N° 3917 - Proposition de loi de M. André Chassaigne relative à la création de France Energie



N° 3917

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er juillet 2016.

PROPOSITION DE LOI

relative à la création de France Énergie,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

André CHASSAIGNE, Patrice CARVALHO, François ASENSI, Alain BOCQUET, Marie-George BUFFET, Jean-Jacques CANDELIER, Gaby CHARROUX, Marc DOLEZ, Jacqueline FRAYSSE et Nicolas SANSU,

Député-e-s.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

De tous temps l’énergie a revêtu un caractère essentiel pour le développement d’un pays, de ses territoires, pour le bien-être de ses citoyens et la promotion de son industrie. La maîtrise du secteur énergétique a, de ce fait, toujours représenté un défi stratégique.

L’énergie est au cœur du développement des sociétés. Son usage efficace permet de multiplier les capacités d’action et de travail humains, et ainsi de mettre en place l’outil de production à même de satisfaire les besoins des populations. Cela signifie qu’un État, une Nation doivent se donner les leviers permettant d’agir sur ce secteur. L’action publique en la matière relève de l’intérêt général. Ces enjeux de maîtrise et d’indépendance ont justifié des affrontements, parfois des guerres. En 1945, à la libération, dans une économie dévastée, la France a fait le choix d’une maîtrise nationale et pacifique de ses sources d’énergie. Les choix énergétiques structurants de cette époque ont façonné le bouquet énergétique de notre pays.

L’analyse d’alors a conduit à promulguer une loi de nationalisation afin de rationaliser une production anarchique et peu efficace. Ont été notamment créées des entreprises intégrées exerçant un monopole public dans l’ensemble du secteur électrique et du gaz. Maillons essentiels de la réponse aux besoins de reconstruction du pays, ces entreprises nationales ont permis de produire une énergie fiable et peu coûteuse. Depuis, le secteur a été profondément transformé par les directives de déréglementation européennes. L’instauration d’un marché de l’énergie fort complexe est loin d’avoir prouvé son efficacité. La précarité énergétique augmente en Europe et en France.

D’autre part, des questions nouvelles sont apparues, comme celle du réchauffement climatique dû en partie à l’émission des gaz à effet de serre produits par l’activité humaine et l’aspiration citoyenne à obtenir des moyens d’intervention sur les choix d’intérêt général

Afin d’apporter une réponse à la crise du secteur énergétique en France liée aux déséquilibres engendrés par la déréglementation et permettre d’affronter plus efficacement les défis posés par le changement climatique, il est nécessaire de renforcer la maîtrise publique et sociale du secteur énergétique et de son évolution. La moindre utilisation des énergies fossiles, le recours aux énergies renouvelables, la sécurité du secteur nucléaire justifient une politique de développement coordonnée s’appuyant sur une bonne maîtrise de chacun de ses éléments. Il est proposé pour cela de créer un établissement public dénommé France Énergie qui rassemblera toutes les participations de l’État dans les entreprises du secteur.

Au travers de ce pôle public permettant un contrôle public accru, c’est la Nation qui commencera à reprendre le contrôle d’un secteur essentiel à son devenir. Pour autant, il ne s’agit pas d’un enferment qui ignorerait les liens d’interdépendance au plan européen et international. Nous proposons que la France au lieu de jouer seulement une politique de retardement face à la dérèglementation européenne se positionne en faveur d’une révision des articles du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) sur l’énergie et propose la création d’une agence européenne de l’énergie.

Les trois premiers articles consacrent la création de France Énergie.

L’article 1er de la loi crée un nouvel établissement public et définit ses missions. Ce qui justifiera de réécrire l’article 100-1 du code de l’énergie. Cet établissement public, dont la création est immédiatement réalisable, permet de poser les enjeux principaux : sécurisation énergétique du pays et droit effectif à l’énergie pour tous qui priment sur la recherche de la compétitivité.

Sécurité énergétique tout d’abord alors que des situations de black-out, telle que celle qui s’est produite dans les années deux mille en Californie ne sont plus à exclure si l’Europe continue à favoriser le développement anarchique des moyens de production et fonde son modèle énergétique sur une concurrence toujours plus poussée et la désintégration des grandes entreprises du secteur. La cohérence, au regard des besoins du pays, de la mise en œuvre de la transition énergétique est une dimension essentielle de la sécurité énergétique.

Cette dernière n’aurait pas de sens, sans un droit effectif à l’énergie pour tous les usagers. Cela concerne particulièrement la précarité énergétique qui est en augmentation dans notre pays (onze millions de personnes recensées en 2016). Cela inclut bien évidemment l’industrie qui a besoin d’une fourniture d’énergie fiable et à un coût maîtrisé pour se développer. C’est d’autant plus indispensable que les transferts d’usage nécessaires à la réduction des émissions de CO2, le développement de la mobilité propre et l’essor du numérique appellent un accroissement des besoins en électricité et que le gaz peut, lui aussi, se substituer à des combustibles plus émetteurs de CO2. Cet établissement sera le garant de l’égalité entre les territoires et entre les usagers, fondée notamment sur le principe de la péréquation tarifaire qu’il faut préserver.

L’article 2 assure une gestion globale de toutes les participations de l’État dans les entreprises du champ de l’énergie, afin d’assurer la cohérence de l’organisation de ce secteur sur le territoire national. À partir des axes définis (cf article 5) elle permettra une gestion optimale au service des tous les citoyens. Ce sera la première pierre d’un processus visant à assurer une réappropriation publique et sociale du secteur énergétique.

L’article 3 définit les modalités de la de la gestion démocratique de l’établissement public assurée de manière tripartite par des représentants de l’État, des élus de la Nation et des représentants du personnel. Cette gestion démocratique s’appuiera plus largement sur la consultation régulière des représentants des forces économiques, sociales et associatives de la société française représentées au sein du conseil supérieur de l’énergie. C’est l’objet de l’article 4.

L’article 5 donne comme mission à France Énergie d’élaborer les propositions en matière de politique énergétique. Cela concerne le bouquet énergétique mais aussi le développement des infrastructures de transport, de distribution, et de stockage ; décisions auxquelles les populations doivent être partie prenante. Enfin la question centrale de la fixation des tarifs incombera à France Énergie afin que ceux-ci répondent au double objectif de couvrir les coûts et donc permettre l’investissement mais également d’être au service du développement économique et social.

L’article 6 concerne le statut de tous les salariés du secteur afin de leur assurer un même haut niveau de garanties collectives, d’éviter le dumping social et de permettre la mobilité entre entreprises.

Enfin l’article 7 s’attache à créer, dans le secteur de l’énergie, un conseil supérieur traitant des sujets de la recherche et de la formation afin de coordonner les efforts dans le domaine et d’anticiper les besoins futurs.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Il est créé un établissement public dénommé France Énergie dont la mission est de sécuriser les approvisionnements en énergie du pays, de garantir un droit d’accès effectif à l’énergie pour tous, particuliers ou entreprises, et d’assurer un développement équilibré des territoires.

Article 2

Cet établissement public se voit confier la gestion de l’ensemble des participations de l’État dans les entreprises qui produisent, transportent, stockent, distribuent et commercialisent de l’énergie ou qui fournissent des services énergétiques.

La cession de participations est soumise au vote du Parlement.

Article 3

Sa gestion démocratique sera assurée par un conseil d’administration comprenant des représentants de l’État, des parlementaires représentant l’Assemblée nationale et le Sénat, des représentants des personnels du secteur.

Article 4

Le Conseil supérieur de l’énergie, outre ses missions définies par la loi est saisi pour information et avis sur les décisions essentielles envisagées par le conseil d’administration de France Énergie.

Article 5

France Énergie est chargé d’élaborer des propositions en matière de politique énergétique portant sur le bouquet énergétique, la gestion des entreprises du secteur ainsi que les tarifs. Il intègre ses orientations dans un plan de développement et d’efficacité énergétique soumis au vote du Parlement.

Article 6

Un décret en Conseil d’État fixe les modalités de création d’un statut de l’énergéticien élargissant le statut des industries électriques et gazières et englobant tous les personnels du secteur.

Article 7

Il est créé un Conseil supérieur de la recherche, des technologies et de la formation dont la mission est d’impulser et de coordonner l’effort de recherche, de développement technologique et de formation dans le domaine de l’énergie.

Article 8

La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


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