N° 3287 - Proposition de loi de M. François de Rugy visant à l'automaticité du déclenchement de mesures d'urgence en cas de pics de pollution



N° 3287

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er décembre 2015.

PROPOSITION DE LOI

visant à l’automaticité du déclenchement de mesures d’urgence en cas de pics de pollution,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire,
à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

François de RUGY, Barbara POMPILI, Denis BAUPIN, Cécile DUFLOT, Laurence ABEILLE, Éric ALAUZET, Brigitte ALLAIN, Isabelle ATTARD, Danielle AUROI, Michèle BONNETON, Christophe CAVARD, Sergio CORONADO, François-Michel LAMBERT, Noël MAMÈRE, Véronique MASSONNEAU, Paul MOLAC, Jean-Louis ROUMÉGAS et Eva SAS

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Une étude publiée par l’Organisation Mondiale de la Santé en avril 2015 donne l’ampleur des dégâts causés par la pollution atmosphérique. Rien que dans les 53 pays de la région européenne, elle aurait engendré 600 000 décès prématurés et coûté 1 400 milliards d’euros en 2012.

Parmi les secteurs polluants, celui des transports représente la première cause de mortalité prématurée, avec 50 % des décès (source OCDE 2014). L’industrie et le chauffage urbain (et notamment les feux de cheminées dans certaines agglomérations), sont par ailleurs responsables de parts importantes des émissions polluantes. Il y a donc urgence à intervenir dans ces divers domaines pour réduire les concentrations moyennes d’émissions tout au long de l’année.

Dans le secteur des transports, premier émetteur, des mesures doivent être prises pour développer des flottes moins polluantes, optimiser les déplacements et cargaisons, ou encore favoriser le transfert de la route vers le rail. Pour réduire les coûts sanitaires et économiques dus à la pollution de l’air, qui représentent près de 10 % du produit intérieur brut européen, des solutions et politiques de long terme doivent être menées.

En complément de ces mesures structurelles, il y a urgence à être plus réactifs lors des pics de pollution à répétition que connaissent toutes les grandes agglomérations. Ceux-ci sont particulièrement ravageurs et appellent à des prises de décisions rapides et efficaces pour réduire les émissions.

Notre pays fait régulièrement l’objet d’avertissements de la part des autorités européennes pour manquement aux directives communautaires en matière de qualité de l’air. Le 29 avril 2015, la Commission européenne menaçait dans un communiqué de renvoyer la France devant la Cour européenne de justice si celle-ci ne prenait pas des mesures « ambitieuses, rapides et efficaces » pour limiter l’exposition de la population aux particules fines. Si le cas de Paris est régulièrement mis en exergue, la Commission identifiait dix agglomérations pour lesquelles les limites journalières maximales sont trop souvent dépassées : Paris, Lyon, Grenoble, Marseille, en Martinique, en Rhône-Alpes (vallée de l’Arve), en PACA-ZUR [zone urbaine régionale], à Nice, Toulon et Douai-Béthune-Valenciennes.

La lutte contre la pollution implique la mise en place d’un dispositif global qui comporte à la fois des politiques de mobilité durable de long terme (renforcement du réseau des transports en commun et des pistes cyclables, développement de l’autopartage, réduction de la vitesse autorisée de 50 à 30 km/h, …) et la prévision de mécanismes d’urgence en cas de pics de pollution.

La présente proposition de loi vise à améliorer la gestion des situations d’urgence que représentent les pics de pollution. La législation actuelle se caractérise notamment par un manque de réactivité face à des procédures de décisions complexes auxquelles les élus locaux et les autorités organisatrices des transports sont trop peu associées.

À titre d’exemple, lors des pics de pollution de mars 2014 et mars 2015, il a fallu attendre sept jours consécutifs de pollution de l’air en Île-de-France et de longues tergiversations avant que l’État ne mette en place la circulation alternée à Paris et sa proche banlieue.

En Île-de-France, seul un arrêté du préfet peut enclencher le processus de circulation alternée, après trois jours de pic de pollution aux particules, et si la prévision est encore mauvaise pour le quatrième jour. Les élus souhaitent que ce dispositif soit plus rapidement appliqué et être associés à la décision.

Une évaluation réalisée en mars 2014 a montré que les mesures finalement prises ont permis de réduire le trafic routier de 18 % dans la capitale, de 13 % dans la petite couronne et de 9 % dans la grande couronne tandis que la concentration de particules avait diminué de 6 % et celle de dioxyde d’azote de 10 %.

Suite aux pics de pollution récents en France et aux débats, voire polémiques, qu’ils ont engendrés, la présente proposition de loi formule des propositions concrètes sur les deux aspects opérationnels suivants :

– qui prend les décisions de déclencher les mesures d’urgence ;

– quand se prennent ces décisions.

L’article 1er intervient sur la prise de décision : il prévoit l’automaticité des mesures d’urgence en cas d’épisode de pollution persistant ou dès que le seuil d’alerte pour l’un des composants est dépassé durant plus de 24 heures consécutives pour l’un des polluants listés à l’article 2.

L’article 2 vise à introduire directement dans le code de l’environnement les normes de qualité de l’air et seuils déclenchant les mesures d’information et de recommandation, puis d’alerte. Concernant les particules fines, qui ont souvent concentré l’attention, le seuil d’information de concentration en particules fines (PM10) est fixé à 50 μg/m3 et le seuil d’alerte à 70 μg/m3.

L’article 3 propose de citer explicitement dans le code de l’environnement certains foyers ouverts (feux de cheminée notamment) parmi les mesures préventives explicites.

L’article 4 prévoit que le Plan de mobilité des entreprises prévoit des mesures particulières en cas de pic de pollution : télétravail pour les salariés sensibles, aménagement des horaires, …

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Le chapitre III du titre II du livre II de la première partie du code de l’environnement est complété par un article L. 223-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 223-3. – Un épisode de pollution est considéré comme persistant pour un polluant donné lorsqu’il est caractérisé par un constat de dépassement du seuil d’information et de recommandation durant vingt-quatre heures consécutives et par une prévision de dépassement du seuil d’information et de recommandation tels que définis à l’article L. 223-1 pour ce polluant.

« Dans chaque agglomération ou zone surveillée, en cas d’épisode de pollution persistant ou lorsque les seuils d’alerte définis à l’article L. 223-1 sont dépassés durant plus de vingt-quatre heures consécutives pour un polluant donné :

« – soit sur une surface d’au moins cent kilomètres carrés au total dans la région de référence ;

« – soit lorsqu’au moins 10 % de la population d’un département de la région de référence sont concernés.

« Le représentant de l’État dans le département déclenche, après consultation des présidents des établissements publics de coopération intercommunale et des présidents des autorités organisatrices des transports des zones couvertes par les dépassements de seuils, la procédure d’alerte à la pollution pour le lendemain et pour une période de quarante-huit heures, renouvelée en tant que de besoin.

« Un décret en Conseil d’État précise les différentes mesures applicables aux sources fixes et mobiles de pollution et les modalités de leurs mises en œuvre. »

Article 2

L’article L 223-1 du code de l’environnement est ainsi modifié :

1° À la deuxième phrase du premier alinéa, après le mot : « véhicules » sont insérés les mots : « de l’utilisation de certains foyers ouverts ».

2° Le deuxième alinéa est remplacé par cinquante-sept alinéas ainsi rédigés :

« Les normes de qualité de l’air sont établies par polluant comme suit :

« 1. Oxydes d’azote :

« 1. 1. Dioxyde d’azote :

« a) Objectif de qualité : 40 µg/m³ en moyenne annuelle civile ;

« b) Seuil d’information et de recommandation : 100 µg/m³ en moyenne horaire ;

« c) Seuils d’alerte :

« 200 µg/m³ en moyenne horaire, dépassé pendant trois heures consécutives ;

« 100 µg/m³ en moyenne horaire si la procédure d’information et de recommandation pour le dioxyde d’azote a été déclenchée la veille et le jour même et que les prévisions font craindre un nouveau risque de déclenchement pour le lendemain ;

« d) Valeur limite horaire pour la protection de la santé humaine : 100 µg /m ³ en moyenne horaire à ne pas dépasser plus de dix-huit fois par année civile, cette valeur limite étant applicable à compter du 1er janvier 2010 ;

« e) Valeur limite annuelle pour la protection de la santé humaine : 40 µg/m³ en moyenne annuelle civile, cette valeur étant applicable à compter du 1er janvier 2010.

« 1.2. Oxydes d’azote :

« Niveau critique annuel pour la protection de la végétation : 30 µg/m³ en moyenne annuelle civile.

« 2. Particules “ PM10 ” et “ PM2,5 ” :

« 2.1. Particules “ PM10 ” :

« a) Objectif de qualité : 20 µg/m³ en moyenne annuelle civile ;

« b) Seuil d’information et de recommandation : 50 µg/m³ en moyenne journalière selon des modalités de déclenchement définies par arrêté du ministre chargé de l’environnement ;

« c) Seuil d’alerte : 80 µg/m³ en moyenne journalière selon des modalités de déclenchement définies par arrêté du ministre chargé de l’environnement ;

« d) Valeurs limites pour la protection de la santé :

« 50 µg/m³ en moyenne journalière à ne pas dépasser plus de trente-cinq fois par année civile ;

« 40 µg/m³ en moyenne annuelle civile.

« 2.2. Particules “ PM2,5 ” :

« a) Objectif national de qualité : 10 µg/m³ en moyenne annuelle civile.

« b) Obligation en matière de concentration relative à l’exposition : 20 µg/m³;

« c) Objectif de qualité : 10 µg/m³ en moyenne annuelle civile ;

« d) Valeur cible : 20 µg/m³ en moyenne annuelle civile ;

« e) Valeur limite : 25 µg/m³ en moyenne annuelle civile.

« 3. Plomb :

« a) Objectif de qualité : 0,25 µg/m³ en concentration moyenne annuelle civile ;

« b) Valeur limite : 0,5 µg/m³ en moyenne annuelle civile.

« 4. Dioxyde de soufre :

« a) Objectif de qualité : 50 µg/m³ en moyenne annuelle civile ;

« b) Seuil d’information et de recommandation : 300 µg/m³ en moyenne horaire ;

« c) Seuil d’alerte : 500 µg/m³ en moyenne horaire, dépassé pendant trois heures consécutives ;

« d) Valeurs limites pour la protection de la santé humaine :

« 350 µg/m³ en moyenne horaire à ne pas dépasser plus de vingt-quatre fois par année civile ;

« 125 µg/m³ en moyenne journalière à ne pas dépasser plus de trois fois par année civile ;

« e) Niveau critique pour la protection de la végétation : 20 µg/m³ en moyenne annuelle civile et 20 µg/m³ en moyenne sur la période du 1er octobre au 31 mars.

« 5. Ozone :

« a) Objectif de qualité pour la protection de la santé humaine : 100 µg/m³ pour le maximum journalier de la moyenne sur huit heures, pendant une année civile ;

« b) Objectif de qualité pour la protection de la végétation : 6 000 µg/m³.h en AOT40, calculé à partir des valeurs enregistrées sur une heure de mai à juillet ;

« c) Valeur cible pour la protection de la santé humaine : 100 µg/m³ pour le maximum journalier de la moyenne sur huit heures, seuil à ne pas dépasser plus de vingt-cinq jours par année civile en moyenne calculée sur trois ans ou, à défaut d’une série complète et continue de données annuelles sur cette période, calculée sur des données valides relevées pendant un an ;

« d) Valeur cible pour la protection de la végétation : 18 000 µg/m³.h en AOT40, calculée à partir des valeurs sur une heure de mai à juillet en moyenne calculée sur cinq ans ou, à défaut d’une série complète et continue de données annuelles sur cette période, calculée sur des données valides relevées pendant trois ans ;

« e) Seuil de recommandation et d’information : 120 µg/m³ en moyenne horaire ;

« f) Seuil d’alerte pour une protection sanitaire pour toute la population : 160 µg/m³ en moyenne horaire ;

« g) Seuils d’alerte pour la mise en œuvre progressive de mesures d’urgence :

« – 1er seuil : 160 µg/m³ en moyenne horaire, dépassé pendant trois heures consécutives ;

« – 2e seuil : 240 µg/m³ en moyenne horaire, dépassé pendant trois heures consécutives ;

« – 3e seuil : 300 µg/m³ en moyenne horaire.

« 6. Monoxyde de carbone :

« Valeur limite pour la protection de la santé humaine : 10 mg/m³ pour le maximum journalier de la moyenne glissante sur huit heures.

« 7. Benzène :

« a) Objectif de qualité : 2 µg/m³ en moyenne annuelle civile ;

« b) Valeur limite pour la protection de la santé humaine : 5 µg/m³ en moyenne annuelle civile.

« 8. Métaux lourds et hydrocarbures aromatiques polycycliques :

« a) Pour l’application du présent article, le benzo(a)pyrène est utilisé comme traceur du risque cancérogène lié aux hydrocarbures aromatiques polycycliques dans l’air ambiant. Les hydrocarbures aromatiques polycycliques correspondent aux composés organiques formés d’au moins deux anneaux aromatiques fusionnés entièrement constitués de carbone et d’hydrogène ;

« b) Les concentrations en arsenic, cadmium, nickel et benzo(a)pyrène correspondent à la teneur totale de ces éléments et composés dans la fraction “ PM10 ” ;

« c) Valeurs cibles applicables à compter du 31 décembre 2012 :

Polluant

Arsenic

Cadmium

Nickel

Benzo(a)pyrÈne

Valeur cible (1)

6 ng/m³

5 ng/m³

20 ng/m³

1 ng/m³

(1) Moyenne, calculée sur une année civile, du contenu total de la fraction “ PM10 ”.
Le volume d’échantillonnage est mesuré dans les conditions ambiantes.

Article 3

À la seconde phrase du deuxième alinéa de l’article L. 222-6 du code de l’environnement, après le mot : « véhicules », sont insérés les mots : « à l’utilisation de certains foyers ouverts ».

Article 4

I. - La sous-section 1 de la section 1 du chapitre IV du titre Ier du livre II de la première partie du code des transports est complétée par un article L. 1214-8-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 1214-8-3. – En cas de déclenchement de la procédure d’alerte à la pollution telle que prévue aux articles L. 223-1 à L. 223-3 du code de l’environnement, le plan de mobilité prévu au 9° de l’article L. 1214-2 prévoit des mesures relatives à l’organisation du travail, au télétravail et à la flexibilité des horaires pour les salariés sensibles à la pollution atmosphérique et les salariés volontaires. »

II. - L’article L. 1214-8-3 du code des transports, dans sa rédaction résultant du présent article, s’applique à compter du 1er janvier 2018.


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