N° 2887 - Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, créant de nouveaux droits pour les personnes malades en fin de vie et qui a fait l'objet d'un vote de rejet par le Sénat au cours de sa séance du 23 juin 2015



N° 2887

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 juin 2015.

PROPOSITION DE LOI

REJETÉE PAR LE SÉNAT,

créant de nouveaux droits en faveur des malades
et des
personnes en fin de vie.

TRANSMISE PAR

M. LE PRÉSIDENT DU SÉNAT

à

M. LE PRÉSIDENT

DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

Le Sénat n’a pas adopté, en première lecture, la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, dont la teneur suit :

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 2512, 2585 et T.A. 486.

Sénat : 348, 467, 468 et T. 116 (2014-2015).

Article 1er

I. – L’article L. 1110-5 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) La première phrase est ainsi modifiée :

– après le mot : « recevoir », sont insérés les mots : « les traitements et » ;

– après le mot : « sanitaire », sont insérés les mots : « et le meilleur apaisement possible de la souffrance » ;

b) À la seconde phrase, après les mots : « d’investigation ou », sont insérés les mots : « de traitements et » ;

c) (nouveau) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :

« Ces dispositions s’appliquent sans préjudice ni de l’obligation de sécurité à laquelle est tenu tout fournisseur de produits de santé, ni de l’application du titre II du présent livre Ier. » ;

2° Les deuxième à dernier alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« Toute personne a droit à une fin de vie digne et apaisée. Les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour que ce droit soit respecté. »

II (nouveau). – Les étudiants en médecine, les médecins, les infirmiers, les aides-soignants et les aides à domicile ont droit à une formation aux soins palliatifs.

Article 2

Après le même article L. 1110-5, il est inséré un article L. 1110-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1110-5-1. – Les actes mentionnés à l’article L. 1110-5 ne doivent être ni mis en œuvre, ni poursuivis au titre du refus d’une obstination déraisonnable lorsqu’ils apparaissent inutiles ou disproportionnés. Dans ce cadre, lorsque les traitements n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, alors et sous réserve de la prise en compte de la volonté du patient, conformément à l’article L. 1111-12 et selon la procédure collégiale définie par le code de déontologie médicale, ils sont suspendus ou ne sont pas entrepris. Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins palliatifs mentionnés à l’article L. 1110-10.

« La nutrition et l’hydratation artificielles constituent un traitement. »

Article 3

Après le même article L. 1110-5, il est inséré un article L. 1110-5-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 1110-5-2. – À la demande du patient d’éviter toute souffrance et de ne pas prolonger inutilement sa vie, une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès, associée à une analgésie et à l’arrêt de l’ensemble des traitements de maintien en vie, est mise en œuvre dans les cas suivants :

« 1° Lorsque le patient atteint d’une affection grave et incurable et dont le pronostic vital est engagé à court terme présente une souffrance réfractaire au traitement ;

« 2° Lorsque la décision du patient atteint d’une affection grave et incurable d’arrêter un traitement engage son pronostic vital à court terme.

« Lorsque le patient ne peut pas exprimer sa volonté et au titre du refus de l’obstination déraisonnable mentionnée à l’article L. 1110-5-1, dans le cas où le médecin arrête un traitement de maintien en vie, le médecin applique une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès, associée à une analgésie.

« La sédation profonde et continue associée à une analgésie prévue au présent article est mise en œuvre selon la procédure collégiale définie par le code de déontologie médicale, afin de vérifier que les conditions d’application du présent article sont remplies.

« L’application de la sédation profonde et continue associée à une analgésie prévue au présent article peut être effectuée par un membre de l’équipe médicale, selon le choix du patient et après consultation du médecin, en établissement de santé ou au domicile du patient.

« L’ensemble de la procédure suivie est inscrite dans le dossier médical du patient. »

Article 4

Après le même article L. 1110-5, il est inséré un article L. 1110-5-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 1110-5-3. – Toute personne a le droit de recevoir des traitements et des soins visant à soulager sa souffrance. Celle-ci doit être, en toutes circonstances, prévenue, prise en compte, évaluée et traitée.

« Le médecin met en place l’ensemble des traitements analgésiques et sédatifs pour répondre à la souffrance réfractaire du malade en phase avancée ou terminale, même s’ils peuvent avoir comme effet d’abréger la vie. Il doit en informer le malade, sans préjudice du quatrième alinéa de l’article L. 1111-2, la personne de confiance prévue à l’article L. 1111-6, la famille ou, à défaut, un des proches du malade. La procédure suivie est inscrite dans le dossier médical.

« Toute personne est informée par les professionnels de santé de la possibilité d’être prise en charge à domicile, dès lors que son état le permet. »

Article 4 bis (nouveau)

Après l’article L. 1110-10 du même code, il est inséré un article L. 1110-10-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1110-10-1. – Chaque année, l’agence régionale de santé présente en séance plénière à la conférence régionale de la santé et de l’autonomie un rapport exhaustif et actualisé sur les patients pris en charge en soins palliatifs en établissements de santé et structures médico-sociales, sur la prise en charge des soins palliatifs accompagnée par les réseaux de santé mentionnés à l’article L. 6321-1 ou assurée à domicile par des professionnels libéraux ainsi que sur la politique poursuivie par la région pour développer les soins palliatifs.

« Chaque établissement concerné tient un registre référençant chaque cas de sédation profonde et continue ayant provoqué une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès, en référence à l’article 3 de la loi n°      du       créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie. Ce registre respecte l’anonymat du patient et doit être présenté sur sa demande à l’agence régionale de santé. »

Article 5

I. – L’article L. 1111-4 du même code est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Toute personne a le droit de refuser ou de ne pas subir tout traitement. Le suivi du malade reste cependant assuré par le médecin, notamment son accompagnement palliatif. » ;

2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Le médecin a l’obligation de respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix et de leur gravité. Si, par sa volonté de refuser ou d’interrompre tout traitement, la personne met sa vie en danger, elle doit réitérer sa décision dans un délai raisonnable. Elle peut faire appel à un autre membre du corps médical. L’ensemble de la procédure est inscrite dans le dossier médical du patient. Le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins palliatifs mentionnés à l’article L. 1110-10. » ;

3° (Supprimé)

4° Après le mot : « susceptible », la fin du cinquième alinéa est ainsi rédigée : « d’entraîner son décès ne peut être réalisé sans avoir respecté la procédure collégiale définie par le code de déontologie médicale et les directives anticipées ou, à défaut, sans que la personne de confiance prévue à l’article L. 1111-11-1 ou la famille ou les proches aient été consultés. La décision motivée de limitation ou d’arrêt de traitement est inscrite dans le dossier médical. »

II (nouveau). – À la première phrase du V de l’article L. 2131-1 du même code, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « quatrième ».

Article 6

L’article L. 1111-10 du même code est abrogé.

Article 7

À l’intitulé de la section 2 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la première partie du même code, après le mot : « volonté », sont insérés les mots : « des malades refusant un traitement et ».

Article 8

L’article L. 1111-11 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 1111-11. – Toute personne majeure et capable peut rédiger des directives anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d’état d’exprimer sa volonté. Ces directives anticipées expriment la volonté de la personne relative à sa fin de vie visant à refuser, à limiter ou à arrêter les traitements et les actes médicaux.

« Elles sont révisables et révocables à tout moment. Elles sont rédigées selon un modèle unique dont le contenu est fixé par décret en Conseil d’État pris après avis de la Haute Autorité de santé. Ce modèle prévoit la situation de la personne selon qu’elle se sait ou non atteinte d’une affection grave au moment où elle rédige de telles directives.

« Elles s’imposent au médecin, pour toute décision d’investigation, d’actes, d’intervention ou de traitement, sauf en cas d’urgence vitale pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation. Si les directives anticipées apparaissent manifestement inappropriées, le médecin doit solliciter un avis collégial. La décision collégiale s’impose alors et est inscrite dans le dossier médical.

« Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, définit les conditions d’information des patients et les conditions de validité, de confidentialité et de conservation des directives anticipées. Les directives anticipées sont notamment conservées sur un registre national faisant l’objet d’un traitement automatisé dans le respect de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Le médecin traitant informe ses patients de la possibilité et des conditions de rédaction de directives anticipées.

« Lorsqu’une personne fait l’objet d’une mesure de protection juridique, au sens du chapitre II du titre XI du livre Ier du code civil, elle peut rédiger des directives anticipées avec l’autorisation du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué. Le juge ou le conseil de famille peut prévoir qu’elle bénéficie, pour la rédaction de telles directives, de l’assistance de la personne chargée de sa protection, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 459 du même code, à l’exclusion de toute possibilité de représentation. »

Article 9

I. – L’article L. 1111-6 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 1111-6. – Toute personne majeure peut désigner une personne de confiance, qui peut être un parent, un proche ou le médecin traitant et qui sera consultée au cas où elle-même serait hors d’état d’exprimer sa volonté et de recevoir l’information nécessaire à cette fin. Elle témoigne de l’expression de la volonté de la personne. Son témoignage prévaut sur tout autre témoignage. Cette désignation est faite par écrit. Elle est révisable et révocable à tout moment. Si le malade le souhaite, la personne de confiance l’accompagne dans ses démarches et assiste aux entretiens médicaux afin de l’aider dans ses décisions.

« La personne de confiance peut demander les informations du dossier médical nécessaires pour vérifier si la situation médicale de la personne concernée correspond aux conditions exprimées dans les directives anticipées.

« Lors de toute hospitalisation dans un établissement de santé, il est proposé au malade de désigner une personne de confiance dans les conditions prévues au premier alinéa. Cette désignation est valable pour la durée de l’hospitalisation, à moins que le malade n’en dispose autrement.

« Le présent article ne s’applique pas lorsqu’une mesure de tutelle est ordonnée. Toutefois, le juge des tutelles peut, dans cette hypothèse, soit confirmer la mission de la personne de confiance antérieurement désignée, soit révoquer la désignation de celle-ci. »

II. – (Supprimé)

Article 10

L’article L. 1111-12 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 1111-12. – Lorsqu’une personne, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, est hors d’état d’exprimer sa volonté, le médecin a l’obligation de s’enquérir de l’expression de la volonté exprimée par le patient. En l’absence de directives anticipées mentionnées à l’article L. 1111-11, il recueille le témoignage de la personne de confiance ou, à défaut, tout autre témoignage de la famille ou des proches. »

Article 11

I. – L’article L. 1111-13 du même code est abrogé.

II (nouveau). – Après le c du I de l’article L. 1541-2 du même code, il est inséré un c bis ainsi rédigé :

« c bis) À l’article L. 1110-5-1, les mots : “le code de déontologie médicale” sont remplacés par les mots : “la réglementation locale en vigueur ayant le même objet” ; ».

III (nouveau). – Le 8° du II de l’article L. 1541-3 du même code est abrogé.

Article 12 (nouveau)

L’article L. 1412-1-1 du même code est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« L’avis des commissions compétentes et de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques inclut une appréciation sur l’opportunité, pour le Gouvernement, de mobiliser, dans les conditions prévues à l’article L. 121-10 du code de l’environnement, le concours de la Commission nationale du débat public. » ;

2° Le deuxième alinéa est complété par les mots : « , en faisant ressortir les éléments scientifiques indispensables à la bonne compréhension des enjeux de la réforme envisagée ».

Article 13 (nouveau)

La présente loi est applicable en Nouvelle-Calédonie.

Article 14 (nouveau)

Le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport évaluant les conditions d’application de la présente loi, ainsi que la politique de développement des soins palliatifs.

Délibéré en séance publique, à Paris, le 17 mars 2015.

Le Président,
Signé :
Claude BARTOLONE


© Assemblée nationale