N° 3109 - Proposition de loi de M. Bruno Le Roux relative à la prévention et à la lutte contre les atteintes graves à la sécurité publique, contre le terrorisme et contre la fraude dans les transports publics de voyageurs



N° 3109 (rectifié)

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 octobre 2015.

PROPOSITION DE LOI

relative à la prévention et à la lutte contre les atteintes graves à la sécurité publique, contre le terrorisme et contre la fraude dans les transports publics de voyageurs,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire,
à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Bruno LE ROUX, Gilles SAVARY, Sophie ERRANTE, Arnaud LEROY, Philippe DURON, Sabine BUIS, Alain CALMETTE, Christophe BOUILLON, Jean-Louis BRICOUT, Florent BOUDIE, Sylviane ALAUX, Gilbert SAUVAN, Viviane LE DISSEZ, Jean-Paul CHANTEGUET, Jean-Yves CAULLET, et les membres du groupe socialiste, républicain et citoyen (1) et apparentés (2),

députés.

____________________________

(1) Ce groupe est composé de Mesdames et Messieurs : Ibrahim Aboubacar, Patricia Adam, Sylviane Alaux, Jean-Pierre Allossery, Pouria Amirshahi, François André, Nathalie Appéré, Kader Arif, Christian Assaf, Pierre Aylagas, Jean-Marc Ayrault, Alexis Bachelay, Guillaume Bachelay, Jean-Paul Bacquet, Dominique Baert, Guy Bailliart, Gérard Bapt, Frédéric Barbier, Serge Bardy, Ericka Bareigts, Claude Bartolone, Christian Bataille, Delphine Batho, Marie-Noëlle Battistel, Laurent Baumel, Philippe Baumel, Nicolas Bays, Catherine Beaubatie, Jean-Marie Beffara, Luc Belot, Karine Berger, Gisèle Biémouret, Philippe Bies, Erwann Binet, Jean-Pierre Blazy, Yves Blein, Patrick Bloche, Daniel Boisserie, Christophe Borgel, Florent Boudie, Marie-Odile Bouillé, Christophe Bouillon, Brigitte Bourguignon, Malek Boutih, Kheira Bouziane-Laroussi, Emeric Bréhier, Jean-Louis Bricout, Jean-Jacques Bridey, , Isabelle Bruneau, Gwenegan Bui, Sabine Buis, Jean-Claude Buisine, Sylviane Bulteau, Vincent Burroni, Alain Calmette, Jean-Christophe Cambadélis, Colette Capdevielle, Yann Capet, Christophe Caresche, Marie-Arlette Carlotti, Fanélie Carrey-Conte, Martine Carrillon-Couvreur, Christophe Castaner, Laurent Cathala, Jean-Yves Caullet, Nathalie Chabanne, Guy Chambefort, Jean-Paul Chanteguet, Marie-Anne Chapdelaine, Guy-Michel Chauveau, Dominique Chauvel, Pascal Cherki, Jean-David Ciot, Alain Claeys, Jean-Michel Clément, Marie-Françoise Clergeau, Romain Colas, David Comet, Philip Cordery, Valérie Corre, Jean-Jacques Cottel, Catherine Coutelle, Jacques Cresta, Pascale Crozon, Frédéric Cuvillier, Seybah Dagoma, Yves Daniel, Carlos Da Silva, Pascal Deguilhem, Florence Delaunay, Michèle Delaunay, Guy Delcourt, Carole Delga, Pascal Demarthe, Sébastien Denaja, Françoise Descamps-Crosnier, Sophie Dessus, Jean-Louis Destans, Michel Destot, Fanny Dombre-Coste, René Dosière, Philippe Doucet, Sandrine Doucet, Françoise Dubois, Jean-Pierre Dufau, Anne-Lise Dufour-Tonini, Françoise Dumas, William Dumas, Jean-Louis Dumont, Laurence Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Philippe Duron, Olivier Dussopt, Henri Emmanuelli, Corinne Erhel, Sophie Errante, Marie-Hélène Fabre, Alain Fauré, Martine Faure, Olivier Faure, Hervé Féron, Richard Ferrand, Aurélie Filippetti, Geneviève Fioraso, Hugues Fourage, Jean-Marc Fournel, Valérie Fourneyron, Michèle Fournier-Armand, Michel Françaix, Christian Franqueville, Jean-Claude Fruteau, Jean-Louis Gagnaire, Geneviève Gaillard, Yann Galut, Guillaume Garot, Hélène Geoffroy, Jean-Marc Germain, Jean-Patrick Gille, Jean Glavany, Daniel Goldberg, Geneviève Gosselin-Fleury, Pascale Got, Marc Goua, Linda Gourjade, Laurent Grandguillaume, Estelle Grelier, Jean Grellier, Élisabeth Guigou, Chantal Guittet, David Habib, Razzy Hammadi, Benoît Hamon, Mathieu Hanotin, Joëlle Huillier, Monique Iborra, Françoise Imbert, Michel Issindou, Éric Jalton, Serge Janquin, Henri Jibrayel, Régis Juanico, Armand Jung, Laurent Kalinowski, Marietta Karamanli, Philippe Kemel, Chaynesse Khirouni, Bernadette Laclais, Conchita Lacuey, François Lamy, Anne-Christine Lang, Colette Langlade, Jean Launay, Pierre-Yves Le Borgn’, Jean-Yves Le Bouillonnec, Gilbert Le Bris, Anne-Yvonne Le Dain, Jean-Yves Le Déaut, Viviane Le Dissez, Annie Le Houerou, Annick Le Loch, Jean-Pierre Le Roch, Bruno Le Roux, Marie Le Vern, Patrick Lebreton, Michel Lefait, Dominique Lefebvre, Patrick Lemasle, Catherine Lemorton, Christophe Léonard, Annick Lepetit, Arnaud Leroy, Michel Lesage, Bernard Lesterlin, Michel Liebgott, Martine Lignières-Cassou, Audrey Linkenheld, François Loncle, Lucette Lousteau, Victorin Lurel , Jacqueline Maquet, Marie-Lou Marcel, Jean-René Marsac, Philippe Martin, Martine Martinel, Frédérique Massat, Sandrine Mazetier, Michel Ménard, Patrick Mennucci, Kléber Mesquida, Pierre-Alain Muet, Philippe Nauche, Nathalie Nieson, , Robert Olive, Maud Olivier, Monique Orphé, Michel Pajon, Luce Pane, Christian Paul, Rémi Pauvros, Germinal Peiro, Jean-Claude Perez, Sébastien Pietrasanta, Christine Pires Beaune, Philippe Plisson, Elisabeth Pochon, Pascal Popelin, Dominique Potier, Michel Pouzol, Régine Povéda, Patrice Prat, Christophe Premat, Joaquim Pueyo, François Pupponi, Catherine Quéré, Valérie Rabault, Monique Rabin, Dominique Raimbourg, Marie Récalde, Marie-Line Reynaud, Pierre Ribeaud, Eduardo Rihan Cypel, Denys Robiliard, Alain Rodet, Marcel Rogemont, Frédéric Roig, Barbara Romagnan, Bernard Roman, Gwendal Rouillard, René Rouquet, Alain Rousset, Béatrice Santais, Odile Saugues, Gilbert Sauvan, Gilles Savary, Gérard Sebaoun, Christophe Sirugue, Julie Sommaruga, Suzanne Tallard, Pascal Terrasse, Sylvie Tolmont, Jean-Louis Touraine, Stéphane Travert, Catherine Troallic, Cécile Untermaier, Jean-Jacques Urvoas, Daniel Vaillant, Jacques Valax, Michel Vauzelle, Fabrice Verdier, Michel Vergnier, Patrick Vignal, Jean-Michel Villaumé, Jean-Jacques Vlody et Paola Zanetti.

(2) Marie-Françoise Bechtel, Chantal Berthelot, Jean-Luc Bleunven, Yves Goasdoué, Edith Gueugneau, Christian Hutin, Jean-Luc Laurent, Serge Letchimy, Gabrielle Louis-Carabin, Hervé Pellois, Napole Polutélé et Boinali Said.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les transports en commun occupent une place centrale dans la vie quotidienne de nos concitoyens, en particulier des Franciliens, qui les utilisent pour leurs déplacements professionnels et privés.

Le bus, le tramway, le métro et le train font partie intégrante de notre environnement quotidien, et ce, depuis le plus jeune âge, pour se rendre dans les établissements scolaires et extra-scolaires.

Les transports en commun constituent enfin pour de nombreux touristes le premier contact avec notre pays et un moyen de se déplacer de ville en ville à moindre coût.

Aussi, la sûreté des passagers est-elle une priorité nationale depuis de nombreuses années. Plus de 2 600 agents des différents services de la police nationale, de la police aux frontières – en particulier le service national de la police ferroviaire (SNPF) - de la gendarmerie nationale, des douanes, des polices municipales et de la sous-direction régionale de la police des transports (SDRPT) pour l’Île-de-France, sont mobilisés pour sécuriser, chaque jour, environ 3 000 trains et lignes et plus de 3 500 gares et stations.

A ces forces de l’ordre s’ajoutent les agents assermentés et agréés des entreprises de transport, à l’instar des 2 800 agents de la SUGE (Sûreté SNCF constituée lors de la création de la SNCF en 1938) et des 1 600 membres du groupe de protection et de sécurisation des réseaux (GPSR) de la RATP, service dont les origines remontent à 1945.

La nécessité de coordonner les interventions des opérateurs de transport et des services de l’État et des collectivités territoriales, pour assurer un haut niveau de sécurité dans les transports, n’est pas apparue subitement avec le renforcement du Plan Vigipirate et le déploiement de l’opération « Sentinelle » décidé après les attentats de janvier.

Elle s’est structurée progressivement jusqu’à être assurée depuis mai 2010 par l’unité de coordination de la sécurité dans les transports en commun (UCSTC) placée auprès du directeur général de la police nationale.

En charge du suivi quotidien du plan national de sécurisation dans les transports, cette unité et les acteurs qu’elle coordonne, ont acquis une expérience précieuse en matière de prévention et de lutte contre l’insécurité qui font de la France l’un des pays les plus avancés au monde dans ce domaine, et les plus actifs au sein de réseaux d’experts internationaux comme RAILPOL (European network of Railway Police Forces).

Pourtant, force est de constater que le sentiment d’insécurité dans les transports publics n’a cessé de croître ces dernières années, avec une progression du nombre d’agressions sur le personnel suivies d’un arrêt de travail (+ 4,2 % en 2014) et un tassement de l’augmentation des agressions sur les voyageurs (+ 1,1 % en 2014, après + 12,2 % en 2013). Ainsi, en 2013, près d’un usager des transports sur deux déclarait se sentir en insécurité dans les transports en commun, un chiffre bien plus élevé parmi les utilisateurs du réseau express régional (RER) (près de 60 %) 1. Pire encore, une étude réalisée par le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes a récemment révélé que 100 % des femmes interrogées ont déjà été harcelées dans les transports en Seine-Saint-Denis et en Essonne 2.

Si les actes malveillants demeurent minoritaires par rapport au nombre de passagers transportés (contrairement à leur impact économique : sur dix ans, le coût du vandalisme est de 130,6 millions d’euros pour les entreprises de transport public), ils ne sont que la traduction d’une délinquance de voie publique qui s’exprime en l’occurrence dans l’espace public du transport.

Réceptacle des incivilités et de la violence de notre société, les transports publics, en particulier ferroviaires de par leur caractère hautement fréquenté, cadencé et confiné, constituent, en outre, une cible privilégiée p ar les terroristes, qui peuvent aisément se dissimuler parmi la foule des passagers, pour commettre des attentats de masse.

Les attentats meurtriers de la station Saint-Michel du RER B en juillet 1995, de la gare d’Atocha à Madrid en mars 2004, des bus londoniens en juillet 2005, des stations Loubianka et Park Koultoury du métro de Moscou en mars 2010, les attentats kamikazes quasi-quotidiens contre des bus au Moyen-Orient et dans le sous-continent indien, ou plus récemment la tentative avortée d’attentat dans le Thalys le 21 août 2015, illustrent tristement l’extrême vulnérabilité intrinsèque des transports publics collectifs face à ce type de menace.

Bien qu’un terrible carnage ait été évité dans le cas du Thalys grâce au courage héroïque des passagers du train, ces événements tragiques interrogent inévitablement la capacité de notre droit à prévenir et lutter contre les actes terroristes et les atteintes graves à la sécurité publique.

Une idée, séduisante en théorie, vient immédiatement à l’esprit : transposer les contrôles de sûreté de l’aérien aux transports collectifs terrestres ! C’est oublier que ce contrôle exhaustif, considérablement renforcé depuis les attentats du 11 septembre 2001, ne concerne que 145 millions de passagers annuels en France, soit environ vingt fois moins de personnes que les usagers des transports publics qui montent en libre accès à bord des trains, des RER, des métros, des tramways et des bus !

On peut aisément imaginer les répercussions d’une telle mesure sur la vie quotidienne de nos concitoyens : des files d’attentes interminables pour se déplacer en transports collectifs engendrant de fait un recours accru
– pour ceux qui en ont les moyens – à la voiture individuelle, ce qui générerait une saturation et une dégradation anticipée des itinéraires routiers accompagnée d’une aggravation de la pollution atmosphérique, avec pour effet final une paralysie du fonctionnement de notre économie et de l’ensemble des services publics…sans compter que cette méthode ne résoudrait en rien la vulnérabilité des passagers en attente d’être contrôlés !

Cet exemple montre que, dans ce domaine, comme dans bien d’autres, il convient de se garder des idées simples et des mesures d’affichage.

C’est donc grâce à l’adoption d’ajustements législatifs, et à des développements réglementaires et contractuels judicieusement ciblés, au niveau national et international, que nous répondrons efficacement à cette menace diffuse en évolution permanente.

C’est précisément cet état d’esprit qui a présidé à la Déclaration de Paris du 29 août 2015 issue de la réunion européenne sur la sécurité dans les transports ferroviaires frontaliers, et qui a guidé l’élaboration de la présente proposition de loi.

Dans un registre beaucoup moins dramatique, un autre élément contribue à l’enracinement du sentiment d’insécurité et d’injustice parmi les usagers des transports collectifs : la fraude, et surtout l’incapacité de notre droit actuel à l’enrayer.

Difficilement quantifiable, la Cour des comptes estime, dans son rapport annuel du 11 février 2015, que la fraude cause d’importantes pertes de recettes, avec un taux moyen de 5 % des recettes commerciales mais qui peut atteindre 20 % 3. Cela représente plus de 500 millions d’euros pour les opérateurs de transport (300 millions pour la SNCF, 100 millions pour la RATP et 100 millions pour les entreprises de transport urbain de province).

La fraude dans les transports, en apparence protéiforme, n’est que pour une part négligeable une fraude dite « économique », étant donné qu’il existe sur l’ensemble des réseaux de transport public urbain une vaste gamme de tarifs sociaux pouvant aller jusqu’à la gratuité pour les personnes les plus démunies.

Il s’agit surtout d’une fraude « comportementale ». La fraude est alors un choix délibéré, pleinement assumé et revendiqué, comme l’atteste les manifestes de « mutuelles de fraudeurs » qui pullulent sur Internet ces dernières années, et dont l’objectif ultime est d’imposer la gratuité des transports pour l’usager (qui, rappelons-le, n’acquitte aujourd’hui en moyenne que 28 % du prix d’un billet de TER !) via la cotisation, pour moins d’une dizaine d’euros par mois, à une mutuelle qui prend en charge les amendes dressées. Ils profitent en particulier de la relative impunité dont bénéficient les fraudeurs récidivistes qui n’encourent de peine conséquente pour « délit d’habitude » (six mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende) qu’à partir de dix procès-verbaux sur un an.

À cela s’ajoutent un usage dévoyé des réseaux sociaux et le développement d’applications numériques, comme « Infotracking » ou « Un ticket ? » pour signaler la présence de contrôleurs, à l’instar du logiciel Coyote pour détecter les contrôles radars sur la route.

Ces plateformes collaboratives proposent également des « guides du fraudeur », qui exploitent les limites techniques de nos infrastructures de transport et les failles de notre législation, notamment en matière de relevé d’identité et de domiciliation des personnes en infraction.

D’une part, un train, et a fortiori un métro, n'est pas un avion, et il est matériellement impossible d'effectuer un contrôle d'identité systématique des six millions de passagers ferroviaires quotidiens, à chaque porte de train, dans toutes les gares où ils embarquent des passagers, et sur toutes les lignes du pays.

D’autre part, il convient de rappeler que les contrôleurs sont autorisés à recueillir l’identité et l’adresse du contrevenant, mais si ce dernier refuse, le contrôleur est contraint, s’il entreprend de poursuivre la procédure, de faire réaliser le relevé d’identité par un officier de police judiciaire. À cet effet, il doit obtenir immédiatement – la jurisprudence l’interprète comme un délai d’une heure – un ordre d’un officier de police judicaire, sans lequel il ne peut pas retenir l’auteur de l’infraction jusqu’à l’arrivée de la police. Or cet ordre est parfois difficile à recueillir (officier de police judiciaire indisponible, couverture téléphonique défectueuse…). Selon la SNCF, seules 43 % des demandes d’ordre aboutissent. Par ailleurs, sur le terrain, dans des zones sensibles, le temps d’obtention de l’autorisation, propice à l’émergence de phénomènes de bandes, joue contre les agents des entreprises de transport et met en péril la sûreté des passagers de la rame ou des voyageurs dans l’enceinte de la gare. L’auteur de cette proposition de loi invite donc à raccourcir le délai d’obtention de cet ordre, en favorisant le développement de la visioconférence, actuellement utilisée pour la prolongation de la garde à vue.

Par ailleurs, une autre ruse des fraudeurs consiste, lorsqu’ils sont contrôlés et que l’adresse sur leur carte d’identité est périmée, à déclarer une fausse adresse, afin que le procès-verbal soit classé sans suite. La SNCF évalue ainsi à 42 % le nombre de procès-verbaux dans cette situation.

Ces deux éléments combinés expliquent un taux de recouvrement des procès-verbaux particulièrement bas (14 % à la RATP par exemple), contre 35 % en Belgique ou en Espagne 4.

Face aux comportements violents et à la banalisation des incivilités, les opérateurs de transport ont quasiment doublé leurs effectifs dédiés à la sûreté en dix ans. Ils ont développé des formations professionnelles à la sûreté, financées par l’adoption d’un accord de branche qui prévoit le versement de 0,3 % de la masse salariale des entreprises y participant. L’équipement des véhicules en dispositifs de sûreté (83 % sont équipés en vidéoprotection) et de nouveaux protocoles, à l’instar de la montée par la porte avant, ont également été instaurés. Par ailleurs, plus de 200 contrats locaux de sécurité, qui regroupent les représentants de l’État, les collectivités territoriales, les sociétés de transport et les acteurs locaux (chambres de commerce et d’industrie, bailleurs sociaux, associations…) ont été signés. Des expérimentations « de bout en bout » en partenariat avec sept trésoreries publiques ont été mises en place en 2014, pour améliorer le taux de recouvrement, avec une certaine efficacité puisque il est passé de 4,8 % à 25,2 % des procès-verbaux.

Enfin, les opérateurs de transport urbain ont investi le champ de la prévention sur le long terme en organisant notamment des opérations pédagogiques à destination des jeunes (journées portes ouvertes, rédaction de charte...), la prise en charge dans le cadre de « mesures de réparations » de mineurs condamnés pour des faits relatifs au transport.

Afin de tirer les enseignements de l’expérience de terrain des opérateurs de transport et d’identifier les obstacles tenaces à l’établissement durable d’un haut niveau de sûreté dans les transports, le Gouvernement a décidé en juin 2014 de réactiver le Comité national de la sécurité dans les transports en commun (CNSTC), instance créée en 2008 et qui ne s’était réunie auparavant qu’une seule fois, en décembre 2011. Chargée de piloter le plan national de sécurisation des transports, le CNSTC a fait plusieurs propositions le 16 décembre 2014 pour améliorer la lutte contre la fraude et renforcer la sûreté dans les transports en commun.

Outre les dispositions de nature réglementaire (renforcement de la coordination entre police nationale, gendarmerie nationale et les opérateurs de transport pour la prise en charge des fraudeurs qui refusent de décliner leur identité), le plan de lutte mis en place par la SNCF le 2 mars 2015, le CNSTC a listé une série de mesures législatives que la présente proposition de loi propose d’introduire dans notre droit.

En conséquence, la présente proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les atteintes graves à la sécurité publique, contre le terrorisme et contre la fraude dans les transports publics de voyageurs, s’articule autour de deux titres composés respectivement de six et trois articles.

Ainsi, le titre 1er du présent texte prévoit plusieurs dispositions permettant de mieux prévenir et lutter contre les actes terroristes et les atteintes graves à la sécurité publique dans les transports en commun.

Plus précisément, l’article 1erautorise les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP à procéder à des palpations de sécurité – uniquement en cas de circonstances graves constatées par le préfet, à l’inspection visuelle des bagages à main et à la fouille de ceux-ci ; les palpations de sécurité et la fouille des bagages ne pourraient être réalisées qu’avec le consentement des intéressés. Ce même article supprime l’agrément des agents en matière de palpations de sécurité, qui constitue un doublon avec les procédures, existant par ailleurs, qui imposent aux agents concernés de justifier de leur aptitude professionnelle à la palpation, en sus de leur moralité.

L'article 2 permet désormais aux forces de l’ordre d’assurer, pour le compte du représentant de l’État, le contrôle des agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP.

L’article 3 élargit les possibilités, pour les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP, d’exercer leurs missions en dispense du port de la tenue. La dispense du port de la tenue renforce l’efficacité des services opérationnels en facilitant la détection des infractions.

L’article 4 offre, en cas de nécessité, la possibilité aux agents de police judiciaire de constater par procès-verbaux les infractions à la police du transport ainsi qu’aux contraventions prévues par les règlements relatifs à la police ou à la sûreté du transport et à la sécurité de l'exploitation des systèmes de transport. Il ne s’agit pas de mettre à leur charge une nouvelle obligation mais de préciser une faculté, levant ainsi un doute.

L’article 5 introduit une simplification des règles de compétence territoriale des procureurs en matière de contrôles, de vérifications et de relevés d’identité. Lorsque ces opérations doivent être réalisées à bord d’un train, les réquisitions et instructions peuvent être délivrées, pour l’ensemble du trajet, par le procureur du ressort dans lequel se situe la gare de départ. Dans l’hypothèse où celle-ci se situe hors du territoire national, c’est le procureur de la gare d’arrivée qui est compétent. Ces possibilités sont introduites sans préjudice des prérogatives des procureurs territorialement compétents.

L’article 6 permet, au I, aux officiers de police judiciaire, aux agents de police judiciaire et à certaines catégories d’agents de police judiciaire adjoints de procéder, en vue de prévenir une atteinte grave à la sécurité des personnes et des biens, c’est-à-dire dans le cadre de la police administrative, à l’inspection visuelle des bagages à main et à leur fouille, avec l'accord du possesseur ou à défaut sur instruction du procureur de la République. Il prévoit la même possibilité d’inspection visuelle des bagages à main et à leur fouille au II, au profit des mêmes catégories d’agents dans le cadre d’une procédure judiciaire, sur réquisitions écrites du procureur de la République aux fins de recherche et de poursuite des actes de terrorisme.

Par ailleurs, le titre 2 prévoit plusieurs dispositions relatives à la lutte contre la fraude dans les transports publics de voyageurs.

L’article 7 propose de modifier l’article L. 2241-1 du code des transports pour permettre aux agents assermentés ou fonctionnaires mentionnés dans le I de cet article de constater par procès-verbaux le délit prévu par l’article 446-1 du code pénal (vente à la sauvette) lorsque celui-ci est commis dans les gares et dans toutes dépendances du domaine public ferroviaire.

En application de l’article L. 2241-1 du code des transports, les agents de contrôle et de sécurité ferroviaire peuvent constater par procès-verbal la contravention de vente à la sauvette dans les gares en application des articles 80-9 et 85 du décret du 22 mars 1942 portant règlement d'administration publique sur la police, la sûreté et l'exploitation des voies ferrées d'intérêt général et d'intérêt local, qui prévoit une contravention de 5e classe punie, au plus, de 1 500 euros.

Suite à la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, la vente à la sauvette dans les lieux publics est devenue un délit puni de six mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende par l’article 446-1 du code pénal. Le constat de ce délit permettra d’infliger des sanctions plus lourdes et dissuasives et de lutter plus efficacement contre la fraude dans les transports.

Est prévue à l’article 8 la modification des caractéristiques du « délit d’habitude » afin de lutter plus efficacement contre la récidive à la fraude dans les transports.

L’article L. 2242-6 du code des transports permet de lutter contre la récidive en sanctionnant de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende le fait de voyager, de manière habituelle, dans une voiture sans être muni d'un titre de transport valable.

L’alinéa 2 de cet article définit la manière habituelle de la façon suivante : « L'habitude est caractérisée dès lors que la personne concernée a fait l'objet, sur une période inférieure ou égale à douze mois, de plus de dix contraventions pour avoir voyagé sans titre de transport ou munie d'un titre de transport non valable ou non complété, qui n'ont pas donné lieu à une transaction en application de l'article 529-3 du code de procédure pénale. »

Chaque année, la fraude coûte plus de 300 millions d’euros à la SNCF. Ce manque à gagner pénalise directement les clients qui pourraient bénéficier de ce chiffre d’affaires perdu sous la forme de réinvestissements et permettrait notamment de contribuer à la modernisation du transport et au développement de nouveaux services pour les clients.

En 2014, 2,5 millions de procès-verbaux ont été établis par les chefs de bord de la SNCF ; la récidive concerne 60 % des procès-verbaux établis. Selon la SNCF, il y aurait 22 000 contrevenants éligibles au délit de fraude d’habitude. Un chiffre qui monterait à 52 800, si le seuil pour caractériser ce délit était abaissé à cinq procès-verbaux par an.

Pour lutter efficacement contre la fraude habituelle dans les transports en commun et rendre le délit de l’article L. 2242-6 du code des transports plus dissuasif, il est proposé de redéfinir la notion d’habitude prévue dans le deuxième alinéa de cet article en abaissant de dix à cinq le nombre d’infractions sur une période inférieure ou égale à douze mois caractérisant le délit d’inobservation habituelle des dispositions tarifaires.

Enfin, l’article 9 instaure un droit de communication entre les exploitants de transports publics et les administrations publiques (administrations financières, organismes de sécurité sociale) afin de faciliter la recherche des adresses communiquées par les contrevenants et ainsi améliorer le recouvrement des amendes infligées à ces derniers. Il lève ainsi l'obligation de secret professionnel pour permettre la transmission de données au profit des exploitants de transports publics ferroviaires, guidés ou routiers de manière symétrique au sein du code des transports et du livre des procédures fiscales.

Les modalités d’application de ce droit de communication seront précisées par un décret pris en Conseil d’État.

PROPOSITION DE LOI

TITRE IER

DISPOSITIONS RELATIVES À LA PRÉVENTION ET À LA LUTTE CONTRE LES ATTEINTES GRAVES À
LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET LE TERRORISME DANS LES TRANSPORTS PUBLICS DE VOYAGEURS

Article 1er

I. – L’article L. 2251-5 du code des transports est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’article L. 613-2 du code de la sécurité intérieure leur est également applicable dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. »

II. – La sous-section 1, de la section 1 du chapitre III du titre Ier du livre VI du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° À la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 613-2, les mots : « spécialement habilitées à cet effet et agréées par le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, par le préfet de police » sont remplacés par les mots : « justifiant d’une aptitude professionnelle ».

2° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 613-3, les mots : « agréées par la commission régionale d’agrément et de contrôle » sont remplacés par les mots : « justifiant d’une aptitude professionnelle ».

III. – Le II du présent article est applicable en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna. 

Article 2

I. – Le chapitre Ier du titre V du livre II de la deuxième partie du code des transports est complété par un article L. 2251-6 ainsi rédigé :

« Art. L. 2251-6. – Sans préjudice des dispositions prévues au code de procédure pénale pour le contrôle des personnes habilitées à constater les infractions à la loi pénale, les commissaires de police, les officiers de police et les officiers et sous-officiers de la gendarmerie nationale assurent, pour le compte du représentant de l'État dans le département ou, à Paris, du préfet de police, le contrôle des agents des services internes de sécurité mentionnés à l’article L. 2251-1.

« Ils peuvent recueillir, sur convocation ou sur place, les renseignements et justifications nécessaires sur l’activité opérationnelle de ces services.

« Ils peuvent transmettre à l’exploitant toute information établissant qu’un agent d’un service interne de sécurité mentionné à l’article L. 2251-1 se trouve dans l’une des situations décrites aux trois premiers alinéas de l’article L. 2251-2.

II. – Le chapitre II du titre V du livre II de la deuxième partie du code des transports est complété par un article L. 2252-2 ainsi rédigé :

«  Art. L. 2252-2. – Est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende le fait de mettre obstacle à l'accomplissement des contrôles exercés dans les conditions prévues à l'article L. 2251-6. »

Article 3

Au début du deuxième alinéa de l’article L. 2251-3 du code des transports, les mots : « Les cas exceptionnels dans lesquels » sont remplacés par les mots : « Dans des lieux mentionnés aux articles L. 2251-1-1 et L. 2251-1-2 particulièrement exposés aux infractions prévues au titre quatrième du livre II du présent code, aux actes de terrorisme ou aux infractions de criminalité et de délinquance organisées telles que définies aux articles 311-9, 312-6 et 322-8 du code pénal » et les mots : « sont fixés » sont remplacés par les mots : « dans des conditions fixées ».

Article 4

Le premier alinéa de l’article L. 2241-1 du code des transports est complété par les mots : « et les agents de police judiciaire » 

Article 5

I. – Le chapitre III du titre II du livre Ier du code de procédure pénale est complété par un article 78-7 ainsi rédigé :

« Art. 78-7. – Sans préjudice des prérogatives des procureurs territorialement compétents, le procureur de la République du ressort dans lequel se situe la gare de départ d’un véhicule de transport ferroviaire de voyageurs peut, en vue des contrôles et vérifications qui seront mis en œuvre dans ce véhicule sur son trajet, prendre les réquisitions prévues au sixième alinéa 6 de l’article 78-2 et à l’article 78-2-2.

« Lorsque la gare de départ se situe hors du territoire national, et sans préjudice des prérogatives des procureurs territorialement compétents, les réquisitions et instructions mentionnées au premier alinéa peuvent être prises par le procureur de la République du ressort dans lequel se situe la gare d’arrivée.

« Les procureurs des ressorts dans lesquels le train marque un arrêt en sont informés. » 

II. – Le dernier alinéa de l’article 18 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Lorsque les réquisitions prises par le procureur de la République en application des dispositions de l’article 78-7 le prévoient expressément, ces officiers ou agents de police judiciaire sont compétents pour les mettre en œuvre sur l’ensemble du trajet du véhicule de transport ferroviaire concerné. »

Article 6

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article 78-2-4 après le mot : « aussi » sont insérés les mots : « avec l’accord du possesseur ou, à défaut sur instruction du procureur de la République communiquée par tous moyens, à l’inspection visuelle des bagages à main et à leur fouille et ».

2° Au premier alinéa de l’article 78-2-2 après le mot : « aussi » sont insérés les mots : « à l’inspection visuelle des bagages à main et à leur fouille et » 

TITRE II 

DISPOSITIONS RELATIVES À LA POLICE DU TRANSPORT PUBLIC DE VOYAGEURS

Article 7

Le I de l’article L. 2241-1 du code des transports est complété par un alinéa ainsi rédigé:

« Les agents ou fonctionnaires mentionnés dans le présent I sont également chargés de constater par procès-verbaux le délit prévu à l’article 446-1 du code pénal lorsqu’il est commis dans les trains, cours ou bâtiments des gares, stations et toutes dépendances du domaine public ferroviaire, ou aux stations de transport guidé de voyageurs. » 

Article 8

Au deuxième alinéa de l’article L. 2242-6 du même code, le mot : « dix » est remplacé par le mot : « cinq ».

Article 9

I. – Après l'article L. 2241-2 du même code il est inséré un article L. 2241-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 2241-2-1. – Pour fiabiliser les données recueillies dans le cadre du constat des contraventions mentionnées à l’article 529-3 du code de procédure pénale, les agents chargés du recouvrement, spécialement désignés et habilités par l’exploitant, peuvent demander aux administrations publiques, notamment aux administrations financières et aux organismes de sécurité sociale, et recevoir d’eux, sans que puisse leur être opposé le secret professionnel, les informations et renseignements nécessaires à la réalisation de la procédure transactionnelle prévue à l’article 529-4 du code de procédure pénale.

« Les renseignements transmis dans ce cadre sont limités à l’état civil des débiteurs et à l’adresse de leur domicile. Ils ne peuvent être utilisés que dans la seule mesure nécessaire au recouvrement des sommes dues au titre des infractions commises par la même personne. Ils ne peuvent être communiqués à des tiers.

« Les demandes des exploitants et les renseignements communiqués en réponse sont transmis par l’intermédiaire d’une structure unique, commune aux exploitants. Les agents de cette structure unique susceptibles d’avoir accès à ces renseignements sont spécialement désignés et habilités.

« Les conditions d’exercice de ce droit de communication sont fixées par décret en Conseil d’État. »

II. – Le livre des procédures fiscales est ainsi modifié :

1° Le VII de la section II du chapitre III du titre II de la première partie est complété par un  9° ainsi rédigé :

« 9° Exploitants de transports publics ferroviaires, guidés ou routiers.

« Art. L. 166 E. – L’obligation du secret professionnel ne fait pas obstacle à ce que l’administration fiscale transmette à la structure unique mentionnée au troisième alinéa de l’article L. 2241-2-1 du code des transports ou aux agents des exploitants mentionnés au 4° du I de l’article L. 2241-1 du même code les informations utiles à la réalisation de la transaction prévue par les articles 529-3 et 529-4 du code de procédure pénale.

« L’obligation du secret professionnel ne fait pas obstacle à ce que les agents mentionnés au premier alinéa accèdent aux informations et documents nécessaires à l’exercice, lorsqu’ils y contribuent, de la mission de recouvrement forcé des amendes forfaitaires majorées sanctionnant les contraventions mentionnées à l’article 529-3 du code de procédure pénale. ».

2° Au second alinéa de l’article L. 113, les mots : « et L. 166 D » sont remplacés par les mots : « , L. 166 D et L. 166 E ».

1 Sondage IPSOS pour Axis communication, 2013.

2 Avis n° 2015-04-16-VIO-16 du Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes publié le 16 avril 2015

3 Rapport annuel de la Cour des Comptes, février 2015, p. 284.

4 Benchmark SNCF, Recouvrement RENFE/SNCB/DB, Septembre 2014


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