N° 2845 - Proposition de loi de Mme Valérie Pécresse visant à instaurer une tolérance zéro en matière de fraude dans les transports



N° 2845

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 juin 2015.

PROPOSITION DE LOI

visant à instaurer une tolérance zéro en matière de fraude
dans les transports,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire,
à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Valérie PÉCRESSE, Xavier BERTRAND, Christian ESTROSI, Marc LE FUR, Laurent WAUQUIEZ, Éric CIOTTI, Franck MARLIN, Patrice MARTIN-LALANDE, Philippe HOUILLON, David DOUILLET, Bernard ACCOYER, Jean-Marie TETART, Michel HERBILLON, Alain LEBOEUF, Patrick HETZEL, Jean-François MANCEL, Jérôme CHARTIER, Philippe COCHET, Frédéric REISS, Jean-Marie SERMIER, Isabelle LE CALLENNEC, Georges FENECH, Franck RIESTER, Yves ALBARELLO, Jean-Michel COUVE, Claude GOASGUEN, Christophe GUILLOTEAU, Marie-Jo ZIMMERMANN, Geneviève LEVY, Anne GROMMERCH, Jean-Frédéric POISSON, Jacques LAMBLIN, Jacques Alain BÉNISTI, Patrick OLLIER, Dominique NACHURY, Bernard PERRUT, Nicolas DHUICQ, Claude STURNI, Claudine SCHMID, Pierre LEQUILLER, Axel PONIATOWSKI, Claude de GANAY, Virginie DUBY-MULLER, Arlette GROSSKOST, Yannick MOREAU, Denis JACQUAT, Jean-Pierre GIRAN, Jean-Louis COSTES, Charles-Ange GINESY, Jean-Luc REITZER, Pierre MORANGE, Paul SALEN, Yves NICOLIN, Alain MARLEIX, Charles de LA VERPILLIÈRE, Bernard GÉRARD, Jacques PÉLISSARD, Jean-Pierre VIGIER, Alain MOYNE-BRESSAND, Laure de LA RAUDIÈRE, Luc CHATEL, Christophe PRIOU, Alain CHRÉTIEN, Jean-Claude MATHIS, Jacques KOSSOWSKI et Étienne BLANC,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

500 millions d’euros par an, c’est le coût estimé de la fraude dans les transports publics en France : 300 millions d’euros sur le réseau SNCF, 100 millions d’euros sur le réseau RATP, 30 millions d’euros sur le réseau Keolis et 70 millions d’euros pour les autres entreprises de transport urbain.

Pour bien mesurer l’ampleur du phénomène, 500 millions d’euros, c’est la moitié des investissements réalisés par le Syndicat des transports d’Île-de-France (STIF) pour moderniser les transports en commun dans la région capitale qui concentre la très grande majorité du trafic national (à lui seul le RER A transporte chaque jour plus de voyageurs que l’ensemble des TER et des TGV réunis).

Lutter contre la fraude, c’est donc un impératif économique.

Limiter la fraude, c’est en effet se donner les moyens de financer les investissements nécessaires pour remettre à niveau nos infrastructures et offrir des transports de qualité à nos concitoyens.

Mais lutter contre la fraude, c’est aussi un impératif démocratique et social.

Comment accepter qu’autant de personnes s’exonèrent de participer au financement d’un service public dont ils sont les premiers bénéficiaires en tant qu’usagers ?

La fraude aux transports, c’est le symbole de l’injustice.

Hors Île-de-France, le financement des transports publics urbains est assuré à 17 % par les tickets des voyageurs (26 % en Île-de-France), 38 % par les entreprises via une taxe sur les salaires appelée versement transports (33 % en Île-de-France), 31 % par les collectivités publiques (État, régions et autres) et pour le reste par la dette.

Cela signifie que tout manque à gagner du côté des recettes tarifaires se traduit mécaniquement par une ponction sur le pouvoir d’achat des salariés (via la taxe sur les salaires) ou par des impôts supplémentaires.

Pour être tout à fait clair, cela signifie qu’un usager qui fraude fait porter une dépense supplémentaire sur tous les Français, y compris sur ceux qui ne prennent jamais ou que très rarement les transports en commun.

Il convient en effet de rappeler que parmi les déplacements locaux quotidiens, un déplacement motorisé sur dix seulement est réalisé en transports en commun (1). Les Français, dans leur très grande majorité, sont aujourd’hui contraints de prendre leur voiture pour leurs trajets quotidiens faute d’une solution alternative.

Lutter contre la fraude, c’est enfin aussi lutter efficacement contre l’insécurité dans les transports. L’expérience montre que la très grande majorité des vandales et des délinquants interpelés dans les transports en commun ne sont pas munis de titres de transports. De nombreux exemples étrangers – New York en tête – montrent qu’un plan de lutte ferme et résolu contre la fraude se traduit également par un recul des dégradations des infrastructures et de l’insécurité.

Tous ces éléments démontrent le caractère primordial de la lutte contre la fraude.

Dans un contexte économique où la pression sur les recettes est forte et les besoins en investissements colossaux, les opérateurs de transports eux-mêmes ont bien compris l’enjeu de la lutte contre la fraude.

En février 2015, la SNCF a ainsi dévoilé un plan de lutte contre la fraude comprenant plusieurs mesures dont la réduction de la durée de validité des billets sans réservation de 61 à 7 jours, l’augmentation du montant des frais pour la régularisation à bord lorsque l’usager ne dispose pas de titre de transport, et l’augmentation du tarif des amendes.

Malheureusement, tout cet arsenal se heurte à une réalité qui est le très faible taux de recouvrement des amendes. On aura beau augmenter le montant des amendes, si celles-ci ne sont pas recouvrées, l’effet sera nul.

D’après les chiffres de la SNCF, moins de 10 % des procès-verbaux dressés donnent en effet lieu à recouvrement.

Ce chiffre est extrêmement faible à comparer aux 50 % environ de taux de recouvrement des amendes de stationnement ou des 70 % de recouvrement – avant même toute relance – des amendes issues des contrôles radars automatiques et fait immanquablement naître chez les fraudeurs un sentiment d’impunité et chez les usagers honnêtes un sentiment d’exaspération. Quel mauvais signal social ainsi envoyé à la jeunesse qui voit la loi bafouée sans aucune sanction.

Comment explique-t-on un tel décalage entre le taux de recouvrement des amendes dans les transports en commun et des amendes automobiles ?

La raison en est simple. Chaque véhicule est identifié par sa plaque d’immatriculation et il est donc très difficile pour un automobiliste de se dérober en cas d’infraction.

Tel n’est pas le cas lors de contrôle dans les transports en commun. La réalité c’est que les agents chargés du contrôle sont totalement démunis face aux fraudeurs. Certes ils peuvent demander leur identité aux contrevenants mais ils ne disposent d’aucun moyen pour les contraindre à s’exécuter et pour s’assurer que l’adresse qui leur est communiquée est bien la bonne. Résultat, les fraudeurs donnent des adresses fantaisistes qui ne permettent pas de recouvrer l’amende.

Rendre obligatoire le port d’une carte d’identité dans les transports en commun, c’est donner aux contrôleurs les moyens d’exercer pleinement leur mission et s’assurer que les fraudeurs ne pourront échapper au paiement des amendes. Tel est l’objet principal de la présente proposition de loi.

Désormais tous les voyageurs, à l’exception des mineurs accompagnés de leurs parents, seront tenus de porter un titre d’identité dans les transports publics de personnes (article 1er).

À ceux qui diraient que ce port de papier d’identité obligatoire est une atteinte à la liberté d’aller et venir, rappelons que le port de papier d’identité est déjà exigé pour les transports en avion et le port des papiers du véhicule et du permis de conduire pour les automobilistes. La question à se poser est donc de savoir si cette nouvelle obligation est proportionnée à l’objectif d’intérêt général poursuivi. Et cela semble clair. D’ailleurs la direction de la SNCF en a elle-même fait la demande aux pouvoirs publics.

Les agents de contrôle seront habilités à leur demander de justifier leur identité dans le cas où ils ne seraient pas en mesure de présenter un titre de transport valide (article 2).

En cas de refus de présentation d’un titre d’identité, les agents de contrôle pourront faire appel aux forces de police qui procèderont aux vérifications dans les conditions prévues aux articles 78-1 et suivants du code de procédure pénale. Conformément à ces dispositions, les forces de l’ordre pourront retenir la personne sur place dans des lieux dédiés spécialement aménagés pour les forces de police ou dans les locaux de la police pour une durée n’excédant pas 4 heures (article 2).

Afin d’inciter les personnes contrôlées et non munies d’un titre de transport valide à se soumettre au contrôle d’identité des agents des transports –et pour éviter l’intervention des forces de l’ordre– la présente proposition de loi punit de 7 500 euros d’amende et de six mois d’emprisonnement le fait de leur refuser de présenter un titre d’identité qui doit être considéré comme une circonstance aggravante de la fraude.

En complément, la proposition de loi renforce les sanctions prévues par le code des transports en cas de déclaration intentionnelle d’une fausse adresse ou d’une fausse identité. Actuellement, cette infraction est punie de 3 750 euros. La proposition de loi propose de doubler le montant de la sanction (7 500 euros) et de l’assortir d’une peine de six mois d’emprisonnement (article 3).

La proposition de loi vise enfin à renforcer ce que la loi qualifie de « délit d’habitude » à savoir le fait pour une même personne de voyager de manière habituelle sans titre de transport valable.

En décembre 2014, le Gouvernement s’était lui-même engagé à réduire de 10 à 5 contraventions sur une période de douze mois les critères permettant de caractériser ce délit qui est puni de 7 500 euros d’amende et de six mois de prison.

Six mois après cet engagement, rien n’a été fait.

Le présent texte propose d’agir enfin, et fortement, en fixant à trois contraventions sur une période de douze mois le délit d’habitude et, là encore, à étendre l’application de ce délit à tous les transports publics de personnes (article 4).

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Le port d’un titre d’identité est obligatoire pour tous les voyageurs, à l’exception des mineurs accompagnés de leurs parents, dans les transports publics de personnes.

Article 2

Lorsqu’un voyageur n’est pas en mesure de présenter un titre de transport valide, les agents de contrôle sont habilités à demander au contrevenant de justifier son identité.

En cas de refus de présentation d’un titre d’identité, les agents de contrôle font appel aux forces de police qui procèdent aux vérifications dans les conditions prévues aux articles 78-1 et suivants du code de procédure pénale.

Article 3

L’article L. 2242-5 du code des transports est ainsi rédigé :

« Est puni de 7 500 euros d’amende et de six mois d’emprisonnement le fait de refuser de présenter un titre d’identité aux agents assermentés mentionnés au I de l’article L. 2241-1 ou de leur déclarer intentionnellement une fausse adresse ou une fausse identité.

« Cette disposition s’applique à tous les transports publics de personnes. »

Article 4

L’article L. 2242-6 du code des transports est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« L’habitude est caractérisée dès lors que la personne concernée a fait l’objet, sur une période inférieure ou égale à douze mois, de plus de trois contraventions pour avoir voyagé sans titre de transport ou munie d’un titre de transport non valable ou non complété, qui n’ont pas donné lieu à une transaction en application de l’article 529-3 du code de procédure pénale. »

2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Cette disposition s’applique à tous les transports publics de personnes. »

1 () Enquête nationale transports et déplacements.


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