N° 3123 - Proposition de résolution de M. Bertrand Pancher tendant à amplifier la mobilisation collective en faveur de l'Aide au développement



N° 3123

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 octobre 2015.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à amplifier la mobilisation collective
en faveur de l’Aide au Développement,

présentée par Mesdames et Messieurs

Bertrand PANCHER, Philippe VIGIER, Thierry BENOIT, Charles de COURSON, Laurent DEGALLAIX, Stéphane DEMILLY, Yannick FAVENNEC, Philippe FOLLIOT, Jean-Christophe FROMANTIN, Philippe GOMES, Meyer HABIB, Francis HILLMEYER, Yves JÉGO, Jean-Christophe LAGARDE, Sonia LAGARDE, Maurice LEROY, Hervé MORIN, Michel PIRON, Franck REYNIER, Arnaud RICHARD, François ROCHEBLOINE, Maina SAGE, Rudy SALLES, André SANTINI, François SAUVADET, Jonas TAHUAITU, Jean-Paul TUAIVA, Francis VERCAMER, François-Xavier VILLAIN, Michel ZUMKELLER, Élie ABOUD, Laurence ARRIBAGÉ, Olivier AUDIBERT TROIN, Jean-Pierre DECOOL, Claude GOASGUEN, Arlette GROSSKOST, Antoine HERTH, Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, Jacques KOSSOWSKI, Yannick MOREAU, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Bérengère POLETTI, Axel PONIATOWSKI, Jean-Luc REITZER, Fernand SIRÉ, Guy TEISSIER, François VANNSON, Michel VOISIN et Marie-Jo ZIMMERMANN,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Du 30 novembre au 11 décembre 2015, la France accueillera et présidera la Conférence Paris Climat (COP21).

Nous sommes face à une responsabilité historique. Nous sommes sans nul doute la dernière génération capable de contenir le réchauffement climatique mondial à deux degrés, à l’horizon 2100, en parvenant à un accord universel contraignant, en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Dix-huit ans après l’adoption du Protocole de Kyoto – seul instrument juridiquement contraignant à ce jour – il est indispensable de réunir la communauté internationale autour d’un accord ambitieux, qui concernera aussi bien les pays développés que les pays émergents.

Parvenir à cet objectif, ce n’est pas répondre à des enjeux qui seraient abstraits, lointains ou flous. Ce n’est pas non plus s’adresser exclusivement à celles et ceux qui ont déjà la conviction que la protection de notre biodiversité doit constituer une priorité, indispensable à la sauvegarde de la planète.

À travers un accord ambitieux, il s’agit en réalité de répondre à des défis immédiats, concrets qui bouleversent d’ores et déjà le siècle qui s’ouvre. Il s’agit de prévenir le risque majeur que constitue le réchauffement climatique pour l’humanité. Il s’agit de saisir les opportunités d’un monde nouveau en modifiant en profondeur nos comportements et en posant les fondations d’une croissance vertueuse et durable.

Car les dérèglements climatiques ne peuvent plus être minimisés, circonscrits, envisagés à travers le prisme étroit de la seule dimension environnementale.

En effet, la mondialisation a gommé les frontières, accéléré la convergence de crises protéiformes et ainsi placé la maîtrise du réchauffement climatique au cœur des défis du 21ème siècle : défi sécuritaire, défi démographique, défi migratoire, défi économique, défi social, ou bien encore défi culturel.

Aujourd’hui, le réchauffement climatique jette des populations entières sur les routes, détériore les conditions de vie et la santé, génère de l’insécurité alimentaire et la pénurie des matières premières, engendre des conflits et des guerres, provoque l’effondrement de systèmes étatiques et menace la paix. Il met également en cause la soutenabilité de notre modèle de développement économique et de cohésion sociale.

Nous sommes par conséquent à la croisée des chemins. Notre rapport à la planète peut devenir une menace pour nous-mêmes. Il peut également être une chance unique de réconcilier économie de marché et éthique de la solidarité, de promouvoir une économie au service de l’Homme, une croissance et un progrès ordonnés au service du plus grand nombre.

Relever ce défi historique passera nécessairement par une relation équilibrée, de confiance et de solidarité entre les pays du Nord et les pays du Sud, leur partenariat étant la pierre angulaire de la mobilisation internationale en faveur du climat.

Afin de permettre aux pays en voie de développement de s’adapter aux défis liés au réchauffement climatique, les pays du Nord se sont engagés, en 2009, à Copenhague, à les soutenir à hauteur de 100 milliards d’euros par an d’ici à 2020. Seul le respect scrupuleux de cet engagement permettra de faire de la lutte contre le dérèglement climatique une cause commune, dépassant les intérêts nationaux ou continentaux.

Or, en 2014, l’Organisation de coopération et développement économiques (OCDE) annonce que les financements mobilisés par les pays développés en faveur des pays en voie de développement pour lutter contre le réchauffement climatique se seraient élevés à 54,9 milliards d’euros seulement (environ 62 milliards de dollars), ce chiffre est d’ailleurs très discutable car il regroupe à la fois public et privé, prêts et subventions, financements aux grands émergents puissants émetteurs de CO2 alors que les vraies victimes du dérèglement climatique sont les pays les plus pauvres et ne sont pas ou peu bénéficiaires.

Il est donc impératif que cette dynamique s’amplifie et que les pays du Nord augmentent leur contribution pour atteindre l’objectif de 100 milliards d’euros, une condition également essentielle à la réussite de la COP21.

Il est tout aussi essentiel que la relation entre les pays du Nord et les pays du Sud ne se résume pas seulement à ce soutien financier.

Cette relation exige, en effet, de favoriser des liens toujours plus étroits entre les peuples. Il est important qu’elle puisse prendre corps à travers l’émergence de projets concrets, au niveau local, dans les pays du Sud.

À cet égard, le modèle de la coopération décentralisée, initié au lendemain de la Seconde Guerre mondiale pour rapprocher la France et l’Allemagne, peut constituer un formidable levier d’actions, à condition que les financements consacrés à l’aide publique au développement soient à la hauteur des enjeux.

Selon l’Organisation de coopération et développement économiques (OCDE), la France n’a consacré que 0,36 % de son revenu national brut (RNB) à l’aide publique au développement en 2014.

Pour la cinquième année consécutive, le budget national de l’aide publique au développement est en baisse ; une baisse également subie, chaque année, par le budget consacré à l’écologie.

En 1970, les États-membres de l’Organisation des Nations unies s’étaient pourtant fixé un objectif de 0,7 % du revenu national brut (RNB) consacré à l’aide publique au développement. Adopté il y a maintenant 45 ans, cet objectif est malheureusement loin d’être atteint par de nombreux pays et encore moins d’être dépassé.

Le Danemark, le Luxembourg, la Norvège, le Royaume-Uni et la Suède ont pourtant montré la voie puisqu’ils ont d’ores et déjà dépassé l’objectif de 0,7 %. La France doit également faire partie de ce groupe de pays pionniers.

Le 28 septembre 2015, lors de la 70ème Assemblée générale des Nations unies à New York, le Président de la République a annoncé une hausse de 4 milliards d’euros de l’aide publique au développement à partir de 2020, pour atteindre l’objectif de 12 milliards d’euros.

Cette dynamique doit être consolidée et amplifiée afin de faire de la France un des pays leaders en matière d’aide publique au développement et de transition énergétique.

Ainsi, la capacité de nos collectivités territoriales à réaliser des projets locaux dans les pays du Sud, pour leur permettre d’adapter leur développement aux enjeux climatiques, doit absolument être renforcée.

Cette dynamique de solidarité entre les territoires permettra de mobiliser des bassins de vie entiers – élus, entreprises, associations, citoyens – autour de l’objectif de développement durable.

Elle aura également des effets vertueux pour nos territoires, comme pour les pays du Sud.

En effet, une action de coopération décentralisée n’est pas une dépense au seul profit du territoire des collectivités partenaires. Cet investissement a également des impacts positifs pour nos territoires et pour ses habitants, tant en termes de créations de richesses économiques qu’en termes d’échanges culturels et sociaux.

Faire de la lutte contre le dérèglement climatique une priorité internationale, nationale et locale en amplifiant l’aide au développement et en favorisant la coopération décentralisée en matière environnementale : tels sont les objectifs de la présente proposition de résolution.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34-1 de la Constitution,

Vu les articles 1er à 6 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Considérant que le rôle majeur que la France est amenée à jouer en présidant la 21ème Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques doit se manifester à travers la volonté de la représentation nationale d’être à l’avant-garde de la lutte contre le réchauffement climatique ;

Considérant que les rapports successifs du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat ont démontré de manière incontestable le lien entre les activités humaines, notamment l’usage des énergies fossiles, et la hausse de la concentration des gaz à effet de serre provoquant le réchauffement climatique ;

Considérant que le développement durable des pays du Sud est une condition indispensable pour contenir le réchauffement climatique mondial à deux degrés d’ici à 2100 ;

Considérant qu’il est vital que l’Europe accompagne la transition énergétique et démographique de l’Afrique, afin que ses habitants puissent y bâtir leur avenir comme ils le souhaitent et que les deux continents puissent bénéficier d’un partenariat équilibré ;

Considérant que le soutien, en particulier financier, des pays du Nord aux pays du Sud, à travers le Fonds vert pour le climat, et plus généralement à travers l’aide publique au développement, est un outil essentiel pour accompagner les pays du Sud dans leur transition ;

Considérant que l’un des enjeux principaux de la prochaine Conférence Paris Climat est d’aider les pays du Sud à s’adapter au dérèglement climatique et à les sensibiliser aux défis environnementaux et énergétiques qui les attendent ;

Considérant que la majorité des États, dont la France, n’a toujours pas atteint l’objectif, fixé pour la première fois en 1970 par l’Organisation des Nations unies, de consacrer 0,7 % de leur revenu national brut (RNB) à l’aide publique au développement ;

Considérant que les ministres des affaires étrangères de l’Union européenne ne sont toujours pas parvenus à fixer une date limite pour l’application effective de cet objectif de 0,7 %, alors même que l’Union européenne représente le plus important contributeur de l’aide mondiale ;

Considérant que la réalisation des huit objectifs adoptés dans le cadre des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), en 2000, a pris un retard conséquent dans de nombreux domaines, et que les inégalités entre les différents pays du monde persistent ;

Considérant que l’aide publique au développement est porteuse de croissance, renforce les liens et les échanges diplomatiques, économiques, sociaux et culturels entre les continents, les États et les peuples ;

Considérant qu’investir dans le développement des pays du Sud revient à préparer l’avenir des pays du Nord ;

Considérant que l’Organisation des Nations unies a adopté, le 25 septembre 2015, dix-sept objectifs du développement durable, visant notamment à éradiquer l’extrême pauvreté dans les pays du Sud d’ici à 2030 ;

Considérant que la lutte contre le réchauffement climatique est un objectif qui doit impérativement mobiliser l’ensemble des échelons de décisions et d’intervention ainsi que l’ensemble des acteurs, notamment les collectivités territoriales ;

Considérant que la coopération décentralisée, qui s’est développée à partir de la fin de la Seconde Guerre mondiale pour rapprocher la France et l’Allemagne, puis dans un souci de solidarité internationale à l’égard des pays en voie de développement, peut constituer un outil efficace, mutuellement profitable, pour faciliter l’accompagnement de la transition énergétique des pays du Sud par les pays du Nord ;

Considérant que la coopération décentralisée constitue une chance de valoriser l’image de nos territoires, de renforcer leur vitalité économique, de les faire bénéficier d’échanges de bonnes pratiques et de favoriser les échanges humains, universitaires, sociaux et culturels avec les pays du Sud ;

Considérant que les actions de coopération souffrent encore d’un manque d’organisation, de visibilité, de lisibilité et de coordination, notamment en ce qui concerne les possibilités ouvertes aux collectivités territoriales par la loi n° 2005-95 du 9 février 2005 relative à la coopération internationale des collectivités territoriales et des agences de l’eau dans les domaines de l’alimentation en eau et de l’assainissement ; par la loi n° 2014-773 du 7 juillet 2014 d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale ; et plus précisément par les articles L. 1115-1-1 et L. 1115-2 du code général des collectivités territoriales ;

Considérant que de nombreux outils de financement d’aide publique au développement n’ont toujours pas été mis en place ou ne sont pas effectifs, tant au niveau européen qu’international ;

Considérant qu’il n’existe pas de données concrètes sur les subventions réelles versées en faveur de la lutte contre le dérèglement climatique, et sur leur répartition entre le public et le privé ;

Considérant que les pays les moins avancés, doivent être les premiers bénéficiaires de l’aide au développement et des actions de coopération décentralisée ;

Considérant que les petits États et territoires insulaires (PETI) doivent également bénéficier des financements liés à la lutte contre le dérèglement climatique ;

Estime que la France doit contribuer à faire de la lutte contre le réchauffement climatique une priorité internationale, nationale et locale en amplifiant l’aide publique au développement et en favorisant les actions de coopération décentralisée.

Par conséquent,

L’Assemblée nationale

Article 1er

Souhaite que la France consacre 1 % du revenu national brut (RNB) de la France au budget de l’aide publique au développement, d’ici à 2030.

Article 2

S’engage à promouvoir toute action de fédération des partenaires de l’aide au développement au service des États en voie de développement et des projets, ainsi que tout vecteur de mobilisation des financements publics et privés, à l’instar de la fondation « Énergies pour l’Afrique » ;

Apporte son soutien et ses encouragements aux initiatives privées et associatives en ce sens et forme le souhait que le Gouvernement français puisse y prendre sa juste part par toutes mesures utiles, diplomatiques ou financières, afin de rappeler que l’avenir de la France et de l’ensemble de l’Europe se joue autant au Sud qu’au Nord de la mer Méditerranée.

Article 3

Invite le Gouvernement français à envisager la mise en place d’un dispositif de jumelage environnemental entre une ville française et une ville d’un pays du Sud, afin de mutualiser les bonnes pratiques, de partager les savoir-faire, et d’aider les pays émergents à s’adapter aux dérèglements climatiques.

Article 4

S’engage et formule le vœu que le Gouvernement français ainsi que les collectivités territoriales s’engagent, sensibilisent les différents acteurs de notre territoire aux enjeux de la coopération décentralisée, et communiquent sur les outils déjà existants, comme les dispositifs « 1 % eau », « 1 % déchets » et « 1 % énergie ».

Appelle les citoyens à prendre part à ces projets de solidarité, vecteurs de lien social dans nos territoires.

Appelle les entreprises à participer à ces projets de solidarité, créateurs de richesses et d’emplois, en lien avec les collectivités territoriales.

Article 5

Propose au Gouvernement français de réfléchir à une extension, au niveau de l’Union européenne, des dispositifs prévus par l’article L. 1115-1-1 du code général des collectivités territoriales, communément appelés « 1 % eau » et « 1 % énergie », et du dispositif prévu par l’article L. 1115-2 du code général des collectivités territoriales, communément appelé « 1 % déchets ».

Article 6

Souhaite que le Gouvernement français envisage d’augmenter le plafond des recettes de la taxe française sur les transactions financières affectées au Fonds de solidarité pour le développement.

Invite le Gouvernement français à soutenir, dans le cadre des négociations de la 21ème Conférence des Parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP21), la mise en place d’une taxe sur les transactions financières au niveau de l’Union européenne, afin notamment d’abonder le Fonds vert pour le climat.

Article 7

Invite le Gouvernement français à soutenir – dans le cadre des négociations de la 21ème Conférence des Parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP21) – l’intérêt d’obtenir des données concrètes sur toutes les subventions réelles versées pour la lutte contre le dérèglement climatique, ainsi que leur répartition entre fonds publics et fonds privés.

Article 8

Invite les Gouvernements des pays du Nord à soutenir de manière effective, dans le cadre du Fonds vert pour le climat, les pays du Sud ainsi que les petits États et territoires insulaires dans leur combat contre les effets du dérèglement climatique.

Souhaitent que les Gouvernements des pays du Nord, et notamment le Gouvernement français, concentrent leurs subventions en direction des pays les moins avancés, peu émetteurs de gaz à effet de serre mais particulièrement vulnérables au dérèglement climatique.


© Assemblée nationale