N° 3493 - Proposition de résolution de M. Nicolas Dhuicq invitant le Gouvernement à demander la levée des mesures restrictives imposées par l'Union européenne à la Syrie



N° 3493

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 février 2016.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

invitant le Gouvernement à demander la levée des mesures restrictives imposées par l’Union européenne à la Syrie,

présentée par Mesdames et Messieurs

Nicolas DHUICQ, Alain MOYNE-BRESSAND, Jean-Marie SERMIER, Jean-Pierre DECOOL, Jean-Luc REITZER, Michel VOISIN, Jean-Pierre GORGES, Jacques MYARD, Lucien DEGAUCHY, Fernand SIRÉ, Guy TEISSIER, Laurent FURST, Jean-Jacques GUILLET, Jean-Michel COUVE, Véronique BESSE, François ROCHEBLOINE, Guy GEOFFROY, Thierry MARIANI, Jean-Louis CHRIST, Alain SUGUENOT, Jean-Claude GUIBAL et Arlette GROSSKOST,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Pour mémoire, depuis une décision prise le 9 mai 2011, l’Union européenne (UE) a adopté une série de mesures restrictives contre la Syrie en raison de la violente répression politique exercée par les autorités syriennes à l’encontre de la population civile. Elle condamne ainsi notamment les tirs à balles réelles lors des manifestations pacifistes et les détentions arbitraires.

Les mesures adoptées par l’UE comprennent notamment un embargo sur les armes et sur le pétrole en provenance de la Syrie ainsi que des restrictions à l’égard des personnes coupables des évènements se déroulant actuellement en Syrie.

Les États membres prennent les mesures nécessaires afin d’empêcher l’entrée ou le passage en transit sur leur territoire des personnes inscrites à l’annexe de la décision.

Cependant, la décision prévoit des cas exceptionnels dans lesquels ces personnes peuvent être autorisées à pénétrer le territoire des États membres, tels que des raisons humanitaires ou lorsque l’État est l’hôte d’une organisation ou d’une conférence internationale.

Le 29 mai 2013, la France a levé l’embargo sur les armes qui était en vigueur depuis juin 2011 afin de livrer des armes aux rebelles.

Il est crucial aujourd’hui de prendre en considération les impacts économiques de la guerre en Syrie et par ricochet de l’embargo.

Tandis que le nombre de morts, de réfugiés et de déplacés n’a cessé de croître, qu’une multitude de familles ont été déchirées et que des quartiers entiers se sont mués en véritables zones de guerre, on a vu les économies nationales s’effondrer et les liens commerciaux régionaux voler en éclats.

Une étude menée par la Banque mondiale, en 2014, quantifiait les effets économiques directs et indirects de ce conflit sur six pays de la région du « Levant » : la Turquie, la Syrie, le Liban, la Jordanie, l’Iraq et l’Egypte.

Les effets directs procèdent de la diminution des effectifs et des compétences de la population active syrienne à la suite des pertes humaines et à l’exode des réfugiés, de la destruction des infrastructures mais aussi de l’embargo commercial auquel est soumis la Syrie, de l’augmentation du coût de l’activité économique, ainsi que d’un recul de la productivité.

Quant aux effets indirects, ils englobent le manque à gagner dû au gel des initiatives d’intégration commerciale visant à améliorer la qualité de la logistique et à libéraliser les échanges de services au sein de la région.

La guerre a mis un terme aux projets de renforcement des liens commerciaux intrarégionaux qui avaient émergé à la suite d’un accord entre la Turquie, la Syrie, le Liban et la Jordanie en 2010.

Les pays payant le plus lourd tribu sur le plan économique sont l’Iraq et la Syrie.

Or l’embargo commercial auquel la Syrie est soumise constitue la principale cause de cette situation.

Pour la Syrie, comme pour les autres pays de la région, le Liban, la Jordanie, la Turquie, le manque à gagner dû au gel des initiatives d’intégration commerciale est supérieur aux coûts directs de la guerre.

Cette situation n’est plus tolérable dans la mesure où ce sont les personnes civiles qui en souffrent.

Comparées aux autres régimes de mesures restrictives européennes, les sanctions économiques à l’encontre de la Syrie sont les plus diversifiées et poussées que l’Union européenne ait infligées à ce jour à des États tiers.

Toute circulation des capitaux a été en effet bloquée, privant le pays de ses revenus pour l’achat de biens dont il a besoin pour sa population et son économie. Même les virements des travailleurs syriens émigrés à leurs proches ne sont plus possibles.

Les exportations vers la Syrie, notamment de carburant, de mazout, de technologie et d’équipements pour l’exploitation et le raffinage du pétrole brut et pour la liquéfaction de gaz naturel et de centrales produisant de l’électricité ont été interdites. Or, sans carburant et sans électricité, l’agriculture, la production alimentaire, l’artisanat, l’industrie deviennent quasiment inexistants.

L’inflation est galopante. Les denrées alimentaires sont deux fois plus chères, le diesel et les importations sont rares.

À Damas, le courant électrique est coupé trois heures par jour et ailleurs davantage. Depuis trois ans, le produit national de la Syrie a diminué de 60 %, le taux de chômage a grimpé de près de 15 % à 58 %.

64,7 % des Syriens vivent dans une extrême pauvreté et ne peuvent même plus s’acheter les denrées alimentaires de base.

Dans cette situation désespérée, la violence, le fanatisme, la criminalité prospèrent et les organisations terroristes comme le Front al-Nosra et l’État islamique (EI) peuvent facilement recruter.

L’embargo contre un pays en développement tel la Syrie fait souffrir les populations civiles.

Ne l’oublions pas, plus d’un million de personnes, dont 500 000 enfants, ont perdu leurs vies dans les années quatre-vingt dix à la suite de l’embargo en Irak.

L’embargo contre la Syrie alimente les luttes sanglantes au sein du pays.

Aujourd’hui, alors qu’on décompte plus de 220 000 morts, près d’un million de blessés et de mutilés, plus de dix millions de personnes en fuite, il est urgent de demander la levée de l’embargo contre la Syrie afin de favoriser le redressement de l’économie du pays et stopper la misère galopante de ce peuple.

Il est urgent de demander la levée de l’embargo contre la Syrie pour que le pays puisse obtenir de l’aide humanitaire et de l’aide à la reconstruction. Les Syriens éprouvent beaucoup de difficultés à soigner leurs blessés et leurs malades en raison d’une pénurie tant de médicaments que de pièces détachées pour l’entretien des appareils d’imagerie médicale.

L’embargo a pour effet de détruire les entreprises, mettant les salariés au chômage. Ceux-ci sont alors, obligés d’émigrer, soit partent combattre contre finance pour Daech.

Les relations diplomatiques avec la Syrie doivent être rétablies et sa souveraineté doit être respectée.

Nous devons contribuer à la restauration de la paix en Syrie et dans la région et la levée de l’embargo doit constituer la première marche de cette entreprise.

Tel est l’objet de cette proposition de résolution.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34-1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Considérant que les sanctions prises par l’Union européenne à l’encontre de la Syrie contribuent à la paupérisation du pays et de sa population,

Considérant que les sanctions prises par l’Union européenne à l’encontre de la Syrie alimentent les luttes sanglantes au sein du pays,

Considérant que les sanctions prises par l’Union européenne à l’encontre de la Syrie ne peuvent que provoquer la violence, le fanatisme, la criminalité, terreaux du fanatisme et des organisations terroristes,

Invite le Gouvernement français à entamer une négociation au sein de l’Union européenne visant à lever la politique de sanction à l’égard de la Syrie ;

Invite le Gouvernement à demander la levée des mesures restrictives imposées par l’Union européenne à la Syrie.


© Assemblée nationale