N° 3019 - Proposition de loi de M. Jean-François Mancel remplaçant l'impôt sur le revenu progressif par un impôt proportionnel sur le revenu



N° 3019

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 juillet 2015.

PROPOSITION DE LOI

remplaçant l’impôt sur le revenu progressif par un impôt proportionnel sur le revenu,

(Renvoyée à la commission des finances, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Jean-François MANCEL,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Notre système fiscal est à bout de souffle. Non seulement le poids de l’impôt est devenu insupportable mais ses supports sont obsolètes. Il en est ainsi notamment de l’impôt sur le revenu.

Impôt fortement progressif, doté d’une assiette réduite et d’abattements et exonérations nombreux, il conduit à un rendement particulièrement médiocre. Ainsi, en 2012, l’impôt sur le revenu (IR) a produit 56,5 milliards d’euros sur près de 913 milliards d’euros déclarés par les foyers imposables, soit un ratio de 6,18 %.

La progressivité de l’impôt sur le revenu, issue à l’origine du Manifeste de parti communiste de Karl Marx, est aujourd’hui une notion dépassée malgré les idées reçues. Couplée à la complexité, la progressivité a un impact négatif sur les prélèvements faisant qu’en 2013, malgré des augmentations d’impôts, le Gouvernement a constaté une diminution de ses recettes fiscales, prouvant le bien-fondé de l’expression attribuée à Arthur Laffer que « trop d’impôts tue l’impôt ». En outre, au regard des prélèvements basés sur la proportionnalité de l’impôt, la taxe sur la valeur ajoutée et la contribution sociale généralisée, constituant la majorité des recettes de l’État, la progressivité de l’impôt sur le revenu apparaît comme une erreur de cohérence. Enfin, la conjonction d’une taxation trop élevée et de ses correctifs aboutit à ce que seule la moitié des foyers soient assujettis à l’impôt sur le revenu, mettant en valeur une injustice flagrante. C’est donc dans un souci d’équité et d’efficacité qu’il devient urgent de mettre en place un impôt proportionnel sur le revenu.

L’impôt proportionnel, ou impôt à taux unique ou « flat tax », n’est pas une idée nouvelle car près de huit États membres de l’Union Européenne, dont quatre membres de la zone euro, l’ont déjà adopté. Cet impôt conduit à imposer les revenus de tous les contribuables au même taux, celui-ci étant décidé au préalable en fonction de l’état de l’économie et des perspectives budgétaires. Comme l’impôt proportionnel sur le revenu possède une assiette large car il concerne l’ensemble des contribuables, le taux d’imposition est généralement bas, comme en témoigne les taux utilisés par les pays ayant adopté cette mesure. Elle assure ainsi que toute personne ayant accès aux services publics prenne part à leur financement.

L’impôt proportionnel présente de nombreux avantages d’un point de vue fiscal et permet de corriger les défauts de la progressivité. Tout d’abord, le taux unique simplifie largement la déclaration de revenu, permettant ainsi d’améliorer et d’alléger la tâche des services fiscaux, plus efficaces et plus rapides. Le même taux étant appliqué pour tous les contribuables, les effets de seuils disparaîtraient et les niches fiscales sources d’abattements et réductions d’environ 90 milliards n’auraient plus lieu d’être. La fraude fiscale serait alors diminuée car l’impôt serait accepté plus facilement. Les tentatives de contournement de l’impôt seraient marginales et facilement repérables du fait de la clarté du prélèvement.

Par ailleurs, cette mesure permet au contribuable de se projeter dans l’avenir, enlevant le souci annuel de son prélèvement, actuellement constamment modifié chaque année. Elle donne en outre au contribuable une véritable capacité d’arbitrage sur le choix de ses investissements qui ne seront plus guidés par la volonté d’échapper à l’impôt.

Cependant, le taux unique ne garantit pas obligatoirement une augmentation des recettes fiscales. De même, plusieurs études (notamment celle conduite par Klemens Fuest de l’Université de Cologne dans la revue suisse La Vie économique) démontrent des effets positifs de faible ampleur sur l’investissement et la croissance. La mise en place de l’impôt proportionnel sur le revenu s’insère plutôt dans une logique de simplification et de clarification des prélèvements fiscaux, l’impôt sur le revenu devenant tout aussi équitable que la contribution sociale généralisée ou la taxe sur la valeur ajoutée. Par cette mesure, dans un souci de cohérence, les trois principaux prélèvements, constituant environ 90 % des recettes fiscales de l’État, seraient prélevés de façon proportionnelle.

En revanche, afin de permettre aux contribuables les plus modestes de subvenir à leurs besoins légitimes, il apparaît nécessaire de conserver un taux d’abattement. Ainsi, serait exemptée de cet impôt sur le revenu toute personne dont le total des revenus est inférieur à 20 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance. Par cet abattement relativement bas, nous aidons les personnes touchées par la pauvreté, tout en augmentant l’impôt sur le revenu des personnes les plus riches qui, avec les innombrables réductions proposées par les niches fiscales, perversions du système de la progressivité, ont actuellement la possibilité de réduire de façon significative leur imposition.

Cette mesure ne peut qu’être bénéfique pour l’État et pour la France. Elle nécessite de profonds changements dans les habitudes mais elle contribuera à faire évoluer les mentalités vers une responsabilisation de tous les citoyens.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’article 193 du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Art. 193.  –  Le revenu imposable est pour le calcul de l’impôt sur le revenu, indivisible et unique pour un foyer fiscal.

« Le calcul de l’impôt sur le revenu s’effectue à partir d’un taux unique s’appliquant à l’ensemble des foyers fiscaux et à l’ensemble du revenu imposable de chaque foyer.

« Le taux unique de l’impôt sur le revenu est déterminé annuellement par le Gouvernement dans la loi de finances votée par le Parlement.

« Pour l’application du premier alinéa, le revenu imposable ainsi que les différents éléments ayant concouru à sa détermination, sont arrondis à l’euro le plus proche. La fraction d’euro égale à 0,50 est comptée pour 1. »

Article 2

L’article 193 bis du même code est ainsi rédigé :

« Art. 193 bis. – Le taux d’imposition déterminé par la loi de finances s’applique à tout foyer fiscal dont le total des revenus imposables est supérieur à 20 % du salaire annuel minimum interprofessionnel de croissance.

« L’impôt sur le revenu est imposable à un taux fixe de 0 % à tout foyer fiscal dont le total des revenus imposables est inférieur à 20 % du salaire annuel minimum interprofessionnel de croissance. »

Article 3

Les articles 195, 196 B, 197, 197 A, 197 B, 197 C, 199, 199 ter, 199 ter A, 199 ter-0 B, 199 ter B, 199 ter C, 199, ter D, 199 ter E, 199 ter F, 199 ter G, 199 ter I, 199 ter K, 199 ter L, 199 ter N, 199 ter P, 199 ter R, 199 ter S, 199 ter T, 199 ter U, 199 quater A, 199 quater B, 199 quater C, 199 quater F, 199 septies, 199 decies E, 199 decies G, 199 decies H, 199 decies I, 199 undecies A, 199 undecies B, 199 undecies C, 199 undecies D, 199 undecies E, 199 undecies F, 199 terdecies-0 A, 199 terdecies-0 B, 199 terdecies–0 C, 199 quindecies, 199 sexdecies, 199 octodecies, 199 novodecies, 199 vivies A, 199 unvicies, 199 duovicies, 199 tervicies, 199 quatervicies, 199 sexvicies, 199 septvicies, 199 octovicies, 199 novovicies, 200, 200 bis, 200 quater, 200 quarter A, 200 quater B, 200 octies, 200 nonies, 200 decies A, 200 undecies, 200 duodecies, 200 terdecies, 200 quaterdecies, 200 quindecies, 200-0 A, 200 A, 200 B du code général des impôts sont abrogés.


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