N° 3171 - Proposition de résolution de M. Jean-Claude Fruteau tendant à promouvoir la prise en compte des outre-mer dans les négociations de la COP 21



N° 3171

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 octobre 2015.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à promouvoir la prise en compte des outre-mer
dans les négociations de la COP 21.

présentée par Mesdames et Messieurs

Jean-Claude FRUTEAU, Maina SAGE, Serge LETCHIMY, Ibrahim ABOUBACAR, Brigitte ALLAIN, Bruno Nestor AZEROT, Ericka BAREIGTS, Huguette BELLO, Chantal BERTHELOT, Marie-Anne CHAPDELAINE, Stéphane CLAIREAUX, Daniel GIBBES, Philippe GOMES, Philippe GOSSELIN, Philippe HOUILLON, Patrick LEBRETON, Gabrielle LOUIS-CARABIN, Victorin LUREL, Alfred MARIE-JEANNE, Jean-Philippe NILOR, Monique ORPHÉ, Thierry ROBERT, Gabriel SERVILLE, Jean-Paul TUAIVA et Jean-Jacques VLODY,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La vingt-et-unième conférence des parties aux négociations sur le climat (COP 21), qui se tient prochainement à Paris, est généralement considérée comme devant marquer une étape décisive dans la concertation internationale pour lutter contre les conséquences du changement climatique qui menace notre planète.

Le consensus scientifique désormais atteint sur la réalité de ce phénomène et sur l’ampleur des conséquences qui risquent d’en découler à court et à moyen terme sur les conditions communes de la vie sur la Terre ne laisse plus de place au doute sur la nécessité de prendre des mesures énergiques et rapidement applicables pour lutter contre ses causes.

Les outre-mer sont en première ligne pour attester de l’urgence d’agir.

En effet, de toutes les parties du territoire français, les outre-mer sont de loin les plus immédiatement exposés aux conséquences visibles du changement climatique. Leurs territoires se situent, en grande majorité, dans des climats équatoriaux ou tropicaux, et sont fortement marqués par leur caractère maritime. Cette vulnérabilité, liée au positionnement géographique de ces territoires, est exacerbée pour la plupart d’entre eux par leur insularité. Ainsi, le quotidien de nos populations sera nécessairement affecté par une pression accrue sur le foncier, des conflits d’usage exacerbés, des destructions d’équipements ou de productions répétées et une dégradation générale de notre cadre de vie. C’est dire que les enjeux climatiques, notamment océaniques, y sont majeurs partout. On s’attend à une plus grande occurrence de valeurs extrêmes, que ce soit pour les températures ou précipitations. Les risques de tempêtes et de cyclones y ont toujours été élevés, mais le dérèglement climatique va très probablement contribuer, disent les spécialistes, à en amplifier les effets.

A la vulnérabilité physique, s’ajoute pour les outre-mer la fragilité économique. En effet, les économies de ces territoires sont modestes, isolées et souvent très dépendantes de leurs ressources naturelles, aujourd’hui menacées. Les concentrations urbaines importantes et le mitage de l’habitat donnent au dérèglement climatique des effets spécifiques, auxquels il convient d’ajouter des risques épidémiologiques accrus, qui sont rarement évoqués.

En outre, les territoires d’outre-mer se caractérisent notoirement par une biodiversité exceptionnelle représentant 80 % de la biodiversité française, dont 13 000 espèces endémiques. Dès aujourd’hui le changement climatique porte des atteintes souvent irréversibles à cette biodiversité.

Aussi bien les outre-mer sont-ils intéressés au premier chef par le bon déroulement des travaux de la COP 21.

Nous pensons, inversement, qu’une prise en compte explicite et clairement assumée de leur situation spécifique par rapport à l’objet de cette négociation peut apporter une efficace contribution au succès de celle-ci.

Tout d’abord, en raison de leur importance géopolitique. La France possède le deuxième domaine maritime mondial, couvrant 11 millions de km², dont 97 % se trouvent en outre-mer. De plus, les outre-mer sont présents dans tous les bassins océaniques ; ils ont les moyens de pratiquer avec les États-îles, leurs voisins, des coopérations efficaces, attestées par les déclarations régionales déjà signées dans l’Océan Indien (la Déclaration des Îles du 25 juin 2014), dans le Pacifique (la Déclaration de Lifou du 30 avril 2015 et la Déclaration de Taputapuâtea du 16 juillet 2015) ou dans la Caraïbe (l’Appel de Fort-de-France du 9 mai 2015).

Ensuite, parce qu’il existe dans les outre-mer de nombreuses initiatives qui montrent une disposition collective à affronter les difficultés vitales liées au changement climatique, à en prendre toute la mesure et à définir les stratégies d’atténuation et d’adaptation propres à en limiter les effets, y compris sur la longue durée. À une opinion publique encore insuffisamment sensible à la réalité du changement climatique et de ses conséquences, les outre-mer peuvent présenter la preuve de son existence et proposer des moyens propres à en contenir les conséquences.

C’est pourquoi il apparaît hautement souhaitable que, dans la préparation comme dans le déroulement de la COP 21, les outre-mer soient pleinement intégrés aux stratégies, nationales et internationales, de lutte et d’adaptation au changement climatique, comme dans la recherche des solutions les plus appropriées pour répondre à ces manifestations.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34-1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

– Réaffirme l'importance des outre-mer au sein de la nation, de par leur apport à la richesse française en termes de biodiversité et leur contribution géostratégique au territoire national.

– Souhaite que dans la définition de la stratégie de la France dans la conduite des négociations de la vingt-et-unième Conférence des Parties sur le climat (COP 21), toutes dispositions soient prises pour assurer la prise en compte de la situation spécifique des outre-mer et de leur exposition particulière aux conséquences du changement climatique, notamment dans la composition de la délégation française à la conférence.

– Souhaite que les outre-mer soient pleinement associés à la mise en œuvre ultérieure des décisions prises lors de la COP 21.

– Souhaite que des mesures adéquates soient prises pour faciliter la pérennité des efforts accomplis dans les outre-mer pour le développement des connaissances liées à l’étude du changement climatique et de ses conséquences et pour la mise en œuvre des actions d’atténuation et d’adaptation appelées par ce phénomène.

– Souhaite que soient résolument appuyées les initiatives de coopération régionale prises avec la participation des outre-mer dans les différentes régions océaniques où ceux-ci sont présents.


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