes mentionnés à l’article 6-3 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement ne peuvent être utilisés que pour financer les aides curatives pour l’eau ».

III. – Après le cinquième alinéa de l’article L. 2224-2 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 4° Lorsque la commune décide au titre de l’aide sociale d’attribuer une subvention permettant de réduire la répercussion sur l’ensemble des abonnés des mesures de solidarité sur l’eau et l’assainissement prises par les services de l’eau et de l’assainissement. »

Article 7

Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Après le 4°  de l’article L. 1413-1, il est inséré un 5° ainsi rédigé :

« 5° Tout projet de décision qui affecte de manière significative l’exercice du droit à l’eau, avant que l’assemblée délibérante ou l’organe délibérant se prononce sur le projet. »

2° L’article L. 2224-5 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le rapport contient une description des mesures prises par la municipalité et les services de l’eau et de l’assainissement pour la mise en œuvre du droit à l’eau. »

3° Après l’article L. 2224-5, il est inséré un article L. 2224-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 2224-5-1. – Au cours des trois premières années de chaque mandature, le maire organise au sein du conseil municipal un débat sur la mise en œuvre du droit à l’eau.

« Le débat mentionné à l’alinéa 1er porte notamment sur les enjeux liés à la tarification à une ou plusieurs tranches avec la possibilité d’une première tranche de consommation gratuite ou à prix réduit. Il s’appuie sur un rapport comprenant un état des lieux et une description des actions existantes dans ce domaine au niveau local.

« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article, notamment le contenu du rapport mentionné au deuxième alinéa. »

Article 8

L’article L. 213-1 du code de l’environnement est complété par un 5° ainsi rédigé :

« 5° De remettre au Premier ministre un rapport triennal sur la mise en œuvre du droit à l’eau, notamment en ce qui concerne les populations qui ne disposent pas d’un branchement à l’eau potable et de recevoir les réclamations liées à d’éventuelles inobservations du droit à l’eau en France. »

Article 9

I. – Les charges résultant pour les collectivités territoriales sont compensées, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

II. – Les charges pour l’État sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle au droit visé à l’article 403 du code général des impôts.

(1) Malgré une forte hausse dans les années 1990-2005, le prix de l’eau est relativement modéré en France, environ 4,2 €/m3 en moyenne. La facture annuelle pour une consommation de 120 m3 est donc d’environ 500 €.

(2) L’allocation de solidarité n’est pas versée aux titulaires du RSA-socle qui vivent dans des régions ou l’eau est relativement bon marché. Ainsi une personne seule, titulaire du RSA-socle (499 €/mois), qui consomme 120 litres d’eau par jour (3,6 m3/mois) pour ses besoins essentiels, consacre plus de 3 % de ses ressources à l’eau lorsque le prix moyen de l’eau est supérieur à 4,20 €/m3.


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