N° 2782 - Proposition de loi de M. Jean-François Mancel tendant à étendre aux auteurs d'infractions pénales et aux personnes qui en sont civilement responsables le bénéfice d'un recours en révision lorsque la demande tend seulement à la révision des condamnations aux intérêts civils prononcées par les juridictions répressives et de réserver l'examen des recours à la juridiction civile de même degré, de même siège



(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Jean-François MANCEL,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La révision des condamnations pénales tend à réparer les erreurs de fait dont peuvent être entachées les décisions des juridictions répressives, devenues définitives.

Les conditions dans lesquelles le recours doit être formé sont définies aux articles 622 et suivants du code de procédure pénale (CPP). Quatre cas d’ouverture prévus par la loi permettent au condamné (ou à ses ayants-droit lorsqu’il est décédé) de demander la révision, la requête devant être adressée à une commission spéciale composée de cinq membres de la Cour de cassation. Celle-ci apprécie souverainement si les conditions de nature à justifier la saisine de la Chambre criminelle de la Cour de cassation sont réunies.

Si le dossier lui a été transmis, il appartient alors à cette commission spéciale, statuant comme cour de révision, d’examiner le bien-fondé de la demande et de prononcer, le cas échéant, l’annulation de la condamnation ainsi que le renvoi de l’affaire (lorsqu’il est possible de procéder à de nouveaux débats) devant une juridiction de même ordre et de même degré autre que celle dont émane la décision annulée (article 625 du CPP).

Ce dispositif, agencé en vue d’effacer les conséquences d’une erreur judiciaire, a pour effet d’atteindre la décision annulée dans sa totalité, qu’il s’agisse des sanctions pénales prononcées ou des dommages-intérêts mis à la charge du condamné à la suite de celles-ci. En matière purement civile, un mécanisme similaire a été mis en place aux articles 593 et suivants du code de procédure civile (CPC).

Il s’agit là encore, lorsque certaines conditions se trouvent réunies, de permettre à une personne injustement condamnée d’obtenir la révision de la condamnation au moyen d’un recours formé par citation et porté devant la même juridiction que celle qui a prononcé le jugement en cause.

Les cas d’ouverture sont les suivants :

– Après le jugement, il se révèle que la décision a été surprise par la fraude de la partie au profit de laquelle elle a été rendue,

– Depuis le jugement, il a été recouvré des pièces décisives qui avaient été retenues par le fait d’une autre partie,

– Il a été jugé sur des pièces reconnues ou judiciairement déclarées fausses,

– Il a été jugé sur des attestations, témoignages ou serments judiciairement déclarés faux depuis le jugement.

Manifestement, ces règles permettent de faire face à toutes les situations dans lesquelles il est nécessaire de réparer les erreurs affectant des décisions judiciaires portant condamnation, que celles-ci revêtent un caractère pénal ou civil. En réalité, il n’en est rien.

Effectivement, alors qu’une personne, bénéficiaire d’une relaxe et seulement condamnée à de simples intérêts civils par une juridiction répressive, peut former une demande en révision de ce chef (Cass. Crim. 27 avril 1989 – bull Crim ; n° 172), une autre, condamnée à une peine est privée de ce recours lorsque, ne pouvant remettre en cause sa condamnation pénale, elle souhaite seulement obtenir la révision de la condamnation civile qui en est l’accessoire. Elle ne peut notamment pas user des règles applicables à la révision des condamnations civiles, la mise en œuvre de celles-ci devant les juridictions répressives étant irrecevable. Parce que selon la Cour de cassation (Cass. Crim. 19 janvier 1982 – Bull Crim n° 18), « les règles de la procédure pénale relevant, aux termes de l’article 34 de la Constitution, du domaine de la loi, les dispositions du nouveau code de procédure civile, qui sont de caractère règlementaire, ne peuvent trouver application devant les juridictions répressives. »

La personne pénalement condamnée, et qui ne peut solliciter la révision de cette condamnation lorsqu’aucune des conditions énoncées à l’article 622 du CPP n’étant réunie, est ainsi privée de la possibilité d’obtenir la révision de la condamnation aux intérêts civils, prononcée par le même juge, quoique l’un des cas d’ouverture prévus à l’article 593 du CPC soit caractérisé.

Il peut ainsi arriver qu’un jugement, ayant à juste titre reconnu une personne coupable des faits pour lesquels elle était poursuivie, l’ait condamnée à verser des dommages-intérêts à une victime dont la fraude, ultérieurement révélée, a permis d’obtenir une telle décision à son profit.

L’impossibilité dans laquelle se trouve le condamné (auquel il faut ajouter le civilement responsable), de solliciter, de manière autonome par rapport à la condamnation pénale, la révisions des condamnations civiles, ouvre un vide juridique dénoncé par la doctrine (note J.C. de procédure civile – article recours en révision – fasc 746).

Seule la loi est à même de combler une lacune de cette nature.

La persistance d’une telle lacune est susceptible de porter gravement atteinte au principe d’égalité des citoyens devant la loi, garanti par l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 et l’article 6 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789. D’autant plus que la demande de révision est une voie de recours dont la vocation est d’être générale.

Il est donc proposé d’étendre aux auteurs d’infractions pénales, et aux personnes qui en sont civilement responsables, le bénéfice de la procédure définie aux articles 593 et suivants du code de procédure civile, lorsque la demande tend seulement à la révision des condamnations aux intérêts civils prononcées par les juridictions répressives et de réserver l’examen des recours à la juridiction civile de même ordre, de même degré.

Afin de permettre aux parties concernées par des décisions déjà passées en force de chose jugée lors de l’entrée en vigueur de la présente loi de se prévaloir des dispositions nouvelles, il est prévu, à titre de mesure transitoire, d’autoriser l’exercice de leurs recours dans un délai de six mois à compter de la publication de la loi.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Le chapitre Ier du titre II du livre III du code de procédure pénale est complété par des articles 622-3 à 622-5 ainsi rédigés :

« Art. 622-3. – La révision de l’arrêt ou du jugement peut toujours être demandée, en ce qui concerne les seuls intérêts civils, pour l’une des causes énoncées à l’article 595 du code de procédure civile.

« La demande est formée :

« – Par le condamné ou, en cas d’incapacité, par son représentant légal ;

« – Par le civilement responsable.

« Si la condamnation a été prononcée par une cour d’assises, la juridiction civile compétente est celle du siège de ladite cour d’assises, de même degré.

« Art. 622-4. – Le délai du recours prévu à l’article précédent est de deux mois. Il court à compter du jour où la partie requérante a eu connaissance de la cause de révision qu’elle invoque.

« Art. 622-5. – La procédure se déroule selon les modalités contenues aux articles 597, 598, 599, 600, 601, 602 et 603 du présent code. »

Article 2

Le délai prévu à l’article 622-3 du code de procédure pénale est porté à six mois et court à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, lorsque la demande tend à la révision de décisions antérieures à sa publication, passées en force de chose jugée, et ce quelle que soit la date de leur prononcé.

Article 3

La présente loi est applicable sur l’ensemble du territoire de la République.


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