N° 2960 - Proposition de loi de M. Marc Le Fur visant à rétablir pour les mineurs l'autorisation de sortie du territoire



N° 2960

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 juillet 2015.

PROPOSITION DE LOI

visant à rétablir pour les mineurs l’autorisation de sortie
du territoire,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mesdames et Messieurs

Marc LE FUR, Élie ABOUD, Bernard ACCOYER, Yves ALBARELLO, Nicole AMELINE, Laurence ARRIBAGÉ, Olivier AUDIBERT TROIN, Jean-Pierre BARBIER, Xavier BERTRAND, Étienne BLANC, Jean-Claude BOUCHET, Xavier BRETON, Valérie BOYER, Alain CHRÉTIEN, Édouard COURTIAL, Jean-Michel COUVE, Marie-Christine DALLOZ, Olivier DASSAULT, Rémi DELATTE, Georges FENECH, Marie-Louise FORT, Laurent FURST, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Guy GEOFFROY, Annie GENEVARD, Bernard GÉRARD, Alain GEST, Claude GOASGUEN, Philippe GOSSELIN, Anne GROMMERCH, Jean-Jacques GUILLET, Michel HERBILLON, Michel HEINRICH, Patrick HETZEL, Denis JACQUAT, Charles de LA VERPILLÈRE, Alain LEBOEUF, Frédéric LEFEBVRE, Pierre LELLOUCHE, Philippe LE RAY, Véronique LOUWAGIE, Lionnel LUCA, Franck MARLIN, Olivier MARLEIX, Thierry MARIANI, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MATHIS, Yves NICOLIN, Valérie PÉCRESSE, Bernard PERRUT, Jean-Frédéric POISSON, Axel PONIATOWSKI, Didier QUENTIN, Frédéric REISS, Jean-Luc REITZER, Camille de ROCCA SERRA, Sophie ROHFRITSCH, Paul SALEN, François SCELLIER, Éric STRAUMANN, Lionel TARDY, Michel TERROT, Jean-Sébastien VIALATTE, Philippe VITEL, Michel VOISIN et Marie-Jo ZIMMERMANN,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Un nombre important de jeunes mineurs de nationalité française ont rejoint ou rejoignent les zones de combat en Syrie et en Irak, aux côtés des forces de l’organisation dite de « l’État islamique ».

Le rapport de la commission d’enquête du Sénat sur l'organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe du 1er avril 2015 a fourni plusieurs données chiffrées sur l’ampleur des départs de citoyens français partis combattre dans les rangs djihadistes.

Selon ce rapport, au 9 mars 2015, 1 432 ressortissants français - essentiellement jeunes - étaient recensés. 413 d'entre eux se trouveraient effectivement sur la zone de combats, dont 119 femmes (parmi lesquelles une proportion non négligeable de mineures), 295 seraient en transit et 376 se prépareraient à s'y rendre. 261 personnes auraient quitté le territoire syro-irakien, dont 200 pour regagner la France. 85 seraient présumés décédés sur place et 2 seraient emprisonnés en Syrie.

Parmi ces jeunes recensés la proportion de mineurs parmi les individus est estimée à 25 %, soit plus de 350.

Cette information est d’autant plus alarmante qu’en dépit de la mise en place du plan de prévention et de lutte contre les filières djihadistes, les circulations de mineurs demeurent soumises à un contrôle trop limité.

Actuellement un mineur peut en effet se rendre dans de nombreux pays sous seule réserve de disposer de la carte nationale d’identité.

L’autorisation de sortie du territoire pour les mineurs (AST) a en effet été supprimée en 2013 après le vote de la loi n° 2010-769 qui a renforcé le régime des interdictions de sortie du territoire pour les mineurs dans le cadre de la lutte contre les enlèvements d’enfants.

Le mineur qui souhaite quitter le territoire national est par conséquent dans la même situation qu’un majeur.

Dans son rapport la commission d’enquête du Sénat sur l'organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe note d’ailleurs que « les départs de jeunes Français vers la Syrie n'ayant pas été anticipés fin 2012, le nouveau dispositif s'est finalement retourné contre les pouvoirs publics en facilitant les conditions dans lesquelles les personnes mineures peuvent rejoindre les théâtres d'opération via la Turquie, sans que les services de police chargés des contrôles puissent s'y opposer ».

Si une instruction du 5 mai 2014 a modifié les modalités d'application de la procédure d'opposition à sortie du territoire (OST) de mineurs non accompagnés d'une personne titulaire de l'autorité parentale ou d'un représentant légal, force est de constater que cela n’a pas été suffisant.

Ce même rapport précise d’ailleurs au sujet de l’opposition à sortie du territoire que « son utilisation suppose toutefois que la radicalisation du mineur soit détectée par l'entourage proche et implique une démarche volontaire des parents pour signaler le risque de départ de l'intéressé » et ajoute qu’elle est donc « inopérante dans les cas de radicalisation non détectés par les proches », ce qui l’a conduit « à se demander si cette réponse peut à elle seule constituer une solution efficace ».

Le Gouvernement a certes souhaité sensibiliser les parents dans le cadre du plan de lutte contre la radicalisation lancé au printemps 2014, mais sans leur donner les moyens de prévenir les départs et de s’opposer à ceux-ci.

Plus d’un an après le lancement de ce plan, la réglementation en vigueur sur la sortie du territoire des mineurs n’a pas évolué.

Le 2 juin 2015, le tribunal administratif de Paris a rejeté la requête d’une mère de famille qui lui demandait de condamner l’État pour ne pas avoir empêché son fils de partir combattre auprès des djihadistes, en Syrie, lorsqu’il était mineur.

Cette mère de famille reprochait à l’État le manque de discernement des agents de police qui avaient contrôlé son fils en possession d’une simple carte d’identité et d’un billet aller simple pour la Turquie, pays connu pour être la porte d’entrée en Syrie.

La juridiction administrative a estimé que les services de police aux frontière n’avaient pas commis de faute de nature à engager la responsabilité de l’État.

L’avocate de cette mère de famille a rappelé dans la presse que « l’autorisation parentale était capitale » et qu’elle existait « encore en Belgique, par exemple » et a estimé que « c'était une erreur de la supprimer » et a fait savoir qu’elle ne comprenait pas « qu'on ne l'ait pas encore rétablie. »

Précédemment des parents d’enfants partis en Syrie avaient lancé une pétition dénonçant l’immobilisme de l’État et réclamant le rétablissement de cette autorisation de sortie du territoire.

La controverse autour de la décision du tribunal administratif de Paris du 23 juin 2015 met en évidence le caractère inadapté de notre droit au contexte actuel et la nécessité de rétablir l’autorisation de sortie du territoire pour les mineurs.

L’auteur de la présente proposition souhaite par conséquent rétablir cette procédure pour toute sortie du territoire national. Ce rétablissement aurait pu ne concerner que les États hors « espace Schengen ». Toutefois, le caractère poreux des frontières de certains États membres de cet espace aurait rendu inopérante cette mesure de contrôle.

C’est pourquoi la présente proposition de loi vise à rétablir l’autorisation de sortie pour les mineurs pour tout déplacement en dehors du territoire national.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Le chapitre Ier du titre IX du livre Ier du code civil est complété par un article 371-6 ainsi rédigé :

« Art. 371-6. – L’enfant ne peut quitter le territoire national sans une autorisation de sortie du territoire signée des titulaires de l’autorité parentale.

« Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article. »


© Assemblée nationale