N° 3682 - Proposition de loi de Mme Marie-George Buffet pour tendre à l’autonomie des femmes étrangères



N° 3682

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 avril 2016.

PROPOSITION DE LOI

pour tendre à l’autonomie des femmes étrangères,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Marie-George BUFFET, François ASENSI, Alain BOCQUET, Jean-Jacques CANDELIER, Patrice CARVALHO, Gaby CHARROUX, André CHASSAIGNE, Marc DOLEZ, Jacqueline FRAYSSE et Nicolas SANSU,

député-e-s.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’autonomie des femmes étrangères résidant légalement en France n’est pas garantie par notre droit, car l’obtention de leur titre de séjour dépend souvent de leur situation maritale ou familiale. Cela les place dans une situation de dépendance vis-à-vis de leur conjoint qui n’est pas acceptable.

Les associations relatent les trajectoires de ces femmes qui subissent toutes sortes de souffrances par peur de se voir retirer leurs papiers. Certaines souhaitent simplement quitter leur mari mais y renoncent, d’autres sont confrontées à des situations très difficiles, comme la découverte de l’existence d’une autre famille lors de leur arrivée, ou encore un époux ou une belle-famille maltraitants.

Une autre menace existe dans certains cas puisque les conjoints peuvent demander le divorce ou la répudiation dans le pays d’origine sans les tenir informées. Les conjoints ont là un moyen de pression qui ne peut pas être conjugué avec la lutte pour l’égalité que nous avons engagée.

Ces situations sont notamment possibles parce que les accords bilatéraux, la technique de l’exequatur ne sont pas toujours favorables à ces femmes. De même, notre législation les maintient dans une subordination qui est contraire à nos textes fondateurs.

Nous ne pouvons pas condamner ces femmes étrangères à subir cette précarité financière, morale et psychologique. Il faut œuvrer à ce qu’elles soient autonomes et puissent mener une vie libre sur notre territoire ; pour cela, il faut leur garantir trois choses : un titre stable, un titre autonome, une autorisation de travailler.

Dans cette proposition de loi, nous avons essayé de mettre fin à différentes situations qui font naître ou qui favorisent la dépendance des femmes à l’égard de leur famille, leur conjoint ou encore vis-à-vis d’un pseudo « employeur » qui mettrait en place une traite des êtres humains.

Enfin, il nous semble impératif de reconnaître le statut de réfugié aux femmes qui se battent pour les droits de leurs semblables ou qui refusent de se soumettre à certaines pratiques, coutumes ou normes sociales mettant en cause leur intégrité physique et psychique.

Favoriser l’autonomie et l’indépendance des femmes étrangères, tel est l’objet de cette proposition de loi.

L’article 1 propose que la carte mention « vie privée et familiale » soit délivrée pour quatre ans, afin que ces femmes ne soient pas sous la pression permanente de leur époux.

L’article 2 propose que, lorsqu’une disposition du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est plus favorable qu’un traité ou un accord bilatéral, la disposition légale s’applique.

L’article 3 propose de modifier le CESEDA pour mettre fin à la possibilité de retirer un titre de séjour en cas de rupture de la vie commune pour tous les couples issus du mariage, PACS ou concubinage avéré dans le cadre de violences.

L’article 4 propose d’étendre aux violences familiales les dispositions permettant à l’étranger victime de violences de ne pas se voir retirer son titre de séjour pour un titre délivré au titre du regroupement familial.

L’article 5 propose de délivrer automatiquement une carte de résident à l’étranger ayant déposé plainte contre son conjoint, concubin ou partenaire lié par un PACS en cas de condamnation définitive.

L’article 6 permet aux étrangers ayant déposé plainte pour certaines infractions ou témoigné dans une procédure pénale ou bénéficiant de mesures de protection de pouvoir rester en France.

L’article 7 propose de reconnaître le statut de réfugié aux femmes persécutées ou menacées de persécutions dans leur pays, en raison de leur action en faveur des droits des femmes ou du fait de leur refus de se soumettre aux coutumes, normes sociales, pratiques discriminatoires de leur pays ou de leur orientation sexuelle.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France est ainsi modifié :

1° Après le mot : « temporaire », la fin du 3° de l’article L. 311 est ainsi rédigée : « dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont prévues au chapitre III du présent titre : cette carte de séjour temporaire a une durée maximale d’un an, à l’exception de la carte mentionnée à l’article L. 313-11 dont la durée est de quatre ans ».

2° À l’article 313-17, les mots : « L. 313-6 et à l’article L. 316-1 » sont supprimés.

Article 2

Le troisième alinéa de l’article L. 111-2 du même code est complété par les mots : « sauf si ces dispositions sont plus favorables aux étrangers ».

Article 3

Après le deuxième alinéa de l’article L. 313-12 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Si la carte prévue au 7° de l’article 313-11 a été délivrée en raison du mariage, du pacte civil de solidarité ou du concubinage de l’étranger, le préfet en accorde le renouvellement si la vie commune a été rompue en raison de violences familiales ou conjugales ».

Article 4

À la première phrase du quatrième alinéa de l’article L. 431-2 du même code, après le mot : « violences » sont insérés les mots : « familiales ou ».

Article 5

Au premier alinéa de l’article L. 316-4 du même code, les mots : « peut être » sont remplacés par les mots : « est ».

Article 6

Le chapitre VI du titre Ier du livre III du même code est complété par un article L. 316-5 ainsi rédigé :

« Art. L. 316-5. – 1° Sauf si sa présence constitue une menace à l’ordre public, l’autorité administrative délivre dans les plus brefs délais une carte de séjour temporaire portant la mention “vie privée et familiale” à l’étranger victime de violences si des procédures civiles et pénales liées aux violences sont en cours ».

« 2° Sauf si sa présence constitue une menace à l’ordre public, l’autorité administrative délivre dans les plus brefs délais une carte de séjour temporaire portant la mention : “vie privée et familiale” à l’étranger qui engage une procédure judiciaire en tant que victime de répudiation ».

Article 7

Après l’article L. 711-1 du même code, il est inséré un article L. 711-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 711-1-1. – La qualité de réfugié est reconnue à toute femme persécutée ou menacée de persécutions en raison de son action en faveur des droits des femmes, que cette action se manifeste de façon individuelle ou collective, Cette personne est régie par les dispositions applicables aux réfugiés en vertu de la convention de Genève du 28 juillet 1951 ».


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