N° 3678 - Proposition de loi organique de Mme Claudine Schmid pour une sécurité fiscale



N° 3678

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 avril 2016.

PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

pour une sécurité fiscale,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Claudine SCHMID, Jean-Marie TÉTART, Jean-Pierre BARBIER, Patrice VERCHÈRE, Alain MARSAUD, Sophie ROHFRITSCH, Franck MARLIN, Yves NICOLIN, Patrick HETZEL, Édouard COURTIAL, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Jean-Claude BOUCHET, Élie ABOUD, Sylvain BERRIOS, Olivier AUDIBERT TROIN, Gilles LURTON, Philippe VIGIER, Claude STURNI, Valérie LACROUTE, Guy TEISSIER, Michel ZUMKELLER, Michèle TABAROT, Yves FOULON, Dino CINIERI, Marc FRANCINA, Bernard DEBRÉ, Alain MARTY, Arlette GROSSKOST, Bernard ACCOYER, Bernard PERRUT, Michel VOISIN, Fernand SIRÉ, François-Xavier VILLAIN, Damien ABAD, Alain CHRÉTIEN, Jean-Pierre DECOOL, Alain MOYNE-BRESSAND, Lucien DEGAUCHY, Luc CHATEL, Daniel FASQUELLE, Axel PONIATOWSKI, Josette PONS,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’insécurité fiscale combinée au niveau considérable des prélèvements obligatoires, la France étant dans ce domaine deuxième au monde selon un rapport de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) de 2015, fait fuir les forces vives autant qu’elle dissuade les investissements dans l’économie française.

La sécurité fiscale, que prévoit cette proposition de loi organique, aura pour objectif de protéger les contribuables contre les effets néfastes de l’environnement fiscal fluctuant, en particulier les incohérences, la complexité des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale ou leur changement trop fréquents.

L’instabilité législative est source de défiance envers l’administration fiscale, que ce soit pour les entreprises ou les particuliers. Le coût de la complexité du droit est estimé entre 3 % et 5 % du produit intérieur brut (PIB) par l’OCDE. Noyées sous les réglementations, les entreprises ont le sentiment que l’administration est davantage là pour les contrôler de manière pointilleuse et pour les utiliser, comme elle prévoit de le faire aujourd’hui pour le prélèvement à la source, que pour les aider à développer leur activité.

La sécurité fiscale et la non-rétroactivité permettront aux entreprises d’avoir une meilleure visibilité et de meilleures prévisions. Il devient donc aussi nécessaire d’instaurer de la clarté, de l’intelligibilité et de la prévisibilité à notre environnement fiscal.

Afin de rendre aux Français et aux entreprises agissant sur notre territoire la confiance dans l’impôt sans laquelle il ne peut y avoir de développement économique durable, la présente proposition de loi organique vise à introduire, dans notre droit, trois principes nouveaux :

1° La sécurité fiscale, en d’autres termes un même impôt, ne pourra plus être modifiée plus d’une fois par législature, sauf dans le cas où il s’agit d’en diminuer le taux ou l’assiette. « Le principe de sécurité juridique suppose que le droit soit prévisible et que les situations juridiques restent relativement stables » explique le Conseil d’État dans son rapport public de 2006 Sécurité juridique et complexité du droit. Il s’agit de la protection des droits acquis et de la stabilité des situations juridiques.

2° La non-rétroactivité de la loi fiscale sauf, là encore, dans le cas où les modifications apportées à la loi fiscale auraient pour objet de réduire le taux ou l’assiette de l’impôt. Un tel principe existe déjà, sur le fondement de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, mais, à ce jour, le Conseil constitutionnel en limite l’application, au niveau constitutionnel, à la matière pénale. La présente proposition de loi vise à étendre ce principe de non-rétroactivité en matière fiscale. Elle vise également à l’étendre dans une acception stricte. Il s’agit en effet de ne prohiber toute situation conduisant à modifier les règles du jeu fiscal qu’en cas de circonstances exceptionnelles. L’actuel secrétaire d’État au budget, M. Christian Eckert, alors député, rapporteur général de la commission des finances, affirmait dans une interview donné au journal Le Monde le 14 octobre 2013 qu’il « n’est jamais bien vu de faire de la rétroactivité ».

3° Le Parlement devra édicter des normes claires, intelligibles et prévisibles pour les contribuables. « L’intelligibilité implique la lisibilité autant que la clarté et la précision des énoncés ainsi que leur cohérence», précise le Conseil d’État dans son rapport public de 2006, Sécurité juridique et complexité du droit. Le Conseil constitutionnel reconnaît, dans une décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999, une valeur constitutionnelle à l’objectif « d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi ». Il a réaffirmé ce principe à l’occasion de l’examen de la loi de finances pour 2006 : dans sa décision n° 2005-530 DC du 29 décembre 2005, il a d’ailleurs censuré une disposition relative au plafonnement global des avantages fiscaux, en raison de son excessive complexité, qu’aucun motif d’intérêt général ne suffisait à justifier. Dans une décision d’assemblée du 24 mars 2006, le Conseil d’État avait consacré le principe de sécurité juridique au niveau du droit interne. Dernièrement, le Conseil d’État a confirmé par sa jurisprudence que le principe de sécurité juridique s’appliquait en droit fiscal interne et notamment dans le cadre de la prescription. Dans deux arrêts rendus en 2012, le conseil applique ce principe en matière fiscale (4 avril 2012, 326760) et (30 mars 2011, 315066, Mezelle).

Les trois articles de la présente proposition de loi organique ont ainsi vocation à offrir à tous les acteurs économiques (particuliers et entreprises) un environnement juridique stable et prévisible leur offrant une visibilité propice à la consommation et à l’investissement. En outre, ces mesures prônées par cette proposition de loi organique s’imposeraient aux budgets de l’État et de la sécurité sociale.

PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

Article 1er

Un même impôt ne peut être modifié plus d’une fois au cours d’une même législature, sauf dans le cas où cette modification aurait pour objet de réduire le taux ou l’assiette de cet impôt.

Article 2

Les dispositions relatives à l’assiette et au taux des impositions de toutes natures ne peuvent avoir un caractère rétroactif ni remettre en cause une situation considérée comme acquise par le contribuable, sauf dans le cas où elles visent à réduire l’assiette ou à diminuer le taux de ces impositions.

Article 3

Les lois de finances et de financement de la sécurité sociale doivent respecter le principe de valeur constitutionnelle de sécurité juridique.


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