N° 3210 - Proposition de loi de M. Jean-Yves Le Déaut précisant les modalités de création d'une installation de stockage réversible en couche géologique profonde des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue



N° 3210

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 novembre 2015.

PROPOSITION DE LOI

précisant les modalités de création d’une installation de stockage réversible en couche géologique profonde des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire,
à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Madame et Messieurs

Jean-Yves LE DÉAUT, Jean-Louis DUMONT, Christian BATAILLE et Anne-Yvonne LE DAIN,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis le début des années quatre-vingt-dix, le dossier de la gestion des déchets radioactifs a été mené avec une remarquable continuité politique, aussi bien par les gouvernements successifs que par la représentation nationale, au travers des lois n° 91-1381 du 30 décembre 1991, relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs, et n° 2006-739 du 28 juin 2006 de programme, relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs.

Cette dernière a décidé de la construction d’une installation de stockage réversible en couche géologique profonde destinée aux déchets radioactifs à haute et moyenne activité à vie longue. Ce choix a depuis été conforté par la directive européenne 2011/70/Euratom du 19 juillet 2011 qui impose à la France, pour les déchets de ce type, de mettre « en place un stockage dans des installations appropriées qui serviront d’emplacement final » et précise que : « L’entreposage de déchets radioactifs, y compris à long terme, n’est qu’une solution provisoire qui ne saurait constituer une alternative au stockage ».

La présente proposition de loi prévoit des ajustements du dispositif législatif mis en place en 2006, nécessaires à la poursuite normale du projet de stockage réversible en couche géologique profonde. Cela n’apparaît nullement exceptionnel, alors que les conditions de réalisation de ce projet ont été précisées par les recherches et études menées ces dix dernières années par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) et qu’un débat public a fait apparaître de nouvelles attentes des citoyens.

La présente proposition de loi définit la notion de réversibilité, précise que l’exploitation de l’installation de stockage en couche géologique profonde doit débuter par une phase industrielle pilote – laquelle répond à l’une des principales attentes exprimées lors du débat public organisé en 2013 –, adapte la procédure d’autorisation d’une telle installation et le calendrier du projet.

Cette installation fera l’objet d’une autorisation de mise en service partielle, tandis que l’autorisation de création couvrira l’ensemble du projet, y compris ses phases ultérieures, afin que la démonstration de sûreté en soit apportée globalement. L’autorisation de mise en service complète ne pourra être accordée avant la promulgation d’une loi précisant, sur la base de l’expérience acquise, les conditions d’exercice, notamment sur le plan de la participation des citoyens, de la réversibilité de l’installation de stockage pour la suite de son exploitation.

Cette loi fera suite à un rapport de l’ANDRA présentant les résultats de la phase industrielle pilote, à un avis de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de la Commission nationale d’évaluation des recherches et études relatives à la gestion des matières et des déchets radioactifs (CNE2), ainsi qu’à une évaluation par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), qui rendra compte de ses travaux aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat.

La présente proposition de loi comporte également deux dispositions à caractère technique indispensables au dépôt de la demande d’autorisation de création (DAC) de l’installation de stockage réversible en couche géologique profonde : d’une part, le report de l’exigence de maîtrise foncière au moment de la délivrance de l’autorisation de mise en service complète, afin de permettre des acquisitions progressives de terrains ou de tréfonds en cohérence avec la progressivité du développement des ouvrages, et, d’autre part, la limitation de l’exigence de maîtrise foncière aux seuls tréfonds pour les installations souterraines. De plus, elle étend à dix ans le délai, en règle générale fixé à cinq ans, entre le débat public et l’enquête publique.

Enfin, la proposition de loi définit un nouveau calendrier pour le projet CIGEO, en prévoyant une instruction de la demande d’autorisation de création de l’installation en 2018, au lieu de 2015 comme cela était prévu par l’article 3 de la loi n° 2006-739 du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Le code de l’environnement est ainsi modifié :

1° L’article L. 542-1-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La réversibilité est la capacité, pour les générations successives, à revenir sur des décisions prises lors de la mise en œuvre progressive d’une installation de stockage. La réversibilité doit permettre de garantir la possibilité de récupérer des colis de déchets déjà stockés pendant une période donnée et d’adapter l’installation initialement conçue en fonction de choix futurs. » ;

2° L’article L. 542-10-1 est ainsi modifié :

a) Après le premier alinéa est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le caractère réversible d’une installation de stockage en couche géologique profonde doit être assuré dans le respect de la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 593-1 du code de l’environnement. À chaque étape de la réversibilité, et tout au long de la vie de l’installation, l’Autorité de sûreté nucléaire contrôle les conditions de sa mise en œuvre. » ;

b) Le septième alinéa est ainsi modifié :

– À la première phrase, les mots : « de réversibilité » sont remplacés par les mots : « d’exercice, notamment sur le plan de la participation des citoyens, de la réversibilité de l’installation pour la suite de son exploitation. » ;

- La seconde phrase est supprimée.

Article 2

L’article L. 542-10-1 du code de l’environnement est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa, est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’exploitation d’une installation de stockage en couche géologique profonde débute par une phase industrielle pilote permettant de conforter le caractère réversible et la démonstration de sûreté de l’installation, notamment par un programme d’essais in situ. Tous les colis de déchets doivent rester récupérables durant cette phase. La phase industrielle pilote comprend des essais de récupération de colis de déchets. »

2° Après le sixième alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« - l’autorisation de mise en service mentionnée à l’article L. 593-11, délivrée par l’Autorité de sûreté nucléaire, est limitée à la phase industrielle pilote ;

« - les résultats de la phase industrielle pilote font l’objet d’un rapport de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, d’un avis de la commission mentionnée à l’article L. 542-3, d’un avis de l’Autorité de sûreté nucléaire et du recueil de l’avis des collectivités territoriales situées en tout ou partie dans une zone de consultation définie par décret ;

« - le rapport de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, accompagné de l’avis de la commission nationale mentionnée au même article L. 542-3 et de l’avis de l’Autorité de sûreté nucléaire, est transmis à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, qui l’évalue et rend compte de ses travaux aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat ; »

3° Après le septième alinéa, est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« - après promulgation de cette loi, l’autorité de sûreté nucléaire se prononce sur l’autorisation de mise en service complète de l’installation ; »

4° Au huitième alinéa, le mot : « création » est remplacé par les mots : « mise en service complète » et les mots : « cette loi » sont remplacés par les mots : « la loi ».

Article 3

I. – Au 2° de l’article 3 de la loi n° 2006-739 du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs, l’année : « 2015 » est remplacée par l’année : « 2018 ».

II. – L’article L. 542-10-1 du code de l’environnement est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa, est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Afin de garantir la participation des citoyens tout au long de la vie d’une installation de stockage en couche géologique profonde, l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, créée à l’article L. 542-12, élabore et met à jour tous les trois ans, en concertation avec l’ensemble des parties prenantes et le public, un plan directeur de l’exploitation de celle-ci. » ;

2° Après le troisième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« - l’article L. 593-17 ne s’applique pas à la demande d’autorisation de création de l’installation. La mise en service complète de celle-ci ne peut être autorisée que si l’exploitant est propriétaire des terrains servant d’assiette aux installations de surface et des tréfonds contenant les ouvrages souterrains ou s’il a obtenu l’engagement du propriétaire des terrains de respecter les obligations qui lui incombent en application de l’article L. 596-22 ;

« - pour l’application du titre IX du présent livre, les tréfonds contenant les ouvrages souterrains peuvent tenir lieu de terrain servant d’assiette pour ces ouvrages ; »

3° Le quatrième alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Le délai de cinq ans mentionné à l’article L. 121-12 est porté à dix ans ; les dispositions du présent alinéa ne s’appliquent pas aux nouvelles autorisations mentionnées à l’article L. 593-14 relatives à l’installation ; »

4° Le neuvième alinéa devient le sixième alinéa et est complété par une phrase ainsi rédigée : « L’autorisation de création de l’installation est délivrée par décret en Conseil d’État, pris selon les modalités définies à l’article L. 593-8, sous réserve que le projet respecte les conditions fixées au présent article ; ».


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