N° 3077 - Proposition de loi de M. Christian Estrosi favorisant le développement régional de l'apprentissage



N° 3077

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 septembre 2015.

PROPOSITION DE LOI

favorisant le développement régional de l’apprentissage,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Christian ESTROSI, Xavier BERTRAND, Marc LE FUR, Valérie PÉCRESSE, Hervé MORIN, François SAUVADET, Philippe VIGIER, Damien ABAD, Bernard ACCOYER, Laurence ARRIBAGÉ, Julien AUBERT, Jacques Alain BÉNISTI, Valérie BOYER, Jean-Claude BOUCHET, Philippe BRIAND, Alain CHRÉTIEN, Éric CIOTTI, Jean-Louis CHRIST, Philippe COCHET, Édouard COURTIAL, Jean-Michel COUVE, Marie-Christine DALLOZ, Marc-Philippe DAUBRESSE, Olivier DASSAULT, Jean-Pierre DECOOL, Bernard DEFLESSELLES, Rémi DELATTE, Yves FROMION, Laurent FURST, Marie-Louise FORT, Bernard GÉRARD, Daniel GIBBES, Françoise GUÉGOT, Jean-Claude GUIBAL, Philippe GOSSELIN, Arlette GROSSKOST, Claude GOASGUEN, Jean-Pierre GORGES, Michel HERBILLON, Patrick HETZEL, Philippe HOUILLON, Jacques KOSSOWSKI, Marc LAFFINEUR, Jacques LAMBLIN, Laure de LA RAUDIÈRE, Isabelle LE CALLENNEC, Geneviève LEVY, Lionnel LUCA, Gilles LURTON, Alain MARLEIX, Olivier MARLEIX, Thierry MARIANI, Jean-Claude MATHIS, Damien MESLOT, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Alain MOYNE-BRESSAND, Josette PONS, Jacques PÉLISSARD, Bernard PERRUT, Camille de ROCCA SERRA, Jean-Luc REITZER, Frédéric REISS, Franck RIESTER, Bernard REYNES, Rudy SALLES, André SCHNEIDER, Jean-Marie SERMIER, Michel SORDI, Alain SUGUENOT, Guy TEISSIER, Paul SALEN, Lionel TARDY, Dominique TIAN, Catherine VAUTRIN, Charles de LA VERPILLIÈRE, Philippe VITEL, Laurent MARCANGELI, Axel PONIATOWSKI, Claude STURNI, Luc CHATEL et Jean-Frédéric POISSON,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En trois ans, François Hollande a creusé la tombe de l’apprentissage et a fait chuter cette filière de 3,2 % en 2014, après une baisse de 8 % en 2013. Ce début d’année 2015 n’est pas meilleur avec une chute de 13 % au premier trimestre. Plus concrètement, depuis 2012, les socialistes ont fait disparaître 60 000 apprentis. C’est un triste record qui touche notre jeunesse. Le Gouvernement préfère mettre en place des emplois aidés qui ne fonctionnent pas, au détriment des aides à l’embauche d’apprentis qui ont été considérablement réduites. Alors que le chômage explose, les socialistes ne trouvent rien de mieux que de ruiner un dispositif qui fonctionne.

Sous le quinquennat précédent, de 2007 à 2012, de nombreux dispositifs avaient été mis en place afin de renforcer ces formations, avec par exemple la mise en place d’un dispositif zéro charge pour les entreprises de moins de dix salariés, qui avait été élargi par la suite aux structures de moins de deux cent cinquante salariés, la création d’une prime de 1 800 euros pour les entreprises de moins de cinquante salariés pour tout recrutement d’un apprenti supplémentaire et d’une aide de 1 000 euros pour les entreprises qui embauchaient un jeune en contrat de professionnalisation. Le montant de cette prime pouvait monter jusqu'à 2 000 euros si le jeune en question avait un niveau scolaire inférieur au bac. Grâce à cette action volontariste, c’est plus de 410 000 contrats d’apprentissage et 176 000 contrats de professionnalisation qui ont été effectués.

Par ailleurs, l’intérim a été ouvert à l’alternance et l’alternance a été ouverte au tertiaire. Et enfin, possibilité avait été donnée aux jeunes de cumuler l’alternance et une activité saisonnière.

C’est une véritable révolution culturelle qui avait été engagée pour inciter les jeunes à choisir ces formations. Cette action, conjuguée à la loi sur le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels, a permis une mobilisation de tous les acteurs grâce à la mise en place de mesures de simplification et d’attractivité. Le Gouvernement actuel a lui décidé de remettre en cause ces dispositifs et notamment la suppression des charges pour les petites et moyennes entreprises dès 2012, faisant peser ainsi un risque grave sur la filière.

La réalité, c’est donc qu’aujourd’hui notre système d’apprentissage est en panne. Nous avons 420 000 apprentis là où l’Allemagne en a 1,5 million. Nous avons 25 % de chômage des jeunes là où l’Allemagne en a 7 % ! Par exemple en région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, la gauche a conclu une convention avec l’État pour former 42 000 apprentis par an. Or aujourd’hui, seuls 31 000, soit 2 000 de moins qu’en 1998, sortent de nos campus.

Face à un tel résultat, on comprend tout de suite que l’objectif du Gouvernement de 500 000 apprentis en 2017 sera une chimère comparable à celle de l’inversion de la courbe du chômage.

L’apprentissage ne doit plus être le filet de repêchage pour les décrocheurs, mais une voie d’excellence pour l’ensemble des élèves qui veulent apprendre un métier. 70 % des apprentis trouvent directement un emploi à la fin de leur formation. Il s’agit bien là d’une formation d’excellence qui mène à la réussite. Pour se donner les moyens de réussir ce pari, ce système a besoin d’être réformé profondément : l’apprentissage doit être réorganisé au sein de régions davantage impliquées. Au-delà des mentalités, c’est toute notre politique de formation qui doit être revue afin de répondre aux attentes de tous les acteurs concernés.

L’apprentissage est une filière qui repose avant tout sur les acteurs économiques locaux. Ce qui marche c’est le rapprochement de l’entreprise et de la formation. La voix d’excellence de ce rapprochement c’est bien évidemment l’apprentissage et l’alternance. Le législateur ayant souhaité confier à la région une compétence privilégiée dans le domaine économique, il apparaît opportun que l’organisation de l’enseignement de l’apprentissage soit décentralisée à cet échelon.

En ce qui concerne ce rôle des acteurs locaux, la majorité précédente avait également mis en place les éléments nécessaires aux besoins des territoires. L’État avait débloqué des moyens importants : 500 millions d’euros du Grand Emprunt avait été investis pour moderniser l’offre de formation. C’est également 1,75 milliard d’euros qui avait été mis en place pour garantir le financement à parité avec les régions de contrats d’objectifs et de moyens (COM). Toutes les régions avaient par ailleurs signé ce plan. Pour la seule région Île-de-France, ce sont 325 millions d’euros qui avaient été investis dans ce cadre.

Afin de pallier l’inaction du Gouvernement, nous devons inciter chaque région à être en capacité de piloter une politique d’apprentissage adaptée à son territoire. C’est en faisant de la région l’interlocuteur unique (I), et en encadrant mieux l’apprentissage (II), que nous renforcerons son attractivité et son efficacité.

I. La région doit devenir l’interlocuteur unique de l’apprentissage

Notre objectif doit être de faire de l’apprentissage la voie unique des métiers de niveau Bac et Infra-Bac (CAP, BEP…).

En France, un apprenti coûte 9 000 euros par mois contre 1 875 euros par mois en Allemagne. Nous consacrons chaque année plus de 3,5 milliards d’euros à ces formations. Aujourd’hui, de multiples acteurs s’occupent de l’apprentissage mais aucun n’est responsable directement. La région doit devenir l’interlocuteur unique de cette filière. Pour cela, la présente proposition de loi permet le développement des banques régionales d’apprentissage. Elle confie également à la région le pilotage de la formation professionnelle initiale et la gestion des lieux d’apprentissages dans leur globalité.

1. Créer une banque régionale de l’apprentissage

La région doit pouvoir structurer les liens entre les entreprises et les partenaires sociaux pour mettre en relation les jeunes et les entreprises désireuses d’en embaucher. L’échelon régional est le mieux adapté pour répondre à ces besoins réciproques. Cet échelon présente en effet l’avantage d’appréhender le mieux la réalité économique du territoire.

La région doit être un outil efficace pour ne plus avoir d’offres non pourvues et faciliter les recherches. Ce pilotage doit se faire en lien direct et étroit avec les branches professionnelles afin que l’entreprise soit au cœur du nouveau dispositif.

Dans cet objectif, la présente proposition de loi prévoit ainsi qu’une région qui le souhaite puisse mettre en place une banque régionale d’apprentissage afin de pouvoir permettre une rencontre constructive des acteurs. Chaque région pourrait ainsi organiser, selon le modèle qu’elle souhaite, une collecte des différentes offres d’emploi et une collecte des curriculum vitae. Elle pourrait par exemple mettre en place des outils numériques pour échanger les profils, organiser des salons thématiques et des moments d’échanges... afin de favoriser la rencontre entre l’offre et de la demande sur le territoire régional.

2. Tendre vers la fusion des centres de formation et d’apprentissage et des lycées professionnels


Actuellement, deux voix préparent à la formation professionnelle : les centres de formation et d’apprentissage et les lycées professionnels. Cette dichotomie n’est pas lisible ni pour les élèves, ni pour les entreprises.

Les régions doivent gérer ces deux entités afin de piloter directement la formation professionnelle. La gestion de ces deux unités de formation permettrait de mettre en place au niveau régional une vraie politique de développement de l’apprentissage. Cumulée à la création d’une banque régionale de l’apprentissage, ce rapprochement permettrait à la région d’agir efficacement sur son territoire avec des initiatives conjointes entre les différents établissements et les acteurs économiques. Cette gestion régionale permettrait à terme d’inciter à la fusion de ces deux entités de formation afin de créer des centres d’apprentissage professionnel régionaux.

II. Mieux encadrer l’apprentissage pour en faire une voix de réussite

L’apprentissage est une chance considérable pour les jeunes. Afin de faire de l’apprentissage une filière de réussite, il est indispensable de permettre aux jeunes qui le souhaitent de commencer plus tôt cette découverte du monde de l’entreprise mais aussi d’aligner les conditions de travail des apprentis sur celles des autres salariés de l’entreprise.

1. Permettre l’apprentissage dès 14 ans en alternance

En donnant aux jeunes une formation professionnelle le plus tôt possible, on les prépare mieux au monde de l’entreprise. Afin de réaliser cet objectif, la présente proposition de loi permet aux élèves qui le souhaitent de pouvoir commencer l’apprentissage dès quatorze ans.

Dans cette hypothèse, l’élève intéressé doit avoir l’assurance que son parcours de formation est protégé. Ainsi, nous proposons d’encadrer cette possibilité d’apprentissage de quatorze à seize ans en la conditionnant par l’alternance. C’est le meilleur moyen de continuer ses études tout en ayant un pied dans le monde du travail.

Concrètement, cette alternance s’organiserait ainsi : trois jours en entreprise et deux jours en classe, avec un jour d’enseignement général et un jour d’enseignement en lien avec l’apprentissage. Cette condition permettrait à l’élève intéressé de découvrir le monde de l’entreprise tout en restant dans le milieu scolaire pendant sa période de découverte.

2. Aligner les conditions de travail des apprentis sur celles des salariés

Cet alignement des conditions de travail est dans l’intérêt de tous les acteurs concernés. Nous devons libérer les apprentis et les chefs d’entreprises des carcans qui les restreignent.

Tout apprenti doit pouvoir bénéficier des mêmes conditions de travail que les salariés de l’entreprise dans laquelle il effectue son apprentissage. Il doit être considéré comme un salarié et avoir les mêmes conditions de travail que celui-ci. C’est une condition substantielle à la réussite de son parcours de formation, que cela soit son intégration dans l’entreprise ou son implication dans son apprentissage. L’apprenti aura ainsi un statut protecteur qui valorisera plus généralement la filière de l’apprentissage.

Cet alignement des conditions de travail est aussi une libération pour les chefs d’entreprises. En effet, en alignant les apprentis sur un statut similaire aux autres salariés, un chef d’entreprise pourra désormais lui confier des missions identiques aux autres salariés, l’incitant ainsi à recourir à l’apprentissage et à faire confiance à ses apprentis dans sa vie professionnelle.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Le code de l’éducation est ainsi modifié :

1° Au début de la section 1 du chapitre IV du titre Ier du livre II de la première partie est inséré un article L. 214 ainsi rédigé :

« Art. L. 214. – Chaque région gère les centres de formation et d’apprentissage et les lycées professionnels. Elle pilote la formation professionnelle initiale et encourage la fusion des centres de formation et d’apprentissage et des lycées professionnels afin de tendre vers la création de centres d’apprentissage professionnel régionaux. »

2° À la fin de la première phrase du premier alinéa de l’article L. 214-6, le mot « maritimes » est supprimé.

Article 2

L’article L. 214-12 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La région peut mettre en place une grande banque régionale d’apprentissage permettant de développer les liens entre les besoins des apprentis et des entreprises. »

Article 3

L’article L. 6222-1 du même code est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, le mot : « seize » est remplacé par le mot : « quatorze ».

2° Il est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« De quatorze à seize ans, l’élève bénéficie de l’apprentissage en alternance : trois jours en entreprise et deux jours en classe, avec un jour d’enseignement général et un jour d’enseignement en lien avec l’apprentissage.

« Tout apprenti doit pouvoir bénéficier des mêmes conditions de travail que les salariés de l’entreprise dans laquelle il effectue son apprentissage. L’employeur s’engage à employer l’apprenti en lui garantissant des conditions de travail identiques à celles des autres salariés. »

Article 4

La charge pour les collectivités territoriales est compensée, à due concurrence, par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


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